COMPRENDRE L’ INDE...Jammu-et-Cachemire Uttar Pradesh Rajasthan Gujarat SikkimSikkimSikkim...

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COMPRENDRE Réussissez votre séjour Découvrez l'art de vivre à l’indienne Évitez les faux pas Nouez des relations fructueuses INDE L’

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Réussissez votre séjour

Découvrez l'art de vivre à l’indienne

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Zones revendiquées soit par l’Inde,soit par la Chine ou soit par le Pakistan

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Mathieu Boisvert

L’Inde, de qui toute la terre a besoin et qui, seule, n’a besoin de personne.

Voltaire

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CréditsAuteur : Mathieu BoisvertÉditeur : Daniel DesjardinsAdjointe à l’édition : Annie GilbertCorrecteur : Pierre DaveluyInfographistes : Judy Tan, Philippe ThomasCartographe : Philippe ThomasDirecteur des éditions : Claude MorneauPhotographies : Première de couverture, Illustration du dieu Krishna, un des avatars de Vishnou : © Shutterstock.com/Shyamalamuralinath; Quatrième de couverture, Shiva : © Dreamstime.com/Rafał Cichawa; Jaipur : © iStockphoto.com/guillermo1956; Mumbai : © iStockphoto.com/Predrag Vuckovic; Photo de l’auteur © Agathe Roman

RemerciementsCe livre n’aurait pu être possible sans mes deux frères, Francis et Jagara, sans qui mon intérêt pour l’Inde ne se serait jamais développé. Je tiens également à remercier Béatrice Halsouet pour son œil aguerri et la lecture attentive qu’elle a effectuée du manuscrit. Je ne pourrais passer sous silence Mayté Perez, qui m’a mis sur la route d’Ulysse.

Guides de voyage Ulysse reconnaît l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour ses activités d’édition.

Guides de voyage Ulysse tient également à remercier le gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Guides de voyage Ulysse est membre de l’Association nationale des éditeurs de livres.

Note aux lecteursPour faciliter la lecture, les signes diacritiques sur les mots de langues indiennes ont été omis.

Tous les moyens possibles ont été pris pour que les renseignements contenus dans ce guide soient exacts au moment de mettre sous presse. Toutefois, des erreurs peuvent toujours se glisser, des omissions sont toujours possibles, des adresses peuvent disparaître, etc.; la responsabilité de l’éditeur ou des auteurs ne pourrait s’engager en cas de perte ou de dommage qui serait causé par une erreur ou une omission.

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Guides de voyage Ulysse 4176, rue Saint-Denis, Montréal (Québec), Canada H2W 2M5, www.guidesulysse.com, [email protected]

Les Guides de voyage Ulysse, sarl 127, rue Amelot, 75011 Paris, France, [email protected]

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Boisvert, Mathieu, 1963- Comprendre l’Inde (Comprendre) Comprend un index. ISBN 978-2-89464-752-3 1. Inde - Mœurs et coutumes - 21e siècle. 2. Inde - Guides. I. Titre. II. Collection : Comprendre (Éditions Ulysse) DS421.B64 2014 390.0954’0905 C2014-940384-4

Toute photocopie, même partielle, ainsi que toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, sont formellement interdites sous peine de poursuite judiciaire.© Guides de voyage Ulysse inc.Tous droits réservésBibliothèque et Archives nationales du QuébecDépôt légal – Premier trimestre 2015 ISBN 978-2-89464-752-3 (version imprimée)ISBN 978-2-89665-279-2 (version numérique PDF)ISBN 978-2-76580-387-4 (version numérique ePub)Imprimé au Canada

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Avant-propos 6

Histoire et civilisation indienne 13

Moments déterminants de l’histoire indienne 13Les civilisations autochtones dites dravidiennes (3000-1750 av. J.-C.) 14Arrivée des Aryens en Asie du Sud et syncrétismes (1700-500 av. J.-C.) 14Grandes cités et émergence des traditions hétérodoxes (800 av. J.-C. - 0) 16L’influence grecque (326-322 av. J.-C) 17Ashoka et son empire (300 av. J.-C.) 17La présence musulmane et l’Empire moghol (690-1857) 19La présence britannique (1600-1947) 20Le mouvement d’indépendance (1857-1947) 21Création de l’Inde et du Pakistan (1947) 23

La lignée du parti du Congrès : Nehru et sa famille 23

Cadre géographique 24Les régions côtières 24Le vaste Himalaya indien 26La plaine indo-gangétique 26Le plateau du Deccan 27Le désert du Thar 28

Arts et culture 29Cinéma 29Musique 31Danse et théâtre 32Architecture 33Littérature 34

Vie au quotidien 35

Une réelle mosaïque sociale 35La diversité ethnique et culturelle 35Les langues : indo-européennes, dravidiennes, tibéto-birmanes 36Les religions : diversité, vie en société et défis de demain 38Le clivage rural-urbain 42

La santé 43Un système à deux vitesses : public et privé 43L’eau 43Malaria, amibes et Giardia 44Précautions de base 45

L’éducation 46La complexe diversité du système scolaire indien 46

L’éducation supérieure et les universités 48

La sexualité 48Entre Indiens 48Homosexualité 49Entre visiteurs et Indiens 50Les viols collectifs 50

Les transports 51Le train 51Le bus 51L’avion 51La voiture et le taxi 52

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Vie en société 53

La famille, unité de base de la structure sociale 53

Classes et castes : deux structures fort différentes 55

Les grands moments de la vie 56Mariage 56Naissance 59Funérailles 60

Fêtes et festivals 61Jour de l’Indépendance 62Jour de la République 62Gandhi Jayanti 63Ramadan 63

Eid al-Adha 63Navaratri et Durga puja 64Divali 64Mahashivaratri 65Holi 65Ganesha caturthi 66

La nourriture 66Le tourisme 68Le tourisme « sac à dos » 68Le tourisme de type maharaja 68Le tourisme historique et culturel 69Le tourisme d’aventure 69Le tourisme médical et de mieux-être 70

Économie, affaires et travail 71

Portrait économique 71

Portrait politique et commercial 72Relations politiques et commerciales avec la Chine 74Relations politiques et commerciales avec la Russie 75Relations politiques et commerciales avec les États-Unis 75Projections : le BRIC 75Bharat Pravasi Divas 76

Principaux secteurs d’activité 76Secteur des technologies de l’information 76Secteur agroalimentaire 77Secteur de l’automobile 77Secteur des technologies vertes et de l’environnement 78Secteur de l’éducation 78Infrastructures 79Secteur de la santé 79Sous-traitance 80

Brasser des affaires en Inde 80Obstacles d’importance au développement économique et social 81Étiquette de base 82Quelques conseils pour percer sur le marché indien 83La francophonie/francophilie en Inde 85L’anglais comme langue de base 86Comment se vêtir pour les rencontres d’affaires 86La place des femmes dans le milieu des affaires 87Impact des ressortissants d’origine indienne dans les liens commerciaux 88

Où s’établir 89Delhi 89Mumbai 90Kolkata 90Chennai 91Bengaluru 91Hyderabad 91

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Épilogue 92Bibliographie 94

Index 95

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Quelques données

DémographiePopulation (estimation 2014) : 1 236 344 000 hab.

Densité : 376 hab./km2 (Canada : 3,4 hab./km2; France : 102 hab./km2; Belgique : 342 hab./km2)

Population urbaine (estimation 2011) : 31,3%

Les plus grandes villes (agglomérations) : New Delhi (22 654 000 hab.) Mumbai (19 744 000 hab.) Kolkata (14 402 000 hab.) Chennai (8 784 000 hab.) Bangalore (8 614 000 hab.)

Langues officielles : hindi, anglais (selon la constitution) et 20 autres langues (selon les différents États)

Composition ethnique : Indo-Aryens 72%, Dravidiens 25%

Religions : hindous 80,7%, musulmans 13,2%, chrétiens 2,4%, sikhs 2%, bouddhistes 0,8%, jaïns 0,4%

Espérance de vie : hommes 66,68 ans; femmes 69,06 ans

Taux d’alphabétisation (estimation 2011) : 74%

Prévalence du VIH (estimation 2013) : 0,27%

ÉconomieMonnaie : roupie indienne

PIB (estimation 2013) : 4 990G $US : 4e économie du monde (en parité de pouvoir d’achat)

PIB par habitant (estimation 2013) : 4 000 $US en parité de pouvoir d’achat, 169e au monde (Canada : 43 400 $US/hab., France : 36 100 $US/hab.)

Nombre d’Indiens vivant sous le seuil de pauvreté (estimation 2012) : 270 millions (21,9% de la population)

Les exportations (estimation 2012) : Émirats arabes unis 13,3%, États-Unis 12,2%, Chine 5%, Singapour 4,9%, Hong Kong 4,1%

Total des exportations pour l’Inde en 2013 : 313G $US

Les importations (estimation 2012) : Chine 10,7%, Émirats arabes unis 7,8%, Arabie saoudite 6,8%, Suisse 6,2%, États-Unis 5,1%

Total des importations en 2013 : 467G $US

Indications de consommation et de développementTéléphones portables pour 1 000 hab. (estimation 2012) : 690 (Canada : 760, France : 980)

Nombres d’utilisateurs d’Internet en 2013 : 205 millions, ou 17,6% de la population (Canada : 86,8%; France : 83%)

Coût de la vie : selon le site www.numbeo.com, la vie est 76% moins chère à Delhi qu’à Paris et 64% moins chère qu’à Montréal.

Nombre de voitures particulières en 2009 : 12 (Canada : 420, France : 481)

Indice de développement humain (IDH) en 2012 : 0,55; 136e rang (Canada 0,91 : 11e rang; France 0,89 : 20e rang)

Sources :http://fr.wikipedia.org/wiki/Indehttps://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/in.htmlhttp://en.wikipedia.org/wiki/HIV/AIDS_in_Indiahttp://www.oecd-ilibrary.org/economics/profil-statistique-par-pays-inde_csp-ind-table-frhttp://mospi.nic.in/Mospi_New/site/India_Statistics.asp. xhttp://www.statistiques-mondiales.com/telephones_mobiles.htmhttp://donnees.banquemondiale.org/pays/inde

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« Les Indiens ont des philosophes qu’ils nomment gymnosophistes, qui, du matin jusqu’au soir, regardent fixement le soleil, […] cherchant à surprendre dans ce globe de feu quelques secrets,[…] Mégasthène dit que sur diverses montagnes de l’Inde les habitants ont des têtes de chien, qu’ils sont armés de griffes, vêtus de peaux de bêtes; qu’ils n’ont pas de langage humain, mais qu’ils font seulement entendre des aboiements, en ouvrant une gueule menaçante. […] Vers la source du Gange, il y a des hommes qui, pour se nourrir, n’ont besoin d’aucunes ressources; ils ne vivent que de l’odeur des fruits de leurs forêts […]1 »

L’Inde fascine! Et ce, bien avant que George Harrison et les Beatles ne s’y rendent… Déjà, dans la Grèce et la Rome antiques, une vision de l’Inde se dessine. Solinus, historien latin du IIIe siècle de notre ère, ne fait que reprendre ici des éléments mis de l’avant plusieurs siècles plus tôt par Hérodote, histo-rien grec du Ve siècle avant l’ère chrétienne. L’Inde y est représentée de façon paradoxale. D’une part, nous y trouvons des ascètes fabuleux, ces gymnoso-phistes ayant développé des pouvoirs surnaturels comme se nourrir unique-ment de l’odeur des fruits, ou encore d’air (les fameux « aérophages »). D’autre part, cette contrée regorge de monstres et de monstruosités de toutes sortes, allant des monopodes aux personnes à tête de chien, des cannibales à l’immo-lation des veuves.

Les puissances coloniales qui occupèrent le grand territoire sud-asiatique entre les XVIe et XXe siècles ont repris ces mêmes images. Plusieurs justi-fiaient ainsi la présence coloniale sur le territoire et sa velléité « civilisatrice » afin d’amener ce peuple barbare à une certaine dignité. Plusieurs livres d’ori-gine britannique paraissent au début du XIXe siècle dans le but d’inciter la population de l’Angleterre à supporter – moralement et financièrement – cette entreprise civilisatrice qu’incarnait la Compagnie anglaise des Indes orientales (East Indian Company), dont les objectifs principaux, il ne faut pas s’en cacher, étaient essentiellement commerciaux et financiers. Ces livres, tels An Account of the Writings, Religions and Manners of the Hindus de W. Ward, publié en 1811, et India’s Cries to British Humanity de J. Peggs, publié en 1828,

1. Solinus, Polyhistor, traduit par M.A. Agnant, Paris, C.L.F. Panckoucke Éditeur, 1847, pp. 320-323.

Avant-propos

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regorgent d’exemples semblables à ceux présentés par les historiens grecs que nous venons de citer. À la même époque, d’autres projetaient sur l’Inde l’image d’une contrée où était présente une religion « naturelle », émanant de la sagesse non institutionnalisée, non révélée, de ces gymnosophistes et autres ascètes. Cette vision, radicalement différente de celle de Peggs et de Ward, répondait quant à elle au besoin ponctuel de combler le vide de sens laissé par le rejet du christianisme lors du romantisme et des Lumières.

Notre vision contemporaine de l’Inde est héritière de ces anciennes construc-tions grecques, latines et, plus actuelles, coloniales, à la différence près que la pauvreté, la saleté, le viol des femmes ont remplacé les monstruosités que projetaient sur cette région les historiens grecs, alors que le yoga, la « science » de l’Ayurveda, les ascètes hindous et moines bouddhistes incarnent mainte-nant cette sagesse immémoriale à laquelle on faisait référence. Les images actuelles de l’Inde demeurent campées aux antipodes : un pays qui serait profondément empreint de spiritualité et d’injustices. L’objectif premier de ce livre est justement de démystifier l’Inde, de nous extraire de nos condi-tionnements et de tenter de voir l’Inde pour ce qu’elle est, avec ses paradoxes, mais surtout comme une nation où les cultures ne sont pas limitées à ces visions extrêmes. Il importe de revisiter les structures sociales indiennes, qu’elles soient de classes, de castes, ou même familiales, afin de comprendre les incidences de celles-ci sur les gens qui y participent. Nous devons délaisser nos présupposés occidentaux afin de comprendre l’Inde et ses cultures telles qu’elles sont vécues par sa population.

Le fameux clivage entre ruralité et urbanité souvent utilisé pour dépeindre l’Inde reflète une panoplie de cultures, toutes aussi différentes les unes que les autres; pauvreté et richesse, mais également une classe moyenne en pleine expansion, sont présentes dans ces deux univers, rural ou urbain. L’Inde compte deux langues officielles – le hindi et l’anglais – mais, dans les faits, 22 langues et des milliers de dialectes complexifient le portrait linguistique du pays. Au niveau religieux, l’hindouisme domine, mais on trouve aussi sur

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le territoire indien plus de 220 millions de musulmans, des chrétiens, des sikhs, des bouddhistes, des jaïns, des parsis et nombre d’athées; et, au sein de chacune de ces allégeances religieuses, certains sont orthodoxes, voire fondamentalistes, alors que pour d’autres, la religion n’est qu’une identité de référence, sans grande incidence dans leur quotidien. C’est justement cette mosaïque – culturelle, religieuse, linguistique –, oscillant entre laïcité et religion, que cet ouvrage veut faire ressortir. L’Inde n’est pas une, et encore moins duelle comme nous le laissent croire les idées reçues : elle est multiple et se déploie de maintes façons.

Il importe de rappeler que l’Inde est une jeune nation démocratique qui aura bientôt 70 ans. Aucun autre pays issu du colonialisme et dirigé par une population « indigène » n’a maintenu, sans arrêt depuis sa naissance, l’héri-tage démocratique tel que stipulé dans sa constitution d’origine. Plusieurs critiquent la démocratie indienne en raison de l’analphabétisme élevé au pays et de la corruption fort présente; nous devons cependant souligner que le taux de participation aux dernières élections fédérales, en mai 2014, était de 66,4%; de quoi faire rougir plusieurs démocraties occidentales! De plus, le PIB de l’Inde et son taux de croissance annuel élevé font en sorte que pour plusieurs pays – dont le Canada, la France et la Belgique – l’Inde représente une priorité en ce qui concerne le développement d’échanges commerciaux. L’Inde actuelle est bien loin du portrait que dressait Solinus.

Une centaine de pages ne sont guère suffisantes pour réellement comprendre cette Inde, si densément peuplée, si diversifiée, à l’histoire maintes fois millé-naire. Cela dit, la structure du présent ouvrage et les aspects stratégiques rete-nus permettront au lecteur de se forger un portrait représentatif des réalités culturelles, sociales et économiques du pays. À cette fin, le livre est divisé en quatre sections. La première, « Histoire et civilisation indienne », aborde les moments déterminants de l’histoire indienne, le cadre géographique, les arts et la culture. La deuxième partie, « Vie au quotidien », se concentre essentiel-lement sur la mosaïque sociale, la santé, la sexualité, l’éducation et les trans-ports. La section « Vie en société », quant à elle, propose de couvrir les grands moments de la vie, la famille, les classes et castes, le devoir (dharma), les fêtes et festivals et le tourisme. Finalement, le chapitre « Économie, affaires et travail » dresse un portrait économique et politique, décrit les principaux secteurs d’activité, donne certains conseils pour « brasser des affaires » en Inde et suggère certains endroits où s’établir.

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Mathieu Boisvert

Mathieu Boisvert est professeur à l’Université du Québec à Montréal depuis 1992. Il a effectué un BA en Religious Studies à l’Université McGill (1981-1984), un diplôme en pali au Siddhartha College de l’Université de Bombay (1984-1985), une maîtrise en études sud-asiatiques à l’Université de Toronto (1985-1987), puis un doctorat en pali et sanskrit à l’Université McGill (1987-1991).

Bien que sa formation d’origine soit les langues et les traditions anciennes de l’Asie du Sud, il s’intéresse particulièrement, depuis son arrivée au Département de sciences des religions de l’UQAM, à l’articulation du religieux sud-asiatique avec les sphères politiques et sociales. Mathieu Boisvert a mené plusieurs recherches de terrain en Inde, au Sri Lanka, au Myanmar, au Népal et au Bhoutan, s’intéressant aux pratiques religieuses contemporaines telles que le pèlerinage et l’ascétisme, ainsi qu’aux communautés traditionnelles transgenres (hijra, jogta).

Mathieu Boisvert est l’un des membres fondateurs du GRIMER (Groupe de recherche interdisciplinaire sur le Montréal ethno-religieux), dont les objec-tifs sont de faire valoir le rôle du religieux dans la reconstruction identitaire des nouveaux arrivants sur le territoire québécois. Il a travaillé de manière importante avec les communautés hindoues d’origine tamoule, sri lankaise et indienne. La situation des réfugiés d’origine bhoutanaise, présents au Québec depuis 2009, l’intéresse aussi particulièrement.

Depuis 1998, Mathieu Boisvert a mené plusieurs projets académiques en territoire sud-asiatique. Il a organisé, notamment, des séjours d’études pour étudiants de plusieurs semaines. Il a été l’instigateur du Programme court de deuxième cycle « Études de terrain en Inde », programme de 9 crédits dans lequel les étudiants doivent séjourner un mois en Inde après avoir suivi deux séminaires de 45 heures à Montréal avant le départ.

Mathieu Boisvert est le fondateur du CERIAS, le Centre d’études et de recherche sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora, logé à l’UQAM. À travers le CERIAS, il a offert plusieurs ateliers de formation sur l’Inde au ministère des Affaires extérieures, du Commerce et du Développement (Canada) et a obtenu plusieurs contrats du ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur.

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Changement de nomsAprès l’indépendance en 1947, plusieurs villes et États ont voulu se débarrasser d’un nom associé à l’histoire coloniale pour retrouver un nom plus indien, plus local. Dans certains cas, par exemple Calcutta qui devint Kolkata, on a tout simplement transcrit en anglais la prononciation locale en bengali; dans cette langue, la ville n’a pas changé de nom. Dans d’autres cas, ce sont des réformes des subdivisions territoriales qui ont amené les modifications de noms. Certains changements, comme l’État de l’Orissa qui devient l’Odisha, ne datent que de 2011. Nous vous fournissons ce tableau car sur place vous entendrez parfois l’ancien nom, parfois le nouveau; et si vous lisez des romans relativement anciens dont l’action se situe en Inde, vous lirez les anciens noms. D’une manière générale, on réfère encore beaucoup aux anciens noms en Occident.

États et territoiresAnciens noms Nouveaux noms

Principauté du Travancore-Cochin État du Kerala

Principauté du Thiru-Kochi État du Kerala

Madhya Bharat État du Madhya Pradesh

État de Madras État du Tamil Nadu

Îles Laquedives, Amindivi et Minicoy Territoire du Lakshadweep

Royaume du Mysore État du Karnataka

État de l’Uttaranchal État de l’Uttarakhand

État de l’Orissa État de l’Odisha

Territoire de Pondichéry Territoire de Puducherry

VillesAnciens noms Nouveaux nomsms États

Alleppey Alappuzha Kerala

Alwaye Aluva Kerala

Avantika Ujjain Madhya Pradesh

Badagara Vatakara Kerala

Bangalore Bengaluru Karnataka

Baroda Vadodara Gujarat

Bassein Vasai Maharashtra

Bellasgate Bheraghat Madhya Pradesh

Bénarès Varanasi Uttar Pradesh

Bezawada Vijayawada Andhra Pradesh

Bhelsa Vidisha Madhya Pradesh

Bombay Mumbai Maharashtra

Bulsar Valsad Gujarat

Burdwan Bardhaman Bengale-Occidental

Calcutta Kolkata Bengale-Occidental

Calicut Kozhikode Kerala

Cambay Khambhat Gujarat

Cannanore Kannur Kerala

Cap Comorin Kanyakumari Tamil Nadu

Cawnpore Kanpur Uttar Pradesh

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Cherpalchery Cherpulasseri Kerala

Cochin Kochi Kerala

Coimbatore Koyamutthoor Tamil Nadu

Conjeevaram Kanchipuram Tamil Nadu

Cranganore Kodungallur Kerala

Cuddapah Kadapa Andhra Pradesh

Elgandal Karimnagar Andhra Pradesh

Ellore Eluru Andhra Pradesh

Gauhati Guwahati Assam

Indur Nizamabad Andhra Pradesh

Jubbulpore Jabalpur Madhya Pradesh

Jullunder Jalandhar Penjab

Kirkee Khadki Maharashtra

Madras Chennai Tamil Nadu

Mandu Mandavgarh Madhya Pradesh

Mayavaram Mayiladuthurai Tamil Nadu

Metuku Medak Andhra Pradesh

New Bombay Navi Mumbai Maharashtra

Nowgong Nagaon Assam

Ojjain Ujjaini Madhya Pradesh

Ootacamund Udagamandalam Tamil Nadu

Paalamuru Mahaboonagar Andhra Pradesh

Palai Pala Kerala

Palghat Palakkad Kerala

Parur Paravur Kerala

Poona Pune Maharashtra

Potonovo Parangipettai Tamil Nadu

Quilon Kollam Kerala

Rassen Raisen Madhya Pradesh

Saugor Sagar Madhya Pradesh

Sibsagar Sivasagar Assam

Simla Shimla Himachal Pradesh

Tanjore Thanjavur Tamil Nadu

Tellicherry Thalassery Kerala

Thana Thane Maharashtra

Tinnevelly Tirunelveli Tamil Nadu

Tranquebar Tharangambadi Tamil Nadu

Trichur Thrissur Kerala

Trivandrum Thiruvananthapuram Kerala

Tuticorin Thoothukudi Tamil Nadu

Verapoly Varapuzha Kerala

Virudupatti Virudhunagar Tamil Nadu

Waltair Vizakhaptnam Andhra Pradesh

Yanaon Yanam Territoire du Puducherry

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Le symbole graphique que nous retrou-vons tout au long des pages de ce livre se nomme le chakra d’Ashoka. Dans l’Inde ancienne, un disque de métal symbolisait le pouvoir (chakra en langue sanskrite); par la suite, le disque a représenté Bouddha ainsi que les souverains bouddhistes comme Ashoka, qui régna sur l’Inde au IIIe siècle av. J.-C. et qui contribua fortement à la diffusion du bouddhisme. On trouve ce chakra d’Ashoka au centre du drapeau indien. Le mot chakra est aussi utilisé dans les domaines de la médecine traditionnelle et du yoga; il désigne généralement des points de contrôle, ce qui rappelle le disque du pouvoir.

La page couverture illustre le dieu Krishna, un des avatars (dieu fait homme) de Vishnou. On le représente souvent adolescent, avec sa flûte, comme ici. On dit qu’il enjôla par sa musique les « gopis », vachères de son village. Divinité très véné-rée en Inde, on désigne parfois Krishna sous les noms de Hari ou Govinda.

En couverture

Le chakra d’Ashoka

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1Histoire et civilisation indienne

Moments déterminants de l’histoire indienneL’Inde est un vaste pays, composé de plusieurs cultures et qui ne peut être dépeint de façon monolithique. Afin de bien saisir la complexité des cultures qui coexistent sur ce sous-continent, il importe de prendre conscience des diverses influences qui ont marqué l’histoire de la région. Dans les pages qui vont suivre, nous nous projetterons dans ce passé justement afin d’esquis-ser, de façon fort schématique, les moments déterminants de l’histoire indienne et de mettre en relief certains des acteurs principaux, soit ces « forces

en présence » historiques qui ont permis de forger l’Inde telle qu’elle s’offre à nous aujourd’hui. L’Inde est une réalité géopo-litique relativement récente, datant seulement de 1947; nous ne pourrons donc utiliser le terme Inde pour faire référence à ce territoire avant la créa-tion du pays. Nous utiliserons donc les termes de sous-continent indien, pour faire référence à la péninsule en soi, ou d’Asie du Sud lorsqu’une région plus vaste est concernée incorporant donc les territoires pakistanais et bangladeshi.

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Les civilisations autochtones dites dravidiennes (3000-1750 av. J.-C.)Le sous-continent indien est habité depuis plusieurs dizaines de millénaires. Les informations les plus anciennes disponibles, cependant, proviennent de la vallée de l’Indus. Les vestiges archéo-logiques de deux grandes cités ont été découverts à Harappa et à Mohenjo-Daro, dans le Pakistan actuel, respective-ment le long des rivières Ravi et Sindh. Ces cités étaient énormes pour l’époque (50 000 à 100 000 habitants) et possé-daient un système d’égouts souterrain – surprenant, alors que plusieurs villes actuelles ont toujours des égouts de surface –, exigeant ainsi une structure municipale pour la planification et la gestion de ceux-ci. Au cœur de ces deux anciennes cités était également érigée une citadelle, avec un large bassin, un genre de piscine, auprès duquel un silo à grain était érigé, et autour duquel se trouvaient plusieurs petites cellules. Le bassin était probablement utilisé à des fins purificatrices, telles celles prescrites dans plusieurs temples hindous actuels, avant l’accomplissement de pratiques rituelles. Plusieurs statuettes aux formes féminines très prononcées ont égale-ment été retrouvées sur ces deux sites. Maints archéologues voient ici une forme de culte à la déesse mère, d’autant plus que la proximité entre le grain (dans le silo) et l’eau (dans le bassin) suggère la fertilité. N’ayant retrouvé aucune arme sur ces sites, plusieurs archéologues ont émis l’hypothèse que cette civilisa-tion était non-violente, essentiellement agraire et sédentaire. Il convient cepen-dant de faire preuve de prudence et de ne pas sauter hâtivement aux conclusions; ces quelques bribes d’information sur la civilisation de la vallée de l’Indus ne permettent pas d’établir de conclusions aussi tranchées et définitives.

Ont également été retrouvés plusieurs sceaux sur lesquels est dépeint un personnage assis les jambes croisées et ayant sur la tête un genre de trident. Ce personnage partage plusieurs des attributs de la divinité – beaucoup plus tardive! – qu’est Shiva : les jambes croi-sées suggèrent une posture yogique ou la pratique d’une ascèse quelconque; plusieurs animaux domestiques utilisés pour l’agriculture, comme le buffle, sont également représentés sur les sceaux. Shiva n’est-il pas appelé le seigneur des animaux domestiques (Pashupatinath) et ne représente-il pas la maîtrise de l’ascèse et du yoga? Bien que le personnage sur ces sceaux soit appelé Proto-Shiva, il faut ici aussi prendre garde de ne pas proje-ter indûment sur cette civilisation une pratique ascétique et la présence du yoga.

On peut cependant affirmer qu’il exis-tait en Asie du Sud entre le troisième et le premier millénaire av. J.-C. une civili-sation fort développée. Elle est générale-ment qualifiée, correctement, de « dravi-dienne », mais on doit à nouveau faire preuve de prudence et ne pas projeter sur l’ensemble des traditions autochtones sud-asiatiques cette même culture de la vallée de l’Indus. L’ensemble du sous-continent était alors habité, et ce, sur un territoire de plus de cinq millions de kilomètres carrés; il est impossible que la culture ait été monolithique.

Arrivée des Aryens en Asie du Sud et syncrétismes (1700-500 av. J.-C.)Comme dans toute bonne histoire, diverses forces en présence se confrontent. Vers le troisième millénaire av. J.-C., les Aryens migrent de leur terri-toire d’origine (le sud de la Russie, l’Azer-baïdjan, le Turkménistan, la Géorgie, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan) afin de trouver de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux : ils se dirigent vers le sud (Iran et Irak actuels), puis se divisent

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en deux groupes distincts, l’un s’orien-tant vers l’est (l’Inde), l’autre, vers l’ouest (l’Europe). Cette présentation est simpli-fiée à outrance, car ce processus migra-toire s’est déroulé sur plusieurs siècles, voire plus d’un millénaire, et fait réfé-rence en fait à de multiples vagues migra-toires. Ce sont ces « mêmes » Aryens – en autant qu’une continuité « ethnique » soit possible sur une période de plus de 12 siècles – qui traversent l’Indus vers 1700 av. J.-C. et qui entrent en Europe vers la même période. Nomades et guer-riers, les Aryens conquièrent graduelle-ment les territoires qu’ils traversent et viennent à avoir une influence directe sur les cultures locales, européennes et sud-asiatiques, tant au niveau linguis-tique que mythologique (nous revien-drons sur ce point dans le chapitre deux). Étrangement, l’arrivée des Aryens en territoire sud-asiatique coïncide avec l’effondrement de la civilisation de la vallée de l’Indus; les grandes cités d’Ha-rappa et de Mohenjo-Daro s’effondrent à la même époque. Plusieurs y voient une corrélation directe; d’autres supposent plutôt d’autres causes à l’effondrement de ces deux grandes cités. Soulignons cependant que, même si Mohenjo-Daro et Harappa disparaissent, les cultures dravidiennes sur l’ensemble du terri-toire sud-asiatique perdurent et subiront l’influence de – et influenceront elles-mêmes! – la culture aryenne.Les Aryens ont une vision du monde qui leur est propre : ils pensent que l’uni-vers est régi par un ordre cosmique (rta) et que celui-ci gouverne tout ce qui est. Divinités, saisons, naissances, moissons, tout est sous l’égide de la rta. L’humain, cependant, se retrouve au cœur de l’uni-vers, car il est le seul parmi tous les êtres à pouvoir manipuler cet ordre cosmique et à pouvoir infléchir le déroulement du monde. De par l’accomplissement de rituels, l’humain peut contraindre les dieux à agir de telle ou telle autre façon, peut forcer la nature à arrêter ou faire

venir la mousson, peut assurer la nais-sance d’un fils en santé et, même, s’assu-rer l’amour d’une personne convoitée. La pratique rituelle confère donc à l’humain un pouvoir très particulier.

Une fois l’Indus traversé, les Aryens sont confrontés à des cultures fort diffé-rentes de la leur. Afin de préserver leur héritage, ils développent une structure sociale précise, organisée en quatre classes particulières; les trois premières – les prêtres (brahmanes), les guerriers et dirigeants (ksatriya) et les agricul-teurs et commerçants (vaisya) –, comme en témoigne la civilisation mésopota-mienne ayant subi la même influence, existaient déjà avant leur entrée en Asie du Sud; la quatrième classe aurait juste-ment inclus la population dravidienne conquise. Les Aryens qui entrent sur le territoire sud-asiatique apportent avec eux les strophes préliminaires du premier « chapitre » des Veda, cette révélation qui, ultérieurement, deviendra le centre de la tradition hindoue. Ce premier chapitre nommé Samhita est essentiellement constitué d’hymnes aux dieux, divinités souvent non anthropomorphiques telles que Soma (l’ambroisie), Vayu (le vent), Agni (le feu) et Surya (le soleil); le reste des Samhita ainsi que les trois autres « chapitres » des Veda – que sont les Brahmana, les Aranyaka et les Upanisad – ont été composés graduellement une fois que les Aryens eurent franchi la vallée de l’Indus.

Les Brahmana, composés entre les XIIe et Ve siècles av. J.-C., sont des prescrip-tions rituelles, textes codifiant de façon beaucoup plus élaborée les rituels néces-saires afin de manipuler la rta. Les rituels deviennent de plus en plus importants pour toutes les strates sociales; ils sont requis à différents moments de la vie pour souligner les passages individuels importants, à différentes périodes de l’année pour assurer une transition posi-tive d’une saison à l’autre et à de multiples

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autres moments pour permettre de réaliser un souhait quelconque. Puisque seuls les prêtres (brahmanes) détiennent la science nécessaire pour l’accomplis-sement des rituels, ceux-ci en viennent à occuper une place privilégiée au sein de la structure sociale, tout individu devant nécessairement avoir recours à leurs services à différents moments de leur vie. Les Brahmana finissent par vali-der une structure sociale en offrant aux brahmanes un statut social particulier en raison de l’importance conférée aux rituels.

Grandes cités et émergence des traditions hétérodoxes (800 av. J.-C. - 0)Au VIIIe siècle av. J.-C., le nord de l’Asie du Sud est composé de multiples royaumes, chacun avec sa capitale. De grandes cités sont fondées, et l’on est alors loin du nomadisme qui caractérisait les Aryens. Pensons notamment à Pataliputra (aujourd’hui Patna, capitale du Bihar), alors le centre du riche royaume de Magadha, et à Kashi (Varanasi [Benarès]). Les communications entre les royaumes sont nombreuses; l’établissement d’un réseau routier important en est témoin. Les identités « aryennes »/« dravidiennes », si tant est qu’elles ont existé réellement, ne sont plus présentes; au fil des siècles, ces populations distinctes se sont mélan-gées et, de par cet inévitable syncrétisme, ont donné naissance à une nouvelle façon

de concevoir le monde et d’interagir avec ce dernier.Cette mutation invite à un changement de paradigme. Le pouvoir que les brah-manes avaient acquis grâce à l’importance rituelle mise de l’avant par les Brahmana en vient à être contesté. Plusieurs mouvements remettent en question non seulement la position hiérarchique des brahmanes, mais également le pouvoir même des rituels ainsi que l’autorité des Veda. Siddhartha Gautama, fondateur du bouddhisme, et Mahavira, fonda-teur du jaïnisme, incarnent justement cette opposition radicale à la structure établie. Mais afin de renverser l’ordre social, une nouvelle vision du monde doit nécessairement être mise de l’avant. Elle s’élabore tranquillement, entre les VIIIe et Ier siècles av. J.-C., et propose trois concepts novateurs – pour l’époque – qui seront centraux pour l’hindouisme, qui naîtra sous peu, mais aussi pour le boud-dhisme et le jaïnisme : 1) le karma, cette loi de cause à effet liant l’individu à 2) un cycle de naissance et de renaissance, le samsara, et l’objectif ultime, 3) le nirvana, un état hors de toute souffrance et hors du samsara.Le bouddhisme et le jaïnisme rejettent tous deux l’ordre social : le pouvoir des brahmanes, bien entendu, mais égale-ment la division de la société en quatre classes transmises héréditairement. Les Upanisad, quatrième « chapitre » des Veda, arrivent à la même conclusion,

La vache sacrée

La vache n’est pas divinisée par les hindous. Elle occupe cependant une place impor-tante dans leur imaginaire et est hautement respectée. On la connaît sous le nom de kamadhenu, celle qui donne le plaisir. Les rituels brahmaniques nécessitent l’uti-lisation de produits laitiers (lait, yaourt, beurre clarifié – ghee) sans lesquels ils ne pourraient être effectifs. Ces rituels ont comme objectifs principaux d’obtenir la prospérité, le bonheur, la longévité, la santé des membres de la famille. La vache est donc celle qui permet l’effectivité de ces rituels si centraux dans l’imaginaire hindou, d’où, justement, le respect qu’on lui confère.

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sans pour autant rejeter les Samhita et les Brahmana; selon les Upanisad, ces « chapitres » antérieurs doivent être interprétés de façon symbolique; le rituel, le sacrifice, doit être perçu comme une action intérieure par laquelle l’indi-vidu sacrifie son propre égo. On vise alors l’anéantissement de l’égo, la dissolution du soi. Ainsi, les Upanisad, orthodoxes, ne sont pas si différentes des mouvements hétérodoxes que sont le bouddhisme et le jaïnisme. Tous trois présentent une nouvelle vision du monde, proposent un nouvel ordre social fondé sur le mérite de l’individu et encouragent un ascétisme catégorique, hors de toute vie mondaine.

Voilà donc un genre de retour du balan-cier, bien qu’il ne revienne pas exacte-ment au même endroit : à la suite de leur arrivée sur le territoire sud-asia-tique, les Aryens élaborent une structure sociale afin de maintenir leur culture et de valider leur propre vision du monde. Graduellement, alors que la culture aryenne se dissout dans la culture dravi-dienne, que toutes deux se fondent en une nouvelle culture, l’ordre social établi par les Brahmana est bouleversé et une nouvelle façon d’être en relation avec le monde s’instaure.

Au début de l’ère chrétienne apparaissent les grandes épopées hindoues que consti-tuent le Ramayana et le Mahabharata. Ce genre littéraire diffère considérable-ment des textes antérieurs, car aucune prescription (rituelle ou morale) n’y est présente. Alors que le Mahabharata raconte l’histoire de la famille fondatrice de l’Inde – connue alors sous le nom de Bharata –, le Ramayana nous trace la geste du prince Rama, héritier légitime du royaume d’Ayodhya. Les personnages dépeints dans ces épopées deviennent les nouveaux modèles moraux pour la population hindoue et on y introduit un panthéon fort diversifié. Encore de nos jours, la grande majorité des hindous connaissent par cœur l’ensemble de la

version hindie du Ramayana; il n’est donc pas étonnant que cette épopée soit deve-nue un récit structurant, ayant un impact beaucoup plus grand que les textes védiques plus rituels et prescriptifs dans leur orientation.

L’influence grecque (326-322 av. J.-C)Alexandre le Grand et son armée se sont rendus jusqu’aux rives de l’Indus. Bien que la conquête de ce vaste territoire, de la Grèce à l’Indus, ne fût que de courte durée, elle eut cependant une incidence importante au niveau culturel. Pensons notamment à l’art Gandhara – propre à la région du Gandhara – où émergent les premières représentations du Bouddha et de Bodhisattva à travers lesquelles nous sentons l’influence de la culture grecque. Les Dialogues du Roi Ménandre (Milindapanha) – texte bouddhique composé vers le Ier siècle av. J.-C. – met en scène une discussion philosophique entre Ménandre, roi d’origine grecque régnant sur la Bactriane, et un moine bouddhiste (Nagasena), suggérant ainsi une influence et un contact étroit entre les cultures grecque et indienne de l’époque.

Ashoka et son empire (300 av. J.-C.)Peu de temps après l’avènement du bouddhisme, du jaïnisme et des Upanisad, la presque totalité du sous-continent est unifiée sous le règne de Chandragupta Maurya (322 av. J.-C.); ce premier empire sud-asiatique, l’empire Maurya, était le plus étendu du monde à l’époque. C’est également l’empire le plus vaste qui fut instauré en Asie du Sud jusqu’à nos jours, s’étendant au nord tout le long de la chaîne himalayenne, de l’Afghanistan actuel à l’Assam, et de cette frontière naturelle qu’est l’Himalaya au nord presque jusqu’à l’extrémité septen-trionale de la péninsule sud-asiatique.

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L’empereur Ashoka appartenait à cette dynastie et aurait régné de 269 à 232 av. J.-C. La légende raconte qu’Ashoka était un terrible conquérant jusqu’à la bataille de Kalinga (centre-est du sous-continent); à la suite de la victoire, réalisant tout le mal qu’il avait causé lors de ses conquêtes, il devint alors un empereur juste, paisible et philan-thrope. Le nouvel – et premier – empire sud-asiatique devint alors fort prospère. L’empereur permit l’expansion du boud-dhisme et du jaïnisme dans l’ensemble de son territoire, finançant généreusement les infrastructures monastiques, toutes traditions confondues. Il sera respon-sable de l’érection d’immenses édits sous forme de piliers de pierre par lesquels la tolérance religieuse était encouragée. Cette promotion des nouvelles religions émergentes permit non seulement de favoriser l’essor des mouvements hété-rodoxes, mais – et surtout! – d’offrir à ce nouvel empire une certaine homogénéité au niveau des croyances et pratiques qui assurerait ainsi sa consolidation. On doit souligner que les monastères, bouddhiques et jaïns, étaient déjà deve-nus d’importantes institutions dont la vocation dépassait largement la sphère

purement religieuse; en tant que lieux de transmission de savoirs, ils étaient des centres de pouvoir politique.

Ashoka est particulièrement significatif dans l’imaginaire indien, car il a réussi la première unification du sous-conti-nent sous un même contrôle politique. Chacun se l’approprie : les bouddhistes le considèrent comme un empereur boud-dhiste, qui aurait expédié son propre fils au Sri Lanka pour y établir cette nouvelle religion; les jaïns, comme le mécène par excellence de leur tradition; et les hindous, quant à eux, comme le premier empereur hindou historique ayant contri-bué à la construction d’une identité sud-asiatique. Il n’est donc pas surprenant que le « chapiteau aux lions » d’Ashoka, cette sculpture qui trônait sur le pilier de Sarnath, ait été adopté ultérieure-ment comme symbole national indien, symbole que l’on retrouve entre autres sur la roupie indienne. Le drapeau indien fait également référence à ce person-nage légendaire : alors que le Mahatma Gandhi voulait que soit représenté un rouet – pour filer le coton –, le parti du Congrès opta plutôt pour le chakra, cette roue représentant le monarque univer-sel qu’incarna Ashoka, chakra également

33 millions de divinités

L’hindouisme compterait plus de 33 millions de divinités, se déclinant de façon légè-rement différente d’une région à l’autre du sous-continent. Cela dit, les divinités principales demeurent Brahma, responsable de la création, Vishnou, dont la tâche est de préserver l’univers, et Shiva, chargé de la destruction du monde. Dans l’his-toire du monde, Vishnou se serait incarné à plusieurs moments, assumant alors une forme différente – avatara – afin de combattre les forces du mal menaçant l’uni-vers. Rama, Krishna, Bouddha – et même, pour certains, le Christ! – sont perçus par la majorité des hindous comme des avatara de Vishnou. La déesse, représentant l’énergie créatrice originale (Shakti), est également omniprésente et se manifeste sous différents aspects, que ce soit sous la forme de Kali, Durga ou autre. Ganesh – cette divinité à corps humain et à tête d’éléphant – est également l’un des dieux les plus populaires; sa fonction est de garder les entrées, les portes, et d’éliminer les obstacles. Bharat Mata (la Mère Inde) est une divinité plus récente, émergeant au XIXe siècle afin de nourrir l’imaginaire nationaliste et anticolonialiste indien.

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représenté sur le chapiteau aux lions. Le millénaire suivant la chute de l’empire Maurya est caractérisé par un multitude de règnes régionaux du territoire, dont celui de l’empire Gupta (320–550).

La présence musulmane et l’Empire moghol (690-1857)Dès le VIIe siècle, la présence musulmane se fait sentir en Asie du Sud, principa-lement dans le nord-ouest. En 1206, Turcs et Afghans établissent le sultanat de Delhi. Les croyances et pratiques de l’islam se propagent hors des frontières strictes du sultanat de Delhi, et un islam proprement sud-asiatique se développe graduellement, fortement influencé par la tradition soufie et fort différent de l’islam du monde arabe. Quelques siècles plus tard, en 1526, Babur (1483-1530) – selon la légende, descendant de Timur, de Tamerlan et de Gengis Khan – est chassé de la vallée de Fergana (Ouzbékistan actuel) et fuit vers la région qui devien-dra Delhi; un nouvel empire est alors en gestation. Cet empire, tout comme celui d’Ashoka, unifia sous un même règne une grande partie du sous-continent. On ne peut passer sous silence que, lors des trois siècles de domination moghole, les arts et les sciences se sont dévelop-pés de façon fulgurante : l’astronomie, les mathématiques, l’architecture, la musique et la peinture – dont les minia-tures moghols – ne sont que quelques exemples.

Le sous-continent indien était alors divisé en plus de 560 royautés indépen-dantes, et celles qui étaient sous l’égide de l’Empire moghol gardaient une rela-tive autonomie en échange d’un tribut annuel et d’une allégeance à l’empereur. La transmission du pouvoir s’effectuait de façon héréditaire; chacun des empe-reurs moghols a laissé une empreinte distincte en Asie du Sud. Babur repré-sente l’établissement d’un empire musul-man; les hindous en parlent peu, mais

il occupe une place privilégiée au sein de l’imaginaire des musulmans sud-asiatiques. Son fils Humayun (1508-1556) est responsable de l’érection de plusieurs des monuments historiques toujours présents à Delhi. Le mausolée d’Humayun lui-même, construit par son épouse principale, Begum Hamida, est l’un des plus beaux monuments archi-tecturaux de l’Inde, presque rival du Taj Mahal. Le successeur, Akbar (1542-1605), fit reconstruire le fort d’Allaha-bad, initialement érigé par Ashoka, là où les Britanniques allaient établir leur quartier général en Inde du Nord. Akbar fit également reconstruire le Fort Rouge d’Agra pour le transformer en palais rési-dentiel pour son fils, Jahangir; ce bâti-ment demeure à ce jour le plus grand fort de l’Inde. Dans son palais de Fatehpur Sikhri, en banlieue d’Agra, Akbar avait fait construire une salle particulière (que l’on peut toujours visiter aujourd’hui) où il rencontrait régulièrement, et simul-tanément, imam (musulman), moine (bouddhiste), brahmane (hindou) et prêtre (chrétien) afin de discuter philoso-phie. Ce palais est totalement conservé et témoigne de la richesse de l’architecture moghole. Toutefois, le pouvoir d’Akbar ne se limite point à l’architecture. Il excella dans la gouvernance et l’art de la guerre : sous le règne d’Akbar, l’empire tripla sa superficie. Jahangir (1569-1627) régna par la suite pour une période de 22 ans, caractérisée par une excellente adminis-tration et une stabilité politique sans pareil; son épouse était hindoue, d’ori-gine rajpute. Leur fils, Shah Jahan (1592-1666), était un musulman orthodoxe et pratiquant; son règne coïncide avec l’apo-gée de l’architecture moghole. C’est lui qui fit construire le fameux Fort Rouge de Delhi et le mausolée d’Agra, le célèbre Taj Mahal, pour sa bien-aimée épouse, Mum Taj. Il espérait construire un mauso-lée semblable pour lui-même, mais en marbre noir plutôt que blanc, sur l’autre rive de la Yamuna, afin d’être vis-à-vis de

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son épouse pour l’éternité. Son fils cadet, Aurangzeb, mit cependant terme à ses espoirs : belliqueux et avide de pouvoir, il assassina de façon cruelle ses trois frères aînés et emprisonna Shah Jahan dans une petite chambre du Fort Rouge, avec vue sur le Taj Mahal. Aurangzeb, dernier de la lignée, était intransigeant. Alors que ses prédécesseurs avaient tous promu la tolérance religieuse, Aurangzeb voulait convertir l’ensemble de la population à l’islam. La légende entourant la lignée des 10 gourous sikhs en fait foi : Tegh Bahadur, le neuvième gourou, serait intervenu auprès d’Aurangzeb pour assurer la vie des hindous du Cachemire. Aurangzeb l’aurait décapité séance tenante. En raison de cette intolérance, Aurangzeb a rapidement perdu le soutien de la population hindoue ainsi que de maints royaumes – hindous comme musulmans – sous son contrôle; l’empire décline. La présence plus probante des puissances coloniales occidentales sur le sous-continent vint miner plus à fond le pouvoir des empereurs subséquents, et l’Empire moghol est dissous définitive-ment à partir de 1857.

La présence britannique (1600-1947)Dès le début du XVIIe siècle, les Pays-Bas, la France, le Portugal et l’Angleterre avaient une présence commerciale sur le sous-continent indien. La France avait installé au sud de Madras, dans la grande région de Pondichéry, le comptoir prin-cipal de la Compagnie française pour le commerce des Indes orientales, créée en 1664; l’Angleterre avait fait de même à Calcutta avec l’East India Company (Compagnie anglaise des Indes orien-tales), fondée en 1600. Ces compagnies, gérées par des intérêts principalement privés, n’avaient qu’un réel objectif : le commerce et les ressources naturelles (essentiellement le coton, la soie, l’indigo et l’opium, beaucoup plus lucratif). La

présence britannique se fit de plus en plus probante et étendue; afin d’assu-rer le commerce, l’East India Company se dota d’une forte milice, elle-même gérée par des officiers de l’armée britan-nique. De plus, pour faciliter les échanges commerciaux, la compagnie avait des ententes particulières avec plusieurs des royaumes du territoire; un suzerain se voyait garantir son pouvoir s’il coopérait avec elle. Graduellement, un sentiment d’insatisfaction grandit dans la popula-tion et, en 1857, éclata « la révolte des Cipayes », que les Britanniques appellent « la Grande Mutinerie », et les Indiens, « la première guerre d’indépendance ».

Les Cipayes étaient les soldats indiens embauchés par la compagnie. On rapporte que l’élément déclencheur de la révolte est le fait que les Britanniques ont introduit de nouvelles munitions, des cartouches faites à partir de graisse de bœuf – selon les hindous – ou de graisse de porc – selon les musulmans. Or, selon la légende, alors qu’un officier britan-nique ordonna à un soldat de faire feu lors d’une pratique, ce dernier refusa; l’of-ficier l’exécuta sur-le-champ. Cet événe-ment mit le feu aux poudres et la nouvelle circula au sein des différents régiments cipayes, dont plusieurs se mutinèrent. Différents royaumes prirent également les armes contre les Britanniques. L’East India Company parvint in extremis à reprendre le contrôle; le gouvernement anglais décida cependant de retirer la gestion du territoire à la compagnie et de le prendre directement sous sa charge; à partir de ce moment, une grande partie du territoire sud-asiatique tomba sous l’égide de la Couronne britannique, qui, avec ses colonies dans le Pacifique, en Asie de l’Est et du Sud, dans les Antilles et dans les Amériques, pouvait se vanter d’avoir un empire si large que jamais le soleil ne s’y couchait.

Afin de maintenir sa mainmise sur ce large territoire, la Couronne mit en

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pratique sa devise : Diviser pour régner. C’est ainsi que les populations hindoues et musulmanes furent divisées de façon beaucoup plus forte. Non que l’on veuille ici idéaliser le passé et mettre de l’avant l’idée qu’hindous et musulmans aient toujours coexisté pacifiquement, mais à la suite de la prise en charge par la Couronne britannique, le clivage entre les deux populations n’a fait que s’accen-tuer, et cela perdure encore de nos jours! Leur système juridique étant basé sur la jurisprudence, les Britanniques ont cru utile de créer deux codes civils (civil law) distincts afin de prendre en considération les pratiques différentes des communau-tés musulmane et hindoue; ainsi fut créé un code civil distinct pour les hindous, et un autre, basé sur la sharia, pour les musulmans.

Tout comme la compagnie, la présence impériale en Inde avait un objectif essentiellement commercial; cela dit, la présence britannique sur le territoire sud-asiatique a marqué le sous-continent à plusieurs niveaux. Ce qui vient en tête de prime abord est la construction du chemin de fer : l’Inde est le pays le plus « ferré » au monde et Indian Railways est actuellement l’un des plus grands employeurs du monde. L’administration civile indienne, la structure gouver-nementale avec un Parlement de type Westminster, les services postaux et l’ar-mée sont tous issus de la présence colo-niale britannique.

Le mouvement d’indépendance (1857-1947)La lutte pour l’indépendance indienne est généralement associée à Gandhi; il importe cependant de souligner qu’il a repris plusieurs des stratégies et des concepts mis de l’avant par d’autres. Au cours des décennies qui ont suivi la révolte indienne de 1857, plusieurs personnages vinrent baliser la route qui mènera à l’indépendance. Ils n’étaient

pas nécessairement en contact les uns avec les autres et provenaient de régions fort différentes du sous-continent; ces deux éléments sont suffisants pour faire comprendre que l’insatisfaction envers les Britanniques s’étendait à l’ensemble du territoire.

Natif de Pune, dans le Maharashtra, Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) est juste-ment l’un de ces nationalistes indiens; avocat, enseignant, et journaliste, il était perçu par les Britanniques comme étant le « père de l’insurrection indienne ». Afin de mobiliser les foules alors que la Couronne avait interdit tout rassem-blement populaire à des fins politiques, Tilak utilisera la fête du dieu Ganesh : des dizaines de milliers d’hindous se rassem-blèrent alors dans les rues de Pune (et de l’ensemble du Maharashtra par la suite) pour célébrer l’anniversaire de la divinité, mais également pour recevoir un message explicitement politique au sein duquel l’accent était, bien entendu, mis sur la notion de svaraj, l’auto-gouver-nance. Tilak fut l’un des pionniers du mouvement Home Rule et établit une alliance avec Muhammad Ali Jinnah, qui deviendra, en 1947, le « père fondateur du Pakistan ».

Un autre nationaliste, bengali cette fois, est Aurobindo Ghosh (1872-1950). Après avoir étudié à Cambridge et être retourné au pays, Aurobindo s’engagea dans la lutte active pour l’indépendance. À l’encontre de Gandhi, Aurobindo sous-crivait à des méthodes plus fortes, voire violentes, pour mettre fin à l’oppression britannique. Ses stratégies lui valurent un séjour en prison, séjour pendant lequel il aurait eu des visions mystiques et aurait réorienté complètement ses visées. À sa sortie de prison, Sri Aurobindo, devenu gourou, alla s’installer à Pondichéry (territoire français, hors du contrôle britannique) et y fonda un ashram qui allait devenir célèbre; la politique n’avait plus d’intérêt pour lui.

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Né à Pune, dans le Maharashtra, Vinayak Damodar Savarkar (1886-1966), qui a également étudié en Angleterre, créa le terme hindutva (« hindouité »); son objec-tif était de rallier la majeure partie de la population du sous-continent sous cette bannière identitaire. Lui-même étant rationaliste et positiviste, il ne pouvait inclure dans son pragmatisme de réalité mystique, transcendante. L’hindutva était avant tout un sentiment d’appartenance à une culture sud-asiatique dans laquelle le système de classes (varna) n’avait pas de raison d’être et permettrait de créer un pays hindou (Hindurashtra). Savarkar militait également pour la reconversion des hindous s’étant tournés vers le chris-tianisme ou l’islam. L’un des critiques principaux du Congrès national indien, il condamna radicalement celui-ci pour l’ac-ceptation de la partition du sous-conti-nent. Savarkar fut l’une des personnes accusées de l’assassinat de Gandhi.Natif de Porbandar, dans le Gujarat, Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948) est généralement perçu comme le « père de l’Inde moderne » et est connu pour le mouvement de désobéissance civile qu’il représentait. Il étudia le droit en Angleterre et travailla pendant de nombreuses années en Afrique du Sud, là où il commença sa carrière d’activiste contre les inégalités sociales et, surtout, contre la domination britannique. Six ans après son retour en Inde, il devint en 1921 le leader du Congrès national indien. Fondé en 1885 sur l’initiative, entre autres, de la société théosophique de Madras, le Congrès national indien avait pour but de constituer un regroupement civil et politique d’intellectuels indiens afin d’entrer en dialogue officiel avec le gouvernement britannique. À l’instar de Tilak, le concept de svaraj (l’auto-gouver-nance) était le fondement de l’activisme de Gandhi; autour de celui-ci, cependant, gravitaient d’autres concepts tels que satyagraha et ahimsa, deux concepts d’ori-gine explicitement hindoue qui transfor-

mèrent la plateforme de Gandhi en une idéologie percutante. Satyagraha (« s’ac-crocher à la vérité ») devait être le fonde-ment profond de sa doctrine. L’une de ces « vérités » est justement l’autodéter-mination des peuples, des nations, cette notion de swaraj mise de l’avant quelques décennies plus tôt par Tilak. Quant à la notion d’ahimsa, elle sous-entend que la lutte pour parvenir aux objectifs doit nécessairement être virulente, engagée, omniprésente, mais nécessairement non-violente. Ces termes utilisés par Gandhi, d’origine sanskrite et strictement hindoue, auront une incidence directe sur l’avenir de la région. Le charisme de Gandhi permit de mobiliser des millions d’individus dans la lutte pour l’indé-pendance; quelques mois après celle-ci, Gandhi fut assassiné, le 30 janvier 1948, par un nationaliste hindou.Muhammad Ali Jinnah a été, à l’instar de Gandhi, éduqué en Angleterre, où il a fait ses études de droit. Après son retour au pays, il participa au Congrès national indien et créa la Ligue musul-mane panindienne en 1913, parti qu’il dirigea jusqu’à la création du Pakistan. Jinnah promouvait initialement l’unité entre hindous et musulmans dans le combat contre le colonialisme britan-nique. Cependant, en 1920, il se retira du Congrès lorsque celui-ci accepta comme plateforme première les principes de satyagraha et d’ahimsa de Gandhi; non pas que ces concepts allaient à l’encontre de ses propres positions, mais plutôt parce que les termes utilisés étaient empreints d’une idéologie fondamen-talement hindoue et religieuse, et qu’ils ralliaient des foules ferventes et souvent très favorables à l’hindutva. Malgré l’iden-tité d’appartenance musulmane qu’il arborait, Jinnah était « moderne » et laïque : le religieux, selon lui, ne devait pas intervenir dans la sphère politique. De par l’ampleur que prit le « mouvement gandhien », Jinnah fut pratiquement contraint d’exiger la création d’un État

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distinct, le Pakistan; c’est ce que prônait la résolution de Lahore de 1940, adoptée par les membres de la Ligue musulmane.

Les quelques paragraphes précédents mettent en évidence que le processus vers l’indépendance n’a pas été mené par un seul individu. Toute une popu-lation tendait vers cette fin, et certains personnages, tels que ceux mention-nés ci-dessus, incarnèrent justement les aspirations de cette population et exprimèrent explicitement des idées qui germaient déjà. Les Britanniques en étaient fort conscients et c’est la raison pour laquelle le dernier vice-roi des Indes, Lord Mountbatten, avait reçu de la Couronne britannique, lors de sa nomination à ce poste le 24 mars 1947, le mandat explicite de mener l’Inde à l’indépendance dans l’année suivant son entrée en fonction.

Création de l’Inde et du Pakistan (1947)L’Inde et le Pakistan sont créés le 14 août 1947. La naissance de ces deux pays est le résultat du démantèlement de l’Em-pire britannique. Une partie du Pendjab et du Cachemire revient au Pakistan, et l’autre à l’Inde; de façon semblable, une partie du Bengale revient au Pakistan, et l’autre à l’Inde. Le territoire pakista-nais est scindé en deux; l’Inde s’insère entre les quelque 2 300 km qui séparent le Pakistan occidental du Pakistan orien-tal (ce n’est qu’en 1971 que ce dernier deviendra indépendant à son tour et prendra le nom de Bangladesh). Cette division du sous-continent n’est toute-fois pas simplement géographique : sont également divisés l’armée, le gigantesque réseau ferroviaire, le Trésor central et l’ensemble de l’infrastructure étatique établie par les Britanniques.

La création de l’Inde et du Pakistan résulte de la scission d’une région qui était, dans l’imaginaire de plusieurs, indivise. Est alors créée une Inde qui se veut fonda-

mentalement laïque – et sa Constitution de 1950 réitère cette volonté – et un Pakistan qui se veut musulman, non pas en termes d’orthodoxie ou d’orthopraxie, mais plutôt pour se distinguer de son voisin, son jumeau si l’on peut dire, qui est majoritairement hindou. Les mois qui suivent la scission sont sanglants : des millions d’individus craignant pour leurs droits, pour leur vie, quittent l’Inde pour se diriger vers le Pakistan, et le Pakistan, vers l’Inde. Des familles ayant vécu sur un même territoire depuis maintes géné-rations doivent du jour au lendemain tout abandonner et s’engager dans une migration dont l’avenir est inconnu. De part et d’autre, le ressentiment est profond et, inévitablement, des gestes de représailles sont portés contre le groupe adverse; ceux-ci font boule de neige et plus d’un million d’individus sont tués, tous clans confondus. Le 14 août 1947, date de naissance des deux pays voisins, n’est donc pas seulement un événement de réjouissances; pour nombre d’Indiens et de Pakistanais, il évoque encore le meurtre de membres de leur famille et de personnes qu’ils ont connues.

La lignée du parti du Congrès : Nehru et sa familleLe gouvernement instauré après l’indé-pendance de l’Inde est calqué sur le gouvernement britannique : un système parlementaire de type Westminster est mis en place et le parti d’emblée au pouvoir est le parti du Congrès. Jawaharlal Nehru, membre du parti du Congrès pendant les 25 années précédentes et bras droit de Mohandas Gandhi, devient le premier premier ministre de l’Inde. S’installe alors une lignée héréditaire, semblable à celles des grands empires indiens – Maurya, moghol et autres. À la mort de Nehru, sa fille Indira prendra la succession poli-tique. Bien qu’hindoue, Indira Nehru avait marié Feroze Jehangir Gandhi,

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Comme nous l’avons vu, l’Inde est multiple. Depuis des millénaires, elle n’a cessé de négocier son identité avec les forces en présence sur son territoire, qu’elles soient aryennes, grecques, mogholes ou coloniales. Depuis son indépendance en 1947, les cultures et traditions de l’Inde n’ont cessé d’évoluer; les contacts de plus en plus serrés avec l’Occident ont amené le pays à des transformations majeures. L’Inde entre maintenant dans la modernité, mais cette modernité toujours en devenir ne peut se déployer comme en Occident. Inévitablement, l’Inde s’approprie cette entrée dans le XXIe siècle, la fait sienne et devient, à sa façon, l’une des puissances émergentes du nouveau millénaire.

En mai 2014, le Bharata Janata Party (BJP) remporte les élections avec 282 des 543 sièges du Lok Sabha, la chambre basse du gouvernement indien. Le BJP devient alors le premier parti à former un gouvernement majoritaire depuis l’élection du parti du Congrès sous la direction de Rajiv Gandhi en 1984 – à la suite de l’assassinat de sa mère, Indira. Lors de la dernière campagne électorale, le chef du BJP, Narendra Modi, met l’accent sur le développement économique du pays et sur la modernisation; il passe sous silence l’agenda nationaliste hindou qui avait, jusqu’alors, caractérisé l’orientation du parti. Modi souhaite instaurer un changement de paradigme et insé-rer l’Inde au sein d’une structure néolibérale, radicalement opposée au socialisme du parti du Congrès qui a jusqu’ici dominé la scène politique et économique. La popula-tion indienne nourrit de grandes attentes vis-à-vis de Modi, sans parler des organi-sations internationales telles que la Banque mondiale. Les années à venir diront s’il pourra satisfaire leurs attentes, malgré les défis importants.

La première tâche qui attend Modi est de diminuer le taux de corruption qui prévaut dans l’ensemble du pays et au sein de différents paliers de gouvernements, fédéral, provincial et municipal. Cela est crucial afin de pouvoir gagner la confiance des inves-tisseurs étrangers et d’ainsi mener à terme l’un des points de son programme, soit d’augmenter l’investissement étranger en Inde. Il doit, avant la fin de son premier mandat, concrétiser les engagements qu’il s’était fixés, soit le développement écono-mique – utilisant des stratégies semblables à celles qu’il avait utilisées au Gujarat lorsqu’il était premier ministre de l’État –, la modernisation du pays et la création d’emplois.

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Modi devra également tenir front aux différents partis hindous nationalistes – comme le Shiv Sena, qui a obtenu 18 des 48 sièges de l’État du Maharashtra – et à d’autres organisations hindoues d’extrême droite militantes. Ces groupes feront pression sur Modi et sur le BJP afin que le gouvernement a) retire les droits consti-tutionnels particuliers conférés au Cachemire, b) qu’il réforme le droit civil (Common law) – aujourd’hui régi par deux codes distincts, l’un musulman et l’autre hindou – en créant un seul code civil basé sur les us et coutumes hindous, et c) qu’il permette et finance la construction du temple de Rama à Ayodhya. Il va sans dire que si Modi et son parti s’engagent dans l’une de ses trois actions, le soutien de la population – et plus particulièrement de la communauté musulmane qui, rappelons-le, représente près de 220 millions de citoyens! – ne sera plus ce qu’il était et le BJP pourrait ne pas obtenir un deuxième mandat.

Du fait de l’évolution constante de l’Inde, l’objectif de ce guide est ambitieux. Comprendre un pays aussi vaste que l’Inde, tant au niveau géographique que de son histoire maintes fois millénaire, s’avère une entreprise périlleuse. La seule façon de réellement comprendre le pays est de le visiter, d’y vivre, d’entrer en relation avec la population qui le constitue, et de sentir ce qui l’anime. À cette fin, cependant, il importe de laisser derrière nos jugements et d’être à l’écoute de ce que le pays peut nous dévoiler, une réalité riche et complexe, ancienne et moderne, se situant bien au-delà des préconceptions paradoxales généralement véhiculées à son sujet. Dès que vous poserez le pied en Inde, vous l’entendrez chuchoter à votre oreille un Svagatam (Bienvenue!) bien chaleureux.

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IndexAAffaires 80Agroalimentaire 77Amibes 44Architecture 33Arts et culture 29Ashoka 17Avion 51

BBengaluru 91Bharat Pravasi Divas 76BRIC 75Bus 51

CCastes 55Chennai 91Chine 74Cinéma 29Classes 55Clivage rural-urbain 42Cricket 65

DDanse 32Delhi 89Densité 42Désert du Thar 28Diaspora indienne 76Distribution de la richesse 82

Divali 64Diversité ethnique et culturelle 35

Divinités 18Durga puja 64

EEau 43Économie 71Éducation 46Éducation supérieure 48Eid al-Adha 63Entreprises familiales 85États et territoires indiens 25États-Unis 75Étiquette 82

FFamille 53Femmes dans le milieu des affaires 87

Fêtes et festivals 61Filles ou garçons 60Francophonie/francophilie 85Funérailles 60

GGandhi Jayanti 63Ganesha caturthi 66Géographie 24Giardia 44Grands moments de la vie 56

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HHimalaya indien 26Histoire 13Holi 65Homosexualité 49Hyderabad 91

IIndian Standard Time (IST) 62Industrie automobile 77Infrastructures 79

JJour de la République 62Jour de l’Indépendance 62

KKamasutra 33Kolkata 90

LLangues 36Littérature 34

MMahashivaratri 65Malaria 44Mariage 56Marquage corporel 41Mendicité 44Mouvement d’indépendance 21Mumbai 90Musique 31

NNaissance 59Navaratri 64Nehru et sa famille 23Nourriture 66

PPakistan 23Plaine indo-gangétique 27Plateau du Deccan 27Population 25Portrait politique et commercial 72

Précautions de base 45

RRamadan 63Régions côtières 24Rencontres d’affaires 86Russie 74

SSalaire minimum 80Salutations 84Santé 43Secteur de la santé 79Secteur de l’éducation 78Sexualité 48Sous-traitance 80Système scolaire indien 46

TTaxi 52Technologies de l’information 76Technologies vertes et de l’environnement 78

Théâtre 32Tourisme 68Tourisme médical et de mieux-être 70

Train 51Transports 51Travail des enfants 72

VVache sacrée 16Viols collectifs 50Voiture 52

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Professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis 1992, Mathieu Boisvert s’intéresse particulièrement à l’articulation du religieux sud-asiatique avec les sphères politiques et sociales, ce qui l’a conduit à réaliser de nombreuses recherches en Inde, au Sri Lanka, au Myanmar, au Népal et au Bhoutan. Il est également le fondateur du Centre d’études et de recherche sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora (CERIAS), qui loge à l’UQAM.

L’Inde, si vaste, si densément peuplée, si diversifiée, impressionne et envoûte depuis toujours. Elle entre maintenant dans la modernité et devient, à sa façon, l’une des puissances émergentes du XXIe siècle. Or, la complexité de la société indienne et de ses castes peut constituer un défi dans les rapports entre visiteurs et habitants. Ce livre vous donne les clés essentielles pour comprendre l’Inde.

• Comment cerner les réalités sociales et économiques?• Comment se débrouiller dans la vie quotidienne?• Comment respecter les us et coutumes?• Comment faire des affaires avec ses interlocuteurs indiens?

Que votre voyage ait un but commercial, culturel ou touristique, Comprendre l’Inde vous permettra de nouer des relations avec les Indiens et de mieux profiter de votre séjour. Il vous apportera l’essentiel à savoir sur l’histoire et la culture indienne, s’attardera à démystifier la structure sociale du pays, et vous permettra, sous l’éclairage des coutumes et croyances dont il faut tenir compte, d’éviter les faux pas.

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isbn : 978-2-89665-279-2 (version numérique)