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DOSSIER PEDAGOGIQUE Compositeurs exilés Weill, Prokofiev Orchestre Dijon Bourgogne

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DOSSIER

PEDAGOGIQUE

Compositeurs exilés

Compositeurs exilés p 1

Introduction : le contexte historique p 2

Les salons artistiques p 3

L’exil comme moyen de sauvegarde de l’art p 3

L’art dégénéré p 4

La musique dégénérée p 7

Entartete Musik, musique dégénérée p 8

Le détournement des musiques p 10

Liste de personnalités exilées p 11 Quelques pistes pour aller plus loin p 11 Sergueï Prokofiev p 12

Les années d’exil p 12

Kurt Weill p 14

Bertolt Brecht : une rencontre importante p 15

Contact presse :

Lisa Godeau

Communication,

action artistique

03 80 44 95 95

06 81 55 42 45

[email protected]

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Compositeurs exilés

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Les années de l’entre-deux guerres témoignent de l’émancipation des compositeurs et de leurs

œuvres. C’est une époque particulièrement riche des rencontres et des échanges des musiciens à

travers l’Europe mais aussi le reste du monde. Une ouverture artistique et une curiosité culturelle qui font se croiser musiciens, écrivains, peintres, acteurs et qui donnent lieu à des projets ouverts à différentes disciplines : la composition pour le cinéma débute, pour Alexandre Tansman, à travers sa collaboration avec Julien Duvivier pour le film Poil de Carotte, Stravinsky travaille longuement avec Diaghilev et les ballets russes (décors de Pablo Picasso pour Pulcinella), la fructueuse collaboration de Kurt Weill et de Bertolt Brecht à l’origine du « théâtre musical »… Les hommes se rencontrent et s’entraident, s’introduisant les uns auprès des autres et permettant aux œuvres de

circuler et d’être jouées largement.

A l’époque, Paris est déjà une terre d’accueil pour de nombreux

immigrés. Fuyant les régimes fascistes, les artistes notamment trouvent dans la capitale française une ville d’adoption où, le bouillonnement culturel de la première moitié du XXème siècle aidant, ils sont rapidement introduits auprès des cercles de connaisseurs. L’exemple d’Alexandre Tansman est, de ce point de vue,

caractéristique de ce mélange des cultures, de cette curiosité que des hommes les uns envers les autres et de cette entraide. Le musicien et compositeur Polonais d’origine juive arrive ainsi

à Paris en 1919. Un ami polonais, un architecte du nom de Stanislaw Landau, présente un jour Tansman à Georges Mouveaux, scénographe à l’Opéra de Paris. Ce dernier organise un dîner chez lui afin que le jeune compositeur rencontre Maurice Ravel qui introduit à son tour Tansman chez ses éditeurs Demets et Max Eschig. Grâce à Ravel, Tansman rencontre également les compositeurs Milhaud, Honegger, Roussel, Ibert et Schmitt et découvre la musique française dont la légèreté et le caractère spirituel marqueront très souvent ses propres compositions. Alexandre Tansman, plongé dans cette ambiance humaine et créatrice, s’est souvent exprimé sur l’ambiance qui régnait à

Paris pendant l’entre-deux guerre, témoignant de l’absence de

hiérarchie et du partage naturel des œuvres que les

compositeurs se montraient les uns aux autres. Cette époque est aussi celle des salons qui permettent à des artistes de différentes disciplines artistiques de se rencontrer et d’échanger. Ainsi Tansman fréquentait-il le dimanche après-midi le salon de Madame Paul Clemenceau, la belle-sœur de

Georges, qui était d'origine autrichienne. C'est là qu'il rencontre Albert Einstein, Hugo von Hofmannsthal et Stefan Zweig qui lui donnera une lettre d'introduction auprès de Richard Strauss.

Alexandre Tansman

« Le dimanche soir, raconte Tansman, on allait chez les

Godebski, les meilleurs amis de

Ravel. Là, j'ai connu Gide,

Manuel de Falla, Viñes. »

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Les salons artistiques

Les salons étaient des réunions d’hommes et de femmes qui se tenaient chez des particuliers,

dans un milieu intellectuel, souvent mondain, pour discuter d’actualité de l’époque concernée, de

philosophie, littérature, morale… Cela pouvaient être également des rencontres musicales où les

musiciens et compositeurs jouaient ou faisaient jouer leurs pièces. Au XXème siècle, ces salons permettent la rencontre et l’échange entre des artistes de différentes disciplines artistiques : musiciens, écrivains, peintres… Ces salons ont lieu chez des personnes souvent issues de la bourgeoisie et qui sont parfois mécènes, c’est-à-dire qui défendent et permettent la création artistique en achetant ou finançant la création des œuvres d’art. L’accès à ces salons se fait sur

invitation ou sur recommandation. C’est pourquoi il est important pour l’artiste de connaitre une personne qui pourra l’introduire au sein du salon. Le salon peut être considéré encore à l’époque,

et bien que ce soit de moins en moins le cas, comme l’antichambre permettant d’être connu et

d’accéder aux éditeurs. C’est le lieu où l’on se fait connaitre, où l’on échange, ou l’on montre ses

créations et à partir duquel on peut commencer à être diffusé.

L’exil comme moyen de sauvegarde de l’art

« En effaçant l’art d’un peuple on en efface la mélodie, l’âme

d’une culture, sa mémoire et son existence. » Vera Lewisje, historienne de l’art.

En s’exilant, les artistes ont emmené avec eux leur art et donc leur culture. Avec ces bagages, ils ont nourri leur pays d’accueil, ont permis la découverte et le partage de connaissances. Cela a également permis la sauvegarde de ces cultures qui ont continué à vivre dans d’autres pays, au

sein même d’autres cultures. A une époque ou Hitler pousse le pangermanisme et sa volonté d’unité de race

Aryenne jusque dans l’art, on assiste parallèlement dans les

autres pays européens à une diffusion de plus en plus importante des œuvres d’art. Confrontés à la suppression méthodique des œuvres d’art considérées comme

« impures » (livres brûlés, œuvres d’art confisquées et

réunies en une exposition d’art dégénéré, interdiction de

créer pour les artistes considérés comme subversifs…), les

artistes s’exilent en Europe et aux Etats-Unis où ils trouvent, outre un accueil très favorable et une liberté nouvelle d’expression, une ouverture au monde artistique

et à la diffusion de leurs œuvres. C’est cette importante

capacité d’échanges, de voyages et de rencontres au sein de pays qui les accueillent volontiers qui permettra aux artistes victimes du nazisme et de toute autre forme de régime fasciste, de continuer à créer et de faire connaitre, à travers leur art, la réalité de ce qui se déroule en Allemagne.

Noces chimiques, 1947-1948, Max Ernst.

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L’art dégénéré

L’expression Entartete Kunst (art dégénéré) est prononcée pour la première fois par Joseph Goebbels, le ministre en charge de la propagande du Reich. L’idéologie nazie, dans son besoin de purification et dans sa volonté d’établir la

supériorité aryenne et le génie du peuple allemand, étend son ordre moral au contrôle de l’Art. L’Art est, par essence, symbole de la liberté de pensée, de la liberté d’expression. S’agissant de création, donc d’expression produite par

l’esprit d’un individu, il est un lieu à priori incontrôlable et inaccessible. De plus, la force de l’Art, aspect essentiel de la vie culturelle, est bien de permettre une ouverture, une liberté au public dans sa compréhension, son acceptation ou non de l’œuvre et de son sens, c’est-à-dire que le public (donc la population) accède, grâce à l’Art, à une certaine forme de liberté. La prise de contrôle de l’Art par le régime nazi est donc une prise de contrôle

de toute la vie culturelle, nécessaire pour asseoir la domination totalitaire d’Hitler. Avec la mise en place de la notion d’Art Dégénéré, le pouvoir veut

prendre le contrôle des choix de la population. C’est le régime qui va imposer

ce qu’il considère comme étant le « bon » art et écarter, en s’efforçant de la

faire disparaître, ce qu’il considère comme n’étant pas de l’art. L’Art est non

seulement l’expression d’une personne mais également celle de différents

peuples, de différentes cultures et civilisation. En ne gardant de l’Art que ce

qu’il veut, le régime nazi est libre de supprimer l’Art de certains peuples, et avec lui leur culture. En 1935, le gouvernement organise à Nuremberg la première exposition d’Art

Dégénéré. Des rafles ont lieu dans les différents musées allemands. L’Art Moderne et les différents courants de l’époque (Cubisme, Dadaïsme, Expressionnisme, Futurisme, Impressionnisme, Abstrait, Fauvisme, Tachisme…) sont taxés d’Art Dégénéré. Les nazis cherchent à supprimer, à confisquer ou à empêcher toute création artistique se rapportant, de près ou de loin à l’Art Moderne. Au-delà d’un éventuel goût artistique, le régime d’Hitler

se préoccupe d’avantage du message véhiculé par l’œuvre elle-même. Souhaitant écraser toute possibilité de révolte, le gouvernement crée un blocus au niveau de son expression artistique. La moindre critique est immédiatement anéantie. En supprimant ces différentes formes d’Art, les nazis visent les

thèmes fondamentaux des artistes d’avant-garde de cette époque : la solitude des Hommes, les injustices des conditions, la violence des rapports humains, le chaos du monde industriel… Hitler veut établir un art allemand, totalement dévoué au régime. L’Art devient alors un outil de propagande nazie.

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L’Art défendu par le régime nazi doit se conformer à une vision idéale de la famille, du patriotisme et des grandes valeurs morales prônées par Hitler. En revenant à des formes d’art anciennes et en refusant toute innovation artistique (et donc intellectuelle), l’Art allemand se cantonne à des représentations académiques :

- sculptures néo-grecques et néo-romaines : la femme est réduite aux attribues de la maternité avec une insistance sur la largeur des hanches et la générosité des seins, l’homme étant représenté en athlète de gymnase ;

- le style néo-baroque : en architecture avec beaucoup de moulures et de dorures ;

- le style moyenâgeux Ainsi « momifié », l’art allemand ne sert plus qu’à décorer et à cautionner le

nouveau régime.

Le Portugais (L’émigrant), 1911, Georges Braque.

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Une deuxième exposition est organisée en 1937 à la Maison de l’art allemand de Munich. Les

œuvres d’handicapés mentaux et les dessins d’enfants côtoient les œuvres d’artistes connus. Des commentaires méprisants, tirés de citations d’artistes tronquées ou isolées de leur contexte ou

écrits par Hitler lui-même ou d’autres membres du parti nazi, accompagnent chaque œuvre

exposée. Le but est de démontrer l’aspect malsain et impur de l’Art Moderne. Celui-ci est associé à un art malade, interdit et destiné à disparaître. Toute la mise en scène de ces expositions a pour but de provoquer chez le public un sarcasme et un rejet immédiat des œuvres d’art. Le régime nazi veut à tout prix éviter que les visiteurs n’aient un temps de réflexion, un regard personnel.

Parmi les artistes taxés de « dégénérés » par le régime fasciste allemand, nombreux sont ceux qui militent et résistent avec leur art. Ils dénoncent, critiquent, proposent une autre vision du monde, de la réalité. En plus de la confiscation et de la suppression des œuvres d’art, les artistes sont

interdits d’expression et de création : ils fuient. Les œuvres confisquées sont détruites ou

revendues aux enchères en 1939 au profit du régime nazi. La crise économique et l’antisémitisme croissant favorisent ces initiatives. Le public se déplace nombreux aux expositions. On estime à près de 5000 le nombre d’œuvres, peintures, sculptures

ou dessins détruits sur l’ordre de Goebbels à la veille de la guerre.

La tentation de Saint-Antoine, 1945 (détail), Max Ernst.

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La musique dégénérée

Parmi tous les arts, la musique est celui qui a été le plus utilisé, détourné, dénaturé. Véritable arme de propagande et de destruction, le nazisme a démontré un rapport particulièrement effroyable à la musique. Expression du nationalisme et de la grandeur du IIIème Reich, la musique est utilisée par les nazis pour démontrer le génie éternel du peuple allemand et la supériorité aryenne. La musique est l’Art par excellence qui se partage simultanément et peut ainsi toucher plusieurs personnes à la fois : une foule peut entendre la même musique et se sentir investie d’une force qui est décuplée par le nombre de personnes présentes. La musique a

un pouvoir d’exaltation, elle réunit et entraine. A l’opposé cependant, la musique est utilisée par les nazis pour soumettre et anéantir leurs prisonniers : nombreuses sont les exécutions qui ont lieu au son des symphonies de Bruckner ou de Beethoven. De même, la musique était inscrite dans la vie des camps de concentration : opérations punitives et exercices journaliers scandés par des marches exécutées par des déportés, exécutions capitales en musique, jusqu’à l’entrée des juifs dans

les chambres à gaz.

Trois musiciens, 1921, Pablo Picasso.

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Comme les peintures, sculptures ou dessins, la musique est soumise à un tri et à un « nettoyage » de la part du régime nazi. La musique que l’on

met en avant est principalement celle de l’époque romantique. Le

romantisme allemand (1770 – 1830) est un courant artistique (principalement musical et littéraire) qui oppose à la raison l’imagination.

La musique romantique est, d’une part, une musique qui « élève l’âme à

la vérité » (avec une notion de spiritualité), d’autre part c’est une musique

nationale, une musique faite par et pour le peuple. Dans ce culte de la musique allemande :

- la mélodie prend une place prédominante ; - l’orchestre est seul à même de transcrire la puissance, toute autre forme

musicale étant écrasée ; - les thèmes du surhomme, du héros, de la pureté, de l’or et la puissance,

le déclin, la décadence, la dégénérescence sont traités à répétition ;

Entartete Musik, musique dégénérée Entre 1933 et 1945, c’est ainsi que les nazis nomment toute musique ne

correspondant pas aux normes de l’art officiel, loin de l’idéal aryen, de la

race supérieure. Toute la musique des années 1930, allant de la musique atonale au jazz, la musique dite « moderne » (Hindemith, Schönberg…), ou celle dite « populaire » (Weill, Dessau…) est interdite : elle ne peut être jouée et les compositeurs sont censurés par le régime, de peur de ce que leur musique pourrait signifier et faire passer comme message. A partir de 1933, une loi allemande exige que tous les musiciens allemands soient officiellement déclarés et enregistrés. Ceux qui, pour des raisons raciales ou artistiques ne correspondent pas à l’idéal nazi voient leur

carrière immédiatement brisée. Ne pouvant plus composer, ces musiciens et compositeurs ont pour beaucoup choisi l’exil ou ont rejoint la Ligue culturelle des juifs allemands. On a alors créé des orchestres juifs, sous administration juive et destinés à un public juif. Cette ligue fonctionne jusqu’en 1941, date à laquelle la plupart de ses membres sont envoyés à au camp de Terezin, antichambre d’Auschwitz. On retrouve l’idée de pureté qui prédomine l’idéologie nazie. Ainsi sont

rejetées toute la musique de musiciens d’origine juive, mais aussi le jazz (musique afro-américaine).

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En 1938 a lieu à Düsseldorf une exposition intitulée « Musique Dégénérée ». Comme les expositions « Art Dégénéré », elle présente l’ensemble de la nouvelle musique apparue ou

répandue en Allemagne depuis trente ans et rejetée par le régime nazi : musique de la nouvelle école de Vienne (Schönberg, Berg, Webern), le jazz, et plus largement toute la musique qui ne se prête pas à la récupération politique ou à la propagande. Comme pour les arts plastiques, des légendes soulignent le manque de sens, les prétendues fautes de composition, le manque de fini, la réalisation défaillante des œuvres musicales. Le peuple est pris à témoin de la prétendue décadence où a sombré l’Allemagne et de son rôle dans la tâche salutaire qui consiste à purifier le pays de toutes ces œuvres criminelles. Une liste noire est établie, qui interdit à tout orchestre de jouer ces œuvres.

Le violon « Jolie Eva », 1912, Pablo Picasso

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Le détournement des musiques

Le régime nazi a tenté de reconstruire l’Histoire allemande afin d’en supprimer tout élément

perturbateur. Afin que l’idéologie du IIIème Reich soit irréprochable et ce jusque dans le passé, il

s’agissait de ne conserver que ce qui mettait en valeur la race aryenne. Si certains éléments ne pouvaient être supprimés purement et simplement, il s’agissait alors de réécrire l’Histoire pour

qu’elle soit autre. C’est ainsi que les paroles des oratorios de Haendel parlant du peuple juif ont été modifiées. Bach,

Bruckner sont utilisés pour mettre en avant le nationalisme allemand, et Beethoven surtout qui est la figure romantique par excellence. Richard Wagner (1813-1883) est récupéré par le régime nazi qui s’approprie sa musique. Il devient le compositeur fer-de-lance d’Hitler qui voit en lui le prédécesseur légitime et unique du national-socialisme. Le pianiste et compositeur hongrois, Franz Liszt, devient allemand sous la plume des théoriciens nazis. Felix Mendelssohn-Bartholdy, de par son origine juive (il était le petit-fils de Moses Mendelssohn, le grand penseur de l'Aufklärung juif), est une de leurs "victimes" préférées, malgré sa conversion au christianisme. Sa statue à Leipzig est détruite, la rue qui portait son nom est rebaptisée du nom d'Anton Bruckner, et enfin un grand concours est organisé pour recomposer son Songe d'une nuit d'été dans une version aryenne. Dès 1933, les programmes de musique classique à la radio sont contrôlés. Mendelssohn est pratiquement interdit de diffusion, mais Wagner est, lui, l’objet de diffusion à répétition : en concert, à la radio, lors de défilés et de cérémonies ou encore dans les célébrations.

Jeune fille à la mandoline, début 1910, Pablo Picasso

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Quelques personnalités qui ont fui les régimes totalitaires de leurs pays respectifs

· Stefan Zweig, écrivain autrichien exilé en France ;

· Tomas Segovia, écrivain espagnol exilé au Mexique ;

· Thomas Mann, écrivain allemand exilé en Suisse ;

· Bertolt Brecht, écrivain et poète allemand exilé en France, en Suède, en Finlande, aux Etats-Unis puis en Autriche où il obtient la nationalité autrichienne ;

· Albert Einstein, physicien théoricien allemand, apatride, puis suisse et enfin helvético-américain. Président d’honneur de la Ligue contre l’Antisémitisme, il lance un appel aux

peuples civilisés de l'univers, tâchant « d'éveiller la conscience de tous les pays qui restent fidèles à

l'humanisme et aux libertés politiques » ; dans cet appel il s'élève contre « les actes de force brutale et

d'oppression contre tous les gens d'esprit libre et contre les juifs, qui ont lieu en Allemagne. »

· Severo Ochoa, biologiste espagnol exilé ;

· Sigmund Freud, neurologue juif-autrichien exilé en Angleterre ;

· Fritz Lang, réalisateur allemand exilé et naturalisé américain ;

· Paul Dessau, musicien et chef d’orchestre allemand exilé en France puis aux Etats-Unis ;

· Arnold Schönberg, musicien et compositeur autrichien exilé aux Etats-Unis ;

· Hanns Eisler, théoricien et compositeur autrichien exilé aux Etats-Unis ;

· Ernst Krenek, compositeur autrichien exilé aux Etats-Unis ;

· Paul Klee, peintre suisse-allemand exilé en Suisse ;

· Erich Wolfgang Korngold, compositeur autrichien exilé aux Etats-Unis ;

Quelques pistes pour aller plus loin…

Ø Chercher le nom d’autres artistes qui ont fui le régime fasciste de leur pays et trouvé refuge ailleurs.

Ø Chercher les œuvres musicales qui se sont engagées dans l’opposition au régime fasciste

(titres, paroles, propos…).

Ø S’intéresser aux œuvres d’art (peintures, sculptures et dessins) qui ont été déclarées « Entartete Kunst » (art dégénéré) par les nazis et essayer de voir en quoi leurs représentations, leurs techniques témoignent d’un style, d’une modernité.

Ø Quelles ont été les autres formes d’exclusion de l’art, considéré comme « non officiel » dans d’autres pays ?

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Sergueï PROKOFIEV

Ouverture sur des thèmes juifs

Elève peu enclin au conformisme et par ailleurs pianiste talentueux et compositeur curieux, Sergueï Prokofiev s’intéresse très tôt aux

compositeurs contemporains : Debussy, Strauss, Reger (tous mal vus au Conservatoire). Compositeur prolixe particulièrement novateur dans le domaine harmonique, Prokofiev a abordé tous les genres, à l’exception de la musique

religieuse. Intéressé par ce qui se passe autour de lui et par les différents domaines artistiques, Prokofiev travaille avec Diaghilev dont il écrit la musique de ballets. Il reçoit des commandes de musique de film (Lieutenant Kijé), et compose également pour les enfants (Pierre et le loup). Grâce à cette ouverture, Prokofiev témoigne d’une grande capacité d’adaptation aux genres et

aux styles, mais aussi aux pays qu’il a traversés. L'Ouverture sur des thèmes juifs de Sergueï Prokofiev est une œuvre de musique de chambre pour clarinette, quatuor à cordes et piano, composée en 1919 à partir de thèmes traditionnels juifs. Elle résulte d'une commande faite au compositeur par l'ensemble juif Zimro à New York, où Prokofiev venait d'arriver en 1919. Cette œuvre est l’un des premiers exemples de la

stylisation artistique de la musique klezmer. Les années d'exil (1918-1932)

Prokofiev gagne dès 1918 le Japon par Vladivostok ; il donne quelques récitals puis s'embarque pour San Francisco. Là, totalement ruiné, il doit emprunter 300 dollars pour se rendre à New-York, où il a déjà une certaine réputation. Mais la révolution russe n'a pas bonne presse et sa musique avant-gardiste est injustement traitée de « mécaniste ». Il a un peu plus de succès à Chicago où il compose l'une de ses principales œuvres, L’Amour des trois oranges, opéra créé en 1920, qui aura un grand succès en Europe aussi, dès l'année suivante. En 1921, il revient en Europe, d'abord à Londres, puis en France où il passe six mois, dans la station balnéaire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), en compagnie de sa mère et de son ami Constantin Balmont, un poète symboliste russe, lui aussi en exil. Là, il achève la Suite Scythe, le Troisième concerto et les Cinq poèmes sur des vers de Constantin Balmont. À la fin de l'année, il est de nouveau aux États-Unis : il dirige le Troisième concerto pour sa création, à Chicago.

Sergueï Prokofiev

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En 1922/1923, il cherche le calme et l'inspiration à Ettal, dans les Alpes bavaroises. Il y termine son nouvel opéra, L'Ange de feu, puis travaille sur une Seconde symphonie qui sera un échec, et un Concerto pour violon. Il rencontre celle qui deviendra sa femme en 1923, Carolina Codina, une soprano plus connue sous son nom de scène de Lina Llubera, qui lui donnera deux fils. Il revient ensuite à Paris où il demande à sa mère de le rejoindre et où il poursuit sa coopération avec Diaghilev. En 1928, il monte Le Pas d’acier et, un an plus tard, Le Fils prodigue. Il rencontre les artistes de son temps comme Picasso et Matisse, qui fait de lui un portrait au fusain. C’est lors de

ce séjour en France qu'il se querelle avec Igor Stravinski. On opposait souvent la « perfection » de Stravinski à l’art plus « rocailleux » de Prokofiev. A partir de 1927, Prokofiev supporte de moins en moins l'exil et correspond de plus en plus avec ses amis restés en URSS. Se sentant étranger aussi bien parmi les Occidentaux que parmi ses compatriotes émigrés, il décide de faire une tournée en Union Soviétique. Le succès est tel qu'il fait salle comble pendant plus de deux mois ; il est fêté comme un héros national ayant conquis l'Occident. Il envisage alors sérieusement un retour au pays, ce qui lui permettrait de sortir enfin de l'ombre de Stravinski, d'autant que Diaghilev disparaît de manière totalement inattendue à Venise en 1929. Mais de 1930 à 1932, il trouve un véritable soutien dans le chef d'orchestre Serge Koussevitzky, basé aux États-Unis, qui lui permet de connaître de nombreux succès outre-Atlantique.

De nombreux musiciens et compositeurs russes choisissent d’émigrer face au contrôle du

pouvoir sur le domaine culturel, et donc musical. Le gouvernement refuse la modernité et taxe de « formalisme » tout artiste qui déplait pour une raison ou une autre. On reproche aux compositeurs de « sacrifier » ce que la musique contient de social et d’émotionnel au profit de la

recherche sur le rythme, les timbres, l’harmonie… Tout ce qui permet à la musique d’évoluer et

de s’inscrire dans son temps est, comme sous le régime nazi, rejeté.

Rachmaninov, Chaliapine, Tchérepnine, Medtener, Glazounov choisiront de s’exiler pour

conserver leur liberté et leur passé russe. Prokofiev renoue avec son pays au moment où le gouvernement étend son emprise sur l’ensemble des domaines culturels. Le compositeur choisi de sacrifier sa liberté ; il revient en Russie et devient un compositeur soviétique officiel. Si cette position semble le mettre à l’abri du gouvernement pendant un temps (à côté d’œuvres écrites

pour le régime en place, Prokofiev peut composer d’autres œuvres plus personnelles), son statut

ne le protège pas du totalitarisme et des attaques dont son œuvre fait l’objet : la censure ira jusqu’à condamner toute une série de pièces de Prokofiev. Le compositeur disparaîtra dans une presque indifférence, sa mort survenant le même jour que celle de Staline.

Sergueï Prokofiev, 1921, Henri Matisse.

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14 Orchestre Dijon Bourgogne

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Kurt WEILL

Concerto pour violon et orchestre

à vents avec percussions

Considérer Kurt Weill exclusivement comme un compositeur allemand ne serait juste ni pour son œuvre ni pour sa personne. Lorsque, en 1947, le magazine Life le présente comme un « compositeur allemand », Weill proteste dans une lettre ouverte :

« Bien que je sois né en Allemagne, je ne me considère pas comme un

« compositeur allemand ». Il est clair que les nazis ne m’ont pas

considéré comme tel et j’ai quitté leur pays en 1933… Je suis un citoyen

américain, et pendant les douze années passées dans ce pays, j’ai

travaillé exclusivement pour la scène américaine… Je vous serais

reconnaissant de bien vouloir informer vos lecteurs de cette réalité. »

Kurt Weill

Le Concerto pour violon et orchestre à vents avec percussions op. 12 est la première grande œuvre écrite par Weill à la fin de ses études chez Busoni.

Composé au printemps 1924 pour le violoniste Joseph Szigeti, ce concerto occupe une place importante dans l’évolution de Weill car c’est sa dernière

œuvre allemande redevable à ses ainés et aussi à l’esthétique rythmique de

Stravinsky. L’œuvre est créée à Paris en 1925.

Le compositeur Jean Wiener, qui, sans avoir bien connu Kurt Weill, l'a souvent rencontré, disait : « Ce qui est unique et remarquable dans la musique de Weill est qu'il a su écrire une musique pour tout le monde... mais comme ne fait pas tout le monde... On pourrait passer sa vie à se demander pourquoi telle mélodie ou telle phrase est harmonisée ainsi sans trouver de réponse. » Que ce soit en Allemagne, en France ou en Amérique, son expression musicale pleine de contrastes a, en effet, toujours étonné par une diversité associant très naturellement avant-gardisme et assimilation de la tradition. Cette personnalité aux multiples facettes, qui a su associer la musique aux créations scéniques en lui donnant une place à part, a su conserver son indépendance et sa « patte » tout en s’adaptant aux différentes cultures croisées et assimilées.

Kurt Weill

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15 Orchestre Dijon Bourgogne

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Bertolt Brecht : une rencontre importante

L’année 1927 est très importante pour Kurt Weill. Le compositeur rencontre Bertolt Brecht,

poète, dramaturge et metteur en scène allemand qui essaie à l’époque de mettre en place et de faire

reconnaitre une nouvelle conception du théâtre, libérée du poids des drames. Dans ses pièces, Brecht démonte pour les caricaturer les processus de l’âme humaine. Il intègre la musique à ses

créations en lui confiant le rôle important de véhiculer les idées principales. Weill et Brecht, pères du théâtre musical, auront une longue et fructueuse collaboration : l’Opéra de quat’sous (1928), Grandeur et décadence de Mahagonny (1927), Happy End (1929)… En 1930, les deux hommes

n’arrivent plus à s’entendre et se séparent. Face à la montée du nazisme, Kurt Weill se réfugie à Paris en 1933, puis à Londres, et écrit un ballet mêlé de songs (sortes de balades modernes apparentées à la chanson de cabaret) et de monologues, Les Sept Péchés Capitaux, dernière œuvre composée sur un livret de

Bertolt Brecht. En 1935, répondant à l’invitation du metteur

en scène Max Reinhardt (autrichien naturalisé américain suite à son exil), Weill s’installe

définitivement aux Etats-Unis où il vit tantôt à New-York, tantôt à Hollywood. Maîtrisant déjà parfaitement à la fois le théâtre et la musique, Weill s’adapte immédiatement à la culture

américaine. Il compose dès lors de nombreux opéras qui font appel à l’opérette et aux

comédies musicales de Broadway. Son langage reste cependant reconnaissable, et l’on trouve,

en toile de fond, la volonté du compositeur de faire passer ses idées en lutte contre les inégalités et vicissitudes humaines. Lost in the

stars, sur le thème de l’apartheid sud-africain (1949), Johnny Johnson (1936, sur le thème du pacifisme et du patriotisme pendant la première guerre mondiale)… Kurt Weill, par son adaptation constante aux courants de son époque et à son indépendance toujours préservée, influencera toute une génération de compositeurs allemands, parmi lesquels Eisler et Dessau. Lost in the stars, 1949, Kurt Weill.

Bertolt Brecht et Kurt Weill