Complet Campus

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Générations QUAND LES JUNIORS FORMENT LES SENIORS Métiers d'avenir en 2.0 DATA CRUNCHER, E-MARKETEUR OU LINK BUILDER POUR LES LITTÉRAIRES VIE PROFESSIONNELLE Le break, un pari gagnant ? FORMATION | RECRUTEMENT | CARRIÈRE Supplément au Monde n° 21410 daté du 19 novembre 2013. Ne peut être vendu séparément Retraite LE TAUX PLEIN, UN OBJECTIF HORS DE PRIX POUR LES JEUNES

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GénérationsQUAND LES JUNIORS

FORMENTLES SENIORS

Métiers d'avenir en 2.0DATA CRUNCHER, E-MARKETEUR

OU LINK BUILDER POUR LES LITTÉRAIRES

VIE PROFESSIONNELLE Le break, un pari gagnant?

FORMATION | RECRUTEMENT | CARRIÈRE

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OBJECTIF HORS DE PRIXPOUR LES JEUNES

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 3

N ous ne sommes plus seulement en crise, mais en mutation.Le choc de 2008 a masqué de profonds changements liésau développement des technologies de l’information et auvieillissement démographique. De jeunes diplômés l’ont

bien compris, qui investissent des professions encore trop nouvellespour avoir un vrai nom: «linkbuilder» pour les littéraires, «e-marke-teur» dans le conseil, «webmaster» dans tous les secteurs.Ces jeunes pratiquent des métiers avant même qu’ils existent formel-lement. C’est le cas pour la Data Science, dont les perspectives laissentrêveur. L’offre de spécialistes en Big Data est estimée à 4,4 millions depersonnes dans le monde d’ici à 2015. Les informations numérisées, stoc-kées dans des serveurs distants interconnectés (le fameux nuage infor-matique baptisé « Cloud »), ne demandent qu’à être exploitées par lesentreprises? Les jeunes se font «Data scientists». Les écoles élaborent desformations en marchant. La compétence précède la formation. C’est ainsique, dans les entreprises, alors que le gouvernement conçoit des contratsde génération pour que les seniors soient tuteurs des plus jeunes, ce sontles juniors qui forment les seniors!Mais le sort de la plupart des jeunesn’est pas toujours enviable. Le marchéde l’emploi, tous secteurs confondus,leur fait toujours grise mine, au moinsjusqu’à 27 ans. C’est à cet âge seulementque les jeunes Français atteignent enfinla stabilité, comme leurs aînés, avec untaux d’emploi à près de 80%. Les jeunes en quête de sens explorent doncdes territoires historiquement flous mais éternellement dynamiquescomme l’économie sociale, avec l’intention de marier social et rentabi-lité. Les entreprises sociales sont aujourd’hui nombreuses à être dirigéespar des trentenaires.Ce ne sont pas des néo-bobos égarés aux marges du marché du travail.Nés avec les technologies de l’information (NTIC), ils voient des perspec-tives florissantes là où les statistiques broient du noir. L’agriculture, lesservices à la personne et même l’industrie recouvrent, à leurs yeux, desemplois d’avenir, portés notamment par l’essor de la robotisation. Unsecteur qui devrait créer 450000 emplois entre 2010 et 2015, dont prèsde 100 000 en robotisation industrielle, selon le cabinet Metra Martech.Le ministère du travail estime, quant à lui, à 350000 le nombre de créa-tions d’emplois entre 2010 et 2020, pour répondre aux nouveaux be-soins liés au vieillissement de la population.«Les mutations de la fortune (..) ôtaient la force aux uns pour la com-muniquer aux autres», écrivait Anatole France, Prix Nobel de littératureau début du siècle dernier. Ce sera vrai en 2014. Mais les jeunes qui s’in-ventent un métier, décident de vivre leur passion ou de faire le tour dumonde sont entrés dans une dynamique du changement.

Anne RodieR

édito

Renouveau

AgRicultuRe, seRvicesà lA peRsonne, industRie…

les tRentenAiRes, nésAvec les ntic, voient des

peRspectives floRissAnteslà où les stAtistiques

bRoient du noiR

Président du directoire,directeur de la publication

Louis Dreyfus

Directrice du «Monde»,membre du directoire,

directrice des rédactionsNATALie NouGAyrÈDe

Secrétaire généralede la rédaction

ChrisTiNe LAGeT

Coordination rédactionnelleANNe roDierPierre JuLLieN

Directeur artistiqueroDoLPh BouTANquoi

EditriceAméLie DuhAmeL

IllustrateursNiCoLAs BArrome

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 5

3 Edito

6 En bref

26 Innovation Les chercheurs cherchent… leur place

28 Parité 3 leviers d’action en faveur de l’entrepreneuriat féminin

30 Générations Quand les juniors forment les seniors

32 Vie privée-vie professionnelle Une carrière, oui, mais pas à n’importe quel prix

34 Entrepreneuriat Les jeunes dip’ investissent l’économie sociale et solidaire

52 Recrutement La croissance poussive de la cooptation par Internet

54 Risques psychosociaux Travailler plus pour gagner… un burn-out

56 Pension La retraite à taux plein, un objectif hors de prix pour les jeunes

57 Prospective Entretien avec Arnak Dalalyan et Romain Aeberhardt

58 A lire

8 Dossier Métiers d’avenir en 2.012 Data cruncher, e-marketeur… les e-jobs prennent le pouvoir

14 Le numérique, une nouvelle chance pour les littéraires

16 Les « freelancers» en panne de couverture sociale

18 Le monde du sport en quête de cols blancs

20 ONG recherchent ingénieurs, logisticiens, expérience requise

22 Je travaille dans un secteur qui n’intéresse personne !

24 Entretien avec Marc Gesbert : comment tester un métier

38Dossier Le pari du break professionnel38 La tentation de l’international

42 Le marché florissant du conseil aux expatriés

44 Un tour du monde sinon rien !

46 Je plaque tout pour faire de ma passion mon métier

48 Quête du sens au travail, les entreprises s’engagent

50 Le service civique détourné de ses objectifs

sommaire

Supplément auMonde n° 21410 daté du 19 novembre 2013

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6 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

L a richesse mondiale a augmentéde 68% ces dix dernières annéespour atteindre 241000 milliards

de dollars (178000 milliards d’euros) etle centième de la population le plus for-tuné détient 46% du patrimoine global,montre une étude publiée le 9 octobrepar Credit Suisse.Sans surprise, la Suisse se classe en têteavec un patrimoine moyen par adultede 513000 dollars, devant l’Australie(403000 dollars), la Norvège (380000)et le Luxembourg (315000). Suivent lesEtats-Unis, la Suède, la France, Singapour,la Belgique et le Danemark avec des patri-

moines moyens situés entre 250000 et300000 dollars.A l’opposé, deux tiers des adultes de laplanète disposent d’un patrimoine infé-rieur à 10000 dollars et ne représententque 3% de la richesse globale.Credit Suisse précise que 98700 per-sonnes dans le monde disposent d’unefortune de plus de 50 millions de dollars,dont plus de la moitié aux Etats-Unis etun peu plus d’un quart en Europe. EnChine, le nombre de milliardaires estainsi passé en dix annnées d’un à 64,précise le rapport (www.credit-suisse.com/fr).

A Cuba, le sport«eut» payéLe gouvernementcubain de Raul Castro vaaugmenter le salaire dessportifs de haut niveau,selon le journal officielcubain Granma. Unemesure qui entrera envigueur en 2014. Ainsi,un médaillé olympiquegagnera désormais60 dollars par mois(quelque 45 euros), unmédaillé panaméricain50, alors que les membresde l’équipe nationale debase-ball jouant à Cubagagneront 40 dollars,selon le quotidien.

En matière de recrutement,les stéréotypes ont la vie dure,

avec des traits de personnalitéencore assignés «naturellement»aux femmes, selon une étude duCentre d’études et de recherchesur les qualifications (Céreq)publiée le 9 octobre,menée pour le compte du Fondsd’expérimentation pour lajeunesse, réalisée sur la base

d’entretiens avec des employeurs(hommes et femmes) de la régionPaca, potentiellement recruteursde jeunes titulaires d’un brevetde technicien supérieur (BTS),dans divers secteurs d’activité.«Seulement 2 recruteurs,sur les 30 rencontrés, considèrentque le sexe des candidats n’aeu aucune incidence sur le choixde la personne effectivement

embauchée», note l’étude.Mais les autres assignenttout naturellement certaines«qualités» à l’homme ou à lafemme («pédagogues, douces,organisées, moins disponibles»)…Plus classiquement, leur chargefamiliale, réelle ou potentielle,«entrave clairement l’accèsdes (jeunes) femmes à certainesentreprises», note le Céreq.

en bref

Riches-pauvres, version 2013

Stéréotypes de recruteurs

Quels obstaclesà l’emploi?

A la question «Quel est leprincipal obstacle que

rencontrent les jeunes dans votrepays lorsqu’ils cherchent unemploi à la fin de leurs études?»,les jeunes Français répondentmajoritairement qu’il n’y a pasd’offres dans leur ville ou leurrégion, alors que les Grecs disentd’abord ne pas trouver d’offreintéressante en rapport avecleurs études. Les Français sontles plus enclins à considérer nepas avoir «les savoirs ou lescompétences adéquats».

La France, c’estpas le PérouSeulement 13% des entreprisesaméricaines ayant investien France ont une «perceptionpositive» du pays, selon unsondage réalisé par la chambre decommerce américaine en Franceet le cabinet de conseil Bain àpartir de 82 réponses recueilliesauprès de sociétés «représentantplus de 55000 employés et plusde 40 milliards d’euros de chiffred’affaires», et publié le 15 octobre.A titre de comparaison,la proportion était de 22% en2012, 56% en 2011 et 46% en 2010.

FranceSuèdeRoyaume-UniAllemagnePologneEspagneItalieGrèce

Source : Ramses 2014

Perception chez les jeunes (15-35 ans) des difficultéspour trouver un emploi en 2011, en %

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Il y a des emplois mais ils sonttrès mal rémunérés

Pas d’offre dans la villeou dans la région

Pas les savoirs ou les compétences

Pas d’offres d’emplois intéressantesen rapport avec leurs études Pas au courant des offres

Ne sait pas

Les apprentis enquête de mobilitéPrès de 6 apprentis duBTP sur 10 (57%) se disentprêts à changer de régionpour trouver du travail, etprès de la moitié (46,5%)seraient même disposésà partir à l’étranger, selonle Baromètre de la viede l’apprenti, du réseaude l’apprentissagedans le BTP, publié le4 septembre, établi auprèsdes 63000 apprentisdu secteur, du CAP àla formation d’ingénieur.

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 7

Universum:lesdirigeantsidéauxdes jeunesdiplômés

P lus de 34 000 étudiants ont étéinterrogés entre décembre 2012

et février 2013, dans le cadre d’unsondage d’Universum, spécialisé dansle milieu étudiant, sur leur définitionde l’employeur idéal. Concernant leclassement des dirigeantscharismatiques, les dirigeants d’Applerecueillent l’unanimité, aussi bienchez les futurs ingénieurs desuniversités

3300 eurossinon rienLe distributeur Lidl Suisse– 90 magasins et environ 2 000employés –, filiale du groupeallemand du même nom, a décidéd’augmenter à 4 000 francs suisses(3 300 euros) le salaire minimumversé à ses employés à partir du1er décembre 2014 dans le cadre d’unaccord conclu avec les organisationssyndicales.

Le travail, c’estle bonheur!La part des salariés du privé etagents du public qui se disentglobalement satisfaits du climatdans leur entreprise ou leuradministration est en haussede 5 points par rapport à 2012, à52%, selon une enquête publiéele 17 octobre par le cabinet deconseil Cegos, qui a interrogéen septembre 1 300 actifs (750du secteur privé et 550 fonction­naires) et 451 DRH. En outre,65% des actifs sont satisfaitsde leur emploi actuel (+ 5 pointssur un an), 64% estimentpouvoir compter sur leurscollègues en cas de difficultés(+ 6 points), 71% estiment queleur manager leur fait confiance(+5 points) et 63% considèrentleurs objectifs comme réalisteset atteignables (+6 points).

Les financiersaiment TwitterSelon une étude d’AlbanJarry, expert en financede l’Association françaisede la gestion financière(AFG), menée en septembreet octobre auprès de139 professionnels françaisde la finance (gestionnairesd’actifs, prestataires deconseil, banquiers, tradersindépendants), 59%utilisent Twitter, dont 78%chaque jour. Ils sont 45% àjuger que ce réseau socialest «professionnellementindispensable» et 50%à le trouver «utile». Aucontraire, 52% d’entreeux jugent Facebook «sansintérêt professionnel»et 26% l’estiment «utile».

1521 €La rémunération moyenne d’un salarié non cadre – 80% dela population active salariée, 18,7 millions en 2011, selonl’Insee – s’est élevée au premier semestre 2013 à 1521 eurosbrut (6,3% au­dessus du smic), en hausse de 1,8% sur unan, selon une étude publiée le 8 octobre par Randstad. Selonce baromètre qui s’appuie sur des salaires réels extraitsde 1,4 million de fiches de paie dans tous les secteursprofessionnels, la progression a été plus faible qu’en 2012(+ 2,2%), mais reste supérieure à l’inflation (+0,9%).

My english is not rich

Selon une enquête de Cadremploi et de l’organisme de formation 1to1 English, plus de83% des cadres sont amenés à utiliser des langues étrangères, l’anglais étant de loin

la plus fréquemment utilisée (66,6%) devant l’espagnol (12,7%), l’allemand (10,4%) etl’italien (5,2%). En anglais, près de la moitié des cadres (46,8%) estiment avoir un niveaudébutant ou intermédiaire. Lors des entretiens d’embauche, si plus de 6 cadres sur 10(60,3%) rapportent avoir dû s’exprimer en anglais, seuls quelque 27% se sentent assezpréparés pour soutenir un entretien dans cette langue. Conséquence: plus de la moitiédes sondés (56,4%) conçoivent leur niveau d’anglais comme un frein à l’embauche et àl’évolution de carrière (enquête réalisée du 18 au 21 juin par le biais de questionnairesautoadministrés en ligne auprès d’un échantillon de 3896 personnes).

... des grandes écoles de commerce ... des grandes écoles d’ingénieurs

... des grandes écoles de commerce ... des grandes écoles d’ingénieurs

Source : Universum

Les meilleurs employeurs selon les étudiants...

Les dirigeants les plus charismatiques selon les étudiants...

GoogleApple

LVMHGoogle

AppleMcKinsey

& Co21

32

13

LVMH EADSL’Oréal Google

DassaultAviation

Google2

13

21

3

et grandes écoles que chez lesétudiants en commerce-management.Or, dans le classement des meilleursemployeurs, Apple se retrouve en4e position, et il ne figure pas dans leTop 10 des étudiants ingénieurs. Lasituation est similaire pour Microsoft.Pour les étudiants en commerce-marketing des grandes écoles, leur

employeur idéal est LVMH et ilsclassent son dirigeant, BernardArnault, en 3e position des dirigeantscharismatiques. Seul Google sedémarque en étant bien classé grâceau charisme de son dirigeant,Larry Page, mais aussi en tantqu’employeur idéal.

Déborah Zago

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8 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 9

Métiers en 2.0le grand bond

L’évolution de la société jointe aux bouleversementstechnologiques donne naissance à des professions inédites,

ouvertes aux jeunes diplômés comme aux salariés reconvertis.

Nouvelles ten-dances, crise etnouvelles tech-nologies: versquel métierpeut se tour-ner un jeunediplômé en2014? 2800

suppressions de postes annoncées pour AirFrance, 900 chez Alcatel-Lucent, 850 pourl’abattoir Gad, le tout rien qu’aumois d’oc-tobre. Le ton avait été donné dès le début del’année avec le plan social de Goodyear quiconcernait 1173 personnes. Total, Danone,IBM, Virgin, aucun secteur n’a été épargnéen 2013 par des restructurations d’enver-gure. «Quand l’emploi est menacé, mieuxvaut quitter rapidement l’entreprise», ex-pliquait ledirecteurduCentrede rechercheen économie et statistiques (CREST), Fran-cis Kramarz, au colloque annuel du Conseild’orientation pour l’emploi (COE) organiséfin septembre sur le changement de mé-tier. Les travaux sur lamobilité profession-nelle de l’économiste Gueorgui Kambou-rov ont en effet démontré que c’était dansl’intérêt du salarié. D’aucuns décidentmême de quitter le pays pour trouver àl’étranger les débouchés qu’ils croient per-dus en France. Le Centre d’études et de re-cherches sur les qualifications (Céreq) aconstaté que, sur une période de cinq ans,de 1998 à 2003, environ trois personnessur dix avaient changé demétier.

Mais quelles sont les reconversionsprofessionnelles possibles? Quels sontles nouveaux métiers? Croupier? Le mé-tier vient en effet d’être officialisé, inscritdepuis le mois d’août au registre des pro-fessions reconnues par l’Etat. «Home-sta-gist »? Quasiment né de la crise pour re-looker les appartements avant de les

mettre en vente, ce nouveau métier estouvert aux professionnels de l’immobi-lier, aux architectes d’intérieur ou auxdécorateurs. On ne sait évidemment riende son avenir. Outre ces deux exemplesquelque peu anecdotiques, d’autres pro-fessions comme celle de «data scientist»sont révélateurs des mutations écono-miques. La forte croissance du volume dedonnées disponibles dans le marketing,la finance, mais aussi la génétique, les

neurosciences, marketing,finance ou génétique créent

de nouveaux emplois despécialistes formés à faire

parler les données

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10 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

neurosciences ou la climatologie, créentde nouveaux emplois pour les jeunes di-plômés formés à analyser ou à faire par-ler les données informatiques. Le cabinetd’études de marché Gartner estime que lebesoin de tels spécialistes atteindra4,4 millions de personnes dans le monded’ici à 2015, et qu’il ne sera couvert qu’àhauteur de 40%.

Les e-métiers sont majoritairementscientifiques,mais les littéraires sont aussiportés par la vague. Pour faire du «sto-rytelling» (communication narrative) ouoptimiser le référencement et l’image demarque des entreprises sur Internet, les e-littéraires se font «community mana-gers » ou «linkbuilders», les noms fran-çais de ces professions restant à inventer.

Le Conseil d’orientation pour l’emplois’est, avec le Commissariat à la stratégieet la prospective, penché sur le thème desreconversions possibles dans une écono-mie en changement. Certains « facteurstels que la concurrence internationale oules évolutions technologiques restent lar-gement imprévisibles», explique Jean Pi-sani-Ferry, le commissaire général à lastratégie et la prospective. Ils ont toute-fois identifié deux grands axes porteursde métiers nouveaux et de recrutements :le développement d’activités «big data»précitées (data scientist) et liées auvieillissement de la population. Le pre-mier est pourvoyeur d’emplois dans l’in-dustrie et les services associés, et lesecond «induira nécessairement unecroissance de la demande en services à lapersonne», analyse M. Pisani-Ferry.

Selon l’Insee, la France comptera18,9 millions de personnes de plus de60 ans et 4,2 millions de plus de 80 ansen 2025, soit une hausse de 31,1% et de25,3% en quinze ans. Le taux de dépen-dance (rapport entre les plus de 65 ans etles moins de 25 ans) atteindrait ainsi 46%en 2050. Ce vieillissement programmé denotre société nous «oblige à intégrer et àvaloriser les besoins spécifiques (produits,technologies, services, etc.) liés à l’âge»,note la ministre chargée des personnesâgées et de l’autonomie, Michèle Delau-nay. La «silver économie» est en marche.Mutuelles, institutions de prévoyance, as-sureurs, en reçoivent déjà les fruits : «La

main-d’œuvre de la banque, fortementqualifiée, connaît un redéploiement mas-sif vers l’assurance», témoigne PhilippeTrainar, membre du Cercle des écono-mistes et directeur des risques du groupede réassurance Scor.

Entre la hausse du nombre de per-sonnes âgées, celle de la population sco-laire, les besoins en services profession-nels ou encore l’éclatement des familles,«les estimations de la direction de l’ani-mation de la recherche, des études et desstatistiques (Dares) tablent sur la créationde 350000 emplois dans le domaine del’aide à domicile entre 2010 et 2020», rap-pelle la Fondation Jean-Jaurès dans une

note publiée le 11 octobre. Mais contraire-ment à une idée préconçue, l’inéluctableexpansion du marché des services à lapersonne concerne aussi les jeunes diplô-més. Une nouvelle filière « silver écono-mie » a été lancée en avril, qui seraitpourvoyeuse de milliers d’emplois, as-sure le gouvernement, notamment dansl’industrie, pour produire, par exemple,des équipements de télécommunicationsadaptés ou des systèmes de domotique.«Les exportations dans le domaine des gé-rontechnologies ont déjà progressé deplus de 50% l’an dernier», indique Mi-chèle Delaunay. «Une projection à 2020fait apparaître des pertes d’emploi en Eu-rope dans les professions intermédiaires,alors que les professions supérieures et les

unefilière «silveréconomie»,pourvoyeuse demilliers

d’emplois, selonlespouvoirspublics, vientd’être lancée

moins qualifiées progressent», rappelleStefano Scarpetta, directeur de la direc-tion de l’emploi, du travail et des affairessociales de l’OCDE.

Mais les moyens de changer de métierssont-ils là? Les instruments sont nom-breux, du côté des formations profession-nelles comme de Pôle emploi. Bilan decompétences, bilan professionnels, congéindividuel de formation (CIF), droit indivi-duel de formation (DIF), tutorat, etc., cesmoyens, encore trop peu utilisés, sont re-lativement efficaces: «50% des salariésCIF-CDD voient leur situation profession-nelle se sécuriser, soit à travers une em-bauche en CDI (38%), soit par une créationd’entreprise (12%)», assure l’Observatoiredes transitions professionnelles dans uneétude publiée à la mi-octobre.

Mais les instruments à eux seuls nepeuvent assurer le succès d’un change-ment de métier. La première conditionénoncée par les DRH pour une reconver-sion réussie est l’accompagnement dansla prise de poste avec un parcours d’inté-gration et un référent. L’exemple dementorat conçu par la société GDBO àdestination des entreprises l’illustre. Cetteentreprise de «mentoring managérial»(tutorat de managers) met en réseau descadres seniors issus duCAC40pour les en-voyer en mission dans les grandes entre-prises parrainer des jeunes fraîchementnommés à des fonctions stratégiques.Pendant six mois, le mentor accompagnele cadre en lui faisant réaliser une missionqui lui permet de prendre la dimension duposte. «Lesmentors et les entreprises en re-demandent», assure le PDG Bruno Diehl.

Anne RodieR

Une enqUête OpiniOnWay

a été menée au printemps

2013 pour mesurer si les

employeurs favorisaient

les reconversions

professionnelles. Elle a été

réalisée auprès de 993 chefs

d’entreprise et DRH ayant

eu un contact avec des

candidats issus d’une

reconversion ou des salariés

portant un projet. Les DRH

interrogés sont issus à 46%

du secteur des services, à

33% du commerce et des

transports et à 21% de

l’industrie. Tout secteurs

confondus, les DRH sont

plus de 60% à recevoir

des candidats qui

jusque-là exerçaient un

métier complètement

différent. Plus de 50%

d’entre eux recrutent ce

type de profil «en mobilité»

– 70% dans le commerce.

En revanche, lorsqu’il s’agit

d’organiser la reconversion

individuelle ou collective

des salariés, ils ne sont plus

que 30% à l’avoir fait.

75% des DRH interrogés

considèrent la reconversion

comme un atout, d’une

part parce que les salariés

sont plus motivés, d’autre

part car ce type de profil

apporte une diversité au

sein de l’équipe de travail

et une nouvelle vision du

métier ou du poste. Les

DRH estiment toutefois que

les salariés auront besoin

de plus de temps pour

s’approprier le poste. Mais

ils sont unanimes sur le

bilan: c’est un succès à 74%.A. RR

les drH apprécient les salariés reconvertis

Page 11: Complet Campus

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L’énergie est notre avenir, économisons-la!

Levage et pose du dôme de l’EPR à Flamanville

Page 12: Complet Campus

12 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

La numérisation galopante de nos activitésnécessite des compétences nouvelles.L’offre de spécialistes en Big Data sera de4,4 millions de personnes dans le monde en2015. Elle ne devrait être couverte qu’à 40 %.

Data cruncher, e-marketeur…les e-jobs prennent le pouvoir

D évelopper une applicationpour un smartphone ouune tablette, analyser lecomportement d’un cyber-acheteur pour lui faire une

offre entièrement personnalisée qu’il nepourra pas refuser, concevoir un site Webqui soit tout à la fois ergonomique, esthé-tique et convivial, ou animer la vie numé-rique d’une communauté qui n’existe quesur Internet sont autant de nouvelles com-pétences que la numérisation croissantede nos activités nécessite.Alors que le commerce en ligne prend

progressivement sa place dans la consom-mation, que nos téléviseurs se connectentà Internet, que nos bureaux comme nosdocuments se dématérialisent, bref, quenotre société se digitalise, le numériquesuscite partout de nouveaux besoins qui,pour être satisfaits, font appel à de nou-veauxmétiers.Désormais, on peut se revendiquer

«data cruncher», «web designer», «géo-maticien» ou «e-marketeur». En fait, cesmétiers émergent, portés par les grandsconcepts informatiques en vogue que sontle «Cloud» (stockage à distance des don-nées), le «Big Data» et la mobilité. Ces pra-tiques transforment les métiers tradition-nels de l’informatique et recomposent lesconnaissances et les compétences requises.Premier vecteur de cette transformation, leBig Data. En d’autres termes, la numérisa-tion galopante génère des volumes tou-jours plus importants de données qu’ilfaut pouvoir analyser. Les comportementsdes acheteurs en ligne, les échanges télé-phoniques et leur localisation, le suivi depathologies ou d’épidémies, l’usure de nosvoitures, le suivi du budget des collectivi-tés territoriales, la mesure de la qualité del’air, les variations du trafic routier sur un

cédents ne fonctionnent pas, etc. », ex-plique Hélène Gombaud-Saintonge,directrice générale de Fullsix Data, la filialeétudes et analyses de l’agence FullSIX.Pour atteindre ce résultat, il faut toute-

fois disposer du personnel capable de « ta-guer » un site Web, de récupérer des don-nées en provenance de réseaux sociaux,d’appels aux services clients, de SMS…, deles associer aux données des bases de l’en-treprise et d’y trouver de l’informationpertinente. «Ce que l’on cherche, ce sontdes gens capables de faire parler les don-nées, de concevoir les utilisations qui peu-

axe donné, etc., toutes ces applications gé-nèrent des monceaux de données qui neservent que si l’on sait les interroger et ytrouver des réponses.Or les technologies permettent désor-

mais d’analyser finement ces données.«Aujourd’hui, on sait reconnaître sur quellebannière publicitaire un internaute clique,on sait le faire pour des milliers de visitespar jour et en temps réel, tout en préservantl’anonymat de l’utilisateur. Cela permet depiloter la stratégie média d’une entrepriseavec une grande agilité, d’adapter rapide-ment une création ouunmessage si les pré-

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barrom

e

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vent être faites de ces données, préciseYannick Lejeune, directeur Internet dugroupe Ionis, spécialisé dans l’enseigne-ment supérieur des nouvelles technolo-gies. A quoi servent les données sur toutesles stations Vélib de Paris ou sur le graphesocial de Facebook si vous n’avez pas déci-dé ce que vous en ferez»?Les gens capables de faire parler les

données sont aujourd’hui une denréerare. Baptisés «data scientists», «dataanalystes» ou data crunchers, ils conju-guent des compétences en mathéma-tiques et en statistiques, une certaine ap-pétence de geek, une compréhension desenjeux pour les entreprises, fruit d’uneformation marketing ou sociologique.Bref, des compétences rares! «En France,on compte tout au plus une centaine d’ex-perts en Big Data», affirme Gilles Babinet,«digital champion» de la France auprèsde l’Union européenne et président fon-dateur de Captain Dash, spécialiste du BigData pour le marketing. Le cabinetd’études de marché Gartner estime que lebesoin de spécialistes en Big Data sera de4,4 millions de personnes dans le mondeen 2015 et que ce besoin ne sera couvertqu’à hauteur de 40%.Car c’est bien le problème des nouveaux

métiers: entre l’apparition du besoin decompétences nouvelles et la création descursus de formation, il peut s’écouler plu-

sieurs années. Certes, il existe des forma-tions à l’analyse de données,mais ceux quiles ont suivies ont préféré jusqu’à présents’orienter vers les métiers de la finance,plus rémunérateurs. L’émergence du BigData propose désormais de nombreusesalternatives de carrière, par exemple dansle marketing, comme l’analyse de trafic, larecommandation, l’e-réputation, etc.Plusieurs cursus se mettent en place.

Grenoble EM et l’Ensimag créent ainsi uneformation de «data stratège» de niveaubac + 6, qui allie compétences techniques,

business etmanagériales. HEC Paris avec lesoutien d’IBM France lance un cursus BigData et Business Analytics, destiné à sesétudiants de MBA. Quant à l’universitéPierre-et-Marie-Curie et Sup de Co, ils réflé-chissent à la création de cursus dédiés.Sans attendre, l’éditeur de logiciels d’ana-lyses SAS a lancé en 2013 son premierSpringCampus, qui apermisàvingt jeunesdiplômés de suivre un mois de formationintensive avantd’effectuerun stagede cinqmois dans une entreprise sponsor, périodequi doit déboucher sur l’embauche du sta-giaire. «Cette session a rencontré un tel suc-cès auprès des candidats et des sociétés in-formatiques partenaires que nous ouvronsla prochaine session aux banques, assu-rances, opérateurs télécoms, qui souhaitentrecruter des data scientists», indique

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 13

Derrière ces appellations nouvellesse cachent parfois Desmétiers

existants qui Doivent s’aDapter enintégrant une Dimension numérique

elodie Bongrain et aurélien pasquier,designers numériquesElodiE Bongrain, 32 ans, voulait

faire des arts appliqués, elle est

aujourd’hui designer à l’agence

d’innovation Fabernovel. Aurélien

Pasquier, 30 ans, hésitait entre l’art et

les sciences, il est à présent designer

chez Applidium, éditeur d’applications

mobiles, filiale de Fabernovel. Leur

métier n’est pas très différent de ce

qu’ils avaient imaginé pendant leurs

études. Ce qui change vraiment, pour

Aurélien Pasquier, «c’est qu’à l’école,

nous ne pensions qu’à un seul client,

l’utilisateur final. En entreprise, le

client est celui qui paie». «Nous devons

donc défendre le client (celui qui paie)

du client, l’utilisateur final, et ce n’est

pas toujours facile chez les grands

industriels», ajoute Elodie Bongrain.

Tous les deux sont enthousiastes sur

l’avenir du design dans le monde

numérique. « Une application mobile

est devenue stratégique pour les

entreprises », explique Aurélien

Pasquier, «et cela change en

profondeur notre métier qui se retrouve

au centre de la stratégie», poursuit

Elodie Bongrain. Quant à savoir de

quoi leur avenir sera fait, «nous

gardons notre liberté de découverte,

nous ne savons pas ce qui va émerger.

Pensez que les smartphones n’existaient

pas quand j’ai fini mes études, et

c’était il n’y a pas si longtemps... »,

conclut Aurélien Pasquier.

So. C.

Ariane Liger-Belair-Sioufi, directrice acadé-mique de SAS France.Mais derrière ces appellations nouvelles,

se cachent parfois desmétiers qui existentdéjà et qui s’adaptent en intégrant une di-mension numérique. «Avant, il y avait lesacteurs traditionnels de l’ancienne écono-mie et les “pure players” de la nouvelle éco-nomie. Aujourd’hui, tous les acteurs danstous les secteurs semettent aunumérique»,constate Emmanuel Stanislas, présidentfondateur du cabinet Clémentine, spéciali-sé dans le recrutement desmétiers duWeb,du e-commerce, etc. C’est le cas des «géo-maticiens», qui mettent les technologiesinformatiques et graphiques au service desmétiers de la géographie et de la cartogra-phie. C’est le cas des web designers, qui ap-pliquent à Internet les règles du design etde l’ergonomie.« Le “community manager” est un bon

exemple; ce métier existe déjà en politique,en lobbying, en animation de réunionsconsommateurs… Ce qui change avec le nu-mérique, c’est la masse de personnes quipeuvent interagir immédiatement et lefonctionnement en 24/7!», précise YannickLejeune. Et quand on lui pose la questionde qui doit former à ce métier, une écoled’ingénieurs ouune faculté de sociologie, ilrépond sans hésiter : «Les deux! Toutcomme il faut former à l’ancienne écono-mie avant d’enseigner les règles de la nou-velle économie pour que les jeunes connais-sent l’antériorité des métiers qu’ils vontpratiquer et qu’ils soient capables d’évolueret d’utiliser les outils de demain.»

Sophy Caulier

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14 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

Après avoir longtemps négligé la qualitédes contenus marketing de leurs sitesWeb, de plus en plus d’entreprises fontappel à des gens qui ont une belle plumeet savent rédiger pour Internet.

Le numérique, une nouvelle chancepour les littéraires

E xploration de formats d’écri-ture, “multitasking”, beaucoupd’humour et de second degré.Twitter par exemple, avec ses140 caractères, est une

contrainte digne des écrivains surréa-listes», s’enthousiasme Lucile Gouge, uneancienne khâgneuse. Internet, syno-nyme de nouveauté et d’apprentissagepermanent, est en train de troquer geekset amoureux du codage contre des pro-fils plus littéraires.

«Internet est né comme un réseau decommunication militaire. A l’époque, il fal-lait être un pro en informatique, maîtriserl’écriture binaire pour pouvoir s’y repérer.Mais si Internet a fait fi des mots, ces der-niers ont vite pris leur revanche», s’amuseDavid Brunat, fondateur de Or & HConseil, une société spécialisée dans l’as-sistance aux dirigeants par l’écrit.Il suffit de se pencher sur le fonctionne-

ment des moteurs de recherche pour s’enconvaincre. «Les repères verbaux sont de-venus leur priorité numéro un commepour tous ceux qui produisent sur Internet.C’est la construction des textes, de laphrase, la récurrence des mots-clés qui pè-sent dans la sélection. Il faut du contenu, etpas n’importe lequel. Nous sommes passésdu langage mathématique au vrai lan-gage», poursuit David Brunat. Une révo-lution qui pourrait faire de la place aux

nelles et une fine psychologie : comprendreles attentes du client, trouver la formulequi touchera les internautes», explique lajeune femme. Même pour un premierboulot dans le service marketing d’unemarque, «des qualités rédactionnellescomme savoir mettre en place une news-letter ou publier des nouvelles sont deve-nues un plus indéniable», confirmeThierry Gillmann, président de l’agencede «content marketing» Lobi.En revanche, il ne suffit pas d’avoir une

bonne plume et de tenir un blog pour ga-gner sa vie sur la Toile. «Savoir écriren’implique pas forcément savoir écriresur Internet. Sur le site de La Redoute, ilfaut être précis, percutant, utiliser desverbes actifs, des images brèves. Ce nesont pas des choses que l’on apprend dansles formations littéraires», met en gardeDavid Brunat. Des formations qui s’adap-tent à cette réalité commencent d’ailleursà voir le jour. Ateliers d’écriture Web,cours de community management, com-munication 2.0… L’offre est abondante,mais pas toujours adaptée. «Souventquand on parle d’écriture Web, il s’agitd’une écriture optimisée pour les moteursde recherche, ce qui n’est pas forcémentsynonyme de contenus qualitatifs et créa-tifs pour le lecteur. L’écriture par mots-clés, par exemple, n’est pas très digeste»,pointe Maël Roth. Pour lui, afin de deve-nir un bon éditeur de contenus sur Inter-net, il est nécessaire «d’avoir des bases enmarketing, d’établir une présence sur leWeb par exemple en ouvrant un blog,mais aussi de rester ouvert à ce qui nousintéresse». Et c’est là qu’Internet peutnon seulement avantager, mais aussi sa-tisfaire, les profils littéraires.

Margherita Nasi

littéraires sur la Toile? Maël Roth en estconvaincu. «Les tendances actuelles duWeb marketing avantagent les profils de cetype, assure ce responsable des marchésinternationaux pour Rankseller Interna-tional, une plate-forme de marketing parcontenus et de «linkbuilding» (optimisa-tion du référencement). Aux pubs agres-sives, les entreprises préfèrent désormaisdes stratégies de communication qui met-tent en avant la qualité du contenu afin delier le consommateur à la marque.»Fini les sites en flash qui en mettent

plein les yeux tout en négligeant l’infor-mation, place au contenu! C’est un peu lenouveau leitmotiv de la Toile. «Au début,le Facebook des marques était l’apanagedes stagiaires. Ce n’est plus le cas au-jourd’hui. Une marque comme Monoprix,par exemple, se différencie par la qualitédu traitement de sa page Facebook», es-time Laurent Cabioch, responsable desstratégies digitales chez W&Cie.

Concrètement, ce sont unemultitude deprofessions qu’offre désormais le Web auxprofils littéraires, de la sémiologie sur In-ternet au «community management», enpassant par l’écriture de sites ou blogs demarques, le «storytelling d’entreprise»…C’est ainsi grâce à son profil littéraire

que Lucile Gouge s’est fait repérer auprèsde l’agence en conseil et communicationSpintank. «Les profils embauchés dansmon agence sont pour l’essentiel litté-raires. Il faut avoir des qualités rédaction-

Le Web offre une muLtitude detravaux aux Littéraires, de

La sémioLogie sur internet aucommunauty management, en

passant par L’écriture de bLogs…

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16 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

Des plates-formes fédérantles travailleurs indépendants duWebsemultiplient, mais enmatièrede chômage, demaladie ou deretraite, la précarité reste demise.

Les «freelancers» en pannede couverture sociale

L es plates-formes mettant en re-lation les freelancers et les en-treprises se multiplient commedes petits pains sur la Toile.Pour la cohorte grossissante des

graphistes, informaticiens, traducteurs,rédacteurs, «webdesigners» et autres sepose la question du statut d’emploi et dela couverture sociale. Depuis 2008, datede la création du régime de l’autoentre-preneur, beaucoup d’entre eux lancentleur activité sous cette forme. Avantage?Les cotisations sociales sont calculées surla base d’un pourcentage du chiffre d’af-faires. Mais ce statut transitoire, du faitdes plafonds de revenus, contraint en-suite les freelancers à créer une structureplus pérenne.

Plusieurs choix s’offrent à eux: soit l’en-treprise individuelle (EI) ou l’entreprise in-dividuelle à responsabilité limitée (EIRL),soit l’entreprise unipersonnelle à respon-sabilité limitée (EURL) ou la société par ac-tions simplifiée unipersonnelle (SASU). Ilspeuvent aussi opter pour le régime desprofessions libérales ou pour le portage sa-larial. Dans les trois premiers cas, le calculdes cotisations sociales se fait sur la basedubénéfice imposable, et elles sont verséesau Régime social des indépendants (RSI),qui gère la protection sociale obligatoire deplus de 5,6 millions de chefs d’entreprise.

Or la particularité du régime des tra-vailleurs indépendants est qu’ils doiventverser des cotisations, même en l’absencede revenus. Et du fait du caractère minimalde ces cotisations, elles ne valident pascomplètement certains droits, notammenten matière de retraite. Dans le cas de laSASU, le freelancer est considéré commeun dirigeant assimilé salarié. A revenuéquivalent, il bénéficie d’une meilleurepension de retraite que les indépendants,mais en qualité de mandataire social, il nepeut prétendre à l’assurance-chômage.

C’est là le point noir pour le freelancer.S’il crée une entreprise individuelle ouadopte le régime de profession libérale, ilne peut percevoir ni indemnités de chô-

mage ni indemnités journalières de la Sé-curité sociale en cas de maladie. Certes, illui est possible de souscrire une assurancepersonnelle et de cotiser à des complé-mentaires santé ou retraite. Mais beau-coup ne le font pas. A l’instar de Céline,32 ans, consultante en communication,freelancer depuis deux ans et demi: «Jen’ai pas de mutuelle car je ne suis pas ma-lade. Je pense à bien d’autres choses qu’àma couverture sociale. Ma priorité, c’est detrouver des clients et de pérenniser monactivité.» Parce qu’il suit un traitementmédical régulier assez lourd, Raphaël,29 ans, traducteur spécialisé dans les bre-vets industriels, n’a pas fait l’impasse sur

la mutuelle complémentaire : « En pros-pectant, j’en ai trouvé une qui propose destarifs moins chers pour les travailleurs in-dépendants de moins de 30 ans. »

Selon Régis Granaloro, président duMouvement pour une union nationale desconsultants en informatique (Munci), lesfreelancers peuvent bénéficier de la mêmecouverture sociale que les salariés, s’ils enfont l’investissement, «mais leurs arbi-trages financiers se font souvent en défa-veur de la protection sociale, surtout endébut de carrière». L’hiver dernier, Fran-çois-Emmanuel, 34 ans, créateur de logi-ciels a réalisé, lors d’une chute sévère à skis,les risques encourus. Sa mutuelle couvreses fraismédicaux,mais il n’a pas pris d’as-surance supplémentaire pour les indemni-tés journalières à cause de son coût élevé:«Comme les salariés, nous cotisons de fa-çon obligatoire pour la maladie et la re-traite; alors, pourquoi ne bénéficions-nouspas des mêmes droits?» Le Cinov-it, syndi-cat des freelancers et des très petites entre-prises des métiers du numérique, offre dif-férentes prestations à ses 900 adhérents,dont une complémentaire santé au tarifnégocié et le recours à la GSC, l’assurance-chômage des entrepreneurs. «Cette ère dupost-salariat nécessite une meilleure struc-turation du monde des freelancers, y com-pris pour améliorer leur couverture so-ciale», estime Marie Prat, coprésidente.Comme aux Etats-Unis, où l’organisationFreelancers Union créée en 2001, forte deses 150000 membres, propose sa propreassurance santé, invalidité, retraite à desprix deux fois moins chers que ceux descompagnies privées, ainsi que l’accès à uncentre médical à New York.

Nathalie Quéruel

Celui qui Crée une entrepriseindividuelle ou adopte le régime

de profession libéralene peut perCevoir ni indemnités

de Chômage ni indemnitésjournalières en Cas de maladie

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18 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

L’essor des activités économiques liéesau sport ouvre de nouveaux débouchésaux jeunes diplômés. Le secteur seprofessionnalise, bien au-delà des stades.

Lemondedu sport en quête de cols blancs

Soir de match au Parc desPrinces. Zlatan Ibrahimovic etses coéquipiers font vibrer desmilliers de supporteurs quiont payé leur billet au moinsaussi cher qu’une place de

théâtre ou qu’un dîner au restaurant. C’estlogique: le football est un spectacle, enplus d’être un sport très populaire, prati-qué par des millions de personnes enFrance. C’est aussi un secteur économiquequi crée des emplois bien au-delà desstades. Equipementiers, sponsors, médias,agences de marketing sportif, paris enligne… tous ces acteurs s’insèrent dans uneéconomie du sport en pleine croissance.

En 2009, la dépense sportive nationales’est élevée à près de 35 milliards d’euros,soit 2% du produit intérieur brut (PIB), se-lon l’Institut national de la statistique etdes études économiques (Insee). Les mé-nages représentent près de la moitié decette dépense (16,5 milliards d’euros) de-vant l’Etat et les collectivités locales(15 milliards). Le chiffre d’affaires du com-merce d’articles de sport et loisir a doubléen volume entre 1996 et 2006, signe del’augmentation de la pratique sportive.Ainsi, avec un vélo pour 20 habitants, laFrance est le quatrième pays cycliste dumonde derrière le Japon, les Pays-Bas et leRoyaume-Uni!

Le secteur du sport est également porteuren matière d’emploi, même si la crois-sance s’est nettement ralentie au cours dela dernière décennie. En 2008 (dernierchiffre disponible), le sport employaitenviron 300000 personnes en France,directement ou indirectement, réparties àparts égales entre les secteurs public et as-sociatif et le privé. «La croissance se trouveplutôt aujourd’hui dans le secteur privémarchand, même si les associations et lesfédérations sportives, en se professionnali-sant, représentent des débouchés impor-tants», indique Nathalie Leroux, maîtrede conférences en sciences et techniquesdes activités physiques et sportives (Staps)

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à l’université Paris-Ouest-Nanterre qui adirigé un récent travail de recherche surles cadres gestionnaires du sport.

En effet, si le secteur a longtemps fonc-tionné sur le bénévolat, c’est moins le casaujourd’hui. «La proportion de diplômésaugmente dans tous les secteurs et cheztous les acteurs du sport. Par exemple, lesassociations qui sont en contact avec dessponsors ont besoin de personnes quali-fiées pour négocier les contrats», expliqueNathalie Leroux. Les fédérations recrutentdes cadres spécialisés dans le manage-ment des organisations sportives. Quantaux entreprises du sport, elles recher-chent des compétences de plus en pluspointues, qu’elles soient managériales,marketing ou juridiques.

Accompagnant cette professionnalisa-tion, les formations en management dusport se sont multipliées. Trente-cinq uni-versités proposent aujourd’hui des licen-ces générales ou professionnelles en ma-nagement du sport et vingt-neuf desmasters. La moitié environ est généraliste(management du sport ou management

des organisations sportives), l’autre moitiécorrespond à des spécialités comme lemarketing du sport (universités de Paris-Sud et Strasbourg), le droit du sport (Li-moges), ou des sous-secteurs d’activité telsl’événementiel sportif (Nanterre), le tou-risme sportif (Nice et Montpellier), les col-lectivités territoriales (Toulouse) ou lesport professionnel (Rouen). «Certaines ci-blent les besoins d’une région ou d’un bas-sin d’emploi, tel le master ingénierie dessports de glisse à Bayonne», complète Na-thalie Leroux.

Les écoles de commerce ne sont pas enreste. On compte aujourd’hui dix-septmasters spécialisés parmi lesquels ceux del’Essec, d’Audencia ou encore d’Euromed.GurvanHeuzé fait partie de la promo 2012-2013 du master en management des orga-nisations de sport d’Audencia. Cet ancienfootballeur en sport-études a réalisé asseztôt qu’il ne percerait pas dans le foot maisa gardé l’envie de travailler dans le secteurdu sport en général. Après une école decommerce et un premier master, il a pos-tulé au master spécialisé d’Audencia. «Lepremier jour, la moitié des étudiants ont ditqu’ils voulaient bosser dans un club pro, sesouvient-il. Six mois plus tard, un seul a faitson stage dans un club, à Saint-Etienne. On

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 19

«Aujourd’hui, LA croissAncese trouve pLutôtdu côtédusecteur privémArchAnd»Nathalie leroux,maître de conférences

en Staps

Amonaco, lemaster paix durablepar le sport coûte… 17000 eurosPreuve que le sport et la gestion de

projet font bon ménage, l’Université

internationale de Monaco (groupe

Inseec) a créé, il y a deux ans, un

master en paix durable par le sport. Ce

programme d’une durée de dix mois

entend former des «ingénieurs de la

paix par le sport» qui iront renforcer

les organisations internationales

(ONU), les gouvernements et les

associations dans leurs actions

utilisant le sport comme un outil

de développement. « Notre objectif n’est

pas d’envoyer nos étudiants sur des

terrains de conflit pour arrêter les

guerres. La paix, c’est aussi l’absence de

conflit. L’idée est de se servir des vertus

fédératrices du sport pour maintenir ou

renforcer la cohésion sociale dans des

zones rendues vulnérables par la

pauvreté ou par les séquelles d’anciens

conflits», explique Moïse Louisy-Louis,

le responsable de la formation.

Le master s’appuie sur le réseau de

Peace for Sport, une organisation

fondée en 2007 par l’ancien champion

du monde de pentathlon Joël Bouzou,

qui accompagne des projets locaux de

développement par le sport.

L’organisation, parrainée par le prince

Albert II, est active dans sept pays

(Burundi, Colombie, Côte d’Ivoire,

Haïti, Israël, République démocratique

du Congo, Timor).

Le coût du master, 17000 euros, peut

paraître rédhibitoire. De fait, depuis sa

création en 2011, il n’a formé qu’une

dizaine de jeunes gens. Les cours,

dispensés en anglais compte tenu du

public international de l’université en

général et de ce master en particulier,

passent en revue l’histoire du sport et

de l’olympisme. Mais la formation se

veut aussi opérationnelle avec des

cours de gestion, finance, marketing et

communication. Les étudiants ont

ensuite le choix entre la rédaction

d’une thèse ou un stage sur le terrain.

Après plusieurs stages dans différentes

agences onusiennes, Lin Cherurbai

Sambili a choisi «ce master unique en

son genre parce qu’il correspond tout

à fait à ce que je souhaite faire en tant

qu’ambassadrice du sport dans mon

pays (le Kenya). Ce sont nos coureurs,

les meilleurs du monde, qui ont permis

au Kenya d’émerger sur la scène

internationale. Mais il reste beaucoup à

faire pour institutionnaliser l’éducation

par le sport. C’est un domaine nouveau,

mais je suis sûre que ça va marcher»,

explique-t-elle. F. Sc.

s’est rendu compte qu’il y avait beaucoupd’autres débouchés avec peut-être plus deliberté et de responsabilités sur certainspostes.» Lui a effectué un stage à l’associa-tion sportive de la Banque de France entant que consultant. «J’ai pris en charge larefonte des outils de communication et l’or-ganisation d’un tournoi de foot à La Ro-chelle pour les salariés de grandes banquescentrales européennes!» Les personnesrencontrées lors de ce stage lui ont permisd’enchaîner sur un CDI à la Fédérationfrançaise du sport d’entreprise. «Avoir unréseau est essentiel pour trouver un postedans le secteur du sport. C’est pourquoinous faisons intervenir de nombreux an-ciens du master spécialisé et plus largementd’Audencia auprès de nos étudiants», sou-ligne Stéphane Maisonnas, le responsablede la formation.

Le master n’est cependant pas obliga-toire pour travailler dans le monde dusport. Certaines entreprises comme Dé-cathlon recrutent à tous les niveaux dediplôme, notamment des jeunes ayantsuivi une formation en sciences et tech-

nique des activités physiques et sportives(Staps). La plupart d’entre eux commen-cent comme vendeurs ou responsables derayon, mais le groupe promet une évolu-tion rapide vers des responsabilités. Acoups de formations internes, le chef derayon devient ainsi responsable d’exploi-tation puis directeur de magasin, avant deprendre en charge le développement d’unproduit ou d’une marque. Une seulecondition: être sportif et aimer la compé-tition. «Les distributeurs d’articles sportifscomme Décathlon jouent beaucoup sur lecôté passion du sport, auprès de leursclients comme de leurs salariés, alors qu’enfait les métiers y sont assez éloignés dusport. Dans les métiers plus proches du ter-rain comme les clubs professionnels, l’ac-cent est mis au contraire sur la qualifica-tion et les compétences gestionnairesrequises dans toute entreprise. Dans ce cas,afficher sa passion peut être un handicappour décrocher un job», souligne NathalieLeroux. Autrement dit, pour travailler auPSG, mieux vaut ne pas porter le maillot.

FraNçoiS Schott

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20 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

Finie l’époque des baroudeurs au grandcœur. L’humanitaire s’est professionnaliséet embauche aujourd’hui des techniciens etdes profils hautement qualifiés.

ONG recherchent ingénieurs,logisticiens, expérience requise…

D istribuer de l’eau potable aux1,3 million de réfugiés sy-riens au Liban, limiter la pro-pagation d’une épidémie decholéra au Sierra Leone ou

assurer un approvisionnement en vivresaprès le passage d’un typhon aux Philip-pines, voilà autant de projets quemènentles organisations de solidarité internatio-nales – plus de 3300 organisations nongouvernementales (ONG) en France se-lon le Comité interministériel de la coo-pération internationale et du développe-ment – et qui nécessitent l’envoi de mil-liers de travailleurs humanitaires enmission chaque année. En 2012, la seuleONG Action contre la faim comptait308 expatriés sous contrat.Pour de nombreux jeunes qui vou-

draient donner du sens à leur vie profes-sionnelle, ces métiers exercent un attraitincontestable. «Mais attention, ce n’estpas à 18 ans que l’on va vous envoyer enmission, prévient Marie Perroudon, deBioforce, un organisme de formationaux métiers de l’humanitaire. C’est unprojet qui se construit, qui nécessite des’informer, de se projeter et de bien réflé-chir. On ne se rend souvent pas biencompte qu’à 30 ans, avec une famille, cesera moins facile, ou que si l’on souhaiterevenir s’établir en France, c’est compliquéavec une expérience acquise uniquement

dans l’humanitaire.» Et même quand onest sûr de son choix, mieux vaut être pré-venu: depuis quarante ans qu’elles sontdans le paysage, les ONG se sont profes-sionnalisées et recherchent avant toutdes candidats dotés de sérieuses qualifi-cations. «Il y a vraiment longtemps quel’on n’envoie plus personne pour porterdes cartons», sourit Caroline Paoli, char-gée de ressources humaines expatriées àPremière urgence - Aide médicale inter-nationale. Il ne suffit donc plus de vou-loir s’engager, encore faut-il pouvoir of-frir des compétences utiles.Les profils recherchés peuvent se clas-

ser en deux catégories. Tout d’abord lesprofils plus techniques. Outre les méde-cins, de nombreuses professions médi-

cales comme les infirmières ou les phar-maciens sont très demandées. Lesingénieurs, que ce soit sur des probléma-tiques d’agronomie, de traitement deseaux ou de réhabilitation, par exemple,sont également très prisés par les recru-teurs. A noter que, même pour ces profils,des formations spécifiques existent quipeuvent valoriser encore plus une candi-dature, comme des certificats en méde-cine d’urgence ou des masters spécialiséscomme, par exemple, celui d’urgentistebâtiment et infrastructures, créé parl’Ecole supérieure des travaux publics.Pour des jeunes ayant suivi un cursus uni-

versitaire plus généraliste, certaines for-mations, notamment des masters ensanté publique, sont accessibles par pas-serelles et permettent de se construireune expertise technique sans reprendreun cycle complet d’études.Ensuite, une partie importante des ef-

fectifs dans l’humanitaire est constituéede fonctions supports, c’est-à-dire des lo-gisticiens qui gèrent les questions detransport, d’achats, de mécanique, etc., etdes administrateurs qui s’occupent de lagestion financière, des ressources hu-maines. «Il existe de nombreux mastersuniversitaires généralistes très bons, ex-plique Pauline Cartery, chargée du recru-tement et du suivi des expatriés chez So-lidarités international, même si l’école deréférence reste Bioforce.» Cet organismebasé à Lyon forme quelque 250 per-sonnes chaque année, dont les deux tiersont déjà une expérience professionnellepréalable. Et les 90 jeunes qui l’intègrenten post-bac n’en sortent pas pour partiren mission. Ils sont orientés vers les mé-tiers des services généraux dans des en-treprises pour se forger une expérienceprofessionnelle indispensable au candi-dat au départ.

«Les ONG exigent généralement deuxans d’expérience professionnelle au mini-mum», constate Marie Perroudon. «Cen’est pas simplement une question d’âge,même si, dans certains pays, manager deséquipes locales plus âgées peut être compli-qué, explique Caroline Paoli. Ce qui est réel-lement important, ce sont les compétencestransposables comme la gestion de projets.Un candidat qui a dirigé des colonies de va-cances, par exemple, peut m’intéresser.»

SébaStien Dumoulin

Les ong recherchent des candidatsdotés de sérieuses quaLifications.

«iL y a Longtemps queL’on n’envoie pLus personnepour porter des cartons»

Caroline Paoli, chargée du recrutement à Première urgence

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22 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

Deux geeks osent l’e-commerce agricoleC’est Ce qu’on appelle être à

contre-courant. Alors que le

secteur agricole fait souvent

figure de repoussoir dans

les rangs étudiants, deux

d’entre eux ont décidé

de partir à sa conquête.

Fraîchement diplômés du

master HEC-Entrepreneurs,

Paolin Pascot et Clément

Le Fournis lancent leur

entreprise, Agriconomie,

autour d’une offre de service

à destination des

agriculteurs. «C’est une place

de marché en ligne

spécialisée dans le matériel

agricole neuf, les intrants

comme les semences ou les

engrais, et l’alimentation

pour bétail, explique Paolin

Pascot. L’idée est de créer

un pont plus rapide et plus

équitable entre l’offre et la

demande. C’est un secteur

que l’e-commerce n’a pas

encore totalement investi.»

A la clé, promettent-ils, «des

réductions importantes sur

l’ensemble des achats liés à

l’exploitation. » Détectant un

potentiel de développement

économique, les associés ne

se sont toutefois pas lancés

au hasard. Clément Le

Fournis est fils d’exploitant,

lui-même titulaire d’un bac

agricole. Un point essentiel

pour cerner un secteur très

technique et gagner en

crédibilité auprès

d’agriculteurs ayant pour

habitude de travailler avec

des acteurs bien identifiés.

Le challenge est donc élevé

pour les nouveaux entrants.

« Il est compliqué de se

faire une place dans ce

monde, reconnaît Paolin

Pascot. Le marché est plutôt

verrouillé, assez immobile.»

Mais il se veut optimiste,

assurant qu’il a déjà appris

au contact des agriculteurs

une qualité essentielle : «la

persévérance.»F. De.

Ils sont ingénieurs dans un groupe minier,conçoivent des stations d’épuration ou gèrentdes rayons de grandes surfaces… Ces jeunesdiplômés se lancent bravement dans desdomaines peu prisés où ils découvrent leur voie.

Je travaille dans un secteurqui n’intéresse personne!

C e fut une révélation: j’ai comprisce que je voulais faire.» PourOndine Bonhomme, le déclicest venu lors de son stage d’as-sistante chef de rayon chez Au-

chan. Diplômée de l’Edhec en 2013, elleavait trouvé sa voie: le commerce. «Avoiren charge un rayon, c’est gérer un centre deprofit, explique-t-elle. On est responsablede tout, d’une équipe, des chiffres réalisés...Il faut également savoir se projeter: com-ment voit-on son rayon à cinq ans, dixans...» Avant même de sortir de son école,elle avait signé un contrat avec Leroy Mer-lin. Elle est aujourd’hui chef de secteurdans le magasin de Caen (Calvados). Unebelle entrée en matière qui n’est pas tou-jours comprise de son entourage. «Le com-merce de détail n’est pas, à première vue,unsecteur qui fait rêver, dit-elle. Les gensont des a priori sur mon métier car on tra-vaille avec la tenue de l’entreprise et qu’onpeut être amené à faire de la vente. Cette

fonction est perçue comme ingrate, sa ri-chesse est méconnue». Qu’importe pourelle. A 23 ans, son «plan de carrière» estdéjà fixé : «Je veux, à terme, devenir direc-trice demagasin.»Contre les vents dominants, certains

jeunes diplômés tentent chaque annéel’aventure dans des secteurs et des mé-tiers délaissés, bien loin des sociétés quifigurent en tête des classements des en-treprises préférées des étudiants. Face au

traditionnel plébiscite de LVMH, EADS,L’Oréal ou Google, ils répondent industrieminière ou agriculture. «Les diplôméssont logiquement intéressés par ce qu’ilsconnaissent, analyse Manuelle Malot, di-rectrice Carrière et prospective à l’Edhec.Mais leur vision peut réellement évoluerquand des entreprises viennent sur le cam-pus leur présenter leurs métiers. C’estd’ailleurs une tendance: certaines sociétésont besoin de manageurs, de financiers etfont des efforts croissants en direction denos étudiants.»Pour les séduire, des industriels ont pu

mettre en place des «graduate programs»,dispositifs à travers lesquels l’entreprisedéfinit pour le jeune diplômé un parcoursprofessionnel attractif. Le volontariat in-ternational en entreprise (VIE) peut aussi

être également unoutil de séduction. «Cer-tains noms de sociétés ne font pas rêver,mais lorsque le premier poste proposé se si-tue en Australie, les perceptions peuventévoluer, souligne Mme Malot. De façon plussimple, le stage peut être une excellenteporte d’entrée.» En témoigne la «révéla-tion» qu’a reçue Ondine Bonhomme dansles rayons d’une grande surface.Les envies professionnelles atypiques

germent parfois au fil du cursus. Ainsi,les étudiants en école d’ingénieurs sem-blent souvent faire preuve d’une certainesouplesse d’esprit. Lorsque des opportu-nités se présentent, ils peuvent accepterde s’engager dans des secteurs à l’imagepeu porteuse. «Ils sont très attirés par latechnique au sens général, expliqueAlexis Méténier, directeur des relations

«LesDipLômés sontintéressésparcequ’iLs

connaissent.mais LeurvisionpeutchangerquanDLes

entreprisesviennentLeurprésenterLeursmétiers»

Manuelle Malot, directrice Carrières (Edhec)

Page 23: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 23

avec les entreprises à l’Institut nationaldes sciences appliquées (Insa) de Lyon.C’est leur moteur principal. Ce qu’on de-mande à un ingénieur ne change pas :être capable de mettre en équation desproblématiques.»L’objet d’étude peut donc passer au se-

cond plan lorsque le challenge scientifiquese révèle attractif. «Les étudiants perçoi-vent bien l’aspect innovant et la contribu-tion qu’on attendra d’eux pour faire évoluerun secteur», relève Mireille Jacomino, vice-présidente formation de l’école d’ingé-nieurs INP Grenoble. C’est précisément ladémarche qu’a suivie Camille Delabarrelorsqu’il s’est engagé dans un groupe mi-nier. Ce centralien, diplômé en 2009, re-connaît bien volontiers qu’il ne s’imaginait«pas du tout travailler dans un tel secteur.Lorsqu’on est étudiant, ce n’est pas considé-ré comme un domaine très “sexy’’», ré-sume-t-il. Pourtant, quand l’opportunités’est présentée d’intégrer le centre de re-cherche d’Eramet, spécialiste des métauxd’alliages, il a dit oui et assure aujourd’huine rien regretter: «C’est très riche intellec-tuellement. On nous présente une nouvelleproblématique, en l’occurrence un nouveaugisement, et on doit concevoir toutes lesétapes pour mener à bien l’exploitation.»Caroline Bitton n’était pas, elle non

plus, destinée au secteur dans lequel elletravaille actuellement. Diplômée en 2012de l’Institut supérieur de gestion, elle a re-joint le monde agricole en devenantconsultante pour le spécialiste des courset marchés Agritel. «Pendant mes études,on s’intéressait aux actions, obligations,

devises... Tout cela ne me parlait pas beau-coup, je recherchais des choses concrètes»,explique-t-elle. Le hasard des rencontresl’a fait s’intéresser aux marchés des ma-tières premières, puis plus spécifique-ment à ceux de la production agricole.«C’est un univers très complet. Pour com-prendre pourquoi les cours varient, il fautprendre en compte le contexte géopoli-tique, l’environnement, etc.» En expan-

sion, ce secteur pouvait par ailleurs offrirdes perspectives d’emploi. Toute Pari-sienne qu’elle est, Caroline Bitton a doncsuivi cette voie. «Ça a parfois surpris monentourage!», reconnaît-t-elle. Et commetous ceux qui empruntent des cheminsprofessionnels peu fréquentés, la jeunediplômée doit régulièrement expliqueren quoi consiste son travail. «Les anciensde mon école croient que je suis dans leschamps», s’amuse-t-elle.Les orientations hors des sentiers bat-

tus peuvent aussi être liées à une pas-sion. C’est le cas pour Mathilde Freyssi-nier. A la fin de son cursus à l’INPGrenoble, en 2009, elle s’est tout naturel-lement tournée vers l’industrie lourde.« J’ai toujours été attirée par les usines etleur univers, les grandes chaînes de pro-duction, le savoir-faire ouvrier... Ce sec-

teur a une identité culturelle très mar-quée», relève-t-elle. Ses six mois passéschez le spécialiste de l’aluminium RioTinto Alcan n’auront toutefois pas desuite, l’entreprise n’étant pas en mesurede lui proposer un contrat. «Mais si çaavait été le cas, j’aurais signé des deuxmains», indique-t-elle. Les aléas de laconjoncture économique l’éloignerontde ce secteur. Elle fabrique aujourd’huides capteurs physico-chimiques pour lescentrales nucléaires.C’est aussi l’intérêt marqué pour un

secteur qui a orienté les choix de ClaireBabaud, diplômée de l’Ecole centrale Pa-ris en 2011. « J’ai toujours eu pour objectifde travailler dans l’environnement», ex-plique-t-elle. Quitte à se retrouver dansun domaine peu couru: la conception destations d’épuration. Elle a intégré unesociété d’une quarantaine de salariés,Epur Nature, qui réalise des installationsen filtres plantés de roseaux. Rien n’a étélaissé au hasard dans ses choix profes-sionnels, pas même la taille de l’entre-prise. «Quand j’ai commencé mes étudessupérieures, j’avais en tête de travaillerdans des sociétés qui polluent pour fairechanger les choses de l’intérieur. Mais j’aicompris, par la suite, qu’on n’avait pas dutout le poids nécessaire quand on n’étaitqu’un pion dans une grande société.» Ellel’assure, son poste actuel lui apporte à cetégard pleine satisfaction: «C’est une en-treprise à taille humaine. Aujourd’hui, jepeux voir tous les jours la portée de mesactions sur l’environnement.»

François Desnoyers

26

68

4

11

Seuls 47 % de ces jeunes travaillentfinalement dans l’agriculture

41 % travaillentdans les services

6 % dans le commerce

6 % dans l’industrie

Ils voulaient travailler dans l’agriculture, où travaillent-ils ? Où travaillent ceux qui voulaient travailler…

Secteur d’activité dans lequel travaillent les jeunes diplômés selon le secteur de leur projet professionnel, en %

… dans l’industrie

… dans la construction et le BTP … dans le commerce

… dans les services

25

965

1

23

104

63

6

6

47

90

4 5

1

Industrie

41

Services Construction, BTP AgricultureCommerce

source:A

pec

2013

Base : jeunes diplômés en emploi qui avaient un projet professionnel

Caroline Bittontravailledans lesmarChés agriColes.«les anCiensdemonéColeCroientque je suis dans lesChamps», s’amuse-t-elle

Page 24: Complet Campus

24 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | métiers d’avenir en 2.0

Dans le monde du travail,comme tout au long du parcours profes-sionnel, chacun cherche sa place. Maisque l’on ait 30, 40 ou 50 ans, changer demétier ne s’improvise pas. Vous en avezfait vous-même l’expérience...En tant que salarié d’une grosse entreprise,je m’interrogeais sur mon avenir profes-sionnel. J’avais des collègues qui souhai-taient changer de métier mais qui avaientune représentation faussée de ce qu’allaitêtre leur quotidien. Je pense par exemple àun collègue qui se voyait fleuriste: il s’agitde se lever à 4 heures dumatin pour aller àRungis, travailler en chambre froide, passerparfois des journées entières sansqu’aucunclient n’entre dans le magasin… Si les étu-diants peuvent faireun stage afindedécou-vrir un métier, ce n’est pas possible pourune personne qui a déjà une première ex-périenceprofessionnelle. C’est de ce constatqu’est né Viamétiers en 2008.

Comment tester unmétier?Sous forme de ministages de formationcompris entre deux et quatre jours, avecune séance de préparation, une expé-rience sur le terrain et une synthèse pourétablir un plan d’action. Les clients de Via-métiers sont suivis avant et après le stagepar des consultants en ressources hu-maines. Nous rencontrons un peu de tout,

Marc Gesbert est fondateuret gérant de Viamétiers,organisme de formationspécialisé dans l’organisationde stages d’immersion envue de reconversionprofessionnelle.

Entretien avec Marc GesbertPour changer de profession,

c’est la préparationqui fait la différence »

de la consultante en informatique deve-nue chocolatière, au chef de productiondans une grosse entreprise qui se redé-couvre photographe. Nous avons des per-sonnes autour de la quarantaine, desjeunes ayant pratiqué un premier métieret qui veulent changer, ou encore des per-sonnes plus âgées qui souhaitent prépa-rer une retraite active.En moyenne quand on regarde ce qu’ilssont devenus six mois après le stage, 70%sont en reconversion effective, soit dansun nouveau métier, soit en formation. Lecoût varie entre plus de 500 euros etquelque 2000 euros, mais la plupart desstages sont financés dans le cadre du droitindividuel à la formation (DIF).

Trois jours pour découvrir un métier,n’est-ce pas un peu court?C’est volontaire, car les personnes quiveulent changer de métier et qui sont enposte ne peuvent pas s’absenter long-temps de leur travail. Certes, il faut davan-

tage qu’une seule journée pour prendredu recul. A la fin de la première journée, le«stagiaire» se pose des questions qu’ilpourra formuler le lendemain.Rappelons que ces ministages ne sont pasdestinés à former à un métier. Trois joursne permettent pas de voir toutes les fa-cettes d’un emploi, même si c’est plus fa-cile pour certaines professions que pourd’autres. Un boulanger répète toujours les

mêmes gestes, alors qu’une professioncomme architecte est beaucoup plus di-versifiée.

Faut-il dire à son employeur qu’on sou-haite découvrir un autremétier?En général on ne risque pas grand-choseen parlant de ses envies. D’autant plusque quand on en est à ce stade, les autress’en aperçoivent et c’est une situation quin’est saine pour personne. Enfin légale-ment, rien n’empêche un salarié de testerautre chose.

Etes-vous les premiers à vous être lan-cés sur ce créneau?Le principe n’est pas nouveau. Tester unmétier, c’est ce que propose aussi l’EMT(Evaluation en milieu du travail), un dis-positif de Pôle emploi qui permet au de-mandeur d’emploi de passer quelquesjours en entreprise pour découvrir unmé-tier. C’est gratuit, mais c’est au deman-deur d’emploi de trouver celle qui va l’ac-cueillir. Or justement, trouver la bonneentreprise d’accueil peut se révéler diffi-cile. Dans la restauration par exemplevous serez facilement accueillis, maisvous allez vous retrouver à faire la plongeou à éplucher des patates. Certaines entre-prises profitent de ce dispositif pour avoirde la main-d’œuvre gratuite.On trouve aussi des consultants qui fontdu reclassement et qui vont se débrouillerpour organiser eux-mêmes des stages dereconversion pour les salariés. Mais celareste marginal. Les candidats au change-ment souhaitent vraiment être accompa-gnés car ils savent que c’est la préparationqui fait la différence.

ProPos recueillis

Par Margherita Nasi

«Pour tEstEr un MétiEr, nosMinistaGEs PrévoiEnt unEséancE dE PréParation, unEExPériEncE sur lE tErrain EtunE synthèsE Pour établir

un Plan d’action»

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Page 25: Complet Campus

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Page 26: Complet Campus

26 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

F

Malgré un très haut niveau d’études et decompétences, les titulaires d’un doctorat viventsouvent un début de carrière cahotique. Encause: la baisse des débouchés dans la recherchepublique et la frilosité des entreprises.

aut-il ou non faire undoctorat? Il y a trois ans, la ques-tion s’était posée à l’occasion dela publication d’une note duCentred’analyse stratégiquemon-trant que les docteurs (bac + 8)avaient plus de chances de se re-trouver au chômage après leurthèse que les titulaires d’unmas-ter. Faisant écho à cette étude, lerapport sur l’état de l’emploiscientifique en France, publié cetété par le ministère de l’ensei-gnement supérieur et de la re-cherche, souligne la réticencedes étudiants à continuer dans lavoie de la recherche, réputée lon-gue et difficile. Le taux de pour-suite en doctorat après un mas-ter (hors master recherche) estainsi passé de 11% en 2007 à 5%en 2010. Quant au nombre dedoctorants, après avoir culminé

à 70400 en 2007, il se situe au-jourd’hui autour de 66000.La baisse du nombre de docto-

rants s’explique notamment parleurs difficultés d’insertion sur lemarché du travail, selon JulienCalmand, chargé d’études au dé-partement entrées et évolutionsdans la vie active (Deeva) duCentre d’études et de recherchessur les qualifications (Céreq).«Depuis une dizaine d’années, letaux de chômage des docteurs sesitue autour de 10%, trois ansaprès la soutenance de la thèse.Pour le diplôme le plus presti­gieux de l’université, c’est beau­coup. Par ailleurs, 30% de ceuxqui travaillent sont en CDD», in-dique-t-il.L’accès à un emploi stable dans

la recherche publique – à laquellese destinent 70% des docteurs –semble de plus en plus difficile.«On observe une diminution bru­tale du nombre de départs à laretraite dans le secteur de l’ensei­gnement supérieur et de la re­cherche, qui va s’accentuer dansles années à venir. Ce sont autantde recrutements de jeunes diplô­més en moins», explique BrunoChaudret, président du conseilscientifique du CNRS. A celas’ajoutent les difficultés finan-cières d’un certain nombre d’uni-versités qui ne parviennent pas àremplir le plafond d’emplois fixé

Les chercheurs cherchent…leur place

innovation

par le ministère. Ces difficultésconduiront à une baisse du nom-bre de recrutements de cher-cheurs et d’enseignants-cher-cheurs en 2014, qui pourraitatteindre 40%, d’après le conseilscientifique du CNRS. «Une géné­ration entière de docteurs va seretrouver devant une situationvéritablement compliquée», pré-vient M. Chaudret.Cette réduction des débouchés

est en partiemasquée par le déve-loppement des postes non per-manents au sein des organismesde recherche et d’enseignementsupérieur. A l’issue de leur thèse,de nombreux docteurs sont en ef-fet engagés comme postdocto-rants pour contribuer à des pro-jets de recherche limités dans le

temps. Malheureusement, ces«postdoc» débouchent très rare-ment sur un emploi stable. Enjuin 2013, une pétition de direc-teurs de recherche du CNRS et del’Inserm dénonçait les effets per-vers du recours à ce type decontrats: «La loi Sauvadet stipule

que toute personne ayant été em­ployée six ans dans la fonction pu­blique au cours des huit dernièresannées est en droit d’obtenir uncontrat à durée indéterminée. Lesétablissements publics de re­cherche, ne disposant pas des res­sources nécessaires pour créer detels contrats, ont réagi par desme­sures très restrictives. Ils limitentla durée possible d’emploi des pos­tdoctorants à trois ans ou moins,avec de rares extensions possiblesà cinq ans. Cela crée des situationsdramatiques dans nos labora­toires: des jeunes chercheurs com­pétents sont privés d’emploi qua­siment du jour au lendemain,même si leur équipe dispose desfonds nécessaires pour les rému­nérer... Il devient difficile à cesjeunes chercheurs de trouver unautre emploi.»Face à cette situation, le gou-

vernement a promis de titulari-ser quelque 8000 chercheurs etenseignants-chercheurs d’ici lafin du quinquennat. Unemesureinsuffisante, d’après les syndi-cats de l’enseignement supé-rieur. Selon leurs estimations, ily aurait 50000 travailleurs pré-caires dans les universités àl’heure actuelle (y compris lepersonnel administratif).Doctorante en sociologie à

l’université de Toulouse-LeMirail,Elsa Pibou se destine à une car-

la réductiondesdébouchésdanslarecherche et

l’université est enpartiemasquée parle développementdespostesnonpermanents

Page 27: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 27

Secteur privé Secteur public

Source : Rapport 2013 « L’état de l’emploi scientifique en France », ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Effectifs de chercheurs dans les secteurs publicet privé, en france, en équivalent temps plein

Effectifs de chercheurs par pays, en 2010,enmilliers d’équivalent temps plein

Etats-Unis

Chine

Japon

Féd. de Russie

Allemagne

Corée du Sud

Royaume-Uni

France

Canada

Espagne

Taïwan

Italie

Australie

Pologne

Turquie

Pays-Bas

Suède

Argentine

Portugal

150 000

140 000

130 000

120 000

110 000

100 000

90 000

80 000

70 0000 200 400 600 800 1000 1200 1400

Changementde méthodologie

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2010

rière d’enseignant-chercheur. Elleconnaît les difficultés qui l’atten-dent mais demeure optimiste.«Jusqu’à présent j’ai eu de lachance. J’ai bénéficié d’un contratdoctoral unique, ce qui m’a permisd’être rémunérée pendant mathèse, en échange des cours que je

donnais à l’université.» Grâce àcette première expérience profes-sionnelle, elle a obtenu un posted’attachée temporaired’enseigne-ment supérieur (Ater) pour l’an-née en cours. Mais pour l’annéeprochaine, c’est encore l’incon-nue. «Tous les docteurs doivent

avoir un plan B. Pour ma part, siça n’aboutit pas à l’université, jechercherai un emploi dans le sec-teur associatif, en lien avec mondomaine d’expertise, l’économiesolidaire en milieu rural», ex-plique-t-elle.Comme elle, beaucoup de doc-

teurs n’excluent plus une carrièreen dehors de la recherche acadé-mique. «Trois ans après leurthèse, 50% des docteurs travaillentdans la recherche publique, 20%dans la recherche privée et 30%dans des activités hors recherche»,souligne Julien Calmand duCéreq. Les entreprises françaisesont longtemps été très frileuses àl’idée d’embaucher des bac+8,leur préférant les profils d’ingé-nieurs. Mais la nécessité d’inno-ver dans unmonde où les techno-logies changent très vite pousseun nombre croissant d’entre ellesà s’ouvrir aux chercheurs. «Lespetites et moyennes entreprises(PME) abritent plus de la moitiédes effectifs de docteurs du secteurprivé», souligne Amandine Bu-gnicourt, directeur d’Adoc TalentManagement, un cabinet de

La Loi Fioraso sur l’enseignement

supérieur et la recherche, adoptée

cet été, a apporté quelques

améliorations au statut de

doctorant. Elle facilite l’accès

des docteurs aux concours de

catégorie A de la fonction publique.

Ainsi les docteurs ayant bénéficié

d’un contrat doctoral (financement

de la thèse) pourront se présenter

au concours interne de l’Ecole

nationale d’administration (ENA).

Les autres auront unmeilleur accès

au troisième concours de l’ENA

grâce à la comptabilisation des

années de thèse dans l’expérience

professionnelle. Ces années seront

également considérées comme une

période de service effectif lors

de la titularisation à un poste de

chargé de recherche ou de maître

de conférence. Par ailleurs, les

titulaires d’un doctorat peuvent

désormais faire usage du titre

du docteur, en mentionnant sa

discipline, «dans tout emploi et

toute circonstance professionnelle

qui le justifient». Pour Alexandra

Collin, de la Confédération

des jeunes chercheurs, ces points

sont positifs mais la loi ne règle

pas le problème de la précarité

des jeunes chercheurs ni celui

de la reconnaissance du doctorat

dans le secteur privé.

F. Sc.

Unemeilleure reconnaissancedans la fonction publique

conseil spécialisé dans le recrute-ment de bac+8. «Ces PME appré-cient la capacité des docteurs àtravailler en réseau, à faire de laveille technologique, à cerner lesproblèmes rapidement et surtoutà gérer un projet de bout en bout.»Signe de l’importance des cher-

cheurs pour le monde écono-mique, le nombre de chargés derecherche et développement(R&D) a augmenté de 72% entre2000 et 2010 dans les entreprisesfrançaises, alors que le nombre dechercheurs du secteur public n’aprogressé que de 13,7%. Mais lesemplois sont encore concentrésdans un petit nombre de secteursparmi lesquels l’automobile (12%),les services informatiques (11%),les activités scientifiques et tech-niques (9%), la construction aéro-nautique et spatiale (8%), l’indus-trie pharmaceutique (7%), ouencore le conseil en stratégie eten organisation. «La R &D est laporte d’entrée des docteurs dansles entreprises. Ensuite, beaucoups’orientent vers d’autres fonctionscomme la gestion de projet, le ma-nagement ou même des fonctionscommerciales», souligneMme Bu-

gnicourt. D’après les enquêtesmenées par le cabinet auprès deses clients, 8% des docteurs occu-pent un poste de direction.Même si leur insertion sur le

marché du travail est parfois déli-cate, le marché de l’emploi desdocteurs n’est pas si figé qu’il en al’air. Cinq ans après leur thèse, ilsne sont plus que 4% à connaîtrele chômage. Du reste, les dé-penses de recherche devraientcontinuer à augmenter dans lesprochaines années en France etpartout ailleurs, offrant des dé-bouchés aux nouveaux entrants.A condition de savoir s’adapter.

FrançoiS Schott

les docteUrs entrentpar la porterecherche et

développement.ensUite, beaUcoUps’orientent vers

d’aUtres fonctions

Page 28: Complet Campus

28 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

L

40 % de femmes chefs ou créatricesd’entreprise en 2017, tel est l’objectif duplan gouvernemental lancé le 30 novembre.Au programme: sensibilisation,accompagnement, accès au financement.

e plan du gou-vernement en faveur de l’entre-preneuriat féminin prévoit 40%de femmes en 2017. Mis enœuvre dès le 30 novembre, ils’attachera, entre autres, à déve-lopper des réseaux féminins pro-fessionnels, à favoriser le mento-rat et à créer dans certainesrégions un fonds expérimentalpour doter des projets d’un fi-nancement complémentaire.

Aujourd’hui, «les femmes ontune place trop marginale dansnotre économie. Elles représentent30% des créateurs d’entreprise,27% des dirigeants de petite et trèspetite entreprise (PME-TPE) et cetaux stagne depuis plusieurs an-nées», détaille Geneviève Bel. Laprésidente de la délégation auxdroits des femmes et à l’égalité duConseil économique, social et en-

vironnemental (CESE) a présenté,en 2009, un rapport sur l’entre-preneuriat féminin listant lesobstacles auxquels se heurtentles femmes entrepreneures, etsuggérant plusieurs pistes d’ac-tion. Pour résumer, il faut «agiren amont d’une part, accompa-gner et soutenir d’autre part».Le premier axe du plan, qui s’ins-pire des recommandations duCESE, repose sur la sensibilisa-tion, l’orientation et l’informa-tion. «Il faut lutter tout au longdu parcours éducatif contre les re-présentations stéréotypées desrôles respectifs des hommes et desfemmes, favoriser la diversifica-tion des cursus, développer les ca-

pacités de management et créerun esprit d’entreprise, avec une vi-gilance particulière en directiondes jeunes filles», expliqueMme Bel. Afin de stimuler préco-cement l’envie d’entreprendredes femmes, l’entrepreneuriat fé-minin fera ainsi partie du pro-gramme scolaire dès la classe desixième.

3 leviers d’action en faveurde l’entrepreneuriat féminin

«La friLosité dusecteur bancaire

à L’égard des femmesest patente»

Geneviève Bel, présidentede la délégation aux droits des femmeset à l’égalité du Conseil économique,

social et environnemental

parité

Marc

Taraskoff

Un programme de sensibilisationd’autant plus important que lesfreins à l’entrepreneuriat fémininsont d’abord dans les têtes deshommes comme des femmes,«qui ont intériorisé certains préju-gés et hésitent à prendre des res-ponsabilités», estime AndréMarcon, président de CCI France,le réseau des chambres de com-merce et d’industrie.

Le deuxième axe du plan pourl’entrepreneuriat féminin pro-

pose de renforcer l’accompagne-ment des créatrices. «Appartenirà un réseau renforce la confianceen soi, l’accès à des moyens, per-met la transmission d’expé-riences et l’échange d’idées. Béné-ficier des conseils d’une créatriceou d’une repreneuse d’entreprisequi a connu et surmonté lesmêmes embûches, s’est posé lesmêmes questions, constitue unirremplaçable soutien», souligneMme Bel. D’autant plus quand on

Page 29: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 29

âgée de 22 ans, a beau proposeraux dirigeants de les aider à se re-lancer, ils refusent. Elle décidealors de créer sa propre entre-prise... à Nantes. Son mari tientune brasserie dans la région. Elleemmène dans ses bagages CédricGuinoiseau, 27 ans et ingénieur,avec qui elle a travaillé à 8Mo-tions, et Yann Borissoff, designerqu’elle a rencontré à S3G. Agé de37 ans, Yann, qui a construit sa vieà Bordeaux, décide d’y rester.Qu’à cela ne tienne, la future so-ciété aura deux implantations.Anaïs Vivion affirme qu’elle a

toujours su qu’elle créerait sa so-ciété. «Pour moi, c’est synonymede liberté. Ça veut dire qu’on créeavec des gens que l’on choisit, et

j’aime travailler en équipe.» Aucollège déjà, elles se racontaientavec une amie qu’elles travaille-raient d’abord dans des grandessociétés, qu’après, elles auraientchacune leur boîte et qu’elles secroiseraient dans des aéroports,entre deux rendez-vous… Sonamie a aujourd’hui son studiophoto et Anaïs Vivion a crééBeApp à tout juste 23ans.«Lorsque nous avons créé l’en-

treprise avec Yann et Cédric, j’étaisla plus jeune, mais aussi la plusentrepreneuse!», rappelle-t-elle.Elle était aussi consciente qu’elleavait tout à apprendre. Le par-cours a démarré à l’incubateurd’Atlanpôle en juillet 2011, avec unlocal, une formation pour savoirfaire un business plan, et un prêtd’honneurde 23000eurosqu’elledoit compléter par un prêt com-plémentaire auprès de banquespour donner naissance à BeApp,

sait que, pour la seule Ile-de-France, 250000 entreprises se-ront en principe transmissiblesd’ici à 2020.Dernier levier d’action: faciliter

l’accès des créatrices au finance-ment. «La frilosité du secteur ban-caire à l’égard des femmes chefsd’entreprise est patente, déploreGeneviève Bel.Or l’accès au finan-cement est un point névralgique:un investissement financier suffi-sant au démarrage constitue unegarantie de pérennité.» Des aidesspécifiques favoriseront donc laréalisation de projets de créationd’entreprises, et l’entrepreneuriatféminin sera promu dans lesprincipaux réseaux bancaires.«Ce n’est pas une révolution,

résume M. Marcon. Il s’agit d’unplan qui s’appuie sur des moyenssimples pour faire avancer leschoses. Je crois que l’inversion abien démarré, il ne faut pas relâ-cher cette pression et il faut quechacun y mette du sien. Au ni-veau de notre institution, nousnous sommes par exemple don-né l’objectif de la parité au ni-veau des élus dès la prochainemandature. En espérant que tousceux qui se penchent sur cettecause apportent leur pierre et nese contentent pas de dire auxautres ce qu’il faut faire.»

Margherita Nasi

«Lorsque nousavons créé Beapp

avec Yann et cédric,j’étais La pLus jeunemais aussi La pLusentrepreneuse !»

aNaïs ViVioN

Anaïs Vivion: «Etre une femme, jeune, dansun secteur innovant, est plutôt un atout»

naïs Vivion, 25 ans,est tout à fait représentative decettenouvelle générationd’entre-preneures qui n’ont plus àmenerles combats de leurs mères et sesont affranchies de bien descontraintes. Eduquées dans desenvironnements totalementmixtes, elles ne voient pas leurféminité comme un handicap,mais n’en font pas pour autantun atout. «Pour moi, c’est plutôtun avantage, mais comme l’est lefait d’être jeune dans un secteurinnovant. Ça me rend plus vi-sible!», reconnaît-elle.Rapide plutôt que pressée,

même quand elle parle, cetteBourguignonne a quitté Dijonpour Bordeaux après un BTS decommunication des entreprises,pour faire une licence puis unmaster enmanagement et straté-gie des entreprises, le tout en al-ternance. Pendant sa licence, elles’occupe de la communication in-terne du centre d’appel de S3G,société du groupe Sud-Ouest quipublie des journaux d’annoncesgratuits. Elle enchaîne pour lemaster avec la société 8Motions,qui développe des applicationspour mobile en réalité augmen-téeà l’intentiondeclients commeDecathlon, Mappy, etc.«La société, c’était 4 personnes,

que des hommes et que des geeks,raconte-t-elle, mais ça m’a pas-sionnée, j’ai vu comment naissaitun produit. » L’expérience est tel-lement concluante que 8Motionslui propose de l’embaucher dès lafin de sa première année demas-ter. Enthousiaste, elle accepte,sans renoncer à son diplômequ’elle passe en candidate libre.Le premier accroc dans ce par-

cours presque parfait vient de8Motions qui va mal et doit serestructurer. Anaïs Vivion, alors

Aen septembre 2011. Elle détient70% du capital aux côtés de sesdeux cofondateurs. Après avoiressuyé plusieurs refus, elle trouveune banquière chez BNP-Paribasqui accepte de la suivre à condi-tion de modifier son projet, le-quel prévoyait de développer desapplications mobiles pour les en-treprises et de mettre au pointune plate-forme de développe-ment en ligne. En octobre 2011, labanquière lui accorde 70000 eu-ros de prêt si elle se concentre surle premier point, plus susceptiblede générer du chiffre d’affaires.«Le même mois, on signait nospremiers contrats», se réjouitAnaïs Vivion.Elle reconnaît qu’être une

femme, jeune et dans un secteurinnovant la sert… sauf lorsqu’ils’agit de financer son projet. Maisaucun de ses clients n’a jamaisabordé le sujet. «Je suis passion-née et dansmondomaine d’exper-tise, ils me font confiance. De plus,c’est mieux d’être jeune quand onpropose des innovations destinéesaux jeunes!»dit-elle. Seule ombreau tableau, lorsqu’elle est sur lestand de BeApp dans un salonprofessionnel, certains ont dumal à croire qu’elle est à la tête dela société…Elle a maintenant trouvé son

rythme de croisière: BeApp de-vrait réaliser un chiffre d’affairesde 250000 euros en 2013, «etnous sommes à l’équilibre!», in-siste-t-elle. L’effectif devrait pas-ser de 9 à 15 personnes d’ici à fin2014. Et malgré les ateliers derecrutement qu’elle a suivis lors-qu’elle était à l’incubateur, elleavoue qu’elle ne recrute que despassionnés: «Même si ce n’est pastrès orthodoxe, c’est à eux que jepréfère donner leur chance!» Ellea ainsi confié le développementsous iOS et celui sous Androïd àun ex-luthier et à un ex-journa-liste. Avec succès jusque-là!

sophy Caulier

Page 30: Complet Campus

30 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

génération

N

Dans certains domaines, comme les réseauxsociaux, les jeunes en savent parfois bienplus long que leurs aînés. Et ne demandentqu’à partager leurs connaissances. Premiersretours d’expériences des entreprises quipratiquent déjà le mentorat inversé.

é avec ladeuxième génération d’ordina-teurs, Michel, 58 ans, directeur gé-néral des partenariats à la divisionmédicale de Danone, a laissé filersous ses yeux le train du digital.«LinkedIn, encore, j’arrivais à m’ensortir, mais sur le reste, je me sen-tais complètement perdu», recon-naît-il. Afin de mettre ses salariésseniors au parfum des tweets,hashtags et autres flux RSS, Da-none a mis au point, il y a troisans, un programme de mentoratinversé dont Michel a tout lieu dese féliciter.Le concept a été créé, en 1999,

aux Etats-Unis par l’ancien PDGde General Electric Jack Welch.«Pour poursuivre notre croissanceet répondre aux évolutions de lasociété, nous devions sensibilisernosmanagers à la pratique des ré-seaux sociaux et créer une vraieculture du digital au sein de l’en-treprise, explique Nicolas Rolland,directeur de la formation et de latransformation digitale. Or qui

mieux que les jeunes pouvaient sefaire les ambassadeurs de cettemutation numérique?»A 31 ans, Gwenaëlle Goeler, ju-

riste spécialisée dans la propriétéintellectuelle et lesmédias, se sentcomme un poisson dans l’eaudans l’univers du Web 2.0. «Jebaigne dedans toute la journée,explique la jeune femme, titulaired’un double master 2 en droit sa-nitaire et social et droit des af-faires, mention propriété intellec-tuelles et en droit des nouvellestechnologies. Ayant été nomméeréférente sur ces problématiques

au sein de mon équipe, j’ai l’habi-tudedepartagermes compétencesen transversal.» Comme elle,130 juniors ont accepté de semettre dans la peau dumentor.En trois ans, ils ont déjà formé

1800 collaborateurs, répartis surquarante entités du groupe.Même les membres des comités

Quand les juniorsforment les seniors

de direction dans les différentesdivisions y sont passés. «L’objec-tif n’était évidemment pas d’enfaire des geeksmais plutôt de leurexpliquer les opportunités quepouvait leur offrir le digital pourle développement de leurs activi-tés, précise Nicolas Rolland. Ap-prendre à recenser l’informationpertinente disponible sur Inter-net, contribuer à l’alimentationdes réseaux sociaux des commu-nautés de Danone…» Le tout sousla forme la plus ludique possible.«Ce n’était pas un cours sur ta-bleau noir, relève Michel. Chacunapportait son ordinateur et ontravaillait en interactivité.»Au terme de ses douze heures

d’initiation, le dynamique quin-qua semble bel et bien réconciliéavec les nouvelles technologies.«Cette session n’a pas changé mavie, tempère-t-il,mais ellem’a faitdécouvrir de nouvelles façons detravailler. Aujourd’hui, je me sersdes réseaux sociaux pour élargirmon réseau, suivre des personnesqui tweettent sur les sujets quim’intéressent.» Gwenaëlle aussien tire un bilan très positif.«Cette expérience m’a permis,non seulement d’échanger avecdes gens de tous niveaux hiérar-chiques, mais aussi de valoriserl’expertise que j’ai acquise.»

«notre inconscientest imprégné parl’idée que ce sont

les aînés qui savent.l’avènement du

Web 2.0 tend à fairebouger les lignes»Maurice casper, consultant

à l’institut InterGe

Page 31: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 31

Dans les pays anglo-saxons,on appelait «coach»

le répétiteur qui aidait

un étudiant en vue

d’une épreuve. Par extension,

le mot a ensuite désigné

la personne chargée

de l’entraînement sportif

d’une équipe. Ce terme est

aujourd’hui utilisé dans le

monde de l’entreprise pour

évoquer l’accompagnement

dont bénéficient des salariés

ou des équipes pour

développer potentiels et

savoir-faire professionnels.

A l’inverse du coaching,

le mentorat n’est pas orienté

vers les résultats. Cette

pratique d’accompagnement

de carrière d’un collaborateur

expérimenté auprès

d’un autre qui l’est moins

vise avant tout à améliorer

le fonctionnement

de l’entreprise et le bien-être

des collaborateurs.

Enfin, la revue Recherche et

Formation définit le tutorat

comme «l’ensemble des

activités mises en œuvre

par des professionnels en

situation de travail en vue

de contribuer à la production

ou à la transformation de

compétences professionnelles

de leur environnement».

En clair, il s’agit d’aider

l’apprenant à surmonter

par lui-même les obstacles

qu’il rencontre au travail.

E. C.

Coaching, tutorat, mentorat : quelles différences?

Une reconnaissance que beau-coup de patrons rechignent à ac-corder à leurs jeunes pousses.«Notre inconscient est encore trèsimprégné par l’idée que ce sont lesaînés qui savent, constate MauriceCasper, consultant à l’institutInterGe. L’avènement du Web 2.0tend à faire bouger les lignes.»Tout doucement, on commence àprendre conscience que les moinsde 30 ans ont eux aussi aussi destalents à partager.

Dans le chapitre qu’il consacreau contrat de génération sur sonsite Internet, le ministère du tra-vail, de l’emploi, de la formationprofessionnelle et du dialoguesocial précise ainsi que « les com­pétences utiles à transmettrepeuvent également se trouver ducôté des jeunes salariés formésaux techniques et savoirs les plusrécents dans leur domaine. Ilpeut être intéressant de les mobi­liser pour qu’ils forment d’autressalariés».

«La plupart des jeunes qui arri­vent aujourd’hui sur le marchédu travail ont non seulement desdiplômes, mais aussi très souventdes expériences professionnelles àfaire valoir , insiste Nathalie La-franchise, professeure au dépar-tement de communication so-ciale et publique de l’universitédu Québec, à Montréal, et prési-dente de l’organisme MentoratQuébec. Il n’est donc plus questiond’organiser la transmission dessavoirs sur la base d’une relationà sens unique comme autrefois.»

Au diable la relation maître-élève traditionnelle! Place à lacollaboration participative. Le

groupe informatique IBM la pra-tique déjà depuis belle lurette.«Dans certaines entreprises, oncultive l’idée selon laquelle ne paspartager le savoir, c’est garder lepouvoir, constate Jean-Louis Car-vès, responsable du programmediversité. Chez nous, on est plutôtpersuadé que partager ses com­pétences, c’est grandir.» Suivantleurs besoins et les étapes de leurcarrière, seniors et juniors peu-vent tantôt jouer le rôle du men-tor, tantôt celui du mentoré.

Pour faciliter la mise en rela-tion, une plate-forme Intranetdédiée a été mise en place, avecdes petites annonces et des outilspédagogiques sur les méthodesde mentorat. Grâce à ce système,François Bothorel, 55 ans, et Mat-thieu Wong-Hang, 24 ans, tra-vaillent depuis un an en parfaitesynergie. «Pendant son stage de

fin d’études au centre techniquede Montpellier, Matthieu avaitplanché sur un nouvel accéléra­teur destiné à améliorer la vitessed’exécution des applications, ra-conte François. Lui me transmetdonc les connaissances qu’il a ac­quises sur cette nouvelle technolo­gie, et moi je l’aide à se familiari­ser avec le contexte de la vente.»Une relation gagnant-gagnantqui suppose que chacun recon-naisse ses limites et se laisseconduire par l’autre.

Afin de faciliter le dialogue etla cohabitation des générationsdans l’entreprise, Danone a misen place, en 2012, le programmeOctave, en partenariat avecL’Oréal, GDF Suez et Orange.L’idée? Convoquer une fois paran toutes les générations autourd’une table et les aider à prendreconscience de leurs différencesde fonctionnement pour mieuxles dépasser. «Aujourd’hui, l’en­treprise est comme un piano surlequel on ne jouerait que sur lesdeux octaves centrales, compareAnne Thévenet-Abitbol, direc-trice prospective et nouveauxconcepts. En négligeant d’un côtéles plus de 50 ans, les octaves gra­ves, et de l’autre les moins de30 ans, qui correspondent aux oc­taves aiguës, les 30­45 ans, qui dé­tiennent le pouvoir, se privent debeaucoup de ressources. Les entre­prises gagneraient beaucoup enefficacité si elles se plaçaient à lacroisée des générations.»

ElodiE ChErmann

15-19Classes d’âge

20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64

Australie, Canada,Roy.-Uni, Danemark,Pays-Bas, Norvège

Groupe 1

Autriche, Finlande,Allemagne, Japon, Suède,Irlande, Etats-Unis

Groupe 2

Belgique, Luxembourg,Pologne, Slovénie, Grèce,Espagne, Italie, France,Portugal

Groupe 3

Moyenne 2005-2011, en % de la population par classe d’âgeTaux d’emploi par groupe d’âge

Source : OCDE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90 27 ans 52 ans

France

Page 32: Complet Campus

32 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

vie privée-vie professionnelle

N’y voyez surtout pas, de leurpart, un désengagement dans letravail. «La nouvelle générationaccorde toujours beaucoup d’im-portance à la réussite profession-nelle mais pas à n’importe quelprix, explique Karen Demaison,fondatrice du cabinet de conseilen ressources humaines Critèresde choix. Elle a tellement vu sesaînés malmenés par le monde del’entreprise qu’elle est devenuebeaucoup plus méfiante.» Dansun sondage CSA de février 2013,60% des jeunes diplômés asso-ciaient d’abord la réussite profes-sionnelle à un travail épanouis-sant, mais 43% se disaientnéanmoins soucieux de conser-ver un bon équilibre entre le bu-reau et la vie privée. Cette préoc-cupation est particulièrementprégnante chez les femmes.«Avant 30 ans, elles se persua-

dent qu’elles peuvent être à la foisde bonnes collaboratrices, debonnes épouses et de bonnesmères, souligne Christine Nas-chberger, professeure associée àl’école de management AudenciaNantes. Ce n’est en règle généralequ’après 40 ans qu’elles acquiè-rent le sens des réalités. » A 27 ans,Julie n’a pas encore renoncé à sesidéaux. Ingénieure en aéronau-tique à la Snecma àMelun (Seine-

U

Les jeunes diplômés aimeraient pouvoirconcilier un travail épanouissant et unevie personnelle accomplie. Utopie? Pas toutà fait. De plus en plus d’employeurs tententde faciliter cette harmonisation des temps.

n mari? Desenfants? Oui, mais pas tout desuite. A bientôt 27 ans, Nathalieest déterminée: «Ma carrièred’abord.» Pour se tailler sa réputa-tion dans le petit monde des avo-cats d’affaires parisiens, elle en-chaîne les semaines de travail àsoixante heures. Et consacre leplus clair de son temps libre à bû-cher sur ses dossiers. «J’adoremonmétier! Enm’engageant danscette voie, je savais ce qui m’atten-dait. J’assume», assure-t-elle. Vou-loir s’investir corps et âme dansson travail, rien de surprenant dela part d’une jeune femme, fraî-chement sortie de l’université.«La plupart des hauts diplômés

qui débutent sont dans une lo-gique de carrière, constate Gaëtan

Flocco, enseignant-chercheur ensociologie du travail au centrePierre-Naville à Evry (Essonne). Ilsne comptent pas leurs heures, sontprêts à tout sacrifier... Jusqu’au jouroù ils ressentent le besoin de réa-juster, de reprendre le contrôle.»C’est l’expérience qu’ont vécueDelphine et Pierre, responsablesdes ressources humaines dansdeux grands groupes du CAC 40.«Les premières années, nousétions comme tous les jeunes quiont fait des études et qui nourris-sent un minimum d’ambition:nous nous donnions à fond dans leboulot», se souvient Pierre. Etpuis, à l’approche de la trentaine,l’envie de fonder une famille les a

soudain titillés. «Si nous avionstenu un raisonnement tactique,nous aurions attendu d’être tousles deux DRH avant de faire un en-fant. Mais nous sommes des pursproduits de la génération Y. Nousne tenions absolument pas à lais-ser nos carrières guider nos vies.»

Une carrière, oui,mais pas à n’importequel prix !

et-Marne), elle préfère supportertrois heures de transport par jourplutôt que de partir s’exiler enbanlieue. «Je suis parisiennejusqu’au bout des ongles, té-moigne-t-elle. Autant je nem’imagine pas exercer un métierqui me déplaît, autant je ne mesens pas prête à faire une croixsur mes amis et mes loisirs.» Enplus de ses séances de sport et deses sorties au théâtre ou au ciné-ma, Julie suit, tous les mardissoirs, des cours d’histoire de l’arten auditrice libre au Louvre. Pourpouvoir s’ouvrir ainsi à d’autreshorizons, encore faut-il avoir af-faire à une hiérarchie conciliante.«J’ai la chance d’évoluer dans

une entreprise qui accorde uneplace importante à la famille, sefélicite Julie. Quand ma mère estdécédée l’an dernier, j’ai décidéd’ouvrir des gîtes dans notre mai-

ModulationduteMpsde travail etdes

horaires, télétravail,conciergerie…

diverses solutionssontMises en place

fabio

vis

coglio

si

Page 33: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 33

11h30, ce vendredi matin. Le balletdes cadres affamés débute dans le

hall de Schneider Electric, à

Rueil-Malmaison, dans les

Hauts-de-Seine. Tailleur noir et

chemisier blanc, Sylvie Mirilovic,

une trentenaire à lunettes, prend

place derrière son grand comptoir

blanc à l’entrée du restaurant

d’entreprise. «Bonjour M. Thooris»,

lance-t-elle, tout sourire, à l’attention

d’une silhouette pressée qui s’éloigne

vers l’ascenseur. Une grande blonde

se plante alors devant elle. «C’est pour

de la cordonnerie», annonce-t-elle.

Elle plonge la main dans son sac et en

extirpe une paire de bottes en cuir

marron, avec la semelle coupée en

deux. «J’espère vraiment que vous

allez pouvoir faire quelque chose. Ce

sont mes préférées.» A côté d’elle, un

costume-cravate lorgne

les orchidées qui trônent

aumilieu des compositions florales.

«C’est combien?», demande-t-il.

« 18 euros le pot.» Pressing,

repassage, retouche, entretien

automobile, démarches

administratives… Plus besoin de

courir à droite à gauche pour régler

les tracasseries du quotidien.

Sylvie et les équipes de Zen & bien

conciergerie d’entreprise s’occupent

de tout. «Nous avons lancé ce projet

en décembre 2008, dans le but de

faciliter la vie de nos collaborateurs et

de renforcer leur bien-être au travail»,

explique Carole Ginfray, responsable

des services et de l’animation chez

Schneider Electric. Le succès a été

tel que le service a très vite été étendu

de deux à quatre jours par semaine.

En dehors des heures d’ouverture,

les salariés peuvent se rendre sur

l’extranet pour réserver un panier de

fruits et légumes bio, prendre rendez-

vous pour un contrôle technique ou

formuler une demande d’aide

à domicile. Un vrai plus pour Jimmy

Dansou, responsable commercial.

«Le soir, quand je rentre à la maison,

tout est fermé, explique-t-il. Alors dès

que j’ai un ourlet à faire, un costume

à nettoyer ou des chaussures à réparer,

je les apporte ici. Les prestations

sont de qualité et coûtent moins cher

que dans mon quartier.»

Chaque semaine, Etienne Bellière

y laisse tout demême une dizaine

d’euros. C’est le prix à payer pour

gagner en temps, en tranquillité et en

liberté. «Je pars en déplacement une

fois tous les quinze jours en moyenne,

explique ce vendeur de 28 ans.

Plutôt que de m’imposer la corvée

du repassage chaque veille de départ,

je dépose 5 ou 6 chemises ici et

je les récupère quarante-huit heures

après, prêtes à porter.» En 2012,

6748 demandes ont ainsi été

enregistrées à la conciergerie pour

22012 articles traités et 480 lavages

auto oumoto effectués. «En plus

du complément de chiffre d’affaires

généré par les commerçants locaux

qui assurent les prestations, cela

représente 36864 kilomètres évités

et 3936 heures gagnées pour nos

utilisateurs», se félicite Christophe

Faelens, le directeur de Zen & bien.

Autant de temps supplémentaire

qu’ils ont pu consacrer à leur travail…

ou à leur vie privée.E. C.

Pressing, véhicules, services administratifs, l’employeur s’occupe de tout

son de famille en Auvergne pouréviter de vendre. Pendant tout l’été,j’ai assuré moi-même la gestiondes contrats de location, la remisedes clés, le ménage… C’était trèslourd à porter. Ma chef m’a alorsgentiment proposé de me déchar-ger d’une partie de mes dossiers letemps que je puisse m’organiser.»

Face au développement descouples à deux carrières, à la pré­sence massive des femmes sur lemarché du travail, à l’augmenta­tion du nombre de famillesmonoparentales et de jeunes pa­

rents, de plus en plus d’entre­prises commencent à assouplirleur mode de management pourfaciliter l’articulation des tempsde travail et de vie privée. Depuis2007, aux Etats­Unis, et 2008, enFrance, le cabinet Deloitte per­met ainsi à ses collaborateurs demoduler leurs horaires, leurtemps de travail, la fréquence deleurs déplacements et la com­plexité de leurs missions tout aulong de leur vie professionnelle.«Ce sont eux qui décident de leur

carrière», résume le responsabledes ressources humaines Jean­Marc Mickeler. De son côté, IMATechnologies, une filiale dugroupe Inter Mutuelles Assis­tance (IMA) basée à Nantes, auto­rise le télétravail à raison de deuxjours par semaine. Le bilan desopérations se révèle très positif.«Les salariés gagnent en fraisd’essence et en tranquillité. Quantà l’entreprise, elle s’y retrouveaussi en termes d’attractivité, deturnover et d’absentéisme», re­marque la DRH, Valentine Tuloup.

Chargée de mission au sein del’association Français du monde,Mélina, une jeune maman de28 ans, ne bénéficie pas de ces pe­tits coups de pouce. «Nous nesommes que 3 salariées à l’associa-tion, explique­t­elle. Je n’ai donc niconvention collective ni jour en-fant malade.» Pour concilier sesobligations professionnelles et fa­miliales, Mélina doit se livrerchaque semaine à un subtil jeud’équilibriste. «Le vendredi, lacrèche ferme à 17h15 et même15h15 le premier vendredi du mois,raconte­t­elle. Pour pouvoir récu-pérer ma fille à l’heure, je dois ac-complir toute ma charge de travailsur quatre jours et demi. Même enmettant les bouchées doubles, cen’est pas évident. Imaginez si je dé-cidais d’avoir un second enfant!»

ElodiE ChErmann

«les salariés gagnenten frais d’essence

et en tranquillité,l’entrePrise en

attractivité,turnoveret absentéisme

ValEntinE tuloup, DRHd’IMATechnologies

Page 34: Complet Campus

34 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

L

Attachés au retour de l’humain dans l’économie,prêts à échanger hauts salaires contre projetsd’entreprises motivants, de plus en plusd’étudiants se tournent vers la planète sociale.

a discussion estanimée. Yoann Kassi-Vivier, Emi-lie Vuillequez et Antoine Colonnad’Istria reviennent sur leur par-cours depuis qu’ils ont choisi lavoie de l’économie sociale. Lestrois jeunes entrepreneurs sontencore étudiants à HEC lorsqu’ilsse rencontrent grâce au milieu as-sociatif. C’est un déclic. Ensembleils créent l’association Pro-BonoLab en 2011, aujourd’hui une desprincipales structures de promo-tion du bénévolat et du mécénatde compétences en France. L’idéeest de mettre à contribution dessalariés, chacun selon sa spéciali-té, pour soutenir le développe-ment des associations.

Si l’économie sociale et soli-daire (ESS) a longtemps été exclu-sivement associée aux travail-leurs sociaux et au bénévolat, lestemps changent. Le trio de Pro-Bono Lab illustre ce vent nouveaude jeunes diplômés souhaitant leretour de l’humain dans l’écono-mie. Cette tendance a projetél’ESS dans le monde traditionnel-lement lucratif de l’entrepreneu-

riat. «Les étudiants cherchent desapproches alternatives aux mo-dèles “mainstream” (dominants)habituellement proposés à la sor-tie des écoles», explique HervéGouil, professeur à HEC de ges-tion des entreprises sociales etsolidaires. Et ils sont de plus enplus nombreux, comme en té-moigne le nombre grandissant decandidatures à la chaire de l’entre-preneuriat social de l’Essec, fon-dée en 2003 par Thierry Sibieude.La chaire accepte 25 étudiants paran. Un choix de carrière qui restetoutefois globalement marginal:5% à 10% des élèves de grandesécoles font chaque année le choix

de l’entrepreneuriat, et ils ne sontqu’une petite partie à se consa-crer au social.

Arnaud Mispolet est l’un d’eux.Entré à l’Essec au début de sesétudes, ce sont les stages au Viet-nam et en Chine, puis en entre-preneuriat àNewYork qui lui don-nent l’envie de monter unestructure. Il intègre le cursus etélabore le business plan de son

Les jeunes dip’ investissentl’économie sociale et solidaire

«les étudiantscherchent

des approchesalternativesauxmodèles

“mainstream”»Hervé Gouil, professeur àHEC

de gestion des ESS

entrepreneuriat

projet Cric-Croc. «Ce cursus a unvrai contenu face à l’enseignementplus classique des autres filières,parfois un peu creux», explique-t-il. L’objectif de Cric-Croc est d’inté-grer la consommation d’insectescomestibles dans notre alimenta-tion sous forme de barres énergé-tiques ou de steaks pour luttercontre la crise alimentaire.

A destination des entrepre-neurs sociaux en herbe, des struc-tures d’aide et d’accompagne-ment voient progressivement lejour dans toute la France. La plu-part sont en région parisienne,comme l’incubateur La Ruche, laplus médiatisée, ou encore Antro-pia, structure gratuite adossée àl’Essec. Enactus (anciennementSIFE), une ONG américaine arri-vée en France en 2002, est ladoyenne et la plus réputée. Samission est d’accompagner lesétudiants dans la mise en œuvrede leurs projets à travers des évé-nements, des formations et desconcours. Elle mobilise près d’unmillier d’étudiants en Francecontre 62 000 à travers le monde.

«En 2002, 90% des étudiantsimpliqués dans Enactus étaient is-sus d’écoles de commerce et demanagement. Les étudiants pro-venant d’universités ou d’écolesd’ingénieurs représentent désor-mais la moitié du programme,soit 15 établissements sur 30 au to-

Page 35: Complet Campus

AUDIT,CONSEIL,EXPERTISE COMPTABLERendez-vous suret kpmgrecrute.fr

Page 36: Complet Campus

entrepreneuriat

36 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

sumeM. Gouil. Outre la questionde la rémunération, cet expert dusecteur met également en gardeles jeunes entrepreneurslorsqu’ils décident des statuts deleur structure. Outre les clas-siques société à responsabilité li-mitée (SARL) et société par actionsimplifiée (SAS), les entrepre-neurs sociaux peuvent choisir

l’association, la mutuelle, la coo-pérative ou encore la fondation.«Les statuts juridiques dans ce cassont importants car ils permet-tent de protéger la promesse so-ciale de l’entreprise», expliqueHervé Gouil, qui milite pour lestatut associatif, dont la sou-plesse permet aux projets d’évo-luer dans le temps.Le troisième défi est celui de

trouver sa place dans un milieutraditionnellement suspicieux àl’égard des diplômes. «La profes-sionnalisation actuelle du secteurjoue en notre faveur, mon cursusà l’Essec me donne de la crédibili-té. Celamontre que tout le monden’est pas vendu au grand capi-tal», plaisante Arnaud Mispolet.Même situation pour les fonda-

tal», note Aymeric Marmorat, di-recteur exécutif d’Enactus France.D’autres incubateurs voient lejour, comme celui de 3A à Lyon.«L’objectif est d’ouvrir deux struc-tures par an», explique Julie Re-battet, directrice d’Antropia. Cedernier, lancé en 2008, accom-pagne actuellement 50 entre-prises, dont 10% créées par desétudiants ou diplômés de l’Essec.«L’entreprise sociale répond à

des critères spécifiques, avec desmodèles économiques hybrides etdes statuts juridiques différentsde l’économie classique», ex-plique-t-elle. L’incubateur testeaussi la viabilité des projets. «Larentabilité est importante: c’esten étant rentable que les objectifssociaux sont atteints.» C’est l’ex-périence que sont en train devivre Shéhrazade Schneider etElodie Le Boucher, fondatrices deRobin Food. Fraîchement sortiesde l’ESCP-Europe, elles ont rejointAntropia en juillet 2013 pourdonner vie à leur projet antigas-pillage alimentaire. L’idée estd’ouvrir un restaurant proposantdes plats élaborés à base de fruitset légumes mal calibrés, et doncdédaignés par le circuit de distri-bution classique.Robin Food est né de débats lors

d’un Start-up weekend organisépar l’ESCP, et les deux étudiantesde 22 et 24 ans s’y consacrent au-jourd’hui à temps plein avec l’ob-jectif de lancer leur restaurant auprintemps 2014. «Nous voulonsun projet à vocation sociale qui fa-vorise également des opportunitésbusiness», note Mme Schneider. Amoyen terme, elles souhaitentfonder une chaîne. Pour ceux quiont déjà lancé leur projet, l’asso-ciation Make Sense, créée par desanciens de l’ESCP, propose son ré-seau d’entraide et d’échange decompétences.

trices de Robin Food, qui sont al-lées rencontrer tous les acteursdu secteur avant de se lancer.«Cette démarche a été impor-tante pour nous positionner entreune association et une entrepriseet ne pas froisser les différentesparties prenantes», explique Elo-die Le Boucher.Le dernier défi pour les jeunes

qui créent une entreprise socialeest… leur jeunesse. «La créationd’entreprise exige une certainematurité, note Julie Rebattet,d’Antropia. Il faut à la fois maîtri-ser la gestion, les aides des pou-voirs publics et les exigences dumonde de l’ESS.»Unbon test pourmettre à l’épreuve la ténacité descandidats… qui considèrent leurjeunesse comme un atout.«L’échec est moins cuisant quandon n’a rien à perdre, à part sontemps», remarque Yoann Kassi-Vivier, de Pro-Bono Lab, qui in-siste sur l’importance de l’équipedans la réussite d’un projet. Unavis partagé par M. Sibieude. «Lesétudiants et les jeunes diplômésont le profil parfait pour entre-prendre, ils sont dans un universapprenant, n’ont pas de famille àcharge et sont entourés par des ex-perts.» Pour l’enseignant, la clé dela réussite est de trouver l’équi-libre entre les motivations émo-tionnelles et le rationnel duprojetet de bien identifier sa finalité.

Camille Février

Ce mariage du social et de larentabilité revient dans toutes lesbouches de ces jeunes entrepre-neurs. Car, même s’ils revendi-quent leur différence, ils restentissus du moule des grandesécoles, et peinent à trouver unevia media. A l’inverse d’un cer-tain nombre de leurs camarades,leur chemin est loin d’être touttracé: par ce choix, ils sacrifientune carrière dans un grandgroupe et une rémunérationconfortable. «Les enjeux des reve-nus et du patrimoine sont impor-tants, insiste Thierry Sibieude, del’Essec. Ces questions doivent êtreabordées de manière transpa-rente, c’est une réalité mais pasune fatalité.»Une réalité pourtant sonnante

et trébuchante: dans l’économiedite classique, l’échelle de salairespeut atteindre 1 à 900, dans lesentreprises sociales elle se rap-proche de 1 à 9. «Les jeunes nedoivent pas être dans une posi-tion sacrificielle. En échange decette rigueur, il leur faut des pro-jets motivants», explique HervéGouil, d’HEC. Un discours parta-gé par les intéressés. «Ce n’est pasun sacrifice, car l’on sait que c’estpour notre bien», note Shéhra-zade Schneider.Le trio de Pro-Bono Lab a ainsi

travaillé près de deux ans sans serémunérer, mais ne regrette rien.«La finalité est plus large», ré-

«la rentabilité estimportante: c’est enétantrentablequelesobjectifs sociauxsontatteints»

Julie rebattet, directrice d’Antropia

De nombreux événements locaux

et internationaux rythment

la planète sociale. Un des plus

incontournables est la World Cup

de l’ONG Enactus, où 35 équipes

de différents pays présentent leurs

projets sociaux à des poids

lourds de l’économie classique.

Le concours Global Social Venture

Competition (GSVC) est également

organisé par l’université

américaine de Berkeley depuis

quatorze ans. Des centaines de

projets d’entrepreneuriat social

portés par des étudiants du monde

entier sont mis en compétition

pour un enjeu de 20000 dollars,

avec un accompagnement

médiatique et une formation.

Les projets issus des pays

francophones, une vingtaine

en tout, sont pilotés par l’Essec,

qui clôt les inscriptions le

1er décembre. C’est d’ailleurs une

école d’ingénieurs burkinabés

qui a remporté la mise en 2012,

avec le projet du savon

antimoustiques Faso Soap.

Nouveauté cette année, l’Essec

va organiser sa propre compétition

avec certains dossiers retoqués

par Berkeley, dont les critères

de viabilité et de mise en œuvre

sont stricts. Autre initiative, plus

locale, prévue au printemps

2014, le Campus Pro-Bono, piloté

par l’association Pro-Bono Lab,

qui propose aux étudiants et

professionnels de consacrer

une journée à aider une

association. Née en 2012 à HEC

avec 4 associations, l’initiative a

réuni, en 2013, 6 établissements,

160 étudiants, 110 professionnels

et 25 associations. Le Campus

s’ouvre l’an prochain aux écoles

d’ingénieurs et universités.

C. Fé.

Des projets en compétitionmondiale

Page 37: Complet Campus

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Page 38: Complet Campus

38 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

La tentationde l’internationalAssoiffés d’aventure ou lassés de la crise, les jeunesFrançais se disent nombreux à vouloir tenter unepremière expérience professionnelle à l’étranger.Au retour, l’impact sur la carrière reste nuancé.

J’adore la France, maisparfois elle peut êtreétouffante pour unjeune diplômé avec desrêves», soupire Christi-na, 26 ans. Depuis mai,cette jeune fille issue dela promotion 2012 del’ESC-Grenoble est donc

partie prendre l’air au Togo, où elle essaiede décrocher un poste dans un servicemarketing ou commercial. Comme sou-vent dans ce type de situation, l’expé-rience ne se veut pas définitive: « Je parsminimum deux ans, peut-être cinq. Maisaprès, je rentrerai en France», dit-elle.

Comme Christina, les jeunes diplô-més français sont de plus en plus nom-breux à imaginer une partie de leur car-rière professionnelle à l’étranger. Selonle deuxième «Baromètre de l’humeurdes jeunes diplômés» Deloitte/Ifop defévrier 2013, un quart d’entre eux envi- s

ébastie

ntouache

sagent ainsi une partie de leur avenirhors de France. Soit deux fois plus quelors du premier baromètre il y a un an !

Aussi diverses que les histoires, les rai-sons qui les poussent à s’en aller s’entre-mêlent. Certains sont motivés par l’aven-ture et la quête de sens. CommeChristina : «La vision métro, boulot, dodoet RTT ne me faisait pas rêver ! J’avais en-

vie de rencontrer une autre culture, dansun pays plus optimiste.» De son côté,Roman de Rafael, 25 ans, consultant éner-gie climat, «voulait barouder en paysémergents». Après sept mois enThaïlande, il rentre. «La nourriture, lalangue, le climat, la sécurité sociale, mafamille, la campagne, beaucoup de choses

27% des jeunes diplômésenvisagent une partie deleur avenir hors de France

Baromètre Deloitte/ifop (2013)

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 39

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40 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

me manquaient. Et puis quand on estpayé en contrat local, comme c’est de plusen plus souvent le cas, la vie n’est pasmeilleure qu’en France», se souvient-il.La plupart imaginent aussi pouvoir

profiter de meilleures conditions d’em-ploi loin de la morosité économiquefrançaise. «Ceux qui se lancent sont lesmieux formés et ont les moyens de finan-cer une telle aventure. Ils ne partent pasparce qu’ils ne trouvent pas d’emploi,mais pour des raisons d’opportunités entermes de niveaux de poste et de salaire»,confirme Julien Calmand, chargé d’étu-des au département Entrées et évolu-tions dans la vie active du Centre d’études

et de recherches sur les qualifications(Céreq). Selon lui, le taux de chômage àtrois ans des ingénieurs n’est en effet quede 5% et de 9% pour lesmanagers, contre19% pour la génération 2007.Des opportunités qu’Alexandre Van

Eeckhout a pu apprécier à Shanghaï, oùce diplômé en marketing de l’universitéde Paris-Dauphine a travaillé un an etdemi dans une agence de communica-tion. «Un mois après mon arrivée, j’avaisdix offres fermes pour des postes d’un ni-veau de responsabilité que je n’aurais paspu espérer en France avant plusieurs an-nées», raconte le jeune homme. Après

son séjour en Chine, il est revenu dansl’Hexagone avec la certitude que cetteexpérience lui ferait prendre de l’avancesur ses homologues jeunes salariés.Mais attention aux idées reçues : au re-

tour, ce type d’expérience à l’étranger estsurtout positif pour se distinguer au mo-ment de l’embauche. «C’est un avantagesur un CV car cela montre la maîtrised’une langue étrangère, la capacité às’adapter et à ne pas céder à la facilité»,estime Jean-Marc Mickeler, associé direc-teur des ressources humaines du cabinetDeloitte. Dans certaines grandes entre-prises qui se développent sur des mar-chés à l’international, c’est même un pré-requis indispensable. En revanche, «çane fonctionne que si vous avez occupé unposte qui correspond à votre parcours. Sivous avez papillonné en terme d’emploi,cela sera difficile à valoriser et vous de-vrez redémarrer à zéro», prévient JérômeGras, directeur exécutif du cabinet Pagepersonnel.D’autant plus qu’une ligne d’expé-

rience à l’étranger sur le CV n’est plusune rareté, notamment via les stages.«Généralement, cela ne permet pas defaire un bond qualitatif en termes de ni-veau de responsabilité et de salaire au re-tour», nuance Jérôme Gras. Une réalitédont Alexandre Van Eeckhout a d’ailleursfait l’amère expérience : « Je pensais queça allait me permettre de prendrequelques années d’avance en revenant enFrance, autant de temps gagné pour macarrière à long terme. En fait, pas du tout.Quand je disais aux recruteurs que j’avaisacquis des responsabilités plus vite qu’unjunior en Chine, ils me répondaient qu’icile marché n’avait rien à voir et que s’ilsavaient à payer plus, il préféraient em-baucher un senior», explique le jeunehomme. Déçu des postes qu’on lui pro-pose en France, le jeune homme hésited’ailleurs à repartir en Chine.«Pour qu’il y ait des retombées posi-

tives en termes de salaire ou de niveau deposte, il faut trouver une entreprise quimette en valeur la compétence apprise àl’étranger», souligne Rosa Rossignol, fon-datrice du cabinet de conseil Carnetd’adresses RH. Pour elle, la condition estde «chercher une société où existent despasserelles avec ce qu’on a fait à l’interna-tional. Par exemple un marché développédans le pays où l’on a vécu son expé-rience». Dès lors, le fait de connaître lesmanières de travailler, d’entrer encontact, de négocier ou de parler cou-ramment la langue est une plus-valuequi pourra se traduire dans le salaire et le

niveau de responsabilités accordé. Biensûr, plus la compétence est rare, plusl’atout sera valorisé, à condition de sa-voir négocier.Une spécialité géographique qui pour-

ra perdurer au cours de la carrière et qu’ilfaut donc avoir à l’esprit. «En rentrant enFrance, je garderai probablement l’éti-quette “Afrique” durant une bonne partiede mon parcours professionnel, mais çane posera pas de problème», expliqueChristina, qui pense avoir fait un bonpari en choisissant une zone en devenir.

L’expérience sera aussi plus ou moinsvalorisée selon le type d’entreprise inté-grée à l’étranger. «Avoir travaillé dans ungroupe du CAC 40 est forcément un avan-tage et agit comme une accélérateur decarrière au retour en France ou en cas dechangement de pays. En revanche, si l’ex-périence s’est déroulée dans une toute pe-tite entreprise à l’autre bout du monde,cela n’aura pas d’impact. Sauf, à la limite,si l’entreprise fait une partie de son chiffred’affaires dans l’Hexagone et y est doncconnue», détaille Rosa Rossignol.Et chez ceux qui ont fait durer l’expé-

rience, la particularité peut perdre de lavaleur au fil des années. «Après cinq ousix ans d’expérience professionnelle, nouscherchons avant tout de l’expertise. Doncle fait que cette dernière ait été dévelop-pée à l’étranger ou en France n’est pas unfacteur déclenchant pour le recrutementet ne donne pas automatiquement uneposition plus avantageuse», souligneJean-Marc Mickeler.Et si l’on ne revient pas? «Attention au

syndrome de l’expatrié pour ceux qui tra-vaillent dans une entreprise française ins-tallée à l’étranger, prévient M. Mickeler.Le risque est d’évoluer géographiquementavant d’évoluer fonctionnellement si l’ons’éloigne du centre de décision.» A cha-cun, donc, de trouver les autres bonnesraisons pour aller tenter sa chance horsde nos frontières. Une chose est sûrepour ceux qui envisagent l’expériencecomme une parenthèse, pour avoir unimpact positif sur la carrière profession-nelle, le retour se prépare autant, voireplus, que le départ.

Léonor Lumineau

«Pour qu’il y ait desretombées Positives enfrance, il faut trouverune entrePrise quimetteen valeur la comPétenceaPPrise à l’étranger»

rosa rossignoL, cabinet Carnet d’adresses RH

«Je Pensais quemonexPérience acquise horsde franceme Permettrait

de Prendre quelques annéesd’avance. en fait,

Pas du tout»aLexandre Van eeckhout, diplômé enmarketing à l’université Paris-Dauphine

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42 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

E st-ce le goût de l’aventure ouplus prosaïquement la mau-vaise situation du marché del’emploi? Toujours est-il queles jeunes diplômés sont nom-

breux à partir. Sur les 1,6 million de Fran-çais présents à l’étranger, un sur dix aentre 18 et 25 ans. L’expatriation est unphénomène en hausse constante. Sur lesdix dernières années, la population desFrançais de l’étranger a augmenté de50%. Et la tendance ne faiblit pas. SelonLe Baromètre de l’humeur des jeunes di-plômés publié en février, une étude me-née par Deloitte et l’Ifop, 27% des jeunesdiplômés en recherche d’emploi situentleur avenir professionnel à l’étranger.

Face à ce mouvement, de nombreuxentrepreneurs se sont décidés à lancerdes services à destination des candidats àl’expatriation. Bien sûr, il existe déjà desstructures publiques qui orientent et in-forment les futurs expatriés. C’est le casentre autres de la Maison des Français del’étranger. «Mais il y a également Pôle em-ploi international ou les chambres decommerce et d’industrie à l’étranger,ajoute Renaud Alquier, directeur de

l’agence marketing LaNouvelle-R qui gèreégalement le site France-expatries.com.La Chambre de commerce et d’industriefranco-australienne, par exemple, fait ungros travail pour lister les entreprises fran-çaises installées en Australie ou y exerçantune activité – ce qui est très utile pour en-voyer des candidatures.» C’est le genred’informations que ce chef d’entreprisecompile dans des brochures pays acces-sibles gratuitement sur le site.

De l’altruisme? Pas complètement,puisque le trafic du siteWeb estmonétiséauprès d’annonceurs promouvant desoffres de location de voitures à l’interna-tional ou des cours de langue. Et surtout,parmi les visiteurs du site, certains re-viendront peut-être un jour profiter desprestations de France-expatriés desti-nées aux cadres en mobilité. «Pourquelques centaines d’euros, nous leur pro-posons d’analyser leur contrat de travailet de faire le tour des questions fiscales,

juridiques et de santé qui peuvent se po-ser dans leur pays de destination», ex-plique Renaud Alquier. Cemodèle de gra-tuité des informations et de servicespayants est assez courant.

Dans le paysage foisonnant des sitesd’aide à l’expatriation, deux acteurs tirentparticulièrement leur épingle du jeu. Lepremier, lepetitjournal.com, est un sited’informations en français qui compte42 déclinaisons locales dans le monde en-tier. En plus d’un suivi de l’actualité, d’un

agenda culturel local et de bons plans, lesite propose des articles plus générauxcomme un guide des quartiers où se logerà Berlin, des conseils pratiques sur les en-tretiens d’embauche en Espagne ou en-core un panorama des différents visaspour le Brésil.

La réunion des blogsL’autre site très consulté par les candi-

dats au départ est davantage une plate-forme d’échanges entre anciens et futursexpatriés. Expat-blog.com est né en 2005de la volonté d’un ancien expatrié, JulienFaliu, de réunir en un même endroit desblogs d’expatriés des quatre coins dumonde. Huit ans plus tard, le site emploie17 personnes, compte 850000 membreset recense 12000 blogs. Aux témoignagessont venus au fur et à mesure s’ajouterdes forums thématiques, un espace de pe-tites annonces, ou encore des guides paysdisponibles en cinq langues.«Le site permet aussi à des communau-

tés de se constituer localement. De cettefaçon, les nouveaux expatriés ont déjà unpetit réseau en arrivant. Nous avonsmêmeété à l’origine d’unmariage», sourit le fon-dateur, pour qui il est important que leservice reste gratuit et se finance exclusi-vement par la publicité.

D’autres sites, comme Australiance.fr,qui conseille plus spécifiquement les fu-turs expatriés en Australie, mettent gra-tuitement à disposition les informationsgénérales, tout en commercialisant sespropres services de coaching ou les ser-vices d’entreprises partenaires, qu’ils’agisse de démarches fiscales et adminis-tratives, d’aide à la recherche de logementou de cours d’anglais.

SébaStien Dumoulin

Gratuité des informations– financées par la publicité –et services payants, unmodèle

de plus en plus répandu

Alors que denombreux jeunesveulent tenter leurchance à l’étranger,de plus en plusde sites leur proposentconseils et bonsplans pour préparerleur départ.

Lemarché florissantdu conseil aux expatriés

Page 43: Complet Campus

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Page 44: Complet Campus

44 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

I ls en avaient rêvé, ils l’ont fait. Le23 janvier 2011, Marc Beaumont etCamille Sandoz, alors âgés de 26 et28 ans, abandonnent Paris, leursCDIdans lemarketing et les autres

pesanteurs du quotidien pour enfourcherdeux bicyclettes.Leur programme de voyage est simple:

faire le tour de la Terre. Baptisée La Cara-vane à pédales, leur équipée part vers l’est,traverse la France, puis l’Allemagne, conti-nue vers la Russie, parcourt les steppes ka-zakhes et la Chine pour arriver au Japon,s’envole pour la Californie, pédale jusqu’àla côte Est et revient finalement à Paris enpassant par l’Espagne. 20300kilomètresavalés, des températures comprises entre–15°C et +45°C, 110crevaisons en quelquequatorze mois et pas l’ombre d’un regret.«Les réactions au retour ont été très posi-tives», assure le couple qui, pour éviter derevenir à son point de départ, a déménagéà Bordeaux et retrouvé du travail aprèsrespectivement six semaines et six moisde recherche.Cela paraît trop facile? Que l’on ne s’y

trompe pas. Comme tous ceux qui déci-dent de s’accorder quelques mois pour le-

ver l’ancre, les aventuriers se sont d’abordheurtés à la difficulté de convaincre leurentourage, aux réactions contrastées. « Lesparents ont été les plus réticents… au début,se souvient Marc Beaumont. Pourquoiquitter son travail? Quel était le projet àlong terme? Quels étaient les dangers? »Contrairement aux pays de l’Europe du

Nord comme le Danemark, où l’année debreak après le lycée est bien établie, lesjeunes Français sont très peu nombreux àdécaler leur entrée dans l’enseignementsupérieur. «Mes professeurs de lycée onttous essayé de me décourager, raconte

Charlotte, qui est partie un an après sonbaccalauréat, avant de revenir passer lesconcours de Science-Po Lille. J’ai passé sixmois à travailler dans un hôtel en Angle-terre et enchaîné avec six mois de servicevolontaire européen en Allemagne dansune association», raconte-t-elle. Dans lecadre de ce programme, les jeunes Euro-péens de 18 à 30 ans peuvent travailler bé-névolement – le transport, le gîte et le cou-vert sont assurés – dans un autre pays del’Union. «En terminale, à 17 ans, monterun tel projet, aller voir les différentes asso-ciations, ça responsabilise beaucoup. On a

En France, l’idée de prendre un congé sabbatiquepourmener à bien un projet apparaît souvent risquéeou farfelue. Pourtant, un congé bien préparé et uneexpérience adroitement valorisée séduisent des DRH,surtout avec un diplôme de grande école en poche.

Un tour dumonde sinon rien!sébastie

ntouache

Page 45: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 45

TouT salarié peut

demander un congé

sabbatique à son

employeur, à

condition d’avoir

cumulé six ans

d’expérience

professionnelle,

dont aumoins trois

dans l’entreprise

en question – pas

nécessairement

consécutifs, et de ne

pas avoir bénéficié au

cours des six

dernières années

d’un autre congé

sabbatique, d’un

congé individuel

de formation (CIF)

de sixmois ou plus

ou d’un congé de

création d’entreprise.

Ces conditions

réunies, le salarié

doit simplement

notifier sa demande

à son employeur par

lettre recommandée

aumoins trois mois à

l’avance, en précisant

la date de départ et

la durée du congé.

Il n’est pas tenu

de préciser ses

motivations.

L’employeur a ensuite

trente jours pour

donner sa réponse

– accord, report

ou refus. Un refus,

lorsque les trois

conditions préalables

sont respectées, n’est

possible que dans les

entreprises demoins

de 200 salariés, si

l’employeur estime,

après avis du comité

d’entreprise ou

des délégués

du personnel,

que le congé portera

préjudice à

la bonnemarche

de l’entreprise. Cette

décision peut être

contestée devant les

prud’hommes dans

les quinze jours

suivant réception

de la lettre de

l’employeur. Plus

souvent, il demande

à décaler le départ.

La durée du congé

sabbatique peut

varier entre six et

onzemois, durant

lesquels le contrat de

travail sera suspendu.

Cela signifie

notamment que

le salarié n’est plus

rémunéré. Il lui est

possible en revanche

d’utiliser les droits

acquis sur son

compte épargne

temps (CET) pour

financer son congé.

Pendant les six ans

précédant celui-ci,

il peut reporter sa

cinquième semaine

de congés payés

annuels et toucher

la somme

correspondante

aumoment

de son départ.

Travailler est aussi

autorisé pendant

un congé sabbatique

– dans une autre

entreprise ou pour

monter sa propre

activité –, à condition

de ne pas se trouver

en concurrence avec

son entreprise.

A la fin du congé,

le salarié retrouve

sa place dans

l’entreprise, au

même poste ou

à un poste équivalent

et avec une

rémunération au

moins égale à celle

qu’il avait en partant.S. Du.

Un droit inscrit dansle code du travail

«L’essentieL, c’est d’avoir denoUveaUx projets. MêMe si L’on

retoUrne dans son entreprise, Lesgens ne noUs ont pas attendUs»

Jean-BaptiSte LaLot, ingénieur

le nez dans la vraie vie, assure Charlotte.Tout le monde a peur que l’on ne reprennepas les études après cette expérience, maisje dirais que c’est plutôt l’inverse. Non seu-lement c’est beaucoup plus intelligentqu’une première année de fac ratée, maiscela motive pour suivre des études.»Pour les candidats au congé sabbatique

déjà insérés dans la vie professionnelle, lapression ne se relâche pas. N’est-ce pasune folie d’abandonner son travail dans lacrise actuelle? Pourtant, un projet debreak bien valorisé peut susciter la com-préhension et l’intérêt du monde profes-sionnel. «Je sens que cela séduit. Parfois çaimpressionne», raconte Gregory Zigrand,lui-même rentré d’un périple à vélo d’unan autour du monde avec un ami il y atout juste deux ans: «Cela nécessite unecertaine force mentale, plus que physique.Et une bonne capacité d’adaptation», au-tant de qualités susceptibles d’intéresserun recruteur.Organiser un tel périple requiert aussi

des capacités d’organisation. Rien quel’itinéraire doit êtremûrement réfléchi enfonction des saisons, de la situation poli-tique des pays traversés et des contraintesde temps. La préparation comprend aussiun volet financier conséquent. Mêmepour les plus économes, partir un an né-cessite quelques milliers d’euros de tréso-

rerie. Enfin, certaines compétences decommunication peuvent souvent être dé-veloppées et mises en avant: conceptiond’un site Web, relation avec les médias lo-caux, réalisation de contenus et constitu-tion d’une communauté. Florent et Ju-liette, 37 et 30 ans, qui partiront ennovembre pour un an et ont baptisé leurprojet «OTDM, Projets créatifs autour dumonde», prévoient ainsi de réaliser unlivre, une exposition et des conférences àleur retour. Ils ont déjà créé leur site et lescomptes Facebook, Twitter et Instagrampour suivre leur aventure.

«Un voyage peut être valorisé, renchéritJean-Baptiste Lalot, qui a aussi sillonné leglobe à deux pendant un an. Dans une en-treprise où il faut parler anglais, qui se dé-veloppe dans des pays culturellement très

différents, cette année d’expérience pen-dant laquelle on se sera adapté à toutes lessituations représente un atout, assure cejeune ingénieur, qui a retrouvé du travailen quelques mois à son retour. L’essentiel,c’est d’avoir de nouveaux projets. Même sil’on retourne dans la même entreprise, lesgens ne nous ont pas attendus.»Plus facile à dire avec un diplôme de

grande école en poche qu’avec un simplecertificat de baroudeur. Gregory Zigrand,qui n’était titulaire que d’une licence engestion de l’environnement, n’a pour sapart jamais reçu de réponses aux candida-tures qu’il a déposées à son retour. «Jecomptais mettre le voyage en avant pouravoir un CV plus attrayant, mais ça n’a ja-mais mordu, constate-t-il, un peu amer.Soit il fallait une expérience profession-nelle que je n’avais pas, soit un diplômesupérieur. Alors je me suis décidé à m’ins-crire en master.» Rétrospectivement, iln’est pas certain que le choix de partir enfin de licence, sans avoir lesmoyens finan-ciers d’un salarié ni la possibilité de s’insé-rer facilement sur le marché du travail enrentrant, ait été judicieux. Mais «l’oppor-tunité de partir s’est présentée à ce mo-ment-là», relativise-t-il. Et loin de lui l’idéede regretter son choix, au contraire. Pourtous les voyageurs de retour, le plus com-pliqué est souvent au contraire de ne passuccomber au désir de repartir.

SéBaStien DumouLin

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46 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

J ’hésite… Est-ce que je franchis lepas ou est-ce que je choisis unevoie moins risquée?», se demandeAnne-Catherine. A 26 ans, la jeunefemme a quitté un contrat à durée

indéterminé (CDI) bien payé dans leconseil en management. «Je ne pouvaispas continuer car j’ai besoin de trouver dusens à ce que je fais», se justifie-t-elle. Au-jourd’hui, elle voudrait se reconvertirdans l’illustration et la bande dessinée, sapassion. Mais la démarche est osée et ellehésite entre trouver un emploi proche desa formation initiale en maison d’édition– «plus raisonnable» – et se lancer carré-ment comme dessinatrice.

Parier sur sa passion paraît exaltant.Mais à long terme, tout plaquer peut s’avé-rer risqué car les circonstances peuventobliger à effectuer un retour en arrière. «Amoins d’avoir doublé l’expérience d’uneaventure entrepreneuriale, il est compliquéde justifier ce qui peut apparaître commeune rupture dans le CV», estime Jean-MarcMickeler, associé directeur des ressourceshumaines du cabinet Deloitte. Et lorsqu’onest jeune, comment expliquer l’abandond’une place obtenue après de longues an-nées d’études? Du coup, l’idée reste sou-vent à l’état de fantasme.

Pour ceux qui envisagent de sauter lepas, il existe quelques bonnes vérités àconnaître pour que le pari vaille le coup.D’abord, «les projets qui échouent sontsouvent ceux qui n’ont pas été assez prépa-

rés. Vouloir vivre de sa passion n’est pas ir-raisonnable, mais il faut prendre le tempsde mûrir le projet, de l’écrire étape parétape, si besoin de se former et d’en parlerautour de soi», explique Claire Lelièvre,directrice adjointe de Village magazine,une publication destinée aux urbains dé-sireux de s’inventer une nouvelle vie à lacampagne. Pour elle, l’idéal est de prendreau moins un an et demi de réflexion.

Un cheminement facilité par certainsoutils. «Il existe des formules qui permet-tent de commencer en douceur tout engardant son ancien emploi à côté, commenégocier un temps partiel, faire un stage

de découverte du métier, demander uncongé pour création d’entreprise ou uncongé individuel de formation (CIF) pou-vant aller jusqu’à un an ou 1200 heures»,détaille-t-elle. Une fois que vous êtes lan-cé, les coopératives d’activité et d’emploipermettent de se tester tout en bénéfi-ciant d’un statut salarié.

Un temps de réflexion qui doit aussiservir à créer des liens. «Le secret d’unereconversion réussie réside souvent dansla capacité à transposer les compétencesacquises auparavant», ajoute Claire Le-lièvre. Christophe Vasseur, ancien com-mercial reconverti en boulanger avecsuccès – Meilleur boulanger de Paris2008 – après quatre ans d’expérienceprofessionnelle, confirme: «Mon avan-tage par rapport aux autres a été d’avoir

«il faut prendre le temps demûrirle projet, de l’écrire étape par étape,

si besoin se former, et en parlerautour de soi»

Claire lelièvre, deVillageMagazine,unmagazinedestiné aux «rurbains»

Lâcher son travail pour se lancerdans ce que l’on aime le plus… Un rêve,dont le chemin est parfois seméd’embûches et les résultats pas toujoursà la hauteur des espérances. Encore que…

Je plaque tout pour fairedema passionmonmétier

Page 47: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 47

En 1999, Christophe Vasseur estpassé des accessoires de mode

aux petits pains. Sans aucun

regret, bien au contraire. A

l’époque, il est jeune commercial.

Fils de médecin, passé par une

classe préparatoire, puis par une

école de commerce, rien ne

laissait supposer qu’il opérerait

une reconversion aussi brutale.

Bon poste, bon salaire, stabilité, il

a pourtant tout envoyé promener.

Tout est parti d’une désillusion.

« J’avais 30 ans, et les quatre

années de vie professionnelle que

j’avais derrière moi m’ont suffi

pour comprendre que je n’étais

pas heureux au travail.

Je faisais partie de cette

génération de jeunes, éduqués

pour faire partie d’une élite,

à qui l’on disait qu’ils ne

connaîtraient jamais le chômage,

que l’entreprise c’était le rêve, et

qui, à son entrée dans le monde

du travail, a ressenti beaucoup de

désillusion», se souvient-il.

Sans notion de boulangerie

aucune, mais avec « un rêve de

gamin en tête », il décide donc de

se lancer dans ce métier d’artisan.

Il passe alors un CAP de

boulanger et effectue un stage de

deux mois chez un professionnel.

Puis il ouvre sa boulangerie après

avoir racheté un vieil

établissement en faillite,

à quelques pas du canal

Saint-Martin, dans le

10e arrondissement de Paris.

Les débuts sont difficiles.

La première année, Christophe

Vasseur ne se verse pas de salaire.

La deuxième, ce sera à peine

un smic. « Il faut être conscient

de cet aspect financier quand

on se reconvertit et s’accrocher

pour ne pas jeter l’éponge.

Surtout que je travaillais comme

une bête », souligne-t-il. Sans

parler « du regard négatif de

l’entourage, qui ne comprend pas

toujours ce choix ».

Reconverti oui, mais pas pour

autant amnésique, Christophe

Vasseur utilise ses anciennes

compétences de cadre manageur

pour faire de son projet une

entreprise rentable. Résultat:

les affaires tournent plutôt bien

pour cet artisan aujourd’hui âgé

de 48 ans, qui avoue gagner

plus que dans son ancien métier.

Aujourd’hui, il est même

fournisseur du grand chef

Alain Ducasse.

Une issue à laquelle il n’a jamais

cessé de croire dur comme fer.

« Quand on exerce une activité

qui nous passionne, on donne le

meilleur de soi-même, ça ne peut

que marcher, assure-t-il sans

hésiter. Cela fait aujourd’hui

quatorze ans que j’ai tout plaqué,

raccroché mon costard-cravate,

remisé mes chaussures bien cirées,

et j’y prends toujours autant de

plaisir. Ce choix, je le referais mille

fois ! De toute façon, la seule

manière de savoir si c’était une

bonne idée était d’aller jusqu’au

bout », conclut-il. Un message

que Christophe Vasseur ne cesse

de marteler. En octobre 2011, il

s’est même rendu à l’occasion de

la Semaine du goût à l’université

Panthéon-Assas afin de

convaincre les étudiants qu’un

parcours brillant dans

l’enseignement secondaire ne

devait pas empêcher de

s’intéresser à l’artisanat.L. Lu.

Christophe Vasseur : «Je referaismille fois ce choix»

des connaissances en marketing et de sa-voir gérer une entreprise.»

Pour éviter les déceptions, mieux vauten être conscient, les difficultés sont lé-gion. Bruno Jarry, ancien cadre dans la fi-nance et créateur de l’Epicerie de Bruno,à Paris, en 2006, en sait quelque chose :« Je neme suis pas payé pendant deux anset je ne récupérerai jamais ce que je ga-gnais avant. Il y a de gros moments dedoute. Il faut avoir le courage de faire legros dos et pouvoir s’appuyer sur son en-tourage pour ne pas s’isoler. » Un soutiend’autant plus important que la décisionde changer de vie touche à la définitionqu’on a de soi-même. «Quand on quitteun statut reconnu, certains se mettent àvous regarder de haut. Il faut être capablede se réinventer une identité profession-nelle», ajoute Bruno Jarry. Car se recon-vertir dans un métier passion supposeaussi de supporter de sortir des grilles delecture habituelles. Une capacité quin’est pas donnée à tous et qui peut rendreun projet intenable.

Philippe Curt, aujourd’hui âgé de43 ans, en a fait l’expérience. Une fois sondiplôme de l’Ecole nationale supérieure

des arts et métiers (Ensam) en poche, ilavait tout plaqué pour se consacrer aupiano. «Tous mes amis se casaient dansdes postes prestigieux, mais je voulais meréaliser en tant que concertiste. Finale-ment, j’ai tout arrêté au bout de deux anscar je ne supportais plus de ne pas être“comme les autres”», explique cet associéfondateur du cabinet de conseil en straté-gie Performance Manager Partner (PMP).

Mais si l’on accepte ces inconvénients,assure Christophe Vasseur, «l’expérience

est forcément positive, même si elle sesolde par un échec, car il n’existe rien depire que les regrets de n’avoir pas osé».«De fait, la société accepte mieux ce typede parcours, explique Catherine Negroni,maître de conférences en sociologie àLille-I et auteure de Reconversion profes-sionnelle volontaire. Changer d’emploi,

changer de vie. Un regard sociologiquesur les bifurcations (Armand Colin, 2007).Car la reconversion est au croisement deplusieurs phénomènes que sont le chô-mage structurel, la fin de l’emploi à vie etles fortes attentes créées par l’idée que letravail doit être épanouissant.»

La quête de soi se trouve d’ailleurs aucentre des discours de ceux qui ontfranchi le cap. «Je rêvais d’être infirmière,mais j’ai choisi de faire du droit car c’étaitplus valorisant que cemétier que je croyaismanuel. Mais je découvre aujourd’huiqu’il est aussi très intellectuel», ajoute Na-thalie Eypert, qui a repris des études à30 ans après avoir quitté un CDI de char-gée de mission dans une association.

De son côté, Anne-Catherine a imaginéun plan B qui lui permettra de sauter lepas plus tranquillement: si son projetdans l’illustration ne se concrétise pasdans le délai de quelques mois qu’elles’est fixé pour réussir, elle rechercheraun poste moins éloigné de sa formationinitiale, mais à l’étranger, ou un contratdans un cabinet de conseil spécialisédans l’édition.

Léonor Lumineau

«Quand on Quitte un statutreConnu, Certains semettent

à Vous regarder de haut. il fautêtre Capable de se réinVenterune identité professionnelle»

Bruno Jarry, créateur de l’Epicerie Bruno

dr

Page 48: Complet Campus

48 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

estimé à 1,9 milliard d’euros en France en2012. Il y a quelques années, il s’agissaitmajoritairement de mécénat culturel. Au-jourd’hui, le social et la solidarité ont prisla première place. »

Des salariés mis à dispositionLes modes d’intervention mêmes des

entreprises ont changé. Si le mécénat fi-nancier reste la forme de soutien la pluscourante, deux autres progressent, à sa-voir le mécénat en nature – les dons deproduits ou la mise à disposition demoyens matériels et techniques – et lemécénat de compétences – la mise à dis-position de salariés. Dans le cadre de cedernier, les entreprises acceptent de libé-rer du temps de travail de leurs employésafin qu’ils le consacrent à des projets as-sociatifs et de solidarité déterminés. Ain-si, par exemple, depuis 2006, les salariésde l’opérateur SFR peuvent bénéficier de

Services Commerce, distribution

Industrie,énergie

Agriculture, agroalimentaire

Construction,BTP

De 20 à 99 salariés

De 100 à 199 salariés

200 salariés et plus

Source : Admical-Baromètre de mécénat d’entreprise en France en 2012

Proportion d’entreprisesmécènes selon la taille, en %

Secteur d’activité des entreprisesmécènes, en %

58% 19%

11%

9%3%

18 1826 26 27 27

32

25

43

2008 2010 2012

doss i er | le pari du break professionnel

D ans le sud de l’Inde, un cin-quième de la population ap-partient à la caste la plusbasse, les dalits ou intou-chables, un groupe particu-

lièrement discriminé et touché par lechômage. Rachel Allard, une jeune Fran-çaise, s’est rendue sur place l’an dernierpour donner des cours de bureautique etessayer d’améliorer leur insertion. Lajeune femme n’est pourtant ni profes-seure d’informatique ni professionnellede l’humanitaire, loin de là. Elle est audi-trice junior pour la filiale française dePwC, un des plus gros cabinets d’auditmondiaux. Partie avec une associationappelée Planète urgence, Rachel Allard aeffectué un «congé solidaire», c’est-à-direque son engagement s’est fait sur ses

congés personnels, mais que l’intégralitédes frais de la mission ont été pris encharge par son employeur.«Les pratiques du mécénat d’entreprise

ont changé, explique Sarah Digonnetd’Admical. Cette association, qui compte180 adhérents, promeut depuis trenteans le mécénat d’entreprise, un budget

Congé solidaire, méCénat en nature,méCénat de CompétenCes…les modes d’intervention

prennent des formesde plus en plus diverses

Face à la demande de leurs salariés,surtout les plus jeunes, les DRHdéveloppent des actions sociales quipermettent de répondre aux aspirationsles plus profondes de leur personnel.

La quête de sens au travail,les entreprises s’engagent

Page 49: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 49

six à quinze jours par an pour s’engagerdans une association sur leur temps detravail dans le cadre d’une mission pré-cise, en lien ou non avec leurs compé-tences professionnelles. «C’est une pra-tique qui se développe, assure Jean-MichelPasquier, de Koeo, une plate-forme demise en relation des entreprises et desassociations, qui travaille avec 60 entre-prises et 2000 structures associatives.Cela va d’un responsable d’agence Web,qui consacre quatre heures de son tempsà expliquer aux responsables de l’associa-tion Accueil des villes de France (AVF)comment fonctionnent Facebook et Twee-ter, au DRH d’une filiale d’un grandgroupe, détaché pendant neuf mois au-près d’une association.»

Parmi les raisons qui expliquent le dé-veloppement de ces pratiques, il y a laprise de conscience des entreprises deleur rôle social et l’obligation, règlemen-taire pour les sociétés cotées, éthiquepour les autres, d’avoir une réelle poli-tique de RSE (responsabilité sociale et en-vironnementale). Il y a aussi un volet res-sources humaines. «Les entreprisesrépondent à une demande de sens formu-

lée par les salariés», estime Sarah Digon-net. Développer l’attachement à l’entre-prise est devenu un objectif de premièreimportance pour les ressources hu-maines, qui doivent tenir compte du be-soin d’ethique exprimé en particulier parles jeunes diplômés.

«L’impact du développement d’actionssociales par l’employeur est difficile à me-surer, reconnaît Jean-Michel Pasquier,mais cela peut être tout à fait discrimi-nant.» C’est-à-dire qu’à choisir entre deuxentreprises, le candidat va aujourd’huidonner sa préférence à celle qui lui per-mettra de s’impliquer, de donner du sens,que ce soit sur son temps de travail ou surson temps libre.

La solidarité organiséeJusqu’où cela peut-il aller? «Il arrive que

certaines expertises techniques se transpo-sent bien et puissent donner lieu à des mis-sions courtes avec des organisations nongouvernementales (ONG). Par exemple, dessalariés de Veolia ont récemment accom-pagné une mission comme consultantssur un projet touchant à l’eau et à l’assai-

nissement», explique Marie Perroudon, deBioforce, organisme de formation spécia-lisé dans les métiers de l’humanitaire.Mais en règle générale, les entreprises selimitent soit à des actions sociales locales,comme les systèmes de parrainages d’étu-diants de quartiers défavorisés par des sa-lariés de la Société générale, soit à des mis-sions ponctuelles à l’étranger dans le cadrede congés solidaires.

«Il s’agit de solidarité, ce qui est très dif-férent de l’humanitaire», précise HelenaCardona, de Planète Urgence. Pas ques-tion, par exemple, d’intervenir sur unezone de conflits, ce qui serait compliqué àgérer en termes de responsabilité pour

des entreprises. Aucun besoin d’ailleursd’aller si loin pour donner au salarié lapossibilité de trouver du sens au sein deson entreprise. Une des initiatives les plusremarquables a ainsi été lancée en 2010 etconcerne aujourd’hui une vingtaine d’en-treprises en France et 21000 salariés. Ils’agit de l’arrondi sur salaire, développépar exemple par la société MicroDON, quiconsiste à reverser à une associationquelques centimes à quelques euros préle-vés sur sa feuille de paie et abondés à100% par l’entreprise. Les petits ruisseauxd’argent pour les associations font lesgrandes rivières de sens pour les salariés.

SébaStien Dumoulin

C’est une teChnologie

potentiellement

révolutionnaire. Nom de

code: eGo. Actuellement

développée par le géant

français de la carte à puce

Gemalto, il s’agit d’une puce

électronique qu’il ne sera

plus nécessaire d’insérer dans

un lecteur ou de faire biper,

mais qu’il faudra simplement

placer à proximité de la peau,

dans une poche de chemise

par exemple, pour que le

corps tout entier véhicule

l’information qu’elle contient.

Il sera ainsi possible de

déverrouiller la portière

de sa voiture par exemple

simplement en la touchant

avec la main. Et le plus

étonnant de cette technologie

est que son inventeur n’est

pas une des 1800 blouses

blanches que Gemalto

emploie à travers le monde,

mais un simple salarié de

La Ciotat qui a déposé son

idée sur BIG (pour Business

Innovation Garage), la plate-

forme du groupe sur laquelle

les 11000 salariés peuvent

proposer leurs projets

les plus fous.

Chaque année, sur

300 propositions, l’entreprise

en sélectionne trois ou

quatre. Le salarié à l’origine

de l’idée se voit alors

proposer de travailler six

mois sur son projet pour

prouver sa viabilité, dans

un incubateur interne, une

structure de développement

de start-up comme l’on peut

en trouver ailleurs, mais

spécialement conçue pour les

salariés de l’entreprise.

Inspirés des projets temps

libre très médiatisés des

grandes firmes américaines

comme Google ou Pixar,

les incubateurs internes y

ajoutent une dimension

entrepreneuriale.

Pour Gemalto, l’objectif est

double. Il s’agit, bien sûr,

de donner naissance à des

produits commercialisables

et rentables en stimulant

l’innovation, mais aussi

de donner à ses salariés

l’opportunité d’exprimer leur

créativité et de reconnaître

leur potentiel innovant.

Sur ce point, il reste d’ailleurs

des progrès à faire. Selon la

20e édition de l’Observatoire

du travail réalisé par BVA en

mars 2012, 9% des salariés

français estiment que

l’innovation fait partie de ce

que l’entreprise attend d’eux.

Les incubateurs internes sont

loin de s’être généralisés,

mais on observe un intérêt

croissant. Ainsi, depuis

trois ans, chez le fabricant

toulousain de biscuits

Poult, les idées innovantes

des salariés, cadres et

ouvriers, sont également

accueillies avec une oreille

plus qu’attentive puisqu’ils

peuvent consacrer la moitié

de leur temps de travail à

son développement. Même

principe chez Renault, où le

dispositif d’appel à idées créé

cette année – Renault Creative

People Lab – est accessible

depuis l’intranet du groupe et

que des espaces d’incubation

sont ouverts aux porteurs de

projet. Par ailleurs, d’autres

entreprises permettent à

leurs salariés de ressentir les

frissons de l’entrepreneuriat

en accompagnant des

créateurs de start-up

extérieurs à la société.

Là aussi, l’intérêt est avant

tout de repérer et lancer

des projets rentables, mais

les experts qui coachent les

jeunes pousses sont bien

mis à disposition par leur

entreprise. L’exemple le

plus récent est la mise en

place il y a quelques mois,

par Microsoft, de Spark,

un incubateur parisien

accueillant actuellement

treize start-up qui bénéficient

d’un accompagnement

des équipes Microsoft.S. Du.

Des plates-formes internes visantà stimuler le créateur qui est en vous

Pas question, Par exemPle,D’intervenir sur une zone

De conflit car ce serait troPcomPliqué à gérer en termes

De resPonsabilité

Page 50: Complet Campus

50 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

doss i er | le pari du break professionnel

D es études dans le managementdu secteur associatif, six moisde service civil, et ensuite uncontrat à durée indéterminée(CDI) dans une association...

Malgré son engagement dans le secteur as-sociatif, Vincent Laurent ne voit pas d’unbon œil le service civique.

Dès le lancementde cedispositif en2010,les critiques au sein du syndicat Action dessalariés du secteur associatif (Asso), dont ilest membre, fusent. «On voyait dans le ser-vice civique unemenace: en 2010, le secteurassociatif est en pleine crise, les embauchesse raréfient, les contrats précaires se multi-plient, ainsi que les suppressions de poste»,raconte-t-il. Pour lui, c’est simple: lancer undispositif qui offre aux associations la pos-sibilité de disposer d’une main-d’œuvre àdes prix imbattables en temps de crise estdangereux. «Nous continuons de recevoirdes témoignages de déçus de ce dispositif»:aucun contrôle sur les heures, offres quis’apparententàdesfichesdeposte,manquede mixité sociale…

Moinsvirulentes,lesassociationsreconnais-sent que les risques de glissement vers desformes de stage ou d’emploi déguisé existent.StephenCazade,directeurnationald’Unis-Cité,qui recrutedes jeunesdésireuxdeparticiperàdes missions d’intérêt général, pointe lemanque de culture du service civique enFrance: «Cela demeure méconnu. On a ten-danceàseréféreràcequ’onconnaît, c’est-à-direaubénévolat,austageouàl’emploi.»

Valérie Becquet, maître de conférenceen sociologie à l’université de Cergy-Pon-toise (Val-d’Oise), accuse, elle, le dévelop-pement massif du dispositif qui, dit-elle,«entraînedesdérives.Cerisqueestd’ailleursinscrit dans la loi: le législateur a bien pré-cisé que lesmissions ne devaient pas consti-

tuer un substitut à l’emploi. Il savait quec’était un risque inhérent au dispositif».

En2011,àpeineunanaprèssonlancement,un rapport parlementaire vient conforter cescrainteset conseillede renforcer le contrôleetle suivi de ces missions en invoquant un glis-sement vers de l’emploi déguisé. «Ce rapportn’a donné lieu à aucune application concrète.Au contraire, dénonce Vincent Laurent. De-puis un an et demi, l’autorisation d’avoir re-cours au service civique a été étendue aux col-lectivités territoriales, des organismes quiembauchentgénéralement sous contrat.»

L’Agence du service civique (ASC) se veutrassurante. «Le rapport de 2011 évoquait cettedérive sans donner d’exemples ni de chiffres.Elle est plus l’expression d’une crainte qued’une réalité», estime Patrick Chanson, res-ponsable de la communication de l’ASC. Etl’Agence dispose de moyens pour limiter lesdérives. «Denombreusesmissions s’effectuentdansdegrands réseauxassociatifs qui sontat-tachés aux valeurs du service civique et aux-quels nous faisons confiance», poursuit-il. A

l’issue de leur service civique, les volontairesrépondent à un questionnaire dans lequel laquestion d’un éventuel emploi déguisé leurest posée. «Nous ne voyons pas remonter designauxd’inquiétudeparticuliers», indiqueM.Chanson, qui souligne «un taux de satisfac-tiondes jeunesde90%cetteannée».

Prune en fait partie. Après cinq annéesd’études sanctionnéesparunmaster en com-munication, elle s’engage auprès de l’Associa-tion de la fondation étudiante pour la ville(Afev).«Je bossais sur les partenariats culturels

«Le LégisLateur a bien précisé que Lesmissions ne devaient pas constituer

un substitut à L’empLoi»Valérie Becquet, sociologue

Conçu en 2010 pour aider ceux quidécrochent à s’intégrer dans la vie active,le dispositif de volontariat citoyendérive, selon les professionnels du secteurassociatif, vers l’emploi déguisé.

Le service civique détournéde ses objectifs

sébastie

ntouache

Page 51: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 51

et je devais négocier des tarifs avantageuxpour les enfants. Lors du recrutement, ils ontétésélectifsdans lechoixde lapersonnequide-vait occuper ce poste. C’est commepour le tra-vail de chargé de communication, ils ont be-soin de gens qualifiés. Ce sont clairement desfonctions qui devraient être occupées par dessalariés,mais çanemechoquepas. Est-cehon-nêted’embaucherquelqu’uncommemoi?»,sedemande Prune. En tout cas, la jeune fille y atrouvé son compte: «J’ai travaillé neuf moissur une mission dont j’avais la responsabilité.C’est valorisant dans un CV. Et vu le contexteéconomique difficile, c’est aussi une façon des’occuperetde connaître le secteurassociatif.»

Pour les plus diplômés, le service civiquereprésente un plus en matière d’insertion

professionnelle. Ce n’est pas forcément lecas pour les moins qualifiés. C’est ce qu’es-time Maud Simonet, auteure du Travailbénévole. Engagement citoyen ou travailgratuit? (La Dispute, 2010). «Le risque, c’estque le service civique, loin d’effacer les diffé-rences sociales, ne vienne les renforcer. Laprésence de différentes populations sous unmême statut ne signifiepasnécessairementqu’elles en tirent une expérience communeet un apport semblable», explique-t-elle.

Certaines associations réfléchissent à lameilleure façon d’éviter ces dérives. Unis-Cité est ainsi engagée dans la formationdes tuteurs qui vont ensuite accompagnerces jeunes. Mais il faut aussi «être clair surles offres de recrutement qui ne doivent

pas exiger de qualifications ou de forma-tions particulières», estime Stéphane Ca-zade. Le directeur d’Unis-Cité préconiseaussi des missions en binôme «afin degarantir la mixité sociale et de rendre plusaccessibles certaines missions à des jeunesmoins autonomes». Retranscrire les Mé-moires de personnes âgées, par exemple,implique des capacités rédactionnellesque n’aura pas forcément un jeune enéchec scolaire. A moins qu’il ne soit en bi-nôme avec un jeune plus à l’aise avecl’écriture.

Surtout, il ne faut pas hésiter à arrêter sile service civique se passe mal. C’est ce queconseille Valérie Becquet: «Si on voit que cequi est indiqué sur la fiche de poste ne cor-respond pas à la réalité, s’il n’existe aucuntutorat, un volontaire est en droit de casserson contrat. Il vaut mieux abandonner sonservice civique plutôt que de vivre une espé-rience négative», conclut-elle.

MargheritaNasi

Après trois Ans de droit,

Valentine arrête ses études

en cours de route. Ne

souhaitant pas rester

inactive, elle décide

d’effectuer son service

civique dans un foyer

de vie pour personnes

handicapées. Sur le contrat,

il s’agit de 45 heures par

semaine, 48 heures

maximum. Mais la jeune

fille découvre une tout

autre réalité. «Je travaillais

de 7h30 à 22 heures tous les

jours, avec un seul jour de

repos hebdomadaire, et

deux heures de repos par

jour, raconte Valentine. On

nous faisait avaler nos

84 heures par semaine en

nous disant qu’en tant que

volontaires, nous étions

soumis au forfait jour et

non à un volume horaire,

que travailler avec des

personnes handicapées, ce

n’était pas juste un job.»

Mais pour Valentine, il

s’agit bien d’un emploi, et

d’un emploi déguisé. «Ce

travail requiert des

spécialistes. Lever, faire

manger, entretenir la

maison, laver et coucher des

personnes handicapées ne

sont pas des gestes anodins»,

observe la jeune fille.

Sur une équipe de quatre

ou cinq, presque tous sont

des volontaires en service

civique. «Financièrement,

c’est très avantageux pour

l’association: on ne leur

coûte pas un rond.» Dans

ces conditions, beaucoup

partent. Valentine, elle,

reste. «J’en avais besoin

pour vivre, et je savais que

mon directeur envisageait

de m’embaucher.» La jeune

fille hésite pourtant à

déclencher un contrôle de

l’Agence du service civique.

Puis elle finit par signer un

contrat d’avenir dans la

même association. «Ça fait

un mois, et je n’en peux

déjà plus.» Les conditions

de travail sont identiques.

«L’association continue de

reposer sur les volontaires

du service civique.

Sans eux, elle ne pourrait

pas tourner.»

M. Na.

«Onne leur coûtepasunrond»

Page 52: Complet Campus

52 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

J

Dans un marché du travail déprimé,la technique du parrainage à traversles réseaux sociaux est appelée à sedévelopper, malgré une certaine apathiedes entreprises dans ce domaine.

amais les jeunes diplômésn’ont eu à leur disposition au-tant d’outils de recherche d’em-ploi et rarement il leur a étéaussi difficile de décrocher leurpremier job. La faute à un mar-ché du travail qui reste morose.Parmi ces moyens, la coopta-

tion prendrait-elle de l’ampleur,grâce au développement des ré-seaux sociaux, sur lesquels la gé-nération des moins de 30 anspartage abondamment informa-tions et contenus? Rien n’estmoins sûr. Publiée en octobre, ladernière enquête de l’Associa-tion pour l’emploi des cadres(Apec) sur l’insertion profession-nelle de la promotion 2012 nemontre guère d’évolution.Le recours au réseau person-

nel (relations, cooptation horsInternet) a permis à 18% desjeunes diplômés d’obtenir leuremploi actuel, tandis que les ré-seaux sociaux et professionnels

nage serait ainsi dépoussiérée parle Web, voire débarrassée de sestravers – consanguinité, népo-tisme –: «En élargissant le champdes possibles, le réseau social luidonne un côté plus universel etplus neutre», estime Olivier Fé-cherolle, directeur de la stratégiesur Viadeo.La rencontre et l’entraide entre

jeunes, tel est le principe au cœurdeWizbii, un réseau social profes-sionnel consacré aux étudiants etdiplômés, en ligne depuis sep-tembre 2011. Avec l’idée derépondre à leurs besoins spéci-fiques: «Si on cherche un premieremploi chez Schneider parexemple, la fonction Carrière pro-pose des annonces mais aussi descontacts avec des jeunes, anciensde l’école qui y ont fait un stage ouy sont employés, qui peuvent aiderà s’introduire dans cette entre-prise, indique Benjamin Ducous-so, son président. Le but est de lesguider dans la construction de leurréseau en rassemblant une com-munauté qui partage les mêmespréoccupations et avec laquelle illeur est plus facile d’échanger.»Ducôtédes entreprises, la coop-

tation grâce aux réseaux sociauxdes collaborateurs n’est pas forcé-ment très organisée. La Sociétégénérale n’a pas déployé de pro-

sur le Web y ont contribué à hau-teur de 1%. Soit les mêmeschiffres qu’en… 2008.Pourtant, sur la Toile, les choses

bougent. Lancé il y a deux ans,MyJobCompany parie sur le re-crutement participatif. Avec d’uncôté 600 entreprises clientes etde l’autre 45000 «coopteurs»,qui peuvent toucher des primesentre 250 et 1000 euros, selon leprofil recherché. Or deux sites dece type, créés au milieu des an-nées 2000, ont connu l’échec:«Un des problèmes des recruteurs

est d’accéder à différentes com-munautés, explique Grégory Her-bé, le fondateur. Les personnesqui cooptent leur permettent de lefaire. Il y a six ans, Facebook ve-nait d’arriver en France, les ré-seaux sociaux professionnels enétaient à leur début. Aujourd’huiqu’ils rassemblent des millionsd’utilisateurs, la cooptation peutopérer d’une façon beaucoup plusrapide et efficace.» La vieille tech-nique de recrutement par parrai-

La croissance poussivede la cooptation par Internet

avec 600 clientset environ

45000 coopteurs,myjobcompany.comparie sur la toile

recrutement

Page 53: Complet Campus

mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 53

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Jeunesdiplômés

en emploi**

24

37

21

1

7

10

Offresd’emploi

Réseaux

Concours

A la suited’un stage

Autres

Sur Internet

Affichées dansun organismepour l’emploi

Transmises parl’établissementde formation

Hors Internet

Sur Internet Candidatures spontanéessur Internet

Dépôts de CV sur Internet

Salon, forum de recrutement

Relations, réseaux,cooptation

A la suited’un stage

Autres*

Concoursen %

en %

Source : Apec*Cabinets de recrutement ou d’intérim, création d’entreprise, autres

*Plusieurs réponses possibles : les moyens utilisés dans la recherche d’emploi

**Une seule réponse possible : le moyen ayant permis l’accès à l’emploi

Moyens ayant permis aux jeunes diplômés d’obtenirleur premier emploi

Moyen de recherche et d’accès à l’emploi des jeunes diplômés

9

18

8

2

19

1 7

7

1

28

24

20

20

7

1

faveur de ces derniers, hormispour les compétences rares.Selon Thibaut Gemignani, di-

recteur général de Cadremploi, laforce des réseaux sociaux est in-contestable: «Ils organisent et vir-tualisent les informations qui setransmettaient auparavant orale-ment, rendant plus puissant le ré-seau traditionnel. Toutefois, pour

les étudiants fraîchement diplô-més, l’effet cooptation peut s’avé-rer limité par défaut d’environne-ment professionnel. Le risque, c’estqu’ils en attendent trop et s’enfer-ment dans une démarche pas-sive.»Unpoint de vue partagé parHymane Ben Aoun, membre duconseil d’administration du Syn-tec conseil en recrutement qui or-ganise le 14 novembre une opéra-

gramme formalisé: «Il n’est pasdemandé aux opérationnels d’êtreou de se substituer à des recru-teurs, relate Franck La Pinta, res-ponsable marketing Web.Mais uncertain nombre d’entre eux contri-buent à des groupes de discussionsur les médias sociaux, commed’autres participent à nos ren-contres avec les écoles, jouant unrôle d’ambassadeur de notremarque employeur, qui complètela communication des ressourceshumaines.»

Une pratique spontanéeChez Spartoo, spécialiste de la

vente de chaussures sur Internet,qui prévoit d’embaucher unequarantaine de personnes en2014, on laisse faire la spontanéi-té: «Nos offres d’emploi peuventêtre diffusées par les collabora-teurs sur les réseaux où ils sontprésents, mais cela se fait naturel-lement, sans incitation particu-lière de notre part, assureMarielleLapeyre, chargée de recrutement.Cela tient à la culture Web des sa-

lariés de Spartoo qui sont jeunes,notre cœur de cible étant les diplô-més entre 20 et 30 ans, ayant unprofil international.»Les réseaux sociaux demeu-

rent encore un canal de sourcing(recherche de candidat) limité.Les entreprises les utilisent sur-tout comme un moyen de com-munication décalé, notammentavec les jeunes diplômés. A l’ins-tar de L’Oréal Opérations, quicherche des profils techniquespour ses sites de production: «Acause de la concurrence de sec-teurs industriels prestigieuxcomme l’aérospatiale, nous de-vons combler la méconnaissancede nos métiers auprès des ingé-nieurs, afin d’attirer les meilleurstalents», souligne Grégory Ga-nier, responsable du recrute-ment. Si le marketing viral(bouche-à-oreille propre aux ré-seaux sociaux) joue son rôle, lacooptation reste sur un sillonétroit. D’autant que le rapport deforce entre recruteurs et jeunesdiplômés ne balancent guère en

tion «Coup de pouce» pour lesjeunes diplômés en recherched’emploi. Il redoute qu’avec «cesoutils gratuits et faciles d’accès,qui correspondent à leurs pra-tiques collaboratives», certainspensent qu’une partie du cheminest fait et n’investiguent pas àfond lemarché du travail.Mais les réseaux sociaux pro-

fessionnels demandent tout au-tant d’être proactifs pour être «vi-sibles», comme l’assure LaurenceBret, directrice marketing Emeade LinkedIn : « Faire remonter sonprofil dans le fil d’actualité néces-site de partager des articles et departiciper à des groupes de discus-sions techniques.» Or bien sou-vent, ces derniers estiment avoirpeu à dire, vu leur manque depratiqueprofessionnelle, constateFranck La Pinta, lorsqu’il se rendsur les campus. «Mais ils peuventapporter au débat une approchedifférente qui n’a rien à voir avecl’expérience mais qui est suscep-tible de révéler des potentialités.»

Nathalie Quéruel

Les entreprisesutiLisent surtoutLes réseaux sociauxcomme unmoyen

de communicationdécaLé

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54 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

C

Une carrière, c’est comme unmarathon.Pour aller au bout sans heurt, il faut savoirménager ses forces. Beaucoup de jeunespousses l’oublient et y laissent leur santé.

ela commencepar des signes d’épuisement phy-sique et émotionnel : on dortmal, on n’a plus d’énergie, onperd l’appétit. Parfois, on subitmême des pertes de mémoire etde concentration, explique leDr Christophe Bagot, psychiatrespécialisé dans le stress profes-sionnel. Puis vient une phase dedéshumanisation qui se traduitpar un désintérêt soudain pourles autres, une froideur, voire uncertain cynisme. Le risque alors,c’est de se culpabiliser, de se dé-précier, et de souffrir d’un pro-fond sentiment d’échec.»Ce mal, qui touche, selon les

études, entre 5% et 20% de la po-pulation au travail, n’a rien à voiravec la dépression. Il s’agit duburn-out. Un terme emprunté àl’industrie spatiale où il désignela désintégration par surchauffed’un engin à court de carburant.Décrit pour la première fois, en1974, par le psychanalyste améri-cain Herbert J. Freudenberger, le

sur place nous obligeait à quitterl’aéroport en convoi, escortés pardes hommes en armes. Une foisarrivés au camp de vie, nous nepouvions plus sortir. C’était d’au-tant plus éprouvant qu’il fallait,en même temps, gérer les habi-tudes de travail africaines: là-bas,tout prend du temps, rien nemarche comme on voudrait. Maisje voulais tellement montrer àmon chef que je pouvais y arriverque j’ai continué.» Sauf qu’à forcede tirer sur la corde, Benjamin afini par craquer. Il a perdu 6 kilos,s’est détourné progressivementde tous ses amis. «J’avais uneboule au ventre qui me rongeaitde l’intérieur, je n’arrivais mêmeplus à sortir acheter du pain à laboulangerie. Ma copine n’en pou-vait plus. Au bout de quelquesmois, elle m’a quitté… Et moi, jeme suis acharné», soupire-t-il. Unmois, deuxmois, sixmois jusqu’àvraiment toucher le fond, à Noël2009. Il lui faudra plus d’un anensuite pour remonter la pente.Des histoires comme celles-là,

la psychologue Catherine Vaseyen entend tous les jours dans soncabinet à Lausanne. «On serinetellement aux élèves qu’ils neréussiront que s’ils travaillentbien à l’école, que beaucoup res-tent dans la même logique quand

syndrome d’épuisement profes-sionnel a longtemps été associéaux métiers d’aide et d’écoute:enseignants, travailleurs sociauxet surtout personnels soignants.On sait aujourd’hui qu’il touchetous les secteurs d’activité ettoutes les catégories socio-pro-fessionnelles, de l’ouvrier au chefd’entreprise.Les jeunes diplômés ne sont

pas épargnés. Benjamin, unbrillant ingénieur de 29 ans, enest la preuve. «A l’issue d’un stagede sixmois à Bornéo en Indonésie,Total m’a proposé, en janvier2008, d’intégrer son “graduateprogram”», raconte cet ancienélève de l’Ecole centrale Paris. Leprincipe? Exercer trois postesdifférents dans plusieurs pays

pendant six ans. «Moi qui rêvaisd’aventure, j’ai sauté sur l’occa-sion, reprend-il. Mon premierposte consistait à assurer des mis-sions de trois semaines au Nige-ria. L’insécurité qui régnait alors

Travailler plus pourgagner… un burn-out

«Les victimessont toujoursdes personnesdynamiques,

consciencieuseset pLeines de bonne

voLonté»Cynthia Fleury, psychanalyste

risques psychosociaux

ils arrivent sur le marché du tra-vail», analyse cette experte enburn-out.Julien a payé au prix fort son

comportement «scolaire». Dou-leurs dorsales, pleurs, insomnies,idées noires… cet ingénieur en

mécanique a connu, il y a cinqans, une véritable descente auxenfers. «Après trois ans de bons etloyaux services chez Renault,j’avais de bonnes évaluations,mais j’en attendais toujours plus,explique-t-il. Je pensais que plusje travaillerais, plus j’évolueraisvite.» Résultat : il s’est brûlé lesailes. Avec, à la clé, trois moisd’arrêt maladie, une hospitalisa-tion, puis unmi-temps thérapeu-tique d’unmois et demi.«Le burn-out atteint toujours

des personnes dynamiques,consciencieuses et pleines debonne volonté, constate la psy-chanalyste Cynthia Fleury, pro-fesseur de philosophie à l’Uni-versité américaine de Paris et

surcharge de travaiL,moyens insuffisantspour rempLir Lesobjectifs, manquede reconnaissance…autant de situations

à risques

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 55

mer les temps de pause, regretteMarie Pezé, docteur en psycholo-gie et responsable du réseau deconsultations Souffrance et tra-vail. Ces méthodes de manage-ment permettent certes à laFrance d’afficher une productivitéhoraire parmi les plus élevées despays industrialisés, mais aussi laplus forte consommation de psy-chotropes au monde.»

burn-out, basé à Bruxelles (Bel-gique). Et d’énumérer toute uneliste de situations à risque: la sur-charge de travail, des moyens in-suffisants pour remplir les objec-tifs fixés dans le délai imparti, lemanque de reconnaissance, l’ab-sence de valeurs… «Aujourd’hui,les managers ne pensent plus qu’àmettre les salariés en concurrence,à densifier les tâches et à suppri-

Signe d’un début de prise deconscience, patronat et syndi-cats ont signé, le 19 juin, un ac-cord national interprofessionnelsur la qualité de vie au travail.Mais de là à inscrire le burn-outsur la liste des maladies profes-sionnelles, comme c’est le casdepuis 1970 au Japon, il y a ungouffre.

ElodiE ChErmann

volontaire à la cellule d’urgencemédico-psychologique de Paris.Elles ont tellement à cœur de bienfaire qu’elles ont tendance à toutaccepter sans rechigner.»

La personnalité de l’individun’est cependant jamais seule encause. «Il faut aussi interroger lecontexte de travail», insiste Pa-trick Mesters, directeur de l’Insti-tut européen de recherches sur le

sil

iodurt

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56 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

A

Dans le projet de réforme qui devrait êtreadopté avant 2014, le rachat de trimestresde cotisation pourrait être facilité pourles étudiants, les apprentis et les stagiaires.Mais à un prix qui reste dissuasif.

près laréforme, la perspective d’une re-traite paisible s’autodétruira...pour les jeunes. Selon toute vrai-semblance, la réforme des re-traites examinée par le Sénat le28 octobre sera votée avant Noël.Et selon toute vraisemblanceégalement, les jeunes ne serontpas à la fête.En effet, pour toutes les per-

sonnes nées après 1973, la duréede cotisation sera portée à qua-rante-trois annnées. Les jeunes nesont donc pas prêts de se la coulerdouce, sachant qu’en plus, ilscommencent en moyenne à coti-ser bien plus tard que leurs aînés.Selon le rapport de Mme YannickMoreau, remis en juin au premierministre, et qui a servi de base à laréflexion du gouvernement et despartenaires sociaux, lespersonnesnées en 1978 avaient cotisé à l’âgede 30 ans en moyenne trente etun trimestres, contre quarante-deux au même âge pour la géné-ration née en 1950, soit près detrois ans de différence. «Alors quel’âge moyen d’accès au premieremploi stable est actuellement de27 ans, et que la majorité des

trés chaque année concerne dessalariés de moins de 40 ans. Pourinciter les jeunes à en profiter,l’actuelle réforme prévoit d’ins-taurer une réduction de 1000 eu-ros par trimestre racheté, à condi-tion que le rachat se fasse dans lescinq ans suivant la fin des étudeset dans la limite de quatre tri-mestres au total.

Une année: 4000 eurosCela dit, le rachat restera cher.

Par exemple, un étudiant qui aterminé son master à 23 anspourra profiter de ce tarif préfé-rentiel jusqu’à ses 27 ans. Mêmeen tenant compte des 1000 eu-

ros de rabais, un trimestre luicoûterait alors entre 900 et1615 euros. «Ce dispositif est unefausse bonne idée car il faudraittout de même que les jeunes dé-boursent près de 4000 eurospour racheter une seule année:un montant impossible à réunirpour des moins de 30 ans dont letaux d’épargne est quasi nul!»,dénonce ainsi l’Unef. Sans comp-ter que les incertitudes sur ce que

jeunes n’est aujourd’hui pas enemploi, cet allongement signifieque nous devrons attendre l’âge de67 ans pour bénéficier d’une re-traite à taux plein», s’insurge lesyndicat étudiant Unef, qui dé-nonce une «double peine».Le gouvernement, conscient de

ces difficultés, a imaginé deuxmesures pour les amoindrir. Lapremière concerne la possibilitéde racheter des trimestres au titredes années d’études supérieures,qui existe en réalité depuis la ré-forme des retraites menée parFrançois Fillon en 2003. Les étu-diants peuvent aujourd’hui ra-cheter jusqu’à douze trimestrespassés sur les bancs de la fac, d’unétablissement d’enseignementsupérieur, d’une école techniquesupérieure, d’une grande école ouen classe préparatoire, à condi-tion que ces périodes d’étudesaient débouché sur un diplôme.Le tarif de rachat des trimestresd’études varie en fonction de l’âgeet du niveau de revenus. Parexemple, racheter un trimestreen 2013 coûte entre 1564 et2085 euros à 20 ans, entre 2204et 2938 euros à 30 ans et entre4854 et 6472 euros à 60 ans. Cesmontants élevés expliquent sansdoute que le dispositif demeurejusqu’à présent très peu utilisé,en particulier par les jeunes.

L’âgemoyen aumoment du ra-chat est actuellement de 55 ans etseul 1% des 2500 rachats enregis-

Retraite à taux plein, objectifhors de prix… pour les jeunes

Les personnes nées en1978 avaient cotisé31 trimestres enmoyenne à 30 ans,

contre 42 aumême âgepour La génération

née en 1950

pension

sera devenu le système de re-traites par répartition dans qua-rante ans sont énormes et qu’ilest impossible de garantir quel’opération sera gagnante.La deuxième mesure concerne

plus spécifiquement les appren-tis, soit 400000 jeunes actuelle-ment, qui ne cotisent pas pleine-ment et ne valident donc pasaujourd’hui autant de trimestrespour leur retraite qu’ils ontcumulé de trimestres d’appren-tissage. Ce décalage sera corrigé etles apprentis pourront bénéficierd’autant de trimestres de retraiteque d’apprentissage.Enfin, le gouvernement a ré-

cemment annoncé qu’il amende-rait son textepourmieuxprendreen compte les périodes de stage.Actuellement, seuls les stages ré-munérés plus de 1008 euros parmois – soit 4% des stagiaires –peuvent valider un trimestre,alors que la gratification mini-male est de 436 euros par mois.Selon l’amendement envisagé,chaque trimestre de stage donne-ra droit à un trimestre de cotisa-tion, dans la limite de deux tri-mestres au total. En revanche, lacotisation – 300 euros par tri-mestre – sera à la charge de l’étu-diant. Et, comme pour les tri-mestres d’apprentissage, lamesure ne sera pas rétroactive etne concernera donc pas les stagesdéjà effectués.

SébaStien Dumoulin

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mardi 19 novembre 2013 Le Monde Campus / 57

prospective

De plus en plus de Français cher­chent à donner du sens à leur parcoursprofessionnel. L’Ecole nationale de la sta­tistique et de l’administration écono­mique (Ensae) ouvre cette année une voieoriginale consacrée à la profession de«Data scientist».A qui est destinée cette formation?Arnak Dalalyan Les étudiants attirés parla «Data science» cherchent des métiersqui exigent des compétences techniques etdemandent d’imaginer l’avenir, d’être créa­tifs, de chercher des applications origina­les. C’est à eux de proposer aux entreprisesles tâches qui peuvent leur être utiles, et ilsont de très bonnes idées! Par ailleurs, pourceux intéressés par la recherche acadé­mique, la Data science est un domainescientifique en pleine explosion. La Franceest compétitive sur ces sujets, et de nom­breuses offres de thèses sont disponibles.Romain Aeberhardt A l’inverse des do­maines où les problèmes sont bien bor­dés, un enjeu pour le Data scientist sera deréussir à les définir! Nous sommes trèsconfiants dans le potentiel de ce métier,mais son avenir repose sur ce qu’en ferontles élèves. L’Ensae propose un large éven­tail de cours techniques en informatiqueet en statistique, mais aussi des coursappliqués en économie ou en bio­statisti­que. L’idée, c’est que les étudiants expor­tent ces connaissances diverses dans lesentreprises qui n’ont pas encore cetteculture de « faire parler les données ».Comment définir les termes«Data science» et «Big Data»?AD La Data science est un domaine scien­tifique interdisciplinaire qui regroupe

Arnak Dalalyan estmathématicien et professeurà l’Ensae ParisTech. Spécialistede la statistique en grandedimension, il évoque avecRomain Aeberhardt, directeurdes études de l’Ensae, le futurdumétier de Data Scientist.

ArnakDalalyanetRomainAeberhardtLaData science

regroupedesmétiers pourimaginer l’avenir»

toute la chaîne depuis la production et lestockage des données jusqu’à leur ana­lyse. Il rassemble les acteurs qui récoltentles données, les informaticiens qui gèrentleur stockage, et les statisticiens qui lesanalysent et essaient d’en extraire l’infor­mation utile de la meilleure façon pos­sible. La notion de Big Data regroupe,quant à elle, une grande diversité de tech­niques et de thématiques qui s’imposentquand les méthodes conventionnelles detraitement de l’information ne marchentplus en raison de l’importance du volumedes données.Quels sont les secteurs qui bénéficientde la démocratisation des technologiesissues du Big Data?AD On pense naturellement à des entre­prises comme Google ou Yahoo!, qui dis­posent de grands volumes d’informa­tion, et qui ont mis en place des systèmesde stockage et des algorithmes très spé­cialisés afin de faciliter l’accès aux don­nées et leur analyse. Les entreprises quisollicitent les compétences de DataScientists sont nombreuses dans le sec­teur du e­marketing: l’objectif est de ci­bler des offres promotionnelles et d’iden­tifier des clusters au sein de leur clientèle.Typiquement, ces sociétés bénéficient del’explosion d’informations qu’elles récol­tent à travers le Web.Une part importante des donnéesprovient d’Internet, mais existe-t-ild’autres sources d’information?RA La prise de conscience s’est faite enpremier lieu par les données issues d’In­ternet. Cela ne veut pas dire que ce sontles seules données dont l’exploitation gé­nèrera de la valeur ajoutée ! Les secteursde la banque et de l’assurance sont aussitrès intéressés par cette révolution. Dans

le secteur public, l’Institut national de lastatistique et des études économiques(Insee) utilise de plus en plus de donnéesstockées, là où par le passé il pouvait yavoir des sondages. Par exemple, les in­dices de prix à la consommation étaienthistoriquement réalisés par des enquê­teurs. Il y a, depuis quelques années, unprogramme d’utilisation des données is­sues de la numérisation des passages encaisse des produits.AD Il y a aussi l’exemple de la biologie. Lesdonnées génétiques constituent des basesmassives qui nécessitent des traitementsparticuliers. Ou encore celui des télécom­munications: en avril, SFR a été récom­pensé au Salon du Big Data, à Paris, pourson projet portant sur la création d’unebase de données à partir des communica­tions téléphoniques géolocalisées.Dans quelles directions s’oriententles innovations, et pour quellesapplications?RA Les questions de mise en œuvre in­dustrielle sont désormais essentiellespour innover à partir des résultats scien­tifiques. De nombreuses applications surInternet nécessitent une quasi­instanta­néité et privilégient donc les procéduresqui donnent des résultats dans un tempscourt.AD En effet, jusqu’à récemment, les statis­ticiens travaillaient principalement surcertains aspects théoriques de leurs mo­dèles, indépendamment des possibilitésde mise en œuvre pratique. Aujourd’hui,l’accent est mis sur la vitesse d’exécutiondes modèles, grâce, notamment, aux tech­niques de parallélisation, dont l’objectifest de répartir le travail sur plusieurs ma­chines afin de gagner du temps.

ProPos recueillis Par Nicolas saleille

dr

dr

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58 / Le Monde Campus mardi 19 novembre 2013

A vec un budget serré, un planningminuté, uneminicuisineet un équipement plus que sommaire, cuisiner de bons

petits plats ne relève pas de lamission impossible», expliqueAlix Lefief-Delcourt, rédactrice en chef deAujourd’hui.com.Après une description de la cuisine idéale de 3m2, l’auteurdétaille son «top 12 des ingrédients économiques» avant dedonner ses idées demenus: crumble jambon-brocoli, vacherinexpress, petits suisses aux fruits rouges pour les plus rétifsauxquels on demandera simplement de savoir ouvrir unpetitsuisse, de laver, d’équeuter et de couper des fraises en quatre!

La Cuisine de L’étudiant maLin, d’Alix Lefief-Delcourt, éditionsQuotidienMalin, 208 pages, 6 euros.

Cuisinière émérite, auteur de livres réalisés avec des chefscélèbres, Sylvia Gabet propose un livre de recettes de

cuisine où elle cherche «àmaximiser la promesse de plaisiret àminimiser le temps, le prix, et les difficultés techniquesd’approvisionnement et d’ustensiles».A l’arrivée, cela donneun joli florilège de recettes aux «temps de préparationécourtés» à base d’œufs, «l’ingrédient idéal des fauchés», depâtes, de poisson, des salades ou des «desserts qui tuent»mêlant corn-flakes ou Nutella d’où n’est pas absent l’artd’accommoder les restes. P. J.

FauChé gourmand. spéCiaL étudiant. 80 reCettes, de SylviaGabet, éditions de LaMartinière, 224 pages, 19,90 euros.

L’emploiest-il global?

Les économistesne cessent de montrer

que les délocalisationset la mondialisationdes entreprises n’expliquentqu’une part marginaledes destructions d’emplois»,constate l’auteur, professeurd’économie à l’universitéParis-Dauphine, qui dirigele groupement de rechercheinternational du CNRS-Dreem(Développement desrecherches économiqueseuro-européennes). Force estde constater «le divorce entreles analyses optimistes deséconomistes et la réalitéperçue par les populations»,poursuit-il. L’ouvrages’efforce de présenterles différentes logiquesde la mondialisation, sesmécanismes et son ampleur,ses paradoxes et ses effetssur le commerceinternational, l’emploiet l’innovation. Il analyseles réponses que lespolitiques publiquesapportent et les récentesrelocalisations industrielles.L’auteur conclut surune «hétérogénéité despratiques de délocalisation»,phénomène qui touche aussiles emplois qualifiés derecherche & développementoù domine «une relation decomplémentarité plutôt quede substitution».

P. J.mondiaLisationet déLoCaLisationdes entreprises,de El-MouhoubMouhoud, LaDécouverte (4e édition, 1re éditionen 2005), Coll. Repères n°413,128 pages, 9,50 euros.

Etre jeune en 2014

Un personnage virtuel sur le site Internet Second Life consomme1752 kilowattheures par an, soit dix fois plus qu’un Camerounais,deux fois plus qu’un Algérien et presque autant qu’un Brésilien,

explique Cécile Maisonneuse, directrice du Centre Energie de l’Institutfrançais des relations internationales (Ifri). Cet exemple souligne leparadoxe entre l’investissement de la jeunesse dans les technologies del’information (près de deux tiers des jeunes dorment avec leur portable),leur préoccupation revendiquée des enjeux environnementaux et laréalité de l’impact de l’industrie des TIC sur l’environnement. Peut-onêtre jeune, «vert» et «branché»? C’est une des multiples questionsauxquelles répond le très sérieux panorama détaillé de la jeunesse qu’aréalisé l’Ifri dans son Rapport annuel mondial sur le système économiqueet les stratégies (Ramses 2014) titré Les Jeunes : vers l’explosion?L’ifri y aborde pour chaque continent les questions macroéconomiquesdéterminantes pour la vie des jeunes : l’emploi, la réglementationfinancière, la bulle de l’endettement étudiant aux Etats-Unis, la crise dela zone euro, les promesses de l’Asie du Sud-Est, etc. Ramses 2014 apporteaussi des réponses concrètes sur la course des talents, en analysant quelssont les Etats qui recherchent des jeunes. Enfin, cet ouvrage collectif estune invitation à la réflexion sur des problématiques plus sociétales,voire philosophiques comme « Les modèles d’ascension sociale enAfrique » ou « Y a-t-il davantage de conflits dans un monde jeune? »Un plaisir de lecture.

Anne RodieR

ramsès 2014, rapport annuel de l’Institut français des relations internationales. «Les jeunes : versl’explosion?», sous la direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, édition Dunod,352 pages, 32 euros.

deux livres pour se nourrir «bon et pas cher»

Combattrele stressDans les pays développés, le stress

au travail prend des proportionsépidémiques», constate MichaelChaskalson, chercheur attachéà l’université de Bangor (Pays deGalles), qui assure des programmesde formation à la méditationauprès d’entreprises et d’écolesde commerce. Considérant qu’ilexiste un bon et un mauvais stress,il a développé une méthode deméditation «de pleine conscience»d’inspiration bouddhiste, «uneforme d’attention soutenue dansl’instant présent, à soi-même,aux autres et aumonde qui nousentoure». Les bienfaits de laméthode seraient innombrables:moins de détresse psychologique;individus plus extravertis, acceptantleurs émotions, lâchant leurs«pensées négatives»; capacité àpercevoir le point de vue d’autrui…Une liste miraculeuse qui«représente un solide argument danslemonde du travail», car, rappelleM. Chaskalson, au Royaume-Uni, parexemple, la dépression auraitentraîné en 2007-2008 «la perte de13,5 millions de journées de travail».Le livre propose des exercices surl’attention ou la respiration, quipermettent de favoriser la pleineconscience, afin de «se libérer de latyrannie de l’autocritique»,synonyme de perte de confiance. «Ilexiste une pratiqueméditative trèsefficace qui dure exactement uneminute, explique-t-il, qui peut êtreappliquée presque partout, mêmeaux toilettes si vous n’avez pasd’autres possibilités : au lieud’observer les cycles respiratoires,vous les comptez pour savoir combiende fois vous respirez en uneminute. Enle réalisant plusieurs fois dans lajournée, les choses se passerontmieux.»Au fil des chapitres, l’auteurincite à apprendre à ne pas réagirsans réfléchir, à cultiver l’empathieet la bienveillance envers soi.

PieRRe JullienMéditer au travail pour conciliersérénité et efficacité, deMichaelChaskalson. Les Arènes, 272 pages, 25 euros.

à lire

jEffrEY

LEE

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