Compilation Socialisme & Souveraineté : Chapitre II

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1 Les analyses Les inégalités

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Le premier chapitre de la compilation 2009-2011 de Socialisme & Souveraineté, consacré aux inégalités en France et dans le monde.

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Les analyses

Les inégalités

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Observer la satisfaction des besoins à travers le monde, c’est forcément faire un constat des différences entre états. Mais on ne peut passer à côté de la question des inégalités au sein des nations. Cette préoccupation, comme nous le relèverons, n’est pas un monopole de la gauche ni des socialistes. Notre but ne sera pas, dans ce chapitre, de poser un jugement sur les inégalités, mais de faire un constat sur leur « inéluctabilité » : le développement humain et l’accroissement des capacités de production (en d’autres termes : la croissance économique) sont-ils corrélés à un renforcement des inégalités, qui seraient alors la condition nécessaire du progrès ? Inégalités que nous ne réduirons pas à la question des revenus, comme nous l’avons fait dans le numéro de Décembre 2010 de Socialisme & Souveraineté, ajouté en fin de ce chapitre, en complément d’une étude sur le même sujet. Nous traiterons également les inégalités d’éducation, de santé, d’accès au logement. Des clivages qui restent tous déterminés en premier lieu par celui des revenus.

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Etude - Les inégalités internes à chaque pays

Jusqu’ici, nous avons traité les états comme s’ils étaient des blocs homogènes, sans vraiment aborder la question des disparités internes dans la répartition des revenus, des espérances de vie, en bonne santé ou non, du niveau de consommation énergétique selon la classe sociale… Toutes ces statistiques sont difficiles à définir et à obtenir. Sauf pour ce qui est des écarts de revenus, qui font l’objet de nombreuses recherches statistiques. A gauche, on considèrera que la montée des inégalités dans les économies libérales annulera l’effet de la croissance sur les plus pauvres. Dans l’imaginaire de la gauche française, la croissance enregistrée aux USA depuis la fin des années 70 ou au Royaume-Uni depuis Thatcher n’aurait profité qu’aux classes les plus favorisées. Il est toujours courant d’utiliser le taux de pauvreté, ou le nombre total de « pauvres » pour dénigrer le modèle américain. Mais le taux de pauvreté est lui-même un indice relatif. En France, on est pauvre lorsque l’on dispose de revenus inférieurs à 60% du revenu médian (celui que la moitié de la population n’atteint pas). Aux USA, il y a deux mesures de la pauvreté : une relative (mesurée en une fraction du revenu médian, mais inférieure aux 60% français ou aux 50% de l’OCDE) et une mesure absolue (la pauvreté signifie l’incapacité monétaire à se fournir des biens et services de base). En termes de pauvreté relative, 12% des américains sont actuellement pauvres, si l’on prend la mesure américaine, après être monté à 16% au début des années 80, redescendu à 12% à la fin de cette décennie et revenu à 16% au début des années 1990. En prenant la mesure de l’OCDE, ce taux serait de 16%, et de 24% en prenant la mesure française1. Cependant, ces chiffres, repris comme des vérités accablantes en France, font l’impasse sur le fait que le revenu médian américain est nettement plus élevé qu’en France, et qu’une partie des américains pauvres, si on les classait par rapport au revenu médian français, seraient considérés comme non-pauvres. Les études qualitatives américaines sur la population pauvre révèlent que la moitié d’entre eux sont propriétaires de leur logement, qu’ils disposent de davantage de place que les habitants des métropoles européennes, et que près

1 D’après Michael Foerster/Marco Mira d'Ercole, "Income Distribution and Poverty in OECD Countries in the Second Half of the 1990s", OECD Social, employment and migration working papers No. 22, Paris 2005, page 22, figure 6).

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de 90% d’entre eux n’ont pas de difficultés à se fournir en alimentation. La mesure de la pauvreté aux USA a fait de surcroît l’objet de nombreuses critiques sur le fait qu’elle n’incluait pas ou peu la redistribution étatique – ou du secteur caritatif privé, important aux USA – qui ne s’exprime pas directement en monnaie, tels que les bons alimentaires (dont 28 millions de personnes bénéficièrent en 2009, période record, selon le gouvernement américain, et 40 millions en 2010).

Voyons maintenant où mène la divergence entre mesure de la pauvreté absolue et de la pauvreté relative dans les comparaisons internationales. Selon une étude de l’université de Maastricht de 2007 traitant les données des années quatre-vingt-dix, la mesure de la pauvreté absolue selon les critères d’Orshansky (nom d’un économiste de la Sécurité Sociale américaine dans les années 60) montre, dans les comparaisons internationales, un état tout à fait différent des statistiques et de leur évolution. La mesure d’Orshansky se basait d’abord sur le coût de l’alimentation d’un ménage, selon le nombre de ses membres. Et le seuil de pauvreté pour chaque type de ménage (selon l’effectif et l’âge de ses membres) fut calculé en se servant de la fraction des dépenses alimentaires dans le revenu global qu’un ménage dépensant le minimum nécessaire à son alimentation. Les auteurs de l’étude opposent cette méthode avec la mesure officielle de l’Union Européenne, nommée suite au Conseil Européen de Laeken, mesure qui devait servir à guider la convergence sociale des états membres de l’Union, en reprenant le critère simple d’un seuil de pauvreté égal à 60% du revenu médian.

Contrairement à la mesure relative de la pauvreté, la mesure absolue nécessite, pour les comparaisons entre pays, que les chiffres de chaque pays soient rééstimés en fonction de la parité de pouvoir d’achat entre les monnaies, et en tenant compte du niveau des prix interne à chaque pays. Or, le problème de la parité de pouvoir d’achat, pour que les comparaisons transnationales aient un sens, est qu’il faut que les consommations soient comparables. Or non seulement ce n’est pas le cas entre deux pays, mais aussi à l’intérieur d’une même société, entre les ménages disposant du revenu médian, et ceux qui sont situés au niveau qu’on choisira comme seuil de pauvreté absolue. C’est pour cela qu’en plus de l’actuelle Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) calculée chaque année, la Banque Mondiale travaille sur le développement d’un indicateur permettant de convertir les dépenses au niveau du seuil de pauvreté pour faciliter les comparaisons.

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Les auteurs de l’étude précitée n’ont pas pu bénéficier de ces nouveaux indicateurs, et en servant des PPA, sont parvenus aux estimations présentées dans le tableau de la page suivante.

Certains chiffres apparaîtront très élevés, tels les 32% de pauvres au Portugal en 2000, qui auraient été 38% en 1996 pendant que 29% de leurs voisins espagnols auraient été dans la même situation. C’est au vu de ces chiffres que les auteurs plaident pour une certaine modération dans la lecture de leurs résultats, surtout pour des pays aux standards de vie différents des USA. Mais pour des pays plus proches, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France, la différence est éloquente : la proportion de pauvres devient la moitié ou le tiers dans la version Orshansky de ce qu’elle est dans la version Laeken. Les USA, en tête de classement pour la pauvreté relative, deviennent un pays parmi d’autres pour ce qui est de la pauvreté absolue. Des pays « ultra-sociaux » tels que la Suède se retrouvent quand même avec 5% de leur population en dessous de la satisfaction de besoins basiques, ce qui est moins que dans la plupart des pays européens, mais plus qu’en Belgique ou au Danemark.

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Taux de pauvreté (en % de chaque population) en utilisant les mesures relatives (Laeken) et absolue (Orshansky) sur 16 pays d’Europe, en 1996

et 2000

Mesure de la pauvreté de

Laeken Mesure de la pauvreté selon

Orshansky Pays 1996 2000 1996 2000

Belgique 14,2 13,3 6,1 3,6 Danemark 9,3 10,8 3,2 3,4 Allemagne 12,1 11,1 7 5,1 Grèce 21,5 20,5 28,1 26,1 Espagne 20,3 18,8 29,8 19,1 France 14,9 15,4 8,8 6,5 Irlande 19,1 21,4 20,1 10,6 Italie 19,5 19,3 23 16,7 Luxembourg 11,4 12,5 0,7 0,6 Pays-Bas 10,5 11,3 6,1 6,6 Autriche 13 11,9 5,8 4,8 Portugal 21,6 20,1 38,1 32,2 Finlande 8,3 11,4 4,5 4,9 Suède 8,9 10,4 7,1 5,7 Royaume-Uni 17,8 17,1 11,4 9,3 Etats-Unis 21,7 23,5 8,5 8,7

Source : Geranda Notten et Chris de Neubourg, Université de Maastricht,

2007 La mesure « absolue » de la pauvreté ne doit pas être considérée

comme l’expression de la vérité confrontée au trucage que serait la pauvreté relative : les deux indicateurs ont leur importance. La pauvreté relative met en lumière la capacité d’une société à faire profiter le plus grand nombre de ses membres à la création de « richesses ». A condition que l’on s’entende sur l’acceptabilité des inégalités au sein d’une société, ce qui ne serait sans doute jamais le cas.

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Les positions de droite sur l’inégalité Bien que la question de l’ampleur des inégalités sociales est

politiquement cruciale, même si une partie des libéraux prétendent s’en désintéresser. Il s’agit des libertariens, ceux qui refusent l’existence même de l’Etat, ou les minarchistes, ceux pour qui l’Etat ne peut justifier son existence que par une fonction : assurer le respect des droits naturels de la personne (la propriété, la sûreté contre l’action d’autrui, mais nullement la sûreté sociale et la protection contre les privations matérielles) et des contrats privés. Pour ces partisans, la question des inégalités n’en est pas vraiment une. En effet, dans une économie s’approchant le plus possible du non-interventionnisme étatique idéalisé, chaque individu est censé obtenir des revenus correspondant à ce qu’il est capable de vendre à la société, et le prix de cette vente correspond à la valeur que sa production représente pour au moins un autre individu. Car il n’y a de valeur que subjective et individuelle dans l’échange libéral. Partant sur ce schéma, la situation des inégalités restitue alors l’utilité de chaque individu pour les autres, et il n’y a pas lieu de lui en attribuer plus (et aucune autorité n’en aurait la légitimité).

Mais il ne faut pas généraliser notre propos à l’ensemble des libéraux : en effet, une partie de ceux-ci ont été sensibles à la question du dénuement absolu, au point de soutenir, comme Hayek et Friedman, la création d’un revenu minimal d’existence. Un tel revenu aurait l’avantage de rendre caduque les subventions et allocations publiques et leur complexité. Et de pouvoir se combiner avec un impôt à taux unique, non progressif qui ne découragerait plus l’enrichissement individuel (voire d’un taux dégressif, et d’un impôt égal en valeur pour tous les contribuables, quels qu’ils soient).

Sans aller jusqu’aux positions libertariennes ou au revenu d’existence, les libéraux adoptent en général deux attitudes dans l’évocation des inégalités. La première option sera d’expliquer que la croissance des inégalités est une bonne chose si elle permet l’enrichissement général. Après tout, mieux vaut une société ou les plus pauvres gagnent 10 et les plus riches 100 qu’une société où les plus pauvres ont 5 et les plus riches 20… Et pourtant, feu l’historien de l’économie Jacques Marseille proposait la comparaison à ses étudiants, qui donnaient leur préférence à la société la moins inégalitaire, fut-elle la plus pauvre. Si la croissance des inégalités était un corollaire inévitable de la croissance et du développement humain, alors on pourrait même considérer, comme le font nombre de libéraux, qu’in fine,

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les inégalités sociales profitent aux plus pauvres, tant qu’elles sont le fruit de l’activité d’une société de marché libre.

Mais justement, comme Marseille le défendit dans son ultime livre « L’Argent des Français », la croissance n’a pas réellement pour effet d’accroître les inégalités. Elle a plutôt l’effet exactement inverse. Nous verrons plus tard ce qu’il est des prétentions de Marseille sur l’économie française. Mais voyons le raisonnement général. Pour les libéraux, les inégalités ont les mêmes causes que la pauvreté, soit les multiples entraves que les sociétés archaïques, socialistes ou protectionnistes peuvent lui imposer. Ces contraintes peuvent bloquer tant l’accès à la propriété que le droit de vente, limiter les bénéfices, renchérir le coût du travail, raréfier le capital disponible…et mettre une barrière à l’entrée de nouveaux entrepreneurs dans l’économie…Et donc assurer une rente de situation aux entreprises déjà installées, et plus encore s’il s’agit d’entreprises d’état. Les hauts fonctionnaires, les propriétaires fonciers traditionnels, les maîtres de l’économie mafieuse sont les seuls bénéficiaires de l’activité économique. En instaurant une économie de droits et de libre initiative, on permet non seulement la croissance mais aussi la sortie de la pauvreté pour ceux qui y étaient confinés, et la remise en cause des monopoles. De ce fait, la réduction des inégalités va de pair avec la croissance.

Constats : la croissance, c’est plus ou moins d’inégalités ?

Qu’en disent les statistiques ? D’abord, il faut pouvoir les

rassembler. Pour nombre de pays, surtout les plus pauvres et les plus instables, le recensement des revenus est souvent impossible ou lacunaire. On peut cependant retrouver des indicateurs, mais pas sur les mêmes années, sur des sources telles que celles de la CIA (CIA World Factbook). Pour mesurer les inégalités, on a le choix entre des mesures extrêmes (ratios interdéciles) et généraux (comme l’indice de Gini.

Le principe du ratio interdécile est simple : rapporter le revenu des 10% de la population les plus riches au revenu des 10% les plus pauvres. Son défaut est également issu de cette simplicité : on ignore à peu près tout de la répartition du revenu entre les huit dixièmes de la population, à part que ces 80% se partagent un revenu diminué, et parfois très diminué, une fois les déciles extrêmes retirés. Mais l’avantage de cet indicateur est justement de permettre de relever les cas où une minorité réduite de la population accapare une forte fraction de ce revenu, accaparement qui ressortira encore mieux

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avec la comparaison avec les plus pauvres. En parvenant à rassembler des sources sur les années 2003 à 2008, et en les comparant aux revenus par habitants à prix standardisés de 2006, on obtient le graphique de la page suivante.

Le coefficient de corrélation (R²) entre les ratios et le revenu par habitant est très faible. Et le nuage de points difforme : si l’on regarde la traînée de droite, il ne s’agit que de pays à revenu faible. Le ratio atteint les valeurs record dans le continent africain et sud-américain (88 en Bolivie, et 74 en Angola). En Bolivie, en 2005, 44% du revenu national était perçu par le dixième le plus riche des résidents, tandis que le dixième le plus déshérité n’en touchait que 0,5%... On revient des abîmes des inégalités au fur et à mesure que le revenu s’élève, pour arriver à un cumulonimbus de nations étalées entre le niveau d’inégalité le plus bas (2,5 en Suisse, en 2007) et un niveau certes très inférieur au cas bolivien, mais nettement plus impressionnant : 15, aux USA. En regardant à la base de ce nuage montant, on voit même une cohorte de pays à bas revenus, et à inégalité modérée. On y trouve des pays de l’ex-URSS, d’Europe orientale, mais aussi des pays émergents tels que la Chine, le Pakistan, et l’Inde. Ce résultat peut surprendre tant les inégalités semblent avoir explosé en Chine depuis trente ans. Et elles ont effectivement très largement grandi, entre Chine côtière et Chine continentale. Les ratios faibles de la Chine et de l’Inde appellent surtout à l’emploi d’un autre indicateur (ce que nous verrons avec l’indice de Gini).

La seule conclusion que l’on pourra donc tirer du graphique vis-à-vis de la relation croissance / inégalité est que seuls des pays pauvres atteignent des niveaux d’inégalité extrêmes. Mais il existe des pays pauvres ou relativement pauvres avec des inégalités plus réduites, et l’ampleur des inégalités est également variable dans le monde riche, même si les bornes de cette variabilité sont plus rapprochées que dans le monde pauvre.

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Source : CIA World Factbook.

Pour continuer notre analyse factuelle, passons à l’autre indicateur,

celui de Gini. Cet indice est plus général que le ratio interdécile car il se base sur une courbe de la distribution du revenu sur tous les déciles. On peut voir le principe illustré par le graphique suivant : en brun et mauve, nous avons un triangle qui représente ce que serait la distribution du revenu en cas d’égalité parfaite : les 10% les plus pauvres ont 10% du revenu global, et il s’ensuit que tous les autres déciles ont aussi 10%. La zone mauve (B) représente une distribution aléatoire des revenus, formant une courbe convexe. Plus la distribution est inégalitaire, plus l’espace entre l’hypothénuse du triangle A+B et la courbe de la zone B sera grand. Cet espace correspond à la zone A. L’indice de Gini mesurera le rapport de surface entre A et la zone A+B, multiplié par 100. Il peut donc aller de zéro à 100.

PIB

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00

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Source : CIA World Factbook

Dans la pratique, un indice proche de 20 révèlera une société très

égalitaire. Le score que l’on trouve pour la Suède en 2005 est de 23 selon la

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CIA. En revanche, celui de la Namibie est, en 2003, de 70. Si l’on fait une comparaison entre les revenus par tête standardisés de 2006 et les indices de Gini de 2003 à 2008, on constate que la corrélation « revenu / indice de Gini » n’est pas évidente, et que la forme du nuage de points reprend le « coude » du graphique précédent.

Source : CIA World Factbook

Si l’on constate que les pays les plus inégalitaires sont là encore des

pays africains où latino-américains, on trouve aussi des pays pauvres avec des indices comparables à des pays riches (l’Inde était à 36,8 en 2004, ce qui la situe proche du Royaume-Uni à la même époque). Le Bangladesh se situe même à 33 seulement. Des écarts notables se sont creusés entre pays relativement riches (dans la tranche des 10 à 20000 $ de PIB individuel, on a des écarts allant de 28 (en Hongrie) à 55 (au Chili). Le résultat chilien est important, car ce pays est, depuis la chute d’Allende en 1973, un des laboratoires les plus aboutis du néolibéralisme, des privatisations, notamment pour la protection sociale. Il n’illustre pas du tout la thèse de la réduction des inégalités dans un pays libéral.

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Parmi les pays très riches (plus de 24000 dollars par tête), l’écart se resserre, entre des indices de 25 à 35… Si l’on fait quelques exceptions : Israël (indice 39), les USA (indice 45) et Singapour (indice 48). Parmi les autres pays riches, l’indice réserve peu de surprises : la France (indice 32) et le Royaume-Uni (indice 34) sont proches, devancées par l’Allemagne (27) et les états scandinaves. La Russie affiche un score de 42, toujours inférieur à celui des USA, malgré les efforts de l’oligarchie pour s’approprier l’appareil productif national après 1991. Plusieurs républiques ex-soviétiques se situent à des niveaux proches de la France, tels le Kazakhstan (28) ou l’Ukraine (31). Contrecarrant l’exemple américain, la libérale Australie n’a qu’un indice de 30. La relation entre moindre intervention étatique dans l’économie et moindres inégalités apparaît très discutable.

Il s’agit là seulement d’une comparaison dans l’espace. On pourrait se demander ce qu’amène, dans le temps la croissance économique sur un pays, en termes de variation des inégalités. Toujours d’après les mêmes sources de la CIA, on dispose d’évolutions sur des périodes de durées variables. Concentrons-nous sur les années 2000. Parmi les pays les plus vastes, et où la croissance a été, à divers niveaux, nettement positive dans la décennie, on a, du coté des pays où l’indice a baissé, le Brésil ( points de moins de 1998 à 2005), l’Inde (1 point de moins de 1997 à 2004) , le Nigéria (-7 points de 1997 à 2003, en partant de 50) ou le Bangladesh (-0.4 points de 1996 à 2005). Et du côté de ceux qui ont vu les inégalités s’accroître, la Chine (+1,5 points de 2001 à 2007), les USA (+ 4 points de 1997 à 2007 ), la Russie (+2,5 points de 2001 à 2008).

De 1987 à 2005, l’Irlande est à la fois devenu l’un des pays les plus riches d’Europe et a en même temps réduit nettement son indice de 36 à 31. Cependant, parmi d’autres pays en croissance, on note une baisse de l’indice au Royaume-Uni (passé de 37 en 1999 à 34 en 2007), couronnant ainsi une politique vue comme libérale depuis la France, mais qui n’en a pas moins vu une hausse du poids de l’Etat dans l’économie, et un réinvestissement étatique dans les services publics portant les dépenses des collectivités à plus de 40% du PIB.

La Corée du Sud est passée de 36 à 31 de 2000 à 2007. Cet exemple joue en faveur de la thèse, maniée par des libéraux tels que Johan Norberg (dans son « Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste ») prenant les nouveaux pays industrialisés d’Extrême-Orient comme des exemples de sociétés à faibles inégalités malgré une faible intervention étatique. Mais la Corée du Sud est un peu seule dans son cas. Les autres pays émergents

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d’Asie sont nettement plus inégalitaires : en 2002, la Thaïlande avait un indice de 43, et la Malaisie de 49. Et nous avons déjà vu que Singapour trônait sur un 48 en 2008. La vieille puissance industrielle régionale, le Japon, a vu les inégalités s’accroître très rapidement de 1993 à 2002, passant de 25 à 38. Dans le cas japonais, on ne peut pas imputer ce résultat à la croissance, qui fut atone depuis le début des années 90. Mais c’est un exemple en moins de pays libéral (moins de 30% du PIB part en prélèvements obligatoires) qui aurait « naturellement » engendré une société égalitaire.

On voit que nombre de contre-exemples se dressent contre les positions citées plus haut, tant celle qui dit que « la croissance réduit les inégalités » que celle affirmant que « la croissance s’accompagne de plus d’inégalités, et c’est tant mieux car la croissance enrichit les pauvres en valeur absolue ». La comparaison géographique (en passant des pays pauvres aux pays riches) montre une réduction des inégalités par rapport aux situations extrêmes que beaucoup de pays pauvres connaissent – et qu’un pays comme la France connaissait avant la révolution industrielle. Ceci éjecte la seconde thèse, mais ne valide pas la première. Car une fois le peloton des pays riches atteint, un vaste éventail de situations sont encore possibles, et un pays à faibles inégalités peut les voir soudain monter (le Danemark est passé de 25 à 29 de 1992 à 2007, sans s’appauvrir pour autant, l’Italie est passée de 27 en 1995 à 32 en 2006).

Le PIB90 : la croissance ne profite-t-elle qu’aux riches ? Tenant compte du haut niveau d’inégalité existant dans nombre de

pays en développement, ou de celui qui existe aux USA en comparaison de ce qu’il est dans nombre de pays européens (en se basant sur les indices de Gini, ou sur les taux de pauvreté relative que nous avons vu plus haut), on a parfois suggéré de mesurer le PIB par habitant en enlevant les plus riches du compte. En escomptant que cela aurait pour effet de dégonfler les performances des pays inégalitaires. Tentons l’expérience, en retirant le décile supérieur de chaque population dans le calcul du revenu global (que nous nommerons « PIB90 »). S’il était vrai que certains pays riches sont inégalitaires au point qu’en dehors des plus riches, le pays ne serait plus réellement riche, alors on devrait voir un chamboulement des positions entre les deux classements (PIB par habitant et PIB90 par habitant).

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Graphiquement, cela se traduirait par un nuage de point. Mais, en tout cas, ça ne se traduirait pas par ce que l’on voit dans le tableau de la page suivante. On voit quasiment une ligne : cela signifie qu’il y a globalement très peu de changement entre les deux classements. Il y a quelques pays qui bougent, des pays qui sont moins bien placés dans le classement du PIB 90 que dans le classement initial (des pays latinoaméricains et africains surtout) et d’autres qui progressent (des pays d’Europe de l’Est et de l’ex-bloc soviétique surtout). Mais entre pays développés, très peu de changements. Ce qui induit que dans ces pays, on ne puisse pas dire que tendanciellement, la croissance ne profite qu’aux riches, qu’un pays soit inégalitaire au point que son apparente opulence ne concerne que les riches. Le PIB90 pourrait être un indicateur utile pour observer une augmentation momentanée des inégalités, mais, comme les chiffres et graphiques vus précédemment, il ne confirme pas l’idée que la croissance s’accompagne de plus d’inégalités.

Source : CIA World Factbook

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Les inégalités internes à la France Reproduisons notre questionnement au niveau français. Au niveau

mondial, on a vu que la croissance supprimait les inégalités extrêmes, mais que cela ne conduisait pas à une réduction perpétuelle des inégalités. C’est pourtant la thèse que certains ont défendu, notamment Jacques Marseille que nous citions plus haut. En France comme ailleurs, le passage au rang de pays développé a supprimé les écarts monumentaux que l’on pouvait constater du temps de l’Ancien Régime, et Marseille en a donné des exemples précis. L’homme le plus riche de France en 2008, Gérard Mulliez, fondateur d’Auchan, avait une fortune de 21 milliards d’euros, soit un petit million de fois le niveau de vie moyen national, que l’INSEE fixait à 22.000 euros alors. Le niveau de vie, c’est le revenu disponible d’une personne, en tenant compte de tous les types de revenu qu’elle peut recevoir, que ce soient ceux de la solidarité, du travail ou du patrimoine, et nets des prélèvements obligatoires. La fortune de Mulliez pouvait scandaliser, mais, nous rappellait feu l’économiste, le cardinal de Mazarin n’avait-il pas fini avec une fortune égale au tiers des revenus du royaume de France (soit une fortune personnelle de 35 millions de livres tournois). Et bien d’autres fortunes aristocratiques, ou de la grande bourgeoisie, et le coefficient de Gini précédant 1789 : aux alentours de 60 en France ! Aujourd’hui, nous sommes passés à un chiffre moitié moindre.

Marseille cite le rôle qu’a eu l’inflation dans cette décroissance des inégalités de patrimoines, dans la résorbption des dettes ; mais c’est surtout la croissance qui a assuré cette réduction massive des inégalités. Il va cependant pousser la provocation jusqu’à dire que les inégalités en France ne sont, le plus souvent, que la résultante de l’âge : si l’on admet qu’un même salarié gagnera deux fois plus à la retraite qu’au début de sa carrière (l’auteur prend l’exemple des professeurs du secondaire), alors on aura des inégalités de 1 à 2 entre les ménages selon l’âge de leurs personnes de référence. Pour Marseille, on n’est pas très éloigné de l’écart réel entre le décile le plus pauvre et le décile le plus riche. Ainsi, nous aurions, selon celui qui fut un des économistes vedettes des médias français, une France quasi-égalitariste, où l’essentiel des inégalités seraient imputables aux différences d’âge. Ce qui est très largement faux.

En réalité, selon l’INSEE, l’écart interdécile était en 2008 de 3,4, soit une quasi-stagnation depuis 2002. Mais rappelons que le ratio interdécile n’est que le rapport entre le revenu maximal des 10% des plus pauvres et le

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revenu minimal des 10% les plus riches. Si l’on s’intéresse aux niveaux de vie moyens des deux déciles extrêmes, on trouvera, toujours selon l’INSEE en 2008, un rapport de 53 800 euros en moyenne annuelle pour les plus riches à 8 000 euros pour le décile le plus pauvre. Soit un rapport de 1 à 6,7 entre les deux catégories, alors que Marseille parlait d’un rapport de 1 à 4 (12 000 contre 48 000, page 119 de L’Argent des français). Et ce rapport n’était que de 6 en 2002. Il y a donc bien eu progression des inégalités de revenus au cours des années 2000. Mais cela, Marseille, commentant un article de Camille Landais paru en 20072, le reconnaît tout à fait, le situant comme un épisode dû à la progression des revenus du patrimoine, qui n’annule pas une tendance générale.

Continuons sur l’explication des inégalités par l’âge : bien entendu, on s’attend à ce qu’une même personne, fournissant la même quantité de travail avec la même formation initiale voit son revenu progresser pour récompenser son expérience et sa perservérance à rester auprès du même employeur. Si l’on peut trouver une progression du simple au double dans les rémunérations d’une même profession, extrapoler cette croissance au parcours de l’ensemble des personnes est fallacieux : en effet, en dehors des fonctionnaires, tout le monde n’a une carrière faite d’un seul métier du début à la fin de sa vie active. Prendre l’échelle des salaires selon l’ancienneté dans une ou plusieurs professions pour évaluer le rôle de l’âge sur les inégalités est donc invalide. L’INSEE a mesuré les écarts de niveau de vie en fonction de la classe d’âge, toutes activités (ou inactivités) confondues. On pourra objecter que la comparaison est déplacée puisque jeunes et moins jeunes ne font pas les mêmes métiers. Mais c’est justement la réalité professionnelle : prendre en compte l’effet de l’âge, ce doit aussi être prendre en compte les changements de professions, les interruptions de carrière (et donc les périodes d’inactivité, notamment pour les femmes) qui font la vie d’un grand nombre de français. L’INSEE donne le tableau suivant.

2 Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? », Paris School of Economics, 2007

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Niveau de vie annuel moyen des individus selon l'âge individuel (en euros 2008)

moins de 18 ans

18 à 24 ans

25 à 34 ans

35 à 44 ans

45 à 54 ans

55 à 64 ans

65 à 74 ans

75 ans et plus

Ensemble de la

population

Ratio d’âge

1996 16 650 15 660 17 580 18 160 20 990 20 880 19 020 18 650 18 290 1,34

1997 16 750 15 780 17 490 18 430 20 780 21 180 19 140 18 270 18 340 1,34

1998 17 010 16 260 17 880 18 800 21 300 22 030 19 340 18 570 18 760 1,35

1999 17 350 16 630 18 280 19 050 21 880 22 750 20 540 19 550 19 300 1,37

2000 17 820 17 210 18 780 19 460 22 230 23 380 20 670 19 760 19 740 1,36

2001 18 240 17 770 19 330 20 020 22 640 23 780 21 100 20 040 20 210 1,34

2002 18 790 18 840 20 140 20 460 23 270 23 810 21 120 20 580 20 710 1,27

2003 18 570 18 410 19 880 20 300 23 200 24 240 20 960 20 330 20 590 1,32

2004 18 630 18 280 19 810 20 390 22 660 24 560 21 190 20 130 20 570 1,34

2005 18 930 17 970 20 160 20 480 22 870 24 850 21 410 20 610 20 810 1,38

2006 19 160 18 440 20 690 20 780 23 520 24 940 23 230 21 140 21 320 1,35

2007 19 530 18 630 20 540 21 410 23 780 26 150 22 970 21 110 21 670 1,40

2008 20 160 19 240 20 900 22 110 24 010 26 140 23 230 21 590 22 110 1,36 Source : Insee-DGI, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux rétropolées 1996 à

2004 et revenus fiscaux de 2005 à 2008

On voit que l’effet réel de l’âge est en réalité nettement moins important et surtout plus complexe que celui évoqué par Marseille. Moindre, car au lieu d’un rapport de 1 à 2, on obtient au plus (en 2007) un rapport de 1 à 1,4 entre la tranche d’âge la plus pauvre et la plus riche. Plus complexe surtout, car Marseille omettait de préciser que l’âge n’augmente vos revenus que jusqu’à un certain point (la classe des 55-64), et qu’ensuite elle les diminue. Par le passage en retraite, mais aussi par une obsolescence des compétences, une employabilité et un risque de chômage plus fort (nous raisonnons dans le cas français). Mais surtout, Marseille confondait totalement l’évolution du salaire et celle du niveau de vie, alors que c’est sur ce dernier indicateur que repose l’évaluation des inégalités. Un professeur débutant gagnera moins qu’un collègue âgé de 50 ans et ayant 25 ans de carrière derrière lui, mais le quinquagénaire aura sans doute deux enfants à charge, et peut-être un conjoint sans emploi. Ce qui, pour calculer son niveau de vie, amènera à diviser ses revenus nets globaux par 2,1 (une part pour lui,

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une demi pour le conjoint, deux fois 0,3 parts pour les enfants). La progression du revenu avec l’ancienneté doit donc être relativisée par la montée des charges familiales. Ce qui donne le rapport de 1,36 entre les âges les plus riches et les plus pauvres (les 55-64 ans par rapport aux moins de 24 ans) pour l’année 2008. En faisant l’hypothèse que, dans la société française, les plus riches soient des quinquagénaires ou sexagénaires et que les plus pauvres aient moins de 25 ans, en se basant sur le rapport entre les niveaux de vie des déciles extrêmes (6,7 en 2008), il nous resterait un ratio de 4,9 (soit 6,7/ 1,36) qui n’est pas explicable par l’âge. Alors, qu’est-ce qui explique les inégalités en France ?

En France, en 2008, les ressources avant impôt des ménages3 étaient de 1486,7 milliards d’euros, dont 725 milliards de salaires bruts, 257,4 milliards de cotisations patronales réelles ou imputées, 284,7 milliards d’excédents d’exploitation des entreprises individuelles, et le reste (178,4 milliards d’euros, soit 12% des ressources avant impôt des ménages) de revenus du patrimoine, soit principalement des dividendes, des intérêts et revenus de l’assurance-vie. Les revenus du patrimoine sont concentrés sur les plus hauts déciles, même s’ils concernent potentiellement plusieurs millions de français (cinq millions d’actionnaires en France, dix millions de ménages ayant au moins un contrat d’assurance-vie) et même tous les adultes si l’on descend jusqu’aux intérêts dérisoires des quarante millions de Livret A.

Pour les salaires, l’éventail des salaires est relativement resserré. L’INSEE a calculé des déciles de rémunérations salariales annuelles pour 2007, mais sur tous les salariés, y compris à temps partiel, ce qui donne de très faibles sommes sur les deux premiers déciles. Mais le rapport entre le minimum du dixième et le maximum du troisième décile n’est déjà « que » de 1 à 3, le dixième décile commençant à partir de 37 260 euros, ce qui est aussi le double de la médiane de l’ensemble des rémunérations salariales.

Voyons maintenant quelles différences de professions peuvent

illustrer – et justifier ? – de tels écarts de rémunérations. L’observatoire des Inégalités a constitué un tableau des salaires mensuels bruts des professions

3 Soit les ressources dans le tableau des comptes d’affectation du revenu primaire, dans le tableau des comptes des ménages, dans les comptes nationaux de l’INSEE.

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en 2008, cette fois-ci à temps complets. En France, un salaire brut est généralement l’équivalent de quatre tiers du salaire net. On peut se dire que la France n’est pas un pays si injuste, car parmi les professions salariées ayant les meilleurs salaires moyens, on trouve nombre de professions de médecins salariés, qui peuvent toucher en moyenne mensuelle 7 à 8000 euros bruts, et plus de 6000 pour les chirurgiens dentistes. Mais ce ne sont pas les disciples d’Hippocrate sous contrat de travail qui s’en sortent le mieux. Le haut du pavé est tenu par les cadres des marchés financiers, dont le salaire mensuel brut était en moyenne de 13 000 euros, et de 11 000 pour les cadres d’état-major administratifs, financiers ou commerciaux de grandes entreprises. Notre société permet donc de rémunérer plus ceux qui gèrent des transactions financières que ceux qui sauvent des vies. Les avocats salariés sont à plus de 9000 euros. Les moyennes mensuelles brutes des ingénieurs-cadres techniques et technico-commerciaux se rencontrent entre 6500 et 4000 euros.

A l’autre bout de l’échelle, les professions dont le revenu brut par mois est inférieur à 2000 euros sont quasiment toutes des professions d’ouvriers ou d’employés. Si l’on a parmi les ouvriers des ouvriers d’art qui sont payés en moyenne à 2 600 euros bruts, en revanche la moyenne des non qualifiés, de type artisanal ou industriel, descend jusqu’à 1400 euros.

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Journal N°4 – Les inégalités

Editorial par Florent Nos journalistes de télévision sont merveilleux. Nous savons qu’il neige,

que le prix du carburant augmente. Nous faisons le tour des villages de Noël. Et puis entre deux journaux télévisés, on nous fait bien la leçon pour passer les fêtes : buvez de l’eau entre chaque verre de champagne. Mettez vos mains devant la bouche quand vous toussez. Torchez-vous le cul après être allé aux toilettes…

La Terre s’est arrêtée, dans ce petit monde. C’est ce que l’on appelle « l’effet d’agenda ». Peu importe ce qu’il se passe dans le monde, attentat en Irak, morts en Afghanistan, tensions internationales et enjeux géostratégiques, rien de cela ne doit affecter les Français. Les lobbyistes du foie gras et du vin veillent au grain : par question de foutre en l’air leur chiffre d’affaire annuel, sous prétexte de « déontologie journalistique » !

L’effet d’agenda c’est cela. Ce sont les intérêts économiques traduits dans le petit écran, qui font qu’en été et pendant les fêtes, on doit parler de certaines choses, les mêmes, tous les ans. A parier qu’on pourrait repasser un reportage de l’année dernière sur les villages de Noël sans que personne ne s’en aperçoive !

Rien d’autre à espérer que les gens, que notre peuple, s’en rendent compte chaque année un peu plus, et que l’audience soit en baisse constante. Reste à espérer aussi qu’Internet reste libre. Ce sont mes vœux politiques pour l’année 2011 !

Et à tout ceux pour qui Socialisme & Souveraineté tente d’œuvrer, tous ceux qui souffrent et qui ont besoin du changement, du vrai, nous leur souhaitons un sincère et joyeux noël, et un bon nouvel an, et une prise de conscience nécessaire des manipulations qui les entourent, comme celles que je viens d’évoquer.

Notre journal est là pour ça.

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Dossier : Les inégalités

Dans ce dossier, Socialisme et Souveraineté a voulu faire un travail de description, d’analyse, avec quelques propositions comme nous en avons l’habitude. Mais l’essentiel est de poser des repères permettant aux lecteurs et militants de connaître ce qui détermine – à défaut de les justifier – les inégalités dans notre pays, de savoir si elles progressent, correspondent à des différences de travail, d’âge, ou d’autres critères sociaux qui les rendraient acceptables…

Nous avons partagé ce dossier entre deux catégories : les inégalités monétaires et non monétaires, parmi lesquelles nous plaçons les inégalités devant la mort, l’éducation ou le logement. Nous ne nous sommes pas étendus vers les sujets tels que les discriminations ethniques ou sexistes, pour ne pas faire déborder le sujet, mais aussi pour rester en phase avec nos propositions finales. Propositions que nous complèterons dans les mois à venir sur www.socialisme-et-souverainete.fr .

Les inégalités, ennemies de la démocratie ?

Par Florent

Depuis les années 80 et la fin de l’extension de l'Etat providence dans le cadre de l'économie capitaliste, le processus de moyennisation de la société s'est arrêté. C'est à dire que les classes sociales n'ont plus tendance à se fondre en une grande classe moyenne, mais au contraire à s'écarter, telle une force centrifuge. Hors, en quoi le développement des inégalités est-il facteur d'autoritarisme ? A cause du cloisonnement social qu'il provoque, en premier lieu. En résumé, une démocratie ou les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres, une démocratie qui tend vers la binarité sociale, se trouve en mauvaise posture. Car il apparaît tout naturellement un cloisonnement : les riches vivent entre eux, tandis que les pauvres vivent entre eux aussi. On parle souvent de "ghettos", pour parler des cités, des quartiers populaires. C'est un mot trop fort, qui ne correspond pas à la réalité, car d'un ghetto, on ne peut en sortir. On parlera donc de cloisonnement en ce sens.

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Ceux qui sont au pouvoir représentent les intérêts d'une classe, celle du « Fouquet's ». Et ils n'ont pas les yeux dans leurs poches. Devant le constat de l'appauvrissement généralisé de la société, ne voulant s'attaquer aux causes de cet appauvrissement, ils ne peuvent réagir que par la peur et la dureté. Et c'est ainsi que la vis est serrée. La criminalité augmente naturellement, en corrélation aux inégalités. Or, quel choix reste t-il à un gouvernement démocratique "bourgeois", c'est à dire sans volonté de résorber la misère, que de prendre des mesures autoritaires ? Concrètement, cela donne caméras de surveillance, digicodes, et portails fermés dans les résidences, par exemples. A cela s'ajoute, dans le cadre démocratique, le besoin de se faire réélire, en second lieu. Face à un électorat vieillissant, et plus peureux, le gouvernement du Fouquet's doit satisfaire ses électeurs. Ainsi, nous pouvons aisément voir une marque de cela en l'interdiction de la cigarette dans les lieux publics, mesure autoritaire, les personnes âgées fumant beaucoup moins que les jeunes. Une véritable fracture générationnelle même peut être aisément constatée concernant la cigarette. Les inégalités sont donc facteur d'autoritarisme, de durcissement du droit pénal, de mesures liberticides, pour deux raisons principales: à cause du cloisonnement qu'elles provoquent, et à cause du système démocratique de notre époque, lui-même, qui s'appui de manière vicieuse sur des retraités, pourtant eux aussi en voie d'appauvrissement, et chez lesquels cet appauvrissement entretient la peur.

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Les inégalités monétaires : que met-on dans le revenu ? Quelques définitions…

Par Pablito Waal Ménage

Les revenus ne s’évaluent pas au niveau d’une personne, mais d’un ménage. Ce n’est pas une famille, mais l’ensemble des personnes vivant sous un même toit et partageant un même budget : il peut être fait de personnes de familles différentes, et des générations d’une même famille vivant séparément forment plusieurs ménages.

Revenu Les revenus des ménages français incluent les salaires, mais

également les revenus de la propriété, les revenus des entrepreneurs individuels, les prestations sociales. Les revenus des ménages résidants en France, pris globalement, ne sont pas équivalents au revenu de la France. Alors que le Produit Intérieur Brut était de 1907 milliards d’euros en 2009, le revenu global des ménages était de 1293 Mds d’euros. Où est la différence ? Dans les investissements des entreprises et des administrations publiques, et dans les dépenses de consommation de celles-ci.

Salaires et revenus mixtes Les salaires bruts se montaient en 2009 à 747 Mds d’euros (57,8% du

revenu disponible brut des ménages). Mais les employeurs, publics ou privés, qui ont dû acquitter 267 Mds d’euros de cotisations sociales patronales cette année là. Et du point de vue des salariés, il faut retrancher 102 Mds d’euros de cotisations salariales, ce qui a laissé 745 Mds de salaires nets. Théoriquement, les cotisations salariales sont censées représenter 25% du salaire brut, mais des exonérations existent. Le revenu des entrepreneurs individuels ne peut être compté comme revenu de la propriété versé par une société, ni comme salaire. Il s’agit d’une rémunération de travail et on l’intègre comme revenu mixte, soit 119 Mds d’euros en 2009.

Revenus de la propriété et revenus exceptionnels Les revenus exceptionnels sont des revenus des plus-values et des

stock-options. Ils représentent 2% du revenu fiscal des ménages en 2007. Les revenus du patrimoine incluent tout revenu se justifiant par le seul fait que

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l’on a acheté un titre, un bien, un contrat, et qui doit vous rémunérer, normalement au délà de l’inflation. Cela inclue donc les dividendes (43 Mds en 2009), les autres revenus distribués par les sociétés à leurs propriétaires et créanciers (27 Mds), les revenus de l’assurance vie (49 Mds), les intérêts (40 Mds). Soit 160 Mds de revenus du capital, 8% du revenu national et 6% des revenus des ménages (puisque tout ne reste pas en France), après impôt sur les sociétés mais avant impôt sur le revenu.

Prestations sociales L’ensemble des prestations sociales inclue les retraites, les

remboursements d’assurance-maladie, l’assurance-chômage, les allocations familiales, le revenu de solidarité active (RSA)… Impôts sur les personnes physiques Il s’agit principalement de l’impôt sur le revenu (des personnes physiques, par opposition à l’impôt sur les sociétés concernant les revenus de la propriété versés par les entreprises), mais il faut y ajouter l’impôt sur la fortune. Unité de consommation et niveau de vie Si l’on veut mesurer le revenu réellement disponible par personne, sachant que la plupart des gens ne vivent pas seuls, il faut tenir compte de ce que les ressources sont partagées entre les membres du ménages (ne serait-ce que parce qu’ils vivent sous le même toit). Deux personnes vivant ensemble ne consomment donc pas autant que deux personnes seules. Donc le niveau de vie se calcule en divisant le revenu du ménage par un nombre d’unités de consommation : 1 pour la personne de référence (un adulte actif), 0,5 par personne de plus de 16 ans, 0,3 par personne de moins de 16 ans. Patrimoine Le stock total de biens détenus par un ménage : épargne et dépôts bancaires, biens immobiliers et mobiliers… Déciles

Il s’agit d’une tranche de 10% d’une population. Si cette population est classée en fonction d’une variable (le revenu), le décile inférieur regroupe les 10% les plus pauvres, et le décile supérieur les 10% les plus riches.

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Les inégalités monétaires : Les principaux chiffres des inégalités en France Par Pablito Waal

Voici, selon l’INSEE, la distribution des niveaux de vie par déciles en

2008 : pour une moyenne de 22 110 € par unité de consommation, le rapport entre les plus riches (qui touchent 53 800 €) et les plus pauvres (8 070 €) est de 6,67…

Source : INSEE Les écarts globaux Dans la mesure des inégalités, revient très souvent la comparaison entre

déciles (définis précédemment) afin de comparer une proportion significative des deux extrêmes de la population. On retient souvent un ratio « interdécile », soit le rapport entre le niveau de vie à partir duquel on fait partie des 10% les plus riches parmi les personnes résidant en France, et le niveau de vie en dessous duquel on fait partie des 10% les plus pauvre. Ce ratio se situe à 3,4 pour 2007 (33 900€ contre 10 010 €)…Mais il serait plus élevé si l’on comparait les niveaux de vie moyens des deux déciles, le ratio étant de 6,7 en 2008, en progression constante depuis le début des années

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2000. Ce niveau fort élevé d’inégalité permet de tordre le cou à certaines objections venu de certains droitiers, pour qui la société française serait presque devenue (trop) égalitariste. Dont l’idée que les écarts de niveaux de vie seraient surtout dus aux écarts d’âge ! Or le rapport de niveau de vie moyen entre la tranche d’âge la plus pauvre (les 18-24 ans) et la plus riche (45-54 ans) était de 1,36 en 2008. Si les rémunérations progressent avec l’âge, le niveau de vie est nettement ralenti par l’arrivée des enfants.

Pauvreté relative et absolue en France Il existe plusieurs mesures de la pauvreté : une absolue, en fixant un

seuil de revenus en dessous duquel une vie décente n’est plus possible, utilisée notamment aux USA. Et des relatives, utilisées en Europe, où sont pauvres les gens gagnant moins de 60% ou 50% du revenu médian (en dessous duquel se situe 50% de la population). En 2007, ce seuil de 60% (ou 50%) se chiffrait à 908 € (757 €) mensuels et 13,4% des résidents (7,2%) ne l’atteignaient pas, un chiffre stable au cours des dernières années. Pauvreté plus fréquente chez les familles monoparentales (30%) et de plus de deux enfants (20%). Avec un seuil de pauvreté « constant » (par exemple le seuil de 2005, aux prix de 2007), le taux de pauvreté baissait de 13,1% en 2005 à 11,8% en 2007. La pauvreté absolue baisse en France, mais pas les inégalités. Consciente de l’insuffisance d’une approche de la pauvreté par les seuls revenus, l’INSEE a sondé chez les ménages les indices de pauvreté dans les conditions de vie : restrictions de consommation, impayés ou retard de loyers, soldes négatifs du budget, logements et meubles vétustes…au final, ce sont 12,2% des français qui sont pauvres en termes de conditions de vie, et 21% le sont par les conditions de vie ou par les ressources monétaires.

Inégalités de patrimoine La France apparaît comme un pays relativement peu inégalitaire par rapport aux autres pays riches. En Suède, les 10% les plus riches concentraient en 2003 58% du patrimoine. En France, ce partage est resté relativement stable au cours des années 1991-2004. La forte progression entre 2004 et 2007 des revenus du patrimoine (+55%) et des revenus exceptionnels (+45%) a renforcé cette concentration, pendant que les revenus du travail ne progressaient que de 10%.

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Part du patrimoine détenue par : en 2004

Le décile le plus riche (10ème) 46,00% Le 9ème décile 18,00% Le 8ème décile 12,00% Le 7ème décile 10,00% Le 6ème décile 7,00% Le 5ème décile 4,00% Le 4ème décile 2,00% Le 3ème décile 1,00%

Source : Insee, enquêtes Patrimoine 1998 - 2004.

Les très hauts revenus Les deux tiers des revenus du patrimoine et les quatre cinquièmes des revenus exceptionnels sont en effet détenus par les 10% de français les plus riches, dont ils constituent le septième des revenus, et 30% pour le 1% les plus riches. Ces ménages sont propriétaires de leurs logements à plus de 80% (contre 57% des ménages de France en 2007) et vivent moins souvent seuls que l’ensemble des ménages. Le nombre des très riches (plus de 100 000 euros annuels par unité de consommation) a progressé de 28% entre 2004 et 2007. Et les revenus moyens du 1% de ménages les plus riches ont crû de 16%, contre 11% pour les 10% les plus riches, et 9% pour les plus pauvres, rehaussant les inégalités par une échappée des très riches, tandis qu’elles stagnaient dans le reste de la population. Il s’agit ici des revenus avant impôt : mais comme le rappelle l’INSEE, le taux d’imposition réel des 1% les plus riches est en moyenne de 20%...(seulement ?) Sources des chiffres suivants: INSEE, Revenus et patrimoines des ménages, édition 2010

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Les inégalités monétaires : Qu’attendre de la croissance économique ?

Par Pablito Waal

Dans le débat classique entre « gauche » et « droite », l’effet de la croissance économique (la hausse du revenu national, ou PIB) sur les inégalités est cruciale. Car selon les positions que l’on adopte, on justifiera ou pas les politiques de redistribution du revenu, l’intervention d’organismes tels que la Sécurité Sociale pour fournir des pensions de retraite ou financer les dépenses de santé de la population.

A gauche, on a tendance à penser que la croissance économique ne réduit pas en soi les inégalités au sein de la société, voire même qu’elle a tendance à les accroître, du moins sous le régime d’une croissance capitaliste, et ce à tel point que la croissance ne profiterait qu’aux riches. D’où la nécessité, tant qu’on ne s’est pas débarassé dudit capitalisme, de fournir aux plus pauvres les moyens de se procurer une retraite, une couverture santé, des logements, une protection sociale en général, qu’ils n’auraient jamais par eux-mêmes.

A droite, et chez les libéraux en particulier, on trouve deux positions : soit on pense que la croissance réduit les inégalités, soit on pense que ce n’est pas le cas, mais que les inégalités stimulent la croissance : la possibilité pour les individus de devenir des entrepreneurs richissimes les incite à créer des emplois, de la « richesse » et à faire progresser la société dans son ensemble. Et ce même si elle devient plus inégalitaire : si l’on passe d’une société où le plus pauvre gagne 5 euros et le plus riche 10 euros à une société où le plus pauvre a 20 euros et le plus riche 200 euros, l’ensemble de la population s’est enrichie. Ces deux positions de droite ont en commun qu’elles permettent de remettre en cause l’intérêt des politiques de redistribution, puisque dans les deux cas la croissance rend les pauvres moins pauvres, et les rend capables de se doter eux-mêmes d’assurances privées, de recourir aux écoles et hopitaux privés, etc… Bien sûr, la deuxième thèse (plus d’inégalités, c’est plus de croissance, et même les pauvres en bénéficient) prête toujours le flanc à la critique sur l’injustice d’une société où l’écart entre le plus riche et le plus pauvre s’accroît. Même si la pauvreté absolue, l’inégalité des revenus reste un objet de critique, même si certains libéraux prétendent que sans cette inégalité, il y a moins d’enrichissement de la société.

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Mais que disent les chiffres ? Basons-nous sur le coefficient de Gini : cet indice, compris entre 0 et 1, est d’autant plus faible que la répartition des revenus est égalitaire, et inversement plus élevé si elle est plus inégalitaire. En se basant sur les chiffres des années 2000 sur différents états du monde, on obtient le tableau ci-contre, à droite.

La relation entre revenu moyen dans un pays et niveau des inégalités est donc complexe : entre des pays (très) pauvres et des pays riches, c’est la première opinion « de droite » qui est validée : la croissance a principalement pour effet de réduire le niveau exorbitant des inégalités qui existe dans des économies encore peu développées. Car les hautes inégalités connues en Afrique ou Amérique latine, la France d’avant la Révolution Industrielle du XIXème siècle les connaissait aussi, avant de voir fondre l’écart entre les plus riches et la masse du peuple (lire aussi L’Argent des Français, de J. Marseille). En revanche, une fois qu’un pays est entré dans le club des riches, le rapport « croissance / inégalité » devient beaucoup plus incertain. Si certains pays à haut revenu par habitant redeviennent inégalitaire (cas américain), d’autres pays aux conditions de vie enviables le sont très peu (cas suédois). Donc la croissance, une fois le pays devenu riche, ne fait pas disparaître les inégalités, et un niveau croissant d’inégalités n’est pas une condition nécessaire pour davantage de richesse globale.

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Revenus par habitant et inégalités (indice de Gini) en 2006

Pays PIB par habitant (parité de

pouvoir d'achat) Indice Gini

Singapour 45 949 48

Etats-Unis 42 672 45

Irlande 39 671 31

Suisse 36 702 34

Autriche 34 520 26

Danemark 34 440 29

Belgique 32 729 28

Australie 32 175 31

Finlande 32 056 30

France 31 131 33

Slovénie 24 766 28

Israël 23 982 39

Corée du Sud 23 884 31

Lituanie 15 402 36

Pologne 14 648 35

Mexique 13 025 48

Russie 12 797 42

Chili 12 626 55

Argentine 11 615 46

Brésil 8 745 57

Colombie 7 635 59

Namibie 5 669 71

Bolivie 3 857 59

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Les inégalités monétaires : Les métiers qui paient…ou pas. Par Pablito Waal

Pour l’année 2008, l’Observatoire des Inégalités

(www.inegalites.org) et l’INSEE publient des statistiques sur les salaires bruts (à minorer d’environ 25% en général pour trouver le salaire net) sur un grand nombre de professions salariées. Ces chiffres excluent donc les indépendants, soit 10% des 26 millions de personnes ayant un emploi en France en 2008. Les chiffres de l’Observatoire ne prennent pas en compte les fonctionnaires (environ 3 millions de personnes pour la fonction publique d’Etat, 5 million avec les fonctions publiques territoriale et hospitalière). En plus des cotisations sociales à retirer, les salaires bruts ne permettent pas non plus d’estimer le montant des impôts personnels, mais comme le précise l’Observatoire, ces chiffres n’intègrent pas les primes et avantages en nature.

Mais même avec ces limites, ces chiffres n’en sont pas moins utiles, car ils témoignent de rémunérations possibles en fonction du métier. La fiscalité sur les revenus et patrimoines des personnes physiques n’est pas l’essentiel de la fiscalité en France, prelevée en majorité sur la consommation (TVA) ou à la source (cotisations sociales). Et l’impôt sur le revenu d’un particulier varie nettement selon la composition de son ménage.

S’il n’y a pas de métier idiot, on n’est pas obligés d’accorder la même utilité sociale à chaque branche de profession. C’est là bien sûr une différence fondamentale entre nous et les libéraux : un libéral considèrera que tout métier est une transaction de services, et que tant que cette transaction est « libre », nul n’a à contester son utilité. Ce n’est pas notre point de vue : de part le fonctionnement même du système capitaliste, certaines professions se sont rendues incontournables, comme c’est le cas des intervenants de marchés financiers ou des publicitaires, professions qui n’existeraient pas nécessairement avec un autre modèle économique. En même temps, des professions d’ouvriers, d’employés (ouvriers des services), de techniciens resteraient indispensables dans tout système.

Nous ne voulons pas imposer de grille de valeur au lecteur, nous lui présentons seulement l’échelle des possibilités de rémunérations en France en fonction de la manière dont on a décidé de servir son prochain. L’Observatoire des Inégalités indique des salaires bruts moyens (le chiffre sera tiré à la hausse si quelques personnes dans un métier ont des salaires très

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élevés), et l’INSEE des chiffres médians (la moitié des salaires dans un corps de métier sont inférieurs à cette valeur).

Salaires bruts mensuels en euros des professions

les mieux rémunérées dans plusieurs domaines, en 2008 :

Source Santé Finance

INSEE (Salaires médians)

Médecins salariés

3 200 Cadres de la banque et des assurances

2 900

Ob

serv

ato

ire

des

inég

alité

s (Sal

aire

s m

oyen

s)

Médecins hospitaliers sans activité libérale

8 144 Cadres des marchés financiers

13 649

Médecins salariés non hospitaliers

7 031

Cadres d'état-major administratifs, financiers, commerciaux des grandes entreprises

11 842

Chirurgiens dentistes

6 434 Chefs d'établissements et responsables de l'exploitation bancaire

6 868

Pharmaciens salariés

5 735 Cadres commerciaux de la banque

6 136

Vétérinaires 5 491

Cadres chargés d'études économiques, financières, commerciales

6 058

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Salaires bruts mensuels en euros des professions les mieux rémunérées dans plusieurs domaines, en 2008 :

Source Ingénieurs Ouvrier

INSEE (Salaires médians)

Ingénieurs et cadres techniques de l'industrie

2 760 Ouvriers qualifiés

1 400 à 1 600

selon le métier

Ob

serv

ato

ire

des

inég

alité

s (Sal

aire

s m

oyen

s)

Ingénieurs en recherche et développement des industries de transformation

5 420

Ouvriers qualifiés d'industries (eau, gaz, énergie, chauffage)

2 682

Ingénieurs en matériel électrique ou électronique professionnel

5 368 Ouvriers d'art 2 668

Ingénieurs des industries de transformation

5 365 Régleurs qualifiés d'équipement de fabrication

2 582

Ingénieurs en matériel mécanique professionnel

5 352

Opérateurs et ouvriers qualifiés des industries lourdes du bois et papier-carton

2 582

Ingénieurs recherche et développement de la distribution d'énergie, eau

5 313 Conducteurs d'engin lourd de levage

2 577

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L’éducation et les inégalités de connaissances…et de réseaux…

Par Pablito Waal

Les résultats de PISA Début Décembre 2010, de nouvelles mauvaises nouvelles s’abattent sur le système scolaire français, pourtant l’un des mieux dotés d’Europe (6% du PIB contre 5,7% dans l’UE à 27). En effet, il est classé tout juste en milieu de tableau pour les performances de ses élèves en compréhension écrite, en mathématiques et culture scientifique, dans les tests de comparaison internationaux PISA. Un enseignement semble ressortir de ces tests : les pays qui ont les meilleurs résultats (principalement des pays asiatiques, la Corée du Sud, le Japon, Singapour, et quelques autres comme la Finlande et le Canada) sont des pays où les inégalités scolaires sont relativement faibles, et peu d’élèves apparaissent en grande difficulté. En France, la proportion de ces élèves est passée de 15% en 2000 à 20% en 2006, dont 26% chez les garçons et 14% chez les filles, soit légèrement plus que les proportions moyennes des pays de l’OCDE. Mais plus encore, au sein de l’OCDE, la France apparaît comme un des pays où la profession des parents est relativement déterminante dans les résultats des enfants.

La distribution des diplômes en première sortie d’études en France Commençons par voir quelle est, en France, la répartition des diplômes acquis par les 25-34 ans en France en 2007 :

25-34 ans Aucun

diplôme ou CEP

BEPC seul

CAP, BEP ou

équivalent

Baccalauréat ou brevet

professionnel

Baccalauréat + 2 ans

Diplôme supérieur

Femmes 10,6 4,9 15,4 23 21,4 24,8 Hommes 12,3 6 21,7 23,3 16,5 20,3

Source : Insee, Enquête emploi en 2007

N’en déplaise aux habitués du « bac donné à tous », 30,9% des femmes et 40% des hommes nés entre 1973 et 1982 n’ont pas le baccalauréat (c’est dire le succès des « 80% au bac »). Et sur ceux qui l’auront, une minorité (5% du total d’une génération) iront en classes

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préparatoires (soit environ 75 000 personnes sur environ 800 000 qui atteignent l’âge du baccalauréat).

Les filières par catégories professionnelles

Le système d’enseignement supérieur français est à deux vitesses, distinguant facultés et classes préparatoires, une exception que le reste du monde ne s’arrache pas. Et dans la première classe que sont les prépas, les places sont peu nombreuses, et leur public peu représentatif de la population : la part des enfants de cadres y est 3,4 fois supérieure à ce qu’elle est en 6ème. Les enquêtes PISA ont constaté que les élèves, même modestes, qui fréquentaient les établissements comportant également des élèves de milieux aisés réussissaient davantage. Les stratégies « d’évitement » et de contournement de la carte scolaire bien connues en France sont donc validées, et les inégalités de réseaux et de connivences s’ajoutent aux inégalités économiques.

L'origine sociale des élèves de la 6ème aux classes préparatoires. Unité : %

Elèves de 6ème en 1995

Tous bacheliers en 2001

Bacheliers généraux en 2001

Bacheliers généraux avec

mention en 2001

Inscrits en classe

préparatoire en 2002

Ouvriers, inactifs* 38 29 19 15 9

Employés 18 16 14 11 7

Agriculteurs, artisans, commerçants

11 11 10 9 9

Professions intermédiaires

17 21 24 23 20

Cadres, professions libérales et intellectuelles supérieures

16 23 33 42 55

TOTAL 100 100 100 100 100

Source : Ministère de l'éducation nationale, suivi après le baccalauréat des élèves entrés en sixième en 1995

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La santé et les inégalités face à la mort Par Pablito Waal

Les inégalités selon la région et la profession

Rappel : L’espérance de vie est la durée moyenne qu’il reste à vivre à une personne, si elle subit, chaque année, les mêmes probabilités de mourir que celles calculées par les instituts démographiques pour les générations précédentes. Elle peut se calculer à la naissance, ou à d’autres âges. L’espérance de vie en bonne santé mesure le temps moyen qu’il reste à vivre à une personne sans qu’elle ait d’incapacité lourde dans sa vie quotidienne. Le système de santé français fut classé par l’Organisation Mondiale de la Santé comme étant le meilleur au monde… selon un panachage bien particulier de critères. Mais sur chacun d’entre eux (l’accès à du matériel de pointe, les inégalités dans l’accès aux soins et dans l’état de santé), la France n’est pas en tête. Et de loin pour ce qui est des inégalités sociales. Certains chiffres sont devenus des classiques : ainsi, un cadre de 35 ans a en général 46 années à vivre, contre 40 pour un ouvrier du même âge. La mortalité des travailleurs manuels, entre 18 et 50 ans, est aussi supérieure de 71% à celle des travailleurs non manuels. Chez les femmes, les inégalités d’espérance de vie sont plus réduites, mais sensibles (de 48 à 50 ans entre une ouvrière et une cadre). Les causes sont multiples et ne peuvent être réduites à la seule charge des conditions de travail. Et pourtant il y a matière à expliquer l’état de santé des ouvriers : contrairement aux idées reçues, le travail manuel pénible, à la chaine, soumis à des contraintes de bruits récurrents, est loin de disparaître en France. Ce sont même 15% des salariés qui en sont concernés dans les années 2000, contre 10% dans les années 90. Parmi les ouvriers, cette proportion monte à 39%. (Sources : Observatoire des Inégalités) Mais le travail n’est pas seul en cause : souvent, on enregistre une plus faible espérance de vie chez les conjoint-e-s d’ouvriers, même lorsqu’ils / elles ne sont pas ouvrier-e-s eux-mêmes, et plus encore lorsqu’ils sont sans emploi. De plus, les inactifs, surtout masculins, sont ceux qui, à 35 ans, ont l’espérance de vie la plus faible. Le mal est donc plus profond que le poids des conditions de travail, et implique l’ensemble des attitudes face à la santé. Un niveau de stress plus élevé dû à des conditions financières précaires, un recours plus fréquent au tabagisme, à l’alcoolisme, un taux de suicide plus

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élevé, une moindre connaissance des règles de nutrition et une plus forte fréquence de l’obésité parmi les enfants de pauvres, sont aussi des facteurs de réduction de la vie.

Les espérances de vie à 35 ans en France, au début des années 2000

Catégorie professionnelle

Espérance de vie

totale à 35 ans

(Hommes)

Espérance de vie

totale à 35 ans

(Femmes)

Espérance de vie sans incapacité (Hommes)

Espérance de vie sans incapacité (Femmes)

Espérance de vie avec

incapacité (Hommes)

Espérance de vie avec

incapacité (Femmes)

Cadres supérieurs

46,6 50,9 34 35,4 12,6 15,5

Professions intermédiaires

44,8 49,8 30,8 32,1 14 17,7

Agriculteurs exploitants

45,3 50,1 29 29,4 16,3 20,7

Indépendants 44,4 50,1 30,1 31,7 14,3 18,4

Employés 42,1 49,4 28,4 28,9 13,7 20,5

Ouvriers 40,9 48,6 24,4 26,8 16,5 21,8

Inactifs 30,4 46,7 10,5 25,5 19,9 21,2

Total 42,8 48,8 27,7 28,8 15,1 20

Source: échantillon démographique permanent, INED, décès survenus entre 1999 et 2003

Note : les « professions intermédiaires » regroupent des métiers qu’on ne peut incorporer ni dans les ouvriers, employés, ni dans celles d’encadrement ou de professorat supérieur : instituteurs, infirmières, travailleurs sociaux… Les inégalités géographiques Ces disparités se retrouvent aussi sur la carte de France des espérances de vie par région, qui reflète en partie leur composition sociale, mais aussi des différences de modes de vie : le Nord-Pas-de-Calais, et plus relativement la Lorraine et la Picardie, accusent les mortalités les plus précoces (celle du pays des ch’tis ressemblant à celle d’une démocratie populaire, avec 70 ans pour les hommes). Et à l’opposé, là où l’on vit le plus vieux, on trouve des

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régions à forte population de cadres (Ile-de-France, Rhône-Alpes), mais aussi PACA et le Midi-Pyrénées. A ce sujet, on peut accuser une répartition inégale des effectifs médicaux et infirmiers sur le territoire, les confrères d’Hippocrate préférant soit s’installer en Ile-de-France, soit au sud de la ligne Bordeaux-Lyon ; les effectifs infirmiers se retrouvent également plus souvent dans le Sud, voire dans l’Est, que dans la moitié Nord-Ouest (exception faite de la Bretagne, si l’on en croit l’Observatoire des inégalités). Des différences d’effectifs qui se recoupent avec une dotation et une activité inégale des hôpitaux, favorisant l’Ile de France, le Sud-Est ou l’Alsace, moins les régions de l’Ouest.

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Logement, mal-logement et non-logement Par Pablito Waal

Statistiques globales sur le logement

Nombre en 2010 Résidences principales 28 019

Logements vacants 2 121 Résidences secondaires 3 196

Ensemble 33 336 Nombre de ménages (2007) 26 352

Source : INSEE

La France compte toujours davantage de logements que de ménages, la différence venant principalement des résidences secondaires et des logements vacants. Ceux-ci, qui peuvent être publics comme privés, ne sont pas nécessairement des logements prêts à l’emploi. Parmi eux, on trouve des logements en attente de vente ou d’emménagement, mais aussi des logements vétustes et impropres à l’habitat. Il faut cependant savoir que les besoins de logement n’évoluent pas qu’avec la croissance de la population (relativement limitée) mais aussi avec la progression du nombre de ménages en raison de leur réduction en taille (2,3 personnes par ménages entre 1999 et 2004, 2,25 pour les années suivantes). Face à cela, les constructions, qui étaient tombées à un nadir en 2002 (312 000 construits, le chiffre le plus bas de l’après-guerre avant 2009), à comparer au demi-million annuel des années 70, sont remontées à 430 000 en 2007….Avant de s’effondrer sous le coup de la crise : 305 000 seulement en 2009. Le non-logement et mal-logement en France Rappel : Les individus du ménage sont considérés comme vivants dans une situation de surpeuplement si le logement dans lequel ils vivent ne comporte pas un nombre minimal de pièces comprenant une pièce pour le ménage, une pièce pour chaque couple, une pièce pour les célibataires de 18

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ans et plus, et selon les cas une pièce pour deux personnes du même sexe si elles ont entre 12 et 17 ans, une pièce par personne de sexe différent entre 12 et 17 ans, une pièce pour deux personnes de moins de 12 ans. En 2010, le rapport de la Fondation Abbé Pierre aboutit au nombre de 3,3 millions de personnes non ou mal logées, dont environ 100 000 sans domicile fixe (nombre minimal selon la Fondation), 500 000 personnes logées en hôtel, centre d’hébergement, habitat mobile ou temporaire, et deux millions de personnes dans des conditions de logement très vétustes ou en surpeuplement. A cela, s’ajoutent 6,6 millions de personnes en situation de logement fragile, parmi lesquels 1,4 millions en situation d’impayés, 3,5 millions en surpeuplement, et 800 000 vivant chez d’autres personnes. L’inégalité revue après les dépenses de logement

Décile de revenus par unité de consommation

Taux d'effort moyen net des

aides 2006

1er décile 21,5% 2ème décile 17,5% 3ème décile 20,2% 4ème décile 20,0% 5ème décile 19,3% 6ème décile 18,2% 7ème décile 16,8% 8ème décile 15,2% 9ème décile 15,0% 10ème décile 13,0% Ensemble 17,9% Rapport interdécile 1,7

Dans notre description précédente des inégalités de revenus, nous n’abordions pas la notion des coûts fixes supportés par les ménages. Or ceux-ci creusent encore plus les inégalités. Ainsi, le revenu des 10% de résidents vivant dans les ménages les plus pauvres, au lieu de 7 790 euros en 2006,

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n’est que de 6 100 euros si on y ôte l’effort consacré au logement (loyers et charges des emprunts rapporté au revenu)…soit un taux d’effort de 21% contre 13% pour les 10% de résidents vivant dans les ménages les plus riches…Et ce alors que l’effort de logement permet une bien moindre surface (cf. à droite) pour les ouvriers que pour les cadres supérieurs et professions libérales (les agriculteurs bénéficiant des prix plus bas en zones rurales). De plus, le surpeuplement du logement concerne 2% des ménages du décile le plus riche en 2006, contre 23% de ceux du décile le plus pauvre (INSEE). Le taux de 21% pour les ménages les plus pauvres peut paraître bas à ceux qui consacrent la moitié de leurs revenus à leur loyer, mais il intègre les ménages propriétaires ayant payé leurs emprunts…Or, selon la Fondation Abbé Pierre, 40% des ménages les plus pauvres sont propriétaires, contre trois quarts des plus riches… Une fois déduit l’effort de logement, le rapport de niveau de vie moyen entre les deux déciles extrêmes, en 2006, n’était plus de 6,6, mais de 7,4 !

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Que faire ? Par Pablito Waal

Parmi les sujets abordés dans ce numéro, Socialisme & Souveraineté a

choisi d’en traiter l’essentiel sous la question des revenus. C’est notamment le cas pour le logement, même si des interventions publiques (davantage de construction de logements sociaux, tels que réclamées par la Fondation Abbé Pierre) ou un changement du fonctionnement du marché du logement sont toujours souhaitables. La santé et l’éducation sont traitées à part. Nous vous invitons à consulter notre site www.socialisme-et-souverainete.fr pour connaître nos propositions générales que nous mettrons en ligne dans les mois à venir. Comment réduire les inégalités de revenus ?

Socialisme & Souveraineté propose sur son site un modèle économique alternatif au capitalisme (www.socialisme-et-souverainete.fr , catégorie « Sortir du capitalisme » du site) qui permet à un pouvoir démocratique de réguler les inégalités de revenus entre individus. En attendant sa mise en pratique, nos principaux leviers d’actions restent le fisc et les prestations sociales. Or, dans son état actuel en France, ces deux leviers souffrent des lacunes suivantes :

• Les prestations sociales ne sont pas dans leur principe redistributives : ni les retraites, ni les dépenses d’assurance-maladie (soit 70% du budget de la Sécurité Sociale) ne visent à réduire la pauvreté. Les retraites favorisent ceux qui vivent le plus vieux et qui ont les salaires les plus élevés. Et c’est justement dans les âges les plus élevés de la vie que les remboursements de l’assurance-maladie sont les plus importants. Si les remboursements de soins solvabilisent les ménages pauvres, ils profitent également aux ménages aisés vivant vieux. Les dispositifs désignant spécifiquement la pauvreté, tels que feu le RMI, ne représentent qu’un faible pourcentage de la protection sociale. Accusé d’inciter ses bénéficiaires à ne pas prendre de travail, le RMI fut remplacé par un dispositif censé inciter et préparer à la reprise d’activité professionnelle, le RSA (Revenu de Solidarité Active). Plus généralement, c’est la complexité des aides censées résorber la pauvreté qui fut dénoncée ;

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• La fiscalité française n’est que très partiellement redistributive. Hormis les mesures d’exonérations de cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,5 SMIC, les cotisations sociales sont globalement appliquées à des taux comparables sur l’ensemble des professions. Quant à la TVA, elle est par définition insensible aux situations personnelles, tout comme la fiscalité pétrolière.

Pour remédier à cela, on s’orienterait vers un système généralement simplifié tant du côté de la fiscalité et des prestations :

• D’abord, concernant la réduction de la pauvreté, fusionner RSA, minima vieillesse, allocations-chômage, pour adultes handicapés et familiales au profit d’un revenu unique d’existence de montant variable en fonction de la situation sociale de l’individu : plus le nombre d’enfants est élevé, plus ce revenu est majoré, et il l’est également si l’individu est handicapé ou s’il est sans emploi. Mais tous les citoyens le touchent, avec un minimum de quelques centaines d’euros mensuels, sécurisant le paiement d’un loyer minimal et de soins élémentaires ;

• Réduire l’ensemble de la fiscalité française à six impôts : la TVA, la TIPP, l’impôt sur les sociétés, un impôt sur le patrimoine, un seul impôt local à plusieurs étages (départemental, municipal et régional),… et un impôt massif sur le revenu intégrant les anciennes cotisations sociales et la cotisation sociale généralisée (CSG) et collectant au moins 20% du PIB, finançant ainsi une partie des dépenses de l’Etat et la majorité de celles de la Sécurité Sociale, ainsi que le revenu d’existence annoncé plus haut. Ce qui permettra de rendre la fiscalité française plus progressive.

Comment réduire les inégalités scolaires et sanitaires ?

Les enquêtes PISA ont disqualifié les politiques visant à orienter tôt les élèves, et constaté de meilleurs résultats dans les pays où le système scolaire reste à tronc commun, avec des établissements homogènes. Mais ces enquêtes cassent aussi l’impératif de la réduction des effectifs par classe, désignant plutôt comme facteurs de réussite une meilleure rémunération des enseignants, attirant des étudiants plus doués vers ce métier, et un soutien individualisé massif aux élèves en difficulté. Il faut donc :

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• Des enseignants mieux payés et formés, pas forcément plus nombreux ;

• Un système scolaire à tronc commun, avec un soutien scolaire généralisé. Et pour cela, former des enseignants spécialistes, mais aussi bénéficier du travail des étudiants faisant du soutien, soit en travail rémunéré, soit en travail validé par des enseignants professionnels et susceptibles de fournir des points supplémentaires sur les notes des étudiants dans diverses filières (étudiants préparant le CAPES, mais aussi tous étudiants de sciences humaines, sciences, lettres…).

Les inégalités sociales de santé en France ne dépendent pas que des revenus, même si le recours à la privation de soin auto-infligée, trop présente en France, doit se traiter prioritairement par la réduction des inégalités de niveaux de vie. Mais c’et aussi par un développement de la prévention sanitaire que la France peut réduire les inégalités de santé sans faire exploser ses coûts sanitaires. Les pays scandinaves, avec une population aussi âgée que la nôtre et une espérance de vie comparable, l’ont déjà mis en pratique, par exemple avec des soins bucco-dentaires obligatoires et gratuits à l’école en Finlande...