Comparaisons et chômage de longue durée...

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Comparaisons et chômage de longue durée 1 1 2 3 Comparaisons sociales et temporelles, estime de soi et activité de recherche demploi en 4 situation de chômage de longue durée. 5 6 Sophie Brunot* & Jacques Juhel** 7 8 9 10 Titre courant : Comparaisons et chômage de longue durée 11 12 13 * Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LAUREPS, Place du Recteur Henri Le Moal, CS 14 24307, 35043 Rennes Cedex- France 15 Tél. +33 (0)2 99 14 19 76 16 Courriel : [email protected] 17 18 ** Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LPE 19 20 21 22 Remerciements : Nous remercions Karine Mériau et Mélanie Bagas pour leur participation 23 active à la construction de létude et à sa passation ainsi que les demandeurs demploi qui ont 24 bien voulu y prendre part. 25

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Comparaisons sociales et temporelles, estime de soi et activité de recherche d’emploi en 4

situation de chômage de longue durée. 5

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Sophie Brunot* & Jacques Juhel** 7

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Titre courant : Comparaisons et chômage de longue durée 11

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* Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LAUREPS, Place du Recteur Henri Le Moal, CS 14

24307, 35043 Rennes Cedex- France 15

Tél. +33 (0)2 99 14 19 76 16

Courriel : [email protected] 17

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** Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LPE 19

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Remerciements : Nous remercions Karine Mériau et Mélanie Bagas pour leur participation 23

active à la construction de l’étude et à sa passation ainsi que les demandeurs d’emploi qui ont 24

bien voulu y prendre part. 25

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Résumé 27

Cette étude concerne le rôle des comparaisons temporelles à soi et des comparaisons sociales 28

dans la régulation de l’estime de soi et des comportements de recherche d’emploi chez 85 29

personnes sans travail depuis au moins un an. Les résultats, basés sur la modélisation 30

d’équations structurelles par l’approche des moindres carrés partiels, révèlent d’une part, que 31

la fréquence des comparaisons sociales ascendantes aux personnes actives contribue 32

négativement à l’estime de soi des participants. Ils indiquent, d’autre part, que l’estime de soi 33

et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont d’autant plus élevés que la 34

fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur est grande. En revanche, les 35

fréquences des comparaisons sociales (ascendantes et descendantes) à l’endogroupe des 36

chômeurs ne prédisent ni l’estime de soi, ni les comportements de recherche d’emploi des 37

participants. Ces résultats sont notamment discutés au regard de ceux obtenus auprès d’autres 38

populations désavantagées. 39

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Social and temporal comparisons, self-esteem, and job-search activity among long-term 42

unemployed people 43

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Abstract 45

This study concerns the role of temporal-self and social comparisons in self-esteem regulation 46

and job-search activity among 85 persons unemployed for up to one year. Four types of 47

comparisons were operationalized : social comparisons with the ingroup (unemployed 48

people), and with an outgroup (workers), temporal-past and temporal-future comparisons. 49

Participants completed a questionnaire assessing the frequency of each type of comparison 50

according to its direction (upward versus downward) and responded to the Rosenberg Self-51

esteem Inventory and questions about job-search behaviors. Results, based on the Partial 52

Least Squares approach to Structural Equation Modeling, revealed that upward social 53

comparisons with the outgroup negatively contributed to participants self-esteem. Results also 54

showed that upward temporal-future comparisons was related to high levels of self-esteem 55

and job-search activity. By contrast, social comparisons with the ingroup (whatever their 56

direction) predicted neither self-esteem nor job-search activity. These findings are notably 57

discussed in the light of previous results concerning other disadvantaged groups. 58

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Depuis le milieu des années 70, le chômage est devenu un problème chronique de la 60

société française. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que durant ces dernières 61

années près de 40%1 des demandeurs d’emploi entrent dans la catégorie des chômeurs de 62

longue durée, qui regroupe les travailleurs privés d’emploi depuis au moins un an. Or, la 63

situation de ces chômeurs est particulièrement critique car elle concerne des personnes, qui 64

non seulement sont privées d’emploi depuis longtemps mais qui ont aussi moins de chance 65

que les autres d’en recouvrir un (voir Demazière, 1995, p.76-77, pour une revue). Ainsi 66

comme le souligne Demazière (2003), « à partir d’un certain seuil d’ancienneté de chômage, 67

évalué en termes probabilistes et fixé conventionnellement à douze mois, des difficultés 68

particulières et supplémentaires (dégradation des conditions d’existence, troubles des 69

comportements, problèmes psychologiques, réticences des employeurs…) émergent, qui 70

entravent l’accès à l’emploi. » (p. 226). Le chômage de longue durée présente donc un 71

caractère particulièrement pernicieux en générant notamment des conséquences 72

psychologiques qui accroissent la probabilité de sa pérennisation. 73

Dans ce sens, plusieurs méta-analyses concernant la question de l’impact 74

psychologique du chômage (McKee-Ryan, Song, Wanberg & Kinicki, 2005 ; Murphy & 75

Athanasou, 1999 ; Paul & Moser, 2009) donnent des résultats sans équivoque. La plus 76

récente d’entre elles, pour n’en citer qu’une, a été conduite par Paul et Moser (2009) sur 237 77

études transversales et 87 études longitudinales. Elle révèle un impact du chômage sur un 78

grand nombre d’indicateurs de la santé mentale (e.g., dépression, anxiété, symptômes psycho-79

somatiques, bien-être subjectif, estime de soi), cet effet étant particulièrement prononcé chez 80

les chômeurs de longue durée. Dans l’ensemble, les résultats des méta-analyses conduites 81

plaident en faveur du modèle dit « d’exposition » selon lequel le chômage exerce un effet 82

délétère sur la santé mentale, même s’ils n’invalident pas pour autant le modèle dit de 83

1 INSEE, enquêtes emploi du 1

er semestre 2003 au 4

ème semestre 2008.

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« sélection » qui fait l’hypothèse d’un impact négatif de la détresse psychologique sur la 84

probabilité de retrouver un emploi. On peut toutefois souligner à l’instar d’Herman (2007) 85

que les effets du chômage sur la santé mentale apparaissent plus puissants que ceux de la 86

santé mentale sur la persistance du chômage. 87

Dans le même temps, ces études méta-analytiques amènent à souligner que l’impact 88

psychologique du chômage est modulé par un grand nombre de variables (par exemple, le 89

genre, la catégorie socioprofessionnelle, l’importance accordée au travail, les ressources 90

personnelles et sociales) et peut donc varier de façon importante d’une personne à l’autre. 91

Sans entrer dans une analyse fine de ces différences interindividuelles, on peut suggérer 92

qu’elles sont en lien avec la façon dont la situation de chômage est perçue et interprétée 93

(Bourguignon & Herman, 2007 ; Cascino & Le Blanc, 1993 ; McKee-Ryan, Song, Wanberg 94

& Kinicki, 2005). Dans ce cadre, les processus comparatifs mis en œuvre par l’individu sont 95

susceptibles de jouer un rôle déterminant. Ainsi, comme le soulignent Dif, Guimond, 96

Martinot, et Redersdorff (2001) en faisant référence à la théorie de la privation relative 97

(Runciman, 1966), ce n’est pas tant le statut objectif d’une personne qui détermine ses 98

réactions psychologiques à la situation, mais ce sont les comparaisons qu’elle établit avec les 99

autres ou elle-même au cours du temps. Ce sont de telles comparaisons qui suscitent chez 100

l’individu des sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction, de justice ou d’injustice, et qui 101

peuvent de ce fait affecter sa santé mentale et notamment son bien-être et l’estime qu’il se 102

porte (Walker, 1999). Dans le même temps, les processus comparatifs peuvent traduire et 103

conditionner les objectifs que se fixe l’individu et par conséquent avoir une répercussion sur 104

les actions qu’il met en œuvre face à la précarité de sa situation (Blanton, Buunk, Gibbons, & 105

Kuiper, 1999 ; Seta, 1982). 106

Un double objectif pilote donc l’étude présentée ici. D’une part, il s’agit d’examiner 107

chez des chômeurs de longue durée les relations qu’entretiennent les processus comparatifs 108

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déployés avec un des indicateurs du bien-être parmi les plus souvent opérationnalisés dans les 109

études sur les effets du chômage : l’estime de soi (Sheeran & Abraham, 1994 ; Waters, 2000 ; 110

Waters & Moore, 2002 ; Winefield, Tiggeman, & Winefield, 1992). D’autre part, on 111

s’intéressera aux relations entre les comparaisons effectuées et les activités mises en œuvre 112

pour retrouver un emploi. 113

Impact des comparaisons sociales et temporelles sur l’estime de soi 114

Deux grandes catégories d’évaluations comparatives sont susceptibles de contribuer à 115

la valeur globale qu’un individu s’accorde, en d’autres termes à l’estime de soi : celles 116

mettant en jeu des comparaisons sociales (i.e., comparaisons à autrui) et celles liées à des 117

comparaisons à soi-même dans le temps (Festinger, 1954; Albert, 1977; Wilson & Ross, 118

2000 ; Zell & Alicke, 2009). Considérons tour à tour ces deux types de comparaisons pour 119

envisager leur rôle dans la régulation de l’estime de soi des demandeurs d’emploi. 120

Il existe plusieurs formes de comparaisons sociales selon le statut individuel ou 121

groupal des éléments de la comparaison. Dans le présent travail, seules seront appréhendées 122

les comparaisons sociales « soi/endogroupe » (individu qui se compare aux autres chômeurs) 123

et « soi/exogroupe » (individu qui se compare aux travailleurs). Selon Crocker et Major 124

(1989), les membres des groupes socialement désavantagés encore dits stigmatisés 125

privilégieraient les comparaisons à l’endogroupe et éviteraient ou considéreraient comme non 126

pertinentes les comparaisons aux membres d’exogroupes plus favorisés. Une telle stratégie 127

leur permettrait de protéger une estime de soi menacée par la position peu enviable de leur 128

groupe (Hackmiller, 1966). S’il ne fait nul doute que les chômeurs constituent un groupe 129

stigmatisé (voir pour une démonstration Bourguignon & Herman, 2007), sont-ils pour autant 130

en mesure d’utiliser une telle stratégie ? Deux raisons amènent à en douter. La première tient 131

à l’absence de visibilité du stigmate de non-emploi. Bourguignon et Herman soulignent en 132

outre que les chômeurs passent souvent sous silence leur statut et vont même parfois jusqu’à 133

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le dissimuler (Hayes & Nutman, 1981). De ce fait, ils ont peu d’opportunités de rencontrer 134

d’autres chômeurs, ce qui limite leurs possibilités d’établir des comparaisons protectrices de 135

l’estime de soi au sein de l’endogroupe. En d’autres termes, l’absence de visibilité du stigmate 136

de non-emploi en contrevenant au regroupement des chômeurs ne permet pas de faire naître 137

une forte identification à ce groupe qui dès lors ne peut être utilisé comme ressource face à la 138

situation de chômage (Dupont, 2003 ; Croizet & Martinot, 2003). 139

La seconde raison tient au fait qu’il paraît difficile pour des chômeurs de longue durée, 140

d’éviter les comparaisons à l’exogroupe des travailleurs tant les occasions de contact avec des 141

personnes actives sont fréquentes. On peut toutefois suggérer qu’il reste aux chômeurs la 142

possibilité de s’en protéger en considérant ces comparaisons comme non pertinentes, c’est-à-143

dire comme peu susceptibles de leur fournir des informations sur eux-mêmes. Dans ce sens, 144

une étude expérimentale conduite par Major, Sciacchitano, et Crocker (1993) montre que 145

l’estime de soi de participants de sexe masculin n’est pas affectée par une comparaison 146

défavorable avec un membre d’un exogroupe alors qu’elle pâtit d’une telle comparaison 147

lorsque la cible est un membre de l’endogroupe. Les comparaisons défavorables aux membres 148

d’exogroupe pourraient donc ne pas être prises en compte. Toutefois des travaux ultérieurs 149

amènent à reconsidérer cette hypothèse. Ainsi, selon Martinot et Redersdorff (2006), la 150

stratégie qui consiste à déconsidérer les comparaisons défavorables avec l’exogroupe serait 151

l’apanage des membres des groupes dominants. Les membres des groupes dominés seraient 152

en revanche dans l’incapacité d’ignorer de telles comparaisons. La série d’études conduites 153

par ces chercheuses révèle ainsi que l’estime de soi des femmes pâtit lourdement d’une 154

comparaison défavorable à l’exogroupe des hommes (Martinot & Redersdorff, 2002 ; 155

Martinot, Redersdorff, Guimond, & Dif, 2002). En outre, ces travaux indiquent que cet effet 156

négatif de la comparaison aux hommes apparaît uniquement lorsque les femmes sont 157

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maintenues dans leur statut de groupe dominé (Martinot et al., 2002, expérience 2) et disparaît 158

dès lors qu’elles sont expérimentalement placées en position de groupe dominant. 159

Dans notre société où le travail et l’argent sont des valeurs importantes, il semble peu 160

probable que les personnes privées d’emploi soient en mesure de ne plus prendre en compte 161

les comparaisons avec les personnes qui ont la chance d’en posséder un. On peut donc 162

s’attendre à ce que les chômeurs en raison du statut défavorisé de leur groupe ne soient pas à 163

même de protéger leur estime de soi face aux comparaisons défavorables auxquelles ils se 164

trouvent nécessairement confrontés en présence de personnes actives. Si l’ensemble de notre 165

raisonnement est exact, les comparaisons aux personnes actives (exogroupe) devraient exercer 166

un impact sur l’estime de soi des chômeurs tandis que les comparaisons aux autres chômeurs 167

(endogroupe) devraient, de par leur faible fréquence, être sans effet. 168

Parallèlement aux évaluations comparatives établies en référence aux autres, les 169

personnes en situation de chômage de longue durée peuvent aussi avoir recours à des 170

évaluations comparatives faisant référence à elles-mêmes au cours du temps. Si les 171

comparaisons sociales ont été très fréquemment prises pour objet d’étude depuis la 172

théorisation princeps de Festinger (1954), l’intérêt pour les comparaisons temporelles à soi est 173

beaucoup plus récent et plus limité en dépit d’un premier travail de conceptualisation proposé 174

par Albert dès 1977 (Redersdorff & Guimond, 2006). Ces comparaisons qui mettent en 175

relation le soi présent avec un soi passé ou futur semblent pourtant être au moins aussi 176

fréquemment utilisées que les comparaisons sociales si l’on en croit les quelques travaux 177

conduits sur la question (p. ex., Summerville & Roese, 2008 ; Wayment & Taylor, 1995; 178

Wilson & Ross, 2000). 179

Selon Albert (1977), la fonction fondamentale des comparaisons temporelles réside 180

dans l’établissement et le maintien d’un sentiment de cohérence et d’identité de soi à travers 181

le temps. Ces comparaisons seraient, de ce fait, particulièrement utilisées dans des périodes de 182

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changements mais aussi lors de périodes négatives au cours desquelles la valeur que 183

l’individu s’accorde est remise en cause. On peut donc supposer qu’elles présentent une 184

pertinence forte pour les demandeurs d’emploi. Dans ce sens, Sheeran, Abrams et Orbell 185

(1995) notent, en s’appuyant sur les résultats d’études de cas et d’entretiens, que les 186

comparaisons temporelles au passé pourraient être particulièrement importantes pour 187

déterminer l’ajustement psychologique des personnes face à la perte d’emploi. Ces mêmes 188

auteurs ont d’ailleurs montré que l’estime de soi de demandeurs d’emploi était d’autant plus 189

faible qu’ils percevaient un écart important entre les caractéristiques de leur Soi actuel et 190

celles de leur Soi passé de personne active. Ces chercheurs n’ont pas pris en compte la 191

direction de l’écart, mais il est probable que la relation négative avec l’estime de soi résulte de 192

comparaisons temporelles passées défavorables. Ainsi peut-on supposer que plus les 193

chômeurs de longue durée compareront défavorablement leur situation présente à leur passé 194

d’actif, plus ils présenteront une estime de soi affaiblie. A l’inverse, envisager un avenir plus 195

positif que le présent, autrement dit recourir à des comparaisons au futur dénotant une 196

amélioration à venir, pourrait permettre au chômeur d’éprouver par anticipation un sentiment 197

de satisfaction allant de pair avec une élévation de l’estime de soi (Redersdorff & Guimond, 198

2006). A l’appui d’une telle hypothèse, une étude de Creed et Klisch (2005) conduite sur 239 199

demandeurs d’emploi démontre que les perspectives futures des participants prédisent leur 200

bien-être psychologique, ce dernier étant d’autant plus élevé que les perspectives d’avenir 201

sont positives. Les résultats de cette étude appuient en outre le modèle de la restriction de 202

l’action personnelle (Fryer, 1986 ; Fryer & Payne, 1986) selon lequel le chômage affecterait 203

le bien-être de l’individu en réduisant ses possibilités de planification de l’avenir notamment 204

en raison des tensions financières qu’il génère. Par ailleurs, dans un tout autre domaine, Dif, 205

Guimond, Martinot et al. (2001) ont montré que les comparaisons temporelles au futur 206

permettaient de prédire l’estime de soi chez des étudiants souffrant d’un handicap. Notons que 207

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ces derniers présentaient, en dépit de leur situation désavantageuse, un niveau d’estime de soi 208

plus élevé que celui d’étudiants valides, effet en partie imputable à l’usage par les étudiants 209

handicapés de comparaisons au futur favorables (autrement dit de comparaisons traduisant 210

une évolution positive de leur situation personnelle). On peut donc supposer que l’estime de 211

soi des demandeurs d’emploi sera d’autant moins affectée par la situation de chômage qu’ils 212

seront en mesure d’imaginer un avenir plus favorable que le présent. 213

Impact des comparaisons sur l’activité de recherche d’emploi 214

Si les comparaisons participent à l’évaluation et à la valorisation de soi et constituent 215

par là-même des déterminants majeurs de l’estime de soi individuelle, elles peuvent 216

également exercer un impact sur les actions que l’individu engage face à une situation donnée. 217

De nombreux travaux suggèrent ainsi que les individus utilisent les comparaisons à mieux loti 218

qu’eux-mêmes dans le but d’améliorer leur situation (Collins, 1996 ; Blanton et al., 1999 ; 219

Huguet, Dumas, Monteil, & Genestoux, 2001 ; Testa & Major, 1990 ; Ybema & Buunk, 220

1995). De telles comparaisons favoriseraient la progression individuelle par le biais de 221

plusieurs processus. L’observation de la cible de comparaison permettrait d’apprendre quels 222

sont les comportements appropriés pour progresser dans le domaine de comparaison 223

(Bandura, 1976). En outre, ces comparaisons génèreraient une augmentation du sentiment 224

d’efficacité dans le domaine en question, à condition toutefois que la personne cible de la 225

comparaison soit perçue comme suffisamment similaire à soi (« si un tel qui me ressemble est 226

capable de bien réussir, je dois pouvoir faire de même ») (Schunk, Hanson, & Cox, 1987). 227

Enfin, se comparer à meilleur ou plus favorisé que soi pourrait exercer un impact 228

motivationnel en amenant les individus à revoir à la hausse leurs aspirations et leurs buts 229

(Lockwood & Kunda, 1997). Dans le cas des chômeurs de longue durée, les comparaisons 230

sociales à des personnes qui travaillent et qui sont considérées comme mieux loties que soi 231

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devraient donc, de par leurs impacts informationnel, conatif et motivationnel, susciter la mise 232

en œuvre d’activités de recherche d’emploi. 233

Par ailleurs, les travaux sur les comparaisons temporelles suggèrent que la 234

comparaison au futur, et plus précisément le fait d’imaginer un futur plus favorable que le 235

présent, constitue également une forme de comparaison particulièrement utilisée par les 236

individus dont l’objectif est l’amélioration de soi (Wayment & Taylor, 1995). Ainsi, selon 237

Albert (1977), la comparaison au futur permettrait à l’individu de planifier son comportement 238

futur de façon à sortir d’une situation défavorable. Dans le même sens, pour Markus et Nurius 239

(1986), le fait d’envisager des « soi possibles » positifs (et donc le fait d’espérer un futur 240

positif) dans un domaine permettrait à l’individu d’orienter et d’organiser ses activités pour 241

réaliser les « sois possibles » envisagés. Des résultats empiriques obtenus ultérieurement par 242

Ruvolo et Markus (1992) confortent cette hypothèse en montrant que le fait d’imaginer sa 243

réussite future sur une tâche favorise la persistance et l’effort déployés pour la réaliser. On 244

peut donc s’attendre à ce que l’activité de recherche d’emploi soit d’autant plus intense que la 245

personne au chômage projette une situation future plus favorable que la situation présente. 246

Ajoutons enfin que cet effet attendu de la comparaison au futur sur l’activité de 247

recherche d’emploi pourrait également être partiellement médiatisé par l’estime de soi. 248

D’après une méta-analyse réalisée par Kanfer, Wanberg, et Kantrowitz (2001), il semblerait 249

en effet que l’estime de soi exerce un impact positif sur l’intensité de l’activité de recherche 250

d’emploi. Ces chercheurs expliquent cette relation par le fait qu’une estime de soi élevée 251

favoriserait la persistance de l’individu lorsqu’il est face à une tâche difficile à laquelle il 252

accorde de l’importance et de la valeur. De ce fait, Herman (2007) propose de modéliser les 253

effets du chômage de la manière suivante : la perte d’emploi pourrait être source d’inquiétude 254

par rapport à l’avenir (plus de comparaisons au futur défavorables et moins de comparaisons 255

favorables), et agirait par ce biais négativement sur la santé mentale de l’individu (dont 256

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l’estime de soi constitue l’un des indicateurs) ce qui pourrait réduire la capacité des chômeurs 257

à rechercher activement un emploi. 258

Hypothèses 259

Dans l’étude présentée ci-dessous, l’estime de soi, les fréquences respectives des 260

comparaisons sociales (endogroupe et exogroupe) et des comparaisons temporelles à soi (au 261

passé et au futur) et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont mesurés sur 262

un échantillon de demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an. Plus précisément, 263

les fréquences de chaque type de comparaison sont estimées par les participants en fonction 264

de leur direction, descendante ou ascendante. La direction « ascendante » renvoie aux 265

comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus défavorable que la 266

situation de la cible de la comparaison (les autres chômeurs, les travailleurs, soi-même avant 267

le chômage ou soi-même dans l’avenir). A l’inverse, la direction « descendante » concerne les 268

comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus favorable que la 269

situation de la cible de la comparaison. 270

Au regard des justifications théoriques précédentes, il est supposé que les fréquences 271

des comparaisons sociales à l’endogroupe (qu’elles soient ascendantes ou descendantes) 272

n’exerceront pas d’impact sur l’estime de soi des chômeurs alors que les fréquences des 273

comparaisons à l’exogroupe en seront des prédicteurs significatifs. Plus précisément, les 274

comparaisons à l’exogroupe devraient être négativement reliées à l’estime de soi lorsqu’elles 275

sont ascendantes et positivement lorsqu’elles sont descendantes. Une hypothèse similaire est 276

formulée pour les fréquences des comparaisons temporelles au passé (comparaisons à soi-277

même avant le chômage). En revanche, un pattern inverse est attendu pour les fréquences des 278

comparaisons temporelles au futur, dans la mesure où les comparaisons ascendantes dénotent 279

ici la possibilité d’une amélioration future alors que les comparaisons descendantes traduisent 280

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l’idée d’un déclin à venir. Les comparaisons au futur devraient donc contribuer positivement à 281

l’estime de soi lorsqu’elles sont ascendantes et négativement lorsqu’elles sont descendantes. 282

Par ailleurs, on suppose que les fréquences respectives des comparaisons ascendantes 283

à l’exogroupe et au futur seront associées positivement à l’investissement dans la recherche 284

d’emploi. Enfin, nous posons l’hypothèse du rôle partiellement médiateur de l’estime de soi 285

dans la relation entre la fréquence des comparaisons ascendantes au futur et l’activité de 286

recherche d’emploi. 287

METHODE 288

Participants 289

Quatre-vingt cinq demandeurs d’emploi, dont 48 hommes et 37 femmes, ont pris part à 290

cette étude. Ces personnes avaient toute exercé une activité professionnelle et avaient perdu 291

leur emploi depuis au moins 14 mois et au plus 9 ans (M = 3,01 ans, E.T. = 1, 94). Leur âge 292

moyen était de 37,9 ans et variait de 20 à 59 ans. Leur rencontre s’est effectuée soit dans une 293

agence de Pôle Emploi (71 personnes), soit dans une association de demandeurs d’emploi de 294

longue durée (14 personnes). 295

Pour une majorité d’entre eux, ces demandeurs d’emploi étaient peu qualifiés et avaient 296

exercé en tant que simples employés (38,8 %) ou ouvriers (34,1 %). Seuls 7,1 % de la 297

population interrogée renvoyaient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles 298

supérieures alors que 14,1% avaient exercé dans des professions de niveau intermédiaire. Les 299

artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise étaient également peu représentés (5,9 % au 300

total). Le niveau d’étude était dans l’ensemble peu élevé puisque 58,8 % de ces participants 301

n’avaient pas obtenu leur baccalauréat. 302

Procédure 303

Les participants étaient interrogés individuellement et devaient remplir une série de 304

quatre questionnaires. Le premier était destiné à recueillir des informations sur les 305

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Comparaisons et chômage de longue durée

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caractéristiques des demandeurs d’emploi (âge, sexe, niveau d’étude, situation familiale, date 306

d’inscription au chômage, emploi antérieurement occupé, revenu). Le second questionnaire 307

avait été créé pour appréhender la fréquence d’utilisation de différentes formes de 308

comparaisons. L’Inventaire d’Estime de Soi de Rosenberg (1965) constituait le troisième 309

questionnaire. Enfin, une série d’items avait été élaborée pour obtenir des indications sur 310

l’investissement du participant dans la recherche d’emploi. 311

Matériel 312

Fréquence d’utilisation des comparaisons. Le questionnaire correspondant comprenait un 313

total de 30 items présentés dans 4 grandes parties, chacune d’elles renvoyant à un type de 314

comparaison particulier. Les deux premières parties concernaient la fréquence des 315

comparaisons temporelles à soi. La première intitulée « Quand je pense à l’époque où j’avais 316

un emploi stable » était destinée à mesurer la fréquence des comparaisons au passé tandis que 317

la deuxième faisait référence aux comparaisons au futur (« Quand je pense à mon futur »). 318

Dans la troisième partie du questionnaire, on cherchait à appréhender la fréquence des 319

comparaisons sociales à l’endogroupe (« Quand je pense aux autres chômeurs »). Enfin, la 320

dernière partie concernait les comparaisons sociales à l’exogroupe (« Quand je pense aux 321

personnes qui travaillent »). La moitié des items de chaque partie évoquait des comparaisons 322

ascendantes tandis que l’autre moitié faisait référence à des comparaisons descendantes (voir 323

tableau I). Dans chaque partie, les affirmations présentées évoquaient des thèmes comme la 324

vie au travail, le confort de vie (aspect financier), les relations sociales (amis et famille). Par 325

rapport à chacune des affirmations présentées, les demandeurs d’emploi devaient répondre sur 326

une échelle de type Likert en 7 points allant de « jamais » à « très fréquemment » en fonction 327

de la fréquence avec laquelle ils estimaient réaliser la comparaison évoquée. 328

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Comparaisons et chômage de longue durée

15

Insérer ici le tableau I 329

L’estime de soi. L’estime de soi était mesurée à l’aide de l’Inventaire d’Estime de Soi de 330

Rosenberg (1965, traduction française de Vallières & Vallerand, 1990). Cette échelle 331

comporte 10 énoncés dont 5 orientés positivement (p. ex., « Je suis quelqu’un de bien, du 332

moins aussi bien que n’importe qui » et 5 orientés négativement (p. ex., « Parfois, je me sens 333

vraiment inutile »). Les participants devaient répondre à chaque item sur une échelle en 7 334

points allant de « pas du tout d’accord » (1) à « tout à fait d’accord » (7). 335

L’investissement dans la recherche d’emploi. L’activité de recherche d’emploi était 336

appréhendée à l’aide d’un questionnaire inspiré de celui de Roques (1995, voir aussi pour une 337

mesure similaire, Brown, Cober, Kane, Levy, & Shalhoop, 2006). On interrogeait les sujets 338

sur la fréquence avec laquelle ils avaient utilisé divers canaux de recherche d’emploi au cours 339

des quatre dernières semaines (p. ex., panneaux d’affichage de Pôle Emploi, presse, internet, 340

radio). On leur demandait également, pour cette même période, d’estimer leur nombre de 341

visites au Pôle Emploi, leur nombre de candidatures spontanées à un emploi, le nombre 342

d’offres d’emploi auxquelles ils avaient répondu et le nombre d’entretiens d’embauche 343

obtenus. Dans tous les cas les sujets répondaient sur des échelles de type ordinal (p. ex., « Au 344

cours des 4 dernières semaines, combien d’entretiens d’embauche avez-vous obtenus ? » ; 345

réponse: aucun, de 1 à 2, de 2 à 3, de 3 à 4, plus de 4). 346

RESULTATS 347

L’approche de modélisation structurelle PLS 348

La modélisation des relations entre les variables latentes (VL) mesurées dans cette étude 349

a été effectuée avec l’approche des moindres carrés partiels (PLS : Partial Least Squares, 350

Chin, 1998 ; Tenenhaus, Esposito-Vinzi, Chatelin & Lauri, 2005). Cette méthode d’équations 351

structurelles basée sur l’analyse de la variance et l’optimisation du pouvoir prédictif des 352

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Comparaisons et chômage de longue durée

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indicateurs a été ici préférée à celle basée sur l’analyse des covariances et l’estimation par 353

maximum de vraisemblance pour plusieurs raisons. 354

L’approche PLS est en effet beaucoup moins sensible aux contraintes de taille 355

d’échantillon que l’analyse des covariances qui vise à estimer le plus précisément possible les 356

paramètres de la population. Elle présente aussi l’avantage de ne pas faire d’hypothèse sur les 357

distributions et de ne pas nécessiter la multinormalité des variables. Elle permet surtout de 358

modéliser très aisément les relations entre des VL réflectives et des VL formatives. On 359

rappelle qu’une VL est dite réflective lorsqu’elle est supposée être la « cause » des variations 360

de ses indicateurs manifestes. Techniquement, celle-ci est obtenue dans l’approche PLS par 361

une analyse en composantes principales. A l’opposé, une VL dite formative est construite par 362

agrégation d’indicateurs qui peuvent être indépendants et est obtenue par régression multiple 363

des moindres carrés ordinaires. Malgré ses limites (non prise en compte de l’erreur de mesure, 364

difficulté à juger de l’ajustement du modèle, impossibilité de modéliser des relations 365

récursives), l’approche PLS paraît donc la mieux adaptée sachant les caractéristiques de 366

l’échantillon et des VL mesurées dans cette étude. 367

Le test des hypothèses précédemment exposées repose sur l’estimation des paramètres du 368

modèle qui décrit les relations supposées entre des VL de nature réflective et formative. Dans 369

cette étude, les VL qui mesurent la fréquence des comparaisons temporelles passées 370

ascendantes (CTPA) et descendantes (CTPD), futures ascendantes (CTFA) et descendantes 371

(CTFD), sociales endogroupe ascendantes (CSEnA) et descendantes (CSEnD), exogroupe 372

ascendantes (CSExA) et descendantes (CSExD) sont construites sur un mode réflectif. C’est 373

également le cas de la VL Estime de Soi Globale représentée par le facteur de second-ordre 374

d’un modèle hiérarchique à deux facteurs de premier-ordre (l’un renvoyant aux items positifs 375

et l’autre aux items négatifs). La VL formative Activité de Recherche d’Emploi est quant à 376

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Comparaisons et chômage de longue durée

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elle dérivée de la combinaison de divers indicateurs qui mesurent l’activité de recherche 377

d’emploi. 378

Les paramètres du modèle de mesure des VL et du modèle structurel décrivant les 379

relations entre les VL considérées ont été estimés avec l’algorithme PLS (schéma centroïde, 380

données standardisées). L’utilisation d’une procédure de ré-échantillonnage par bootstrap 381

(1000 échantillons) a ensuite permis d’estimer l’erreur-type de chaque estimation, de calculer 382

le t correspondant et la probabilité associée à l’hypothèse d’une estimation nulle. Ces 2 étapes 383

ont été mises en œuvre à l’aide du logiciel Smart-PLS (Ringle, Wende & Will, 2005). 384

Test des hypothèses de recherche 385

Une analyse de régression PLS a préalablement été conduite pour identifier les 386

caractéristiques socio-démographiques susceptibles d’intervenir dans la relation entre les VL 387

mesurant la fréquence des comparaisons sociales et temporelles et celles mesurant l’Estime de 388

Soi Globale (ESG) et l’Activité de Recherche d’Emploi (ARE) des participants. Les VL ESG 389

et ARE ont ainsi été régressées sur les variables observées Sexe, Age, Catégorie Socio-390

Professionnelle de l’Emploi Antérieur2, Durée du Chômage, Niveau Scolaire

3, Revenu

4, 391

Situation Familiale (en couple vs. célibataire) et Lieu de Rencontre (Pôle Emploi vs 392

association de demandeurs d’emploi). Les résultats de cette analyse ont dégagé un seul effet 393

significatif, celui du Sexe (1 = homme ; 2 = femme) sur ARE ( = 0,409 ; t = 3,293 ; p = 394

0,001), les femmes se décrivant plus actives que les hommes dans la recherche d’emploi. La 395

variable Sexe a donc été introduite à titre de contrôle statistique comme variable exogène dans 396

le modèle d’équations structurelles destiné à tester les hypothèses de recherche. 397

2 La catégorie socio-professionnelle renvoie ici à une variable à deux modalités : les employés et ouvriers versus

les cadres, les professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les chefs d’entreprises, les

artisans et les commerçants. 3 La variable « niveau scolaire » comprend 6 modalités (niveau inférieur au BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau

BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau seconde ou première ; niveau Bac ; niveau Bac +2 ; niveau Bac +3 et plus). 4 La variable « revenu » comprend 5 modalités (moins de 600 euros ; de 600 à 900 euros ; de 900 à 1200 euros ;

de 1200 à 1500 euros ; plus de 1500 euros)

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Comparaisons et chômage de longue durée

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Le modèle structurel qui décrit les relations entre les VL considérées est représenté sur la 398

figure 1. Les VL ESG et ARE ont été régressées sur les VL mesurant les fréquences 399

respectives des comparaisons sociales et temporelles ainsi que sur le Sexe des participants. Le 400

modèle faisait également l’hypothèse d’une médiation partielle de ESG dans la relation entre 401

la fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur et ARE. 402

L’examen du tableau 2 permet de constater que les conditions requises pour assurer la 403

validité convergente des VL réflectives sont dans l’ensemble respectées. La première valeur 404

propre est toujours supérieure à 1 (la seconde, toujours inférieure à 1), la variance moyenne 405

extraite (AVE) est généralement supérieure à 0,50, l’homogénéité mesurée par l’indice de 406

concordance (rho de Dillon et Goldstein) est toujours supérieure à 0,70. Des indications 407

supplémentaires, non détaillées ici (corrélation moyenne entre VL inférieure à 0,50 ; 408

corrélation moyenne des résidus entre blocs inférieure à 0.20 ; Fornell et Bookstein, 1982), 409

conduisent à juger satisfaisante la validité discriminante du modèle de mesure. 410

Insérer ici le tableau II 411

Les estimations statistiquement significatives (p < 0,05) des équations structurelles 412

mettant en relation les variables de comparaison et les variables dépendantes du modèle ainsi 413

que les probabilités associées aux t obtenus par ré-échantillonnage bootstrap apparaissent sur 414

la figure 1. Selon les critères d’appréciation proposés par Cohen (1977), les coefficients de 415

détermination des VL ESG (R2 = 0,365) et ARE (R

2 = 0,388) sont élevés. L’indice 416

d’ajustement global du modèle, moyenne géométrique de la communauté moyenne et du 417

coefficient moyen de détermination (Tenenhaus et al., 2005), est de 0,448, ce qui suggère que 418

le modèle rend compte de façon satisfaisante des données. 419

Insérer ici la figure 1 420

Les estimations obtenues dans le cadre de ce modèle établissent que l’hypothèse d’un 421

effet positif de CTFA, fréquence des comparaisons au futur ascendantes, sur ESG (= 0,265, 422

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Comparaisons et chômage de longue durée

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t = 2,614, p = 0,009) et sur ARE (= 0,333, t = 2,502, p = 0,012) est compatible avec 423

l’organisation des données. L’hypothèse d’un effet négatif de CSExA, fréquence des 424

comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe, est également en accord avec les 425

estimations du modèle, = -0,383, t = 3,102, p = 0,002. Enfin, conformément à nos 426

prédictions, les fréquences des comparaisons à l’endogroupe (CSEnA et CSEnD) n’exercent 427

pas d’effet significatif sur l’estime de soi des participants. 428

Plusieurs résultats sont en revanche contraires aux attentes. Aucun effet significatif des 429

fréquences des comparaisons temporelles au passé (CTPA et CTPD) sur ESG n’est relevé et 430

ce, quelle que soit l’orientation de la comparaison. L’hypothèse d’un effet positif de la 431

fréquence des comparaisons descendantes à l’exogroupe (CSExD) sur ESG n’est également 432

pas validée. On constate aussi que les comparaisons au futur descendantes (CTFD) ne 433

prédisent pas négativement ESG et que les comparaisons ascendantes à l’exogroupe (CSExA) 434

ne sont pas des prédicteurs significatifs de ARE. 435

En outre, le modèle obtenu n’est pas compatible avec l’idée d’une médiation partielle de 436

ESG dans la relation positive entretenue entre les comparaisons au futur ascendante (CTFA) 437

et ARE. En effet, alors qu’une telle hypothèse de médiation supposait d’observer une relation 438

positive entre ESG et ARE, il est constaté que plus l’estime de soi des demandeurs d’emploi 439

est élevée, moins ceux-ci déclarent effectuer une activité de recherche d’emploi intensive, 440

= -0,341, t = 2,062, p = 0,039. 441

DISCUSSION 442

La présente étude conforte l’idée d’une régulation de l’estime de soi et de 443

l’investissement dans la recherche d’emploi par les comparaisons, que celles-ci soient sociales 444

ou temporelles. Toutefois, seules certaines formes et directions de comparaison semblent 445

intervenir de façon significative dans cette régulation. 446

447

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Comparaisons et chômage de longue durée

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Comparaisons sociales et estime de soi 448

Conformément à nos attentes, la fréquence avec laquelle les chômeurs de longue durée 449

rapportent effectuer des comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe des actifs prédit 450

leur niveau d’estime de soi : plus cette fréquence est élevée plus l’estime de soi est faible. Un 451

tel résultat conforte la thèse défendue par Martinot et Redersdorff (2006) selon laquelle les 452

membres de groupes dominés seraient affectés par les comparaisons défavorables réalisées 453

avec les membres d’exogroupes dominants. En revanche, il remet en question l’idée que les 454

comparaisons ascendantes à des membres d’un exogroupe seraient évitées ou considérées 455

comme non pertinentes (Major et al., 1993). Il semble donc que les chômeurs de longue durée 456

ne parviennent pas, en dépit d’un statut qui se chronicise, à déconsidérer les comparaisons qui 457

les positionnent défavorablement au regard des personnes actives. Ce résultat peut être mis en 458

relation avec le fait que d’une façon générale, les chômeurs ne se désengagent pas par rapport 459

à la sphère du travail et lui accordent une place centrale dans la définition de soi (Herman, 460

2007). Il apparaît, en outre, que plus les chômeurs accordent de l’importance au travail plus 461

ils sont dans un état de détresse psychologique important (cf. la méta-analyse de McKee-Ryan 462

et al., 2005). On peut ainsi supposer que plus les chômeurs accordent de l’importance au 463

travail, plus ils sont amenés à établir des comparaisons défavorables avec les travailleurs et 464

plus la valeur qu’ils s’accordent en pâtit. Une telle hypothèse resterait évidemment à tester. 465

Notons toutefois que contrairement à ce que nous prédisions, la fréquence des 466

comparaisons descendantes à l’exogroupe n’est pas significativement reliée à l’estime de soi 467

des chômeurs. Bien que nous n’ayons pas les moyens méthodologiques de tester cette 468

hypothèse, il est possible que ces comparaisons soient réalisées de façon trop exceptionnelle 469

pour produire un effet substantiel sur l’estime de soi. Il est ainsi hautement probablement, en 470

raison de la forte valorisation du travail dans notre société et par les chômeurs eux-mêmes, 471

que les opportunités de comparaisons favorables au groupe des actifs soient quelque peu 472

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Comparaisons et chômage de longue durée

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réduites ou s’établissent sur des dimensions ayant peu de répercussions sur la valeur que 473

s’accorde l’individu (p.ex., temps libre, disponibilité pour les proches). 474

Les résultats de cette étude suggèrent également, comme nous l’avions supposé, que les 475

chômeurs de longue durée ne sont pas en mesure d’utiliser les comparaisons descendantes à 476

l’endogroupe pour protéger leur estime de soi (Wills, 1981). Ainsi, contrairement à ce que 477

stipulent Crocker et Major (1989), la situation menaçante pour l’estime de soi dans laquelle se 478

trouvent les demandeurs d’emploi ne semble pas les inciter à rechercher et à utiliser les 479

comparaisons descendantes à l’endogroupe pour se protéger. Un tel résultat est en accord avec 480

l’idée que l’invisibilité du stigmate des personnes privées d’emploi contrevient à leurs 481

possibilités de rencontres et partant aux occasions d’établir des comparaisons au sein de 482

l’endogroupe. Notons toutefois que dans le cas des chômeurs de longue durée c’est peut-être 483

plus la volonté de ne pas s’identifier à un groupe socialement dévalorisé qui est en jeu que la 484

difficulté à rencontrer d’autres demandeurs d’emploi. Les personnes qui connaissent une 485

situation de chômage à long terme ont en effet l’occasion de rencontrer des pairs lors des 486

formations et des regroupements proposés par les organismes et les associations prenant en 487

charge les demandeurs d’emploi. Cependant, comme le souligne Dupont (2003), pour 488

bénéficier pleinement des relations avec leurs pairs, les membres de groupes stigmatisés 489

doivent avoir une attitude positive vis-à-vis de leur stigmate. En d’autres termes, ils doivent 490

avoir développé une identité sociale positive en lien avec l’appartenance au groupe stigmatisé, 491

ce qui n’est peut-être pas le cas de nombreux demandeurs d’emploi, fussent-ils dans une 492

situation de chômage de longue durée. 493

Si une telle interprétation nous semble particulièrement pertinente au regard des résultats 494

de la littérature, on ne peut toutefois pas écarter une autre explication qui émane des résultats 495

de recherches expérimentales sur l’impact affectif des comparaisons sociales. Il existe en effet 496

aujourd’hui de nombreuses preuves empiriques qui indiquent que la comparaison descendante 497

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Comparaisons et chômage de longue durée

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à des personnes similaires à soi peut parfois être décourageante en conduisant les individus à 498

penser qu’ils vont tôt ou tard se retrouver dans la même situation que la cible de comparaison 499

(Buunk, Collins, Taylor, Van Yperen, & Dakof, 1990 ; Ybema, Buunk, & Heesink, 1996). Par 500

exemple, dans une étude expérimentale, Ybema et collaborateurs (1996) ont induit une 501

situation de comparaison descendante en présentant à des personnes récemment licenciées le 502

portrait d’un autre travailleur qui venait de subir le même sort et qui était particulièrement 503

désemparé face à la situation. Ces chercheurs ont constaté que ce type de comparaison 504

générait chez les participants un état affectif plus négatif qu’une comparaison avec une 505

personne présentant un mode d’ajustement plus adapté à la situation de chômage. D’autres 506

travaux indiquent que la comparaison descendante peut avoir des répercussions affectives 507

négatives si les individus pensent exercer peu de contrôle sur l’évolution de leur situation 508

(Buunk, et al., 1990). Or, les personnes qui sont dans une situation de chômage de longue 509

durée pourraient bien, au moins pour certaines d’entre elles, se trouver dans cet état de 510

résignation. Il est ainsi possible que les comparaisons descendantes à l’endogroupe exercent 511

pour certains chômeurs un impact délétère sur l’estime de soi alors qu’elles auraient un effet 512

protecteur de la valeur de soi pour d’autres, d’où l’absence de relation significative obtenue 513

entre ces comparaisons et l’estime de soi. 514

Comparaisons temporelles et estime de soi 515

En accord avec notre hypothèse, plus la fréquence avec laquelle les chômeurs de 516

longue durée estiment réaliser des comparaisons au futur ascendantes est élevée, plus ceux-ci 517

obtiennent des scores élevés sur la mesure d’estime de soi. Ce résultat rejoint celui obtenu par 518

Dif et al. (2001) sur une autre population stigmatisée, celle des étudiants handicapés. Cette 519

convergence suggère que la comparaison temporelle au futur pourrait bien offrir aux membres 520

des groupes stigmatisés un moyen pour protéger et maintenir un niveau d’estime de soi 521

satisfaisant, et par là-même un certain bien-être psychologique. Notons cependant que la 522

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Comparaisons et chômage de longue durée

23

fréquence des comparaisons au futur descendantes n’est pas un prédicteur significatif du score 523

d’estime de soi contrairement à ce que nous avions supposé. Il est possible qu’une telle 524

absence de résultats soit la conséquence de la relative rareté des comparaisons au futur 525

descendantes qui seraient ainsi peu susceptibles d’exercer un impact tangible sur l’estime de 526

soi. Dans ce sens, une série d’études conduites par Newby-Clark et Ross (2003) montre que 527

les individus conçoivent le futur en des termes exclusivement positifs et qu’ils génèrent plus 528

rapidement des événements futurs positifs que des événements futurs négatifs. Un tel 529

phénomène semble être très général puisqu’il est aussi bien repéré chez de jeunes adultes que 530

chez des personnes âgées (Stremlaw, Newby-Clark, & Ross, 1998, étude non publiée citée 531

dans Newby-Clark & Ross, 2003). Les comparaisons descendantes au futur, qui supposent 532

d’imaginer un futur plus négatif que le présent, sont donc susceptibles d’être assez peu 533

fréquentes comparativement aux comparaisons ascendantes au futur qui amènent à concevoir 534

l’avenir plus positivement que le présent. Une étude récente de Summerville & Roese (2008) 535

menée auprès d’étudiants confirme d’ailleurs plus directement cette idée en démontrant à 536

l’aide d’une méthode de journal de bord (recueil aléatoire d’échantillon de pensées) que les 537

comparaisons temporelles au futur sont majoritairement (80 %) ascendantes. 538

De même, les fréquences des comparaisons temporelles au passé, qu’elles soient 539

ascendantes ou descendantes, sont des variables qui apparaissent non pertinentes pour prédire 540

l’estime de soi des personnes en situation de chômage de longue durée. La théorie de la 541

comparaison temporelle d’Albert (1977) fournit deux possibilités d’explication à ce résultat. 542

Premièrement, selon l’une des hypothèses de cette théorie, la tendance à comparer sa vision 543

de soi actuelle avec une vision de soi passée décroît lorsque la distance temporelle entre les 544

deux auto-descriptions augmente. Cette hypothèse découle du fait que la comparaison 545

temporelle serait selon Albert principalement destinée au maintien d’un sentiment d’identité 546

du Soi au cours du temps. Elle constitue le parallèle de l’hypothèse de Festinger (1954) sur la 547

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Comparaisons et chômage de longue durée

24

comparaison sociale, selon laquelle, plus autrui est perçu comme différent de soi, plus la 548

tendance à le prendre pour cible de comparaison décroît. Les chômeurs interrogés dans notre 549

étude étant tous dans une situation de chômage de longue durée, il est possible qu’ils 550

n’utilisent plus la référence à leur passé de travailleur pour se définir et partant pour statuer 551

sur la valeur de soi. L’autre possibilité d’interprétation découle d’une des propositions 552

d’Albert d’après laquelle les comparaisons temporelles qui signent l’existence d’une 553

évolution positive au cours du temps seraient privilégiées alors que celles évoquant un déclin 554

seraient évitées. La référence au passé de travailleur est peut-être trop douloureuse pour les 555

chômeurs de longue durée qui réprimeraient donc autant que possible la remémoration de 556

cette période passée. 557

Comparaisons et activité de recherche d’emploi 558

Comme prévu, la fréquence des comparaisons ascendantes au futur contribue non 559

seulement à la prédiction de l’estime de soi des chômeurs mais aussi à celle de leur 560

investissement dans l’activité de recherche d’emploi : plus les chômeurs imaginent 561

fréquemment un futur plus favorable que le présent, plus ils rapportent s’investir dans 562

l’activité de recherche d’emploi. Un tel constat s’accorde avec des résultats antérieurs obtenus 563

par Holmes et Werbel (1992) auprès de personnes ayant récemment perdu leur emploi. Dans 564

cette étude, les chercheurs ont en effet observé que les personnes, qui étaient confiantes en 565

leur possibilité de retrouver rapidement un emploi, restaient moins longtemps au chômage 566

que leurs pairs initialement moins confiants. Par ailleurs, une série d’études d’Oettingen et 567

Mayer (2002) révèle que seules des attentes reposant sur des expériences passées et prenant 568

en compte la probabilité de survenue de l’événement attendu ont un impact positif sur les 569

efforts déployés et la réussite dans un domaine donné. Ainsi, la fréquence avec laquelle des 570

individus nourrissent des illusions fantaisistes et positives (projections dans le futur non 571

fondées sur des expériences personnelles passées et ne prenant pas en compte leur probabilité 572

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Comparaisons et chômage de longue durée

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de survenue) est négativement reliée aux efforts et à la performance future. Au regard de ces 573

résultats, l’obtention d’une relation positive entre la fréquence des comparaisons ascendantes 574

au futur et l’investissement dans la recherche d’emploi, suggère que ces comparaisons mettent 575

en jeu des attentes relativement réalistes et non de simples illusions ou rêveries à propos de 576

l’avenir (voir pour un raisonnement similaire, Redersdorff & Guimond, 2006). Autrement dit, 577

ces comparaisons pourraient traduire la mobilisation de « sois possibles » associés à des 578

stratégies d’action qui régulent la conduite. 579

En revanche, l’hypothèse selon laquelle l’estime de soi médiatiserait partiellement l’effet 580

positif de la comparaison ascendante au futur sur l’activité de recherche d’emploi (cf. 581

Herman, 2007, Kanfer, Wanberg, & Kantrowitz, 2001), n’est pas vérifiée. Alors que la 582

comparaison ascendante au futur est associée positivement à l’estime de soi cette dernière est 583

reliée négativement à l’activité de recherche d’emploi, ce qui exclut la possibilité d’une 584

médiation partielle. L’impact négatif de l’estime de soi sur l’activité de recherche d’emploi 585

peut, à notre sens, s’interpréter en tenant compte du fait que les participants de cette étude 586

étaient tous des chômeurs de longue durée ayant de ce fait vécu de nombreux échecs 587

successifs dans leurs démarches de recherche d’emploi. Or, bien que plusieurs études aient 588

mis en évidence un impact positif de l’estime de soi sur la persistance après un échec 589

(McFarlin, Baumeister, & Blascovich, 1984 ; Shrauger & Sorman, 1977), des travaux 590

conduits par Di Paula et Campbell (2002) invitent à nuancer cette idée. Les résultats de leur 591

recherche indiquent en effet que dans une situation où la possibilité d’un but alternatif existe, 592

une estime de soi élevée est associée à plus de persistance après un échec mais à moins de 593

persistance après plusieurs échecs successifs. En d’autres termes, il semble que, comparés aux 594

individus dont l’estime de soi est faible, ceux qui présentent une estime de soi forte sont plus 595

susceptibles de se désengager vis-à-vis d’un secteur dans lequel ils échouent de manière 596

récurrente dans la mesure où ils ont la possibilité de se valoriser dans un autre domaine. Les 597

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Comparaisons et chômage de longue durée

26

chômeurs de longue durée présentant une estime de soi forte pourraient donc être plus enclins 598

que les autres à abandonner l’activité de recherche d’emploi pour s’investir dans des 599

domaines extra-professionnels susceptibles de les revaloriser. Il existe toutefois une autre 600

possibilité d’explication à cette relation négative entre estime de soi et activité de recherche 601

d’emploi selon laquelle les personnes ayant le plus activement recherché un emploi au cours 602

des dernières semaines sont aussi celles qui ont probablement été confrontées au plus grand 603

nombre de refus de la part des employeurs, autant d’expériences d’échec qui risquent d’avoir 604

affecté négativement l’estime de soi ( voir McKee-Ryan, Song, Wanberg, & Kinicki, 2005 ; 605

Warr, Jackson , & Banks, 1988, pour une argumentation similaire). Ces deux interprétations 606

ne sont toutefois pas mutuellement incompatibles et les deux mécanismes explicatifs 607

pourraient fort bien expliquer conjointement la relation observée. 608

Pour finir, nous avons constaté, contrairement à nos attentes, que la fréquence des 609

comparaisons ascendantes à l’exogroupe des actifs n’avait pas d’effet positif sur 610

l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi. Ce constat suggère que les personnes 611

actives ne constituent pas des modèles efficaces pour les individus en situation de chômage de 612

longue durée. L’inefficacité de tels modèles pourrait être liée au fait que leur situation est 613

perçue comme inaccessible par des personnes privées d’emploi depuis trop longtemps 614

(Lockwood & Kunda, 1997). De ce fait, la comparaison ascendante aux personnes actives ne 615

serait pas motivante mais décourageante comme en témoigne d’ailleurs la relation négative 616

observée entre la fréquence de ces comparaisons et l’estime de soi. 617

Limites de l’étude et directions de recherche futures 618

La méthode choisie dans cette étude pour appréhender l’activité comparative consiste à 619

demander aux participants de rendre compte globalement de la fréquence des comparaisons 620

qu’ils réalisent avec telle ou telle cible de comparaison. Or, comme toutes les options 621

méthodologiques, celle-ci est l’objet d’un certain nombre de critiques (pour une revue, voir 622

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27

Wood, 1996). Premièrement, elle suppose que toute activité comparative soit nécessairement 623

consciente ce qui n’est sans doute pas le cas (Blanton & Stapel, 2008). En demandant aux 624

participants de rapporter la fréquence des comparaisons qu’ils réalisent, on exclut la prise en 625

compte des comparaisons réalisées sur un mode automatique. Ajoutons à cela que certaines 626

comparaisons, en raison de leur faible incidence sur la vie du sujet, pourraient être 627

consciemment réalisées mais devenir très vite inaccessibles en mémoire, d’où là encore une 628

absence de prise en compte lors du rapport global du participant. Deuxièmement, toutes les 629

formes de comparaisons ne sont peut-être pas à égalité en termes de désirabilité sociale. Dans 630

ce sens, les résultats de plusieurs études suggèrent qu’il est plutôt mal vu socialement 631

d’avouer que l’on se compare aux autres (Brickman & Bulman, 1977 ; Schoeneman, 1981)5. 632

Les individus pourraient ainsi avoir tendance à sous-estimer la fréquence des comparaisons 633

sociales et à sur-estimer celle des comparaisons à soi-même dans le temps (Wood & Wilson, 634

2003). Il faut toutefois relever que dans notre étude, le biais de désirabilité sociale a sans 635

doute été minimisé par la procédure de complétion anonyme des questionnaires (voir Wood, 636

1996). Enfin, la mémoire des événements passés étant sélective et reconstructive (Conway & 637

Pleydell-Pearce, 2000; Moberly & MacLeod, 2006), il est vraisemblable que les auto-638

estimations globales de la fréquence des comparaisons réalisées s’en trouvent quelque peu 639

biaisées. 640

Une autre limite de cette étude repose sur son caractère transversal et corrélationnel. 641

Ainsi, bien qu’il soit théoriquement justifié de supposer que les comparaisons exercent un 642

impact sur l’estime de soi et l’investissement dans la recherche d’emploi, nos résultats sont 643

également compatibles avec d’autres patterns de relations. Il n’est, par exemple, pas exclu que 644

l’estime de soi puisse influencer le choix des comparaisons comme en témoignent certaines 645

recherches quasi-expérimentales (Wayment & Taylor, 1995). En conséquence, l’hypothèse 646

5 Remarquons cependant, que si certains chercheurs ont bien trouvé une corrélation positive entre des mesures de

désirabilité sociale et d'auto-estimations des comparaisons sociales, d'autres n'en ont pas mis en évidence (voir

Wood & Wilson, 2003, pour des références).

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Comparaisons et chômage de longue durée

28

d’une relation bi-directionnelle entre les variables de comparaison et l’estime de soi semble 647

être particulièrement pertinente et mériterait d’être éprouvée. 648

Les recherches futures devront donc s’employer à pallier les problèmes 649

méthodologiques soulevés ici, en croisant les résultats obtenus par le biais de plans 650

expérimentaux, quasi-expérimentaux et de suivis longitudinaux. A notre sens, l’approche 651

longitudinale devrait être particulièrement privilégiée dans la mesure où elle permet, tout en 652

préservant la validité écologique de la recherche, de tester un modèle d’influence bi-653

directionnelle entre les variables considérées et d’appréhender le vécu psychologique du 654

chômage dans sa dimension dynamique. Enfin, même si elle ne règle pas tous les problèmes 655

évoqués plus haut, l’utilisation de la méthode du journal de bord pour recueillir les 656

comparaisons effectuées quotidiennement par les chômeurs, les activités de recherche 657

d’emploi réalisées et leur état affectif, serait à notre avis une technique opportune pour pallier 658

les difficultés inhérentes au recueil des estimations globales de l’activité comparative par les 659

participants (Wheeler & Miyake, 1992). 660

CONCLUSION 661

S’il est indéniable que la problématique du chômage de longue durée est avant tout 662

d’ordre économique (marché du travail saturé, inadéquation entre les offres et les demandes 663

d’emploi,..), on peut toutefois souligner à l’instar de Roques (1995) que la perception et le 664

vécu de cette situation dépendent pour partie de processus psycho-sociaux susceptibles de 665

favoriser ou au contraire d’inhiber la mise en œuvre d’actions pour recouvrir un emploi. Dans 666

ce sens, les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt de considérer les comparaisons 667

ascendantes au futur dans la régulation de l’estime de soi et de l’activité de recherche 668

d’emploi. Le fait d’envisager une amélioration future de sa situation professionnelle pourrait 669

participer au maintien d’une bonne estime de soi grâce à l’anticipation de la réintégration du 670

groupe des actifs, tout en motivant la mise en œuvre de démarches pour parvenir à cet 671

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Comparaisons et chômage de longue durée

29

objectif. Si une telle interprétation se trouvait confirmée par la réalisation de suivis 672

longitudinaux, elle pourrait avoir quelques implications pratiques en termes d’interventions 673

psychologiques auprès des chômeurs de longue durée. La mise en place d’ateliers les aidant à 674

formuler des sois possibles professionnels positifs et à envisager les stratégies 675

comportementales associées pourrait ainsi se révéler être un mode d’action particulièrement 676

pertinent. Notons d’ailleurs que des programmes d’intervention de ce type ont déjà été testés 677

dans le domaine scolaire où ils ont montré leur efficacité tant sur la motivation que sur les 678

performances des élèves (Hock, Deshler, Schumaker, 2005). En outre, dans le domaine de la 679

recherche d’emploi, Eden et Aviram (1993) ont mis en évidence l’effet positif d’un 680

programme visant à accroître le sentiment d’auto-efficacité sur l’obtention d’offres d’emploi 681

par des personnes en situation de chômage de longue durée. Or, le sentiment d’auto-efficacité 682

qui renvoie ici à la croyance de l’individu en sa capacité de retrouver un emploi est un 683

concept qui implique la mise en œuvre d’une comparaison future ascendante. 684

685

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Tableau I. Exemples d’items mesurant la fréquence des comparaisons temporelles et 866

sociales. 867

868

Table I. Examples of items measuring temporal and social comparisons frequencies. 869

870

871

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Tableau II. Indices de validité convergente de chaque variable latente réflective. 872

Table II. Indices of convergent validity for each reflexive block. 873

Indicateurs 1ère

valeur 2ème

valeur

manifestes de propre propre AVE r

CTPA 1,992 0,838 0,50 0,80

CTPD 1,773 0,728 0,52 0,79

CTFA 1,960 0,678 0,65 0,85

CTFD 1,632 0,840 0,54 0,78

CSEnA 2,354 0,778 0,58 0,85

CSEnD 1,833 0,939 0,44 0,77

CSExA 2,390 0,809 0,59 0,85

CSExD 2,783 0,932 0,54 0,83Estime de Soi Globale - - 0,50 0,81 874

Note : 1ère

et 2nde

valeurs propres de l’analyse en composantes principales des indicateurs 875

manifestes de chaque variable latente ; variance moyenne extraite (AVE) ; indice de 876

concordance mesuré par le r de Dillon-Goldstein (N = 89). 877

Note : 1st and 2

d eigenvalues of the principal component analysis of observed variables for 878

each block; averaged variance extracted (AVE); composite reliability as measured by Dillon-879

Goldstein r (N = 89). 880

881

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882

Estime

de Soi

Globale

Recherche

d’emploi

CTPA

CTPD

CTFD

CSEnA

CSEnD

CSExA

CSExD

CTFA

R2 = 0,365

R2 = 0,388

Sexe 883

884 Figure 1 – Modélisation PLS des relations entre comparaisons temporelles (CTPA : au passé 885

ascendante ; CTPD : au passé descendante ; CTFA : au futur ascendante ; CTFD : au futur 886

descendante), comparaisons sociales (CSEnA : endogroupe ascendante ; CSEnD : endogroupe 887

descendante ; CSExA : exogroupe ascendante ; CSExD : exogroupe descendante), Estime de 888

Soi Globale (ESG) et Activité de Recherche d’Emploi (ARE). Les estimations (en gras, p 889

entre parenthèses) sont des coefficients de régression PLS. Aux pistes en trait 890

fin correspondent des coefficients statistiquement significatifs, à celles en trait pointillé des 891

coefficients non significatifs (p > 0,05). 892

893

Figure 1 – PLS path modeling of relationships between temporal comparisons (CTPA : past 894

upward ; CTPD : past downward ; CTFA : future upward; CTFD : future downward), social 895

comparisons (CSEnA : ingroup upward ; CSEnD : ingroup downward ; CSExA : outgroup 896

upward ; CSExD : outgroup downward), self-esteem (ESG) and job-search activity (ARE). 897

The estimates (in bold, p between brackets) are PLS regression coefficients. Significant 898

coefficients correspond to thin arrows whereas non significant coefficients correspond to 899

dotted arrows (p > 0,05). 900