Compagnons de labeur, homme et cheval au travail XVème-XXème siècle

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    Depuis sa domestication, au nolithique, le cheval a toujours accompagn lhomme dans sa vie

    quotidienne. Le dpartement de la Haute-Sane, situ en Franche-Comt, rgion qui a donnson nom lune des races de chevaux lourds bien connues, est imprgn par lhistoire de cette

    complicit. Utilis pour le dbardage de bois ou encore lattelage, le cheval comtois a toujours

    t un fidle compagnon haut-sanois.

    Lexposition des Archives dpartementales Compagnons de labeur nous permet de redcouvrir

    cette histoire qui lie le cheval lhomme et de rappeler le rle quil a jou dans lconomie et

    dans le dveloppement de notre territoire, jusquau lendemain de la seconde guerre mondiale.

    Le cheval considr comme la plus belle conqute de lhomme , est devenu aujourdhui uncompagnon de loisirs, qui conserve un lien affectif privilgi avec lhomme. La nouvelle

    agriculture, soucieuse de dveloppement harmonieux, lui ouvre de nouveaux espaces de

    travail ; ici et l, il reprend du service dans les villes, o son estime contribue renouer le lien

    social.

    Il symbolise notre volont de vivre mieux, ensemble et en harmonie avec la nature, dans un

    environnement privilgi.

    A travers cette exposition, le Dpartement de la Haute-Sane, attach son terroir, dsire rendre

    hommage cet animal qui a marqu les progrs de la socit.

    Je souhaite quun public nombreux visite cette exposition et prenne plaisir la lecture du catalogue

    qui laccompagne.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

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    Yves KrattingerSnateur de la Haute-Sane - Prsident du Conseil gnral

    PRFACE

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    Sommaire

    Prface..................................................................................................................................................................................................................................................... p. 1

    Regards dhistoriens ........................................................................................................................................................................................................... p. 5

    Mosaque d'images ............................................................................................................................................................................................................... p. 119

    Exposition .......................................................................................................................................................................................................................................... p. 173

    Dossier pdagogique .......................................................................................................................................................................................................... p. 199

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    REGARDS DHISTORIENS

    Regards dhistoriens Le cheval et l'agriculture en Haute-Sane, du XVIIIe au XXe sicle .................................................................... p. 7

    Jean-Louis CLADE

    Le cheval et la mine : une longue complicit ............................................................................................................................... p. 31

    Denis MORIN

    Une drle de machine laver : le patouillet cheval ........................................................................................................ p. 47

    Hlne MORIN-HAMON

    Les chevaux aux salines de Salins, du Moyen-ge au XVIIIe sicle .................................................................. p. 59

    Paul DELSALLE et Laurence DELOBETTE

    Le halage des bateaux sur la Sane ...................................................................................................................................................... p. 77

    Louis BONNAMOUR

    Regards daujourdhui Des hommes et des chevaux au travail aujourdhui ........................................................................................................... p. 93

    Bernard BOUILHOL, Jean-Louis CANNELLE et Bernadette LIZET

    Bibliographie..................................................................................................................................................................................................................................... p. 115

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    5Sommaire

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    Le cheval nest quun acteur parmi dautres dans lagriculture. Son usage dpend en effet de multiples facteurs : de

    lenvironnement dabord, gographique et gologique, qui dicte la nature des activits agricoles, le tout inscrit dans

    un ensemble territorial dfini par la politique, puis de la rpartition des terres entre les exploitants et, enfin du statut social

    de ces derniers.

    La chronologie aussi a son importance puisquelle exprime lhistoire des hommes et de leur adaptation au milieu. Le cheval na

    pas toujours t le collaborateur privilgi du paysan ; longtemps ce fut un noble animal de guerre ; il assura les charrois et tracta les trains dartillerie. Pour travailler la terre, au rythme lent des saisons, les bovins convenaient mieux. Mais au cours

    des sicles, avec laugmentation de la population, lagriculture se modernisa. Lhomme cra la machine et la machine eut

    besoin du cheval, plus rapide que le buf, jusqu ce que la machine se dbarrasst du cheval.

    La Haute-Sane connut cette volution, son rythme, avec ses spcificits. La place du cheval comme animal de trait ne sy

    dessine que lentement.

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    LE CHEVAL ET LAGRICULTURE EN HAUTE-SANE (XVIIIE-XXE SICLES)Jean-Louis CLADE

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    Le dpartement de la Haute-Sane nat le 12 janvier 1790...Comme le souligne J. GIRARDOT : On se borne quarrirlancien bailliage et le renfermer dans ses limites naturelles 1. La

    nouvelle entit abandonne au dpartement du Doubs cinquante-sixvillages du bailliage de Vesoul et la totalit du bailliage de Baume-les-Dames lexception de Snargent et de la SeigneuriedHricourt. Elle laisse encore trois villages au dpartement de laHaute-Marne et neuf autres celui des Vosges. En compensation,elle obtient une vingtaine de villages champenois, lorrains oubarrois et conserve le district de Gray que revendiquait le Doubs.Vu sa position centrale, Vesoul devient le chef-lieu dudpartement2.

    Mais la formation de la nouvelle entit administrative nest pasencore dfinitive. Le 4 fvrier 1791, les villages de Passavant, laRochre et les Ctes rejoignent la Haute-Sane qui compte alors642 communes. Lorsque le 11 octobre 1793, la Convention annexela principaut de Montbliard, elle la rattache au district de Lure.Voil la Haute-Sane considrablement agrandie, et elle le demeurequand est cr un septime district, celui de Montbliardprcisment. Pour peu de temps dans cette priode agite. Le11 messidor an V, le district de Montbliard passe dans le nouveaudpartement du Mont-Terrible, avant dtre intgr au Doubs, lexception du canton de Clairegoutte qui reste en Haute-Sane.Quant au village de Couthenans, aprs bien des prgrinations, ilrintgre le dpartement le 26 mars 18293.

    Quatre grands ensembles gographiques divisent le territoire haut-sanois qui, globalement, se prsente comme une succession deplans inclins, orients nord-est/sud-ouest, des Vosges au confluent

    de la Sane et de lOgnon4

    .

    Au nord-estAu nord-est du dpartement dabord, se dressent les lourdescroupes vosgiennes ; le Ballon de Servance (1216 m) est le pointculminant du dpartement. De tous cts, aux versants et jusquebas dans les valles, saccrochent les forts de htres et de sapins.Sur ces roches cristallines o prdominent selon les secteurs les

    granits, les porphyres ou les grs, partout le sol est pauvre,impermable. A lest, au pied des ballons, entre Faucogney etServance, stend la rgion dite des Mille tangs. Et quand cessentles bois, sur les landes incultes, stalent gents, bruyres etfougres jusque sur les berges.Le climat est rude. Il gle de quatre-vingt-dix cent jours par an.Avec lexploitation forestire, les activits humaines ne devraienttre que pastorales sil ny avait les nombreux torrents. Avec unemoyenne de prcipitations qui atteint annuellement les 1 250

    millimtres, les eaux ne manquent jamais et entranent les roues aubes dune foule dindustries, des scieries bien sr, mais aussi desusines mtallurgiques et surtout textiles.

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    Formation administrative et gographie du territoire technologique

    1 - GIRARDOT (Jean), Le Dpartement de la Haute-Sane pendant la Rvolution, tome I, d. SALSA,Vesoul, 1973, p.169-187.2 - CLADE (Jean-Louis), La Haute-Sane autrefois,images de la vie quotidienne, d.Cabdita, 2e d., 2002.3 - Ibid., p. 19-21.

    4 - Ibid., Il sagit dun rsum partir du texte initial.

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    Au sud des Vosges

    Adosse aux ballons, dbordant le vieux massif primaire, staleensuite de Champagney Luxeuil, en passant par Mlisey et Lure,une frange de coteaux, de plateaux tourments de grs bigarrs et

    de granit. A la fin de lre quaternaire, des dpts morainiquesfurent abandonns l par les glaciers. Le relief est accident et lessurfaces labourables sont faibles.Puis, la Sane et ses affluents ont dblay au pied de ces coteaux etde ces plateaux, une succession de bassins pour former ladpression marginale o dominent les calcaires coquilliers, lesmarnes irises et les argiles du lias. Elle comprend deux zonesconstitues de prairies humides, voire marcageuses, propices llevage : lune louest qui englobe en partie les cantons de

    Combeaufontaine, de Vitrey et de Jussey, lautre, autour de Vesoul,au nord, draine par le Durgeon.

    Au sud-est

    Enfin, des plateaux constituent la moiti sud du dpartement. Leuraltitude moyenne oscille entre deux cents et trois cents mtres. Ilssont forms de calcaire du jurassique moyen.

    Sur ces plateaux les phnomnes karstiques abondent. Les eauxsuperficielles sont rares. Le climat est l encore assez rigoureux. Lacouche de terre arable, rougetre,est par endroit si peu paisse quela rocaille pointe parfois sous lherbe maigre. Bois ou landeshabillent les croupes.

    Les grandes valles

    Les alluvions modernes et les limons fertiles des valles de la Saneet de lOgnon assurent la prosprit du dpartement. Le climat sefait plus clment. Les geles et les prcipitations sont moins

    nombreuses, mais les ts plus chauds engendrent des scheressesparfois catastrophiques.

    Globalement, les sols haut-sanois sont peu fertiles. Ils sont enpartie dcalcifis et nombre de ceux-ci sont pauvres en acidephosphorique ; leur teneur en potasse est moyenne. Se posent desproblmes damendements et de fumures5. Or, en ce dbut du XIXe

    sicle, encore marqu par la Rvolution politique, le monde paysanest-il prt engager une rvolution agricole, est-il prt se

    moderniser, sachant que la modernisation passe par le rejet de laroutine, lacquisition doutillage et lusage quasi exclusif ducheval ?

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    5 - GUFFROY (Lucien), Ingnieur en Chef des Services agricoles, et ses collaborateurs, Ingnieurs du Service, HERBLOT (Jacques) et PESSEAUD (Gaston), Lexprimentation

    agricole en Haute-Sane en 1950-1951,Ministre de lagriculture, Direction des Services agricoles de la Haute-Sane,Vesoul, imprimerie Marcel Bon, 1951.

    Dessin JeanGarneret.

    Folklore comtois, Barbizier, 1957

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    En 1851, la Haute-Sane compte 347 469 habitants, soit unedensit de 64,6 habitants au km2. Or, la veille de la PremireGuerre mondiale, le dpartement naffiche plus que 257 606

    habitants, soit une perte de 89 863 units. Sa densit passe 47,9,soit une chute de 16,7 %, alors que la densit moyenne en Franceprogresse de prs de 9 %. Cholra de 1854, guerre de 1870, crisesconomiques, vieillissement de la population, exode seconjuguent pour expliquer ce dpeuplement que le premier conflitmondial ne fera quaccentuer. Cette situation affectera ledpartement jusquau milieu du XXe sicle6.

    Et cest essentiellement la population des campagnes qui esttouche. De 1851 1911, le nombre des ruraux diminue en effetde 32,7 % tandis que crot la population urbaine sans compensertoutefois la perte globale dhabitants. Outre les causes djnonces, le monde paysan subit une succession de crises graves :une surproduction en 1850-1851 qui entrane une mvente desproduits agricoles, deux fenaisons dsastreuses en 1852 et 1853, ettrois rcoltes dficitaires en 1854, 1855 et 1856. Pour solder lesdettes ou payer les fermages, le paysan doit vendre son btail alors

    que son cheptel est dj rduit7

    .Cependant, en dpit de cette fuite des paysans, la Haute-Sanedemeure un dpartement essentiellement rural au dbut du XXe

    sicle. En 1851 il y avait 50 097 chefs dexploitation ; en 1911, il

    nen reste que 25 531.Le nombre des fermiers, des mtayers et desjournaliers a galement chut. On assiste alors une augmentationdu nombre des propritaires et une augmentation des moyennes

    proprits (10 40 hectares). En outre, si 86 % des exploitants sontpropritaires, 32,5 % dentre eux sont aussi des fermiers ; lefermage est un complment ncessaire de la proprit en Haute-Sane8.

    Cette concentration des terres en faveur de la moyenne propritest remarquable et se poursuit lentement jusque dans les annes1950, puis sacclre jusqu nos jours. Le nombre dexploitationsde moins de 5 hectares passe ainsi de 18 003 en 1892 3 231 en

    1950. Celles comprises entre 5 et 10 hectares suivent le mmemouvement avec une moindre ampleur : de 9 833 en 1892 3 821en 1950.Un quilibre stablit, avec une lgre augmentation,pourles exploitations de 10 20 hectares : toujours pour la mmepriode, de 4 857 5 204. En revanche, les 20 50 hectarestriplent : de 1 550 4 722. Quant aux plus de 50 hectares, ellesdoublent pratiquement : de 258 4229.

    Bien entendu, il faut tenir compte des nuances locales. Si

    indiscutablement, ds 1908, un changement sest opr en faveurde la moyenne proprit, il ne concerne pas tous les secteurs.Ainsi,dans les Vosges sanoises et leur bordure mridionale, la propritoscillera encore longtemps entre 5 et 10 hectares10.

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    Population et activits agricoles

    6 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, thse de doctorat, 1970.7 - Ibid.8 - Ibid.9 - GUFFROY (Lucien), Ingnieur en Chef des Services agricoles, et ses collaborateurs, Ingnieurs du Service, HERBLOT (Jacques) et PESSEAUD (Gaston), Lexprimentation

    agricole en Haute-Sane en 1950-1951,op. cit.

    10 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op.cit.

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    Par ailleurs, le territoire est trs morcel et chaque proprit trs

    parcelle, ce qui gne les assolements, empche le dveloppementdes prairies naturelles et soppose au drainage. Cette parcellisationexcessive provient des partages successoraux11. La famillesarrange, par souci de ne lser aucun des cohritiers, pour que

    chacun aient, dans chaque pye ou pie (sole), des portionsgales de terre de mme nature12. En 1885, il faut compter, enmoyenne, 16 parcelles par cote foncire dune contenance de 25ares par parcelle. La Haute-Sane est un des dpartements o lefractionnement parcellaire, qui exagre encore les divisions de laproprit, est le plus lev13.Que cultive-t-on en Haute-Sane ? Au milieu du XIXe sicle, descrales avant tout, comme dans la plus grande partie de la France.Elles occupent les 2/3 des terres labourables qui, elles-mmes,couvrent prs de la moiti du territoire. Leur rpartitiongographique varie selon la plus ou moins grande richesse des sols :le bl lemporte partout mais particulirement dans lesarrondissements de Vesoul et de Gray tandis que larrondissementde Lure privilgie le seigle et le mteil ainsi que la pomme de

    terre14

    .En 1913, mme sil garde sa position prminente, le bl voit sonaire rduite de 23 %, mais laugmentation des rendementscompense la diminution des surfaces. Lavoine, en revanche, gagnedu terrain ; peut-tre pour nourrir les chevaux, plus nombreux.Quant au vignoble, il subit de plein fouet les consquencesdsastreuses du phylloxera.

    Mais le fait marquant de cette deuxime moiti du XIXe

    sicle, cestla diminution des terres labourables. Elle saffirme partir de 1892et sacclre aprs 1914. En 1862, les labours couvraient 48,7 %du dpartement ; ils ne reprsentent plus que 25 % en 192915.

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    11

    11 - Archives dpartementales de la Haute-Sane, Service ducatif, LAgriculture en Haute-Sane au XIXe sicle, association des Amis des Archives,Vesoul, 1979,doc. 74 M 1, sessionordinaire de 1853, discours du prfet.

    12 - ADD, Annuaire et statistiques de la Haute-Sane, 1803, p. 210.13 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op.c it.14 - Ibid.

    15 - Ibid.

    Attelage de bovins Faucogney.

    (ADD, clich Antoni)

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    Les prairies artificielles progressent lentement. De 3,7% en 1862,elles passent 28 % en 1892. De toute faon, jusquen 1914, toutevolution est lente : longtemps encore,pour compenser le manquede prairies, on utilise les terrains en jachre, le droit de vainepture, les friches et les communaux. En 1870, rares sont les

    cultivateurs qui recourent aux racines fourragres pour nourrirleur btail. Les bovins dominent llevage.A partir de 1868, la racefmeline qui simposait jusque l est progressivement remplacepar la race montbliarde qui profite de lextension des herbages.

    Le cheval et les travaux agricoles

    Aprs avoir prsent le milieu naturel, indiqu la nature desproductions et prsent lvolution de la population rurale, ilimporte de se poser la question : quel animal de trait le paysan

    utilise-t-il pour son travail ? On serait tent de rpondre : lecheval. En effet, ds 1803, son importance est indniable dans ledpartement : Les chevaux sont trs nombreux dans une partie desvillages riches en prairies : la principale fortune de plusieurs de ces villagesconsiste mme dans le commerce de ces animaux, qui sont en gnral dunebelle race, forts et propres au trait et la selle 16. Les chevaux sontnombreux, certes, mais leur rpartition sur le territoire haut-sanois est ingale et, si on en fait commerce, les utilise-t-onobligatoirement comme animaux de trait ?

    En 1803, le dpartement compte 21 509 chevaux, soit moins duncheval pour deux propritaires exploitants17. Cest peu et cestcertainement moins si lon exclut tous les propritaires quicultivent moins de 5 hectares et, qui plus est, sur des terrains dequalit globalement mdiocre. Un cheval cote en effet trs chertant lachat que pour sa nourriture, environ trois ou quatre foisplus que le buf. Il est de sant plus fragile et sa mort peut ruinerle petit propritaire18. Avec moins de 5 hectares, il tait doncimpossible de soffrir le luxe dun cheval, mais, dans le mmetemps, un gros propritaire pouvait entretenir un attelage de quatreou six chevaux19.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    16 - ADD, Annuaire et statistiques de la Haute-Sane, 1803, p. 6.17 - Ibid. , p. 31, 45, 62.18 - DUBY (G.) et WALLON (A.), Histoire de la France rurale,depuis 1914, dition du Seuil, 1977, tome 1, p. 456, chapitre rdig par Guy Fourquin.19 - Annuaire publi pour 1832 et 1833 par la Socit centrale dAgriculture du dpartement de la Haute-Sane, juillet 1832,extrait de Les secrets du laboureur Benot dans

    le Calendrier du bon cultivateur de Mathieu Dombasle.12

    Chevaux de retour de labreuvoir Suaucourt .(collection prive)

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    Cette situation nest pas propre la Haute-Sane. Mme dans lesriches terroirs du Bassin parisien, le paysan prfre le buf aucheval.Tirer la charrue nimpose pas forcment la rapidit, la forcetranquille suffit, tout comme pour les dfrichements, au MoyenAge. Il est vrai que le nouveau joug, plac non plus sur les cornes

    mais sur le front, permet de tirer bien meilleur parti de la forcedanimaux qui, par ailleurs, sont mieux slectionns et mieuxnourris quautrefois20. Et les bufs ne manquent pas : 43 455 ttes

    en 1803 auxquels il faut ajouter 46 091 vaches21. Donc, mme les villages riches en prairies nont pas forcment recours au cheval.Pourtant, trs tt, on a besoin de lui pour tirer la herse dans leslabours : il faut de la vitesse pour briser efficacement les mottes.

    La vache nest pas ngliger, car le buf comme bte de trait estgalement un luxe : il ne donne pas de lait ! La vache en revanchea tous les avantages. Elle fournit lait, viande et force de travail.On lattelle seule et parfois avec un cheval : dans les cantonsarides et privs de prairies, on voit au contraire souvent de mauvais chevaux,attels avec de petites vaches, remplacer les bufs pour la culture des terres22. Henri Carel est plus catgorique encore qui affirme que, enHaute-Sane, en 1851, le buf est peu utilis comme animal detrait et quil est frquemment remplac par la vache de race

    fmeline23

    . Ce que confirme lannuaire de 1832 : Javais un petitchariot auquel on attelait deux vaches, et quon chargeait dunmille environ de fourrage, quon amenait quelquefois dun quart delieue, le lendemain on en attelait deux autres. Cela ne les fatiguaitpas du tout 24.

    En 1803, le dpartement, dont la superficie est de 456 964 ha, nepossde que 171 557 ha de terre en culture , soit seulement les2/5 du territoire. De ce nombre de 171 557 ha, on en cultive par

    des chevaux ou des bufs 134 000 ha et 37 457 ha par le seulsecours des bras ; savoir, 22 349 ha de terres labourables,12 635 hade vignes et 2 473 ha de jardins 25.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    20 - Ibid.21 - ADD, Annuaire et statistiques de la Haute-Sane, 1803, p.31, 45, 62.22 - Ibid.,p.6.23 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op.cit.24 - Annuaire publi pour 1832 et 1833 par la Socit centrale dAgriculture du dpartement de la Haute-Sane, juillet 1832, op.cit.

    25 - ADD, Annuaire et statistiques de la Haute-Sane, 1803, p. 206. 13

    Attelage de bu

    fs

    Bau

    doncou

    rt. (collection prive)

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    p e

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    Chevaux et bufs se ctoient donc, ces derniers lemportantcertainement puisque, pour travailler la terre, on a encore recoursau seul secours des bras sur une partie non ngligeable desterres cultives.

    Lannuaire de 181526 dresse aussi un constat sur les conditionsdlevage et de lutilisation du cheval cette poque.Ce nest gure

    brillant : Leur hbergement est dplorable , souvent dans des lieux troits, obscurs, humides et sales ; ils nont pas delitire ; ils sabreuvent dans des mares pollues par les volailles ouau lavoir... Au gr des saisons, donc des besoins, tantt les paysansles soumettent des travaux forcs et de longues fatigues ,

    tantt ils les laissent snerver dans un long repos . Les paysansles attellent trop jeunes, ds lge de 24 ou 30 mois.A cela sajoutele mauvais choix des haras et leur loignement de certainescommunes : le paysan prfre laisser libre la saillie au pturage bienque cette pratique contribue labtardissement de lespce 27.Pour les nourrir ou les engraisser, ds le retour de la belle saison,les paysans les mettent au vert ; quelques-uns leur donnent un

    mlange de pain de seigle avec de la paille hache ; dautres lesnourrissent de trfle et de luzerne, mais ils prennent la prcaution dalterner et de mlanger ces aliments aqueux qui, donns seulssans interruption, occasionneraient des dysenteries et destranches 28.

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    26 - ADD, Annuaire statistique et historique du dpartement de la Haute-Sane, 1815, p.27 - Ibid., p.143-146.

    28 - Ibid., p. 149.14

    Vachesse dsaltrant Apremont.ADD, clich Antoni

    Train de bufstirant une grume sur un chariot :la force tranquille suffit.ADD, clich Antoni

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    Des annes difficiles pouvaient mettre en pril un cheptel dj peuabondant, bovins et chevaux confondus. Ainsi en 1852 et 1853, lesfenaisons furent dsastreuses ce qui vida en partie les tables. Lespaysans durent vendre leur btail, dabord leurs chevaux et ils lesvendirent bon prix parce que se prparait la guerre de Crime29.Des pizooties dcimrent alors le peu de bovins qui restaient. Lemanque danimaux de trait se faisant durement sentir, larme mitalors la disposition des paysans des chevaux dartillerie pour lestravaux des champs30.

    A une situation socio-conomique dfavorable, sajoute le poids dela routine qui pse lourd dans le monde paysan et notamment enHaute-Sane. Pourtant, peu peu, des changements soprentmme sils ne touchent quune minorit, celle des gros

    propritaires exploitants. A la fin du XIXe

    sicle, la cration dessyndicats agricoles ouvre la porte aux achats dengrais et desemences31. De 1892 1913, les prairies artificielles gagnent duterrain, au moins sur une partie de la pie laisse en jachre, cequi dj limite le vain pturage32.La mcanisation a progress. Il fallait remplacer labsence de brasconsquence de lexode rural, surtout celui des journaliers et despetits propritaires qui louaient leur service, une fois terminsleurs propres travaux. Pour la fenaison, on passe de 5 faucheuses en

    1862 715 en 1892.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    29 - MARLIN (Roger), Lopinion franc-comtoise pendant la guerre de Cr ime,1957,p.51.La guerre de Crime na sans doute pas t sans influer sur le march descrales et des chevaux.La demande en chevaux de larme a d inciter certainscultivateurs vendre leurs btes haut prix, ce qui diminuera dautant untroupeau dj insuffisant.

    30 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op.cit.31 - CLADE, La Haute-Sane autrefois, op.cit., p. 61-6232 - ADD, Annuaire et statistiques de la Haute-Sane, 1803. Cette possibilit tait

    dj voque.Bien quelle ne soit plus mentionne, on pense quelle fut mise en

    pratique car elle existait encore dans les annes 1950. 15

    Attelage de bufs Jussey tirant un chariot de fumier. ADHS

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    Dans le mme temps, on passe de 7 faneuses et rteaux cheval 158 ; pour la moisson, de 4 moissonneuses mcaniques 338, maisla faucheuse destine la fenaison pouvait tre bricole pour

    moissonner. Pour le labour, de 0 charrue perfectionne (le brabant?) 333. La progression la plus spectaculaire est celle de la houe cheval : de 50 219133. Mais, globalement considre, lamcanisation reste encore une exception.

    En outre,pour que ce matriel soit performant, il faut quil soit tirpar des chevaux. Certes, on voit sur certaines cartes postales dudbut du XXe sicle, des bufs attels, par exemple une faucheusemcanique. Mais il est alors permis de douter de lefficacit delengin. Il faut de la vitesse pour que la barre de coupe trancheefficacement lherbe et seul le cheval autorise la vitesse ncessaire.Dailleurs, sur la plupart des cartes postales, domine la prsencedes chevaux. Et pourtant, en 1892, ils ne sont encore que 21 463, peine moins quen 1803. En fait, si leur nombre est restpratiquement stable, le nombre de propritaires exploitants a, enrevanche, chut de 50 %. La majorit dentre eux possde alors de30 40 hectares, sans compter les terres loues, et les exploitationsde 20 50 ha ont tripl. Par consquent, mme si le buf esttoujours prsent comme animal de trait, le cheval tendrait

    simposer dans les exploitations. Demeurent les 160 942 bovins,vaches et bufs, dont on ignore quelle proportion peut tre encoreutilise pour la traction.

    Aprs la saigne humaine de la Premire Guerre mondiale, lamcanisation sintensifie. Elle devient indispensable. Il importe eneffet de compenser, une fois encore, le manque de bras. Le chevalrenforce alors sa position.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    33 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op. cit., statistique cite par16

    Desbufsqui tractent une faucheuse mcanique

    Montagney :on peut douter de lefficacit de la machine.ADD, clich Antoni

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    La race et son amlioration

    Quel tait laspect physique de ces chevaux ? Autrement dit,appartenaient-ils une race particulire ? A la race comtoise

    par exemple. En fait, cela nous importe peu, dautant plus que,comme lcrit Dominique Jacques-Jouvenot34, la naissance de larace comtoise ne date que du dbut du XX e sicle et relve avanttout dune construction sociale , dun choix et dune dfinitiontablis par les leveurs eux-mmes.En 1888, Sanson, dans son Trait de zootechnie (t.3), donne unedescription du cheval tel quon le rencontrait cette poque dansnotre rgion : La production chevaline ntant nullement sa place enFranche-Comt, nous ne nous tendrons gure sur la descriptionzootechnique des chevaux descendant de ceux quy introduisirent lesBurgondes. Une grosse tte lextrmit dune encolure maigre, des formesanguleuses du corps avec une croupe trs oblique et des membres faiblestermins par de grands pieds, tel est le portrait non charg de ces chevaux,des deux cts de la chane du Jura, en France et en Suisse 35.

    Description peu flatteuse, mais ne dplaise Sanson, aux XVIIe etXVIIIe sicles, les chevaux de la province taient estims pour leurs

    qualits de rusticit et dendurance. Sils ont une grosse tte et desformes peu plaisantes, ils sont rputs travailleurs. Si leursmembres sont grles, ils sont secs et nerveux. Ce sont des chevauxactifs et sobres36.

    Durant cette priode, les intendants qui se succdent en Franche-Comt consacrent toute leur nergie dvelopper llevage ducheval37. Il passe par la slection des haras, cest--dire lensemble des talons dune province qui sont slectionns pourassurer la reproduction et rpartis chez les gardes-talons 38.Ceux-ci sont 80 % des laboureurs, tous gens aiss. Les talonssont de deux types : il peut sagir dun talon approuv, cest--dire dun animal appartenant un paysan, mais jug apte remplircette fonction par linspecteur du haras, ou il peut sagir duntalon royal remis au garde-talon par lintendant. Les leveursdoivent faire saillir leurs juments par les talons, moyennant

    rtribution aux gardes-talons,dans le respect des rglements alorsen vigueur.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    34 - JACQUES-JOUVENOT (Dominique), Bai,Alezan et frison clair, Hommes, Femmes et chevaux comtois, collection patrimoine ethnologique, d. Ctre, 1994, p. 28-29.35 - FRISSON (Maurice), LElevage du cheval de trait en Haute-Sane, ancienne imprimerie Cival, 1931.36 - Ibid.37 - WADEL (Patrick), Le Garde-talon comtois et son cheval: une rvolution culturelle (1678-1790), dans le cadre du Festival dHistoire de Montbrison, 24 septembre-2 octobre 1994,

    De Pgase Jappeloup,cheval et socit, p. 401- 413.

    38 - MOREAU (Cline), Le cheval dans les campagnes comtoises au XVIIIe

    sicle, dans Mmoire de la Socit dEmulation du Doubs, nouvelle srie, n 42, 2000, p.173. 17

    Quel cheval ?

    Dessin JeanGarneret.

    Folklore comtois, Barbizier, 1957

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    Ainsi, en 1684, trente chevaux danois sont disperss dans lescommunauts par le pouvoir royal. Cest un chec que constateJrme de Pontchartrain, Secrtaire dEtat la Marine et laMaison du roi ... ils trouvent ces chevaux peu propres pour leurs jumentsayant mieux avoir des chevaux espais de grosse encolure et des jambescharges de poils quoy je suis persuad quils se sont tromps, et que laFranche-Comt pourrait produire des chevaux plus fins et plusdchargs. 39 En 1725, on apprend que les communauts ont vendula plupart des talons.

    En 1737, lintendant renforce la rglementation afin dassurer lemonopole de la monte aux seuls talons approuvs ou aux talonsroyaux. Il interdit les coureurs 40, mais ceux-ci continuent exercer leur lucratif commerce, parcourant les villages avec leur

    talon auquel il pendoit une cloche au col, et un ruban attach la queue, il en faisoit march avec le propritaire de jument pour 12ou 15 sols chaque sault 41.Dautres rformes suivirent toujours dans le souci de mettre finaux abus. Le pouvoir royal tenta, sans plus de succs, dintroduireencore une fois des chevaux trangers , allemands et danois,toujours aussi mal accueillis : au lieu daller les chercher,on doitles fuir comme la peste 42 dit-on alors. Il faut attendre lintendant Lacor

    qui, vers 1780,admet les qualits du cheval de trait comtois et dcide denrgnrer lespce. Il dclare dans un mmoire : Lespce des chevaux enFranche-Comt nest point fine ny propre en gnral pour la monture,maisen revanche les chevaux de trait y sont aussy beaux que bons et leurdestination ordinaire en tems de guerre est pour le service de lartillerie 43.Mais cest surtout au cours du XIXe sicle que le gouvernement seproccupe de llevage des chevaux. Un dcret du 14 juillet 1806rorganise les haras dans le but damliorer la race des chevaux, deprocurer aux cultivateurs des lves utiles leur exploitation, et dun prixavantageux la vente 44. Des talons sont placs, sur indication desprfets, chez les propritaires les plus distingus par leur zle et leursconnaissances dans lart dlever et de soigner les chevaux 45. Lesparticuliers, qui ont des talons destins la monte, peuvent lesprsenter aux inspecteurs gnraux pour les faire approuver. Un

    dpt de 50 60 talons est constitu Besanon.LAnnuaire de 1815 parle damlioration de la race grce unbon choix dtalons et de lintrt que porte le dpartement lamultiplication des chevaux. Le document affine aussi laprsentation : En gnral,lespce est petite et forte.Elle prsente deuxvarits distinctes quon occupe des travaux diffrents.Lune,originaire descantons de lEst de la Haute-Marne, est employe spcialement aux travauxpnibles de lagriculture.Elle domine dans les cantons de Jussey,deVauvillers

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    39 - WADEL (Patrick), Le Garde-talon comtois et son cheval..., op. cit.40 - ADD, CIC 1196, ordonnance de lintendant de Vanolles du 15 mars 1737, art XVI : Les Particuliers appels Coureurs, courans les campagne, foires et marchs dans le

    tems de la monte avec des chevaux entiers pour les faire servir dtalons, seront saisis et conduits dans les prisons plus prochaines du lieu de la capture, leurs chevaux acquiset confisqus, et eux condamns chacun en trois cens livres damende, sauf faire en outre le procs extraordinairement ausdits coureurs, comme vagabons et gens sansaveus, et comme rfractaires aux rglemens des haras, ainsi quil appartiendra .

    41 - Un mmoire rdig en 1765, cit par Patrick Wadel, Le Garde-talon comtois et son cheval, op.cit.42 - WADEL (Patrick), Le Garde-talon comtois et son cheval, op.cit.43 - ADD, CIC 1215, Mmoire sur les haras de Franche-Comt.44 - ADD, Statistique abrg du dpartement de la Haute-Sane, 1819, p. 138-139

    45 - Ibid.18>< Regards dhistoriens

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    et autres circonvoisins. Lautre est originaire de la Suisse. Celle-ci, plusvigoureuse, donne de bons chevaux de roulage, dartillerie et de cavalerielgre. On la trouve dans les cantons dHricourt, de Villersexel et dans leurvoisinage 46.Les chevaux de trait sont dits de type comtois , amliors parlintroduction de juments et dtalons percherons et boulonnais.Ces croisements trs nombreux, parfois livrs au hasard, ne sontpas toujours trs heureux puisquils produisent parfois desmanires de monstres, des btes dcousues, sans type, sans moyen,sans valeur 47.Pour remdier cette situation, le dpt de Besanon place septtalons en Haute-Sane : deux Jussey, un Vesoul, deux Lure et,en 1824, deux Gray48 ; ils sont placs sur lindication du prfet.De 1838 1851, les autorits dpartementales poursuivent

    lintroduction de juments percheronnes, puis dtalons percheronsplacs chez des fermiers. La seconde exprience surtout est jugeconcluante : Les produits obtenus cette anne sont nombreux etprsentent de plus en plus les caractres de la race percheronne 49.

    En 1851, on assiste un total changement dorientation. Legouvernement dcide la production dun cheval de guerre. Cechoix est dict avant tout par des ncessits conomiques :llevage de trait na plus de dbouch, il ne se vend plus ou mal.Les chemins de fer se dveloppent, le roulage est en pleine crise. Laremonte de larme offre donc de nouvelles perspectives. Il fautadapter la race aux besoins et produire par consquent des chevauxde luxe ou des chevaux de guerre. Le salut est donc dans llevagedu cheval de demi-sang.Un dpt de remonte est cr Faverney. Les premiers achats dedemi-sang ont lieu ds 1852 et, en 1864, la substitution des demi-sang aux percherons est compltement ralise. Llevage du chevalde trait est dsormais abandonn son sort. Or, les leveursrsistent, privilgiant le cheval de trait dont la vente est toujours

    assure condition que lanimal soit bien conform50

    .En 1899, il faut se rendre lvidence : llevage des demi-sang estun chec. On en revient llevage du cheval de trait.Abandonnedepuis 35 ans, sa politique de slection doit tre reprise. Jusquen1902, les choix se portent, comme par le pass, sur le percheron etle boulonnais, puis, en 1907, sur lardennais belge. Celui-ci trouve,en Franche-Comt, un climat et un terrain conforme sontemprament plus rustique et plus sobre que le percheron... car les

    leveurs comtois ne sont pas gros nourrisseurs.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    46 - ADD, Annuaire 1815, op.cit., p.145-146.47 - GOYOT, La Franche-Comt chevaline, 1848-1854, cit par Henri Carel,op.cit., p. 151.48 - ADD, Annuaire historique et statistique du dpartement de la Haute-Sane, 1825.49 - FRISSON (Maurice), LElevage du cheval de trait en Haute-Sane, op.cit.

    50 - Ibid. 19

    Dessin JeanGarneret.

    Folklore comtois, Barbizier, 1957

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    A partir de 1911, se poursuit alors un croisement continu aveclardennais qui, de gnration en gnration, donnera un chevaldun format moyen correspondant aux possibilits de la rgion, demeilleure qualit que celui obtenu avec les juments importes.

    Ltalon ardennais a donc considrablement amlior le cheptel detrait et, avec une meilleure alimentation, il a lev, petit petit, lataille avec lusage de la poulinire du pays51.

    Les talons nationaux sont alors rpartis en 5 stations : trois danslarrondissement de Gray, Arc-les-Gray, Champlitte et Pesmes,une Faverney dans larrondissement de Vesoul, et une danslarrondissement de Lure, Vauvillers, la dernire cre (1927). En193052, ces reproducteurs sont au nombre de 14, tous de raceardennaise et dun modle conforme aux besoins du pays.

    Malgr les efforts des pouvoirs publics, quel que soit le rgimepolitique, le nombre des chevaux augmente peu ou pas.De la fin duXVIIe sicle la fin du XVIIIe sicle, pour la Franche-Comt, lenombre de ttes stablit aux alentours de 50 000. En Haute-Sane,de 1803 1892, on dnombre en moyenne 20 000 chevauxReproduction mal assure ? Cest possible, mais il ne faut pasoublier que le nombre dexploitants a chut de moiti et que les

    chevaux font lobjet dun commerce lucratif : on les vend le plustt possible. Et cette activit complique cette tude car on ignorele nombre de chevaux mis au travail et le nombre de chevaux levspour tre vendus, quand ce ne sont pas les mmes.

    Elevage et commerce du cheval

    Il est difficile de dterminer partir de quelle poque la Franche-Comt sest lance dans le commerce des chevaux. Une certitude :

    au XVIIIe

    sicle, llevage du cheval occupe une place importanteparmi les activits agricoles53. Il sagit de vendre de bons chevauxde trait tant pour lagriculture que pour le roulage et les besoins de

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    51 - Ibid.52 - Ibid.53 - MOREAU (Ccile), Le commerce du cheval en Franche-Comt au dernier sicle de lAncien Rgime, dans Mmoires de la Socit dEmulation du Doubs, nouvelle srie,n 44,2002,p. 1-

    11.20

    Attelage de chevaux remorquant une pniche

    Port-sur-Sane. ADHS

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    C d l b h t h l t il XVe XXe i l

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    larme, et non pas pour la consommation. Depuis le VIIe sicle, lespapes Grgoire III et Zacharie 1er ont en effet condamnlhippophagie. Ce nest quen 1866 quune premire boucheriechevaline ouvre ses portes Paris.Eleveurs et maquignons frquentent alors les nombreuses foires auxchevaux o seffectuent les tractations et les ventes : Vesoul,

    Faverney, Jussey, Luxeuil, Mlisey, Lure, Marnay Les marchandsviennent de toutes les rgions de France : de lAuvergne, duLyonnais, de la Brie, de la Champagne, de la Bourgogne, du Berry, dela Lorraine, de lAlsace, mais aussi des cantons suisses, Neuchtel etfribourg Ce sont ainsi 5 000 chevaux qui quittent chaque anne laprovince54.Mais la Haute-Sane nest pas quexportatrice de chevaux, elle enimporte aussi : La Suisse lui en fournit le 6e ; le dpartement du Doubs

    le tiers et le Haut-Rhin, la moiti.Les importations,anne commune,slvent 1 500 individus,presque tous chevaux hongres de 7 8 ans.On peut ajouter cette quantit environ 150 poulains 55.Aprs avoir utilis ces chevauxpendant quelque temps, les paysans les mettent lengrais, ainsi queles poulains, avant de les vendre dans les foires.Les guerres rvolutionnaires et napoloniennes ont dcim le cheptelet dsorganis ce commerce. Bien des chevaux ont trquisitionns. LAnnuaire de la Haute-sane de 181956, dresse unbilan ngatif de cette priode : Le dpartement tirait autrefois de la

    Suisse et des dpartements du Haut-Rhin et du Doubs, de jeunes chevauxhongres,des poulains et des bufs que lon engraissait pour les vendre ensuitedans les foires.Les annes malheureuses qui viennent de scouler ont suspenducette branche importante de commerce qui reprendra,il faut lesprer,toute sonactivit les beaux jours de paix . La perte est sensible sans trecatastrophique : on passe de 21 509 chevaux en 1803 18 848 en1815, soit 2 661 ttes de moins

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    54 - Ibid.55 - ADD, Annuaire de 1815, op.cit., p. 179.

    56 - ADD, Statistique abrg du dpartement de la Haute-Sane, 1819, p. 32-33 21

    Des chevaux pour lArme. ADHS, collection prive

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    Tous les secteurs agricoles haut-sanois ntaient pas aptes nourrir les chevaux. Seuls les riches herbages des cantons de Vitrey,Jussey, Vauvillers, Amance, Combeaufontaine, Port-sur-Sane etVesoul pouvaient accueillir les animaux avec profit, et, dans unemoindre mesure, les cantons de Scey-sur-Sane, Rioz etMontbozon ainsi que des noyaux dans les cantons de

    larrondissement de Gray57.

    En 1851, quand les pouvoirs publics incitrent les leveurs sorienter rsolument vers llevage des demi-sang anglo-normands destins lartillerie et au train de larme, beaucoupdleveurs se montrrent sensibles aux encouragements officiels etsengagrent dans la voie indique par le Service des Haras et desRemontes. Les chevaux de trait risquant de mal se vendre, ils

    pensaient avoir trouv un dbouch de remplacement.Lexprience fut dsastreuse. Les leveurs ne tardrent pas revenir llevage du cheval de trait, une tendance qui se dessinads 1868. Ce type dlevage russissait mieux et laissait un bnficeplus grand. Certains leveurs achetaient des poulains de sept huitmois et, aprs levage, les revendaient lge de quatre ans. Ceschevaux de gros trait faisaient lobjet dune exportation assez active dans leMidi. Les foires chevaux de Port-sur-Sane, Combeaufontaine, Jussey,Luxeuil, Gray,Villersexel taient dautant plus frquentes que le cheval

    tendait peu peu se substituer aux bovins comme train de culture 58

    .

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

    57 - FRISSON (Maurice), LElevage du cheval de trait en Haute-Sane, op.cit.

    58 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, op.cit.22

    Chevaux labreuvoir Confracourt. ADHS

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    Une mcanisation ncessaire

    Jusquau milieu du XXe sicle, lagriculture reste dans lensembleroutinire. Les techniques agricoles nvoluent que trs lentement.La grande majorit des paysans reste fidle lassolement triennal,

    la jachre et leur complment, la vaine pture. Certes, lesprairies naturelles progressent : en 1892 : 63 886 ha ; en 1922 : 109876 ha ; en 1929 : 127 500 ha. Les fils de fer barbels surgissenttransformant en parcs et en ptures des terres autrefois consacres une mdiocre culture des crales59. Les terrains de parcours serestreignent.Pourtant, en 1960, la Chambre dAgriculture dnonce encorelusage de la vaine pture : Il ne suffit pas de vulgariser les meilleurestechniques agricoles... Il importe que certaines pratiques traditionnelles

    puissent tre modifies. La vaine pture est un cueil toute amlioration...Il faut que les municipalits suppriment la vaine pture 60. La loi de1889 interdit cette pratique,mais laisse au conseil municipal le soinde la maintenir, de la rglementer ou de la supprimer.Se maintiennent donc, chez les petits exploitants, des pratiquesarchaques : peu ou pas dachat au dehors, pas de slection, pasdengrais autre que le fumier dont la valeur fertilisante estdiminue par le lessivage des pluies. Longtemps, le paysan prfrela sage lenteur des bovins alors que le pas du cheval, plus rapide,

    impose de marcher bien plus vite. Longtemps, la notion du tempset de la rentabilit sont trangers au monde paysan. Pour la plupartdes cultivateurs, la proccupation majeure est de garantir la

    subsistance de la famille et dagrandir la terre quils cultivent enacqurant le lopin convoit. Aussi, les conomies ralises sont-elles affectes ces objectifs et non lamlioration des techniques.Dans une tude ralise en 1923, on peut lire : Les cultivateursveulent faire de tout, chacun continue ses travaux sans rien changer ainsiquil la vu pratiquer dans sa jeunesse.Tous les vieux procds subsistent.Les

    plateaux franc-comtois aujourdhui nous donnent presque lide exacte de ceque pouvaient tre la technique et lconomie agricole il y a plusieurssicles 60.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XV -XX sicle

    59 - FRISSON (Maurice), LElevage du cheval de trait en Haute-Sane, op.cit.

    60 - CAREL (Henri), La Haute-Sane de 1850 1914, cit par, op.cit. 23

    Le cheval simpose pour rpondre aux exigencesde lamcanisation. Photo Sygma, Machinisme agricole

    >< Regards dhistoriens

    Compagnons de labeur : homme et cheval au travail, XVe-XXe sicle

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    Pourtant, et cest incontestable, entre les deux guerres mondiales,lagriculture haut-sanoise se modernise. Il ne peut en treautrement. La guerre a sonn le glas dune agriculture consommatrice

    de travail humain.Le recours aux moyens modernes de production, et dabordaux machines, ne peut tre repouss 62. La main duvre manque du

    fait de lexode rural et de la guerre. La concentration des terres,engage ds le milieu du XIXe sicle, se poursuit avec unemodification des pratiques culturales.La superficie laboure a diminu de plus de moiti en unecinquantaine dannes (1900 : 244 294 ha ; 1950 : 100 000 ha) auprofit des surfaces en herbe qui ont plus que doubl (1892 : 66 847

    ha ; 1950 :148 221) comme ont doubl les landes et terres incultes(892 : 26 492 ha ; 1950 : 54 66863). Le nombre des bovins a luiaussi volu passant de 160 942 ttes en 1892 112 000 en 195064,et ce sont avant tout des vaches pour une production laitire avecfabrication de fromage (emmental) ; lembouche a perdu de sonimportance, le buf aussi.Les surfaces en herbe imposent un nouveau matriel. Lesfaucheuses mcaniques sont de plus en plus nombreuses. Lesfaneuses et les rteaux mcaniques se rpandent. Mme si lessurfaces emblaves sont moindres, la productivit est suprieure etles paysans achtent des javeleuses, puis des moissonneuses-lieuses.Pour tracter ce matriel, il est vident que le cheval affirme de plusen plus sa prminence. En 1929 on recense 29 241 ttes, unmaximum qui ne sera plus jamais atteint alors que le nombredagriculteurs a encore diminu65.

    La Seconde Guerre mondiale marquera une rgression du cheptel

    chevalin, de lordre de 20 %66

    . En 1943, on recense 20 026chevaux67.

    Compagnons de labeur: homme et cheval au travail, XV XX sicle

    62 - DUBY (G.) et WALLON (A.), Histoire de la France rurale,depuis 1914, op. cit., p. 59.63 - GUFFROY (Lucien), Ingnieur en Chef des Services agricoles, et ses collaborateurs, Ingnieurs du Service, HERBLOT (Jacques) et PESSEAUD (Gaston), Lexprimentation

    agricole en Haute-Sane en 1950-1951, Ministre de lagriculture, Direction des Services agricoles de la Haute-Sane,Vesoul, imprimerie Marcel Bon, 1951.64 - Ibid.65 - Ibid.66 - Guyard Valrie, La Diffusion des progrs agricoles dans le dpartement de la Haute-Sane entre 1868 et 1910 , mmoire de matrise sous la direction de Mme Brosselain, anne 1997-

    1998.

    67 - ADHS, Plan dexploitation de la production animale, statique de 194224

    Danslesannes 1940-1945, chariot de foin tir par desbufs.Photo Andr Blanc

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    Le tracteur

    La guerre termine, le travail reprend, avec les chevaux. Personnealors ne se doute de la Rvolution qui se prpare, qui vabousculer un cadre de vie qui semblait immuable.Cette rvolution,cest le tracteur.La mcanisation apparat jusque l comme lultime progrs. Leproblme de la motorisation de lagriculture nest pas lordre du jour 68.Le cheval est devenu et demeure le seul mode de traction.Rares sont ceux qui croient alors en lefficacit des tracteurs. Il estvrai que, avant-guerre, des engins motoriss, qui tenaient plus dutank que du tracteur, avaient tent une timide apparition, mais peucommodes, peu fiables, ils avaient bien vite achev leur phmrecarrire la ferraille. Lagriculture en Haute-Sane, tout comme

    lagriculture franaise, en restait donc la traction animale,considre alors comme la seule rentable. En 1923, Henri et JosephHitier notaient qu avec le prix lev de lessence, lhectare travaill autracteur revenait sensiblement plus cher que travaill par les attelages 69.Ils ne niaient pas le rle pratique du tracteur, mais ils en faisaient unsimple instrument de recours 70. En 1936, R. Dumont, ajoutait propos de la motorisation totale : Elle ne doit pas tre pousse troploin il ne faut jamais envisager le remplacement de tous les chevaux parla traction inanime 71.

    Pourtant, ds les annes 1950-1955, le tracteur simpose72. Le planMarshall daide au relvement conomique de lEurope

    occidentale, ruine par la guerre, favorise lvolution. Savulgarisation et sa gnralisation bouleversent radicalement lacivilisation rurale traditionnelle, rompant brutalement avec desmillnaires de traction animale.Au dpart, le tracteur ne fait que sesubstituer au cheval. On reste fidle aux anciennes pratiquesculturales. On se contente de bricoler les chariots et les

    mcaniques davant-guerre, on remplace les limonires par destimons. Le tracteur tire le brabant, la faucheuse mcanique, lafaneuse, le rteau, la moissonneuse-lieuse

    p g ,

    68 - DUBY (G.) et WALLON (A.), Histoire de la France rurale,depuis 1914, op.cit.,p.61.69 - HITIER (H. et J.), Les problmes actuels de lagriculture, Payot, 1923, p. 89-90.70 - Ibid.71 - DUMONT (R.), Misre ou prosprit paysanne, Fustier, 1936, p. 148.

    72 - CLADE (Jean-Louis), La Vie des paysans franc-comtois dans les annes 1950, d. Cabdita, 2000 (nouvelle dition). 25

    Danslesannes1950, chariot de foin attel aucheval.

    Photo Saint-Hillier

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    Mais rapidement les possesseurs de tracteur acquirent le matrielpropre lengin : charrue et faucheuse portes notamment. Dansun second temps, une nouvelle phase de mcanisation, adapte autracteur, se dveloppe et lon voit apparatre rteau-fane, presse fourrage, moissonneuse-batteuse tracte73 La statistique agricolede 1969, pour la Haute-Sane, suffit donner la mesure de

    lvolution sachant quavant la guerre, la plupart de ces machines-l nexistaient pas : 1600 tracteurs essence, 7 000 tracteurs diesel,1 200 faucheuses portes, 1 000 moissonneuses-lieuses, 200moissonneuses-batteuses tractes, 900 moissonneuses auto-motrices, 3 200 presses-ramasseuses74 En une dizaine dannes,les paysans passent de la moissonneuse-lieuse tracte par deschevaux la moissonneuse-batteuse auto-tracte, de la simplefourche la presse fourrage75. Une mutation sans prcdent !

    Et les chevaux ? Leur nombre lui aussi permet de mesurerlvolution : en 1968, ne restent que 1 200 juments poulinires, 2000 chevaux de trait et 200 mulets76. Certains paysans conservrentencore un cheval pendant quelques annes pour les menus travauxou des travaux particuliers comme, par exemple, la plantation, lebuttage et larrachage des pommes de terre, ou lentretien dunevigne, le temps quune machine spcifique ne simpose ou quedisparaissent les dernires vignes77.

    76 - ADHS, Statistique agricole, 1969, op.cit. Nous navons par relev le nombre demules et de mulets dans les statistiques du XIXe sicle, leur nombre tantdrisoire (14 en 1803).La mcanisation, dans la premire moiti du XXe sicle,qui imposait un animal de trait plus rapide, a-t-elle favoris lemploi des muletsdun entretien plus facile et moins coteux que le cheval ?

    77 - CLADE, La vie des paysans, op.cit.26

    Un tracteur Renault et sa faucheuse porte.Photo J. Poulain

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    Mais la motorisation ne se contente pas seulement de transformerle matriel. Elle engendre des mutations plus profondes. Dabordlabandon des anciennes pratiques culturales : cen est fini delassolement triennal, du moins de ce quil en restait, et le paysansonge regrouper les terres de son exploitation afin dutiliser au

    mieux son nouveau matriel, de le rentabiliser aussi. Lamcanisation et la motorisation ne pouvaient saccommoder de lamultitude de parcelles, souvent exigus, disperses sur tout le

    territoire communal. On parla alors de remembrement en dpit dela rticence ou de la rsistance des anciens78.La ferme, outil de travail, elle aussi se transforme. Pour abriter lenouveau matriel, il faut de la place. Or, la motorisation amplifielexode rural qui libre des fermes. De 1945 1970, le nombredes fermes comtoises a diminu de 50% ; depuis 1970, deux ou

    trois exploitations ont disparu tous les jours79 . Ces btimentsdlaisss sont lous ou achets par les paysans qui restent. Puis,bientt, on construit des hangars hors du village, plus fonctionnels.Le tracteur a en effet acclr lexode rural, chassant ceux qui nepouvaient pas lacqurir, parce quils taient incapables de sadapterou parce quils manquaient de moyens financiers ; lengin cotaitcher. Comment le rentabiliser quand on nexploitait quunetrentaine dhectares, en moyenne ?La thsaurisation ne suffit plus rpondre aux besoins financierscrs par la mcanisation et la motorisation. Le paysan est contraintdagrandir son exploitation pour amortir un matriel coteux qui,par ailleurs, suse vite. Consquence de lexode, la terre abonde :il faut louer ou acheter. En 1980, nimporte quel agriculteur enHaute-Sane dispose au moins de 80 hectares, en moyenne.Lpoque o la patiente pargne permettait dacheter le lopin tantconvoit est bien rvolue. La banque prend alors dans la vie ruraleune importance capitale. Elle encaisse la paie de lait et le montant

    des ventes des crales, mais accorde en revanche les prts dontlagriculteur a besoin. Il y perd incontestablement sonindpendance, mais a-t-il le choix ?

    78 - Ibid.

    79 - BOICHARD (Jean) (sous la direction de Roland FIETIER), Histoire de la Franche-Comt, d. Privat, 1980, p. 465. 27

    Rencontre entre deux gnrations : lancien et le cheval,

    lenfant et le tracteur.Photo L . Bouchard

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    Jusquau milieu du XXe sicle, le pre transmettait au fils ses faonsculturales dont il avait lui-mme hrit de ses pres. A partir desannes 1950, les jeunes ruraux frquentent de plus en plus lescoles dagriculture qui les initient dautres procds o lamachine tient une place prpondrante. Lcole leur inculque lesnotions de rendement, damortissement, de gestion. Depuis leremembrement, certains agriculteurs tournent mme rsolumentle dos lancestrale polyculture pour sorienter vers unemonoculture cralire. Deux gnrations sopposrent alors, et letemps et la ncessit ne pouvaient que servir la seconde.

    Enfin, au tracteur sajoute lautomobile qui rapproche citadins etruraux. La tlvision apporte une dtente tout en ouvrant dautresperspectives sur le monde. Le confort entre la ferme. Le paysan

    accde la socit de consommation ; le mot loisir entre dansson vocabulaire avec le cheval comme animal de compagnie !

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    Un Farmall essence quipe dun autoradio :une installation artisanale qui prfigure lavenir.Clich Ch. Perrey

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    Conclusion

    Il apparat que dfinir prcisment la place du cheval danslagriculture haut-sanoise au cours des deux sicles considrs estimpossible. Les documents ne sont pas assez prcis. Cependant,

    sans grand risque derreur, en considrant les cadres dans lesquelssinscrivent les activits agricoles, on peut affirmer que le cheval estpeu prsent comme animal de trait avant la Premire Guerremondiale, mais que son usage progresse lentement. Les donnesglobales corroborent cette affirmation. Dailleurs cette situationnest pas propre la seule Haute-Sane, dautres rgions de Franceconnaissent la mme volution des rythmes diffrents. Llevage,pour le commerce, constitue un phnomne intressant, mais quina l encore rien doriginal. De nombreux secteurs en France

    pratiquaient llevage du cheval.

    Demeure un fait incontestable, le cheval simpose entre les deuxguerres parce quil convient mieux au matriel agricole nouveauqui envahit les campagnes. Seul le tracteur le contraindra seretirer, tournant une page fondamentale de lhistoire delagriculture : la fin de la traction animale.

    Sources manuscrites

    ADD, CIC 1196, ordonnance de lintendant de Vanolles du 15 mars1737, art XVI.ADD, CIC 1215, Mmoire sur les haras de Franche-Comt.

    Sources imprimes

    ADD (Archives dpartementales du Doubs)Annuaire et statistique de la Haute-Sane, 1803Annuaire statistique et historique du dpartement de la Haute-Sane, 1815.Statistique abrg du dpartement de la Haute-Sane, 1819Annuaire historique et statistique de dpartement de la Haute-Sane, 1825.Annuaire publi pour 1832 et 1833 par la Socit centraledAgriculture du dpartement de la Haute-Sane, juillet 1832.ADHS (Archives dpartementales de la Haute-Sane)Plan dexploitation de la production animale, statique de 1942.Statistique agricole, 1969, rsultats de 1968.

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    Autrefois, certains chevaux travaillaient dans les champs, alors que dautres tiraient les wagonnets au fond des mines ou encore

    taient employs lenrichissement du minerai.

    LE CHEVAL ET LA MINE : UNE LONGUE COMPLICITPar Denis Morin, UMR CNRS 5608

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    Des centaines de chevaux ont travaill dans les mines, comme leshommes, pour tracter des trains de berlines de minerai dans lesgaleries. Ds le XVIe sicle, le cheval est prsent en surface. Cestlui qui emmne le minerai jusquaux forges. Au milieu du XVIIIe

    sicle, il descend pour la premire fois dans la mine. Avant lui,ctaient les hommes (appels les herscheurs) qui poussaient leswagons ou chiens de mines sur les voies de roulages en bois.

    Cette substitution intervient au moment o les galeriesslargissent grce lintroduction de la poudre. Les voies decirculation sont moins troites et plus longues. Laccroissement desconcessions, la recherche dun rendement sans cesse plus

    important expliquent en partie le recours quasi gnralis cettenouvelle forme dnergie.Le cheval de mine a fait lobjet de tmoignages qui illustrent lapnibilit des tches au fond mais sont aussi associs aux multiplesinnovations dont les exploitations se dotent notamment la fin delpoque mdivale et au dbut de la Renaissance.Les uvres dart en rapport avec la mine sont rares, ellesproviennent essentiellement de la province minire germanique ose trouvent les Monts mtallifres. Parmi cette iconographie, lecheval occupe une place relativement discrte. Son utilisation estcependant atteste pour lextraction et en particulier le pompagede leau accumule ou exhaure. La premire proccupation desmineurs de la Renaissance tait en effet de foncer des puits et desgaleries au-del dune certaine profondeur pour poursuivrelexploitation des filons et ainsi accrotre leur production. Pourvacuer en permanence les eaux dinfiltration et empcherlinondation des travaux, les ingnieurs mirent au point des

    machines complexes mues par lnergie hydraulique mais aussi parla force animale.

    32

    Au jour et au fond, le travail la mine.

    La Rouge Myne de Sainct NicolasFolio du manuscrit dHeinrich Gross (1530).

    Mineurspoussant deschariotsouchiensde mine.

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    Parmi les premires reprsentations du cheval dans les mines, legraduel de Kutna Hora (Bibliothque Nationale de Vienne, 1490)peint par Matre Mathis montre en trois registres superposs uncorch du monde de la mine et des scnes multiples de travaux lis la prparation et au traitement du minerai la surface.

    Graduel de Kutna-Hora (1490)Vue gnrale de luvre.sterreichische National Bibliothek, Wien)

    Mange chevaux (puitsdextraction engrenages).Sur cette gravure illustrant unecarte de rpartition desmineset carrires,un baritel ouWargue fonctionne aumoyendun mange chevaux. Leretour dangle se fait ici commesur lesminiaturesde Kutna-Hora par un engrenage

    lanterne. ANF

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    Un systme dexhaure au jour est actionn par un mange dechevaux couvert par une construction de bois. Information majeurepour lhistoire des techniques minires, cette illustration est lunedes toutes premires images dun chevalement qui atteste delutilisation de lnergie animale dans la mine.Cette tour qui abrite le mange et les molettes est au cur du

    systme technique de lexploitation. Cest lendroit stratgique oleau de la mine est remonte en permanence. Cest aussilemplacement o seffectuaient les manuvres dextraction deshommes et du matriel.

    34

    Graduel de Kutna-Hora (1490)Vue gnrale de luvre.sterreichische National Bibliothek,Wien)Dtail dumange dexhaure.Ce mange associ une tour en bois constitue la premirereprsentation connue de lnergie animale dans la mine. Il sagitgalement de lanctre duchevalement de mine.

    Mange ouWargue. Tableaude Paul Sandby (1786), National Museum of Wales.Il sagit dun treuil manuvr par un ouplusieurschevaux partir dunmange. Le cble senroule sur un tambour. Le retour dangle seffectuepar despoulies.

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    L b d S A l l f d l l d

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    La peinture sur bois de Saint Anne, la vierge et lenfant de lglise deRoznava (Slovaquie) ralise en 1513 dpeint un paysage minier larrire plan dune scne religieuse. Au sommet dune montagne,le peintre a reprsent plusieurs scnes minires : quatre chevauxactionnent un tambour corde reli un puits par lintermdiairedune poulie. Cest en fait lanctre du baritel ou wargue qui

    quipera nombre de mines en Europe jusquau milieu duXIXe sicle.

    Ces machines molette quipent encore de nombreux puitsjusquau dbut du XXe sicle. Cest un systme destin lextraction du minerai ou de leau dexhaure. Un mange dechevaux sert de moteur un tambour autour duquel une corde dechanvre senroule dans un sens tout en se droulant dans lautre.Les deux extrmits du cble passent par des molettes de bois partir desquelles elles plongent dans le puits la verticale. Cemcanisme assure en permanence le va et vient du fond jusqu lasurface des tonneaux de minerais appels aussi bennes ou cuffats.Un attelage trane une carriole charge de minerai qui descend dela montagne, rejoignant la fonderie. En revanche, le transportsouterrain seffectue manuellement comme le montre droite dela peinture la reprsentation dun chien de mine pouss par unmineur sur une voie de roulage en bois. Le paysage minier est en

    position secondaire mais apparat ici beaucoup plus raliste quKutna Hora.

    35

    Sainte Anne. Vierge lenfant. (1513) Museum de Roznava.Ce tableau montre larrire-plan un paysage minier avec sonsommet un puitsamnag avec un mange chevaux ouwargue. Dansla montagne on aperoit un mineur poussant un chien de mine etplusieurscharroisdescendant de la montagne lourdement chargs. gauche se trouve la fonderie.

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    A XVIe i l l i d i t t C

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    Au XVIe sicle, les pices de monnaie sont en or ou en argent. Cesmtaux prcieux, indispensables au dveloppement conomique etau commerce sont rares. Il est donc trs intressant pour le DucAntoine de Lorraine de possder des mines. Lune delles, situedans les Vosges la Croix aux Mines, lui appartient. Vers 1530,Heinrich Gross, peintre alsacien dcrit cette exploitation. Les

    images qui se succdent comme une srie de plans fixes constituentun recueil de dessins la plume lencre noire et rehausss laquarelle, petit livre quHeinrich Gross ralisa pour le Duc deLorraine.Ce manuscrit est conserv lEcole des Beaux Arts de Paris(Inventaire E.B.A. nM 11).Il comporte 25 feuillets, dessins rectoverso. lexception du premier dessin, dont la moiti droitemanque, les dessins sont continus dun feuillet lautre.Dans cette vritable bande dessine, les chevaux sont pratiquement

    tous vous aux transports des matriaux hors de la mine. Certainssont employs au transport du minerai, tandis que dautreseffectuent lacheminement des matriaux qui seront utiliss pour lafonderie.Des barres de fer sont ainsi amenes sur un gros chariot tir partrois chevaux, peses et dposes dans la maison des mineurs, auvillage.

    Elles serviront au forgeron qui fabrique et rpare les outils desmineurs. Les acheteurs font ensuite charger leur minerai : soit dansdes chariots, soit dans des sacs ports par paire dos de chevaljusquaux forges o lon traite le minerai pour en extraire le mtal.

    36

    La Rouge Myne de Sainct NicolasFolio du manuscrit dHeinrich Gross (1530).

    L'amenaige et livraige dufer en la maison. Lesbarresde fer transportessur un chariot sont livres la forge.

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    Planche tire du De Re

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    Le charbon de bois quant lui est transport au village pour trelivr aux fondeurs dans des chariots en osier tress. Il est dcharg laide de grands paniers plats ou rasses qui servent de mesure etsont compts lentre de la maison.

    Dans louvrage magistral dAgricola sur les techniques minires etmtallurgiques, De Re Metallica, lauteur suggre plutt quil nereprsente, le rle des animaux comme nergie dans lesmachineries de mines. Le cheval est nanmoins prsent pourillustrer les diffrentes nergies utilises dans lextraction. Uneplanche montre le fonctionnement dun mange dexhaure et lessystmes dengrenages qui laccompagnent.

    La Rouge Myne de Sainct NicolasFolio du manuscrit dHeinrich Gross (1530).A gauche : leschareursde myne . Lourdement chargsde minerais,leschariots empruntent lessentiers de montagne pour se rendre lafonderie.A droite : L'amenaige ducharbon pour la forge et le livraige d'icelluy.Le charbon de bois, combustible indispensable pour lesoprationsdefusion et de coupellation, sont transportspar deschariotstirspar deschevaux.

    Planche tire du De ReMetallica de G. Agricola(1556).Cette planche montre lefonctionnement dunemachinerie dexhaure. Lapartie suprieure au jouractionne une noriainstalle dans la mine partir dun systmedengrenages.

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    Les salines ne font pas exception dans lutilisation du cheval pour

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    Les salines ne font pas exception dans l utilisation du cheval pourremonter les eaux charges de sel ou muire. A Montbliard,Heinrich Schickhardt, architecte ingnieur de Frdric deWrtemberg, tudie les systmes dlvation des eaux douces etsales du puits muire de Salins. La machinerie quil dessine avecun soin tout particulier, compose dune noria et dune roue

    auget, est actionne par deux chevaux.Dans les mines de sel de Wieliczka, en Pologne, les chevaux sontutiliss dans la mine en 1780 pour lextraction (exhaureessentiellement) et le tranage du sel au fond laide de bennes patins.

    38

    Machinerie dexhaure actionne par deschevaux.Dessin de lingnieur H. Schickhardt. lvation deseaux douceset

    salesdupuits muire de Salins(1593).

    Hauptstaatsarchiv Stuttgart : N 220, T 59

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    Le chariot de mine prfigure lavnement du chemin de fer dans lesmines de houille.A la fin du XVIIIe s. et au dbut du XIXe sicle, le cheval se

    gnralise dans les mines.

    Certaines houillres anglaises possdent jusqu 300 chevaux. Dansde nombreux cas, les exploitations ont recours de petits poneysou pit poneys ne dpassant pas 0,90 m au garrot. Leurs curies sontconstruites proximit des puits, l o larage est constant.

    Dans les mines de lignite de Corcelles-sur-Saulnot en Haute-Saneun mange un cheval est mentionn en 1848 pour lexhaure.Aveclaide dun mange cheval, lpuisement seffectuait au moyen de

    bennes.A cette poque, on enlevait environ 40 50 hectolitres par24 heures. En hiver le dbit augmentait, il tait de 160 180hectolitres par 24 heures (PV de visite de lIngnieur des Mines endate du 15 octobre 1848 ADHS 295 S5).

    Mangeset chevaux autravail dansla mine de sel de Wieliczka (1780).Bergakademic Freiberg Bibliothek.Sur cette gravure leschevaux sont trsnombreux dansla mine. Ilsdescendent par un systme de descenderie. Certainssont employsautransport dusel par tranage tandisque dautresactionnent unemachinerie dextraction aumoyen dun mange.

    Mine Wallonne. La houillre. Tableaude Lonard Defrance(XVIIIe s.).Muse de lart Wallon , Lige.Le cheval larrire-plan participe la remonte descbles.

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    Les mineurs remontaient au jour la houille extraite dans des bennes En terrain plat et sur voie, un cheval pouvait remorquer jusqu

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    jde trois hectolitres au moyen dun mange deux chevaux.Dans unprocs-verbal de visite, lingnieur des Mines signale la prsence detrois conducteurs de chevaux (PV de visite de lIngnieur des Minesen date du 15 avril 1837 ADHS 295 S5). Deux hommes suffisent pour la conduite dun mange, lun pour

    commander les chevaux et lautre pour actionner la manivelle qui fait obirles freins du tambour lorsque les seaux sont monts (AN F14 4244,Pajot des Charmes, 1784).

    p , p q j qhuit berlines charges de 800 kilogrammes, il avanait une vitessede 4 kilomtres lheure.En 10 heures de travail, il pouvait ainsi parcourir prs de 40kilomtres et transportait 128 tonnes de minerais par kilomtre etpar jour (Chalon 1902). Dans les houillres du Nord, un cheval

    effectuait en principe six sept heures de travail quotidien etpouvait tracter jusqu 30 tonnes kilomtriques utiles par demijourne.Pour accder dans la mine, les chevaux empruntaient les galeries detravers-bancs, situes flanc de versant. Cest le cas dans les minesde fer de Lorraine o les couches de fer taient quasi horizontales.En dbut de poste, le conducteur du cheval, le Bauer, allaitchercher lanimal lcurie situe sur le carreau de la mine etsenfonait avec lui dans la longue galerie de roulage qui permettait

    daccder aux chantiers dexploitation. Parfois une galerie taitrserve au seul usage des chevaux et portait alors le nom dePferdstollen.

    40

    Train de berlinesaufond de la mine tractpar un cheval.

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    Dans les exploitations profondes, les chevaux taient descendus

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    p p ,dans les puits au moyen dun systme de sangles ou de sacsspcialement disposs pour cet usage. Protg par de la simplepaille, le cheval aveugl par un bandeau tait enferm verticalementdans un harnais, les quatre membres entravs, cest ainsi quil taitamen sur son lieu de travail au fond de la mine.

    Cette opration dlicate, stressante pour lanimal ncessitait denombreuses prcautions. Progressivement, les chevaux serontdescendus dans des cages dextraction qui fonctionneront commede vritables ascenseurs.Le travail et la vie des animaux au fond taient rythms par lesprises de poste, la traction des trains de berlines charges deminerais, de striles ou de matriel de boisage, les arrts pour lesrepas et le retour lcurie. Un cheval tait affect en gnral au

    mme conducteur et au mme quartier de mine. Le cheval commele mineur possdait son quipement propre : collier, barrette deprotection du front, illres et des fourreaux dans lesquelspassaient les chanes de traction pour protger ses flancs. Leharnachement subissait beaucoup de dgts et il fallait en gnralun bourrelier pour trente chevaux dans les mines du Nord. La bridetait dpouille de la muserolle et parfois de la sous-gorge, parcontre on lui rajoutait un couvre-nuque. On ajoutait souvent surlattelle un anneau pour accrocher une lampe de mine, et unecloche ou des grelots pour annoncer lapproche des convois. Alatelier de la fosse, le forgeron tait charg de surveiller encolures,flancs, boulets, ferrage des sabots et de renseigner le porion surltat de sant des animaux. Aprs le vtrinaire, cest avec leconducteur que le cheval a le plus de contact. Celui-ci est unmineur charg de former le convoi de wagons que le cheval va tirerdans la galerie.

    Descente dun cheval sangl dansla mine. Carte postale, Le Creusot

    41>< Regards dhistoriens

    Les curies au fond de la mine taient trs rudimentaires jusqu la

    Ecuriedi t i

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    qfin du XIXe sicle : une anfractuosit amnage dans la roche etmeuble dun rtelier et dune caisse en bois.

    Plus tard, on va sefforcer de rduire lhumidit en cimentant lesmurs de lcurie. Les curies souterraines taient souvent

    amnages dans une portion de galeries inutilise. Le sol tait pavou btonn, lgrement inclin pour assurer lcoulement des eaux.Les rserves de foins taient places dans des niches maonnesgalement. Larage devait tre suffisant pour que la tempraturesoit modre et constante. En thorie, ds lors que les prcautionsncessaires taient prises pour ne pas les surmener et pour les fairereposer dans de bonnes conditions, les chevaux pouvaient supporterun sjour ininterrompu de plusieurs mois au fond de la mine. Au-del leur vue risquait de saffaiblir. Malgr ces efforts, les rats taient

    nombreux et lhumidit y tait si importante que le fourrage devaittre descendu et renouvel tous les jours.Les chevaux pouvaient passer dix ou quinze ans au fond, la mortalitrestait de lordre de 30 %. Leur peau tait constamment couvertedcorchures et decchymoses. Dans certaines mines, ils taientremonts rgulirement la surface.Les accidents de mine taient souvent fatals aux animaux. Lesboulements ne leur laissaient aucune chance de survie, pas plus queles coups de grisou ou les inondations. Les hommes taient sauvsles premiers. Lextrme duret du travail faisait rechercher deschevaux dont lossature et la masse musculaire permettaient defournir des efforts importants sans fatigue excessive ni usureprmature. Les sabots devaient tre bien forms pour rsister auxchocs contre les rails ou les rochers et aux stations dans la boue. Ilfallait changer leurs fers frquemment, toutes les une deuxsemaines. La taille du cheval variait en fonction du travail demandet du gabarit des galeries. Des mules ou des poneys taient parfois

    employs, comme les Shetland ou les Pottoks. Ces animaux sedplaaient sans difficult dans les galeries, leur travail tait trsrptitif.

    Les Houillres de Ronchamp possdaient une vaste curie quellesentretenaient avec soin. Les premiers chevaux utiliss au fondapparaissent partir de 1857. Ils servent tracter les chariotsjusquau puits dans la galerie dallongement (ADHS 19 J 71). Aupuits dEboulet en 1888 dans les fonages,o la pente est de 0,35 mpar mtre, lextraction sopre au moyen de chevaux qui remontentles wagons en descendant le plan inclin (ADHS 19 J 71).

    rudimentaireamnage le

    long dune voiede roulage dans

    une houillre.(XIXe s.)

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    Lutilisation du cheval se gnralise progressivement. Chaque puits

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    possde ainsi une curie au fond avec quatre ou cinq chevaux.Lobjectif tait de supprimer terme les ouvriers rouleurs.

    En 1907, les galeries sont amnages afin de permettre la circulationdun cheval, cette modification pargnera lemploi de six ouvriers

    rouleurs (ADHS 19 J 55). La mine de Ronchamp compte ainsi14 chevaux et 3 nes (ADHS 19 J 82) en 1941.

    Aprs la Seconde Guerre Mondiale, la mcanisation sonne le glas deschevaux de mine, et en 1970, les locomotives Diesel remplacerontinexorablement les chevaux. Cependant dans les houillres ollectrification et lutilisation de moteurs explosion restent unproblme dlicat en raison des risques dexplosion, les chevauxcontinuent tre utiliss pour certaines manoeuvres.Ainsi en 1962,

    dans les houillres de Lorraine quelques chevaux desservent encoredes galeries difficiles daccs et certains chantiers dexploitation.

    Au fond comme au jour, lnergie animale montre ses limites : lesmachines mues par des chevaux sont rarement assez puissantes ; elles enexigent un grand nombre ; leur travail est presque toujours forc ;il en pritconsidrablement, ce qui la longue devient frayeux (AN F14 4244,Pajot des Charmes, 1784).

    Rglement concernant le mode de distribution de la rationdeschevaux

    La ration sera distribue de la manire suivante :

    A 2 heu

    res

    du

    matin :- 1/3 de la ration davoine ;- 1 seaudeau boire ;- 1/3 de la ration de foin ;- 1/2 seaudeau boire.

    De 10 heures midi :- 1/3 de la ration davoine ;- 1 seaudeau boire et une poigne de son.

    Vers3 heures:- 1/2 seaudeau boire ;- 1/3 de la ration davoine ;- 1 seaudeau boire ;

    - 1/3 de la ration de foin.

    A 9 heuresle soir :- 1 seaudeau boire avec 2 poignesde son ;- 1/3 de la ration de foin.

    Nota1) La ration est toujoursdistribue individuellement chaquecheval2) Les chevaux doivent toujours avoir bu une demi-heureavant le travail3) Chaque botte de foin sera dlie, secoue et nettoye

    avant dtre mise aurtelier

    4) Aprs plusieurs jours de repos, le cheval ne recevraquune demi-ration aurepasqui prcdera la reprise dutravail

    Anzin le 5 mars1900

    Le vtrinaire de la Cie A. Fivet

    Rglement extrait de louvrage de Joseph Mascart Mineur de fond de pre en fils aux ditionsNord Avril.

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    Baritel chevaux- Environsde Saint-Etienne.

    DaprsM. Ch. Combes1847, plan.

    Hors

    e whim ou

    baritel (1914) dans

    les

    mines

    dtain de Cornou

    ailles

    .

    >< Regards dhistoriens

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    Elle sera progressivement remplace par lnergie vapeur. Sur le

    carreau de la mine, les machines vapeur assurent lefonctionnement des chevalements mtalliques : des systmes depoulie et de tambour, autrefois mues par un mange cheval,assurent la descente comme la remonte des cages ou lefonctionnement des pompes dexhaure et dans certains cas encorela bonne marche des ventilateurs destins larage des chantiersprofonds.

    lorigine du chemin de fer, la voie de roulage verra encore

    longtemps circuler des trains de berlines tirs par des chevaux enparticulier partout o le diesel ne peut aller avant leurremplacement dfinitif par des locotracteurs.

    Au fond des fosses,et jusque dans les galeries troites qui relient leschantiers, le cheval restera pendant longtemps le seul compagnondu mineur, un soupon dhumanit dans le ressac des berlines et lebruit sourd des chantiers dabattage.

    Cheval et nes transportant le charbon. British School. Carreau dunemine de houille en Grande-Bretagne 1820.Walker Art Gallery, Liverpool (Cat. N32)

    Couffatssur rouestractspar un cheval ausortir de la mine. Minesdu

    Lau

    rion (Grce) XIX

    e s

    icle.Archives de la Compagnie Franaise des Mines du Laurion

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    Belhoste J.-F. et alii 1994 : BELHOSTE (J.-F.), CLAERR-ROUSSEL (Ch.), LASSUS (F.), PHILIPPE (M.), VION-DELPHIN (F.). La mtallurgie Comtoise,XVe - XIXe sicles. Etude du Val de Sane.Les Cahiers du Patrimoine, 413 p.

    Chalon 1902 : CHALON (P.-F.) Aid