Communication pour le Développement et Radios ......successifs du développement. Du paradigme du...
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UNIVE RSIT E PARIS I PANT HE ON SORB ONNE
Communication pour le Développement et Radios Communautaires :
Le cas du Népal
Réalisé par Margot TEDESCO
***
Sous la Direction d’Yves VILTARD
Master 2 Professionnel – Coopération Internationale, Action Humanitaire et Politiques de Développement (CIAHPD)
Année universitaire 2007-2008
ii
Avertissements L’Université Paris I n’entend donner aucune approbation aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à l’auteur. Remerciements A toutes les personnes qui m’ont soutenues dans mes choix. A ma mère. A mes amis d’ici et d’ailleurs. Ceux qui sont loin mais toujours très proches. « Ventana sobre la utopía » "Ella está en el horizonte -dice Fernando Birri-. Me acerco dos pasos, ella se aleja dos pasos. Camino diez pasos y el horizonte se corre diez pasos más allá. Por mucho que yo camine, nunca la alcanzaré. ¿Para que sirve la utopía? Para eso sirve: para caminar." Eduardo Galeano, Las palabras andantes, Siglo Veintiuno Editores, México, 1993.
iii
Résumé Le modèle de communication pour le développement a été façonné par les paradigmes
successifs du développement. Du paradigme du « modernisme » à celui de la participation et du
développement durable, il est passé d’une communication up-down et « diffusionniste » à une
communication down-up et participative. Dans le modèle de communication pour le
développement tel qu’on le conçoit de nos jours, les radios communautaires jouent un rôle
important au sein de la communauté. S’il existe une multitude de définitions de ce qu’est la
radio communautaire, toutes s’accordent à ce que les radios indépendantes contribuent à la
démocratisation de la communication et à la participation active de la population. Celles-ci
donnent les outils nécessaires à la communauté dans l’analyse des problèmes et la recherche de
solutions. Elles permettent l’accès à l’information, donnent une « voix » à des populations
souvent marginalisées et fomentent l’exercice démocratique tout en valorisant les cultures
locales. Les organismes internationaux se sont très vite intéressés à ces médias du tiers-secteur
les considérant comme un acteur actif pour le développement.
Depuis les années 1990, les radios communautaires sont devenues un « mouvement » dans la
majeure partie des pays en voie de développement avec les vagues de démocratisation. Au
Népal, les radios communautaires ont connu un développement tardif dû à l’histoire politique et
sociale de ce pays. Cependant, et contrairement à ces voisins avec une plus grande expérience
démocratique, le Népal expérimente un boom des médias communautaires depuis les dix
dernières années, soutenu par les organismes internationaux et les organisations non-
gouvernementales.
Néanmoins, cet essor des radios s’est fait sans planification. Les radios communautaires font
face à de nombreux défis pour remplir leur rôle d’outils démocratique et participatif. Le cadre
légal ne différencie pas les radios commerciales aux radios du tiers secteur, les mettant ainsi en
concurrence. Les principaux problèmes auxquels font face les radios communautaires sont leur
contrôle par les élites, leur représentativité limitée des groupes communautaires, en particuliers
les femmes, et certaines castes ou ethnies. Ceci met en danger et fragilise la diversité et le
pluralisme de leur programmation. Enfin, elles restent dépendantes financièrement de la
publicité et des partenariats, déstabilisant leur indépendance.
MOTS-CLEFS : NEPAL – ASIE DU SUD - COMMUNICATION POUR LE DEVELOPPEMENT – COMMUNICATION PARTICIPATIVE - RADIOS COMMUNAUTAIRES - MEDIAS
iv
Executive Summery The contemporary model of communication for development has been molded by preceding
models of development, from the paradigm of modernism to that of participation and
sustainable development. Previously considered as a top down methodology for
communication utilizing theories of diffusion, communication for development has evolved to
become a bottom up and participative methodology.
In the model of communication for development as understood these days, community radio
plays a crucial role within the community. Even though there exists a multiplicity of definitions
and models of community radio there is agreement that community radio enhances the
democratization of communication and contributes to the active participation of community
members in the decision-making process. Community radio provides the community with the
tools for analyzing their issues and solving their problems. Community radio makes
information accessible, instigates the democracy process, promotes local cultures and gives a
voice and means of expression to local people, especially marginalized groups. International
organizations have taken a special interest in these independent, community-based media
organizations, considering them as active stakeholders for development.
Since the 90’s and the global wave of democratization, community radio has become a
movement in many developing countries. In Nepal the development of community radio has
been belated by the historical and social history of this country. In spite of this, the last ten
years in Nepal has seen an impressive growth in media, especially radio, the so called “media
boom.” The media boom in Nepal has occurred in the context of substantial international and
non-governmental organizational support. Nevertheless, and to its detriment, the rapid growth
of radio in Nepal has been largely unplanned and unmanaged.
Community radio faces several challenges to fulfill their roles as democratic and participative
tools in the development process. Community radio in Nepal is poorly defined and there is no
policy framework to guide the development of the sector. The legal framework does not
distinguish commercial from non-profit radio and these two often have to compete with each
other. The main concerns are issues of limited ownership captured by the elite, poor
representation of community groups particularly along gender, caste and ethnic lines. There is a
risk that community orientation and the focus on public interest programming will be weakened.
Last but not least, community radios continue to be financially dependent on commercials and
partnerships, destabilizing their independence.
KEYWORDS : NEPAL – SOUTH ASIA – COMMUNICATION FOR DEVELOPMENT – PARTICIPATORY COMMUNICATION- COMMUNITY RADIOS - MEDIAS
v
Sommaire
TABLES DES ILLUSTRATIONS....................................................................................................................... VII ABREVIATIONS............................................................................................................................................ VIII
INTRODUCTION ...............................................................................................................................................1
PARTIE 1 : MISE EN PERSPECTIVE ET DEFINITIONS AUTOUR DE LA COMMUNICATION POUR LE
DEVELOPPEMENT ............................................................................................................................................2 I. Paradigmes du développement et communication pour le développement ...................................2
A. Paradigme de la modernisation et modèle de communication .................................................................. 2 B. Paradigme de dépendance et paradigme de participation .......................................................................... 4
II. Les Radios Communautaires ...........................................................................................................6 A. Définitions .................................................................................................................................................... 6 B. Radios communautaires et communication participative .......................................................................... 9
1. Spécificités des radios communautaires................................................................................................. 9 2. Spécificités de la communication participative ...................................................................................11
III. Reconnaissance du rôle des radios communautaires dans le développement..........................12 A. Les textes internationaux ...........................................................................................................................12 B. Liberté de la presse et développement ......................................................................................................13 C. Pourquoi les radios communautaires plutôt qu’un autre média?.............................................................14
PARTIE 2 : LES RADIOS COMMUNAUTAIRES AU NEPAL ..............................................................................18
I. Perspectives Historiques du développement des radios communautaires...................................18 A. Dans le monde ............................................................................................................................................18
2. Amérique latine : territoire d’expérimentation ....................................................................................18 2. Afrique et Asie : un développement tardif ...............................................................................................20
B. Histoire du développement des médias au Népal.....................................................................................21 1. Un contexte politique non favorable avant 1990.................................................................................21
a) Période des Ranas (1846-1960) ......................................................................................................21 b) Le régime Panchayat (1960-90)......................................................................................................22
2. L’avènement de la démocratie, le boom des médias et l’insurrection maoïste .................................23 II. Panoramas des Radios Communautaires .....................................................................................24
A. Apparition des premières radios communautaires ...................................................................................24 B. Les facteurs qui ont permis le développement des radios communautaires ...........................................26
1. L’établissement de droits fondamentaux .............................................................................................27 2. Apparition de nouveaux acteurs ...........................................................................................................28
III. Les défis des radios communautaires au Népal..........................................................................29 A. Le problème de la législation radiophonique au Népal ...............................................................................29
1. Aucun statut spécifique pour les radios communautaires ...................................................................29 2. Le prix élevé de la licence de diffusion................................................................................................31 3. Aucune régulation de puissance ...........................................................................................................32 4. Comment définir une radio communautaire au Népal? ......................................................................33
B. Des radios communautaires vraiment représentatives ?...............................................................................35
vi
1. L’élite et les radios communautaires ........................................................................................................35 2. Egalité de genre et radios communautaires ..............................................................................................37
C. Communication pour le développement et radios communautaires : quelle durabilité ? ......................38 1. Des programmes populaires..................................................................................................................38 2. Quelle indépendance financière ?.........................................................................................................39
CONCLUSIONS ...............................................................................................................................................43
ANNEXES.......................................................................................................................................................47 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................................62
vii
Tables des illustrations Figure Figure 1: Evolution du nombre de radios au niveau national au Pérou ......................................................23 Tableaux Tableau 1: Dépenses annuelles d’une station de radio avec un récepteur de 50 watt au Népal ................15
Tableau 2 : Dépenses annuelles d’une station de radio avec un récepteur de 1000 watt au Népal ...........15
Tableau 3: Evolution du nombre de licences radiophoniques délivrées au Népal (1999-2007).................24
Tableau 4: Radios communautaires en 2002..................................................................................................25
Tableau 5: Nombre de radios par types d'organisation (Août 2008)............................................................25
Tableau 6: Montant des aides du Programme International pour le Développement de la Communication
(IPDC) au Népal (1995-2007) .........................................................................................................................29
Tableau 7: Prix des licences radiophoniques selon la puissance de transmissions.....................................31
Tableau 8: Nombre de radios communautaires en 2007 selon leur puissance de transmission .................32
Tableau 9: Nombre de radios communautaires et commerciales classées par puissance de transmission
(Août 2008)........................................................................................................................................................32
Tableau 10: Présentation de cinq radios communautaires............................................................................34
Tableau 11: Répartition des membres des conseils d’administration des radios communautaires par
genre et ethnie/caste .........................................................................................................................................38
Tableau 12: Ressources humaines des radios communautaires classées par genre et groupe ethnique ...38
Tableau 14 : Revenues annuels de 20 radios communautaires au Népal .....................................................41
Tableau 15 : Ressources humaines des Radios Communautaires au Népal.................................................42
Tableau 16 : Ressources humaines (RH) par type de radio communautaire ...............................................42
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Abréviations
ACORAB : Association of Community Radio Broadcasters
AMARC : Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires
CRSC : Community Radio Support Center
FAO : Organisation des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture
IPDC : International Programme for the Development of Communication
NEFEJ : Nepal Forum of Environmental Journalists
UNESCO : Organisation des Nations Unis pour l’Education, Science et la Culture
VDC : Village Development Commitee
1
Introduction « Nous avons une arme capitale : les médias. Et puisque l’occasion se présente, je tiens à vous
en féliciter»1. Cette phrase fut prononcée par le vice-amiral Victor Ramírez Pérez en direct de la
chaîne de télévision Venevisión quelques heures avant le coup d’Etat d’avril 2002 contre le
président démocratiquement élu H. Chávez. Le coup d’Etat organisé par l’élite vénézuelienne
avec le soutien et la complicité des principaux médias, sera bref. Alors que Chavez revient au
pouvoir porté par la population, les mass media vénézueliens continuent de désinformer.
Chavez est à Miraflores mais ce n’est pas une « information ». Pedro Carmona continue d’être
le président des médias vénézueliens. Les putschistes ont fermé et réquisitionnés les médias
alternatifs et leurs responsables sont détenus arbitrairement afin d’empêcher la population de
s’informer autrement qu’à travers le service de presse officiel. Le monde entier reçoit la même
désinformation : Chavez a démissionné.
Lors de la dernière décennie, nous avons assisté à l’extraordinaire développement des moyens
de communication. L’homme n’a jamais autant communiqué qu’à notre époque et il n’a jamais
eu autant de moyens pour le faire. Nous n’avons jamais eu autant accès à l’information. Les
médias sont devenus plus puissants que jamais et ils sont devenus une source de richesse et de
pouvoir. A l’ère de la globalisation, des entreprises médiatiques colossales se sont constituées,
s’appropriant les moyens de communication et de production de l’information. De l’Afrique, à
l’Asie en passant par les Amériques ou l’Europe, nous recevons les mêmes informations, nous
écoutons les mêmes « spécialistes » parler et analyser l’information, et nous regardons les
mêmes programmes produits par quelques-uns. Nous savons ce qui se passe de l’autre côté du
monde, mais nous ignorons ce qui se passe en bas de chez nous. Les moyens de communication
et de production de l’information n’ont jamais été autant monopolisés par une poignée de
personnes.
L’appropriation et le contrôle des médias sont devenus un enjeu majeur car ils sont devenus une
arme. Les médias affirment leur « quatrième pouvoir » pour le pire et le meilleur. Ils peuvent
organiser des coups d’Etat comme au Venezuela, transformer des minorités en ennemis et
attiser les haines comme au Rwanda2, soutenir les mobilisations populaires contre des dictatures
1 Maurice LEMOINE, « Dans les laboratoires du mensonge au Venezuela », Le Monde Diplomatique, Septembre 2002, pp 16-17 2 Sandra D. Melone, et alii, « Using the media for conflict transformation : the common ground experience », Berlin, Berghoff Research centre for Constructive Conflict management, 2002,
2
comme ce fut le cas en Bolivie en 1960, et être une plateforme d’auto-organisation de la
population pour faire fuir un président trop avide de pouvoir comme en Equateur en 2005.
Dans ce contexte de globalisation et de développement des technologies pour la communication
et de réduction des coûts de ces derniers, des médias alternatifs ont vu le jour afin de permettre à
la population de se réapproprier les moyens de communication confisqués. Ces médias ont
comme objectif de se positionner comme « chien de garde », et de reprendre la place laissée
vacante par les médias traditionnels. Ces médias du tiers-secteur, souvent considérés de
« proximité », vont bien au-delà du simple fait d’informer la population. Ils donnent les moyens
à ces derniers de s’exprimer, les considérants comme des citoyens actifs et intelligents, capables
de parler pour eux-mêmes. Ces médias alternatifs peuvent se définir militants, libres, éducatifs
ou communautaires. Ils cherchent à démocratiser les moyens de communication et de se
réapproprier le « quatrième pouvoir » pour les desseins de la majorité.
Dans certains pays, dans certaines régions, ces médias sont le seul outil de communication
disponible ou accessible. Dans les pays en voie de développement essentiellement, la radio est
devenue de loin le média le plus populaire et le plus accessible, tant par les faibles coûts de
diffusion, que par les faibles coûts de réception. Dans le monde, il existe plus de vingt mille
radios écoutées par plus de deux milliards de personnes.3 Par les avantages que représente la
radio, des organisations, des communautés, des collectifs etc., se sont appropriés de ce moyen
de communication pour servir la communauté et devenir un outil politique et de changement
social. Impulsée lors des grands mouvements de démocratisation, la radio communautaire est
devenue un réel mouvement mondial dans les années 1990. A travers l’utilisation innovante
d’expression, les radios communautaires sont devenues des acteurs à part entière dans le
développement, tant est si bien que les agents du développement s’y sont intéressées de près.
La communication a commencé à être utilisée pour servir le développement depuis que les
moyens de communication existe. Les colons utilisaient la communication à des fins de
propagande, l’Eglise pour « civiliser les indigènes », etc. La communication pour le
développement s’est adaptée et a servi les grands paradigmes de développement qui ont traversé
l’histoire. De nos jours, la communication pour le développement est conçue comme un moyen
pour faire participer les populations dans la prise de décision et contribuer au changement
social.
cité dans Marie-Soleil, FRERES, dir., Afrique Centrale, Médias et Conflits. Vecteurs de guerre ou acteurs de paix, op.cit., p.21-23 3 Colin FRASER, Sonia RESTREPO, Community Radio Handbook, Paris, UNESCO, 2001, p.1
3
Dans la première partie de mon exposé, j’essayerai de faire une perspective historique de la
notion de communication pour le développement, à travers une analyse de l’évolution de ce
concept durant les principaux paradigmes de développement qui ont marqué les cinquante
dernières années. Nous essayerons également de définir les radios communautaires et
comprendre comment elles peuvent être un acteur dans le développement et un outil pour la
participation. Enfin, pourquoi elles intéressent tant les agents du développement.
Dans la deuxième partie, nous ferons une étude des radios communautaires au Népal. Ce pays,
parmi les plus pauvres du monde, a connu un retard certain dans le développement de ces
médias. Cependant en une dizaine d’année, grâce à l’avènement de la démocratie et de
l’apparition de nouveaux acteurs, les médias et tout particulièrement les radios communautaires
se sont multipliées. Le Népal est devenu en quelques années un des pays de la région d’Asie du
Sud avec le plus de radios communautaires, devenant un terrain d’étude pour les spécialistes de
la communication pour le développement. Malgré cet essor rapide, les radios communautaires
font face à de nombreuses problématiques. Après avoir fait un panorama des radios
communautaires, nous essayerons de comprendre pourquoi les radios communautaires au Népal
font face à ces défis qui risquent de les empêcher de remplir le rôle que la communauté leur a
confié.
2
Partie 1 : Mise en perspective et définitions autour de la
communication pour le développement
I. Paradigmes du développement et communication pour le développement
A. Paradigme de la modernisation et modèle de communication L’évolution du concept de communication pour le développement est étroitement liée à celle
des paradigmes successifs de développement.
La première école de communication a été influencée par le paradigme de la “modernisation”
qui influença le développement entre les années 1945 et 1970. Celui-ci tenait le modèle
industriel occidental comme l’exemple économique à suivre pour le développement. Truman
dans son discours sur l’Etat de l’Union résume cette vision du développement :
« Il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette
les avantages de notre avancée scientifique et de notre pensée industrielle au
service de l’amélioration et de la croissance des régions sous-développées
(…). »4
Le modèle de communication en pratique concevait la communication comme un
processus de masse et de grande envergure, verticale, et à sens unique. Il se basait sur un
modèle de développement fondé sur l’augmentation de l’activité économique et le
changement de valeurs et d’attitudes. Il se fondait sur l’idée qu’il suffisait de diffuser les
connaissances et les innovations venant du Nord pour qu’elles soient adoptées au Sud. La
communication pour le développement était définie exclusivement selon les variables
économiques, comme en témoigne le rapport de la Commission MacBride :
« Les anciens modèles utilisaient la communication surtout pour la diffusion de
l’information, pour faire comprendre à la population les «bénéfices » que promet le
4 Discours de Truman le 20 janvier 1949. Jean-Paul LAFRANCE, « Cinquante ans d’histoire du développement international selon trois grands paradigmes de communication », in J-P., LAFRANCE, dir., Place et rôle de la communication dans le développement international, Quebec, Presses de l’Université du Québec, 2006, pp.9-28, p.14
3
développement et les «sacrifices» qu’il exige. L’imitation d’un modèle de
développement, fondé sur l’hypothèse que la richesse, une fois née, s’infiltrera
automatiquement dans toutes les couches de la société, comprenait la propagation
de pratiques de communication de haut en bas (…). Les effets ont été très éloignés
de ce qu’on escomptait. » 5
Dans l’exemple agricole, ceci s’est traduit par l’exportation vers les pays du Sud des techniques
agricoles du Nord. Au niveau de la communication, l’information était alors transmise aux
agriculteurs par le haut. Cette théorie formulée par Everett Rogers en 1962 prenait en compte
trois éléments principaux: le public cible de l’innovation, l’innovation même à transmettre et les
sources et canaux de communication.6
Au milieu des années 1950 et 1960, UNESCO expérimente en Asie et en Afrique les tribunes
radiophoniques, genre en vogue au Canada.7 En Inde, l’expérience portait sur les questions
d'agriculture, de santé, d'éducation. L’expérience est vite arrêtée face à l’échec de la politique
agricole et du fait que cette méthode de communication ne résolvait pas les problèmes cruciaux
des populations rurales car les techniques étaient encore au service des firmes agro-industrielles
et des grands propriétaires fonciers.
Ce modèle de communication a été critiqué pour son réductionnisme et son fonctionnalisme.
Cette méthode « diffusionniste » surestimait le caractère permanent du changement, en même
temps qu’il sous-estimait l’environnement social et culturel endogène. Dans ce schéma, les
communicateurs pour le développement n’étaient que des producteurs, chargés de diffuser des
messages que les organisations de développement produisaient.
Cette communication ne prenait pas en compte les types de public auxquels elle s’adressait, ni
l’influence des structures économiques et politiques. Enfin, on ne parlait jamais de
communication horizontale entre les groupes et les communautés, ni de communication
verticale du bas vers le haut, permettant de porter les problèmes des gens au niveau des
décideurs et des experts.
5 Sean MACBRIDE, Voix Multiple, un seul monde, Rapport de la Commission Internationale d’étude des problèmes de la communication, Paris, UNESCO, 1980, p.6 6 Guy BESSETTE, Communication et participation communautaire. Guide pratique de communication pour le développement, Quebec, Presses de l’Université Laval, 2004, p.133 7 Jean-Pierre ILBOUDO, « Histoire et évolution de la radio rurale en Afrique noire - Rôles et usages, in FAO, Atelier International sur la Radio Rurale, Rome, 2001
4
B. Paradigme de dépendance et paradigme de participation D’autres approches de la communication vont se développer alors que les premiers modèles de
développement sont remis en cause. C’est entre le milieu des années 1970 et 1980 que vont
s’établir les bases de la communication pour le développement telle qu’on la conçoit
aujourd’hui.
Les premières critiques envers le paradigme de la modernisation vient de l’Amérique latine. La
théorie de la dépendance prétend réagir aux inégalités économiques et structurelles. Selon cette
théorie, les obstacles au développement proviennent d’abord de facteurs exogènes, c’est-à-dire
du système économique international. L’idée d’une démocratisation de la communication se
fraie alors à tous les niveaux. La souveraineté politique et économique ne serait se faire sans
remettre en cause la domination culturelle du Nord sur le Sud. Le modèle de communication
précédent est critiqué car il constitue un rouage essentiel des stratégies de domination du Sud.
Les médias ne peuvent agir comme agents de changement puisqu’ils transmettent les messages
occidentaux et l’idéologie capitaliste et conservatrice.
Parallèlement à ces critiques, le Brésilien Paolo Freire en 1970 développe un autre modèle de
communication dans son ouvrage La Pédagogie des opprimés8. La méthodologie de la
conscientisation insiste sur le fait que le seul transfert vertical de connaissances d’une autorité
(top) à un récepteur passif (down) ne permet pas d’influencer et de changer la société, ni de
considérer les personnes en tant qu’êtres ayant une conscience autonome et critique. Freire
préconise alors un processus d’éducation actif stimulé.9 Cette communication pour le
développement ne permet plus seulement l’acquisition d’un savoir ou d’un outil, mais veut
stimuler le potentiel de changement de la population en contribuant à sa prise de conscience de
son organisation et en participant à sa politisation, c’est-à-dire à apprendre à proposer des
solutions à des problèmes préalablement identifiés. Les médias de faible envergure sont
privilégiés ainsi que les modes de communications locales. Freire définit ainsi la
communication comme un processus inséparable des processus sociaux et politiques
indispensables au développement. La communauté est maîtresse de son propre développement.
Au niveau de la pratique, ce nouveau modèle de communication cherche à inciter les personnes
8 Cité par Guy BESSETTE, Communication et participation communautaire. Guide pratique de communication pour le développement, op.cit., p.131 9 BOULC’H Stéphane, « Radios Communautaires en Afrique de l’Ouest. Guide à l’intention des ONG et des bailleurs de fonds », in Hors Série n°5, Bruxelles, Editions COTA, Avril 2003, p.11
5
à dépasser une vision simpliste de transmission des savoirs à sens unique. Ce système
encourage le dialogue bi ou multidirectionnels basé sur la participation des populations
concernées. La notion de participation des populations au processus de développement devient
donc le concept clé. Avec le paradigme du nouveau développement et du développement
durable, l’élément participatif dans la communication pour le développement va prendre toute
son ampleur.
Les organisations internationales vont également réfléchir à un nouveau modèle de
communication et remettre en cause le modèle qui avait été jusque-là mis en place. La
commission d’enquête MacBride est mandatée par l’UNESCO pour enquêter sur la situation de
la communication. Le rapport identifie le déséquilibre des flux d’information comme étant un
obstacle au développement, et comme une atteinte à la souveraineté économique, politique et
culturelle des pays. Les conclusions du rapport « Voix multiples, un seul monde » sont adoptées
à Belgrade en 1980. Celui-ci propose de10 :
- Démocratiser la communication et les ressources de l’information ;
- Créer et renforcer les infrastructures nécessaires pour que les pays du Sud puissent
participer au flux de communication dans des conditions d’égalité ;
- Adapter les systèmes de communications et des aspirations de développement intégral,
autonome, autogéré et durable des peuples du Sud ;
- Défendre l’identité culturelle par l’ouverture d’espaces et l’accès aux ressources
permettant le développement autonome des expressions culturelles ;
- Favoriser la mise en place de médias alternatifs et communautaires, axés sur le
développement social et fondés sur l’accès à l’information et aux moyens de
communication ;
- Préconiser la création d’agence de presse et une meilleure formation des journalistes
dans les pays du Sud.
Ce rapport fut très mal reçu par les Etats-Unis et la Russie. Ces derniers voyaient cette stratégie
comme un danger pour maintenir leur sphère d’influence en plein contexte de guerre froide. En
conséquence à ce rapport, les Etats-Unis se retirèrent de l’UNESCO.
10 Jean-Paul LAFRANCE, « Cinquante ans d’histoire du développement international selon trois grands paradigmes de communication », op.cit., p.17-20
6
C’est donc à travers ces processus de remises en cause des modèles de développement
« anciens » que la communication pour le développement actuelle va trouver sa définition.
Certains parlent plus volontiers de communication pour le changement social plutôt que de
communication pour le développement, car l’expression est déchargée de toute connotation
“développementaliste” péjorative. La communication pour le changement social a été définie
par Colin Fraser et Sonia Restropo Estrada11 comme un outil pour aider les personnes à
résoudre des conflits, à se concerter, à planifier des actions de changement et de développement
durable, à acquérir les savoirs et les outils nécessaires pour modifier leurs conditions et la
société dans laquelle ils vivent, et enfin à améliorer l’efficacité de leurs institutions.
II. Les Radios Communautaires
A. Définitions L’approche de communication participative, développée par les nouveaux paradigmes de
développement, privilégie les micro-réalisations. La Banque Mondiale définit la participation
comme étant « le processus par lequel les parties prenantes influencent les initiatives de
développement, ainsi que les décisions et les ressources qui les affectent, et en partagent le
contrôle. »12 Cette approche s’appuie surtout sur les médias légers. Le principal média léger, et
de loin le moins coûteux, est la radio.
On distingue trois types de radio : radio commerciale, radio de service public et radio
communautaire. Si tout le monde s’entend sur les définitions de radio commerciale et de radio
de service public, il est plus difficile de définir ce qu’est une radio communautaire. En effet, il
existe autant de définitions de ce qu’est une radio communautaire que de radios
communautaires dans le monde. Le rapport de la Sixième Conférence Mondiale des Radios
Communautaires qui a eu lieu à Dakar, au Sénégal, en 1995, résume cette diversité et cette
profusion de définitions :
11 Cité par Stéphane BOULC’H, « Radios Communautaires en Afrique de l’Ouest. Guide à l’intention des ONG et des bailleurs de fonds », op.cit., p10 12 Alexei JONES, « L’apparition de la notion de participation dans la pensée et le discours du développement », Perspectives Internationales et Européennes, Perspectives, mars 2006, p.12 http://revel.unice.fr/pie/document.html?id=360
7
« Radio communautaire, radio rurale, radio coopérative, radio participative,
radio libre, alternative, populaire, éducative. Si les stations de radio, les
réseaux et les groupes de production qui constituent l’Association
mondiale des radiodiffuseurs communautaires se présentent sous une
variété de noms, leurs profils et leurs pratiques sont encore plus variés.
Certaines sont musicales, certaines sont militantes et certaines sont à la fois
musicales et militantes. Elles sont situées tantôt dans des villages isolés,
tantôt au coeur des plus grandes villes du monde. Leur signal peut être
transmis dans d’autres parties du monde par ondes courtes.
Certaines stations appartiennent à des groupes sans but lucratif ou à une
coopérative dont les membres sont les auditeurs. D’autres appartiennent
aux étudiants, à des universités, à des municipalités, à l’Église ou à des
syndicats. Il existe des stations financées par des dons provenant de
l’auditoire, par des agences de développement international, par la
publicité et les gouvernements. 13»
S’il est difficile de définir ce qu’est une radio communautaire, on peut néanmoins trouver des
points et des objectifs communs. Lors de la Rencontre ibéro-américaine de la radio
communautaire, organisée à La Havane, à Cuba, du 23 au 26 novembre 1996, la radio
communautaire est définie comme celle qui « en fonction des goûts et des intérêts de la
communauté, développe l'exercice de la démocratie dans la société. »14
José Ignacio López Vigil, un des précurseurs des radios communautaires en Amérique latine, va
plus loin dans cette définition en précisant les caractéristiques de fonctionnement des radios
communautaires et de ses objectifs:
« Lorsque la radio favorise la participation des citoyens et défend ses intérêts ;
lorsqu’elle répond aux goûts de la majorité, que c’est fait avec humour et que
l’espoir demeure sa priorité ; lorsque qu’elle informe vraiment ; lorsqu’elle aide à
résoudre les mille et un problèmes de la vie de tous les jours ; lorsque durant les
émissions, les idées sont débattues et toutes les opinions respectées ; lorsqu’elle
encourage la diversité culturelle et non l’uniformité commerciale ; lorsque les
13 AMARC, « Waves of Freedom », Report on the Sixth World Conference of Community Radio Broadcasters. Dakar, Senegal, January 23-39, 1995 www.amarc.org 14 Gloria Cecilia SANCHEZ, La législation sur la radiodiffusion sonore communautaire. Etude comparative des législations de treize pays, Paris, UNESCO, 2003, p.4
8
femmes transmettent des informations et ne représentent pas de simples voix
décoratives ou encore un attrait publicitaire ; lorsque aucune dictature n’est
tolérée, non plus que la musique imposée par les disquaires ; lorsque les paroles
de tous et chacun sont entendues sans discrimination ni censure, cette radio est
une radio communautaire.
Les émetteurs mentionnés ci-dessus n’agissent pas sous la contrainte de l’argent
ou de la propagande. Leur but est différent, toute leur énergie est mise au service
de la société civile. Un service, bien sûr, très politique : soit influencer l’opinion
publique, établir un consensus et accroître la démocratie. En fin de compte, il
s’agit de bâtir la communauté. » 15
Plusieurs idées se dégagent des définitions citées ci-dessus à propos des radios
communautaires :
- Les radios communautaires ne sont ni commerciales, ni publiques, mais elles
appartiennent au « troisième secteur ». Elles sont indépendantes ;
- Elles ont un rôle dans la communauté, et sont pour et de la communauté ;
- Elles permettent de démocratiser la communication et l’accès à l’information ;
- Elles encouragent la participation, notamment des personnes les plus vulnérables et
marginalisées, et fomentent la démocratie ;
- Elles favorisent la liberté d’expression (artistique, d’opinion, etc.) et le pluralisme;
- Elles valorisent la ou les cultures locales.
Les radios communautaires sont devenues des acteurs importants dans le développement
comme le montrent, par exemple, les nombreuses publications des agences des Nations Unis
(voir la bibliographie) sur le rôle des radios communautaires pour le développement.
L’Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires (AMARC) le rappelle dans la
« Déclaration de Milan sur la Communication et les Droits Humains » adoptée en août 1998
(Annexe 11). Celle-ci appelle, à une reconnaissance internationale du secteur de la radio
communautaire comme service public essentiel et comme élément fondamental pour le
pluralisme dans les médias et pour la liberté d'expression et d'information. Dans cette
déclaration, AMARC sollicite le soutien des gouvernements, des entreprises privées et des
institutions internationales afin de promouvoir le développement du droit de la communication,
et notamment en appelle à l’UNESCO pour la création d’un fond pour le développement de la
communication. AMARC, durant son 9e Congrès Mondial en 2006, fait explicitement référence
15 José Ignacio López Vigíl, Manual urgente para radialistas Apasionados, 1997 cité sur le site AMARC http://www.amarc.org/index.php?p=Qu%27est_ce_que_la_Radio_Communautaire&l=FR
9
aux Objectifs du Millénaire pour le Développement et à la section femme et Médias de la
Plateforme de Beijing pour l’Action dans sa Déclaration d’Amman.16
B. Radios communautaires et communication participative
1. Spécificités des radios communautaires La spécificité des radios communautaires est l’élément participatif et sa gestion par la
communauté qu’elle sert. En effet, la participation et l’appropriation des moyens de
communication sont l’élément clef des radios communautaires. Il y a une implication fortement
politique lorsque l’on parle de « participation dans le développement » et le caractère politique
de cette participation est encore plus important lorsque l’on parle de « communication
participative ».
Premièrement, il est difficile de ne pas voir le caractère politique de la notion de
démocratisation de la communication, lorsque l’on connaît le pouvoir des médias et son
influence sur la vie politique et sociale. Les médias sont considérés comme le « quatrième
pouvoir », après les pouvoirs traditionnels de l’Etat : exécutif, législatif et judiciaire. Cependant,
et comme le souligne Ignacio Ramonet, les médias de masse à l’ère de la globalisation sont
devenus la propriété de quelques-uns et monopolisés par de grands groupes financiers. Ils
n’exercent plus leur pouvoir de « chiens de garde » des pouvoirs traditionnels.
« Ce « quatrième pouvoir » était en définitive, grâce au sens civique des médias et
au courage de journalistes audacieux, celui dont disposaient les citoyens pour
critiquer, repousser, contrecarrer, démocratiquement, des décisions illégales
pouvant être iniques, injustes, et même criminelles, contre des personnes
innocentes. C’était, on l’a souvent dit, la voix des sans-voix. Depuis une quinzaine
d’années, à mesure que s’accélérait la mondialisation libérale, ce « quatrième
pouvoir » a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de
contre-pouvoir.17 »
Les médias de masse, réunis le plus souvent dans des conglomérats, appartiennent à une élite
16 AMARC, Declaration of Ammam, 9th World Congress of the World Association of Community Radio Broadcasters (AMARC 9), réalisé à Amman, Jordan, du 11 au17 Novembre 2006; http://www.amarc.org/index.php?p=The_Amman_Declaration 17 Ignacio RAMONET, « Le Cinquième Pouvoir », in Le Monde Diplomatique, Paris, octobre 2003, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/10/RAMONET/10395
10
financière et politique avec des intérêts particuliers qu’ils cherchent à sauvegarder18. Ils sont par
conséquent les porte-parole de ces pouvoirs qu’ils représentent, au niveau local ou mondial, et
dictent leur propre agenda. Leur objectif est de faire des profits et d’avoir la plus large audience
possible afin d’attirer les annonceurs publicitaires. La programmation est donc dictée par la
publicité et non pas par le public. Les médias commerciaux auront tout intérêt à diffuser des
programmes de masse, acculturés. Les mass media sont donc poussés à homogénéiser leur
programme pour la masse car l’audience est maître et le profit, roi Il n’y a donc pas de place
pour la diversité, qu’elle soit culturelle, d’opinion ou d’expression et quelque soit sa forme
(artistiques, etc.). L’auditeur est passif. Les medias de masse éviteront d’éveiller les populations
qui peuvent remettre en cause les pouvoirs en place et l’ordre établit.
C’est dans ce sens que la communication participative, à travers les médias du troisième secteur,
telles les radios communautaires, révolutionne la communication. Les médias communautaires,
contrairement aux médias de masse, ne cherchent pas le profit. Leurs programmations ne seront
pas dictées par la publicité. Ils ne représentent pas non plus des pouvoirs économiques et
politiques puisque les moyens nécessaires pour mettre en place une radio sont réduits ou limités.
Les médias du troisième secteur représentent la population qu’elle sert et interagissent avec elle.
L’auditeur est actif et participe à la programmation. Le média est un vecteur, un moyen pour la
population de s’exprimer. L’approche participative permet de donner le pouvoir de décision aux
mains des populations19. C’est une approche down-up de la prise de décision. Elle permet de
renforcer les capacités des membres de la communauté à identifier et exprimer leurs propres
idées à propos du développement et non pas des idées qui leur seraient imposées par le haut, par
l’agenda des lobbies ou tout simplement par les instances centrales ou internationales. De plus,
le processus participatif permet de renforcer le processus démocratique la prise de décision au
sein même de la communauté.
Par ailleurs, la communication participative contribue à construire ou à reconstruire l’estime,
spécialement dans les communautés qui ont été longtemps marginalisées ou négligées20. Elle
renforce le tissu social par la consolidation des formes d’organisation. Elle permet également de
protéger les traditions et les valeurs culturelles, par exemple en diffusant des programmes
produits dans la langue locale, en même temps qu’elle permet d’en intégrer de nouveau
éléments. En ce sens, la communication participative n’est pas nécessairement 18 Voir l’étude de Margot TEDESCO, Relations entre Médias et Pouvoirs à El Salvador (1980-1992), mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris VII-Denis Diderot, 2004, p.186 (non publié) 19 GUMUCIO DAGRON Alfonso, Making Waves. Stories of Participatory Communication for Social Change- Report to the Rockefeller Foundation, New York, Rockfeller Foundation, 2001, p. 25 20 Idem., p.25
11
« conservatrice ».
C’est pour ces raisons que les agents du développement se sont intéressés aux médias
communautaires dans le cadre du nouveau paradigme de la participation.
2. Spécificités de la communication participative
Les ONGs, les grandes organisations de développement, et les gouvernements utilisent la
communication pour sensibiliser la population à certains problèmes grâce à différentes
campagnes communicationnelles. Celles-ci sont par exemple employées lors des Journées
Mondiales. Or, ce qui distingue la communication participative des autres formes de
communication pour le développement c’est qu’elle est 21:
- Horizontale plutôt que verticale : les radios communautaires ont comme première spécificité
une organisation horizontale. Les membres de la communauté sont des acteurs dynamiques. Ils
participent à travers la radio au processus du changement social, ou pour le dire autrement, à
leur développement. Ils ont le contrôle des outils de communication et de leurs contenus, plutôt
que d’être des auditeurs passifs, recevant l’information sur des décisions prises par d’autres.
- Un processus plutôt qu’une campagne : Les membres de la communauté décident de leur
propre future à travers un processus de dialogue et de participation démocratique, au lieu de
recevoir des campagnes communicationnelles venues d’en haut qui aidnt à mobiliser mais qui
ne construisent pas les capacités pour permettre à la communauté de changer;
- Un long processus plutôt que court : La communication pour le développement est un long
processus. Il faut du temps pour que les membres de la communauté se l’approprient. Le court
terme (i.e campagnes) est peu sensible à l’environnement culturel. Pour créer du changement, il
faut du temps. C’est pour cela qu’il est difficile d’évaluer sur le court terme les projets de
communication pour le développement.
- Collective plutôt qu’individualiste : les communautés agissent collectivement et dans l’intérêt
de la majorité, plutôt qu’agissant individuellement ;
- Avec plutôt que Pour : la création et la dissémination des messages réalisés avec la
participation de la communauté pour une réelle appropriation des ces messages, plutôt que des
messages reçus et qui restent externes à la communauté ;
- Spécifique plutôt que de masse et unifié : le processus de communication est adapté à la
spécificité de chaque communauté, suivant sa culture, ses langues, ses groupes sociaux et
problèmes locaux plutôt que l’homogénéisation des messages sans prendre en compte les
21 Idem., p. 26
12
spécificités endogènes.
- Communication d’appropriation plutôt qu’un accès : La communauté s’approprie des moyens
de communication donnant accès égal à tous ses membres, plutôt qu’un accès limité et
conditionné par des facteurs sociaux, politiques ou religieux
- De prise de conscience plutôt que de persuasion : c’est un processus qui amplifie la
compréhension à propos de la réalité sociale, des problèmes et des solutions à trouver. Cette
compréhension est acquise grâce au processus participatif. Ce n’est pas une communication
persuasive qui cherche des changements à court terme et qui n’est pas durable.
III. Reconnaissance du rôle des radios communautaires dans le développement
A. Les textes internationaux Plusieurs principes internationaux encouragent la création des radios communautaires.
Ces principes sont décelables dans la plupart des textes adoptés par les instances
internationales 22:
- L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1958) qui
garantit à tout individu le « droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit
de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce
soit. » ;
- Les déclarations de Windhoek (mai 1991), d'Alma-Ata (Décembre 1991), de Santiago
(1995), de Sanaa (2004) et de Sofia (1997), adoptées à l'occasion de séminaires tenus sous
l'égide de l'Organisation des nations Unis pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO),
estiment que la création, le maintien et le soutien d'une presse libre, pluraliste et indépendante
sont essentiels au développement de la démocratie et au développement économique.
- La Charte de la communication des peuples, déclare, d'une part, que les politiques de
communication et d'information doivent se fonder sur le respect des droits humains
fondamentaux et sur l'intérêt public et, d'autre part, elle définit les droits et les responsabilités
des diffuseurs et de ceux qui reçoivent les informations.
22 Gloria Cecilia SANCHEZ, La législation sur la radiodiffusion sonore communautaire. Etude comparative des législations de treize pays, op.cit., pp.4-5
13
-L’article 19 de la Convention internationale des droits civils et politiques (mars 1996)
reconnaît le droit de chaque individu à se forger une opinion en dehors de toute interférence
ainsi que la liberté d’expression, soit la liberté de chercher, de recevoir et de diffuser les
informations et les idées sans considération de frontières;
- L’article 13 de la Convention américaine des droits humains (1978) garantit le droit à la
liberté d’opinions, à leur libre expression, et stipule que ce droit ne peut souffrir d’aucune
restriction par des méthodes indirectes ou des moyens tel un contrôle abusif du gouvernement
ou du secteur privé sur les fréquences ou les équipements nécessaires à la diffusion de
l’information, ou par toute autre mesure tendant à restreindre la libre circulation de
l’information et des idées.
B. Liberté de la presse et développement Outre ces textes internationaux qui reconnaissent la nécessité de la liberté d’expression et du
pluralisme des médias comme droits incontournables et inaliénables pour une société
démocratique, l’idée que la liberté d’expression et le droit de se faire entendre est une condition
essentielle pour le développement s’impose. L’économiste et prix Nobel Amartya Sen, dans son
ouvrage Democracy as Freedom, montre l'apport décisif de médias libres et indépendants pour
le changement social. Il souligne le lien puissant qui existe entre médias communautaires,
liberté d'expression et développement. Sen écrit:23 « Aucune famine n’a jamais dévasté un pays
doté d’un régime démocratique et d’une presse relativement libre. Je ne connais pas
d'exception.»24 La corrélation entre liberté d’expression et développement est mise à l’honneur
par l’UNESCO à l’occasion de la Journée Mondiale de la liberté de la presse 2006 avec le
thème « Liberté d’expression et Eradication de la pauvreté ».
La reconnaissance de l’accès à l’information comme moyen d’éradiquer la pauvreté et le rôle
des radios communautaires comme vecteur à l’accès à l’information, a très tôt intéressé les
principales agences des Nations Unis. Dès le milieu des années 1950, l’UNESCO finance des
initiatives pour renforcer les radios communautaires en Inde, puis en Afrique. A partir des
années 1960, l’Organisation des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) va
également encourager et développer la création de radios rurales et de programmes de radio
agricole en Afrique. En 1966, la FAO organise une réunion à Giseyni (Rwanda) avec treize pays
23 Cité dans UNESCO, Media, développement et éradication de la pauvreté, Paris, UNESCO, 2007, p.59 24 On pourrait relativiser cette certitude. A Cuba, où la presse est loin d’être libre, il n’existe pas d’ « émeutes de la faim ». Mais, Cuba est un cas à part.
14
africains francophones afin de souligner le rôle que doivent jouer la radio rurale et les
programmes de radio agricole « dans le développement économique des pays et dans
l'augmentation du niveau de vie des populations agricoles 25 ».
En 1989, l’UNESCO adopte une nouvelle stratégie de communication « l’information au
service de l’humanité », qui est adoptée à son tour le 22 décembre 1990 par la résolution 45/76-
A de l’Assemblée Générale des Nations Unis26.
Depuis, au delà des agences des Nations Unis, les organisations internationales et agences de
développement reconnaissent et soutiennent les radios communautaires comme acteurs du
développement comme l’atteste l’étude de cinquante médias communautaires, dont vingt radios,
dans vingt-neuf pays sur les cinq continents. 27 Parmi les partners et bailleurs de fonds de ces
radios, on trouve aussi bien des organisations non gouvernementales, des agences de
développement (DANIDA, DFID, USAID, etc.), des organisations confessionnelles (Eglises,
etc.) que des gouvernements centraux ou locaux.
Le soutien dans la création de « bons » médias communautaires pour le développement va
devenir d’autant plus important dans les années 1990 après que Radio Mille Collines au Rwanda
devienne un des principaux moteurs dans le génocide.
C. Pourquoi les radios communautaires plutôt qu’un autre média?
La radio est, et demeure, le moyen de communication le moins cher existant par rapport aux
médias écrits ou audiovisuels. Mettre en place une radio ne demande pas de grands
investissements ou un capital important. En effet, il suffit pour faire une radio d’une antenne,
d’un petit local, et d’un ordinateur avec des logiciels adaptés. Ces logiciels peuvent être des
libre de droits (« logiciels libre »), ce qui réduit considérablement les coûts de fonctionnement.
Ceci permet à de petits collectifs ou à une communauté d’avoir sa propre radio. À titre
d’exemple au Népal pour une petite radio, un émetteur radio de bonne qualité coûte entre 20 et
30 000 USD. Avec USD 33 000, il est possible d’obtenir deux studios, un émetteur de 1 Kilo
Watts et l’équipement adéquate. Enfin, les dépenses courantes mensuelles tournent autour de
25 ILBOUDO Jean-Pierre, « Histoire et évolution de la radio rurale en Afrique noire - Rôles et usages, in FAO, Atelier International sur la Radio Rural, op.cit. 26 UNESCO, UNDP, Report of the Seminar on Media Development and Democracy in Latino America and the Caribeen, Santiago de Chile, 1994, p.6 27 Alfonso GUMUCIO DAGRON, Making Waves. Stories of Participatory Communication for Social Change- Report to the Rockefeller Foundation, op.cit., p. 232
15
USD 1000. Les dépenses mensuelles de la radio communautaire Lumbini FM sont de USD
1200, et USD 800 pour la radio Sworgadwari FM.28 Les dépenses annuelles varient selon
l’envergure de la radio (Tableau 1, Tableau 2).
Pour les stations de radios qui désirent recevoir des programmes satellites, les organisations qui
produisent des programmes (i.e. Equal Access, BBC World, etc.) fournissent gratuitement un
récepteur. Ce récepteur coûte USD 10029.
De plus, il n’est pas nécessaire d’avoir de grandes connaissances techniques pour faire
fonctionner une station de radio, comme c’est le cas pour l’audiovisuel. La radio
communautaire permet donc à des populations, qui n’attirent pas les radios commerciales ou les
radios nationales, car isolées ou de faible densité, d’avoir accès à l’information.
Tableau 1: Dépenses annuelles d’une station de radio avec un récepteur de 50 watt au Népal
Article Coût (USD) % Salaires 9 240 51% Loyer 1 476 8,2% Electricité 1 380 7,6% Téléphone/fax 2 772 15,3% Consommables (K7, CDs, batteries, etc.)
1 476 8,2%
Maintenance 1 656 9,2% Redevance 96 0,5% TOTAL 18 096 100%
Source : Bruce GIRARD, 2007, p.4 Tableau 2 : Dépenses annuelles d’une station de radio avec un récepteur de 1000 watt au Népal
Article Coût (USD) % Salaires 20 304 46,8% Loyer 1 848 4,3% Electricité 4 620 10,6% Téléphone/fax 2 772 6,4 % Consommables (K7, CDs, batteries, etc.)
1 476 4,3%
Maintenance 1 656 6,4% Redevance 9 228 21,2% TOTAL 43 392 100%
Source : Bruce GIRARD, 2007, p.43
28 MEDIA SOUTH ASIA, Recommendations et rapport de la Conférence « Community radio in South Asia : Exploring the way forward », 21-23 février 2002, Kathmandu, Népal http://www.mediasouthasia.org/communityradioworkshopforwebsite010604.htm 29 entretien avec Pawan Prakash, Coordinateur Information et Communication, Equal Access-Nepal septembre 2008
16
La radio est souvent le média le plus facile d’accès pour des populations qui vivent dans des
régions où il n’y a pas ou peu d’accès au réseau électrique. Au Népal, seulement 40% de la
population y a accès30 et dans tout le Népal, les coupures d’électricité sont fréquentes31. Or, un
récepteur radio peut fonctionner avec des piles et il coûte peu par rapport à un téléviseur ou à la
presse écrite. C’est pour cette raison, par exemple, que la radio est de loin le média le plus
populaire au Népal.
Selon un sondage32 réalisé en 2006-2007 par Equal Access-Népal, la radio est accessible par
99,4% des populations rurales et 98,5% pour les populations urbaines. De même 82,2% des
familles vivant en région rurale possède une radio, ainsi que 83,4% des populations urbaines.
En revanche, la télévision est peu présente dans les foyers ruraux. Seulement 53,1% en possède.
Quant à la presse écrite, seulement 1,9% des foyers ruraux lisent des magazines, et 6,7% des
quotidiens (Annexe 5). La radio est également le média préféré pour s’informer et s’entretenir
pour 61% des Népalais.
Les récepteurs radios sont mobiles et peuvent accompagner les personnes pendant leurs travaux
agricoles par exemple. Il a été vu (et entendu !) dans la vallée de Katmandu des enceintes radio,
posées sur le rebord de la fenêtre d’une maison, qui diffusaient à plein volume. Le programme
radio pouvait s’entendre des rizières avoisinantes pendant la récolte.33
Enfin pour les personnes vivant dans des régions reculées, ou difficile d’accès, ils leur aient
difficile de recevoir la presse quotidienne, imprimée dans les principales villes. Ceci est le cas
du Népal. Avec une superficie de 147 181 km2, sa géographie varie de 70m à 8850m d’altitude.
La radio est bien souvent le seul moyen d’accès à l’information pour les populations se trouvant
dans les régions montagneuses ou rurales. Or, seulement 15% de la population du Népal est
urbaine (Annexe 3). En effet, dû à l’isolement et à la faible infrastructure routière, seulement
51,7% de la population rurale a accès à la presse quotidienne et 29,5% aux magazines. Dans
les régions urbaines, bien que les magazines et la presse soient disponible, seules 12,8% des
personnes interrogées lisent la presse quotidienne et 4,6% les magazines. Internet est le moyen
de communication le moins accessible pour les populations des régions rurales (5,6%).
30 Ram KRISHNA TIMALSENA, « Right to Know in Nepal », South Asian Studies. Media and Peace in South Asia, Vol. XII, 2006, p482 31 Pendant mes cinq mois de séjour au Népal, les coupures d’électricité sont passées de 16h par semaine pendant la mousson à 32h en début d’hiver. En pleine saison hibernale, les coupures atteignent 72h par semaine, soit une moyenne de 10h par jour. 32 4000 personnes dans 55 districts sur 75 que compte le pays ont été interrogées entre juin-juillet 2006 et février-mars 2007. EQUAL ACCESS, Audience Survey report, 2006-2007. 33 Visite de terrain dans les alentours de Bhaktapur en octobre 2008
17
La radio est également le meilleur moyen pour toucher des populations illettrées. Au Népal, le
taux d’alphabétisation de la population totale est de 55,6%. Ce taux est encore plus bas chez les
femmes avec un taux d’alphabétisation de 44% (Annexe 2). Enfin, la radio étant un média
« parlé », il est souvent proche de la culture orale de beaucoup de pays en voie de
développement, et permet de produire facilement des programmes en langues locales. Au Népal,
bien que la langue officielle soit le népalais, il existe plus d’une quarentaine de langues locales.
Et encore beaucoup de personnes, malgré l’effort de la période Panchayat, ne maîtrisent pas le
népalais.
L’exemple du Népal montre que la radio est un moyen de communication idéal. La radio est
donc de loin le moyen le plus effectif et efficace pour toucher une large frange de la population,
d’où l’intérêt pour les organisations de développement de travailler avec les stations de radios.
18
Partie 2 : Les radios communautaires au Népal
I. Perspectives Historiques du développement des radios communautaires
A. Dans le monde
Pour comprendre le développement des radios communautaires, il est important d’analyser dans
quel contexte celles-ci se sont développées. Chaque continent et région a son histoire par
rapport au développement de ses médias et radios communautaires. Le développement de ces
derniers est étroitement lié au contexte politique et sociale. Si les premières radios
communautaires voient le jour en Amérique du sud à la fin des années 1940 pendant des
périodes autoritaires, comme moyen de dénoncer les inégalités sociales sous l’impulsion
d’organisations civiles, en Afrique et en Asie, leur développement a été fortement influencé par
les organisations internationales et les ONGs. Mais c’est dans les années 1990 qu’on assiste à
leur multiplication dans les pays en développement lors des grands mouvements de
démocratisation et de libéralisation des ondes, mais également grâce à l’évolution des
techniques de diffusion.
2. Amérique latine : territoire d’expérimentation C’est en Amérique du sud que les premières radios, que l’on peut définir comme les premières
radios communautaires, voient le jour, stimulées par la pauvreté, l’injustice sociale et
l’oppression. Le système de communication adopté par l’Amérique latine était influencé par le
modèle des radios commerciales et privées d’Amérique du Nord. Ce contexte a permis aux
radios, bien que souvent pirates et illégales, de se développer rapidement. En 1947, dans deux
pays distincts et avec des objectifs différents, Radio Sutatenza et Radio Voz del Minero sortent
leurs antennes, respectivement en Colombie et Bolivie.
Avec un émetteur de 90 watts, le père José Joaquín Salcedo monte Radio Sutatenza, du nom
d’un village de 5000 habitants dans le département Boyacá. Son objectif est d’éduquer et
d’évangéliser une population majoritairement analphabète et rurale34. Ce sera la radio pionnière
de l’Eglise Catholique latino-américaine. Les radios éducatives de ce type ne tarderont pas à se
34 La population avait reçu des radios avec des piles pour écouter la programmation
19
multiplier dans la région avec le soutien de l’Eglise Catholique Romane et des groupes
Catholiques d’Europe, mais également des agences internationales35.
En Bolivie, Radio Voz del Minero est considérée comme la première radio de la classe ouvrière
latino-américaine. Mise en place par les syndicats des mineurs dans la région de Potosi, la
station de radio avait comme objectif d’unir et de renforcer les organisations minières, ainsi que
de lutter contre les conditions de travail inhumaines et l’exploitation de la main-d’oeuvre par les
barons locaux, propriétaires des mines. D’abord à partir d’un haut-parleur puis grâce aux ondes,
la radio était utilisée comme un moyen de diffusion d’informations relatives à leur cause pour
combattre l’information gouvernementale en leur défaveur. Le succès fut rapide. En 1960, on
comptabilise 18 radios mineras et leur nombre se multiplie entre 1963 et 1983. Ces radios
étaient soutenues financièrement par les apports financiers volontaires des ouvriers, qui
collaboraient par une moitié de leur paie journalière par mois. Ces radios mineras appartenaient
aux mineurs, et ils décidaient de la programmation. Ces radios jouèrent un important rôle dans
la chute de la dictature en Bolivie en 1981, en initiant et en appuyant la grève générale. 36
Radio Sustenza et les Radios mineras avaient une résonance importantes tant et si bien quelles
commencèrent à agacer. Radio Sustenza, devenue trop indépendante par rapport à la morale de
l’Eglise fut très vite privée de fonds et, en 1985, elle est vendue à des entreprises privées afin de
rembourser les dettes. Quant aux radios mineras, le nouveau gouvernement néo-libéral élu
délocalise les mineurs en 1985, mettant fin à l’expérience des radios mineras, craignant sans
doute que le scénario de 1981 se répète.
Le développement des radios communautaires en Amérique latine à ceci de spécifique que les
organisations de la société civile ne se sont pas contentées de s’exprimer à travers la radio et de
participer aux programmes, mais elles ont cherché à devenir des radiodiffuseurs, c’est-à-dire à
devenir « maîtres » de leur propre moyen de communication.
35 Colin FRASER, Sonia RESTREPO, Community Radio Handbook, Paris, UNESCO, 2001, p.13 36 ibid., p.12
20
2. Afrique et Asie : un développement tardif
En Afrique et en Asie, la mise en place des radios communautaires est plus tardive car ces
régions connaissent d’abord le modèle de communication de servie public des colonisateurs
européens, c’est-à-dire un système basé sur le monopole et le contrôle d’Etat sur les moyens de
communication. Les pays européens ont utilisé, dès l’apparition de la radio et de la télévision,
les moyens de communication comme outil de propagande dans les pays colonisés afin de
renforcer le système étatique centralisé.37 Le cas de l’Inde témoigne de cette influence
européenne, encore de nos jours avec la mainmise du pourvoir central sur les
télécommunications38.
Ce système de contrôle d’Etat n’a pas favorisé l’émergence de radios indépendantes.
C’est pour cette raison qu’en Europe et notamment en France, dès les années 1960-1970, il a
fallu attendre la prolifération des « radios pirates » ou « radios libres » pour voir apparaître la
libéralisation des ondes FM et l’apparition de radios locales légales.
En Afrique et en Asie, il faut attendre les années 1980 mais surtout les années 1990, avec les
mouvements de démocratisation et le développement des moyens techniques et technologiques,
pour voir se développer véritablement les radios communautaires, bien que quelques premières
expériences étaient déjà apparues dans les années 1960 sous l’impulsion des organismes
internationaux. En Afrique du Sud, par exemple, la radio communautaire devient un
mouvement social après la disparition du régime de l’apartheid. En Afrique de l’Ouest, le Mali a
été le premier pays à expérimenter les radios communautaires en 1991 grâce à la mise en place
du pluralisme radiophonique. 39
En Asie, l’apparition des radios communautaires s’est révélée plus tardive et moins présente que
dans le reste des pays en développement. Même après la période de décolonisation et de
démocratisation, il n’y a pas eu un « boom » des radios communautaires. En Asie du Sud, des
pays comme l’Inde et le Sri Lanka avec une plus longue expérience démocratique, n’ont pas
connu une expansion des radios communautaires.40 En Inde, qui a une société civile forte, les
radios communautaires ne se sont pas développées. C’est ainsi, que les organisations
internationales, telle l’UNESCO, « ont pris l'initiative d'aider à la création de radios
37 ibid., p. 7 38 Gloria Cecilia SANCHEZ, La législation sur la radiodiffusion sonore communautaire. Etude comparative des législations de treize pays, op.cit., pp72-79 et p.109-110 39 J-P., ILBOUDO, « Histoire et évolution de la radio rurale en Afrique noire - Rôles et usages, op.cit. 40 Pratyoush ONTA, « Criticizing the media boom », in Kanak MANI DIXIT, Shastri RAMACHANDRAN, State of Nepal, Lalitpur, Himal Book, 2002, pp.257-258
21
communautaires sur ce continent. »41
B. Histoire du développement des médias au Népal
1. Un contexte politique non favorable avant 1990
a) Période des Ranas (1846-1960) Alors qu’en Amérique latine et en Afrique, les radios communautaires voyaient le jour et se
propageaient avec la vague de démocratisation, au Népal, il a fallu attendre la fin des années
1990 pour voir apparaître la première radio communautaire. Ceci s’explique par le difficile et
long processus de démocratisation du pays. Pour comprendre le développement des médias et
son corollaire, la liberté d’expression et le pluralisme de l’information, il faut revenir au
contexte historique et politique du Népal et à la construction démocratique.
Sous le pouvoir de la famille des Ranas (1846-1951), la presse écrite était rare. Mis à part le
journal Gorkhapatra publié à partir de 1901 et le magazine Sharada publié à partir de 1934
depuis Katmandu, il n’y avait pas de médias de masse au Népal. Ceux-ci étaient étroitement
contrôlés par le pouvoir, tant et si bien que les Ranas n’autorisèrent pas d’autres publications
jusqu’à la fin de leur règne afin d’empêcher la contestation grandissante contre leur pouvoir.
C’est ainsi que, pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que le Népal envoyait des troupes
pour soutenir l’Armée anglaise, les appareils radiophoniques, qui avaient réussi à rentrer dans le
pays dans les années 1920, furent confisquer jusqu’en 1946 afin d’éviter que « le public accède
à des informations qui puissent avoir un impact préjudiciable sur la façon dont ils [les Ranas]
justifiaient leur appui aux Forces Alliées. »42 Alors que le reste du monde connaissait l’ « âge
d’or » de la radio, il n’y avait aucune station de radio au Népal. Il a fallu attendre le début des
années 1950, peu avant le renversement des Ranas, pour voir la toute première radio, et radio
d’Etat, émettre : Radio Nepal.
Pendant la période de transition démocratique (1951-1960), le gouvernement promulgue en
1951 l’Interim Government Act of Nepal – 2007 BS, qui prévoit le droit de se rassembler
pacifiquement, le droit d’association et de la liberté d’expression. Cependant ces droits sont très
41 Gloria Cecilia SANCHEZ, La législation sur la radiodiffusion sonore communautaire. Etude comparative des législations de treize pays, op.cit., p.2 42 Pratyoush ONTA, « Country Study : Nepal », in War of Words : Conflict and Freedom of expression in South Asia, London, Article 19, 2005, p.106
22
vite encadrés : deux ans plus tard, par le Press and Prublication Act 2009 BS, on définit une
liste de crimes que la presse doit éviter, notamment appeler à la grève et critiquer le Roi. Le
gouvernement obtient le pouvoir de censeur. Presque deux ans après les premières élections,
prétextant l’impossibilité de gouverner des partis au pouvoir, le Roi Mahendra utilise les
pouvoirs d’urgence qui lui sont conférés par la Constitution de 1959 et dissout l’Assemblée en
1960, régnant en monarque absolu.43
b) Le régime Panchayat (1960-90) En 1962, le roi Mahendra annonce la promulgation d’une nouvelle constitution. Celle-ci déclare
officiellement le Népal comme un royaume hindou avec un système dit « Party-less Panchayat
Democracy ». Ce système panchayat, ou assemblée, est basé sur une relative décentralisation du
pouvoir. C’est un système qui peut être schématisé comme étant un mélange de démocratie à la
base, puisque les membres de l’assemblée au niveau de villages, villes et à l’échelle nationale
sont élus, et de pouvoir pyramidal sans partis politiques, ces derniers étant interdits. La liberté
d’association et d’expression est préservée, si elle n’a pas pour objet la politique.44 Le roi
cherche à supprimer toute forme de contestation dans un pays agité par les attaques au régime.
Dans ce contexte, il est difficile pour un média d’exister, mais avant tout de prétendre à jouer un
rôle dans la diffusion de l’information, comme plateforme de discussion. Le roi prend le
contrôle de la presse et de Radio Nepal. Les journaux et les éditions trop critiques sont punis ou
bannis, les correspondants et les journaux étrangers sont sujets à la censure. Afin de contrôler
complètement la diffusion de l’information, deux agences de presse indépendantes sont
nationalisées en 1962 pour former l’agence Rastriya Samachar Samiti. Celle-ci est mise sous la
tutelle directe du gouvernement. 45
Avec des taux d’alphabétisme très bas46 et une géographie très accidentée qui rend la
distribution de la presse presque impossible dans certaines régions, Radio Nepal est le média le
plus utilisé pour la propagande du gouvernement. Elle est utilisée pour fonder et répandre
l’idéologie de l’Etat, pour construire la Nation népalaise. Ainsi, seuls les programmes en langue
népalaise sont autorisés après 1965 afin de construire la « népalité »,47 dans un pays qui compte
plus de quarante langues locales et autant d’ethnies et de cultures.
43 Michelle KERGOAT, Histoire Politique du Népal. Aux origines de l’insurrection maoïste, Paris, Karthala, 2007, pp121-122 44 Ibid., p.123 45 Pratyoush ONTA, « Country Study : Nepal », op.cit., p. 107 46 En 1952/1954, le taux d’alphabétisation au Népal est de 5,3% et en 1961/1962 il est de 8,9%. Les castes les plus basses, les femmes et les personnes vivant dans les collines et les montagnes sont les populations les plus illettrées. Cf. Michelle KERGOAT, Histoire Politique du Népal. Aux origines de l’insurrection maoïste, op.cit., p.230 47 Ibid., p.109
23
2. L’avènement de la démocratie, le boom des médias et l’insurrection maoïste
En 1990, le « mouvement du peuple » met fin au système Panchayat. La nouvelle Constitution
met en place un système bicaméral, multipartite et garantit les libertés, dont celles de réunions,
et d’expression. Pendant cette période, on assiste à un « boom » des médias, particulièrement à
partir de 1999.48 Cet élan a continué après le début de l’insurrection maoïste lancée par le Parti
Communiste du Népal (CPN) en février 1996 contre l’Etat.
Jusqu’en 1998, Radio Nepal était la seule radio à diffuser des programmes, marquant le sérieux
retard du Népal dans le développement de ses médias radiophoniques. En 2001, 25 licences
avaient été distribuées, et 16 radios indépendantes diffusaient leurs programmes, dont 8 dans la
Vallée de Kathmandu, région la plus peuplée du pays. En 2004, 56 nouvelles licences étaient
accordées dont plus de 40 en dehors de Kathmandu49.
A titre d’exemple, au Pérou à la même période, compte plus de 500 radios, dans un pays qui,
bien que beaucoup plus vaste, ressemble au Népal pour ses conditions géographiques.
Figure 1: Evolution du nombre de radios au niveau national au Pérou
Source : Carlos RIVADENEYRA OLCESE, 2007, p.4
Mais l’Etat d’urgence de 2001 et l’ordonnance contre les actes terroristes et perturbateurs
(TADA), limitant la liberté d’expression et augmentant le contrôle de l’Etat sur l’information,
mettent un frein au processus de développement des médias. En 2001, aucune licence
radiophonique n’est accordée par l’Etat (Tableau 3), soucieux de contrecarrer la parole des
insurgés. Il faudra attendre le début des pourparlers de paix en 2005. De 1999 à 2004, lors de
48 ONTA Pratyoush, « Country Study : Nepal », op.cit., , pp114-115 49 ONTA, Pratyoush, Mass Media in Post-1990 Nepal, Kathmandu, Ed. Martin Chautari, 2006 (1st Edition), p.255
24
l’intensification du conflit, les journalistes souffrirent d’interpellations arbitraires, d’assassinats,
du déni à l’accès à l’information, etc.50
Tableau 3: Evolution du nombre de licences radiophoniques délivrées au Népal (1999-2007)
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Total
5 5 0 5 14 15 1 120 27 192 ACORAB document interne, Août 2007
Source : PRINGLE Ian, SUBBA Bikram, 2007, p.10
II. Panoramas des Radios Communautaires
A. Apparition des premières radios communautaires La toute première radio définie comme communautaire a été créée en 1997 par l’ONG Nepal
Forum of Environmental Journalism. Radio Sagarmatha FM 102.4 reçoit la licence de diffusion
en mai 1997 et commence à diffuser à Katmandu presque un an plus tard, en mars 199851,
devenant la première radio concurrente de Radio Nepal. Radio Sagarmatha a été sans aucun
doute le déclencheur du mouvement des radios indépendantes au Népal. En 2002, il y avait
quatre radios communautaires 52: Radio Sagarmatha, Radio Madanpokhara, Lumbini FM et
Swargadwari FM.
50 50 ONTA Pratyoush, « Country Study : Nepal », op.cit., pp134-162 51 ONTA, Pratyoush, Mass Media in Post-1990 Nepal, op.cit., p.255 52 Entretien avec Bharat Dutta Koirala, BRIEFING DOCUMENT: COMMUNITY RADIO IN INDIA, Proceedings of an Internet Conference on The Hoot, November 30, 2001 to February 10, 2002 http://www.nepaldemocracy.org/media/interview_bd_koirala.htm
25
Tableau 4: Radios communautaires en 2002
Nom de la Radio Position géographique
(District/Région)
Propriétaires
Radio Sagarmatha Kathmandu/ Centre ONG - Nepal Forum of Environmental Journalism
Radio Madanpokhara Palpa/Ouest Village Development Committee de Madapokhara
Lumbini FM Manigram /Ouest Coopérative d’entrepreneurs locaux et journalistes
Swargadwari FM Dang (Ghorai)/ Ouest Communauté
En mai 2007, 20 radios en diffusion et 65 avec licence sont recensées dans 56 districts sur 75
que comptent le pays couvrant ainsi, une fois toutes les radios communautaires on air 70% de la
population.53 En Août 2008, on recense 74 radios communautaires opérationnelles sur 170
radios existantes (
Tableau 5).
Tableau 5: Nombre de radios par types d'organisation (Août 2008)
Licences distribuées Opérationnelles
Nombre de stations de radio dirigées par des ONG
117 59
Nombre de stations de radios dirigées par une coopérative
34 24
Nombre de radios éducatives 2 1 Total des radios non
commerciales 153 74
Nombre de radios d’institutions gouvernementales
13 12
Nombre de radios privées 116 84 Total des radios au Népal 222 170
Source : Equal Access – Nepal www.radionepal.org
53 Bruce GIRARD, Empowering radios. Good practices in development & operation of community radio: Issues important to its effectiveness, Program on Civic Engagement, Empowerment & Respect for Diversity, World Bank Institute (WBIST), June 2007, p.9
26
B. Les facteurs qui ont permis le développement des radios communautaires
Plusieurs facteurs ont permis le boom des médias et plus spécifiquement des radios
communautaires au Népal entre 1995, date de la libéralisation des ondes, et 2007. On peut
diviser cette période en 3 phases :
- Phase 1 : 1995-2001 et 2002-2005 : l’éveil des radios communautaires
- Phase 2 : 2001-2002 récession due à la perte de liberté (Etat d’Urgence)
- Phase 3 : 2006- 2007 : Boom des radios
Nous pouvons dégager quatre principaux facteurs (1-4) qui ont permis le développement des
radios au Népal et deux autres facteurs (5-6) qui sont plus spécifiques aux autres médias,
notamment la presse54.
1) L’établissement des droits fondamentaux dans la Constitution de 1990 puis de la
Constitution Intérimaire de 2006 et de nouvelles lois relatives aux télécommunications;
2) La participation de nouveaux acteurs de la société civile dans la vie politique ;
3) La baisse des prix des licences radiophoniques en 2006 ;
4) La croissance du marché publicitaire. En 2002, le pourcentage de la croissance du
marché publicitaire était de 25%55 ;
5) L’expansion de l’audience liée à l’alphabétisation mais aussi au développement des
moyens de transport, dont notamment la construction du réseau routier (routes,
aéroports) ;
6) L’uniformisation de l’usage du Népalais pendant la période Panchayat.
54 Pratyoush ONTA, « Critiquing the media boom », in Kanak MANI DIXIT, Shastri RAMACHANDRAN, State of Nepal, Lalitpur, Himal Book, 2002, pp259-261 et Pratyoush ONTA, « Country Study : Nepal », in War of Words : Conflict and Freedom of expression in South Asia, London, Article 19, 2005, pp115-116 55 Pratyoush ONTA, « Critiquing the media boom », idem, p.261
27
1. L’établissement de droits fondamentaux La mise en place d’outils légaux au cours des années 1990 a permis le développement des
médias. Bien que le régime démocratique ne soit pas un facteur déterminant dans l’essor des
médias comme cela a été le cas en Amérique latine, pour le Népal il a cependant été un facteur
crucial. En effet, tant au Pérou qu’en Bolivie, les radios sont apparues sous des régimes
dictatoriaux. Au Pérou, par exemple, l’essor des radios a été promu pendant le régime de
Fujimori et en Bolivie, les radios mineras sont nées pendant la dictature.
La nouvelle Constitution du Népal de 1990 met en place un régime monarchique et multipartite.
Elle garantit les droits fondamentaux, comme celle de 1962, mais laisse le champ ouvert à la
participation politique. Ainsi, le droit d’association, la liberté d’expression, le droit de se
rassembler pacifiquement sont pleinement garantis. De plus, la nouvelle constitution protège de
la censure, ce qui sous le régime Panchayat n’était pas garanti.
En 1992 et 1993, le Printing Press and Publication Act, 2048BS et le National Broadcasting
Act 2049BS viennent donner de nouveaux outils pour la création de médias indépendants. Le
Printing Press and Publication Act, 2048BS garantit la propriété de tout média enregistré et
celui-ci ne peut être confisqué par le gouvernement sous prétexte de son contenu, ce qui n’était
pas le cas sous le régime Panchayat. Sauf en cas d’Etat d’urgence, le contenu ne peut être
censuré. L’année suivante, le National Broadcasting Act 2049BS56 rend possible l’acquisition
de média, tant audiovisuels que radiophoniques, par d’autres acteurs que le seul pouvoir public :
ceci inclut le secteur privé, les ONGs et les gouvernements locaux. Les actions du
gouvernement envers les médias sont régulées : alors qu’avant il était possible pour
l’administration de « corriger » les journalistes, le nouvel acte oblige le gouvernement à passer
devant la justice.
La Constitution intérimaire de 2006 statue clairement qu’aucun média ne pourra être fermé pour
le contenu de ce qui est diffusé. Ce qui donne un nouveau souffle après l’Etat d’urgence de
2001.
56 Ministry of Information and Communication http://www.moic.gov.np/act_national_broadcasting_act_2049.php
28
2. Apparition de nouveaux acteurs Avec la garantie des droits politiques, l’insurrection maoïste et la croissance de l’intérêt des
bailleurs de fonds pour les médias communautaires, les ONGs sont devenues des acteurs
importants et significatifs dans la mise en place des radios communautaires. Tant au niveau de
l’équipement et de l’appui technique, qu’au niveau de la formation et de la production de
contenus pour le développement (genre, développement local, formation à distance, santé, etc.),
les ONGs et les organisations internationales ont joué un rôle important dans leur création.
Parmi celles-ci nous pouvons souligner le rôle de l’UNESCO et de l’agence de développement
danoise. Comme le montre le Tableau 6, le Programme International pour le Développement de
la Communication (IPDC), fonds extrabudgétaire financés par les Etats Membres de
l’UNESCO, a appuyé très tôt et dès que la législation l’a permis, le développement des
premières radios communautaires. Outre Radio Sagarmatha et Radio Madanpokhara,
l’UNESCO a également aidé à la mise en place et à la formation de Radio Lumbini et de Radio
Swargadwari, les quatre premières radios communautaires du pays. L’agence de développement
danoise, DANIDA, a été aussi d’un grand soutien pour le développement des radios
communautaires. Outre Radio Swargadwari fondée en 2002, DANIDA a appuyé le
développement de 20 radios communautaires jusqu’en 200457. Comme le note Bharat Dutta
Koirala, fondateur du Nepal Press Institute, « le financement n’a pas été le principal problème
dans le mouvement des radios communautaires au Népal.(…) Il y a plusieurs bailleurs de fonds
qui réalisent la valeur de la diffusion communautaire dans un pays comme le Népal et ils ont
déjà offert leur aide dans la mise en place de radios communautaires. » 58
Avec la multiplication des radios à caractère communautaire, l’ONG NEFEJ crée le Community
Radio Support Center (CRSC) pour former les nouveaux journalistes, producteurs et managers.
Le CRSC met en place le Community Radio Support Fund. Le CRSC fonde ensuite
l’Association of Community Radio Broadcasters (ACoRB) en 2001, reflétant l’engouement
pour la radio. En 2002, l’ONG internationale Equal Access s’installe au Népal afin d’exécuter le
projet pilote en Asie Digital Broadcast Initiatives , financé par le Programme des Nations Unis
pour le Développement, et qui avait comme objectif de servir les communautés les plus reculées
avec de la communication pour le développement.
57 Raghu MAINALI, « Community Radio in Nepal. A Choice of Different Future », World Bank Institute (WBIST), June 2007, p.22 58 http://www.nepaldemocracy.org/media/interview_bd_koirala.htm
29
Tableau 6: Montant des aides du Programme International pour le Développement de la Communication (IPDC) au Népal (1995-2007)
Source : Ian PRINGLE, 2008, p.2
III. Les défis des radios communautaires au Népal
A. Le problème de la législation radiophonique au Népal
1. Aucun statut spécifique pour les radios communautaires
La législation sur la radiodiffusion est hétérogène. Il n’existe pas un cadre légal mondial et
commun pour les radios communautaires, malgré les efforts de réseaux de radios, tel AMARC,
ou les organisations internationales (i.e. UNESCO) pour promouvoir un cadre légal unifié.
Autant dire qu’il y a autant de définition légale qu’il y a de pays.59 Il est donc parfois difficile
de définir « légalement » ce qu’est une radio communautaire et ce qui ne l’est pas, et comment
est définit le « communautaire ».
Il existe plusieurs types de législation concernant les radios communautaires. Certains pays
comme l’Argentine ne dispose d’aucune norme reconnaissant la radiodiffusion communautaire
et encore moins la réglementant. Seules les entreprises commerciales peuvent avoir accès aux
licences60. Le Salvador61 et les Îles Philippines62 ne différencient pas les radios communautaires
des radios commerciales, relevant ainsi de la catégorie des stations privées. La Pologne ne
59 Gloria Cecilia SANCHEZ, La législation sur la radiodiffusion sonore communautaire. Etude comparative des législations de treize pays, op.cit. 60 idem., p.105 61 Idem, p.107 62 Idem., p.110
30
reconnaît pas non plus le statut de radio communautaire, mais reconnaît les radios religieuses,
locales et commerciales63.
Les législations les plus avancées en matière de radios communautaires reviennent au Canada et
à l’Australie. Au Canada, la radiodiffusion communautaire bénéficie d’une reconnaissance,
d’une protection ainsi que d’un soutien officiel. La législation différencie également la radio
communautaire, de campus et à caractère ethnique64. Quant à l’Australie, les radios
communautaires appartiennent au troisième secteur, c’est-à-dire au secteur non-lucratif, non
gouvernemental et non commercial.65
Au Népal, la législation sur les radios ne permet pas de différencier légalement une radio
commerciale d’une radio dite communautaire. Le National Broadcasting Act ne fait pas cette
différenciation, c’est-à-dire que les radios, qu’elles soient à but communautaire ou commercial,
sont sujettes à la même réglementation et aux mêmes modalités d’obtention de licence.
« Il existe un consensus parmi les partenaires consultés qu’il est nécessaire de
définir et classifier les radios FM. La clarté sur cet aspect fait partie de la
construction d’un cadre politique fort qui peut guider le développement des radios
communautaires au Népal. La typologie d’une radio sans but lucratif au Népal est
problématique. Le seul facteur, à ce jour, qui distingue officiellement un
radiodiffuseur d’un autre est sa puissance de transmission ; la seule différence entre
les licences est le paiement de la licence initiale et les charges annuelles de
renouvellement, basées sur la puissance de leur transmission. »66
63 Idem., p.114 64 Idem., p.104 65 Idem., p.114 66 Ian PRINGLE, Bikram SUBBA, Ten Years On : the State of Community Radio in Nepal, UNESCO, Paris, 2007, p.26
31
2. Le prix élevé de la licence de diffusion L’obtention de la licence est un frein à l’établissement des radios communautaires. Bien que le
processus soit clairement expliqué dans le National Broadcasting Act and the National
Broadcasting Regulations,67 le processus est long et pénible. De plus, le montant des droits de
licence peut être exorbitant pour des petites communautés avec de faibles revenus.
Le prix de la licence est le même selon que la radio soit à but lucratif ou commercial. Le prix
varie selon la puissance de transmission (
Tableau 7) et non selon la nature de la radio. Les radios communautaires sont donc pénalisées.
Tableau 7: Prix des licences radiophoniques selon la puissance de transmissions
Watts Prix en Roupies Prix en Dollars* 20 10 000 154 50 25 000 384 100 50 000 769 250 100 000 1 538 500 200 000 3 076 1000 500 000 7 692
* taux de change en août 2008 1USD = 65Rs
Source : AMARC, , 2004-2005, p.8 et Ian PRINGLE, Bikram SUBBA, 2007, p.11 En plus du paiement de la licence, les radios doivent payer annuellement 10% du montant de la
licence de départ pour son renouvellement68. Étant donnés les coûts, les radios communautaires
se tournent vers l’acquisition d’une licence de basse intensité, de 20 Watts à 100 Watts (Tableau
8). Or, une transmission de faible puissance peut être un vrai problème dans un pays à la
géographie accidentée, limitant considérablement la couverture radiophonique.
Enfin, les radios doivent payer 4% de leur revenus à l’Etat69, qu’elles fassent des profits ou
qu’elles soient déficitaires.
Cependant, il faut souligner qu’en 2006, le gouvernement démocratique nouvellement formé
67 cf Ministry of Information and Communications of Nepal http://www.moic.gov.np 68 Art. 16 (3) du National Broadcasting Regulation, 2052 (1995), Ministry of Information and Communication of Nepal http://www.moic.gov.np 69 Art. 11.1, ibid.
32
décida de supprimer les droits de renouvellement des licences et de baisser de 50% le prix des
licences afin d’honorer le rôle joué par les radios communautaires dans la construction de la
démocratie. Cette mesure ne dura qu’une année. Elle explique toutefois pourquoi en 2006, il y a
eu un nombre inhabituel et grandissant de licences octroyées (Tableau 3). 70
3. Aucune régulation de puissance La législation radiophonique au Népal n’impose aucune régulation au niveau de la puissance de
transmissions. Une radio communautaire peut ainsi avoir une couverture locale, régionale ou
nationale.
Tableau 8: Nombre de radios communautaires en 2007 selon leur puissance de transmission
Watts Nombre de Radios
Communautaires 20 1 50 3 100 42 250 12 500 23 1000 4
Source : Raghu MAINALI, 2007, p.6
Tableau 9: Nombre de radios communautaires et commerciales classées par puissance de transmission (Août 2008)
Puissance (en Watts) Nombre de Licences Opérationnelles 10 1 0 20 2 0 50 13 3 100 112 41 250 24 17 500 79 62 1000 51 48 2000 7 4 10 000 1 1 TOTAL 290 176
Source : www.nepalradio.org 70 Raghu MAINALI, « Community Radio in Nepal. A Choice of Different Future », op.cit., p.20
33
4. Comment définir une radio communautaire au Népal? Ce qui différencie le type de radio est l’acte de propriété. On appelle les radios communautaires
au Népal les radios indépendantes et sans but lucratif, dirigées par des organisations enregistrées
sous la Organizations Registration Law and Cooperative Law. Celles-ci peuvent être des
ONGs, des institutions éducatives ou des gouvernements locaux. Les radios dites commerciales
sont au contraire enregistrées sous le Company Registration Act71. Les radios ne sont donc pas
définies par leurs objectifs mais par le type d’institution qui les dirige.
Comme le soulignent Ian Pringle et Bikram Subba dans la Recommandation 8 sur la
« classification des radios communautaires » du rapport pour l’UNESCO :
« Une radio communautaire au Népal devrait être définie largement afin d’inclure
toutes les variétés de radios communautaires existantes. Le facteur de base à
déterminer si une radio est une radio communautaire au Népal est qu’elle soit à but
non-lucratif. Les radios doivent, dans le futur, être classifiées sur la base du type
d’organisation par lesquelles elles sont dirigées: sans but lucratif, coopérative,
d’institution éducative et de gouvernement local. 72»
Tableau 4 : Nombres de radios en août 2008 classifiées selon le type de propriété
Type d’organisation Nombre de radios Opérationnel Organisation Non Gouvernementale (NGO)
117 58
Coopérative 34 23 Privée 117 82 Gouvernement local 2 2 Institution éducative 2 1 Etat (Radio Nepal) 11 10
*Le type d’organisation de 7 radios est inconnu
Source : Equal Access-Nepal www.nepalradio.org
Comme le souligne Binaya Guragain, coordinateur du programme radiophonique Naya Nepal à
71 Raghu MAINALI, « Community Radio in Nepal. A Choice of Different Future », op.cit., p.5 72 Ian PRINGLE, Bikram SUBBA, Ten Years On : the State of Community Radio in Nepal, op.cit., p.27
34
l’ONG Equal Access-Népal, le titre de propriété ne signifie pas toujours qu’une radio
commerciale ne soit pas au service de la communauté, et vice-versa. « Certaines radios
commerciales ont un réel compromis avec la communauté et offre une vraie programmation
d’information et d’éducation, alors que certaines radios dites communautaires ont une
programmation essentiellement musicale. »73 Ceci peut rendre la classification de « radio
communautaire » difficile.
Cette difficulté pour classifier les radios peut être illustrée par l’exemple ci-dessous.
Dans son étude sur les radios communautaires au Népal de 2004-2005, AMARC fait une liste
des radios communautaires existantes. Dans cette liste apparaît Radio Himchuli. Celle-ci
appartient à Pokhara Bahuuddhesya Sahakari Limited, une coopérative d’épargne bancaire.
Pourtant Radio Himchuli a autant de programmes éducatifs et d’information que les radios
appartenants à des organisations non commerciales (
Tableau 10), Malgré son statut de coopérative, elle est considérée comme une radio
communautaire.
Tableau 10: Présentation de cinq radios communautaires
Radio
Sagarmatha (F.M. 102.4 MHz)
Radio Lumbini (F.M. 96.8 MHz)
Radio Madanpokhara (F.M. 106.9 MHz)
Radio Himchuli (F.M. 92.2 Mhz)
Radio Swargadwari (F.M. 102.8 MHz)
Date de licence Mai 1997 Février 2000 Avril 2000 Avril 2001 Décembre 2001 Propriété ONG Coopérative
d’entrepreneurs locaux et journalistes
VDC – Gouvernement local
Entreprise - Pokhara Bahuuddhesya Sahakari Limited
Communauté
Couverture géographique
Vallée de Kathmandu
Rupandehi et districts périphériques
Palpa et districts alentours
Kaski et districts alentours
Vallée de Dang
Audience potentiel
1.5 Millions 1 million 40 000 50 000 50 000
Région Vallée de Kathmandu
Teraï Collines Vallée de Pokhara
Vallée de Dang
Principaux groupes linguistiques
Newari, Nepali, Tamang
Nepali, Gurung, Magar, Tharu, Newari
Nepali, Magar, Newari
Nepali, Gurung, Newari
Nepali, Tharu
Puissance 500 watts 200 watts 100 watts 500 watts 100 watts Temps de transmission
15 h 14 h 30 6 h 16 h 30 8 h
Programmes Informatifs et
50% 40% 50% 40% 40%
73 Entretien avec Binaya Guragain, Coordinateur programme, Equal Access-Nepal, septembre 2008
35
Educatifs Programmes musicaux
50% 60% 50% 60% 60%
Total des Ressources Humaines
60 personnes 40 personnes 30 personnes 35 personnes 31 personnes
Salariés 30 personnes 24 personnes 12 personnes 23 personnes 11 personnes Volontaires 30 personnes 16 personnes 18 personnes 12 personnes 20 personnes Femmes 20 12 4 4 10 Source : AMARC, Country Assesment Paper : Nepal, Montréal, 2004-2005, pp 12-14
B. Des radios communautaires vraiment représentatives ?
1. L’élite et les radios communautaires Un des problèmes majeurs reconnus par les différents experts de la radio communautaire, mais
également observé sur le terrain, est la concentration de radios communautaires aux mains de
l’élite traditionnelle et historique. La diversité de la propriété des radios (
Tableau 5) est un important indicateur de la liberté d’expression au Népal. Néanmoins, cet
indicateur ne signifie pas que les radios soient représentatives de toutes les franges de la
population. Les personnes détenant la majeure partie des radios appartiennent à l’élite et
concentrent un personnel majoritairement hindou des ethnies/castes Chetris, Newaris et Bahuns,
castes pourtant minoritaires dans la population (24,6% de la population. Cf.
36
Annexe 4). Les Dhalits (« intouchables »), quant à eux, sont fortement sous représentés, que ce
soit au niveau des conseils d’administration, ou que ce soit parmi le personnel des radios
communautaires (Tableau 11 ; Tableau 12).
Selon une enquête effectuée auprès des 104 principales publications journalistiques des années
1990, moins de 2% de l’équipe éditoriale ou managériale est constituée par les basses castes.
Les ethnies représentent autour de 14% de l’équipe éditoriale et 22% de l’équipe managériale,
mais cette part se réduit significativement si on exclut les Newars,74 autre caste appartenant à
l’élite. Les médias reflètent le non renouvellement des élites politiques et le monopole du
pouvoir des Bahuns, Chetris et Newars.
Les castes Chetris, Newaris et Bahuns font parties des castes les plus hautes dans la société
népalaise, société fortement hiérarchisée. Ce sont également les plus éduquées : en 1992, 44,3%
des Bahuns étaient diplômés de l’enseignement supérieur, ainsi que 13,7% des Chetris et 30,7%
des Newaris, représentant à eux trois à la même période seulement 36,2% de la population.75 Le
système des castes est omniprésente dans la société népalaise : les hautes castes sont conscientes
de leur « supériorité naturelle » et les autres ethnies de la population de leur devoir de
soumission.
Ces trois groupes de population monopolisent également le monde politique, administratif et
militaire, héritage de la période des Ranas.
« Dans les assemblées élues entre 1951 et 1990, les Bahuns-Chetris occupent plus
de 60% des sièges, les Newars constituent le seul autre groupe de la population
ayant une représentation significative (autour de 10%). En 1991, 64% des députés
appartenaient aux deux castes Bahun-Chetri et, en 1994 68,3% ; à toutes ces dates,
les Newars, avec une douzaine de députés, représentent 6 à 7% de l’assemblée
élue. (…) Sur les 104 membres des cabinets ministeriels entre 1991 et 1997, 40%
étaient des Bahuns, 22% des Chetris, 10% des Newars (…). » Non seulement ces
« castes » noyautent les postes des principaux partis politiques mais elles occupent
également l’administration et l’armée (…).76
74 Pratyoush ONTA, « Country Study : Nepal », op.cit., p.118 75 Michelle KERGOAT, Histoire Politique du Népal. Aux origines de l’insurrection maoïste, op.cit., p.246 76 Michelle KERGOAT, Histoire Politique du Népal. Aux origines de l’insurrection maoïste, op.cit., p.244
37
Il en résulte que les médias sont considérés par P.Onta comme la voix de l’establishment , « des
chiens de garde partiaux ». Or, si on revient à la définition de ce qu’est une radio
communautaire on trouve une contradiction de poids. En 2003, La Déclaration de Kathmandu,
prononcée lors de la 8e Assemblée Générale de l’AMARC, rappelle que ce qui définit une radio
communautaire est que « son management est représentatif de la communauté ».77
Binaya Guragain,78 coordinateur du programme radio Naya Nepal à Equal Access celui-ci
mentionne ce problème : « Dans les radios, le personnel non Dhalits pensent qu’ils ne peuvent
pas parler des problèmes des Dhalits. Les Dhalits sont considérés comme les seuls à pouvoir le
faire. Donc s’il n’y a pas de personnels Dhalits, on ne parle pas des Dhalits. » Ceci signifie que
les problèmes des Dhalits mais également le positionnement des castes supérieures envers les
Dhalits ne sont que peu traités, excluant de facto une frange de la population, qui devient alors
invisible dans les médias.
2. Egalité de genre et radios communautaires Le même schéma se produit avec la représentation des femmes dans les radios communautaires,
à la différence près que les femmes ne sont pas minoritaires dans la société, mais représentent
au moins la moitié de la population.
Sur 152 personnes présentes dans les conseils d’administration des radios communautaires,
seulement 21 femmes siègent, dont la majorité appartiennent aux castes Brahman et Chetri. Les
femmes Dhalits sont doublement absentes, tandis que, dans une faible proportion, des hommes
Dhalits sont présents (Tableau 11). Parmi le personnel des radios (Tableau 12), la situation est
moins catastrophique en ce qui concerne la représentation des femmes Dhalits. Encore une fois,
nous sommes loin de la définition de ce qu’est une radio communautaire et de la Déclaration
d’AMARC à Milan (Annexe 11) sur la participation des femmes dans les médias. Les femmes
népalaises souffrent du poids de la société patriarcale et des coutumes discriminatoires. Elles
subissent de nombreuses violences (i.e mariage précoce, trafficking, prostitution forcée,
violence conjugale, etc.) et de nombreux droits leur sont confisqués.79 L’indicateur
« sexospécifique » de Développement Humain (ISDH) est de 0,51.80 Cette faible représentation
empêche à la problématique des femmes d’avoir une large résonnance.
77 Déclaration de Katmandu, Février 2003, http://www.amarc.org/index.php?p=The_Kathmandu_Declaration 78 Entretien avec Binaya Guragain, op.cit. 79 Equal Access, Baseline Report Survey on the Project Voices : HIV&AIDS and Violence Against Women, june 2008 80 « Alors que l'Indicateur de développement humain (IDH) mesure le niveau moyen atteint par chaque pays, l'Indice sexospécifique de développement humain (ISDH) corrige ce niveau de façon à refléter les inégalités sociologiques entre femmes et hommes sous les aspects suivants :
38
Tableau 11: Répartition des membres des conseils d’administration des radios communautaires par genre et ethnie/caste
Groupes ethniques Nombre d’hommes
au Conseil d’administration
Nombre de femmes au Conseil d’administration
Total
Dhalit 5 - 5 Minorités ethniques 31 6 37 Brahman/Chetri 95 15 110 Total 131 21 152
Source : MAINALI, 2007, p.12
Tableau 12: Ressources humaines des radios communautaires classées par genre et groupe ethnique
Groupe ethnique
Nombre d’hommes
Nombre de femmes
TOTAL
Dalit 27 25 52 Minorités ethniques
92 70 162
Brahman/ Chetri 267 119 386 TOTAL 386 214 600
Source : MAINALI, 2007, p.13
C. Communication pour le développement et radios communautaires : quelle durabilité ?
1. Des programmes populaires Selon les derniers sondages d’audience d’Equal Access-Népal81 et BBC World Service Trust82,
les programmes radiophoniques pour le développement sont très populaires parmi la population
népalaise. Des programmes comme Saathi Sanga Manka Kura (« Discutant avec mon meilleur
ami »), Nepal Chautari et Naya Nepal (« Nouveau Népal ») sont parmi les programmes les plus
a) Longévité et santé, exprimée par l'espérance de vie à la naissance ; b)Instruction et accès au savoir, exprimés par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation, tous niveaux confondus ; c) Possibilité de bénéficier d'un niveau de vie décent, exprimée par le revenu estimé du travail. » Perspectives Mondes, Université de Sherbrooke, op.cit. 81 EQUAL ACCESS, Broadcasting Audience Survey, 2006-2007 et 2008 82 BBC WST, Understanding Medias consumption and patterns in Nepal, 2007
39
écoutés. Ces programmes sont produits par des organisations internationales spécialisées dans
la communication pour le développement comme la BBC World Service Trust ou Equal Access-
Nepal, basées à Katmandu, avec des reporters communautaires sur le terrain qui collectent les
voix (« vox-pop »), font des reportages, etc. Ces programmes bénéficient d’une couverture
nationale. Equal Access-Nepal par exemple diffusent ses programmes préenregistrés, grâce à
leur satellite, plusieurs fois par jour pendant la semaine. Ils sont récupérés par les récepteurs
satellites données aux radios partenaires et celles qui ont fait la demande de recevoir le
récepteur, sans frais. Equal Access-Nepal a trente-six radios locales partenaires et Radio Nepal,
la radio d’Etat qui a une couverture nationale. Les radios partenaires sont financées pour
diffuser les programmes. Les autres radios qui ont un récepteur mais pas de partenariat ne
reçoivent aucune subvention. Ceci permet à ces programmes d’avoir une large couverture
nationale ce qui explique aussi pourquoi ces programmes sont écoutés par une grande partie de
la population.
Ces programmes utilisent les genres radiophoniques tels les vox-pop , des radio-dramas, les
reportages, les entretiens, etc. Les dramas sont particulièrement appréciés (entre 44,3 et 54,3%
des programmes les plus écoutés83) et c’est le genre radiophonique le plus utilisé pour la
communication pour le développement.
Dans le sondage d’audience84 réalisé par Equal Access-Nepal en 2008, Les éléments importants
pour le choix des programmes écoutés par les sondés qui écoutent la radio sont la simplicité
(83,8%), l’intérêt pour leur communauté ou profession (74%), parce qu’ils encouragent
l’interaction avec la communauté (71,8%), les contenus en langue locale (68%) et parce qu’ils
invitent des spécialistes ou des experts (68,4%).
Dans le cas des programmes produits par l’ONG Equal Access-Nepal, l’enthousiasme pour des
programmes comme Saathi Sanga Manka Kura (SSMK), un programme fait par et pour les
jeunes qui traitent de sexualité, de droits, etc., ou encore Naya Nepal, programme sur la
réconciliation et la construction démocratique, des clubs d’écoute se sont constitués, certains
spontanément, d’autres dans le cadre de projets particuliers. SSMK compte environ 950 clubs
d’écoute au niveau national.
2. Quelle indépendance financière ? La question que je me suis posée pendant mon expérience au Népal à propos de la production
radiophonique est de savoir quelle est la dépendance des radios communautaires par rapport aux
ONGs ou organisations spécialisées dans la production de programmes pour le développement, 83 EQUAL ACCESS, Broadcasting Audience Survey, 2006-2007 84 EQUAL ACCESS, Broadcasting Audience Survey, 2008
40
et qu’elle est leur dépendance financière envers les bailleurs. Ces questions sont centrales pour
la durabilité et l’impact de la communication pour le développement et pour l’indépendance des
radios communautaires. Ces deux questions sont relativement liées. Bien qu’il soit assez
difficile d’y répondre clairement (cela nécessiterait une recherche de terrain plus longue), on
peut donner quelques éléments de réponses.
Les ONGs comme Equal Access ou encore BBC World Service Trust, bien qu’elles soient
spécialisées dans la production de programmes radiophoniques pour le développement,
dépendent des projets et des financements de bailleurs internationaux ou nationaux (ceci est vrai
pour la plupart des ONGS). Leurs programmes vont dépendre en parti de ces financements et
peuvent influencer les contenus. Ce cas de figure peut être illustré par un exemple très précis.
Equal Access-Nepal reçoit des fonds de l’agence de coopération des Etats-Unis, USAID,
pendant l’insurrection maoïste pour mettre en place un programmme radio sur la culture de paix
et la construction démocratique. Dans les clauses officieuses, USAID ne permettait pas la
participation de représentants maoïstes dans le programme radio85, les maoïstes étant listés
comme organisations terroristes par les Etats-Unis. Comment construire la paix et la
démocratie, si tous les acteurs du conflits ne sont pas entendus ?
Au bout de la chaîne se trouvent les radios communautaires qui sont payées pour diffuser les
programmes produits par ces agences. L’argent reçu par les radios communautaires pour la
diffusion permet aux radios de couvrir les dépenses de fonctionnement. De plus ces
programmes de radio, ayant une audience importante, attirent les annonceurs publicitaires. Au
Népal, on le rappelle, la législation ne fait pas de différence entre radio commerciale et
communautaire à but non-lucratif. Les radios communautaires et commerciales se battent sur le
même terrain au niveau des annonceurs. De même, et comme dans beaucoup de pays, les
médias du Tiers-secteur ne reçoivent pas de fonds de soutien propres. Dans le cas de la France
et à titre d’exemple comparatif, des radios libres, comme Fréquence Paris Plurielles (FPP) à
Paris, doivent leur survie aux fonds communs générés par le prélèvement d’un pourcentage des
recettes publicitaires des radios commerciales. Les radios communautaires népalaises dépendent
elles, de la publicité commerciale et gouvernementale et de leurs services en tant que diffuseurs.
Comme le montre le « Tableau 13 : Revenues annuels de 20 radios communautaires au
Népal », 41% des revenues proviennent de la publicité et 22% de coproductions et partenariats.
Les radios communautaires dépendent de 41% au total de ces revenues, sans compter les
annonces locales et nationales. Leurs sources de financements indépendants sont seulement de
l’ordre de 6%.
85 Entretien avec Binaya Guragain, op.cit.
41
Tableau 13 : Revenues annuels de 20 radios communautaires au Népal
Sources Revenus
(USD) Revenus (%)
Publicité locale et partenariats 130 800 24% Publicité nationale et partenariats 89 200 17% Annonces locales de service public 61 500 11% Annonces nationales de service public 108 000 20% Coproduction et partenariats 118 500 22% Autres sources (ventes de cartes, K7 et Cds, contributions d’auditeurs, etc)
30 800 6%
Total 538 800 100% Source : GIRARD, 2007, p.44
Or, les radios communautaires au Népal font face à beaucoup de dépenses, liées notamment aux
ressources humaines. Si cela peut être vu comme une force, le Népal est un cas atypique dans le
monde de la radio communautaire. En Afrique du Sud par exemple, les volontaires travaillant
dans les radios sont estimés à 86%, soit cinq personnes sur six sont des volontaires. Les
volontaires sont également majoritaires en Colombie, Mali et Pérou, alors qu’au Népal, les
volontaires ne représentent que 45% des six cents personnes travaillant dans une radio
communautaire.86
Les radios communautaires au Népal sont majoritairement composées de salariés (Tableau 14 ;
Tableau 15). C’est un avantage car cela entraîne une certaine continuité dans la qualité et la
formation du personnel. Cependant, ce travail salarié peut être aussi envisagé comme un
inconvénient.
Premièrement, il ajoute des frais au fonctionnement de la radio. La radio sera donc plus
dépendante des entrées d’argent.
Deuxièmement, les volontaires sont des personnes de la communauté et donc ils ont un lien
direct avec la radio. Dans un sens, leurs contributions servent la communauté qu’ils
représentent. De plus, ils ont un compromis personnel avec la radio. Un salarié, après s’être
formé et avoir acquis de l’expérience cherchera d’autres opportunités dans de plus grandes
radios ou dans des ONGs de production.
86 Bruce GIRARD, Empowering radios. Good practices in development & operation of community radio: Issues important to its effectiveness, op.cit., p.13
42
Bien qu’il soit difficile de mesurer le travail effectué par les volontaires en comparaison avec
celui des salariés, ou encore leur niveau de responsabilité, la valeur de leur contribution, on peut
se demander pourquoi les radios communautaires n’emploient pas plus de volontaires ou
pourquoi il n’y a pas plus d’engagement volontaire dans les radios au Népal. Cela peut se
comprendre au régard de la relative jeunesse des radios communautaires népalaises.
Parallèlement, le faible nombre de volontaires peut révéler également le positionnement de la
radio communautaire au sein même de sa communauté.
Tableau 14 : Ressources humaines des Radios Communautaires au Népal
Catégories Nombre de ressources humaines
Salariés 330 Volontaires 270 Total 600
Source, MAINALI, 2007, p.11
Tableau 15 : Ressources humaines (RH) par type de radio communautaire
Type de propriété Nombre de
salariés Nombre de volontaires
Nombre total de RH
ONGs 185 125 310 Coopérative 80 105 185 Gouvernement local 65 40 105 Total 330 270 600
Source : MAINALI, 2007, p.12
43
Conclusions
L’évolution du concept de communication pour le développement est étroitement liée à celle
des paradigmes successifs de développement. Le modèle de développement, tel qu’il était conçu
après la Seconde Guerre Mondiale dans les pays du Nord, voyait dans la modernisation la clef
pour le développement des pays du Sud. L’idée était que la seule diffusion des innovations
techniques et technologiques provenant du Nord permettrait d’éradiquer la pauvreté au Sud. Ce
modèle supposait que ce qui avait permis le développement des pays du Nord trouverait un
impact positif dans le Sud. Dans le cadre de cette croyance, la communication était alors perçue
comme un moyen pour la diffusion des techniques vers le Sud. Cette communication up-down
et diffusionniste se dirigeait à des récepteurs passifs et présupposait que la diffusion des
connaissance impliquait automatiquement l’approbation et le changement des comportements
des populations leur permettant de « se développer ».
Très tôt, en Amérique latine les premières voix s’élevèrent pour critiquer ce modèle moderniste
du développement. En effet, la modernisation des techniques n’a pas permis le développement
des pays les plus pauvres et encore moins de la majeure partie de ses populations. Les
principaux obstacles au développement sont identifiés comme étant exogènes. Les inégalités
économiques et structurelles des pays du Sud trouvent leur source dans la dépendance des
périphéries, les pays du Sud, envers le centre, le Nord. Dans le cadre de cette théorie, la
communication pour le développement telle qu’elle était pratiquée est aussi remise en cause.
Elle est accusée de contribuer à la domination du Sud par le Nord. Dans ce contexte, le
pédagogue brésilien Paulo Freire développe un autre modèle de communication qui préconise
un processus d’éducation actif stimulé. La communication est considérée comme un outil qui
permet de stimuler le potentiel de changement des populations en contribuant à sa prise de
conscience, à son organisation et qui participe à sa politisation. Dans ce sens, la communication
devient un outil au service des populations. A la même période, le rapport MacBride identifie
plusieurs problèmes dans le système de communication et d’information mondial. Ce rapport
préconise le développement des radios communautaires, la démocratisation des outils de
communication et le renforcement participatif des populations à travers les médias afin de
construire un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication. Avec l’apparition
des paradigmes de la participation et du développement durable, les bases de la communication
pour le développement tel qu’on le conçoit aujourd’hui sont jetées.
Les médias communautaires sont au cœur de la communication pour le développement car ils
réunissent toutes les caractéristiques pour mettre en place une communication participative.
Bien qu’il existe autant de définitions que de radios communautaires, ces radios ont ceci en
44
commun qu’elles ne sont ni commerciales, ni publiques. Elles appartiennent au troisième
secteur. Leur mode de fonctionnement est aussi particulier. Elles ont un rôle dans la
communauté et sont pour et de la communauté. Elles encouragent la participation, favorisent la
liberté d’expression et le pluralisme, en même temps qu’elles valorisent les cultures locales. En
tant que « propriétaire » de la radio, la communauté participe à l’élaboration de la
programmation. La programmation n’est pas dictée par un agenda quelconque mais par l’agenda
de la communauté. Elles permettent une réelle démocratisation des médias, jusqu’alors dans les
mains de quelques groupes économiques et politiques. Il faut donc voir dans cette
démocratisation des médias, une révolution avant tout politique. Les communautés peuvent
exprimer leurs besoins et se faire entendre par les pouvoirs centraux.
Les radios communautaires par leur fonctionnement et objectifs renforcent le processus
participatif de la communication, basée sur l’appropriation des médias et la communication
horizontale et collective.
La reconnaissance internationale des droits pour la liberté d’expression, le pluralisme et
l’autodétermination ont favorisé l’émergence de ces radios communautaires. Les radios
communautaires sont devenues un acteur de développement au sein des agents du
développement. En effet, la radio est le moyen de communication le plus effectif. Il est le média
le moins coûteux en terme de fonctionnement. Il touche une très grande partie de la population,
même les populations vivant dans les régions les plus reculées, ou illettrées.
Pour comprendre le développement des radios communautaires, il est important d’analyser dans
quel contexte celles-ci se sont développées. Chaque continent et région a son histoire par
rapport au développement de ses médias et ses radios communautaires. Le développement de
ces derniers est étroitement lié au contexte politique et sociale de chaque pays. Si les premières
radios communautaires voient le jour en Amérique du sud à la fin des années 1940 pendant des
périodes autoritaires, comme moyen de dénoncer les inégalités sociales sous l’impulsion
d’organisations civiles, en Afrique et en Asie, leur développement a été fortement influencé par
les organisations internationales et les ONGs. Mais c’est dans les années 1990 qu’on assiste à
leur multiplication dans les pays en développement lors des grands mouvements de
démocratisation et de libéralisation des ondes, mais également grâce à l’évolution des
techniques de diffusion. C’est notamment le cas du Népal. En 1995, la nouvelle législation
ouvre le champ à la création de médias indépendants du pouvoir central, brisant le monopole
médiatique de l’Etat. La nouvelle Constitution permit également de garantir la liberté
d’expression et de la presse. L’insurrection maoïste et l’Etat d’Urgence ont été une parenthèse
relativement courte dans le mouvement de développement des médias et des radios
communautaires. Ces derniers ont bénéficié de plusieurs facteurs qui ont permis leur
développement. L’instauration d’un Etat démocratique et les garanties des droits ont fait surgir
45
une société civile jusqu’alors réprimée. L’insurrection maoïste a favorisé l’aide internationale
dans les zones touchées par le conflit. Les médias communautaires étant reconnus comme
acteur important dans la gestion des conflits, les organisations internationales ont soutenu leur
création.
Cependant les radios communautaires rencontrent plusieurs difficultés et doivent faire face à de
nombreux défis pour remplir pleinement leur rôle comme acteur du développement.
En premier lieu, la législation sur les télécommunications ne permet pas de différencier les
radios communautaires des autres radios de type commerciales. Elles sont logées à la même
enseigne. Radios commerciales et communautaires payent les mêmes frais de diffusion, de
licence et les mêmes impôts, handicapant les radios du tiers-secteur qui ont des ressources
financières limitées. Les communautés les plus pauvres ne peuvent donc pas soutenir la création
d’une radio. Ces radios choisiront ainsi d’avoir une puissance de transmission moins
importante. Les radios situées dans les régions montagneuses et ayant une transmission faible
auront un rayon de diffusion très limité.
Les radios communautaires sont également peu représentatives de la population. Les castes
Chetris, Newaris et Bahuns, les plus hautes castes de la société, et les hommes sont
surreprésentés. En revanche, les castes les plus basses et les femmes sont peu présentes,
remettant en cause la légitimité de ces radios communautaires, considérées comme « chiens de
garde partiaux ». Les castes Chetris, Newaris et Bahuns monopolisent également les pouvoirs
politiques et législatifs. Les médias reflètent le non-renouvellement des élites de la société
népalaise. La faible présence de volontaires dans les radios montre la faible appropriation par la
population des médias. Il est difficile dans ce schéma, que toutes les strates de la population
s’approprient les médias et soient entendues de manière égale. Dans une période de construction
démocratique comme celle qu’est en train de vivre le Népal avec la rédaction d’une nouvelle
constitution il est crucial que tous et toutes soient entendus et participent à son élaboration et
construction. Enfin, les radios communautaires font face au problème de la durabilité. Leur
dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds et de la publicité risque de mettre en
danger leur indépendance éditoriale et de programmation, non seulement celle des radios mais
également des ONGs comme l’illustre l’exemple d’USAID.
Une étude plus approfondie mériterait d’être menée sur la dépendance de production des radios
communautaires envers les ONGs spécialisées dans la production de contenus. De nombreuses
ONGs se sont spécialisées dans la communication pour le développement produisant des
contenus radiophoniques de qualité qu’elles diffusent à grande échelle à travers des radios
existantes. Ces programmes trouvent une large audience et sont très populaires. Ces ONGs
participent aux frais de diffusion des radios de ces programmes. Afin de maintenir la tête hors
de l’eau les radios communautaires risqueraient de préférer ces contenus qui rapportent
46
doublement, par les frais de diffusion et par la publicité qu’ils attirent et qui n’entraînent aucun
coût de production pour les radios, plutôt que de produire des contenus locaux propres.
Les radios communautaires au Népal ont actuellement une chance d’inverser la tendance avec la
nouvelle Constitution. Si leurs problématiques arrivent à se faire entendre lors de sa rédaction,
elles peuvent espérer d’être reconnu pleinement par la nouvelle législation et ainsi connaître un
nouveau souffle.
47
Annexes Annexe 1 : Carte d’identité du Népal ____________________________________________________ 48 Annexe 2 : Taux d’alphabétisation ______________________________________________________ 49 Annexe 3 : Croissance de la population urbaine de 1960 à 2005 (% de la population totale) ________ 49 Annexe 4 : Répartition de la population selon sa religion et ethnies/castes _______________________ 50 Annexe 5 : Sondage d’audience 2006-2007 : quelques graphiques choisis _______________________ 51 Annexe 6: Carte de la couverture du signal des radios privées au Népal ________________________ 55 Annexe 8 : Carte de couverture de Radio Nepal____________________________________________ 55 Annexe 9 : Cartes de couverture des radios privées et de Radio Nepal __________________________ 56 Annexe 10 : Densité de la population au Népal ____________________________________________ 57 Annexe 11 : Carte géographique du Népal________________________________________________ 57 Annexe 14: Déclaration de Milan sur la communication et les droits humains (29 août 1998)________ 58
48
Annexe 1 : Carte d’identité du Népal Population : 26,6 millions (recensement 2001)
PNB : USD 4,3 milliards
Revenu National Brut par habitant (USD): 1 010
PIB courant (USD) en 2007 : 10 207 M
PIB réel en 2007 (2000=100) : 124%
Espérance de vie à la naissance (année) en 2002 : 62,8
Dépenses de santé annuelle par habitant (USD): 76
Répartition des revenus dans la population :
Source : Perspectives Monde, Université de Usherbrooke
Népal - Indicateur de développement humain (IDH) ( 1975 - 2005 )
49
Annexe 2 : Taux d’alphabétisation Taux d’alphabétisation (population de plus de 6 ans) 1911 1952/1954 1961/1962 1967 1971 1981 1991 2001 Moins de 1%
5,3% 8,9% 10,2% 13,9% 23,2% 39,3% 55,6%
Source : Central Bureau of Statistics Taux d’alphabétisation par sexe (population de plus de 6 ans) Femmes Hommes Ensemble 1991 24,7% 54,1% 39,3% 2001 44% 67,4% 55,6% Source : Central Bureau of Statistics Annexe 3 : Croissance de la population urbaine de 1960 à 2005 (% de la population totale)
Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke
50
Annexe 4 : Répartition de la population selon sa religion et ethnies/castes Tableau: Répartition de la population selon la religion (2001)
Hindouistes 80,6% Bouddhistes 10,7% Musulmans 4,2% Chrétiens 0,4%
Kirats 3,6 Source : Michelle KERGOAT, 2007, p.240 Tableau: Répartition des principales ethnies ou castes (1991)
Principaux groupes ethniques ou castes
% de la population
Chetris 16,1% Bahuns 12,9% Tamangs 5,5% Tharus 6,5% Magars 7,2% Raïs 2,8% Yadav 4,1% Muslims 3,5% Gurungs 2,4% Limbus 1,6% Newars 5,6% Source : Michelle KERGOAT, 2007, p.269
51
Annexe 5 : Sondage d’audience 2006-2007 : quelques graphiques choisis 1. Médias accessibles par localité
Source : Equal Access, Audience Survey Report, 2006-2007
2. Médias accessibles par foyer
Source : EQUAL ACCESS, Audience Survey Report, 2006-2007
52
3. Dépenses annuelles d’un appareil radiophonique par région
Source : EQUAL ACCESS, Audience Survey Report, 2006-2007
4. Médias préférés comme source d’information et de divertissement
Source : EQUAL ACCESS, Audience Survey Report, 2006-2007
54
6. Types de programmes radiophoniques les plus écoutés
Source : EQUAL ACCESS, Audience Survey Report, 2006-2007
55
Annexe 6: Carte de la couverture du signal des radios privées au Népal
Annexe 7 : Carte de couverture de Radio Nepal
57
Annexe 9 : Densité de la population au Népal
Source : H.Cormier, 2007, www.commons.wikimedia.org
Annexe 10 : Carte géographique du Népal
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Annexe 11: Déclaration de Milan sur la communication et les droits humains (29 août 1998) Source : AMARC www.amarc.org Préambule Nous, les participantes et les participants au Septième Congrès mondial de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires tenu à Milan (Italie) du 23 au 29 août 1998, tenant compte notamment des contributions lors du Forum virtuel d’AMARC 7, qui a eu lieu du 20 juillet au 20 août 1998, Rappelant l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de recevoir et de diffuser des informations et des idées par le biais des moyens de communication, sans considération des frontières, en ce cinquantième anniversaire de la Déclaration; Considérant l’article 19 de la Convention internationale des droits civils et politiques, qui reconnaît le droit de chaque individu à se forger une opinion en dehors de toute interférence ainsi que la liberté d’expression, ce droit incluant la liberté de chercher, de recevoir et de diffuser les informations et les idées sans considération des frontières; Tenant compte de la Plate-forme d’action de Beijing, qui stipule, dans sa section sur Femmes et Médias, que la participation démocratique des femmes dans les médias doit être garantie à tous les niveaux ; Considérant l’article 13 de la Convention américaine des droits humains, qui garantit le droit à une liberté des opinions et à leur libre expression, et stipule que ce droit ne peut souffrir d’aucune restriction par des méthodes indirectes ou des moyens comme un contrôle abusif du gouvernement ou du secteur privé sur les fréquences ou les équipements nécessaires à la diffusion de l’information, ou par toute autre mesure tendant à restreindre la libre circulation de l’information et des idées ; Considérant l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui stipule que chaque individu a le droit de recevoir une information tenant compte de l’article 10 de la Convention européenne pour la protection des droits humains et des libertés essentielles, qui garantit le droit de chaque individu à la liberté d’expression, ce droit incluant la liberté d’avoir des opinions ainsi que celle de recevoir et de diffuser des informations et des idées sans aucune restriction par les pouvoirs publics ; Rappelant les Déclarations de Windhoek, d’Alma-Ata, de Santiago, de Sana’a et de Sofia, adoptées lors de séminaires tenus sous l’égide de l’UNESCO, qui soutiennent que la création, le maintien et le renforcement d’une presse libre, pluraliste et indépendante sont essentiels au développement de la démocratie et au développement économique ; Considérant la Charte de la communication des peuples qui, d’une part, dispose que les politiques de communication et d’information doivent reposer sur le respect des droits humains fondamentaux et de l’intérêt public et, d’autre part, définit les droits et les responsabilités des diffuseurs et de ceux et celles qui reçoivent les informations ; Rappelant la Déclaration sur la communication comme droit humain, adoptée par le séminaire sur la démocratisation du spectre électromagnétique tenu au Vénézuela en 1996 ; Rappelant la Déclaration des principes, adoptée par la conférence constitutive de l’AMARC à Managua en 1988;
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Rappelant la Charte européenne des radios communautaires, adoptée par la conférence constitutive d’AMARC-Europe en Slovénie en 1994; Rappelant la Déclaration du Festival des Radiopassionnés et Télévisionnaires adoptée à Quito en 1996; Déclarons que: 1. Le droit à la communication est un droit humain universel à la base de tous les autres droits humains; il doit être préservé dans le contexte de l’évolution technologique rapide dans le domaine de l’information et des communications. 2. Tout individu doit jouir d’un accès juste et équitable à tous les moyens de communication. 3. Le pluralisme culturel, linguistique et sexuel doit être reflété dans tous les médias comme une donnée essentielle dans toute société démocratique. 4. La participation des femmes dans les médias doit être garantie à tous les niveaux; 5. Le besoin existe de respecter les droits des peuples indigènes dans leur lutte pour accéder aux moyens de communication. 6. Les médias ont le devoir de soutenir la diversité des cultures et des langues dans le monde; ils doivent ainsi bénéficier de mesures législatives, administratives et financières favorables. 7. Les médias communautaires peuvent jouer un rôle important dans le renforcement des droits culturels, en particulier les droits linguistiques et culturels des minorités, des indigènes, des émigrants et des réfugiés en favorisant leur accès aux moyens de communication. 8. L’accès aux moyens de communication doit être soutenu par une éducation et une formation pour une approche critique des médias et pour développer les capacités des peuples dans le domaine de la communication et des médias. 9. L’économie de marché ne constitue pas l’unique modèle d’élaboration de l’infrastructure des communications. La population doit être considérée comme une productrice d’informations au lieu d’être seulement perçue comme consommatrice d’informations. 10. L’expansion continue des entreprises multinationales caractérisée, entre autres, par la concentration de la propriété dans les médias, représente une menace de plus en plus sérieuse pour le pluralisme et pour l’existence de radios communautaires indépendantes. 11. Les nouveaux systèmes de diffusion audionumérique conduisent à une révision des systèmes actuels d’allocation des fréquences et à de nouvelles mesures en matière de réglementation, qui risquent de marginaliser encore davantage les services de communication dirigés par des citoyens, des communautés et des organisations sociales. 12. Alors que le développement de la convergence entre les télécommunications, l’informatique et la radiodiffusion entraîne une augmentation du nombre d’utilisateurs potentiels, le fossé s’agrandit dans le monde entre ceux qui ont accès aux informations électroniques et ceux qui n’y ont pas accès.
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Appelons à: 1. Une reconnaissance internationale du secteur de la radio communautaire comme service public essentiel et comme élément vital au pluralisme dans les médias et la liberté d’expression et d’information. 2. Un soutien des gouvernements, entreprises privées et institutions internationales au développement du droit à la communication, notamment par les moyens suivants : * une régulation du secteur des télécommunications favorable au développement de l’infrastructure des communications dans les pays du Sud, * l’attribution d’un pourcentage des fonds publics alloués pour les projets de développement incluant une contrepartie en faveur de l’amélioration des capacités de communication, * l’évaluation du respect, par les gouvernements, du droit à une communication libre et sans entraves. 3. L’établissement de normes et de mesures au niveau national, régional et international pour soutenir le développement des radios communautaires, incluant : * la création d’organes indépendants de régulation pour assurer la transparence, un meilleur contrôle et une meilleure régulation des télécommunications, * des mesures visant à prévenir la concentration des médias et le contrôle des services des médias communautaires par des entreprises commerciales, * des mesures pour favoriser l’adaptation des médias communautaires aux nouvelles technologies convergentes, * l’allocation d’une portion de tout nouveau spectre numérique aux médias communautaires, * l’évaluation et l’observation de l’impact de la convergence des technologies et des nouvelles réglementations sur la diffusion communautaire, * le soutien au développement de systèmes numériques conformes aux besoins actuels et futurs des services de diffusion communautaire. * la sauvegarde des fréquences analogiques utilisées actuellement par les diffuseurs communautaires aussi longtemps qu’ils n’auront pas les capacités d’accéder au système numérique et jusqu’à ce que le remplacement en système numérique soit possible, * l’allocation d’une portion du spectre des fréquences aux micro-diffuseurs. 4. La vérification par l’UIT du fait que la planification des fréquences, les normes techniques de télécommunication et de radiodiffusion, ainsi que l’allocation des ressources pour le développement des télécommunications accordent une grande priorité aux besoins de la société civile. 5. L’établissement par l’UNESCO, dans le cadre du Programme international pour le développement des communications (IPDC), d’un fond des médias communautaires pour soutenir la création de nouveaux médias communautaires, leur adaptation aux nouvelles technologies, la recherche sur l’impact de la convergence des nouvelles technologies sur ces médias, et de projets pilotes sur de nouvelles formes de distribution des médias communautaires et de leur contenu. 6. L’allocation par les institutions financières internationales d’un pourcentage des prêts et des titres pour appuyer les formes communautaires de communication.
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7. La prise des mesures suivantes par le secteur des médias communautaires : * transnationales, et déployer des efforts visant à faire prendre conscience et à développer des stratégies pour arrêter la mainmise des entreprises transnationales sur l’avenir de nos communications ; * faire pression au niveau national et international pour l’adoption de mesures afin que les nouvelles technologies de l’information soient d’accès abordable pour les citoyens et les communautés, leur permettant ainsi de créer de nouveaux services médiatiques communautaires; * développer des échanges de programmes entre médias communautaires, et construire un réseau de solidarité et d’appui aux luttes pour les droits humains et pour une justice sociale ; * promouvoir et soutenir la formation de journalistes, diffuseurs et autres professionnels des médias, en particulier ceux et celles qui travaillent dans les régions rurales et les zones urbaines marginalisées ; * éduquer les organisations de la société civile, les gouvernements et les organes de régulation ainsi que le public sur les objectifs de la régulation, l’importance d’une communication pluraliste et pérenne, l’intérêt de la production et le bénéfice des médias communautaires ; * créer un comité technique pour étudier, déterminer et analyser l’impact des technologies numériques sur les médias communautaires. 8. L’établissement, par le secteur des médias communautaires, de coalitions locales, nationales, régionales et mondiales, travaillant à travers des forums de communication officiels et alternatifs pour la promotion des droits de la communication et la réalisation des objectifs de cette déclaration.
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Bibliographie
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3. Littérature grise : AMARC, Country Assesment Paper : Nepal, Montréal, 2004-2005, p.25 MAC BRIDE, Sean, Voix Multiple, un seul monde, Rapport de la Commission Internationale d’étude des problèmes de la communication, Paris, UNESCO, 1980, p.379 MEDIA SOUTH ASIA, Recommendations et rapport de la Conférence « Community radio in South Asia : Exploring the way forward », 21-23 février 2002, Kathmandu, Népal http://www.mediasouthasia.org/communityradioworkshopforwebsite010604.htm ROCKFELLER INSTITUTE, Communication for Social Change : a position paper and conference report, 1999, p.37 UNESCO, Media, développement et éradication de la pauvreté, Paris, 2007, p.78 UNESCO, UNDP, Report of the Seminar on Media Development and Democracy in Latin America and the Caribeen, Santiago de Chile, 1994, p.94
4. Sites Internet AMARC, www.amarc.org
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5. Entretiens Upendra Aryal, Content and Programme Director, Equal Access-Népal, Septembre 2008 Binaya Guragain, Coordinateur du programme radiophonique Naya Nepal, Equal Access-Népal, Septembre 2008 Pawan Prakash, Coordinateur Information Technologies (IT), Equal Access-Népal, Septembre 2008
6. Sondage EQUAL ACCESS, Audience Survey Report, 2006-2007 EQUAL ACCESS, Broadcasting Audience Survey, 2008 BBC World Service Trust, Understanding the Media Consumption and Patterns, Nepal, 2007 EQUAL ACCESS, Baseline Report Survey on the Project « Voices » : HIV&AIDS and Violence Against Women, june 2008 (pas publié à cette date)