Communication & influence n°38 (11/2012) - Stratégie et influence : vers un retour aux...

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Communication & Influence Quand la réflexion accompagne l’action www.comes-communication.com Pourquoi Comes ? En latin, comes signifie compagnon de voyage, associé, pédagogue, personne de l’escorte. Société créée en 1999, installée à Paris, Toronto et São Paulo, Comes publie chaque mois Communication & Influence. Plate-forme de réflexion, ce vecteur électronique s’efforce d’ouvrir des perspectives innovantes, à la confluence des problématiques de communication classique et de la mise en œuvre des stratégies d’influence. Un tel outil s’adresse prioritairement aux managers en charge de la stratégie générale de l’entreprise, ainsi qu’aux communicants soucieux d’ouvrir de nouvelles pistes d’action. Être crédible exige de dire clairement où l’on va, de le faire savoir et de donner des repères. Les intérêts qui conditionnent les rivalités économiques d’aujourd’hui ne reposent pas seulement sur des paramètres d’ordre commercial ou financier. Ils doivent également intégrer des variables culturelles, sociétales, bref des idées et des représentations du monde. C’est à ce carrefour entre élaboration des stratégies d’influence et prise en compte des enjeux de la compétition économique que se déploie la démarche stratégique proposée par Comes. N° 38 - Novembre 2012 EDITORIAL Stratégie et influence : vers un retour aux fondamentaux ? Les mentalités seraient-elles en train de changer ? Le réalisme reviendrait-il au goût du jour ? En tout cas, en France, l'influence semble enfin trouver ses lettres de noblesse dans la sphère diplomatique. Pour preuve, la déclaration du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en clôture de la conférence des ambassadeurs le 29 août dernier. Pour la première fois, un responsable politique de premier plan a osé dire haut et fort que notre pays entendait être une puissance d'influence sur la scène internationale. Jusqu'à hier, les concepts liés à l'influence – en particulier les soft et smart power – étaient essentiellement l'apanage des puissances anglo- saxonnes. Depuis les années 2000, les pays émergents y ont également volontiers recours pour conforter leur montée en puissance. Il était donc grand temps que la France se décide à faire preuve de pragmatisme. Et même s'il existe un long chemin à parcourir entre la déclaration d'intention et les actes, le premier pas est fait et l'on doit s'en réjouir. Deux articles que j'ai récemment publiés dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles (voir pages suivantes), laissent espérer un certain retour au réalisme. Le premier porte sur la volonté affichée par l'Etat de développer une stratégie d'influence. Le second vise à réhabiliter la pensée stratégique. Vous y trouverez citées des personnalités et des références connues des lecteurs de Communication & Influence : Claude Revel, François-Bernard Huyghe, Didier Lucas, Christian Harbulot, Eric Delbecque, Philippe Baumard… Tous sont intervenus dans nos colonnes ces derniers mois. Ces articles de vulgarisation complètent les entretiens accordés par ces auteurs à Communication & Influence. Ils sont prioritairement destinés à un large public de décideurs, souvent peu au fait des subtilités du smart power. C'est d'ailleurs parce qu'il existe un travail de sensibilisation à mener en profondeur dans notre pays pour réhabiliter l'influence que nous avons créé un nouveau site dédié à l'influence (focus ci-après) et que nous mettons en œuvre au quotidien, pour les structures publiques ou privées, des stratégies de communication d'influence. Nous comptons sur vous pour amplifier et soutenir cet effort. n Bruno Racouchot Directeur de Comes FOCUS www.communicationetinfluence.fr Le site Communication & Influence est désormais en ligne. Il intègre bien sûr la collection complète de la Lettre depuis sa création en juillet 2008. Tous les thèmes et les auteurs - dont beaucoup de noms prestigieux - sont répertoriés. Le point commun de ces invités de marque ? La volonté de sensibiliser nos lecteurs aux nouveaux défis et nouveaux enjeux dans la sphère de l'influence, d'explorer les voies qu'offrent les outils du smart power, d'encourager la mise en œuvre concrète de stratégies d'influence et la création de nouveaux vecteurs. Une rubrique Actualités permet également de signaler les sujets et les sources susceptibles de vous intéresser. L'influence doit être appréhendée de manière théorique et pratique. La Lettre Communication & Influence favorise la réflexion sur le temps long, loin des modes et du prêt-à-penser. Simultanément, depuis 1999, Comes communication agit concrètement, en engageant des stratégies de communication d'influence, dans les sphères publique et privée, au profit d'entreprises, d'États, de collectivités territoriales, d'ONG, de grandes écoles, d'organisations professionnelles, de fondations ou de think tanks… C'est de l'alliance entre réflexion et action que naissent les plus belles synergies. À vous de faire découvrir ce site à ceux qui s'intéressent aux défis stratégiques, économiques et géopolitiques à venir. n

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Les mentalités seraient-elles en train de changer ? Le réalisme reviendrait-il au goût du jour ? En tout cas, en France, l'influence semble enfin trouver ses lettres de noblesse dans la sphère diplomatique. C'est pour expliquer ces mutations sur un mode grand public que Bruno Racouchot, directeur de Comes Communication, a publié cet automne deux articles dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles. Le premier porte sur la volonté affichée par l'Etat de développer une stratégie d'influence. Le second vise à réhabiliter la pensée stratégique. Ces signaux laissent espérer un certain retour au pragmatisme. On ne peut que s'en réjouir.

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  • 1. Communication & Influence N 38 - Novembre 2012 Quand la rflexion accompagne laction EDITORIAL Stratgie et influence : vers un retour aux fondamentaux ? Les mentalits seraient-elles en train de changer ? Le ralisme reviendrait-il au got du jour ? En tout cas, en France, linfluence semble enfin trouver ses lettres de noblesse dans la sphre diplomatique. Pour preuve, la dclaration du ministre des Affaires trangres, Laurent Fabius, en clture de la confrence des ambassadeurs le 29 aot dernier. Pour la premire fois, un responsable politique de premier plan a os dire haut et fort que notre pays entendait tre une puissance dinfluence sur la scne internationale. Jusqu hier, les concepts lis linfluence en particulier les soft et smart power taient essentiellement lapanage des puissances anglo- saxonnes. Depuis les annes 2000, les pays mergents y ont galement volontiers recours pour conforter leur monte en puissance. Il tait donc grand temps que la France se dcide faire preuve de pragmatisme. Et mme sil existe un long chemin parcourir entre la dclarationPourquoi Comes ? dintention et les actes, le premier pas est fait et lon doit sen rjouir.En latin, comes signifie compagnon Deux articles que jai rcemment publis dans lhebdomadaire Valeurs actuelles (voir pagesde voyage, associ, pdagogue, suivantes), laissent esprer un certain retour au ralisme. Le premier porte sur la volontpersonne de lescorte. Socit cre affiche par lEtat de dvelopper une stratgie dinfluence. Le second vise rhabiliter la penseen 1999, installe Paris, Torontoet So Paulo, Comes publie chaque stratgique. Vous y trouverez cites des personnalits et des rfrences connues des lecteursmois Communication & Influence. de Communication & Influence : Claude Revel, Franois-Bernard Huyghe, Didier Lucas, ChristianPlate-forme de rflexion, ce vecteur Harbulot, Eric Delbecque, Philippe Baumard Tous sont intervenus dans nos colonnes ceslectronique sefforce douvrir derniers mois. Ces articles de vulgarisation compltent les entretiens accords par ces auteursdes perspectives innovantes, la Communication & Influence. Ils sont prioritairement destins un large public de dcideurs,confluence des problmatiques souvent peu au fait des subtilits du smart power. Cest dailleurs parce quil existe un travailde communication classique et de sensibilisation mener en profondeur dans notre pays pour rhabiliter linfluence quede la mise en uvre des stratgiesdinfluence. Un tel outil sadresse nous avons cr un nouveau site ddi linfluence (focus ci-aprs) et que nous mettons enprioritairement aux managers en uvre au quotidien, pour les structures publiques ou prives, des stratgies de communicationcharge de la stratgie gnrale dinfluence. Nous comptons sur vous pour amplifier et soutenir cet effort. nde lentreprise, ainsi quauxcommunicants soucieux douvrir de Bruno Racouchot Directeur de Comesnouvelles pistes daction.tre crdible exige de direclairement o lon va, de le fairesavoir et de donner des repres. FOCUSLes intrts qui conditionnent lesrivalits conomiques daujourdhui www.communicationetinfluence.frne reposent pas seulement sur desparamtres dordre commercial Le site Communication & Influence est dsormais en ligne. Il intgre bien sr la collectionou financier. Ils doivent galement complte de la Lettre depuis sa cration en juillet2008. Tous les thmes et les auteurs - dontintgrer des variables culturelles,socitales, bref des ides et des beaucoup de noms prestigieux - sont rpertoris. Le point commun de ces invits de marque?reprsentations du monde. Cest La volont de sensibiliser nos lecteurs aux nouveaux dfis et nouveaux enjeux dans la sphre ce carrefour entre laboration de linfluence, dexplorer les voies quoffrent les outils du smart power, dencourager la mise endes stratgies dinfluence et uvre concrte de stratgies dinfluence et la cration de nouveaux vecteurs. Une rubriqueprise en compte des enjeux de la Actualits permet galement de signaler les sujets et les sources susceptibles de vous intresser.comptition conomique que sedploie la dmarche stratgique Linfluence doit tre apprhende de manire thorique et pratique. La Lettre Communication &propose par Comes. Influence favorise la rflexion sur le temps long, loin des modes et du prt--penser. Simultanment, depuis 1999, Comes communication agit concrtement, en engageant des stratgies de communication dinfluence, dans les sphres publique et prive, au profit dentreprises, dtats, de collectivits territoriales, dONG, de grandes coles, dorganisations professionnelles, de fondations ou de think tanks Cest de lalliance entre rflexion et action que naissent les plus belles synergies. vous de faire dcouvrir ce site ceux qui sintressent aux dfis stratgiques, conomiques et gopolitiques venir. nwww.comes-communication.com
  • 2. MONDE Arnaud Montebourg et Laurence Parisot la Confrence des ambassadeurs en aot. Le statut dun pays passe par son conomie.Les guerres secrtes arme ne tue pas. Plus exac- LUDOVIC-POOL/SIPA tement,elle ne tue que lavisde linfluence contraire pour le remplacer par celui du possesseur de larme. Pour Claude Revel,les Europens sont trop nafs : Leur soumission aux agen-Diplomatie Pour voulons que notre pays puisse conserver, voire amliorer son statut international ces de notation le prouve. Des documents officiels europens comportant des men-dfendre ses intrts et dans lintrt mme de nos concitoyens. tions rdiges noir sur blanc prcisent que La diplomatie francophone et la diplo- telle ou telle option sera prise ou non enceux de ses entreprises, matie conomique seront au service de fonction des notations de ces agences ! Onla France veut cetteambition :LeministredesAffaires trangresdoitdevenir,aussi,leministre fournit le mode demploi,la Commission elle-mme se lie les mains La matrisedvelopper une desentreprisesNosPMEetETI[entre- de nos dcisions nous chappe. Elles sont prise de taille intermdiaire] ont besoin subordonnes des ples dinfluencestratgie dinfluence. dappui pour se projeter linternatio- extrmement puissants qui nous dictentElle a des atouts. nal Nos positions seront guides par en douceur notre conduite. L cette question simple : est-ce bon pour Exemple de cette soumission : le appui aux stratgies dinfluence nos entreprises, pour nos emplois, pour le fameux classement de Shanghai des annonc par Laurent Fabius, le redressement de la France ? universits.Ce palmars annuel repose ministre des Affaires trangres, Lavenir dira vite sil sagit la Confrence des ambassadeurs, dune simple posture ou dunela fin aot,est un signal fort et nouveau mutation de fond,mais la prise Selon le vu de Laurent Fabius,donn la diplomatie franaise, tantces concepts dinfluence taient jus- deconscienceestsalutaire.Lin- fluence a redistribu les cartes le ministre des Affairesque-l lapanage des puissances anglo- de la puissance depuis trente trangres doit devenir aussisaxonnes (lire notre encadr). ans, avec une France semblant La France, longtemps rtive ces subir plutt quagir, explique le ministre des entreprises.nouveaux vecteurs de rayonnement, Claude Revel, spcialiste enparat voluer alors que les pays mer- intelligence conomique, dansgentsyrecourentdepuislesannes2000. la France, un pays sous influences ? (Vui- sur des critres qui amnent toutes les Notre pays entend tre une puissance bert) : Linfluence est une arme, paci- grandes coles se calquer sur des cri-dinfluence, dit Laurent Fabius. Nos fique certes, mais une arme, un instru- tres quantitatifs purement anglo-atouts doivent tre valoriss si nous ment de prise de pouvoir sur lautre.Cette saxons. On amne lautre vous res- Valeurs actuelles 15 n o ve m b r e 2 0 1 2 42
  • 3. sembler en lui faisant dlais-ser ses propres rfrents. Petit lexique T ouslesoutilslislinfluence industriels englobant 128 ont des dnominations an- entreprises. Tous travail- Cette arme dinfluence jouesur la cohrence ou la sduc- Une affaire glo-saxonnes. Ce nest pas un lent troitement avec le hasard, tant lAmrique sest pouvoir politique.tion, parfois les deux. Ses le-viers relvent de la raison, de de puissance investiedepuislongtempsdans Les stratgies dinfluence ce domaine. Ces termes recou- expriment et structurentla conscience, de laffectivit, vrent une mme volont de domination des esprits grce les affrontements dac-des convictions,des motions. des codes culturels et moraux communs, un mme aligne- teurs entre les collectivi-Le but est de faire penser et ment sur des standards prdfinis.On distingue ainsi le soft ts humaines, les modlesagir la cible, sans dpense ni power (pouvoir doux, avec des moyens non coercitifs, culturels et les organisa-moyens coercitifs,pour la faire rayonnementculturelparexemple),lehardpower(pouvoir tions prives, analyse ricaller de son propre gr dans duroucoercitif,viadesmoyensmilitairesouconomiques), Delbecque, de lInstitutla direction souhaite. Cest lesmartpower(combinantsoftethard,enfonctiondessitua- national des hautes tudes une dmarche visant chan- tions).Ladvocacy consiste en un plaidoyer permanent pour de la scurit et de lager la faon dont autrui peroit expliquer sa stratgie et ses actions. La business diplomacy justice, auteur de lIn-la ralit , explique le cher- (diplomatie dentreprise) est une stratgie de long terme, fluence ou les Guerrescheur Franois-Bernard Huy- mene en amont, pour tisser des liens privilgis avec les secrtes (Vuibert). Il neghe,spcialiste en mdiologie. acteurs cls de lentreprise. B. R. sagit plus vraiment deAux tats-Unis, cest la mis- terrasser le rival de ma-sion du secrtariat dtat la diploma- la puissance, lentreprise internationale nire agressive, mais de le priver en dou-tie publique, charg de promouvoir gnre des vulnrabilits proportionnel- ceur (en avanant masqu ou en affi-lintrt national amricain, par la les son pouvoir et son influence. chant une parfaite hypocrisie) de sacomprhension, linformation et lin- La diplomatie dentreprise est au cur libert de mouvement,de contraindre sesfluence des publics trangers . des conomies mergentes, note Jol choix, en amnageant lenvironnement Qui dit ce quil faut penser dfinit de Ruet, chercheur au CNRS, ce qui global dans lequel il volue,ceci afin das-facto les rgles du jeu : des ides sont explique lomniprsence des entre- surer son dclin progressif et sa propreadmises,dautres sont demble places prises Janus, combinant les meilleures suprmatie. hors jeu. Les rpercussions dans la vie ressources des logiques prives et dtat. La France rayonna longtemps surpolitique et conomique sont trs L o les Franais se prsentent encore lEurope et le monde par la force de sesconcrtes. Exemple : les questions lies en ordre dispers,les autres chassent en ides. Par les nouvelles stratgies din-au crdit carbone. Des lobbies lancent meute et imposent leurs normes,cons- fluence,elle peut simposer de nouveauun thme (moins de CO2), les bonnes tate Christian Harbulot, le patron de comme une puissance avec laquellemes le rpercutent, nos gouverne- lcole de guerre conomique.La diplo- compter. Nous avons des atouts, rap-ments se croient obligs dadopter des matie dentreprise doit donc simposer pelle Claude Revel.Jouons sur la force desrgles contraignantes. Mais ceux qui comme un instrument de la puissance. ides,mettons en place de nouveaux clas-ont initi laffaire se gardent bien de Harbulot cite lexemple de la Core du sements avec des critres pertinents. In-bouger.Faites ce que je dis,ne faites pas Sud.Soul dploie une vritable strat- tgrons les codes de linfluence, en pn-ce que je fais gie de puissance fonde sur la synergie trant la manire de voir des autres et en Si linfluence est le socle de la diplo- de ses forces matrielles et immatriel- la changeant de lintrieur.Sachons rap-matie, elle nest plus lexclusivit des les, lalliance entre le public et le priv, prendre les vertus du temps long et mettreseuls tats. Les rles sentremlent, laffichage dun cap stratgique.Sa force enfin en adquation nos actes avec unevoyant merger une grande tendance de frappe est impressionnante.Un seul vraie ligne stratgique. mondiale de redistribution des pouvoirs, but : gagner ! En faisant des rseaux B RUNO R ACOUCHOTdes responsabilits croissantes dvolues lectriques intelligents un enjeu priori-aux acteurs privs, aux entreprises et taire, la Core sest dote dun consor- Lauteur de cet article est expertONG, estime Claude Revel. Certaines tium anim par Kepco (lEDF coren), en communication dinfluence :grandes entreprises doivent faire de la auquel sajoutent quinze conglomrats www.comes-communication.comdiplomatie la manire des tats, cequon appelle la diplomatie dentre- Voyage en Sicileprise. Les Franais sont en retard mais leurnouvellediplomatie dentreprisepeutleur donner les moyens de gagner. 30 mars au 6 avril 2013Directeur gnral de linstitut Choiseul le de lumire 9 au 16 septembre 2013et auteur des Diplomates dentreprise. IM 0921 00 65Pouvoir, rseaux, influence, paratre IM 921 00la fin octobre aux ditions Choiseul, 921 2Didier Lucas le croit : Lavnement dela socit civile,entendu comme lcho desopinions publiques, a abouti la nais-sance dun environnement complexe ole monde politique et institutionnel, lemonde de lconomie et le monde des tl. 01 41 12 04 80ides doivent cohabiter En accdant Valeurs actuelles 15 n o ve m b r e 2 0 1 2 43
  • 4. Parlons vraiCONOMIE Les entreprises ont besoin de long terme Par B RUNO R ACOUCHOT expert en communication dinfluence Le retour des stratgesE n politique comme en conomie, chacun a aujour- Par exemple, savoir sextraire du quotidien pour retrouver dhuilesentimentdenaviguervue. Pas de cap dfini, les vertus du temps long. Conserver et valoriser son identit aucune capacit danticipation ou de projection. Le dans un monde qui va en suniformisant.Cesser de se focali- mme mal ronge institutions publiques et prives,tats ser sur la seule plus-value immdiate. Sortir de la penseet entreprises.Des groupes de stature internationale avouent convenue pour ouvrir de nouvelles perspectives. Cest enainsi benotement que leur horizon se limite aux trois ractivant le jeu subtil des ides que nous pourrons comblerprochains mois. Au rgne de lincertitude totale rpond un ce vide stratgique. Car, souligne Philippe Baumard, lapilotage de type brownien qui dconcerte autant quilinquite.Comme le souligne le sociologue et historienMarcel Gauchet, de ce brouillard rsulte une anxit La cl de la russitecollective (le Monde du 9 septembre). De fait, tout dApple fut de ne jamaisesprit lucide constate que nous nous trouvons se laisser engluer PHOTOTHEQUE VALMONDEconfronts un vident vide stratgique. Alors,que faire ? Prioritairement,identifier les origi-nes du malaise. Une dmarche impliquant de remet- dans le court terme.tre en question nombre de nos certitudes.Ce que sestattachfairePhilippeBaumard,professeurStanfordet Polytechnique,dans un ouvrage rcent,leVide stratgique guerre des curs,des esprits,de linfluence et de laffluence ne se(CNRS ditions). Son constat est clair. Le naufrage du stra- situe plus dans larne du march, mais bien en amont, dans latgique empche denvisager le futur pour se borner lillu- cration des attentes et la formation des croyances .Ce que faitsoire matrise du prsent. Laffolement des marchs, des trs habilement une firme comme Apple, dont chaquemdias,des politiques trouve son origine dans au moins trois nouveau produit bnficie dune campagne soigneusementfacteurs cls. prpare, o sont exacerbs attente et dsir. Les consomma- Dabord, notre croyance aveugle en le seul registre quanti- teurs sont ici des croyants, qui accueillent avec soulagementtatif,mathmatiqueoustatistique.Lesalgorithmesrassurent. le dbarquement cognitif produit par cette grand-messeIls nexpliquent pas forcment la nature des dfis auxquels mdiatique, sans souponner aucun moment quils sontnous sommes confronts.Ensuite,notre soumission ce que sous influence. Une influence qui est le fruit dune stratgie,nous croyons tre lurgence. L aussi, privilgier linstant et soigneusement mrie et calibre,reposant sur des principesla ractivit immdiate vite bien souvent davoir se poser clairs. Steve Jobs dirigeait ses quipes avec sonsceptre de lales questions de fond.Enfin,notre incapacit traiter des flux simplicit. Ce fut sans doute lune des cls majeures de satitanesques de donnes, utiles ou non, mais empchant de russite,ne se laissant jamais engluer dans le technique ou lecibler lessentiel. court terme.Think differentsimposa dailleurs comme la Rsultat ? Nous ne comprenons plus les mutations de notre devise phare dApple.monde, par nature sans cesse mouvant. Nous croyons len-cadrer par des rponses au coup par coup. Or, ce rel nousparat insaisissable. Do la tentation de se rfugier dans ce L influence exige au pralable une stratgie. Je suis en capacit stratgique quand je peux dfinir qui je suis,et pour- quoi je suis, explique Philippe Baumard. La capacit strat-que nous croyons bien tort matriser. savoir le mat- gique est la capacit ontologique. En ce sens, la stratgie nest niriel, le quantifiable, limmdiat.Au quotidien, le stratgique une mthode, ni un plan, mais plutt un acte de dtermina-se trouve ainsi vacu au profit du tactique.La rflexion et le tion. Ayons enfin le courage de nous poser les vraies ques-temps long sont vincs pour laisser place limmdiatet et tions. Notre monde souffre dun dficit cruel de sens et desoncorollaire,larptitiondecequelonsaitfaire,sanscher- repres ? Certes,maisonauraittort desendsoler.Carlevidecher innover ou ouvrir dautres pistes. stratgique offre de nouvelles perspectives. Cest dans cesU ne fois le diagnostic tabli,il faut repartir sur des bases saines. cet gard, il nest pas anodin que la fameuseHarvard Business Review qui donne le ton en matire de instants que seffectuent les prises de conscience dcisives et les retournements les plus inattendus. Prenons garde : le temps du vide est le temps des stratges. Une injonction qui nest pasrflexion managriale ait titr en couverture de son dernier sans rappeler laphorisme du pote allemand Friedrichnumro : The (Surprisingly) Simple Rules of Strategy,les lois Hlderlin : L o crot le danger crot aussi ce qui sauve. Nos(tonnamment) simples de la stratgie.Invitant ses lecteurs dirigeantspolitiquescommenosgrandspatronsseraientbienredcouvrirdesrgleslmentairespouroprerauseindun aviss de sen inspirer. monde toujours plus complexe. On rejoint l les impratifsdes stratgies dinfluence. www.comes-communication.com Valeurs actuelles 1 8 o c t o b r e 2 0 12 88