COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES 9215 - Senat.frPascal Berteaud, directeur général de l’Institut...

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9151 SOMMAIRE ANALYTIQUE COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES ..................................................... 9155 Transition énergétique – Audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF Suez ..................................................................................................................................... 9155 Économie sociale et solidaire – Désignation des candidats à la commission mixte paritaire .... 9164 Avenir industriel au coeur de la transition énergétique – Table ronde ........................................ 9164 Mise en oeuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie – Examen du rapport d’information ..................................................... 9175 COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DE LA DÉFENSE.................. 9185 Entretien avec M. Iurie Leanca, Premier ministre de Moldavie .................................................. 9185 Diplomatie économique et tourisme - Audition de Mme Fleur Pellerin, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger (sera publiée ultérieurement) ....................................................................................................... 9189 Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 - Compte rendu du contrôle sur pièces et sur place sur les prévisions de ressources exceptionnelles de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ........................................................................................................................ 9189 Evolutions stratégiques des Etats-Unis : quelles conséquences pour la France et pour l'Europe ? - Examen du rapport d’information............................................................................ 9198 Nomination de rapporteurs .......................................................................................................... 9214 COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES ................................................................ 9215 Suite à donner à l’enquête de la Cour des comptes sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé – Audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale .................................................. 9215 Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 - Examen du rapport............. 9235 Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014- Désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire.................................................................... 9247 Audition de M. François Bourdillon, candidat pressenti pour le poste de directeur général de l’Institut de veille sanitaire .......................................................................................................... 9248 Conférence sociale 2014 - Audition de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social ...................................................................................................... 9253

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SOMMAIRE ANALYTIQUE

COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES ..................................................... 9155

• Transition énergétique – Audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF Suez ..................................................................................................................................... 9155

• Économie sociale et solidaire – Désignation des candidats à la commission mixte paritaire .... 9164

• Avenir industriel au cœur de la transition énergétique – Table ronde ........................................ 9164

• Mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie – Examen du rapport d’information ..................................................... 9175

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DE LA DÉFENSE.................. 9185

• Entretien avec M. Iurie Leanca, Premier ministre de Moldavie .................................................. 9185

• Diplomatie économique et tourisme - Audition de Mme Fleur Pellerin, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger (sera publiée ultérieurement) ....................................................................................................... 9189

• Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 - Compte rendu du contrôle sur pièces et sur place sur les prévisions de ressources exceptionnelles de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ........................................................................................................................ 9189

• Evolutions stratégiques des Etats-Unis : quelles conséquences pour la France et pour l'Europe ? - Examen du rapport d’information ............................................................................ 9198

• Nomination de rapporteurs .......................................................................................................... 9214

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES ................................................................ 9215

• Suite à donner à l’enquête de la Cour des comptes sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé – Audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale .................................................. 9215

• Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 - Examen du rapport ............. 9235

• Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014- Désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire.................................................................... 9247

• Audition de M. François Bourdillon, candidat pressenti pour le poste de directeur général de l’Institut de veille sanitaire .......................................................................................................... 9248

• Conférence sociale 2014 - Audition de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social ...................................................................................................... 9253

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COMMISSION DE LA CULTURE, DE L’ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION ......................................................................................................... 9263

• Nomination d’un rapporteur ........................................................................................................ 9263

• Rapport relatif à l’avenir régional de France 3 - Audition de Mme Anne Brucy ........................ 9263

• Mise en œuvre de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence - Examen du rapport d’information ............................................................................................................. 9271

• Audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche ...................................................................................................................................... 9271

COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES INFRASTRUC TURES, DE L’EQUIPEMENT ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE .... ...................... 9285

• Réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée – Examen du rapport et du texte de la commission ............................................................................................................. 9285

• Avancement du projet de cartes d’anticipation du changement climatique – Audition de MM. Pascal Berteaud, directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France ............................................................................................................................... 9291

• Réforme ferroviaire et nomination des dirigeants de la SNCF – Examen des amendements aux textes de la commission ......................................................................................................... 9300

• Réforme ferroviaire et nomination des dirigeants de la SNCF – Désignation des candidats aux commissions mixtes paritaires ............................................................................................... 9338

• Proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF – Examen des amendements .......................................................................................................................... 9338

COMMISSION DES FINANCES ..................................................................................... 9341

• Loi de finances rectificative pour 2014 - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire....................................................................................... 9341

• Loi de finances rectificative pour 2014 - Examen des amendements ........................................... 9341

• Loi de finances rectificative pour 2014 – Suite de l’examen des amendements........................... 9348

• Loi de finances rectificative pour 2014 – Suite de l’examen des amendements........................... 9361

• Loi de finances rectificative pour 2014 – Examen des amendements en vue d’une seconde délibération .................................................................................................................................. 9383

• Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 – Examen du rapport pour avis .......................................................................................................................... 9384

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• Moyens de la sécurité civile, l’exemple de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n° 7 (UIISC7) - Contrôle budgétaire – communication ........................................ 9394

• Retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique d’État - Contrôle budgétaire – communication ........................................................................................................ 9394

• Loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire ...................................... 9394

• Organisme extra-parlementaire – Nomination ............................................................................ 9394

• Désignation de rapporteur ........................................................................................................... 9395

• Loi de règlement pour 2013 et débat d’orientation des finances publiques pour 2015 - Examen du rapport et du rapport d’information .......................................................................... 9395

COMMISSION DES LOIS ............................................................................................... 9411

• Aide juridictionnelle - Examen du rapport d’information ........................................................... 9411

• Égalité réelle entre les femmes et les hommes - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire .................................................................................. 9420

• Mission d’information relative à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna ................ 9420

• Audition de M. Jacques Toubon, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits ................................................................................................ 9421

• Audition de Mme Adeline Hazan, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté ............................................... 9429

• Vote et dépouillement du scrutin sur les propositions de nomination par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits et de Contrôleur général des lieux de privation de liberté ....................................................................................................................... 9436

COMMISSION SÉNATORIALE POUR LE CONTRÔLE DE L’APPLIC ATION DES LOIS .................................................................................................................................... 9439

• Examen du rapport d’information de MM. Jacques Legendre et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs sur la mise en œuvre de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence- Réunion commune avec la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication ............................................................................................................................. 9439

• Mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie – Examen du rapport d’information ..................................................... 9449

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COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES ...................................................................... 9451

• Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive .............................................................................................................. 9451

• Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ................. 9464

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA DÉLIMITATION DES RÉGIONS, AUX ÉLECTION S RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES ET MODIFIANT LE CALENDRIER ÉLECT ORAL... 9465

• Délimitation des régions, élections régionales et départementales et modification du calendrier électoral - Examen des amendements ......................................................................... 9465

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER LA PROPOSITI ON DE LOI RENFORÇANT LA LUTTE CONTRE LE SYSTÈME PROSTITUTIONN EL ........ 9501

• Audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des Sceaux ......................... 9501

• Examen du rapport et du texte de la commission ......................................................................... 9513

MISSION COMMUNE D’INFORMATION « NOUVEAU RÔLE ET NOU VELLE STRATÉGIE POUR L’UNION EUROPÉENNE DANS LA GOUVERNAN CE MONDIALE DE L’INTERNET » .................................................................................... 9541

• Audition de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique .......................................... 9541

• Examen du projet de rapport ....................................................................................................... 9548

PROGRAMME DE TRAVAIL POUR LA SEMAINE DU 14 JUILLET ET A VENIR .............................................................................................................................................. 9557

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COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

Mercredi 2 juillet 2014

- Présidence de M Daniel Raoul, président -

Transition énergétique – Audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF Suez

La réunion est ouverte à 10 h 30.

M. Daniel Raoul, président. – Je suis heureux d’accueillir le président-directeur général de GDF Suez pour une audition qui s’inscrit dans un cycle de réunions consacré à la transition énergétique et aux enjeux du futur projet de loi dont nous aurons à débattre à la rentrée. Après avoir reçu les principaux opérateurs du secteur, je rappelle que nous organisons le 9 juillet une table ronde sur les enjeux des industries électrointensives au regard de la transition énergétique.

Peut-être pourriez-vous dans votre propos liminaire, Monsieur le Président-directeur général, resituer votre groupe à travers quelques chiffres, un aperçu de ses différents métiers et les sujets d’actualité qui le concernent, comme l’éolien en mer, votre projet nucléaire en Angleterre ou encore l’impact de la révision de la loi allemande sur les énergies renouvelables ?

Nous souhaiterions également recueillir vos observations sur les points particuliers suivants :

– tout d’abord, le renouvellement des concessions hydrauliques pour lesquelles le Gouvernement propose la constitution de sociétés d’économie mixte à majorité publique ; je me demande, à ce sujet, si ce processus aboutira à créer des entités se rapprochant de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et je me félicite en tous cas de l’accord quasi unanime ayant abouti à créer un nouvel outil à gouvernance publique grâce à la toute récente loi du 1er juillet 2014 permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop) ;

– ensuite, les solutions pour pallier le caractère intermittent des énergies renouvelables : faut-il mettre plus particulièrement l’accent sur les centrales au gaz couplées au parc éolien ou sur les recherches destinées à améliorer le stockage de l’électricité ?

– enfin, quelle place attribuez-vous au nucléaire dans le mix énergétique en France et en Europe et avec quelle technologie ? Je regrette le retard pris par la France dans le domaine des réacteurs de quatrième génération – à neutrons rapides – qui facilitent le traitement des déchets.

Enfin, quelles sont vos prévisions en matière d’approvisionnement en gaz, compte tenu des tensions entre l’Ukraine et la Russie ?

M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF SUEZ. – Merci pour votre accueil.

Je vous présenterai d’abord brièvement GDF Suez, qui, dans sa configuration actuelle, est un acteur relativement récent dans le paysage énergétique international et procède

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de la décision du groupe bancaire Suez de se tourner vers les activités industrielles. Notre groupe est aujourd’hui concentré, à peu près à parts égales, sur trois activités : le gaz, l’électricité et les services à l’énergie. Le groupe rassemble 150 000 salariés dans l’énergie et 80 000 dans l’environnement avec un chiffre d’affaires qui avoisine 80 milliards d’euros. Premier mondial par sa capitalisation dans le secteur des « utilities » que sont l’électricité et le gaz, GDF Suez conserve une présence importante en France, avec 75 000 salariés dans l’énergie. Il est le premier recruteur du CAC 40 avec 10 000 embauches annuelles, et un plan de recrutement de 45 000 personnes au cours des cinq prochaines années, dont les deux tiers en CDI. Nos investissements en France s’établissent en moyenne à 3 milliards d’euros par an sur un total de 9 à 10 au niveau mondial. On peut noter, s’agissant du poids relatif des effectifs et des investissements localisés en France que nos services à l’énergie, assez peu capitalistiques mais riches en emplois et en croissance, sont très présents en France.

Notre stratégie se décompose en deux grands volets : être, d’une part, l’énergéticien de référence dans les pays émergents et, d’autre part, leader de la transition énergétique en Europe.

Le premier axe consiste à poursuivre une stratégie définie depuis 15 ans, en nous appuyant sur deux piliers. Le premier est la production indépendante d’électricité. Dans ce domaine, nous avons construit une position de leader mondial et sommes particulièrement présents au Brésil, au Chili ou au Pérou, au Moyen-Orient où nous occupons la première place, à Singapour, en Indonésie, en Thaïlande et en Chine. Nous avons construit en 15 ans des capacités qui avoisinent au total celle du parc nucléaire français.

Le second pilier est celui du gaz, en particulier naturel liquéfié : nous y occupons la troisième place mondiale, Gaz de France ayant été un pionnier dans ce domaine avec le gaz algérien. Le centre de gravité traditionnellement localisé dans le bassin atlantique est en train de se déplacer vers l’Asie où la demande est la plus forte. Nous construisons également aux Etats-Unis une entité de liquéfaction du gaz de schiste afin que celui-ci puisse être exporté.

Notre conseil d’administration vient de décider de compléter ce développement réussi en l’élargissant désormais aux infrastructures gazières et aux services d’efficacité énergétique sur lesquels nous avons des positions fortes, essentiellement en Europe.

En France et en Europe, notre ambition est d’être leader de la transition énergétique, ce qui implique de tenir compte des transformations majeures en cours. Le monde énergétique ancien, hérité des monopoles, était structuré techniquement autour de grandes centrales thermiques, nucléaires, à gaz ou au charbon, articulées avec de grosses lignes à haute tension. Ces installations subsistent mais nous sommes en train de migrer vers un monde énergétique nouveau, à la fois, décarbonné, décentralisé, connecté, digitalisé et miniaturisé. Les échelles de grandeur changent : l’unité de mesure, pour les centrales que j’évoquais est le millier de mégawatts ; pour les éoliennes c’est quelques mégawatts soit mille fois moins, et, pour les panneaux solaires, il faut encore diviser ces mégawatts par mille. On a donc diminué d’un facteur d’un million la dimension des unités de production d’électricité, ce qui les rend plus accessibles aux consommateurs, les rapproche des territoires et légitime la volonté des collectivités territoriales de s’impliquer dans les stratégies énergétiques.

Nous avons pris acte de ces changements, qui amènent plusieurs nouvelles orientations pour notre groupe. Tout d’abord, nous conservons les anciennes centrales qui représentent environ 40 000 mégawatts – ou 40 gigawatts (un gigawatt correspondant à la capacité d’une centrale nucléaire), dont un quart en France, un quart en Belgique, où nous

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gérons sept centrales nucléaires et le solde dans le reste de l’Europe. Je fais observer que les centrales classiques sont à présent marginalisées : GDF SUEZ a fermé plus de 10 gigawatts de centrales à gaz en Europe (sur un total de 50 fermés en Europe en prenant en compte tous les opérateurs) et ces entités ont été massivement dépréciées dans nos comptes à la fin de 2013.

Dans un contexte de décroissance de la consommation d’énergie, les services d’efficacité énergétique sont, en revanche, une activité en progression d’environ 2,5 %.

La transition énergétique comporte, pour GDF-Suez, trois principaux volets. Il s’agit, tout d’abord, de l’énergie renouvelable, qui ne se limite pas à l’électricité renouvelable, laquelle ne représente que moins de 20 % du total. Dans ce domaine, GDF Suez est cependant numéro un dans l’éolien terrestre, il investit dans des opérations d’éolien offshore, et est également présent dans le solaire photovoltaïque ainsi que dans le solaire à concentration. La chaleur renouvelable est ensuite un segment très important : nous sommes leader européen dans l’utilisation de la biomasse et très présents dans la géothermie à haute température, par exemple en Indonésie, ainsi que dans la géothermie dite douce, à Paris ou à Bruxelles. Je signale au passage que la chaleur se stocke plus facilement que l’électricité. Enfin, nous sommes très favorables au développement du gaz renouvelable – biogaz ou bio-méthane – et nous nous engageons très fortement dans la méthanisation en France ; nous avons d’ailleurs signé plusieurs accords avec les organisations et institutions agricoles sur ce point. En France, il nous semble qu’un seuil de 10 % – voire 20 % en étant très volontariste – de bio-méthane à l’horizon 2030 devrait figurer dans la loi sur la transition énergétique. Nous produirions ainsi 10 % du gaz que nous consommons.

GDF Suez est également leader en matière d’efficacité énergétique, qui est le deuxième pilier de notre stratégie de transition énergétique, et nous employons 90 000 personnes, essentiellement en Europe, avec une présence encore modeste aux Etats-Unis ainsi que dans les pays émergents qui constituent des marchés d’avenir.

Enfin, nous développons le volet digital. Nous allons, par exemple, installer des compteurs communicants chez tous les consommateurs d’ici une dizaine d’années. J’ajoute que les technologies numériques et énergétiques sont en train de converger et vont à terme transformer le paysage.

Nous avons ainsi une stratégie de leadership qui se réoriente vers la transition énergétique, particulièrement en Europe.

Je répondrai dès à présent aux questions posées par le Président Daniel Raoul.

S’agissant des appels d’offres sur les concessions hydroélectriques, nous sommes bien entendu favorables à l’ouverture de la concurrence car le marché français de la production d’électricité est aujourd’hui très concentré. Or nous estimons avoir un rôle à jouer dans le potentiel d’expansion en France de cette activité : nous construisons d’ores et déjà des grands barrages, par exemple au Brésil, et institutionnellement, nous avons expérimenté un schéma – similaire à celui de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) – dans lequel nous avons 49 % du capital, les autres 51 % étant détenus par la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités publiques. Je souligne ici la nécessité de règles équitables. Or, aujourd’hui, elles ne le sont pas suffisamment puisque la CNR est la seule à payer une redevance sur son chiffre d’affaires (24 % sur chacun de ses 17 barrages). En revanche, les opérateurs, comme EDF, détenant d’autres barrages ne sont pas soumis à une telle charge. Cette distorsion de concurrence mérite, à notre sens, d’être corrigée. Il conviendrait, dans le même esprit,

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d’accorder à la CNR une durée de concession de 75 ans à partir de la mise en place des barrages.

En ce qui concerne votre deuxième question, l’intermittence des énergies renouvelables suscite effectivement de très grandes difficultés dont on ne mesure pas toute l’ampleur en France et en tous cas moins qu’en Allemagne où les ENR représentent 70 gigawatts, c’est-à-dire dix fois plus que dans notre pays.

Cette intermittence fait planer un grave risque de sécurité de l’approvisionnement en Europe. En effet, le meilleur complément aux ENR intermittentes est le gaz, en raison de sa flexibilité – le recours au charbon, certes utilisé en Allemagne, étant, pour sa part, moins conforme aux normes environnementales bien que son prix soit attractif – grâce aux exportations américaines. Or techniquement, un bon système énergétique est celui qui combine une production de base complétée par des énergies renouvelables, elles-mêmes complétées par des centrales fonctionnant de façon flexible et à la commande quand il n’y a ni vent, ni soleil.

Enfin le stockage, à l’heure actuelle, n’est pas en mesure de répondre au défi de l’intermittence. Nous travaillons cependant au développement de petites entités de batteries et surtout sur un mécanisme de « Power to gas», c’est-à-dire le stockage de l’électricité excédentaire grâce à sa transformation en hydrogène. Nous expérimentons ce procédé à Dunkerque en mélangeant l’hydrogène avec du gaz naturel pour faire fonctionner des autobus et distribuer de l’énergie dans un éco-quartier. L’étape suivante consiste à produire du méthane (CH4), ce qui est un système vertueux qui détruit du gaz carbonique, mais s’accompagne d’une certaine perte énergétique.

Le nucléaire a sa place dans le mix énergétique, à condition qu’il soit à un niveau maximal de sûreté. Il représente chez nous un peu moins de 10 % de la production totale, contre un peu moins de 15 % dans le monde. Nous avons sept centrales nucléaires, avec une capacité totale de 6 GW, c’est-à-dire entre 4 et 4,5 % de notre parc installé en puissance.

Sur nos sept centrales en Belgique, deux seront arrêtées l’année prochaine, conformément à la loi, car elles atteindront 40 ans d’existence. Mais par accord avec le gouvernement, une sera prolongée à 50 ans, après un investissement de 600 millions d’euros.

Nous avons de vrais savoir-faire d’exploitant, d’ingénieriste … Nous avons participé à deux projets internationaux : l’un en Turquie, avec le Japon, où nous l’avons emporté sur les Coréens et les Chinois, pour quatre centrales de réacteurs de 1 100 MW chacun, d’un modèle que j’avais proposé – sans être suivi – d’implanter dans la vallée du Rhône ; l’autre en Grande-Bretagne, pour trois centrales.

La recherche sur les réacteurs de quatrième génération, qui permettent de mieux détruire les déchets, doit être poursuivie ; cela prendra du temps avant d’aboutir à la production d’électricité.

La crise russo-ukrainienne, s’agissant de nos approvisionnements énergétiques, ne nous préoccupe pas outre mesure, sauf en cas d’extension du conflit à l’Europe. La Russie a un intérêt vital à nous vendre son gaz : sa situation économique et financière n’est pas très bonne ; 70 % de ses exportations sont constituées d’hydrocarbure, notamment de gaz ; l’Europe est de très loin son premier acheteur … Les Russes vendront du gaz aux Chinois, entend-on dire ; mais il leur faudrait d’abord faire 80 milliards d’investissements ! Et ce sont

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des productions situées dans l’Est de la Russie. Nous considérons donc cette dernière comme un partenaire très fiable depuis une trentaine d’années, avec une seule interruption de son fait, en 2009, lors du conflit avec l’Ukraine ; depuis, une deuxième canalisation a été construite, le Nord Stream, dont nous sommes actionnaires, qui relie directement la Russie à l’Allemagne par le fond de la mer Baltique.

En outre, des capacités alternatives voient le jour : le gaz d’Azerbaïdjan, qui passera par le Sud de l’Europe et la Turquie, qui représente d’énormes réserves ; le gaz liquéfié, qui pourra venir du monde entier … Aujourd’hui, il est attiré par l’Asie, où les prix sont deux fois plus élevés qu’en Europe ; mais les productions supplémentaires attendues de par le monde – aux États-Unis notamment, par l’intermédiaire entre autres d’opérateurs européens – devraient venir rééquilibrer un marché particulièrement abondant.

Des solutions de diversification seront la base de la sécurité d’approvisionnement. J’ajoute qu’en 2009, lorsque l’approvisionnement en gaz russe a été interrompu, nous étions au cœur d’un hiver très rigoureux, et aucun consommateur français, ni belge, n’a manqué de gaz. Le gaz russe représente 17 % de nos contrats à long terme, et moins de 15 % de nos approvisionnements globaux ; grâce au stockage, au gaz venant de Norvège et au gaz liquéfié, nous avons su y faire face. Certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, sont certes plus dépendants de la Russie ; mais encore une fois, il faut bien distinguer la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine d’une crise potentielle entre la Russie et l’Europe.

M. Roland Courteau. – L’objectif de réduction de 30 % de la consommation d’énergie fossile à l’horizon 2030 doit-il s’appliquer de façon différenciée selon les énergies considérées ? Je pense notamment au gaz, qui présente des atouts environnementaux le distinguant des autres énergies fossiles.

On parle de plus en plus des nouvelles filières d’avenir. Le gaz peut profiter de leur développement : méthanisation, gazéification de biomasse ligneuse, production d’hydrogène par électrolyse ou de méthane de synthèse … En 2050, le gaz pourrait compter jusqu’à 100 % d’énergie renouvelable : cela vous semble-t-il réalisable, et à quelles conditions cet objectif pourrait être atteint ?

Vous n’avez pas évoqué, Monsieur le Président, les biocarburants de deuxième et troisième génération, fabriqués à partir de la lignocellulose et de microalgues ; envisagez-vous de réaliser des recherches en ce domaine ?

M. Jean-Claude Lenoir. – Merci Monsieur le Président pour votre exposé, très complet et intéressant.

Vous avez évoqué la transition énergétique : est-ce nécessaire de recourir à une loi pour l’organiser, alors que ce sont les entreprises qui en sont les acteurs ?

Vous avez insisté sur la sécurité d’approvisionnement : où en êtes-vous des stockages, et des méthaniers, qui y participent ?

La question du biométhane, que vous avez abordée, me paraît essentielle, notamment dans nos territoires ruraux.

En matière de gaz de schiste, quelles initiatives avez-vous prises ? J’ai cru comprendre que cela ne figurait pas dans vos priorités …

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Enfin, lorsque vous donnez comme objectif à l’Europe d’être leader de la transition énergétique, êtes-vous prêts à convaincre l’Allemagne de changer complètement de politique en ce domaine ?

M. Yannick Vaugrenard. – Merci pour votre très intéressant propos Monsieur le Président.

Vous avez dit vouloir créer 45 000 postes dans les années à venir ; éprouvez-vous des difficultés de recrutement ?

Dans le domaine de la recherche, investissez-vous dans l’hydraulique, énergie renouvelable qui ne pose pas de problèmes de stockage ?

Est-il selon vous réaliste de réduire à 50 % la part du nucléaire d’ici 2025 ? Cela peut-il porter atteinte à l’indépendance énergétique de la France ?

M. Bruno Retailleau. – Je peux témoigner de l’implication de GDF Suez et des collectivités sur le territoire vendéen, car l’un des deux projets que votre groupe a remporté concerne les deux îles, Noirmoutier et L’Île-d’Yeu. Notre plan départemental nous fixe un objectif de 50 % d’énergies renouvelables d’ici dix ans. Nous allons l’atteindre. Grâce à vos technologies, mais aussi aux expérimentations des collectivités, nous avons inauguré la première unité de fabrication de biogaz dans le Grand Ouest avec le ministre Stéphane Le Foll il y a quinze jours. Je compte bien, à terme, faire circuler les transports scolaires avec ce type d’énergie.

Les collectivités sont d’extraordinaires sources de production d’énergie renouvelables ; elles nous permettront d’exploiter au mieux la croissance verte. Nous comptons sur vous pour que nos PME, par l’intermédiaire de la sous-traitance, puissent profiter de vos travaux sur la plateforme d’éoliennes offshore vendéenne.

Les énergies renouvelables sont régulièrement critiquées pour leur coût. Or, celui-ci baisse constamment, quand celui de l’énergie nucléaire ne cesse d’augmenter. À quel horizon voyez-vous les deux courbes se croiser ?

M. Bruno Sido. – Lors d’un déplacement récent à Maule avec l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), j’ai appris que la Belgique allait renoncer à terme au nucléaire ; renoncent-ils, plus précisément, à l’électricité d’origine nucléaire ?

De même que si la France renonce au gaz de schiste, renonce-t-elle également à utiliser du gaz de schiste provenant de pays tiers ?

Vous êtes très « allant » sur la transition énergétique. Mais vous n’êtes pas sans savoir ce qui se passe en Allemagne à ce propos. L’OPECST va d’ailleurs organiser une audition sur ce sujet le 18 septembre, à laquelle vous serez invité Monsieur le Président.

Vous n’avez pas abordé le coût de l’électricité, et le fait que nos concitoyens sont incapables de réellement le supporter. A contrario, en Allemagne, les consommateurs paient l’électricité plus cher qu’ils ne devraient pour subventionner les industriels, ce qui devrait d’ailleurs susciter des procès.

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La sécurité d’approvisionnement est un sujet important. La commission des affaires économiques a rédigé un rapport, en 2006, sur ce thème. L’intermittence pose un réel problème : l’éolien doit être relayé par d’autres sources d’énergie – du gaz – les deux-tiers du temps.

Que se passe-t-il donc en Allemagne ? 1 000 milliards d’euros ont été dépensés, et l’on court à la catastrophe. Les producteurs d’électricité se ruinent, brûlent du charbon provenant des États-Unis … Quel est l’intérêt de cette stratégie pour l’environnement ?

M. Jean-Pierre Vial. – En parlant tout à l’heure de la CNR, Monsieur le Président, vous avez suscité l’émotion d’un élu de la région Rhône-Alpes, qui est actionnaire de cette société. L’hydraulicité y a fait venir beaucoup d’industries, à une époque où le coût de l’énergie était bas. Représentant 100 000 emplois, dans une filière qui en compte au total 400 000 à 600 000, elles disparaissent cependant les unes après les autres du fait du prix trop élevé de l’énergie désormais.

Incidemment, en parlant de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’énergie (NOME), je fais un rapprochement avec le rapport de mon collègue Bruno Sido évoquant l’effacement, repris dans le texte. Aujourd’hui plus rien ne nous manque sur le plan législatif : nous avons, outre cette loi, la loi « Brottes ». En 2013, nous avons mobilisé le moins le marché capacitaire, à hauteur d’un peu moins de 50 millions d’euros. Cela à un moment où tous les pays intensifient leurs investissements dans l’effacement, afin de pourvoir aux besoins de l’industrie et à l’équilibre des réseaux. Les États-Unis, notamment, sont dans ce domaine depuis au moins quinze ans et doivent effacer pour au moins 15 % de leurs capacités.

Nous disposons d’une énergie surabondante 7 à 8 mois de l’année, voire gratuite parfois, mais certains de nos industriels quittent notre pays car ils ne peuvent s’approvisionner à un prix satisfaisant. Le prix de 30 euros est aujourd’hui considéré comme un prix de référence sur le marché international pour investir ; je crois que c’est le prix auquel vous parvenez dans un rapport sur le prix de l’énergie, dans lequel vous estimez que le nucléaire aurait pu être valorisé à ce niveau. Les rapports Gallois, Lauvergeon … disent l’importance de pouvoir mobiliser l’énergie au profit de l’industrie. Ne pensez-vous pas que nous sommes en mesure d’établir un nouveau modèle permettant d’assurer la transition énergétique, à même notamment d’offrir aux industriels une énergie à bas coût ?

M. Jean Bizet. – Merci Monsieur le Président d’avoir souligné l’incohérence de certains pays européens en matière énergétique. Vous avez dénoncé, à cet égard, les conséquences de l’intermittence provoquée par l’engagement brutal de l’Allemagne vers les énergies renouvelables après la catastrophe de Fukushima. Lorsque l’on voit les investissements américains dans le gaz de schiste, il est à craindre une deuxième vague de délocalisations vers les États-Unis, après une première vers l’Asie due au coût du travail horaire.

Avez-vous résolu les dégâts occasionnés sur les réseaux électriques des pays voisins par l’afflux de courant d’Allemagne du Nord ? Quelle serait votre vision idéale de l’Europe de l’énergie ?

M. Marcel Deneux. – On réfléchit encore trop souvent sur les modèles énergétiques anciens : que proposez-vous pour passer réellement au modèle énergétique de demain ? S’agissant des services, comment pouvez-vous agir pour réduire la consommation

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dans le bâtiment ? On nous propose d’ailleurs des réseaux intelligents, mais la pédagogie est essentielle : que faire lorsque, comme c’est souvent le cas pour le gaz, le compteur est situé en dehors du logement ? Je souhaiterais enfin connaître vos actions dans le domaine de l’hydrogène, ainsi que votre opinion sur la nécessité éventuelle de développer les interconnexions internationales pour le transport du gaz.

M. Gérard Mestrallet.– Concernant le rôle du gaz dans la transition énergétique, certains y voient une énergie propre et lui attribuent une large place, tandis que d’autres le limitent à une énergie de transition pendant les quarante années à venir. Je constate que les réserves de gaz sont abondantes et qu’il s’agit du moyen le plus rapide, à l’échelle du globe, pour remplacer le charbon et réduire ainsi les émissions de CO2. C’est le cas aux États-Unis qui, par le simple effet du marché, ont vu leurs émissions baisser.

S’il est important de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il convient de souligner la différence de situation entre les différents carburants fossiles. En effet, le gaz, contrairement au pétrole et au charbon, n’émet pas de particules et ne contribue donc pas à la pollution de l’air qui constitue un problème majeur dans nos villes à cause du diesel, ainsi qu’en Chine en raison de l’utilisation massive de charbon. De plus, le gaz peut être d’origine renouvelable sous la forme du biogaz. Il constituera enfin une offre de secours indispensable lors des périodes de non-production des énergies renouvelables intermittentes.

L’objectif de porter à 80 % la part du gaz d’origine renouvelable dans les réseaux en 2050 paraît ainsi atteignable, mais il faut surtout fixer des objectifs intermédiaires, tels que 5 % en 2020 et 10 % en 2030. Ces objectifs devraient être inscrits dans la loi.

Il est nécessaire de faire une loi, car il s’agit d’une question d’intérêt général. Sans une réglementation spécifique, la transition n’aurait pas lieu aussi vite. Ainsi, la diminution spectaculaire des coûts du solaire photovoltaïque n’aurait peut-être pas eu lieu sans l’attribution de subventions au démarrage, même si le niveau de celles-ci a été très élevé en Europe. Le développement a été moins rapide en France que dans d’autres pays, mais c’est peut-être le résultat de la lourdeur administrative des processus.

La politique allemande a échoué et les pouvoirs publics le reconnaissent. Comme l’a recommandé la Commission européenne, l’Allemagne a décidé de mettre fin aux tarifs d’achat de l’électricité, qui représentent un coût de 25 milliards d’euros par an pendant vingt ans, soit un coût supérieur à celui de la réunification.

Nous conduisons des recherches sur la biomasse, mais pas sur les biocarburants. Le biométhane offre un complément de revenu très utile à l’agriculture française et notamment à l’élevage. Nous sommes engagés dans les recherches sur les hydroliennes et nous avons répondu, en association avec Alstom, à l’appel à projets lancé par l’État sur le raz Blanchard.

Le stockage est un enjeu essentiel pour la sécurité d’approvisionnement. Aux sites de stockage, il faut y ajouter les canalisations elles-mêmes, ainsi que notre flotte de méthaniers. Il y a toutefois un débat avec les pouvoirs publics pour renforcer les obligations de stockage. Il serait intéressant, en Allemagne, de transformer en gaz l’électricité produite de manière surabondante au nord pour l’acheminer, par les réseaux de gaz déjà existants, vers le sud du pays.

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Concernant l’emploi, nous avons parfois des difficultés à trouver des spécialistes dans certains métiers, notamment des femmes.

Le gaz de schiste a eu pour effet de porter à deux siècles les réserves mondiales de gaz, qui n’étaient que de soixante ans avec les gaz conventionnels. Nous ne sommes pas producteurs de gaz de schiste, mais nous avons acheté des licences en Grande-Bretagne. Nous portons également notre attention sur l’Allemagne, la Pologne, le Brésil, l’Algérie, la Chine. Nous avons décidé, avec un partenaire américain, de construire une usine de liquéfaction en Louisiane ; le gaz produit sera exporté plutôt vers l’Asie, car c’est là que se situe la principale demande aujourd’hui.

Concernant le nucléaire, la Belgique a décidé en 2003 que les centrales nucléaires s’arrêteraient après quarante ans de fonctionnement. Comme cela allait poser des difficultés pour la sécurité d’approvisionnement, nous avons négocié par la suite un allongement à cinquante ans de la durée de vie de ces réacteurs ; en contrepartie, nous devions verser 250 millions d’euros par an au budget de l’État. Ce compromis n’a toutefois pas pu passer au niveau législatif avec les difficultés qu’a connues la Belgique pour constituer un gouvernement. Actuellement, la nouvelle coalition a prévu que deux des trois réacteurs qui arriveront à l’âge de quarante ans l’an prochain seront fermés et que le troisième verra sa vie prolongée à cinquante ans. Enfin, la Belgique importera bien sûr de l’électricité d’origine nucléaire, car les électrons n’affichent pas leur origine une fois qu’ils sont injectés dans le réseau.

Nous avons surtout besoin de visibilité, aussi bien dans le secteur nucléaire que pour le marché du carbone. Il faudrait par exemple connaître les objectifs de réduction des émissions de CO2, ainsi que les modalités d’évolution du nombre de certificats en fonction de la croissance économique.

Je vous remercie d’avoir évoqué notre initiative Terr’innov : elle a pour objet d’aider les collectivités territoriales de tous niveaux, et jusqu’aux États, à élaborer leur stratégie énergétique.

Les coûts de production des énergies d’origine renouvelable ont en effet baissé, mais ils ne comprennent pas le coût causé par leur caractère intermittent. A l’inverse, la production nucléaire est de plus en plus chère, mais elle présente une bonne visibilité sur la production à long terme d’une centrale, car les variations du prix de l’uranium ne constituent qu’une composante limitée du coût total. Le coût de production de l’électricité à partir du gaz et du charbon dépend, lui, de l’évolution des prix de ces ressources, ainsi que du prix du CO2 : ce dernier se répercute directement dans le prix de l’électricité produite pour le charbon, de sorte qu’un prix élevé du CO2 pourrait éliminer le recours à celui-ci.

Les industries électro-intensives allemandes, traditionnellement favorisées par le gouvernement, bénéficient aujourd’hui d’une électricité moins chère que leurs homologues françaises. Je suis solidaire de ces industriels qui, en France, demandent un traitement privilégié : le projet de loi fait un premier pas en prévoyant un régime spécifique du tarif de transport pour ces industriels. Nous préconisons également la mise en place de marchés de capacité afin de garantir le financement des unités de production de pointe, tels que celui qui va être mis en place en France, mais ils devraient être coordonnés au niveau européen. Les risques de délocalisation liés au prix de l’énergie sont considérables : les États-Unis disposent aujourd’hui de la plus grande compétitivité énergétique.

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L’Europe de l’énergie doit être construite. L’énergie devrait être un thème central pour la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement européen, en prenant en compte notamment la précarité énergétique ainsi que le renforcement des infrastructures.

S’agissant du bâtiment, nous avons proposé dans le débat national sur la transition énergétique la mise en place d’un passeport énergétique, qui a été retenu sous une autre forme dans le projet de loi : il s’agit de réaliser des diagnostics et des recommandations énergétiques pour les habitants dont les logements consomment beaucoup d’énergie. Je suis également d’accord pour souligner l’importance de la pédagogie dans la mise en place des réseaux intelligents : les habitants doivent apprendre à utiliser les données produites et il faudra donc qu’ils aient accès aux informations produites par le compteur.

Enfin, concernant l’hydrogène, nous en produisons mais nous n’avons pas prévu de mettre en place des réseaux de distribution.

La réunion est levée à 12 h 30 .

Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de M Daniel Raoul, président -

Économie sociale et solidaire – Désignation des candidats à la commission mixte paritaire

La réunion est ouverte à 10 heures.

La commission soumet au Sénat la candidature comme membres titulaires de MM. Daniel Raoul, Marc Daunis, Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Gérard Le Cam, Mme Valérie Létard, MM. Jean-Claude Lenoir et Jackie Pierre et comme membres suppléants MM. Michel Bécot, Gérard César, Mme Christiane Demontès, M. Joël Labbé, Mme Elisabeth Lamure, MM. Robert Tropeano et Yannick Vaugrenard pour la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Avenir industriel au cœur de la transition énergétique – Table ronde

La réunion est ouverte à 10 heures.

La commission s’est réunie pour une table ronde sur l’avenir industriel au cœur de la transition énergétique, avec la participation de MM. Bruno Gastinne, président de MSSA, Olivier Baud, président d’Energy Pool, Vincent Thouvenin, directeur du département régulation, tarifs, trajectoires financières et filiales de Réseau de transport de l’électricité (RTE), Damien Siess, directeur-adjoint productions et énergies durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Julien Tognola, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales (ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie).

M. Daniel Raoul, président. – Notre assemblée examinera à l’automne prochain le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français. C’est dans cette perspective que nous avons conduit, en association avec la commission du

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développement durable, une série d’auditions des grands acteurs du secteur, notamment du côté des producteurs et des fournisseurs.

Aujourd’hui, nous passons du côté des consommateurs pour nous intéresser aux entreprises dites « électro-intensives », dont la consommation d’électricité est stratégique de par leur activité même et parce qu’ensemble, elles représentent la moitié de la consommation électrique du secteur manufacturier. Il s’agit bien souvent d’entreprises de grande taille, fortement exportatrices ; certaines sont filiales de grands groupes internationaux qui regardent de près leurs coûts de production : les établissements pourraient être délocalisés si les coûts de l’électricité devenaient insoutenables.

L’enjeu est donc stratégique pour l’emploi, mais aussi pour notre indépendance économique car il est essentiel de conserver ces productions sur notre territoire.

Ces entreprises bénéficient de plusieurs dispositifs, notamment d’exonérations ou de réductions sur les différentes taxes portant sur l’électricité. Elles ont aussi accès à des contrats d’approvisionnement de long terme, dans le cadre du consortium Exeltium.

Les bouleversements qu’ont connus les marchés de l’électricité depuis cinq ans doivent toutefois nous amener à réexaminer la situation de ces industriels. L’introduction d’une électricité d’origine nucléaire à prix régulé (ARENH) et le choc des énergies renouvelables sur les prix de marché, voire le débat sur le maintien à terme d’un parc nucléaire dont la production de base correspond bien au profil de consommation de ces industries, remettent par exemple en cause l’intérêt du dispositif Exeltium.

Mais ces évolutions ne constituent qu’une première étape dans la transition énergétique, à laquelle les industriels électro-intensifs peuvent apporter beaucoup.

Nous sommes tout particulièrement intéressés par la capacité qu’ont ces industriels à adapter leurs habitudes de consommation aux besoins du réseau. En effet, comme cela a souvent été souligné devant notre commission, la transition énergétique bute notamment sur la variabilité de la production d’origine éolienne ou photovoltaïque, qui risque de causer des déséquilibres sur le réseau. Or les industriels électro-intensifs peuvent « s’effacer », c’est-à-dire déplacer leur consommation lorsqu’il y a un risque de déséquilibre. Ils peuvent aussi, en sens inverse, absorber un surplus de production afin peut-être d’éviter les phénomènes de « coût négatif » de l’électricité.

Nous avons souhaité réunir autour de ces enjeux des intervenants venant en premier lieu de l’industrie et des services associés à l’effacement. Les représentants de RTE, ainsi que de l’Ademe et de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), complèteront utilement les premières interventions.

Cette table ronde est largement due à l’action de notre collègue Jean-Pierre Vial, qui nous a souvent sensibilisés à ces questions avec expertise mais aussi pédagogie. C’est cette même pédagogie que nous attendons des intervenants, afin de nous aider à bien comprendre des enjeux particulièrement complexes. Car l’équilibrage entre l’offre et la demande doit être réalisé à chaque instant, en fonction de paramètres qui ne sont parfois connus que quelques secondes à l’avance.

M. Jean-Pierre Vial. – Je remercie la commission des affaires économiques d’avoir organisé cette table ronde où nous accueillons en particulier des industriels électro-

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intensifs – nous sommes plusieurs élus de montagne à savoir combien l’arrêt des tarifs réglementés fera perdre son intérêt à l’hydroélectricité, compromettant la localisation de ces industries qui se sont installées chez nous grâce à cette énergie. Nos invités sont très au fait des perspectives pour les industries électro-intensives, je laisse à chacun des intervenants le soin de se présenter.

Nous devons aider à mobiliser de l’énergie pour ces industries. Exeltium ne correspond plus aux besoins industriels, non plus que l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), même si certains proposent de l’adapter à la production d’hydroélectricité. Lors de son audition, Gérard Mestrallet nous a dit l’importance du marché capacitaire, dispositif prévu par la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’énergie (NOME) mais sur lequel nous sommes en retard. Les industries électro-intensives, de leur côté, ont tout leur rôle à jouer dans la transition énergétique, y compris sur le volet des énergies renouvelables : c’est également un enjeu que de les aider à optimiser leur action dans ce sens.

M. Olivier Baud, président d’Energy Pool. – Je remercie le sénateur Vial pour son activisme sur ce sujet. Nous travaillons depuis plusieurs années avec un think tank – dénommé « L’énergie de la compétitivité » – pour améliorer la compétitivité énergétique de nos industries ; notre perspective n’est pas seulement celle de « la survie » des industries en France, mais bien celle de leur développement, de leur modernisation, pour qu’elles investissent et embauchent à nouveau.

M. Bruno Gastinne, président de MSSA. – L’entreprise MSSA, qui était une filiale de Pechiney jusqu’en 1997, est désormais le seul producteur européen de sodium métallique – et nous n’avons plus, du reste, que huit concurrents dans le monde, dont sept chinois. Nous avons une seule usine, en Savoie, avec 300 salariés, qui produit 25 000 à 30 000 tonnes de sodium par an ; nous réalisons 85 % de notre chiffre d’affaires à l’exportation, partout dans le monde.

Le sodium a de nombreux usages, avant tout comme réactif chimique à la synthèse de nombreuses molécules clés pour l’industrie – par exemple le blanchiment du papier, la fabrication de l’ibuprofène, des colorants textiles, du biodiesel, des batteries sodium-soufre, celle de semi-conducteurs et le sodium est aussi le fluide caloporteur pour les centrales nucléaires de quatrième génération.

L’électricité est notre matière première principale, représentant 30 % des coûts de production, ce qui fait de nous une entreprise structurellement électro-intensive. Nous faisons partie d’un groupe japonais depuis deux ans, mais depuis une dizaine d’années que je dirige l’entreprise, je peux témoigner que notre résultat est très faible, quand il n’est pas négatif, et que nous réinvestissons tout notre bénéfice, sans verser de dividende à nos actionnaires.

Notre industrie n’est pas vieillotte, malgré l’apparence de nos usines qui sont anciennes, nous sommes dans un secteur de pointe, dans une filière industrielle d’avenir qui compte quelque 100 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects ; nous fournissons des produits indispensables à des filières comme l’aéronautique, avec le lithium, ou encore les semi-conducteurs et la filière nucléaire.

Ces industries pourraient, certes, importer les produits que nous leur fournissons : ce serait une perte géostratégique pour notre pays, pour l’Europe tout entière, du fait des surcoûts de transports, de logistique, de stockage, de recyclage, mais aussi parce que nous

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dépendrions des nombreuses mesures, comme les quotas et les taxes à l’exportation, qui seraient entre les mains de nos fournisseurs pour assécher l’industrie nationale et européenne. A quoi bon investir un milliard d’euros dans le développement de centrales nucléaires de quatrième génération si elles ne disposent pas d’un sodium métal de la qualité requise ? Pourquoi subventionner le déploiement de panneaux solaires si la France ne peut produire un silicium solaire compétitif ? Pourquoi subventionner le développement du véhicule électrique si la France ne peut produire un lithium métal compétitif ni développer une nouvelle génération de batteries au lithium plus performantes ? Les câbliers français pourront-ils rester compétitifs face à leurs concurrents asiatiques s’ils doivent importer leurs fils d’aluminium du Moyen-Orient ?

Aujourd’hui, nous payons l’électricité entre 44,8 et 50,3 euros le MWh – MSSA le paie 50 euros –, avec un ARENH à 42 euros, un transport à 4 ou 5 euros, une CSPE à 50 centimes et un avantage lié à l’effacement évalué jusqu’à 2 euros le MWh. Nos concurrents, de leur côté, y compris de l’autre côté du Rhin, paient au maximum 30 euros le MWh : comment parvenir à de tels tarifs pour l’électricité produite en France ?

Nous proposons de mieux utiliser les excédents pour faire bénéficier les industries électro-intensives d’un tarif faible, grâce à un ARENH profilé, enrichi en heures creuses, à la pérennisation des mesures exceptionnelles en passe d’être adoptées sur le transport d’énergie, au maintien du plafonnement de la CSPE et au développement volontaire de l’effacement.

M. Jean-Pierre Vial. – Monsieur Olivier Baud, pour avoir dirigé les activités aluminium à Pechiney, vous êtes au cœur de ce pilotage propre aux industries électro-intensives : quelle est votre analyse ?

M. Olivier Baud. – Comment parvenir à un MWh entre 20 et 30 euros, au moins pour les quelque 35 sociétés françaises qui consomment le plus d’électricité – et qui représentent 20 % de la consommation manufacturière totale ? Nous travaillons à y répondre, en lien avec l’Ademe. Energy Pool est un opérateur en modulation d’électricité (Demand Response), nous agrégeons des gros consommateurs – en France, mais aussi en Grande-Bretagne et jusqu’au Japon – pour valoriser leur capacité à moduler leur consommation à des heures critiques pour le réseau électrique grâce à nos centrales de modulation.

En quelques mots, j’écarterai d’abord le thème de la régulation « micro » : la France y parvient déjà, nous sommes même le pays qui parvient le mieux à équilibrer l’offre et la demande d’électricité à cette échelle. L’enjeu se situe plutôt à l’échelle « macro », c’est là que se situent nos déséquilibres, ils tiennent à quelques caractéristiques de notre production électrique. La comparaison internationale, telle qu’elle apparaît dans les données publiques, consultables en particulier auprès de RTE, montre ces caractéristiques françaises : une place importante du nucléaire dans le mix électrique, et symétriquement faible pour le thermique ; un taux d’émission de CO2 particulièrement faible, dix fois moindre qu’en Allemagne ; un coût total élevé – 60 euros le MWh en prenant pour référence un parc nucléaire renouvelé, contre 45 euros aux États-Unis, et 10 euros en Arabie Saoudite – mais plus faible, par exemple, qu’en Allemagne – où il dépasse 80 euros ; des coûts fixes très élevés, car nos installations ne tournent globalement qu’à la moitié de leurs capacités, d’où un taux de rendement synthétique (TRS) particulièrement faible : ce dernier trait est décisif, il explique que nos coûts variables soient plus faibles, mais aussi que plus la consommation d’électricité augmente, plus son coût baisse et qu’inversement, une baisse de la consommation fait augmenter le coût. Enfin, autre caractéristique majeure, notre consommation varie très fortement selon les saisons : schématiquement, elle est moindre que notre production pendant

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sept ou huit mois de l’année, de mai à novembre, pendant lesquels nous exportons quelque 50 TWh, soit le dixième de notre production annuelle ; elle est d’un coup plus élevée que notre production pendant les quatre ou cinq autres mois, de décembre à avril, pendant lesquels nous mobilisons notre appareil à plein et où nous devons également importer.

Sur ces bases, nous avons élaboré trois scénarios pour 2018, l’un en prolongeant la structure de 2013 et les deux autres qui peuvent être ainsi présentés :

Dans le premier, qui suppose 20 milliards d’investissements, avec des énergies renouvelables à 20 % du mix, du nucléaire en légère augmentation, une consommation à 522 TWh, nos émissions de CO2 diminuent mais nous conservons et nous accentuons même le décalage actuel entre la période surcapacitaire et le déficit hivernal ; on évalue le surplus à 29 TWh, ce qui coïncide avec les besoins des électro-intensifs – et nous proposons de les leur allouer au prix de 11 euros le MWh.

Dans le second, avec 50 % de nucléaire et 34 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique, l’excédent disparaît et le déficit hivernal devient beaucoup plus fort, jusqu’à 40 GWh. Résultat, nos émissions de CO2 augmentent de 41 millions de tonnes et nous devons investir quelque 70 milliards d’euros pour 20 GWh de thermique : c’est exactement le scénario allemand.

Notre objectif, c’est de maintenir un niveau faible d’émissions de CO2, tout en évitant une augmentation des prix. Il faut ajouter que l’exportation de nos excédents à nos voisins va devenir de plus en plus difficile, car ils sont eux-mêmes engagés dans des politiques de modulation et qu’ils auront davantage d’excédents. Pourra-t-on stocker notre électricité surcapacitaire et celle produite par les énergies renouvelables ? Je crois qu’on se raconte beaucoup d’histoires sur ce chapitre, en particulier sur l’hydrogène, qui fait intervenir des opérations complexes – pour un coût final qui dépasse toujours les 200 euros le MWh, quand ce n’est pas 500 euros pour les procédés les plus élaborés… Le stockage est certainement un enjeu de recherche, en particulier dans des secteurs comme la mobilité, mais il est clair qu’à l’échelle d’une quinzaine d’années, nous ne serons pas prêts pour stocker les masses d’énergies propres à réguler notre système électrique.

Dans ces conditions, on voit aussi que la diminution du nucléaire obligerait à investir très massivement dans les énergies renouvelables, pour une électricité plus chère, nécessairement adossée à des moyens thermiques coûteux, ce dont notre bilan carbone pâtirait, de même que les industries implantées sur notre territoire.

A l’aune de ces données et de ces scénarios, nous proposons d’allouer un « bandeau » d’environ 6 GW aux industries électro-intensives pendant la période sur-capacitaire, au lieu d’exporter cette énergie, en échange d’une plus forte modulation de la consommation de ces industries pendant la période déficitaire. Cette mesure, ajoutée à celles qui existent déjà, permettrait effectivement de parvenir à un prix compris entre 20 et 30 euros le MWh.

M. Bruno Gastinne. – Il faut compter aussi que l’industrie a besoin d’une visibilité à une quinzaine d’années pour prendre des décisions de développement.

M. Vincent Thouvenin, directeur du département régulation, tarifs, trajectoires financières et filiales de RTE. – Je vous prie d’excuser Dominique Maillard, président de RTE, que je vais tâcher de remplacer.

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RTE est une entreprise du secteur public non concurrentiel avec des missions de service public. Nous gérons l’infrastructure de transport d’électricité, les flux d’énergie et l’équilibre du système électrique, nous devons garantir un accès non discriminatoire au réseau de transport d’électricité pour tous les utilisateurs, nous gérons les règles de raccordements et le tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité (le « TURPE transport »), sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ; enfin, nous gérons des services d’accès aux marchés, en particulier les leviers de valorisation de la modulation et des effacements de consommations. Quatre mécanismes de marché sont possible : l’ajustement, la capacité, les réserves automatiques, la valorisation des effacements sur les marchés.

On trouve souvent que les choses n’avancent pas assez vite, mais il faut savoir que la France est le seul pays européen à avoir ouvert tous ses marchés aux effacements, ce qui est un effet de l’activité parlementaire dans ce domaine : je pense en particulier au rapport de MM. Bruno Sido et Serge Poignant sur la maitrise de la pointe électrique.

RTE compte 258 clients et raccorde 480 sites, dont un tiers en réseau de plus de 225 000 volts ; nous avons 375 contrats d’accès direct au réseau, sans compter les 500 sites de Réseau Ferré de France, qui représentent 20 % de la consommation industrielle.

L’an passé, la consommation électrique du secteur industriel a reculé de 2,5 % ; entre 2007 et 2013, la baisse est de 13 %.

Le « TURPE transport » est une composante importante du tarif final d’électricité : en 2013, RTE a facturé 540 millions d’euros aux clients industriels, y compris RFF, soit 13 % de ses recettes tarifaires. Pour un industriel moyen raccordé en 63/90kV, la facture RTE représente environ 13 % de la facture totale d’électricité.

Certains de nos voisins européens utilisent la structure tarifaire comme un levier de compétitivité ; en Allemagne, les grands consommateurs industriels bénéficient d’une exonération partielle sur le tarif d’acheminement depuis plusieurs années, sur le fondement d’une ordonnance fédérale et selon des critères techniques, notamment une durée d’appel supérieure à 7000 heures par an et des soutirages annuels supérieurs à 10 GW ; la réduction tarifaire atteindrait jusqu’à 80 % de la facture d’accès au réseau, au cas par cas et sans péréquation ; une centaine de sites industriels en bénéficieraient, mais nous n’avons pas d’informations précises sur ce nombre.

En France, la délibération tarifaire du 7 mai 2014 de la CRE, publiée au Journal officiel le 7 juin, prévoit une baisse tarifaire annuelle de 1,3 % pour tous les utilisateurs du réseau public de transport (RPT) à compter du 1er août prochain. La CRE y ajoute un dispositif exceptionnel d’abattement de factures de 50 % pendant un an pour des grands sites industriels retenus selon deux critères : les sites industriels à profil d’utilisation du réseau stable avec une durée d’appel supérieure à 7 000 heures et des soutirages dépassant 10 GWh en 2013 ; les sites ayant consommé plus de 500 GWh et appartenant à une entreprise électro-intensive au sens de l’article 238 bis HW du code général des impôts. Cet abattement est financé par un mécanisme de régulation tarifaire « déplafonné » mais respectant le principe de couverture des coûts de RTE.

Ce dispositif entrera donc en vigueur au 1er août prochain ; la tarification et les données contractuelles de RTE se réfèrent aux seuls profils d’utilisation du réseau et non aux caractéristiques des entreprises clientes, ni à l’usage qu’elles font de l’électricité : la notion d’entreprise électro-intensive répond à une définition du code général des impôts, les

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entreprises devront fournir les éléments propres à les identifier comme telles. On estime que 47 sites industriels seraient éligibles au titre du critère « stabilité » et 13 sites au titre du critère « électro-intensif ».

L’avant-projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique propose de prendre en compte, dans les tarifs d’accès aux réseaux électriques, les effets positifs des électro-intensifs stables pour notre système électrique ; la structure tarifaire pourrait alors évoluer de manière pérenne, en prenant en compte des éléments de justification économique relatifs à l’utilisation du réseau, respectant les principes de non-discrimination et de couverture des coûts et compatible avec les règles européennes.

L’an passé, deux rapports – l’un de la CRE, l’autre de la direction générale du Trésor – ont montré que pour certains gros industriels, le coût de l’énergie devient plus élevé en France qu’en Allemagne. Les mécanismes de ce décalage y sont bien examinés, en particulier les mesures allemandes pour réduire le tarif jusqu’à 80 % pour l’accès au réseau, les dérogations de redevance, les appels d’offre d’effacements et d’interruptibilité, ou encore les compensations CO2. Tous ces éléments sont à verser à ce dossier.

M. Damien Siess, directeur-adjoint productions et énergies durables de l’Ademe. – Une remarque liminaire : la comparaison de pourcentages ne suffit pas, il faut aussi examiner les chiffres inscrits au numérateur et au dénominateur, car les volumes ne sont pas les mêmes selon l’évolution globale de la consommation…

M. Daniel Raoul, président. – C’est ce que j’ai dit à plusieurs reprises : le raisonnement ne peut se contenter de pourcentages…

M. Damien Siess. – La modulation, ensuite, représente un levier très important, qui ne s’oppose pas au développement des énergies renouvelables ; l’équilibre de l’offre et de la demande d’électricité dépend d’un grand nombre de facteurs, auxquels s’attachent des aléas – climatiques, techniques – mais aussi des décalages entre la prévision et la réalité. Dans une étude que l’Ademe a conduite avec l’Association technique énergie environnement (ATEE) et la direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services (DGCIS) sur le potentiel du stockage d’énergies pour la France à l’horizon 2030, nous avons établi que la flexibilité de la demande – des industriels, mais aussi des ménages – était un levier bien plus important que le stockage, lequel vient après, même, l’amélioration de l’efficacité des réseaux et qui trouvera son utilité dans des usages de niches. Lors du débat national sur la transition énergétique, il a été clairement dit qu’avec 30% d’énergies renouvelables dans le mix à l’horizon 2030, ce qui leur laisse une large place pour se développer, la flexibilité demeurait le premier levier d’équilibrage.

Quelle place les industries peuvent-elles prendre dans la transition énergétique ? Dans les scénarios de l’Ademe, les industries sont toujours valorisées : les 20 % d’efficacité énergétique représentent déjà un gros effort, d’autant qu’ils accompagnent un développement de l’industrie. Ces scénarios tiennent compte des gains technologiques, des mesures organisationnelles à prendre par les entreprises petites et moyennes – les plus grandes sont déjà très avancées –, les innovations ou encore les mesures de recyclage.

L’Ademe soutient l’ensemble des démarches visant des productions moins énergivores. Nous visons les « petits intensifs », c’est-à-dire les secteurs pour qui l’énergie est un poste important de dépense, même s’ils ne sont pas de très gros consommateurs – c’est le cas, par exemple, de la boulangerie, ou encore des data center. Nous avons alors une mission

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d’information, de diffusion, aussi bien que de soutien. Pour les « grands intensifs », notre intervention se situe plutôt à l’échelon des politiques publiques, étant donné que ces entreprises disposent déjà de services bien étoffés en matière d’énergie.

A l’automne prochain, l’Ademe lancera un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur ce thème ; nous avons d’ores et déjà consulté et les comités stratégiques de filières sont un levier d’action pour une production plus économe en énergie. Cet AMI sera aussi l’occasion d’examiner les soutiens possibles aux évolutions de rupture pour les électro-intensifs. Nous cherchons également les expériences reproductibles, car il y a des marchés à conquérir : beaucoup d’entreprises, en Europe, rencontrent des difficultés avec l’énergie, il y a un enjeu économique et commercial conséquent, nous cherchons des équipementiers, des industriels, des entreprises de services qui peuvent s’y inscrire.

M. Jean-Pierre Vial. – Il semble que nous ayons tous les outils, mais que nous ne les utilisions pas encore : il est temps de le faire. Je pense, en particulier, au marché capacitaire : nous sommes en retard, alors que le prix de référence international, lui, est deux fois moins élevé que le nôtre…

M. Julien Tognola, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. – Le sujet de cette table ronde est d’envergure mondiale et il est bien documenté. Les comparaisons internationales montrent que les prix européens de l’énergie sont les plus élevés au monde – et l’Agence internationale de l’énergie estime que cet écart est durable. En Europe, les prix relativement bas sur le marché de gros reflètent une situation de surcapacité, liée à la crise économique qui est venue juste après les investissements capacitaires importants des années 2000. Cette situation déstabilise des producteurs, qui ne rentabilisent plus leur équipement alors que nous en avons besoin en période de pointe : on le voit avec les centrales à gaz à cycle combiné, qui tournent au quart de leur capacité ; dans ces conditions, des centrales ont fermé, grevant les capacités de production.

C’est pourquoi il est si important de valoriser nos capacités de production et d’effacement : le mécanisme de capacités est l’outil le plus prometteur, il devrait être en place en 2016.

Les prix de l’électricité en France sont parmi les plus faibles d’Europe pour la très grande majorité des consommateurs ; cependant, comme cela a été dit, ce décalage disparaît et, même, il s’inverse pour les plus gros consommateurs « électro-intensifs », une centaine d’entreprises en France. Le phénomène fluctue : il était atténué l’an dernier, mais il s’est accentué cette année. Plusieurs rapports ont mis en évidence ce phénomène et le creusement de l’écart avec nos voisins allemands – même si les comparaisons n’incluent pas la compensation des coûts du CO2, ni la valorisation de la flexibilité de certains consommateurs industriels.

Quels leviers d’action, au-delà de l’efficacité énergétique ? Je répondrai sous trois angles : la part « énergie », la part « acheminement » et la part « fiscalité ».

La part « énergie » est faite d’achat d’ARENH, d’achats sur le marché de gros, d’achats de produits Exeltium et d’électricité produite sur site, en cogénération ; comme il a été dit, ces prix sont à 42 euros le MWh pour l’ARENH cette année – avec la perspective de 46 euros pour les dix ans à venir –, plus élevés que chez nos voisins ; ils ont l’avantage, cependant, d’être prévisibles, c’est un élément à prendre en compte. Ici, outre la renégociation

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du contrat avec Exeltium, la question se pose de la période qui succédera aux « contrats historiques » qui offraient des tarifs négociés à certains industriels.

Je note, à ce titre, la proposition que vous faites d’un « ruban » à bas coût : il faut l’examiner plus avant sur le plan juridique, mais aussi économique.

Sur la part « acheminement », la difficulté vient de ce que la directive européenne de 2009 sur le marché intérieur interdit les traitements discriminatoires et les aides d’État. Le dispositif allemand de remise tarifaire pour les industriels « électro-intensifs », que vous avez décrit, n’a pas encore fait l’objet d’une décision de la Commission européenne. De notre côté, un dispositif exceptionnel est prévu pour un an, avec la possibilité d’une pérennisation dans le cadre de la loi de programmation à venir.

Sur la part « fiscalité », enfin, nos leviers d’action sont très faibles : les accises ont été réduites au minimum communautaire, la CSPE est relativement basse pour les grandes industries, reste la négociation en cours sur les aides d’État en matière d’énergie et d’environnement.

Enfin, différentes initiatives existent pour valoriser la flexibilité de la consommation des industriels, en particulier les effacements, ainsi que l’interruptibilité. Les outils existent, reste la question de leur dimensionnement.

M. Daniel Raoul, président. – La proposition de ce « bandeau » de 6 GW vous paraît-elle euro-compatible ?

M. Julien Tognola. – Sortir du marché une part fixe de la production, ce serait probablement incompatible avec la réglementation européenne, il faut examiner la façon de procéder.

M. Jean-Paul Aghetti, Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN ). – Les chiffres-clés ont été donnés, la consommation électrique a baissé de 13 % en quelques années, la production électrique française émet très peu de CO2. Maintenir la production en France, c’est lutter contre le changement climatique, c’est agir pour la compétitivité française, c’est conserver la chaîne de valeur sur notre territoire. Je sais que le Sénat est très au fait de ces questions, nous vous devons beaucoup, je pense en particulier à la commission d’enquête présidée par Martial Bourquin sur le coût réel de l’électricité, ainsi qu’à l’action de Thierry Repentin comme ministre dans les négociations européennes. Les constats sont établis, tous les outils sont opératoires, il faut les utiliser.

M. Jean-Pierre Vial. – Nous en sommes bien d’accord, la vie d’entreprises en dépend, et avec elle tout un tissu économique.

M. Jean-Philippe Bucher, président de Ferropem. – C’est le cas de Ferropem, qui est le premier producteur de silicium métal au monde et qui devrait rester rentable... jusqu’au 31 décembre 2015, date à laquelle la disparition du tarif réglementé de l’électricité réduira notre marge à néant et compromettra les deux mille emplois que nous avons dans nos six usines en France. Nous sommes déjà très avancés sur la modulation, nous pratiquons l’effacement, l’interruptibilité – nous sommes capables d’arrêter la production dans les dix secondes –, mais si nous devons acheter notre électricité au prix de l’ARENH, notre groupe n’aura tout simplement pas d’autre alternative que d’aller produire ailleurs, non pas en Europe, mais en Chine, au Canada, en Thaïlande ou au Brésil. Nous lançons un projet au

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Québec, j’y connais bien la situation très favorable de l’hydraulique, pour avoir négocié notre implantation avec trois gouvernements québécois successifs : nous nous sommes entendus à 30 dollars le MWh aux bornes de l’usine, c’est-à-dire intégrant le transport.

C’est à ce prix-là, aux bornes de l’usine, qu’on pourra espérer un développement industriel en France ; en deçà, nous ne pourrons rien faire d’autre que gérer le retrait. Et, comme cela a été dit, c’est parce que nous continuerons de produire du silicium en France qu’on pourra y développer une filière photovoltaïque : sans cela, toute la production ira en Asie...

M. Yves Herbaut, président de Emin Leydier. – Emin Leydier est le premier producteur de papier en France, nous réalisons 400 millions d’euros de chiffres d’affaires, avec 1 000 emplois, mais notre marge est si faible qu’elle serait intégralement absorbée par une augmentation du tarif électrique à 46 euros le MWh, cela ne fait aucun doute. Notre filière a déjà perdu un millier d’emplois en cinq ans, elle n’en compte plus que 11 000 : cela fait déjà longtemps que nous améliorons notre compétitivité autant que nous pouvons, nous n’avons plus de marge de ce côté pour compenser une augmentation tarifaire de l’électricité. J’indique au passage que si le coût, donc le prix de l’électricité, baisse si l’on en consomme davantage, nous avons alors quelques marges : nous pourrions remplacer des unités qui fonctionnent au gaz par d’autres qui tourneraient à l’électricité, à condition qu’elle soit à faible prix...

M. Martial Bourquin . – Il y a déjà plusieurs années que nous parlons de ce sujet, que nous annonçons les difficultés d’aujourd’hui, et nous avons légiféré il y a bientôt cinq ans avec la loi NOME - mais la situation reste inchangée, alors que l’Allemagne, elle, a trouvé la parade... Le temps presse, c’est une question de jours ! Nous avons toutes les données entre nos mains, les perspectives sont prévisibles, les outils sont là : il est grand temps d’agir, je le dis sans détour au Gouvernement.

L’idée d’un « bandeau » de quelques GW est une vraie proposition, il faut avancer ; les Allemands l’ont fait, c’est déterminant pour l’industrie française et c’est une condition, même, pour toute réindustrialisation de notre territoire.

M. Bruno Sido. – L’Europe ne pourra guère résister à la concurrence de pays qui disposent de ressources naturelles sans commune mesure avec les nôtres, je pense au Canada ou à la Russie, c’est l’effet de la mondialisation; cependant, des pays résistent en utilisant des moyens illégaux, on le voit avec l’Allemagne qui subventionne le tarif énergétique à l’industrie en faisant payer les ménages, ce que la réglementation européenne interdit formellement. Doit-on recourir à de telles mesures, contre notre légalité même ? Le dilemme est cornélien... Nous sommes d’autant moins avantagés, ensuite, que les faibles émissions de CO2 ne sont pas valorisées, alors que c’est notre point fort. Il faut compter également que le coût de notre électricité nucléaire va augmenter avec le renforcement des mesures de sécurité, c’est une demande de l’opinion publique que l’on comprend parfaitement après un accident comme celui de Fukushima.

Dans ce paysage fait de contraintes et d’écueils, n’ajoutons pas de difficultés avec un surcroît de réglementation : améliorons ce qui peut l’être, avec pragmatisme, en valorisant nos atouts, en particulier notre industrie nucléaire, qui est une chance pour notre pays.

M. Thierry Repentin . – Il y a urgence, mais notre action est effectivement très encadrée par les normes européennes. J’ajouterai cependant une note optimiste : c’est à la

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demande de la France que mandat a été délivré à la Commission européenne d’examiner la question des électro-intensifs et des mesures à prendre face à la concurrence de pays qui sont bien pourvus en ressources naturelles, mais qui subventionnent également leur tarif aux industriels en recourant à diverses aides d’État déguisées. La Commission européenne a rendu son rapport en mars dernier, il ouvre la voie à une solution à l’échelle continentale, plusieurs pays étant tout à fait conscients de l’enjeu, de la nécessité d’un accompagnement d’État ; une porte s’est entrouverte, nous aurons à en tenir le plus grand compte lors de la Conférence sur le climat de l’an prochain à Paris. Nous aurons également des arguments à faire valoir sur nos faibles émissions de gaz à effet de serre, c’est dans cette perspective large, celle du développement durable, que nous devons inscrire notre débat d’aujourd’hui.

M. Daniel Raoul, président. – Le faible niveau des émissions de CO2 devrait effectivement être valorisé...

M. Olivier Baud. – La comparaison avec l’Allemagne a ses limites, nos voisins produisent une électricité plus onéreuse que la nôtre, nous avons des atouts qu’ils n’ont pas, en particulier nos coûts marginaux très faibles, grâce à notre structure de production ; nous produisons 70 TWh en hydraulique, les électro-intensifs dont nous parlons fonctionnent avec 30 TWh, ne perdons pas de vue cet ordre de grandeur. Je crois que nous pouvons être offensifs, nous sommes forts par notre production, par nos faibles émissions de CO2 ; en revanche, nous avons besoin de souplesse pour nous adapter à notre profil de consommation, avec ce décalage très fort entre une longue période surcapacitaire et quelques mois déficitaires.

M. Jean Bizet. – Le renouvellement de la Commission européenne ouvre « une fenêtre de tir » très intéressante, nous pouvons interpeler directement le nouveau commissaire européen, avec une proposition de résolution européenne. La production d’énergie sur notre sol est un facteur décisif de la réindustrialisation dont le gouvernement parle tant, le nucléaire y est notre atout, mais il faut une décision politique claire pour maintenir, sinon développer notre production d’électricité nucléaire. Cela ne nous empêche pas de répondre à la demande de garanties supplémentaires de nos concitoyens en matière de sûreté nucléaire : la Commission européenne vient de s’accorder sur un projet de directive en la matière.

Dans le rapport sur la coopération énergétique franco-allemande que je viens de rédiger pour la Commission des affaires européennes du Sénat, je montre que nous ne sommes pas du tout en opposition des deux côtés du Rhin : les Allemands espèrent, ils attendent que nous leur tendions la main, tant la décision brutale de fermer huit de leur dix-huit centrales nucléaires a bouleversé leur production d’électricité. Face au changement climatique, notre énergie nucléaire est une chance pour la transition énergétique à l’échelle européenne, c’est bien à cette échelle que nous serons efficaces, d’où l’importance des réseaux interconnectés.

Une proposition de résolution européenne, commune à nos commissions de l’économie, du développement durable et des affaires européennes, serait donc particulièrement bienvenue.

M. Bruno Sido. – Nous reparlerons de la situation énergétique allemande à l’automne, dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, les énergéticiens allemands m’ont déjà consulté à ce propos. Notre modèle énergétique ne pourra pas dépendre des seules énergies renouvelables, qui sont alternatives et

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qui ne peuvent se passer d’unités thermiques complémentaires : c’est cette réalité qui nous fait comprendre que notre chance, c’est le nucléaire.

M. Daniel Raoul, président. – Merci à chacun des participants pour ce débat très nourri.

La réunion est levée à 12 h 15.

- Présidence de M. Daniel Raoul, président et de M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois -

Mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie – Examen du rapport d’information

La commission examine conjointement avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois le rapport d’information sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie.

La réunion est ouverte à 15 heures.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – Bienvenue au président Assouline. Ce rapport d’information résulte de l’engagement que nous avions pris en commission, après l’audition du président de CCI France, d’étudier l’application concrète de la loi.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. – Nous examinons le rapport d’information de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux Chambres de commerce et d’industrie (CCI). Je remercie la commission des affaires économiques pour son concours. Notre commission n’engage de rapports qu’en bonne intelligence avec la commission concernée, parfois même sur sa proposition.

Tous les élus savent que la gouvernance, le rôle et le financement des chambres de commerce sont des sujets sensibles, aux enjeux locaux considérables. En témoigne le nombre des lois et décrets portant ces questions depuis quelques années : l’environnement juridique est complexe et évolutif. Les CCI viennent de faire l’objet d’une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS), dont les conclusions seraient très critiques. Le Président de CCI France les a qualifié « d’instruction à charge inacceptable et surtout très dangereuse »... Notre rapport est donc d’actualité.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur pour la commission des affaires économiques. – La commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois a souhaité évaluer la mise en œuvre de la réforme des CCI prévue par la loi du 23 juillet 2010. Parallèlement à nos travaux, une mission de l’IGF, l’IGAS et du Conseil général de l’économie a provoqué un certain émoi au sein du réseau des CCI. Nous ignorions son existence : il s’agit d’un travail d’audit interne dont les conclusions n’ont pas été portées à notre connaissance. Notre travail s’inscrit dans une démarche indépendante d’évaluation périodique de l’application des lois. Par construction, notre mission était pluri-partisane.

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Vos deux rapporteurs étaient d’accord sur les objectifs comme sur la méthode, et partagent les principales conclusions. La réforme des CCI en 2010 a soulevé des oppositions à l’intérieur du réseau comme à l’extérieur. J’y étais opposé. Mais notre travail n’était pas de refaire la réforme. Du reste personne, dans le réseau des CCI, n’a exprimé le souhait de la défaire. Notre travail se bornait à observer comment cette loi est appliquée et quels sont ses effets. Nous avons recueilli des témoignages aussi exhaustifs que possible auprès des acteurs consulaires et de leurs partenaires institutionnels, en réalisant 31 auditions et par la diffusion d’un questionnaire de plus de 40 questions auprès des CCI territoriales et régionales.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. – La loi du 23 juillet 2010, que pour ma part j’avais votée, renforçait l’échelon régional du réseau des CCI pour mutualiser leurs fonctions administratives et mieux les insérer dans le cadre général de l’action publique. De fait, les structures consulaires souffraient d’une dispersion excessive : au début des années 2000, le réseau comptait plus de 180 chambres – les CCI sont des établissements publics sui generis, qui ne sont rattachés ni à une collectivité ni à l’État. Plusieurs dizaines d’entre elles comptent moins de 5 000 ressortissants et couvrent un territoire infra-départemental. C’est souvent l’héritage d’une histoire industrielle spécifique, faite de textile ou de métallurgie par exemple.

Cette dispersion fait peser des coûts fixes importants sur le fonctionnement des chambres. Pour exploiter les rendements d’échelle potentiels, une politique de fusion des chambres infrarégionales a diminué leur nombre de 33 entre 1997 et 2010. Pour réaliser les gains de productivité supplémentaires, la mutualisation régionale de certains services s’imposait : ce fut l’objet de la loi de 2010. Mais la régionalisation doit aussi aider les CCI à mieux travailler entre elles et avec les pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’État ou des régions. Une meilleure coordination rendrait l’action économique plus lisible, plus efficace et moins chère en supprimant de multiples redondances.

Or, à la veille de la réforme consulaire de 2010, chaque CCI, assise sur une légitimité élective et des ressources financières propres tirées de l’imposition des entreprises de son ressort, fonctionnait comme une entité très largement autonome. Elle n’était aucunement censée rendre compte aux chambres régionales de commerce et d’industrie (CRCI) ni à l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), encore moins se conformer à leurs instructions. Si la réforme consulaire de 2005 a créé des schémas sectoriels pour mieux articuler l’action des chambres de chaque région, ces schémas, qui ne sont pas opposables, restent des coquilles vides.

L’État, qui est censé exercer la tutelle sur le réseau, a le plus grand mal à savoir exactement ce que font les CCI. Lorsque je travaillais au ministère de l’Industrie, au service qui assurait leur tutelle, nous n’avions déjà pas les moyens d’exercer un contrôle efficace. Il n’y a pas d’outil budgétaire informatisé commun à la tutelle et au réseau, pas de comptabilité analytique commune aux CCI, pas de consolidation des comptes, pas de normes partagées délimitant services gratuits et services payants aux entreprises, pas d’homogénéité de l’offre de services de base – ce qui pose le problème de l’égalité devant le service public. Bref, la tutelle ne dispose pas des moyens pour exercer pleinement sa fonction.

En définitive, à la veille de la réforme de 2010, la stratégie et les activités de chaque CCI étaient conçues essentiellement en fonction de son territoire, ce qui favorise certes une offre de proximité adaptée aux réalités économiques locales mais empêche d’intégrer les priorités et les actions pertinentes à l’échelle territoriale régionale ou nationale. La régionalisation a donc pour second objectif de structurer les CCI en un véritable réseau et

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de donner ainsi à l’État et aux conseils régionaux un interlocuteur consulaire clairement identifié, capable d’assurer la coordination entre l’action des CCI et les politiques de développement économique.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Les vifs débats occasionnés par la réforme consulaire de 2010 ont porté sur la façon de concilier les deux objectifs de cohérence et d’économie avec celui du maintien d’une offre consulaire de proximité.

Une offre de proximité réclame des points de contact aisément accessibles aux entrepreneurs auprès desquels ils peuvent s’informer, accomplir certaines formalités et trouver un accompagnement pour leurs projets. Elle implique aussi que les CCI sachent cerner les besoins et percevoir les enjeux spécifiques à un territoire de manière à proposer des services adaptés aux entreprises.

Nous sommes tous deux attachés à la préservation de cette proximité, dont les CCI territoriales (CCIT) sont l’outil historique. La régionalisation doit donc procéder de ces échelons de base. Les pouvoirs publics doivent encourager la mutualisation régionale, notamment par le levier financier, mais pas l’imposer.

La prise en compte de cet objectif de proximité a d’ailleurs conduit à infléchir profondément la réforme initialement prévue, au point que la loi de 2010 a finalement perdu l’essentiel de son caractère contraignant : c’est en réalité un texte très souple, qui crée un cadre propice à l’approfondissement volontaire des coopérations entre CCI territoriales au sein de la chambre de région, fournit une boîte à outils de la régionalisation mais laisse à des CCIT qui conservent une grande partie de leurs pouvoirs et de leur indépendance la liberté de déterminer le rythme et le degré de la coopération régionale. Elle propose une régionalisation à la carte, qui a abouti à une régionalisation à géométrie variable.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Je qualifierai la mise en œuvre de cette loi de brouillonne. L’imprécision des textes d’application et le télescopage avec la réforme de la taxe professionnelle ont retardé la mobilisation des acteurs. Le décret en Conseil d’État du 1er décembre 2010 mettant en œuvre la réforme reste silencieux sur deux questions essentielles : la définition des conventions d’objectifs et de moyens (COM) et celle des schémas sectoriels. La loi prévoyait qu’une COM soit signée entre les CCIR et les préfets de région afin de décliner l’accord stratégique national conclu entre l’État et CCI France, qui a pris la forme d’un pacte de confiance et d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) signés en 2013. Or aucune COM régionale n’a été signée, car le décret encadrant ces conventions n’est toujours pas paru ! Faute de déclinaison régionale, les accords nationaux entre l’État et CCI France restent lettre morte, car ils ne contiennent aucune mesure susceptible d’être directement mise en œuvre par CCI France. Aussi est-il urgent que le décret sur les COM soit pris et que ces conventions soient enfin conclues.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Le décret du 1er décembre 2010 est également insuffisant sur la question des schémas sectoriels. Créés par la reforme consulaire de 2005, ces schémas ont été renforcés par la loi du 23 juillet 2010 afin que l’action des CCIT soit véritablement encadrée et s’inscrive bien dans la stratégie régionale du réseau, elle-même coordonnée avec les stratégies portées par l’État et les conseils régionaux. La loi de 2010 a ainsi prévu que la taxe pour frais de chambres soit répartie entre les CCIT « en conformité avec les schémas sectoriels », ce qui confère à ces schémas le plus haut degré d’opposabilité juridique. Cependant, le décret du 1er décembre 2010 ne pose aucune exigence de forme et de fond sur leur contenu. En l’absence de précisions règlementaires, la plupart des CCIR et des

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CCIT ont fait des schémas sectoriels très descriptifs, sans réelle ambition ni objectifs chiffrés, comportant au mieux une définition des grandes orientations de la mandature. Ces schémas ne sont pas devenus les leviers voulus par le législateur pour mettre de la cohérence dans l’action des chambres au niveau régional. Il est donc indispensable de modifier rapidement le décret pour obliger les schémas sectoriels à comporter des prescriptions précises et opposables.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Le télescopage entre la réforme de l’organisation consulaire et celle de son financement est un autre élément qui explique sa difficile mise en place. La réforme de la taxe professionnelle en 2010 a rendu nécessaire celle du financement des CCI. Cependant, la mise en œuvre de la nouvelle taxe pour frais de chambres (TFC) a conduit à une augmentation imprévue des recettes fiscales des CCI en 2012 et 2013, la baisse du taux de la contribution sur la valeur ajoutée ayant été compensée par le dynamisme des bases de la nouvelle taxe. Les chambres ont ainsi bénéficié d’un surplus de 60 millions d’euros en 2012 et de 164 millions d’euros en 2013 par rapport à la collecte de 2010, qu’elles ont employé chacune à sa manière… Ainsi, une réforme visant à inciter le réseau des CCI à faire des économies a eu pour premier effet d’accroître ses recettes fiscales ! C’est une erreur de pilotage majeure car le durcissement de la contrainte financière constituait le seul levier pour amener les chambres à s’approprier la réforme.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – L’erreur est humaine ! Devant l’évolution inattendue des recettes de la taxe pour frais de chambres, des mécanismes correctifs ont été mis en place. La loi de finances pour 2013 a instauré un plafond de 549 millions d’euros pour la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises (TACFE) et de 819 millions d’euros pour la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée (TACVAE). La loi de finances pour 2014 a abaissé le plafond de la TACVAE de 100 millions d’euros et a opéré, au profit du budget général, un prélèvement exceptionnel de 170 millions d’euros sur les ressources des CCI. L’effet de cette correction budgétaire est drastique : les CCI ne percevront plus que 1, 098 milliard d’euros en 2014, ce qui correspond à une baisse de 20 % de leurs ressources fiscales.

Certes, cet ajustement efface la hausse incongrue des recettes fiscales des CCI qui, depuis le début des années 2000, ont aussi bénéficié d’une fiscalité dynamique. Mais, du point de vue du pilotage du réseau, il est aussi néfaste que la manne fiscale perçue en 2012 et 2013. L’instabilité de la norme fiscale complique fortement la mise en œuvre de la réforme : comment se projeter vers l’avenir quand les règles changent sans cesse ? Pour mettre un terme à cette incertitude, nous demandons qu’une programmation pluriannuelle des ressources fiscales soit négociée ente les CCI et l’État, comme le prévoit la loi de finance pour 2014. C’est l’intérêt du réseau consulaire de reprendre rapidement les négociations avec le Gouvernement pour y parvenir. Les pouvoirs publics doivent proposer au réseau des objectifs ambitieux et réalistes sur l’évolution de la taxe pour frais de chambre.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – La réforme a apporté une avancée importante : la création d’outils de suivi et d’orientation du réseau par CCI France. La loi rend la tête du réseau compétente pour édicter des normes d’intervention pour les CCI. En l’absence de normes partagées, impossible de piloter l’action des chambres et de comparer leurs performances. Depuis 2011, CCI France a édicté des normes comptables, budgétaires et financières : la norme dite « 4.9 », comptabilité analytique commune du réseau, et la norme « 4.21 », dite « Cube », qui porte sur l’agrégation des budgets, comptes et indicateurs du réseau. Leur application combinée fournit enfin, pour la première fois dans l’histoire du réseau consulaire, une grille d’analyse homogène applicable à tous les établissements. Les échelons régional et national, ainsi que la tutelle, disposent à présent des outils indispensables

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à l’animation et au pilotage du réseau. Cette pierre tardivement posée à l’édifice est celle qu’il aurait fallu poser en premier, car c’est sur elle que s’appuieront les futurs développements.

Il faut renforcer le rôle de CCI France, lui permettre de diligenter des audits de sa propre initiative, ou à la demande des autorités de tutelle, pour vérifier l’application des normes d’intervention qu’elle édicte. Par ailleurs, CCI France ne possède aucune réelle autonomie par rapport aux présidents de CCI qui composent son assemblée. À la différence des CCI de région et de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), CCI France ne dispose pas d’une quote-part de la taxe pour frais de chambres et, en période de raréfaction de la ressource fiscale, les CCI rechignent à se mobiliser pour elle. Avec des moyens propres, CCI France pourrait impulser davantage de projets nationaux au profit du réseau : homogénéisation d’outils informatiques, des produits figurant dans un catalogue national, création d’un pôle juridique, poursuite du travail de normalisation…

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Où en est la régionalisation ? Le renforcement de l’échelon régional du réseau s’est fait à géométrie variable. Si l’on examine la quote-part de la chambre de région dans le total de la taxe de frais de chambres perçue dans chaque région, on observe deux blocs : les régions où la CCIR dispose d’un budget important (Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne, Auvergne, Alsace et Franche-Comté) et celles où la CCIR, sans forcément être la coquille vide d’autrefois, reste encore financièrement faible (Lorraine, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de la Loire, Limousin et Bourgogne).

Si l’on s’intéresse à la part de l’effectif dédié aux fonctions support, on constate que les chambres de région qui captent la plus grande part de la ressource financière sont également celles dont l’effectif pèse le plus par rapport à l’effectif régional total. Les CCIR du Nord-Pas-de-Calais, de Champagne-Ardenne, d’Auvergne, d’Alsace et de Franche-Comté emploient ainsi 20 à 30 % de l’effectif consulaire total. Dans les régions Lorraine, Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Limousin et Bourgogne en revanche, ce taux reste inférieur à 10 %, voire à 5 %.

La hausse sensible des effectifs de certaines CCIR s’explique pour une large part par la croissance rapide des effectifs dédiés aux tâches administratives. Désormais, 30 à 40 % des effectifs support du réseau régional sont directement employés par la CCIR dans les régions de Champagne-Ardenne, du Nord-Pas-de-Calais et de Franche-Comté. Cette proportion atteint même 60 % en Auvergne et en Alsace. Dans ces régions, il y a donc bien eu un transfert massif des effectifs support des CCIT vers la CCIR, comme y invitait la loi. À l’inverse, dans les régions de Bourgogne, du Limousin, de Lorraine et des Pays de la Loire, la CCIR n’emploie que 10 % des effectifs support – seulement 6 % des Pays de la Loire. Outre les fonctions d’appui administratif, les CCIR ont également investi le champ de l’appui direct aux entreprises, notamment dans des domaines comme l’export, l’innovation ou le numérique.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Ce renforcement de l’échelon régional a-t-il permis de réaliser les économies espérées ? Dans la région Nord, 45 emplois support ont été transférés vers la CCIR, ce qui a conduit à supprimer cinq postes, soit une économie qui représente environ 10 % des postes mutualisés et 3 % des effectifs consulaires régionaux. La mutualisation des achats aurait également permis d’économiser d’1 million d’euros. Ces économies, sans être négligeables, restent limitées – seulement quelques pour cents des coûts de fonctionnement. Il en ira sans doute de même pour la réforme territoriale !

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En effet, la mise en œuvre de la mutualisation engendre certains coûts à court terme, notamment du fait de la mise à niveau et de l’harmonisation des systèmes informatiques. Puis, la mutualisation met du temps à déployer tous ses effets bénéfiques : il faut former et adapter le personnel aux nouveaux outils et aux nouvelles structures, tout en assurant la continuité du travail ; si l’on se refuse à licencier, il faut attendre les départs en retraite ou la fin des contrats de mission. De surcroît, les chambres ayant reçu plus de TFC que prévu, elles ont parfois attendu 2013 ou 2014 pour se lancer vraiment dans les économies.

Enfin, les économies envisageables restent relativement faibles dans le schéma privilégié par la loi de 2010, d’une CCI de région encadrant l’action de CCIT rattachées. La personnalité morale conférée aux CCIT impose en effet le maintien d’un budget propre, d’un patrimoine, d’une trésorerie, d’une comptabilité, c’est-à-dire d’une direction financière complète dans chacun des établissements du réseau. Par ailleurs, la loi autorise la délégation aux CCIT du recrutement des agents de droit public nécessaires au bon accomplissement de leurs missions opérationnelles. Cette faculté a été déployée dans toutes les CCIT, qui conservent donc un rôle administratif très important et les effectifs support afférents.

Les principaux gisements d’économies de la régionalisation reposent sur un schéma de fusion des CCIT au sein de la CCIR. Plusieurs régions ont décidé de s’y lancer : le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, la Champagne-Ardenne. D’autres pourraient le faire. D’après les estimations de la CCIR de la région Nord Nord-Pas-de-Calais, les économies de postes pourraient représenter 25 % des effectifs régionaux supports, soit 5 à 6 % de l’effectif régional total du réseau. Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas non plus de nature à modifier fondamentalement les coûts de fonctionnement des chambres.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Alors que l’idée de franchir une nouvelle étape dans la rationalisation du réseau des CCI semble connaître un certain regain, il serait utile de mesurer si le rapprochement régional des structures consulaires constitue un facteur de réduction des coûts aussi significatif qu’on l’affirme parfois. Un diagnostic partagé entre l’État et les CCI est nécessaire, afin de disposer d’une base solide pour calibrer correctement l’évolution pluriannuelle future des ressources fiscales des CCI. Si la contrainte financière venait à se durcir, les CCIT devront dépasser leur réticence à mutualiser davantage leurs moyens. Dans le contexte financier actuel, c’est la tendance qui se dessine. Mais à serrer trop fort le garrot, on risque d’étrangler financièrement les CCI et de toucher les services de proximité aux entreprises.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – S’il est compréhensible que l’État demande des efforts financiers aux CCI, ceux-ci doivent être modulés en fonction du travail de rationalisation déjà accompli. Certaines CCI ont réalisé des économies de fonctionnement significatives ; d’autres ont encore une large marge de progrès. Appliquer à toutes les chambres une norme uniforme de réduction des ressources fiscales pénaliserait celles qui se sont montrées les plus volontaires dans le suivi des recommandations des pouvoirs publics. Là encore, pour une juste répartition de l’effort, un diagnostic financier partagé s’impose.

Enfin, je veux conclure en remerciant Claude Bérit-Débat, avec qui les relations ont été excellentes.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Je le confirme.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – Dans ma région, les missions étaient historiquement réparties entre les différentes CCI : à

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Nantes l’industrie, à Angers l’agroalimentaire et l’habillement. Cet état de fait n’est-il pas un frein à la régionalisation ?

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Je ne le pense pas. Nombre de CCI ont réussi à s’entendre et ont passé des conventions. La CCIR s’appuie sur les spécificités des CCIT pour faire remonter ce savoir-faire au niveau régional. Certaines CCI ont joué le jeu de la réforme : tout est question de volonté politique. Reste que la régionalisation a entraîné des surcoûts, car il y a eu une harmonisation par le haut des salaires et des missions…

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Le président Raoul connait bien l’organisation dans les Pays de la Loire, mais la situation est contrastée selon les régions. Il faut distinguer les services qui peuvent être régionalisés, comme la gestion administrative ou l’aide à l’export, et ceux qui ont vocation à être rendus au niveau territorial, quitte à être mutualisés. La réforme territoriale impliquera forcément des évolutions pour les chambres, qui auront à se rapprocher des services de la région dont le rôle économique aura été renforcé.

En revanche, il n’est pas question de régionaliser les activités propres des CCI que vous avez citées ; elles sont support pour l’ensemble des chambres.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – La loi ayant conservé la personnalité morale aux CCIT, elles ont un budget, un patrimoine, une trésorerie, et même un recrutement propre. C’est un frein à la mutualisation.

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Certaines ont fait de réels efforts, notamment dans la région Nord-Pas-de-Calais, où le taux d’intégration est remarquable. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, ni sans volonté politique. Certains nouveaux présidents de chambre ont une vision plus dynamique et veulent accompagner la réforme. Nous en avons auditionné deux qui se disent prêts à mutualiser… C’est que cela doit pouvoir se faire !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – En 2012-2013, les CCI ont reçu une manne céleste dont elles ne savaient pas toujours que faire : je le sais pour avoir négocié un apport supplémentaire dans le réseau consulaire de leur part dans le cadre de ma Technopole. Que donnera la réforme fiscale, à terme ?

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – C’est une baisse drastique qui s’annonce ; il faudra faire avec. Les mêmes chefs d’entreprise qui réclamaient la suppression de la taxe professionnelle se sont retrouvés avec des recettes supplémentaires. Certains les ont conservées, d’autres les ont dépensées. Aujourd’hui, la raréfaction de la ressource les met en difficulté.

M. Gérard Bailly . – Je participe à toutes les réunions de ma CCI, de ma chambre des métiers, de ma chambre d’agriculture. La Franche-Comté a opéré une véritable révolution, mais les conséquences n’ont pas toutes été bénéfiques. Vous me connaissez, je suis très « territoire, territoire » ! Il est vraiment dommage d’éloigner ces instances qui apportent assistance et conseils aux PME et aux PMI. Entre Besançon et Saint-Claude, il faut compter deux bonnes heures de route… Laissons de la consistance à l’échelon départemental.

La chambre de métiers du Jura s’est fait hara-kiri, faute de moyens. Celles du Doubs et de la Haute-Saône, idem : il n’y a désormais plus qu’une chambre régionale. Je crains que cet éloignement ne soit pas bénéfique ; les nouvelles technologies ne peuvent pas tout, et les déplacements font perdre beaucoup de temps. Bref, je suis sceptique.

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En 1990, j’étais président de la chambre d’agriculture. Avec les présidents de la chambre de commerce et de la chambre de métiers, nous faisions de l’interconsulaire, en partageant un bâtiment et en ciblant des actions spécifiques au niveau régional. Plus mes cheveux blanchissent, plus je me demande s’il ne faudrait pas fusionner les trois réseaux consulaires et n’avoir qu’une chambre des acteurs économiques, à l’échelle d’un territoire. Compétitivité, productivité, développement du territoire : les enjeux sont les mêmes. Je ne sais si c’est une solution pertinente, mais je vous la soumets.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – Vous n’êtes pas le seul à y songer : dans mon département, l’idée de fusionner la CCIT et la chambre de métiers fait son chemin. Elle pose toutefois problème en termes d’organisation régionale, mais ce sera sans doute une solution à terme.

M. Gérard Bailly . – Quel écart entre un apiculteur et un céréalier ! Ils sont pourtant réunis au sein de la même chambre d’agriculture… Il en va de même dans les chambres de métier ou les CCI.

M. Yannick Vaugrenard. – Le sujet est complexe. La nécessité de réaliser des économies impose une certaine concentration, qui se traduit par un éloignement des centres de décision et une moindre proximité : c’est la quadrature du cercle. Les CCI auraient dû garder une poire pour la soif quand les ressources étaient abondantes ; aujourd’hui, elles se plaignent de voir leurs moyens baisser.

Il faut des perspectives durables, dit le rapport Pisani-Ferry sur la France de demain. Le manque de confiance dans les institutions, quelles qu’elles soient, tient à l’incertitude permanente tant sur le plan réglementaire que fiscal. Les CCI ont besoin d’une vision à long terme, sur cinq à six ans au moins. Pour éviter de trop serrer le garrot, il faudrait une concertation systématique entre les CCI et le préfet de région, afin de tenir compte des spécificités et de l’histoire de chacune. La fusion des CCI de Nantes et de Saint-Nazaire, qui est à l’origine du développement de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, a pris du temps ; on comprend qu’il y ait des réticences à se lancer dans une nouvelle expérience quand les choses marchent si bien. Laissons du temps au temps, laissons faire le bon sens, et tenons compte des spécificités locales.

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Certaines missions peuvent être régionalisées, comme les fonctions administratives, comptables et juridiques, ou les actions qui nécessitent de rassembler plusieurs entreprises et d’associer des partenaires et des spécialistes, comme l’aide à l’export. Quand il y a mobilisation des moyens et agrégation des acteurs, les choses fonctionnent. Pour la Franche-Comté, les actions en faveur de l’export ont été portées au niveau régional.

M. Gérard Bailly . – Sont-ce les viticulteurs et les agriculteurs qui font de la prospection au Japon ou en Chine, ou bien la chambre de commerce ?

M. Jean-Claude Lenoir, co-rapporteur. – Souvent, ce sont encore d’autres acteurs.

Les CCIT conservent la plus grande partie des effectifs : en Franche-Comté, 60% sont affectés à des actions de proximité, notamment au profit des entreprises.

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Fusionner les CCI et les chambres de métiers ? Certaines tâches peuvent sans doute être mutualisées, mais une fusion est juridiquement inenvisageable.

Enfin, je veux dire notre surprise – le mot est faible – devant la désinvolture avec laquelle nombre de chambres nous ont répondu, quand elles ont daigné le faire… Il n’est pas d’usage de traiter avec si peu d’attention les questions légitimes émanant d’une commission parlementaire !

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – La régionalisation risque de se faire au détriment de la proximité, disais-je lors du vote de la loi de 2010. Cela dit, dans les faits, cette crainte n’était peut-être pas justifiée, et les CCIT ne se plaignent pas d’un quelconque éloignement du terrain.

M. Gérard Bailly . – Il faut interroger les mandants !

M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. – Les chambres de métiers sont opposées à une fusion des réseaux consulaires, car elles craignent de se faire absorber par les CCI. En outre, les différents réseaux n’ont pas des pratiques homogènes. En revanche, il existe des cas de coopération horizontale : dans mon département, les CCI de Bergerac et de Périgueux ont fusionné il y a une quinzaine d’années. Nous avons créé un pôle interconsulaire réunissant dans les mêmes locaux les chambres de métiers, de commerce et d’agriculture ; elles partagent une salle de réunion et mutualisent les moyens informatiques et de communication. Il y a là de réels gisements d’économies.

Je suis d’accord avec M. Yannick Vaugrenard sur la nécessité pour les CCI d’avoir un minimum de visibilité : les chambres – comme les collectivités territoriales ! – doivent connaître leur budget pour les trois années à venir et être à l’abri de coupes sombres…

M. David Assouline, président de la commission pour le contrôle de l’application des lois. – Merci pour ce rapport qui est d’actualité, et qui montre bien que le travail en binôme majorité-opposition, qui est d’usage dans notre commission, est un gage de réussite. Espérons que le gouvernement suivra vos préconisations !

La publication du rapport est autorisée à l’unanimité.

La réunion est levée à 16 h 10.

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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DE LA DÉFENSE

Mardi 17 juin 2014

- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -

Entretien avec M. Iurie Leanca, Premier ministre de Moldavie

La commission entend M. Iurie Leanca, Premier ministre de Moldavie.

M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Monsieur le Premier ministre, merci de votre visite. Votre pays, qui n’est pas si lointain, a une frontière importante avec la Roumanie, et donc avec l’Union européenne, et également une frontière importante avec l’Ukraine, qui connaît d’importants problèmes en ce moment. La Russie, installée à Odessa et, depuis peu, en Crimée, est très proche de vous et soutient une province sécessionniste en Moldavie. Votre pays est donc dans une situation stratégique difficile, soumis à la double attraction de la Russie et de l’Union européenne. Pouvez-vous nous donner des précisions sur sa situation intérieure et sur sa position vis-à-vis de l’extérieur ?

M. Iurie Leanca - Merci de me donner l’occasion de vous présenter la Moldavie, qui se trouve presque au centre de l’Europe. Mon pays est lié à la France par des traditions culturelles et linguistiques, il appartient à la « francophonie de cœur », il a fait le choix de cette langue, qui ne lui a pas été imposée. Nous sommes très fiers de cet héritage.

Nous sommes à quelques jours de la signature de l’accord d’association et de libre-échange, c’est un moment critique et crucial pour l’avenir du pays et de la région. Notre pays a une importance stratégique, malgré la taille réduite de son territoire et de sa population. Nous sommes ici pour discuter de nos relations bilatérales avec la France, qui se sont significativement intensifiées depuis quatre ans, en matière de dialogue politique comme de coopération culturelle et économique, ce dont nous nous félicitons. La présence française en Moldavie est bien visible, avec des entreprises comme Orange, Lafarge, Société Générale, Lactalis, pour n’en citer que quelques-unes. C’est seulement un début. Nous avons eu aujourd’hui des rencontres au Medef international et nous avons perçu l’intérêt d’autres entreprises françaises d’investir en Moldavie, ce dont nous avons besoin. Comme pays francophone, nous sommes très désireux de consolider la coopération culturelle et la présence de la langue française en Moldavie. La France est le deuxième pays d’accueil des étudiants moldaves (près de 1200) ce qui s’explique par le fait que La majorité des élèves choisissent le français comme première langue étrangère. Nous souhaitons développer la présence française en Moldavie car cela nous enrichit et conforte notre place dans le contexte régional. A cet égard, s’il faut convenir de la complexité de la situation régionale, il faut aussi souligner l’opportunité que représente notre relation avec l’Union européenne. Depuis quatre ans que nous sommes au pouvoir, nous avons initié un processus de réformes qui est très lié au processus d’intégration européenne ; pour nous, l’intégration européenne n’est pas seulement un choix civilisationnel et géopolitique, c’est aussi le moyen le plus efficace de moderniser les institutions, d’ouvrir l’économie, de lutter contre la corruption et de réformer la justice, avec l’aide de nos partenaires européens. C’est pourquoi des progrès ont été faits. Mais il reste des défis traditionnels et des défis nouveaux, liés aux événements tragiques qui se passent en Ukraine. Ce qui se passe dans ce pays nous inquiète, nous partageons avec l’Ukraine 1 240 kilomètres de frontière, d’où l’importance pour la Moldavie des relations avec l’Ukraine et de sa stabilité. Nous serions intéressés d’avoir des objectifs de politique

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extérieure et intérieure communs avec l’Ukraine. Le point positif est que le nouveau Président et le nouveau Premier ministre ukrainiens sont attachés aux valeurs européennes, ce qui est une différence avec l’ancienne équipe dirigeante.

Bien sûr, la situation à l’est de l’Ukraine et les événements tragiques à Odessa, qui se trouve à moins de 200 kilomètres de Chisinau, la capitale de la Moldavie, suscitent des inquiétudes dans la société moldave. J’espère que la situation en Ukraine va se normaliser, cela dépendra de la position de Bruxelles, de l’Allemagne et de la France, j’espère que vous garderez la même position, c’est avec votre aide que l’on pourra modérer la position de Moscou. Les événements en Ukraine ont aussi des conséquences économiques, le commerce extérieur avec l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie a diminué cette année de 45 %, car, aux turbulences liées à la crise s’ajoutent les sanctions que la Russie nous a imposées, en interdisant, il y déjà huit mois, les importations de vin moldave. Des hauts fonctionnaires russes ont déclaré qu’elle pourrait prendre d’autres sanctions si nous persistions à vouloir signer l’accord d’association et de libre-échange. Nous avons rassuré nos partenaires européens, nous nous efforçons de ne pas irriter la Russie, de ne pas lui donner de prétexte. C’est aux russes de décider s’ils veulent ou pas appliquer de nouvelles sanctions. Je vous fais part de la détermination de la Moldavie à poursuivre dans la voie de l’intégration européenne. La leçon de la crise en Ukraine, c’est qu’il ne faut pas montrer d’hésitation, il faut être sûr de son objectif. C’est pourquoi nous nous préparons non seulement à la signature et à la ratification de l’accord mais aussi à sa mise en œuvre, pour prouver ses avantages à la société moldave. Ce qui est important pour nous, c’est de recevoir un message très clair de l’Europe, et notamment de Paris, que l’accord d’association n’est pas l’étape finale de ce processus. Pour nous, il n’y a que deux possibilités : soit intégrer l’Union européenne comme membre à part entière, soit intégrer l’Union douanière eurasiatique, ce qui n’est pas dans l’intérêt de la société moldave. Nous avons besoin d’importer les valeurs, les standards et les pratiques de l’Union européenne. Nous sommes un pays européen et latin et nous voulons faire partie de la famille européenne. Nous pourrons aussi contribuer au bon fonctionnement de l’Union européenne. Nous avons besoin d’une vision stratégique concernant la région, la politique du bon voisinage, qui est le sens du partenariat oriental, n’est pas suffisante, elle est facteur d’incertitude et donc d’instabilité, comme on l’a vu en Ukraine. La France peut compter sur la Moldavie. Mais la Moldavie a besoin du soutien de la France, compte tenu de sa position de leader dans le cadre de l’UE.

Mme Josette Durrieu. – La Moldavie est un pays profondément européen, historiquement et culturellement, elle doit le devenir politiquement, c’est dans son intérêt et dans le nôtre. L’Union européenne ne sera pas achevée à l’Est tant que la Moldavie n’aura pas été intégrée. Il faut que nous déterminions clairement quelle doit être la frontière est de l’Europe. En ce qui concerne la situation politique, le parti communiste a toujours un poids important, des élections vont se dérouler en novembre prochain. Vous faites partie d’une coalition qui tient depuis plusieurs années, malgré des crises politiques, sur le seul thème fédérateur de l’Europe, ce qui prouve la solidité de la démocratie dans votre pays. Je suis personnellement convaincue que vous avez votre place dans l’Union européenne.

M. Jean-Claude Peyronnet, président – En ce qui concerne les relations culturelles entre nos deux pays, j’ai noté qu’il n’y avait pas d’école française en Moldavie. Il semblerait que le principal obstacle soit l’immobilier. Quelle solution pourrait être envisagée pour permettre l’implantation d’une école française ?

M. Christian Cambon. – Comment voyez-vous l’issue de la crise qui frappe l’Ukraine ? Est-ce la partition ? Y-a-t-il d’autres solutions ?

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M. Gilbert Roger. – Pour votre pays, le plus important est-ce d’entrer dans l’Union européenne ou dans l’OTAN ?

M. Jean-Marc Pastor. – Quel est votre sentiment sur la réaction russe aux événements d’Odessa ? Craignez-vous des mesures de la part de la Russie lors de la signature de l’accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne, le 27 juin prochain ?

M. Michel Boutant. – Quelle est la situation en Transnistrie, région de votre pays qui présente des similitudes avec la partie orientale de l’Ukraine ?

M. Iurie Leanca. – Concernant la question de l’école française, j’ai appris tout récemment ce problème, qui est un obstacle à l’installation de familles françaises ; il faut trouver un terrain, j’espère que nous trouverons une solution, c’est dans notre intérêt. S’agissant de l’issue de la crise ukrainienne, cela dépend beaucoup de la Russie et de la réaction des États-Unis et de l’Union européenne. La Russie ne comprend pas la force de l’argument, mais seulement l’argument de la force. Il ne s’agit pas de force militaire mais d’une position cohérente. La Crimée est, je le crains, un nouveau conflit gelé pour de nombreuses années.

La différence entre la Crimée et la Transnistrie est que la Transnistrie fait de facto partie de la Russie. Les transferts financiers russes représentent 70 % de son budget. D’ailleurs, la Russie ne reconnaît pas la Transnistrie comme un Etat indépendant.

En ce qui concerne la crise ukrainienne, le nouveau Président ukrainien, que je connais bien, me paraît le mieux placé pour trouver le compromis nécessaire en tenant compte des intérêts de l’est et de l’ouest de l’Ukraine. Quant au vrai motif de la crise ukrainienne, c’est à mon sens l’hésitation montrée par l’ancien Président Ianoukovitch pour signer l’accord d’association, qui, en générant de la confusion dans la société, a été à son origine. La Moldavie, au contraire, a une vision très claire de ce qu’elle souhaite.

S’agissant de l’OTAN, ce serait bien évidemment la meilleure protection. Mais il n’y a pas de consensus pour cela à Bruxelles, ni même au sein de la population moldave. S’agissant de l’Union européenne, il n’y a pas encore de perspective claire pour la Moldavie. Nous avons besoin de cette perspective pour convaincre la société, car un des arguments de nos opposants est de dire que l’UE ne veut pas de la Moldavie, qu’il n’y a pas de consensus pour l’accueillir. En ce qui concerne le 27 juin, je ne sais pas ce qui va se passer. La Russie a fait des déclarations contradictoires concernant la compatibilité des accords de libre-échange européen et eurasiatique ; nous essayons de la convaincre que les deux accords sont compatibles car tous deux se basent sur les règles de l’Organisation mondiale du Commerce. Pour le cas où la Russie prendrait de nouvelles sanctions, nous envisageons d’orienter nos productions les plus sensibles – pommes de terre, prunes, raisins - pour lesquelles nous dépendons fortement du marché russe, vers l’Union européenne, l’accord d’association et de libre-échange prévoyant des quotas. Mais nous aurons aussi besoin du soutien de Bruxelles, y compris financier.

La situation en Transnistrie est stable, malgré les événements tragiques en Ukraine. J’espère pouvoir maintenir cette stabilité relative jusqu’aux élections qui auront lieu en novembre et travailler ensuite à trouver une solution à ce conflit gelé avec les différents partenaires.

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Mme Josette Durrieu. – Comment analysez-vous la stratégie de Poutine ? Est-ce que l’on a tort de s’inquiéter pour la Transnitrie ? Y-a-t-il, à votre avis, un risque pour Odessa ou pour d’autres pays comme les Etats Baltes ?

M. Iurie Leanca. – La Moldavie s’efforce de bien se comporter avec la Russie. Mais la stratégie russe dépend avant tout de la réaction des Etats européens.

M. Alain Néri . – Je suis étonné du peu de réactions officielles après qu’un avion de transport militaire ukrainien a été abattu le 14 juin dernier par des insurgés pro-russes, provoquant la mort de 49 personnes.

M. Iurie Leanca. – J’ai exprimé toute ma compassion par rapport à cette tragédie.

M. Christian Cambon. – : Quelles sont vos relations avec Vladimir Poutine ?

M. Iurie Leanca. – Je n’ai pas encore eu la chance de le rencontrer. Depuis que je suis Premier ministre, je n’ai rencontré que le Premier ministre russe, Dmitri Medevedev.

M. Gaëtan Gorce. – La perspective européenne, que vous évoquez, ne peut vous garantir la sécurité ; l’adhésion à l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour. Dès lors, comment voyez-vous la sécurité de votre pays et de votre région ?

M. Iurie Leanca. – Il n’y a pas d’autre solution pour la Moldavie que l’Union européenne. Le rapprochement avec l’UE conforte nos institutions. La lutte contre la corruption renforce la confiance des citoyens moldaves dans l’Etat. L’Union européenne, en contribuant au finançant d’un gazoduc entre la Moldavie et la Roumanie, permettra à notre pays d’être moins dépendant des livraisons de gaz russe. Enfin, si l’Union européenne n’est pas une organisation militaire, son volet « sécurité et défense » se renforce et la Moldavie y contribue en participant aux opérations de maintien de la paix, au Mali et au Kosovo. Je compte beaucoup sur la France, qui a une vraie vision stratégique, pour obtenir une déclaration claire concernant une perspective européenne pour la Moldavie.

M. Alain Néri. – Fin juin va s’ouvrir la session d’été de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont je suis le vice-président. La question ukrainienne devrait être au cœur des discussions mais des collègues souhaitent que l’ordre du jour soit étendu pour évoquer les Etats baltes et la Géorgie. Allez-vous demander qu’il en soit de même pour la Moldavie ?

M. Iurie Leanca. – Bien sûr, il faut parler de la Moldavie. L’Ukraine est un élément très important, mais ce n’est qu’une partie du problème, il faut évoquer l’ensemble.

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Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

La réunion est ouverte à 16 heures

Diplomatie économique et tourisme - Audition de Mme Fleur Pellerin, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme

et des Français de l’étranger (sera publiée ultérieurement)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 - Compte rendu du contrôle sur pièces et sur place sur les prévisions de ressources exceptionnelles

de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président. – Daniel Reiner et Jacques Gautier, en leur qualité de rapporteurs du programme 146 « Équipement des forces », et moi-même, en collaboration avec nos collègues députés, nous avons effectué un contrôle sur les prévisions de ressources exceptionnelles – les « REX » – de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019. Ce contrôle a été entrepris sur le fondement de l’article 7 de la LPM, dont il constitue un premier cas d’application. Comme vous vous en souvenez, ces dispositions ont été introduites à l’initiative de notre commission ; elles nous permettent désormais de procéder, pour le suivi et le contrôle de l’application de la programmation militaire, à toutes les auditions et investigations « sur pièces et sur place » que nous jugeons utiles, tant auprès du ministère de la défense et des organismes qui lui sont rattachés qu’auprès des ministères chargés de l’économie et des finances.

Notre contrôle s’est déroulé en deux temps. Le 17 juin dernier, les deux Rapporteurs et moi, nous nous sommes rendus à Bercy, auprès du secrétariat d’État chargé du budget ; notre délégation a été rejointe par trois de nos collègues députés : Patricia Adam, présidente de la commission de la défense, Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour celle-ci du programme 146, et François Cornut-Gentile, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Défense ». Nous avons auditionné le secrétaire d’État, M. Christian Eckert, et le directeur du budget, M. Denis Morin. Le 3 juillet, c’est-à-dire la semaine dernière, Daniel Reiner et Jacques Gautier se sont déplacés à Bagneux, dans les locaux de la direction générale de l’armement (DGA), où ils ont retrouvé leur homologue de l’Assemblée nationale, notre collègue Jean-Jacques Bridey précité. Ce déplacement leur a permis d’auditionner le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon ; ils ont évoqué avec lui la situation de plusieurs programmes d’armement, en particulier les programmes MRTT et Scorpion, mais ils ont aussi recueilli des informations actualisées sur les prévisions de REX.

Sur la forme, l’ensemble des éléments fournis par la direction du budget et par la DGA permet de répondre d’une manière globalement satisfaisante aux questions que nous leur avions soumises. Les documents qui nous ont été remis font en effet le point, de façon précise, et apparemment de façon sincère, sur l’état des informations et des réflexions du Gouvernement en matière de REX.

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Sur le fond, je voudrais d’abord procéder à quelques rappels des prévisions de la LPM que nous avons votée en décembre 2013.

Comme vous le savez, la programmation militaire doit bénéficier, pour l’ensemble de la période 2014-2019, d’un financement à hauteur de 190 milliards d’euros : 183,9 milliards d’euros doivent provenir de crédits budgétaires et 6,1 milliards d’euros doivent provenir des REX. La nature de ces REX se trouve détaillée dans le rapport annexé à la LPM. Il s’agit du plan d’investissements d’avenir – le « PIA » –, financé par la cession de participations de l’État dans des entreprises publiques, des produits de cessions immobilières réalisées par le ministère de la défense, des redevances versées au titre des cessions de fréquences hertziennes déjà intervenues, du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz et enfin, « le cas échéant », du produit de cessions additionnelles de participations dans des entreprises publiques.

Ces ressources exceptionnelles se trouvent concentrées sur le début de la programmation, puisque 4,8 milliards d’euros, soit près de 80 % des REX, sont prévus sur les trois premières années d’exécution de la LPM, entre 2014 et 2016. En 2014, les REX sont principalement issues du PIA. En 2015 et 2016, l’essentiel doit provenir de la mise aux enchères de la bande de fréquences des 700 MHz, dont le produit devrait représenter 90 % des REX en 2015 (1,55 milliard d’euros) et 80 % en 2016 (1,02 milliard d’euros).

Or, à cet égard, notre contrôle révèle qu’il y a matière à s’inquiéter – ou, du moins, il le confirme, et étaye ainsi nos inquiétudes, car nous nous doutions bien, lorsque nous avons décidé de mener ces investigations, de la difficulté de réunir les REX conformément aux prévisions. Les Rapporteurs vont présenter en détail les résultats de ces investigations. Je voudrais d’abord en donner une vue synthétique.

Pour 2014, les informations que nous avons collectées ne paraissent justifier, du moins à ce stade, qu’une préoccupation « raisonnable ». En effet, le niveau de REX prévu par la LPM pour cette année, soit 1,77 milliard d’euros, devrait être atteint sans difficulté, et même dépassé. D’une part, on devrait disposer d’au moins 1,75 milliard d’euros pris sur le PIA, dont 1,5 milliard d’euros voté en loi de finances initiale et 250 millions d’euros inscrits dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) – texte voté par l’Assemblée nationale le 1er juillet et actuellement en cours d’examen au Sénat –, au titre de l’activation de la clause de sauvegarde prévue par l’article 3 de la LPM. D’autre part, les recettes de cessions immobilières du ministère de la défense d’ores et déjà réalisées aujourd’hui s’élèvent à plus de 190 millions d’euros.

Cela dit, pour cette année, notre vigilance reste de mise à l’égard de deux points au moins. Il s’agit, en premier lieu, de la difficulté que rencontre le ministère de la défense pour identifier de nouveaux projets susceptibles de bénéficier du PIA, compte tenu des critères d’éligibilité à ce programme. Or cette identification de nouveaux projets paraît représenter la condition de l’ouverture de la seconde tranche de 250 millions d’euros que devrait permettre la mise en œuvre de la clause de sauvegarde de l’article 3 de la LPM. En second lieu, il s’agit de la régularisation budgétaire qui interviendra, comme chaque année, en fin d’exercice, et qui risque de relativiser l’excédent de REX, compte tenu notamment du financement interministériel du surcoût des opérations extérieures – les « OPEX ». Ce surcoût, en effet, est actuellement anticipé comme devant atteindre, au 31 décembre 2014, de 0,77 à 1,2 milliard d’euros, contre une provision budgétaire de 450 millions d’euros seulement en loi de finances initiale.

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Mais la véritable inquiétude concerne les exercices suivants, et tout particulièrement l’année 2015. En effet, il paraît désormais certain que la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz, pour des raisons d’ordre technique et économique à la fois, ne pourra pas avoir lieu avant, au mieux, la fin 2015. Il manquerait donc, au moins, 1,5 milliard d’euros de REX en 2015 ; et il n’est pas assuré que cette ressource soit disponible, en 2016, au niveau prévu d’un milliard d’euros.

L’année prochaine s’annonce, de la sorte, extrêmement critique, car au défaut des REX devrait s’ajouter un report de charges de la mission « Défense » anticipé, pour la fin 2014, à hauteur de 3,3 à 3,4 milliards d’euros, dont 2,4 milliards sur le programme 146. Les objectifs capacitaires de la LPM, et ceux de notre base industrielle et technologique de défense, pourraient se trouver gravement compromis par cette situation. D’ailleurs, dans ce contexte d’incertitude, la DGA, depuis mai dernier, a déjà gelé ses engagements, notamment pour les programmes M51-3 et Barracuda ; et le lancement des programmes MRTT et Scorpion reste en attente.

Des propositions de solutions ont été avancées par le ministère de la défense. Elles consistent dans la capitalisation, à partir du produit de cessions de participations financières de l’État, d’une société « ad hoc », qui achèterait le matériel militaire en vue de le louer au ministère, suivant un mécanisme dit de « sale and lease back ». Mais ces propositions se heurtent pour le moment, vu du ministère chargé des finances, à l’inconvénient d’une dégradation de l’endettement public que le dispositif impliquerait, du fait des règles comptables d’Eurostat.

Une mission administrative, conduite par l’Inspection générale des finances (IGF) et lui associant l’Agence des participations de l’État, le Contrôle général des armées et la DGA, a été mise en place le 13 juin dernier, en vue de proposer des scénarios permettant de garantir un niveau de REX suffisant, dès 2015, qui resteraient neutres pour les comptes publics. Cette mission a émis dans son rapport d’étape, le 30 juin, un avis « très défavorable » au projet du ministère de la défense. Cependant, pour l’heure, aucune autre solution ne se fait jour. La mission doit rendre son rapport final avant le 15 juillet prochain. Il faut en espérer des propositions constructives ! Notre commission sera particulièrement vigilante pour exiger qu’une solution soit trouvée et que l’intégralité de la LPM soit respectée.

M. Daniel Reiner, rapporteur. – Le Président Carrère a rappelé le modus operandi de notre contrôle et il vient d’en présenter, en synthèse, les résultats. Les perspectives qui s’en dégagent – et surtout l’absence de perspectives, en tout cas en ce qui concerne l’année 2015 – ne laissent pas de préoccuper les rapporteurs du programme 146, comme elles préoccupent la DGA.

Je rappelle, en effet, que la programmation des REX sur la période 2015-2017, soit 3,9 milliards d’euros, correspond à environ 20 % de l’ensemble des crédits prévus pour les principaux programmes d’armement sur ces trois années. Que se passera-t-il si, en 2015, faute de mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz, il manque 1,5 milliard d’euros, alors même que le report de charges, comme cela a été indiqué, fait l’objet d’une évaluation, pour la fin 2014, de 3,3 à 3,4 milliards d’euros, dont les deux tiers sur le programme destiné à l’équipement des forces ? La réponse est déjà donnée par l’attitude de prudence de la DGA, qui a stoppé ses engagements, pour les programmes M51-3 et Barracuda notamment, en attendant d’y voir plus clair. Ce gel, bien sûr, s’il devait se prolonger, comporterait des conséquences, tant pour le développement de nos capacités stratégiques que pour le maintien de l’activité des bureaux d’étude et, entre autres, celle des

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sous-traitants. Les petites et moyennes entreprises, à Eurosatory, se sont déjà faites l’écho, auprès de nous, des inquiétudes du secteur.

C’est pourquoi je crois que notre commission doit exprimer le maintien de la mobilisation parlementaire à cet égard, dans la perspective notamment des débats qui se tiendront à l’automne prochain sur le projet de loi de finances pour 2015 et sur le budget triennal pour les années 2015-2017. Pour l’instant, je m’attacherai à présenter en détail la situation des prévisions de REX à venir du PIA et des produits de cessions immobilières.

La LPM prévoit que le budget de la défense bénéficie d’une partie du nouveau PIA qui a été annoncé en juillet 2013 par le Premier ministre et qui est financé, notamment, par le produit de cessions de participations de l’État dans des entreprises. À cet effet, le programme 402, qui constitue la déclinaison du PIA pour la mission « Défense », a été créé par la loi de finances initiale pour 2014 et a été doté de 1,5 milliard d’euros. À cette première dotation, le PLFR en cours d’examen au Sénat prévoit d’ajouter 250 millions d’euros. Ces nouveaux crédits sont intégralement financés par un redéploiement des crédits disponibles du premier PIA.

Cette dernière mesure, comme l’a signalé le Président Carrère, constitue une mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par l’article 3 de la LPM. Je rappelle que cette disposition permet d’augmenter le montant des REX, dans la limite de 500 millions d’euros, si la soutenabilité financière de la trajectoire des investissements de la défense apparaît compromise avant la première actualisation de la programmation – une actualisation que la LPM prévoit comme devant intervenir « avant la fin de l’année 2015 ». L’activation de cette sauvegarde est consécutive aux annulations de crédits prévues par le PLFR pour la mission « Défense », à hauteur de 350 millions d’euros, au titre de l’effort de l’ensemble des ministères en faveur des finances publiques – soit 1,6 milliard d’euros, hors réduction de la charge de la dette –, dont la mission « Défense » assume ainsi le cinquième.

Pour le ministre de la défense, suivant les propos qu’il a tenus devant notre commission lors de son audition du 24 juin dernier, le principe est acquis de l’attribution de 500 millions d’euros supplémentaires à son budget. Une seconde tranche de 250 millions d’euros devrait donc être ouverte, a priori en 2014. Cependant, du point de vue de la direction du budget, tel qu’il a été exprimé lors du contrôle, cette nouvelle ouverture de crédits se trouve subordonnée à la possibilité d’une imputation sur les dépenses du PIA, par un redéploiement qui resterait sans impact, en particulier, sur le déficit et la dette publics au sens « maastrichien ».

Or cette imputation s’avère problématique, compte tenu des critères d’éligibilité au PIA. En effet, ces critères, notamment, prohibent l’autofinancement et imposent donc de recourir à des opérateurs de l’État. De ce fait, en ce qui concerne la mission « Défense », le PIA, en pratique, ne peut financer que des programmes pris en charge soit par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), soit par le Centre national d’études spatiales (CNES). Actuellement, avec 1,5 milliard d’euros en loi de finances initiale augmentés de 250 millions d’euros dans le PLFR, l’ensemble des projets du CEA et du CNES qui pouvaient prétendre à être financés par le PIA paraît avoir déjà été couvert.

Des réflexions sont en cours, cependant. Le ministère de la défense cherche d’abord à permettre la complète application de la clause de sauvegarde, par l’ouverture de 250 millions d’euros à nouveau, d’ici la fin de l’année 2014. On prospecte également un moyen pour pallier le décalage de calendrier prévu pour l’encaissement du produit de la mise

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aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz. Mais, pour le moment, ces réflexions paraissent peu fructueuses.

En premier lieu, la DGA tente d’identifier, au CNES et au CEA, de nouveaux programmes innovants éligibles au PIA. On a cherché du côté du projet MUSIS, qui tend à réaliser le futur système européen d’observation spatiale militaire, et qui se trouve déjà bénéficiaire du PIA. On a cherché, d’autre part, du côté des travaux sur le sous-marin nucléaire Barracuda. Ces deux éléments, s’ils venaient à être inscrits au PIA, ne représenteraient, au total, qu’un montant de 191 millions d’euros ; mais ce serait déjà cela...

En second lieu, les possibilités de réviser le statut de la DGA, en la dotant de la personnalité morale, sont actuellement à l’étude. Cette nouvelle organisation pourrait permettre à la DGA, devenue opérateur de l’État, de mettre en œuvre elle-même les ressources du PIA. La piste fait partie de celles qu’étudie la mission pilotée par l’IGF, citée tout à l’heure par le Président Carrère. Mais la réflexion, à cet égard, semble peu avancée. À preuve, le document qui a servi de support à la présentation à Matignon, le 1er juillet dernier, du rapport d’étape de la mission : sous un intitulé « Le changement de statut de la DGA », la page est restée blanche...

En conclusion sur ce point, sauf propositions de cette mission dans son rapport attendu pour le 15 juillet prochain, il paraît peu probable que les ressources du PIA alimentent les REX au-delà des 1,75 milliard d’euros aujourd’hui prévus pour 2014.

J’en viens à présent aux recettes immobilières. Comme vous le savez, la LPM prévoit que l’intégralité du produit des cessions immobilières réalisées sur la période de 2014 à 2019 par le ministère de la défense sera reversée au budget de celui-ci.

Pour 2014, lors du vote de la loi de finances initiale, on escomptait 206 millions d’euros de recettes en la matière. Il n’y a plus guère d’inquiétude à cet égard : les ressources immobilières prévues pour le ministère de la défense, cette année, paraissent devoir être au rendez-vous au niveau attendu, et même au-delà. En effet, à la date du 17 juin dernier, lors de notre déplacement à Bercy, 192 millions d’euros étaient déjà acquis. Il faut d’ailleurs souligner que, sur ce total, 137 millions d’euros résultent de la vente de l’ensemble dit « Penthemont-Bellechasse », situé rue de Bellechasse, à Paris, dans le VIIe arrondissement. Cette opération a constitué une réussite financière, puisque le site avait été estimé à 77 millions d’euros, soit 60 millions de moins que le prix finalement réalisé. Il est vrai que le ministère, d’ici son déménagement prévu en juin 2015, devra acquitter au nouveau propriétaire un loyer de l’ordre de 6,5 millions d’euros.

Pour 2015 et 2016, en revanche, un aléa demeure si l’on considère les trois cessions majeures, toutes à Paris, qui sont envisagées. La caserne de la Pépinière, rue Laborde, dans le VIIIe arrondissement de la capitale, sera cédée sur le marché. L’hôtel de l’Artillerie, place Saint-Thomas d’Aquin, dans le VIIe arrondissement, dont l’acquisition intéresse SciencesPo, pourrait perdre de sa valeur du fait de l’obligation de réaliser des logements sociaux, comme le plan de sauvegarde et de mise en valeur de l’arrondissement, en cours d’élaboration, devrait l’imposer. Enfin, l’îlot dit « Saint-Germain », situé dans le VII e arrondissement également, qui donne à la fois sur la rue Saint Dominique, la rue de l’Université et le boulevard Saint-Germain, et qui constitue un ensemble exceptionnel – plus de 50.000 m2 de superficie de plancher, sans compter des sous-sols qui paraissent valorisables –, fait également l’objet d’estimations variables, selon les hypothèses du taux de

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logements sociaux obligatoires. Du reste, la détermination du périmètre de cette cession est encore à arrêter.

M. Yves Pozzo di Borgo. – La Ville de Paris, si elle donne suite à ses intentions de réaliser des logements sociaux sur ces sites, risque de faire perdre beaucoup d’argent au budget de la défense !

M. Daniel Reiner, rapporteur. – En tout cas, il serait optimiste de croire que toutes les REX immobilières prévues par la LPM pour 2015 et 2016 sont assurées. Les bonnes surprises, comme celle de la vente de l’ensemble « Penthemont-Bellechasse », sont toujours possibles, mais elles ne sont pas garanties ! Or les deux prochaines années, notamment 2015, on l’a dit, constituent une période critique, compte tenu de l’indisponibilité d’ores et déjà anticipée des recettes hertziennes. Mais je laisse à notre collègue Jacques Gautier le soin d’exposer cet aspect.

M. Jacques Gautier, rapporteur. – Comme nous le savons depuis notre vote sur la LPM 2014-2019, ce texte repose sur une trajectoire financière fragile, qui fait le pari que seront au rendez-vous, d’un côté, les REX et, d’un autre côté, les exportations d’armements. Je ne m’attarderai pas, ici, sur ce second point.

Pour ce qui concerne les REX, l’exercice 2014 ne paraît pas trop inquiétant, mais il en va tout différemment des exercices suivants, et particulièrement de 2015, pour lesquels se pose le problème du défaut annoncé des recettes liées aux fréquences hertziennes.

En la matière, comme cela a été rappelé, la LPM prévoit l’affectation au budget de la défense, d’une part, du produit des redevances versées, par les opérateurs privés, au titre des cessions déjà réalisées – ce qui concerne notamment les fréquences utilisées par la technologie « 4G » –, et, d’autre part, les recettes attendues de la mise aux enchères de la bande de fréquences des 700 MHz, aujourd’hui attribuée aux chaînes de télévision et qui devrait l’être, dans l’avenir, à la téléphonie mobile.

S’agissant des redevances des fréquences déjà cédées, l’encaissement de 11 millions d’euros a été prévu dans la loi de finances initiale pour 2014. Cette prévision est conforme au plus raisonnable scénario de déploiement des opérateurs dans les bandes « 4G », établi par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), soit un déploiement linéaire jusqu’au 1er janvier 2020. Cependant, la récupération de ces 11 millions d’euros reste subordonnée aux modalités de calcul des redevances dues, par les opérateurs, sur leur chiffre d’affaires lié à l’utilisation de la technologie 4G, et à celles de la perception des redevances, que doivent déterminer l’ARCEP et la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Sous la même réserve, le produit des redevances hertziennes reçu au titre de REX pour l’exécution de la LPM est aujourd’hui prévu pour s’établir, en 2015, à hauteur d’une vingtaine de millions d’euros et, en 2016, d’une trentaine de millions d’euros.

S’agissant de la mise aux enchères de la bande des 700 MHz, l’avenir dépend des décisions que doit prendre la Conférence mondiale des radiocommunications programmée en novembre 2015. Dans ce cadre, deux questions fondamentales doivent être tranchées : à partir de quand l’usage des fréquences de la bande des 700 MHz sera-t-il autorisé, en Europe, pour la téléphonie mobile, et sur quelle largeur de spectre de fréquences exactement cette autorisation sera-t-elle donnée ? Une fois ces aspects réglés par la Conférence mondiale, le choix de chaque État concerné, y compris celui de la France, se trouvera encore contraint par

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le choix des pays frontaliers, compte tenu de possibles effets de brouillage tant que les fréquences en cause seront utilisées, dans ces pays, pour la télévision.

Les recettes de ce transfert de fréquences au secteur des télécoms, ainsi que l’a souligné le Président Carrère, constituent l’essentiel des prévisions de REX pour la mise en œuvre de la LPM dans les années 2015 et suivantes : elles en représentent de 80 à 90 % entre 2015 et 2017 et, notamment, 1,5 milliard d’euros en 2015. Or, dans le contexte international précité, et compte tenu notamment de la nécessité technique de réaménager les fréquences aujourd’hui occupées par la télévision, l’Agence nationale des fréquences, au début de l’année 2013, a estimé que la mise aux enchères de la bande des 700 MHz, pour la réattribution de celle-ci à la téléphonie mobile, ne pourrait pas intervenir avant 2017. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, de même, considère que trois ans sont nécessaires pour libérer les fréquences. Une note émanant du ministère de la culture et de la communication, en juin 2013, a même retenu l’hypothèse de cette libération, par la télévision, en 2019 seulement. Les documents que nous avons recueillis font apparaître que la direction du budget était informée et consciente de ces estimations de calendrier dès le premier trimestre 2013.

À la même époque, le ministère délégué chargé de l’économie numérique, relevant du ministère du redressement productif, a envisagé une mise aux enchères de la bande des 700 MHz avant la disponibilité effective de celle-ci pour la téléphonie mobile. Mais ce projet s’est heurté à l’analyse de la direction du budget, qui a fait valoir les difficultés juridiques et techniques soulevées par une opération tendant à anticiper, d’une part, sur la décision de la Conférence mondiale de novembre 2015 et, d’autre part, sur la libération réelle des fréquences, eu égard au problème des pays frontaliers. En outre, une mise aux enchères avant que les fréquences soient disponibles ferait courir le risque de moindres recettes de cession. Dans la conjoncture économique actuelle du secteur, en cours de consolidation, il est estimé, au demeurant, que les opérateurs de téléphonie n’ont ni l’appétence, ni les moyens, d’investir dans de nouvelles fréquences.

Le lancement de la procédure d’attribution de la bande des 700 MHz n’a pas encore été décidé. La Conférence mondiale devant se tenir en novembre 2015, il faudra sans doute attendre au moins la fin de l’année 2015 pour procéder à la mise aux enchères.

En vue de remédier à ce décalage d’encaissement des produits de cessions hertziennes et à la rupture d’alimentation des REX qu’il induit en 2015 voire en 2016, le ministère de la défense, dès la préparation de la LPM, a esquissé un scénario prévoyant de mobiliser le produit de cessions de participations dans des entreprises publiques. Ce scénario tient compte du fait que la LOLF, en principe, interdit que des cessions de participations financières de l’État couvrent les dépenses de missions du budget général. Le dispositif consisterait d’abord à vendre des titres détenus par l’État puis à investir dans une société « ad hoc », également appelée « société de projet » ou « SPV » (pour « special purpose vehicle ») ; la société ainsi dotée réaliserait l’achat des équipements militaires nécessaires, et les louerait au ministère de la défense, jusqu’à ce que la disponibilité des ressources provenant de la cession de fréquences autorise le rachat des équipements par le ministère.

Ce schéma de « sale and lease back » imite des modèles de mise à disposition de matériel en usage dans le secteur privé. Il pourrait être répété sur plusieurs véhicules : ont ainsi été envisagés, à ce jour, non seulement une société d’objet général, mais aussi deux entités spécifiques, la première pour la location de frégates et la seconde pour la location d’avions A 400 M.

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De la sorte, il serait possible de sécuriser le niveau des ressources prévu par la LPM pour 2015 et 2016, et donc la trajectoire de dépenses pour l’équipement des forces. Toutefois, dès le mois de mars 2013, la direction du budget s’est montrée réticente à l’égard de la proposition du ministère de la défense, pour l’essentiel dans la mesure où celle-ci, du fait des règles comptables d’Eurostat, conduirait à dégrader la dette et le déficit publics.

En effet, d’un côté, le type de société « ad hoc » envisagé, compte tenu de ses caractéristiques probables – nécessaire contrôle par l’État, activité ne s’inscrivant pas sur un marché –, devrait être considéré, en comptabilité nationale, comme relevant de la catégorie des administrations publiques (« APU »). Or la valeur totale des équipements militaires qui serait achetés par cette nouvelle administration, en vue de les louer au ministère de la défense, devrait être comptabilisée en dépense, au sens « maastrichien », alors que le produit de la cession de participations financières ayant permis la dotation de la ou des sociétés, au plan comptable, ne pourrait être traité en recette, et donc ne pourrait venir équilibrer ladite dépense.

D’un autre côté, dans la mesure où Eurostat considère que les locations d’équipement militaire constituent, au sens comptable, des locations financières, lesquelles impliquent, dès la mise à disposition des équipements en cause, la contraction d’une dette par le bailleur, la location par le ministère de la défense du matériel acquis par la ou les sociétés de projet, chaque année de location, impacterait la dette publique. Le mécanisme affecterait également la norme de dépense de l’État puisque, pour financer le loyer du matériel, une dépense budgétaire devrait être engagée à partir de la mission « Défense ». Ce dispositif, en outre, pourrait comporter le risque de renchérir les taux d’intérêt auxquels l’État français emprunte sur le marché.

La mission que conduit l’IGF se trouve désormais chargée de proposer des scénarios alternatifs pour dégager les ressources suffisantes à l’exécution de LPM, en attendant que le produit des cessions hertziennes puisse être encaissé, tout en veillant à ménager l’état de nos comptes publics. La date de création de cette mission « de crise », le 13 juin dernier, paraît d’ailleurs bien tardive, pour résoudre une difficulté majeure dont les paramètres s’avèrent identifiés depuis le premier trimestre 2013 au moins, et dont les enjeux sont clairement posés depuis le bouclage financier de la LPM… Je rappelle que le projet de cette loi a été déposé au Sénat en août 2013 et voté en décembre 2013 par le Parlement !

La mission, comme cela a été indiqué, a déjà émis un avis fortement défavorable au montage proposé par le ministère de la défense. Elle a en effet relevé les nombreuses impasses du dossier, sous les aspects juridique, comptable et économique. Je rejoins le Président de notre commission pour dire qu’il est impératif, à présent, que des contre-propositions plus constructives émanent du travail de cette mission, d’ici son rapport final attendu pour le 15 juillet prochain. Mais ne faudrait-il pas, aussi, envisager d’avancer la première actualisation de la LPM ?

M. Christian Cambon. – Je tiens à féliciter nos collègues pour l’initiative de ce contrôle « sur pièces et sur place ». Leur travail met en lumière les incertitudes qui pèsent sur la trajectoire financière prévue par la LPM. Celles qui concernent les recettes hertziennes sont importantes ; mais celles qui touchent à l’immobilier le sont également. Sans même évoquer l’obligation de réaliser du logement social, qui déprécie la valeur des biens à vendre, il ne faut pas perdre de vue que le parc immobilier du ministère de la défense est un patrimoine en mauvais état.

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Dans ce domaine, je m’interroge sur la pertinence de conserver l’hôtel de Brienne dans la propriété de l’État. Puisque la France disposera bientôt, sur le site Balard, de son « Pentagone », ne faut-il pas être plus conséquent ? Je crois qu’un ministre doit se trouver auprès de son administration, et l’hôtel de Brienne serait sans doute l’objet d’une vente profitable pour le budget de la défense.

M. Jeanny Lorgeoux. – La notion même de REX implique une certaine incertitude. De fait, on constate aujourd’hui qu’en 2015, et au-delà peut-être, le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences des 700 MHz ne sera pas disponible. Nous voici confrontés à nos responsabilités politiques !

Le système de « sale and lease back » proposé par le ministère de la défense en guise de parade au décalage de calendrier de l’encaissement des recettes hertziennes, c’est tout bonnement le recours à de l’endettement. Il n’y a peut-être pas d’autre solution, si l’on veut tenir les objectifs stratégiques et industriels de la LPM sur la période 2014-2019 ?

M. Jean-Louis Carrère, président. – Nous savons depuis le début que la trajectoire de cette LPM est particulièrement précaire. Le rôle de notre commission me paraît être de soutenir l’équilibre financier qui a été voté avec ce texte, et d’éviter l’arrêt des programmes d’armement. Autrement, le ministre de la défense ne pourra pas garantir un format d’armée qui permette au Président de la République de mettre en œuvre ses ambitions stratégiques pour la France. Nous ne pouvons donc pas accepter un décalage dans la programmation des ressources de la mission « Défense ». Il en va du rang de notre pays sur la scène mondiale, et du devenir de nos industries.

M. Yves Pozzo di Borgo. – Pour trouver les meilleures solutions au problème du différé d’encaissement des ressources hertziennes et au manque de REX nécessaires pour la mise en œuvre de la LPM, je pense que la mission pilotée par l’IGF devra s’appuyer sur l’analyse du Contrôle général des armées.

M. Gilbert Roger. – Il était temps que le Gouvernement se préoccupe de ce problème ! J’espère que les difficultés techniques décrites par nos collègues rapporteurs ne lui serviront pas de prétexte pour revoir à la baisse les objectifs de la LPM, d’ici à 2019…

M. Jacques Gautier, rapporteur. – Le coût du travail dans les entreprises françaises représente une difficulté supplémentaire. Quand le coût horaire moyen d’un employé, au sein de tel grand groupe industriel, est de 58 euros en France ou de 57 euros en Allemagne, il n’est que de 28 euros en Espagne et de 18 dollars, aux États-Unis, dans l’Alabama.

M. Daniel Reiner, rapporteur. – La LPM a été votée. Une difficulté se présente aujourd’hui pour l’application de cette loi : il appartient au Gouvernement d’en proposer les voies de résolution.

M. Jean-Louis Carrère, président. – Je propose qu’un communiqué de presse soit diffusé, au nom de notre commission et en concertation avec nos collègues députés membres de la commission de la défense, témoignant de notre vigilance commune quant aux solutions que le Gouvernement devra, en effet, trouver, en vue d’assurer le plein respect de la LPM sur la période 2014-2019 et d’atteindre les objectifs, tant capacitaires qu’industriels, qui lui sont attachés.

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La réunion est levée à 18 h 45.

Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

La réunion est ouverte 9 h 30

Evolutions stratégiques des Etats-Unis : quelles conséquences pour la France et pour l'Europe ? - Examen du rapport d’information

M. Jean-Louis Carrère, président. – Chers Collègues, marqués par un engagement militaire important - le plus important depuis le Vietnam - en Afghanistan et en Irak, par une crise économique sans précédent depuis la Grande Dépression des années 1930 et par une division politique profonde, les États-Unis doutent.

La chute du mur de Berlin les avait laissés seuls, sans adversaire à leur taille et surtout sans adversaire proposant une autre vision du monde. D’aucun parlait d’un monde unipolaire et d’un hégémon américain fondé sur les principes de l’économie libérale et les droits de l’homme, sur la puissance du dollar et sur une force militaire qui gendarmerait le monde.

Le 11 septembre 2001, la réalité d’une menace asymétrique, non étatique, a été douloureusement perçue, suscitant une réaction vigoureuse, surdimensionnée peut-être, pour réaffirmer la force des États-Unis, mais cette réaction les a affaiblis sur le plan humain, sur le plan moral, sur le plan militaire et sur le plan économique.

D’où cette volonté du président Obama de reconstruire la Nation et, dans un second temps, de penser à l’expression de son rôle sur la scène internationale, à sa mission et aux modalités d’usage de sa force.

Dans ce contexte, il offre une vision renouvelée du rôle des États-Unis sur le plan international. Vision renouvelée mais loin d’être partagée. Celle d’un président en proie aux critiques d’un Congrès polarisé comme jamais. Une vision encore un peu floue, qui se dessine à travers des déclarations, des documents et des actes, mais qui, surtout, doit composer avec la réalité brutale de l’actualité internationale au prix de nombreuses contradictions et avec l’inertie propre aux énormes appareils diplomatique et de défense américains. Vision qui contraste avec celle à laquelle nous avait habitués la présidence de George. W. Bush, celle d’un interventionnisme musclé avec l’envoi de corps expéditionnaires nombreux, stratégie dont les résultats en Afghanistan, comme en Irak, sont pour le moins mitigés.

Cette vision, nous la présentons telle que nous l’avons perçue à travers les entretiens que nous avons conduits à Washington, à Norfolk et à Paris.

Dans un monde multipolaire qui se construit progressivement, les États-Unis redéfinissent leur place - une place compatible avec l’émergence d’autres puissances en devenir - et leur rôle : la « Nation indispensable » pour préserver la paix, prévenir les conflits et assurer la liberté de circulation qui doit influer par sa diplomatie, nouer des alliances, prendre part à la construction d’un droit international, mais qui ne peut tout faire : aux États concernés par les conflits et les crises d’assurer premièrement et pleinement leurs

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responsabilités. Les États-Unis n’ont pas renoncé à intervenir dans le monde, mais de façon plus réaliste, moins idéologique ; ils n’ont pas renoncé à façonner le monde mais par l’influence plus que par la force. Barack Obama dans son discours de West Point le 28 mai dernier ne déclarait-il pas : « avoir le meilleur marteau ne signifie pas que nous devons considérer tous les problèmes comme des clous ».

Enfin, le rééquilibrage des modes d’action se combine au rééquilibrage des priorités géographiques qui confirme une réorientation progressive vers l’Asie et le Pacifique. Les États-Unis prêteront plus d’attention et alloueront davantage de moyens à cette zone, ce qui ne signifie pas qu’ils se désintéresseront des autres parties du monde, notamment de celles où ils sont engagés.

Certains critiquent cette nouvelle attitude comme l’aveu d’une faiblesse qui enhardira les adversaires et dès lors inquiètera les partenaires et alliés. C’est sans doute tragiquement vrai sur le court terme. Il est moins sûr que cela le soit sur le long terme, car les États-Unis restent puissants et disposent d’autres moyens que la force brutale pour assouplir ce qui est raide et rendre droit ce qui est tordu. Mais il est vrai que la survenance de crises et la nécessité de les résoudre obligent parfois à des retours en arrière et à des contradictions par rapport à la vision initiale, l’impasse irakienne en fournit un édifiant exemple.

Confrontés à ces changements, les partenaires et alliés des États-Unis doivent se poser trois questions auxquelles nous essaierons de répondre au terme de cette analyse. Ce changement porté par le président Obama et son équipe est-il pérenne ? Quelles conséquences faut-il en tirer pour ajuster notre diplomatie et notre outil militaire ? Comment faire évoluer, dans ce contexte, nos alliances qu’il s’agisse de l’Union européenne et de l’OTAN ?

M. Robert del Picchia. – Les États-Unis ont payé un lourd tribut tant en vies humaines que sur le plan économique à leurs engagements en Irak et en Afghanistan. 2 500 000 hommes ont été déployés. Plus de 6 800 morts et de 52 000 blessés ont été dénombrés, sans compter les conséquences post-traumatiques sur les soldats concernés. De surcroît les deux guerres ont été financées par l’emprunt. Entre la charge des pensions et d’assistance médicale aux vétérans et celle de la dette, l’Amérique n’en a pas fini de payer un engagement dont le coût global se chiffre en milliers de milliards de dollars.

En outre, l’enchaînement des crises financières de 2007 et 2008 a fait entrer les États-Unis en récession entraînant la destruction de 8 à 9 millions d’emplois, une très forte baisse du patrimoine des ménages et une explosion des déficits publics. Si les États-Unis sont, depuis 2010, sortis de la crise, la reprise de l’économie demeure fragile. Comme l’a souligné Mme Christine Lagarde, "Les cicatrices de la récession sont encore visibles".

Lassée par des engagements militaires lourds et touchée par les conséquences de la crise, l’opinion publique revendique un recentrage de l’action publique sur les défis intérieurs et se montre rétive à tout envoi de soldats américains au sol.

Cette « war fatigue » justifie la promesse du candidat Obama en 2008 de mettre fin à ces deux conflits. Elle explique sa prudence dans la gestion des crises. Élu pour tourner la page des années G.W. Bush, il hésitera à engager des interventions militaires extérieures. Il optera assez systématiquement pour les voies diplomatiques afin de les résoudre et, si l’engagement militaire est nécessaire, pour des modalités destinées à en limiter l’ampleur et la durée.

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De fait, les questions internationales et de défense sont passées au second plan et en outre, elles ne sont plus épargnées par les blocages institutionnels auxquels les États-Unis sont confrontés.

Faut-il rappeler ce paradoxe ? Dans un système présidentiel, le Président, réduit à la fonction exécutive, ne peut agir sans l’accord du Congrès. Il n’a d’autre pouvoir que de « persuader » Représentants et Sénateurs ou de mettre un veto à leurs initiatives. La séparation stricte des pouvoirs ne fonctionne que si l’esprit de compromis prévaut. Or, les situations de blocages ont tendance à se multiplier et à s’ancrer dans la durée, au point de rendre plus visqueux ce système de gouvernance et parfois de le paralyser.

Cette situation résulte d’une polarisation partisane qui s’est accentuée. Les deux partis, Républicains et Démocrates, sont devenus plus homogènes que jamais, rassemblant pour le premier tous les conservateurs, dont les radicaux du Tea Party, pour le second, tous les progressistes.

En conséquence, le Président Obama, depuis 2010, doit faire face à une majorité républicaine à la Chambre des Représentants qui se durcit et qui pratique la surenchère idéologique. Les compromis nécessaires, pour faire aboutir les initiatives du Président et voter le budget annuel, sont difficiles à élaborer.

Cette situation a eu pour conséquence la fin d’une singularité qui préservait les crédits de la défense, notre collègue Alain Gournac y reviendra.

La « nouvelle stratégie » des États-Unis a été redéfinie dans ce contexte. Elle rappelle les intérêts des États-Unis qui constituent des invariants à savoir :

– la sécurité de la Nation, de ses alliés et de ses partenaires ;

– la prospérité qui découle d’un système économique international ouvert et libre ;

– un ordre international juste et soutenable dans lequel les droits et responsabilités des nations et des peuples sont respectés, particulièrement les droits humains fondamentaux.

Elle appréhende aussi les changements de l’environnement international. Elle est désormais fondée sur l’acceptation d’un monde multipolaire dans lequel les États-Unis devront cohabiter avec d’autres puissances mais continueront à demeurer la première. Ce leadership ne pourra être assumé que par un interventionnisme limité et par un rééquilibrage des moyens en fonction des enjeux.

Si le contexte géopolitique actuel reste assez favorable aux États-Unis, comparé à la situation de la Guerre froide, l’environnement sécuritaire est instable et les États-Unis distinguent plusieurs types de risques et de menaces pour les intérêts américains et ceux de leurs alliés :

– Les risques et menaces liés à l’affirmation de la puissance militaire de certains États importants. Dans la perception américaine, il ne s’agit pas de menaces directes contre les intérêts américains, mais d’affirmation de puissance qui inquiètent leurs alliés et troublent la stabilité internationale comme l’agression de la Russie contre d’anciens États soviétiques ou l’affirmation de la puissance maritime de la Chine.

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– Les risques et menaces liés aux actions d’États imprévisibles et qui se situent délibérément en marge du système international comme l’Iran et la Corée du nord qui aspirent à se doter d’armes nucléaires et de missiles balistiques et qui, de fait ou par leurs actions, menacent leurs voisins alliés des États-Unis

– L’évolution des menaces non-étatiques : terrorisme, criminalité organisée, particulièrement dans les États fragiles, avec une diffusion de la menace terroriste allant du Sahel à l'Asie du Sud.

– L’évolution des nouvelles formes de menaces dans un espace de combat aérien, maritime, spatial, et cybernétique, disputé, là où les forces américaines bénéficiaient jusqu’à maintenant d'une position dominante. Les États-Unis sont très sensibles à la préservation de la liberté de circulation maritime et aérienne et considèrent que des acteurs étatiques et non-étatiques posent des menaces potentielles pour l’accès à ces espaces communs par leur opposition aux règles existantes ou par des tentatives de dénis d’accès.

– Enfin, la prolifération des armes de destructions massives.

Pour préserver leurs intérêts, les États-Unis continueront dans les prochaines années à s’engager dans le monde et à y exercer leur leadership.

Cette conviction est étayée par la demande récurrente d’un engagement américain dans les affaires mondiales par les partenaires (européens ou asiatiques) tandis qu’aucune autre puissance ne saurait véritablement exercer un leadership alternatif. Ils demeureront donc la puissance indispensable pour assurer la paix et la stabilité.

Puissance indispensable, certes, mais raisonnable dans son engagement. « La question à laquelle nous faisons face, n’est pas de savoir si l’Amérique montrera la voie mais comment nous le ferons, dire que nous avons intérêt à promouvoir la paix et la liberté au-delà de nos frontières ne signifie pas que tout problème a une solution militaire.

Face aux crises, la prudence à toute épreuve affichée par le président Obama a conduit à définir un nouveau type d’engagement reposant sur une utilisation ordonnée et articulée des moyens diplomatiques et militaires. Cette doctrine tranche avec la doctrine « la paix par la force » mise en œuvre par le président George W. Bush lors de son premier mandat.

L’emploi de la puissance militaire n’est donc qu’un outil parmi d’autres. Son usage unilatéral s’impose quand les intérêts cruciaux l’exigent à savoir « lorsque notre peuple est menacé, lorsque nos moyens d’existence sont en jeu, lorsque la sécurité de nos alliés est en danger ».

En cas de menaces indirectes, la force militaire est outil ultime après épuisement des autres modalités «la barre pour une intervention militaire doit alors être placée plus haut. Dans de telles circonstances, nous ne devons pas agir seuls, mais plutôt mobiliser nos alliés et partenaires pour entreprendre une action collective. Nous devons élargir la gamme de nos outils pour y inclure la diplomatie et le développement, les sanctions et l’isolement, les appels au droit international et, si elle se révèle juste, nécessaire et efficace, l’action militaire multilatérale. »

Plusieurs exemples récents l’illustrent : Syrie, Iran, Mer de Chine, Ukraine.

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Cette combinaison des outils est mise en œuvre pour toutes les situations jusque et y compris la lutte contre la principale menace : le terrorisme. L’objectif de la nouvelle stratégie sera d’agir avec plus de souplesse et de discrétion, en s’appuyant sur des alliances et en renforçant les partenaires locaux, de limiter les risques de rejet par les populations et donc d’enracinement des terroristes dans le tissu social. Ces partenariats n’excluent pas une intervention militaire directe. L’Amérique n’a pas cessé d’intervenir militairement, elle le fait juste d’une autre manière et emploie des modes d’actions plus discrets à base de drones, de forces spéciales et de renseignement, ce qu’on a qualifié d’ « empreinte légère ».

Il en va de même des actions menées pour renforcer et faire respecter l’ordre mondial. On a vu ce « leadership en retrait » expérimenté dans l’épisode libyen en 2011. Cette nouvelle posture amène les États-Unis à insister sur le transfert d’une part des responsabilités et des financements aux alliés traditionnels, notamment au sein de l’OTAN mais aussi avec le Japon, la Corée du sud et l’Australie en Asie-Pacifique.

M. Alain Gournac. – La nouvelle stratégie américaine a une vision plus positive de l’action des organisations internationales et de l’usage du droit international. Barack Obama entend que les États-Unis participent à leur modernisation et pour lui, passer par des institutions internationales telles que l’ONU, ou respecter le droit international, n’est pas un signe de faiblesse.

Il a également une vision plus positive du droit comme outil de prévention des conflits que ses prédécesseurs. Son approche est cohérente, mais elle requerra que le Congrès la partage ce qui est loin d’être évident. Elle est fondée sur l’exemplarité des États-Unis, sa capacité à influencer le monde et à être un acteur en phase avec la communauté internationale.

Enfin le dernier élément du leadership américain est la disposition à agir au nom de la dignité humaine. On perçoit cet attachement dans l’attitude des États-Unis qui ont pu faire évoluer la situation des droits de l’homme en Birmanie, et sont très sensibles à celle de l’Égypte ou de la Thaïlande depuis les coups d’État.

Mme Josette Durrieu. – La stratégie des États-Unis, officialisée à l’automne de 2011, est présentée comme un pivotement vers l’Asie-Pacifique rendu possible par le désengagement d’Irak et d’Afghanistan et nécessaire par la croissance des intérêts américains dans cette zone. Cela n’empêche pas le maintien d’un engagement robuste pour la sécurité et la stabilité en Europe et au Moyen-Orient et d’une approche mondiale pour lutter contre le terrorisme.

Les États-Unis ont été de longue date engagés dans la zone Asie-Pacifique (60% de la population mondiale, 35% du PIB) qui restera dans les prochaines années celle où les taux de croissance devraient être les plus élevés. Il s’agit donc de mettre les États-Unis en position de profiter pleinement de sa dynamique La zone peut devenir une source de tensions fortes en raison de sa conflictualité potentielle qu’il s’agisse du développement d’armes de destruction massive et de missiles balistiques par la Corée du Nord, de la militarisation de la Chine et de ses voisins, des conflits latents en Mer de Chine, et des enjeux en termes de liberté d’accès et de circulation dans les espaces maritimes.

La stratégie du rééquilibrage vise à stabiliser la région en dissuadant la Corée du Nord qui demeure un État menaçant, en préparant et en accompagnant l’inéluctable montée en puissance de la Chine et sa capacité à défier dans le futur la puissance américaine, en établissant un réseau d’alliés et de partenaires dans sa périphérie et en l’impliquant davantage.

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Chine et États-Unis ont misé sur la paix et la stabilité de l’Asie de l’est et ont intérêt à bâtir une relation de coopération bilatérale. Malgré tout, la croissance de la Chine inquiète, et notamment, sur le plan militaire. Ses dépenses ont atteint en 2013 139 milliards de $ soit le deuxième rang mondial avec des taux de croissance annuels supérieurs à 10 % depuis 3 ans. Elle affirme sa puissance en Mer de Chine en revendiquant sa souveraineté sur des territoires contestés par ses voisins. À plus long terme, les États-Unis craignent que la Chine impose, par sa puissance, ses propres normes, notamment dans le commerce et dans le droit international

Les officiels américains considèrent que cette montée en puissance doit être accompagnée d’une plus grande transparence pour éviter des tensions et qu’il convient d’intensifier le dialogue stratégique sur le plus grand nombre de sujets pour la responsabiliser en tant qu’acteur régional, voir mondial. Le choix du positionnement américain face à la Chine par la recherche d’un bon équilibre entre coopération et endiguement sera décisif.

Pour les États-Unis, le maintien de la paix, de la stabilité, de la libre circulation et de leur influence dépendra aussi d’un équilibre sous-jacent de présence et de capacités militaires.

Le rééquilibrage se décline en un volet diplomatique avec l’approfondissement des alliances traditionnelles (Japon, Corée du sud, Australie, Philippines, Thaïlande) et le renforcement des relations avec les pays d’Asie du Sud-Est ; mais aussi avec le réinvestissement dans les instances comme l’ANASE et l’APEC et le lancement d’initiatives économiques comme la négociation d’un nouvel accord de libre-échange, le Trans-Pacific Partnership.

Cette activité s’accompagne d’une présence militaire plus importante. L’US Navy, dont plus de la moitié des bâtiments se trouvent déjà basés dans cette région, et l’US Air Force, ont reçu comme objectif une montée à 60 % à l’horizon 2020, avec de surcroît, un important renfort qualitatif. Un réseau de points d’appui dont la caractéristique sera d’accueillir des unités selon un système de rotation, en Australie, à Singapour et aux Philippines est en cours de constitution. À cela s’ajoute la décision de renégocier les grandes lignes directrices de défense avec le Japon et l’augmentation des forces stationnées à Guam.

Les États-Unis s’efforcent aussi d’impliquer davantage leurs alliés en soutenant la décision du Premier ministre japonais d’élargir les conditions d’emplois des forces d’auto-défense, en dotant les armées japonaise, coréenne et australienne de matériels de dernière génération, y compris, pour les deux premières, de systèmes de défense anti-missiles. De même, les partenariats de défense, notamment avec les Philippines, le Vietnam, Singapour ou la Malaisie, par un soutien accru en termes de formation ou des exercices conjoints se multiplient.

Le « rééquilibrage » en direction de l’Asie devrait se poursuivre, même si ce mouvement se heurte à plusieurs défis. Outre les problèmes de soutenabilité à long terme, l’instabilité persistante du Moyen-Orient ou la crise ukrainienne, qui requièrent un effort de réengagement des États-Unis, risquent de le compromettre alors que les réalisations sont demeurées jusque-là modestes au regard des ambitions affichées.

L’idée d’une relativisation de l’importance du Moyen-Orient, mise en exergue avec le retrait d’Irak en 2011 et celui programmé d’Afghanistan, doit être réfutée. Les États-Unis demeurent le principal acteur dans une région où leurs intérêts restent importants :

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– la lutte contre le terrorisme, d’abord ;

– la prolifération des missiles balistiques et des armes de destruction massive ensuite. Un risque élevé dans la région résulterait de l’acquisition d’une capacité nucléaire par l’Iran. L’Arabie saoudite pourrait alors être tentée d’acquérir sa propre capacité. Face à ce risque, l’administration américaine a lancé un « dialogue de sécurité », dont l’une des pierres angulaires est le renforcement des capacités de défense antimissile des pays du Golfe ; c’est aussi tout l’enjeu des négociations sur le programme nucléaire iranien ;

– mais aussi la libre circulation, compte tenu de l’importance de la région pour l’approvisionnement en hydrocarbures de l’économie mondiale ;

– et enfin la sécurité de la région, par le soutien des engagements avec les États partenaires et alliés, notamment celle du Golfe, et plus spécifiquement celle d’Israël qui reste l’allié privilégié, tout en œuvrant pour la paix israélo-palestinienne

Tenant compte de l’évolution des contextes, et depuis la période des Printemps arabes, le président Obama a opté pour une approche pragmatique privilégiant une stratégie au cas par cas et axée davantage sur le soutien aux réformes politiques et les investissements économiques que sur la dimension militaire.

Pour autant celle-ci reste conséquente avec le renforcement de la présence navale à Bahreïn et le maintien de 35 000 hommes dans la région. Par ailleurs, les pays de la région représentent d’importants marchés d’armement.

Plusieurs dossiers prioritaires impliquent plus particulièrement les États-Unis :

– en premier lieu le programme nucléaire iranien avec la relance des négociations avec l’Iran et la conclusion de l’accord intérimaire de Genève du 24 novembre 2013 ;

– en second lieu, le règlement du conflit israélo-palestinien considéré comme « central » pour la stabilité de la région mais qui reste bloqué malgré les efforts déployés par le secrétaire d’Etat John Kerry, au point que l’on peut s’interroger sur la volonté ou la capacité des États-Unis à imposer une solution aux parties prenantes ;

– en troisième lieu, la crise syrienne avec beaucoup d’atermoiements symptomatiques de la crainte des États-Unis d’être entraînés dans un conflit. Le renoncement à des frappes après l’attaque chimique d’août 2013 en est exemplaire. Les réticences demeurent, confortées par la progression de la menace terroriste.

Enfin, la crise irakienne qui implique de nouveau les États-Unis. Devant l’offensive spectaculaire de l’EIIL, le gouvernement Maliki a appelé les États-Unis à l’aide. Le Président Obama qui a rejeté d’emblée l’envoi de troupes combattantes au sol et s’est montré réservé jusqu’à maintenant sur des frappes aériennes, a répondu en envoyant 300 membres des forces spéciales pour conseiller l’armée irakienne et l’aider à reprendre l’offensive.

Cette situation place le président dans une situation délicate :

– à l’intérieur, ayant fait du retrait d’Irak un point fort de son premier mandat, il a été fortement critiqué par le camp républicain mais peut se prévaloir du soutien des démocrates, et surtout de l’opinion publique américaine ;

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– mais aussi à l’extérieur, se trouvant à front renversé de la Syrie.

Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis ne considèrent plus l’Europe comme le principal enjeu mondial. Des valeurs et une histoire partagées, mais aussi une Alliance pérenne assurent une relation de qualité. La montée en puissance d’autres régions du monde ne l’altère pas. Ce contexte ne remet pas en cause les engagements stratégiques réciproques, mais conduit à une réduction de la présence militaire américaine, les États-Unis considérant l’intensité réduite des menaces et les potentialités européennes pour y faire face. Toutefois, les récentes tensions avec la Russie, notamment la crise en Ukraine, obligent à une réévaluation de cette appréciation.

Depuis la chute de l’Union soviétique et à l’instar de leurs alliés européens, les États-Unis se sont efforcés de développer des relations plus fortes avec la Russie. Cette politique, qui a connu des accrocs, notamment à la suite du conflit russo-géorgien d’août 2008, s’est traduite notamment par la signature en 2009 d’un accord sur la réduction des stocks d’armes nucléaires « New START ». Avec le retour de Vladimir Poutine, les États-Unis ont tenté de la relancer mais une succession de difficultés ont empêché sa mise en œuvre.

La crise ukrainienne a parachevé la rupture et ouvre une situation de crise avec la suspension des coopérations, la mise en place d’une politique de sanctions et un soutien important à l’Ukraine. Toutefois, il n’y a pas déport vers le domaine militaire

Cette crise sera probablement durable et conduit les États-Unis à réévaluer leur politique même si le parallèle avec la « guerre froide » n’est pas d’actualité pour nombre d’interlocuteurs rencontrés qui doutent de la capacité de la Russie sur le long terme.

Pour autant, la nécessité d’un dialogue politique n’est pas mise en cause, aussi bien pour stabiliser la situation en Ukraine, que pour assurer la sortie des armes chimiques de Syrie ou aboutir à un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire.

La situation dans le voisinage méridional de l’Europe est aussi une source d’inquiétude pour les États-Unis avec le développement de l’instabilité politique dans les suites des « printemps arabes » et de l’activité des groupes terroristes en Afrique du Nord, dans le Sahel et au Moyen-Orient. Ils recherchent donc les voies d’une coopération plus active avec les Européens, pour aborder ces questions et coopérer sur le plan opérationnel.

Leur objectif est d’encourager les Européens à être producteurs de sécurité plus que consommateurs. Dans le droit fil de leurs nouvelles orientations de politiques extérieures, ils apprécient l’engagement de leurs alliés, comme ce fut le cas en Libye et au Mali. Satisfecit est donné à la France.

En revanche, ils sont inquiets s’agissant de leurs capacités futures à assurer leur défense avec la baisse des budgets de la défense dans la plupart des pays.

De même, s’inquiètent-ils de la faible résilience énergétique, commerciale et financière des États européens vis-à-vis de la Russie ce qui limite leurs capacités de sanctionner. À titre d’exemple, la volonté de la France de poursuivre la vente des BPC Mistral à la Russie dans le contexte de la crise russo-ukrainienne n’est pas très bien comprise outre-Atlantique.

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Nos interlocuteurs ont également souligné la force du message européen aux yeux de la Russie, lorsque les pays membres de l’Union européenne arrivaient à s’entendre sur une position commune.

La crise ukrainienne a fourni l’occasion, pour rappeler le caractère sacré de l’article 5 du Traité de l’OTAN. Ce rappel a été conforté par la mise en place de mesures de réassurance vis-à-vis des alliés orientaux.

Enfin, le renforcement des relations passe par la négociation d’un Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement dont le but est de relancer les échanges et donc la croissance sur les deux rives, mais aussi, en miroir du Traité TransPacifique, de poser un certain nombre de règles et de pratiques destinées à façonner le commerce international.

Quelques mots sur l’Amérique latine , qui était considérée comme l’arrière-cour des États-Unis et le champ de son influence pour le meilleur et pour le pire et ne semble plus être une priorité de sa politique étrangère. Le président Obama a souhaité la mise en place d’un nouveau partenariat fondé sur le respect mutuel. « The era of the Monroe Doctrine is over » Cette politique est critiquée pour son manque d’ambition et parce qu’elle a favorisé l’émergence de deux puissances régionales, le Brésil et le Venezuela, et permis à des puissances extérieures (Russie, Chine, Iran) d’être plus présentes.

Enfin, l’Afrique subsaharienne n’a jamais été placée en tête des priorités stratégiques américaines. On observe toutefois depuis un an et demi un regain d’intérêt mais avec deux limites : la sécurité de l’Afrique incombe d’abord aux Africains, tandis que les États-Unis privilégient une empreinte sécuritaire minimaliste. Ce cadre ainsi posé permet de saisir le positionnement des États-Unis à l’égard des opérations en cours en Afrique et de la coopération franco-américaine, qui pourraient constituer les prémices d’une nouvelle forme d’engagement en Afrique. Ce modèle s’inscrit dans la logique de partage des missions et responsabilités avec des alliés.

Dans leur nouvelle stratégie régionale, les États-Unis souhaitent recentrer leurs actions sur d’autres aspects mais dans la réalité, les enjeux sécuritaires s’imposent. Outre la gestion des conflits, la lutte contre les menaces transnationales (terrorisme, drogues, piraterie, prolifération nucléaire) constitue un impératif. La stratégie privilégie en conséquence une approche intégrée, dans laquelle l’assistance militaire est accompagnée d’un soutien aux institutions démocratiques, à la société civile, au développement et à la croissance économique.

M. Alain Gournac. – La nouvelle stratégie a été déclinée dans un document qui s’apparente à notre Livre blanc et qui fixe les grandes orientations dans le domaine militaire.

Ce document a été élaboré dans le contexte général, exposé par notre collègue Robert del Picchia, et qui a eu pour conséquence une réduction assez significative des crédits de la défense.

En effet, l’enjeu économique devenu prégnant, les projecteurs ont été braqués sur la croissance impressionnante du budget de la défense pendant les années 2000, laissant envisager des compressions significatives.

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Depuis 2010, les Républicains majoritaires à la Chambre ont réussi à inscrire à l’agenda politique la réduction des dépenses publiques. Protecteurs traditionnels des crédits de la défense par idéologie mais aussi parce qu'ils sont majoritaires dans les districts et les États du Sud des États-Unis où les industries de défense représentent une part significative de l’économie locale, ils ont néanmoins accepté, à la demande des démocrates, que la défense soit mise à contribution au même titre que les autres postes budgétaires. Le Budget Control Act de 2011 a ainsi opéré une coupe budgétaire décennale de 487 milliards de $ (environ 8% du budget de base de la défense) ; les opérations extérieures étant appelées à diminuer progressivement avec le retrait d’Irak et celui programmé d’Afghanistan. Mais cette loi a également établi un mécanisme de mise sous séquestre exigeant des coupes budgétaires supplémentaires d'environ 50 milliards de $ par an, dont la mise en œuvre a toutefois été reportée à 2016.

Au final, le budget pour 2015 devrait rester à un niveau voisin de 555 milliards de dollars, (il était de 691 milliards en 2011). La contrainte budgétaire sera donc l’une des difficultés majeures dans la mise en œuvre du rééquilibrage de l’outil de défense, à la fois parce que la transformation a un coût intrinsèque, mais aussi parce que les rapports de force politique au sein du Congrès n’ont pas permis de stabiliser un cadre budgétaire pluriannuel. C’est ce qui explique la tonalité inusitée de la Quadrennial Defense Review de 2014 qui apparaît aussi comme un avertissement et une mise en responsabilité du Congrès.

Néanmoins, et pour raison garder, on rappellera que les États-Unis sont, et de loin, la première puissance militaire du monde avec un budget qui représente encore 3 à 4 fois celui de la Chine, 8 à 9 fois celui de la Russie…..

La Quadrennial Defense Review (QDR) actualise la stratégie de défense des États-Unis, décrit les mesures prises en vue de rééquilibrer les principaux éléments des forces interarmées dans un environnement changeant et met en valeur la réforme de l’organisation afin de maîtriser la croissance des coûts internes.

Les documents de stratégie confirment :

– l’abandon du paradigme des deux guerres majeures simultanées ce qui se traduira par une réduction de format et une baisse des effectifs de l’Armée de terre et des Marines,

– l’abandon de la contre-insurrection et du « nation building » en faveur d’une stratégie anti-terroriste marquée par l’usage des forces spéciales, des drones et du renseignement. Contre les acteurs non-étatiques autre que les terroristes en réseaux, le Pentagone privilégie l’assistance et la formation des armées locales, le soutien, la fourniture d’armement avec une efficacité qui reste à évaluer ;

– le maintien en revanche d’une double capacité pour faire face aussi bien aux guerres régulières et interétatiques qu’aux guerres « irrégulières » contre des acteurs non-étatiques terroristes, contre des ennemis de plus en plus sophistiqués, avec un approfondissement doctrinal notamment pour lutter contre le déni d’accès et l’interdiction de zone, un accent sur la Marine et l’Armée de l’Air, un investissement massif dans les technologies à haute valeur ajoutée et la R&D afin de conserver un ascendant ;

– l’implication des alliés et des partenaires (en particulier en Asie et au Moyen-Orient) pour faire face aux problèmes de sécurité régionale, ce qui constitue un changement

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d’approche majeur, l’image d’une Amérique capable d’agir seule et partout dominait jusqu’alors.

Il s’agit aussi de rééquilibrer géographiquement et la stratégie de défense accompagne naturellement le « pivotement » vers l’Asie-Pacifique.

L’innovation est un axe central.

De nouveaux paradigmes de présence ont été identifiés, y compris un éventuel positionnement de forces navales supplémentaires en déploiement avancé dans des zones critiques, ainsi que le déploiement de nouveaux ensembles de bâtiments, de moyens aériens, de forces terrestres alignées régionalement ou par rotation, et de forces de réaction aux crises, tout cela dans l'intention de maximiser les effets tout en minimisant les coûts.

La QDR 2014 assure la protection des capacités essentielles à l'appui de la stratégie : cyberespace, défense antimissile, dissuasion nucléaire, espace, capacité aéro-maritimes, frappe de précision, renseignement, surveillance et reconnaissance, lutte contre le terrorisme et opérations spéciales avec la montée à 69 700 personnes des effectifs des Forces d'opérations spéciales.

Il s’agit de rééquilibrer les compétences, les capacités et la disponibilité opérationnelle au sein de la force interarmées et, en conséquence, de restructurer le format des Armées. Sa taille se réduira dans les cinq prochaines années mais elle deviendra également progressivement plus moderne et plus agile et sa disponibilité opérationnelle devrait s’améliorer.

M. Jean-Louis Carrère. – Au terme de cet exposé, nous en venons à notre questionnement initial. Cette stratégie est-elle pérenne ?

Notre réponse est : « en partie».

D’abord, elle est critiquée par une partie des élites. Emblématique d’une politique étrangère jugée «faible», la gestion des crises par B. Obama aurait enhardi les adversaires, inquiété les alliés et mis Washington en position réactive. D’aucuns s’inquiètent d’un affaiblissement de la crédibilité de la parole du président et de la capacité de dissuasion des États-Unis.

La confrontation de la vision et des modes d’action à la réalité montre bien l’écart entre le champ du souhaitable et le champ du possible ; car l’agenda international des États-Unis est en partie dicté par l’extérieur.

Pour autant, la retenue du président face au risque d’enlisement dans de nouveaux conflits est saluée par la majorité d’une opinion publique de plus en plus centrée sur les problèmes intérieurs et, sauf forte dégradation de la situation internationale, cela risque de durer encore quelques années, limitant les capacités d’engagements militaires extérieurs.

Toutefois, l’évolution des déterminants internes pourrait redonner des ambitions à la politique américaine, notamment la sortie progressive de la crise économique et l’acquisition de l’autosuffisance énergétique grâce à l’exploitation des schistes. Les États-Unis seront même en mesure d’exporter une partie de leur production, ce qui est un avantage économique et un renforcement de puissance. En revanche, l’utilisation directe des ressources énergétiques comme un outil diplomatique s’avère plus problématique, même si cela donne

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d’ores et déjà des marges de manœuvre pour mettre en place un embargo sur les exportations de pétrole de l’Iran par exemple et permettra aux États-Unis de s’extraire de la dépendance d’un pays fournisseur pour mener une diplomatie plus équilibrée ou soutenir tel ou tel pays.

Restent les facteurs de blocage politique. Les mid-terms de novembre prochain permettront peut-être aux Républicains de conquérir la majorité au Sénat. Dans cette hypothèse, il faut s’attendre à des difficultés pour le président à faire accepter des projets de traité multilatéraux et à l’imposition de conditions plus fortes pour l’attribution des aides extérieures. Le président sera dans l’obligation de parvenir à des compromis. Paradoxalement, on peut s’attendre à ce que certaines questions comme celle des traités de libre-échange ou celle du budget de la défense soient plus faciles à négocier. Dans les deux cas, ce sont en effet les démocrates qui ont exprimé les plus fortes réticences.

S’agissant de l’échéance de 2016, deux facteurs suscitent un examen attentif. Dans le camp démocrate, la sortie du livre de l’ancienne Secrétaire d’État, Mme Hillary Clinton, préfigure son éventuelle candidature. Dans l’hypothèse de son élection, la politique extérieure des États-Unis poursuivra une voie proche de l’actuelle, mais avec probablement un investissement plus important.

Dans le camp républicain, plusieurs paramètres doivent être pris en considération. Le premier est que les candidats potentiels se sont peu exprimés sur des questions de politiques étrangères et de défense. Le second est que le parti républicain est traversé de différentes écoles de pensée qui influencent les politiques menées par les présidents. Le troisième est la place accordée à l’allié israélien qui constitue un marqueur de la politique étrangère républicaine.

Quels que soient les résultats des prochaines échéances et sauf « surprises stratégiques », certaines grandes tendances semblent devoir marquer les prochaines années et être appréciées, à la nuance près, comme des invariants de la politique étrangère américaine.

L’engagement en Asie est une tendance de long terme qui n’est pas près de s’effacer, mais les États-Unis resteront engagés au Moyen-Orient et en Europe. Il y a une interconnexion de plus en plus grande entre les questions dans le monde qui rend impossible à une puissance de la taille des États-Unis de limiter sa présence, son influence et son intervention. Reste la question de la soutenabilité de cet effort et sur ce point les États-Unis seront sans doute plus exigeants à l’égard de leurs alliés pour prendre en charge leur défense. Enfin, en compensation du repli stratégique, la diplomatie économique américaine prend un relief inhabituel

Ceci nous amène à nos dernières questions. Quelles conséquences pour la France, l’Europe et l’OTAN ?

La stratégie américaine appelle à donner plus de poids aux alliés et aux partenaires dans une logique de partage accru des responsabilités. La France est en mesure d’exprimer une vision stratégique indépendante et de s’impliquer dans la gestion globale des crises. Elle dispose d’un outil militaire efficace, qui est un véritable atout diplomatique, peut-être le plus important dans son jeu compte tenu de sa situation économique, et d’une connaissance de son environnement proche, notamment de l’Afrique. De ce point de vue, elle répond aux attentes des États-Unis. Le dialogue stratégique pourrait se poursuivre, s’approfondir et s’étendre à d’autres régions, je pense à l’Asie-Pacifique, mais aussi à d’autres domaines, la surveillance de l’espace et la cyberdéfense. Nous pourrions même essayer de mettre en place des échanges

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plus fréquents avec les commissions du Congrès. En tout cas, cela montre bien aussi l’utilité de nous battre pour maintenir notre outil de défense et l’exécution de la LPM !

L’Europe est appelée à prendre davantage de responsabilité et, au premier chef, dans la défense de son territoire. Cela veut dire en premier lieu un effort de défense accru, le parapluie américain n’est pas immuable, le contribuable américain supporte de moins en moins de devoir subventionner la défense de l’Europe alors que les Européens ont les moyens de porter cet effort. Mais en ont-ils la volonté ? C’est toute la question de la défense européenne au sens large.

L’Union européenne aurait tout intérêt à y inclure la politique énergétique pour se mettre à l’abri de situations de dépendance.

Toutefois sur la notion d’autonomie stratégique, la vision de Washington est ambivalente, notamment sur le plan industriel. Il faut arriver à convaincre les Américains qu’une Europe forte et impliquée, c’est aussi une Europe qui dispose d’une BITD solide et créatrice d’emplois, même si elle concurrence les industriels américains.

Le prochain sommet de l’OTAN devrait donner lieu à une déclaration sur le partenariat transatlantique qui réaffirmera la place de l’organisation dans la défense de l’Europe. Dans cette perspective, il me semble que le temps est venu de consolider notre place, d’œuvrer pour un meilleur partage des responsabilités et des charges, transatlantique mais aussi intra-européen, qui prennent en compte les efforts budgétaires, mais aussi les engagements y compris à l’extérieur car en sécurisant l’environnement proche, c’est bien à la sécurité de la zone euro-atlantique que l’on contribue. Enfin, il me parait intéressant de réaffirmer la complémentarité de l’OTAN et de l’Union européenne, notamment en matière de gestion globale des crises. Il ne s’agit pas de se détacher des États-Unis avec lesquels nous partageons un socle étendu de valeurs communes, mais d’être plus présents lorsque les intérêts convergent et capables de s’engager seuls, lorsque les États-Unis ne sont pas en mesure de le faire.

Mme Nathalie Goulet. – Votre rapport comprendra-t-il une partie critique présentant vos appréciations personnelles sur la stratégie américaine ? Lorsque vous avez abordé la question du Moyen-Orient, les responsables américains ont-ils évoqué la question de la base française d’Abou Dhabi ? La question du traité transatlantique a-t-elle été évoquée ?

Avez-vous perçu un assouplissement de la position américaine à l’égard de l’Iran, sachant que d’ores et déjà des entreprises américaines commencent à négocier des contrats dans ce pays ?

Que vous ont répondu vos interlocuteurs américains sur les poursuites engagées contre la banque BNPParibas ?

M. Jeanny Lorgeoux. – Avez-vous pu mesurer l’influence du complexe militaro-industriel qui était très prégnante sur l’entourage du précédant président G.W. Bush ?

M. Jean-Louis Carrère, président. – J’ai surtout ressenti, chez nos interlocuteurs, une grande sensibilité à l’opinion publique dominante les incitant à résoudre en priorité les questions de politique intérieure. L’influence du complexe militaro-industriel me semble moindre, mais honnêtement nous n’avons pas pu la mesurer. Il faut aussi relever que

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les crédits de la défense sont en baisse très sensible, et notamment les crédits d’équipement, ce qui crée des meurtrissures dans l’appareil de défense. Enfin, nos interlocuteurs nous ont fait sentir la place qu’ils attachaient à la prééminence de leur industrie de défense. Nous avons, de notre côté, essayé de les convaincre que les alliés européens au sein de l’OTAN dont ils souhaitaient une implication plus forte étaient très attachés eux-aussi au maintien d’une BITD européenne forte.

Nous avons abordé la question du traité transatlantique en indiquant que, si un accord gagnant-gagnant pouvait être trouvé, nous y serions favorables mais que nous serions extrêmement vigilants et que des éléments de contexte pouvaient influer sur les positions politiques. Nous avons aussi indiqué que la façon dont serait traitée la banque BNPParibas dans le contentieux qui l’oppose aux autorités fédérales rejaillirait certainement sur l’opinion publique française et les élus. À ce sujet, nous avons indiqué à nos interlocuteurs que nous respections l’indépendance de la justice, mais que nous étions étonnés de voir l’Attorney Général s’exprimer quasi-quotidiennement à charge dans les médias sur ce sujet.

Nous avons eu également l’occasion d’expliquer la position française sur l’exportation des BPC Mistral. Cet ensemble de sujets, dans l’actualité du moment, traduisent bien l’état de la relation franco-américaine faite d’un accord sur les grands principes et les grandes orientations mais aussi de points d’achoppement. La France est un allié fidèle, mais elle est très attachée à son autonomie de décision. Elle ne suivra pas les États-Unis aveuglément. C’est ce que nous avons transmis comme message à nos interlocuteurs, mais il vaut mieux un allié de ce tempérament qu’un allié s’exprimant peu et réduisant beaucoup son effort de défense.

Nous avons constaté chez nos interlocuteurs une position favorable à la défense européenne. Jusqu’à maintenant, le discours était moins net et les États-Unis laissaient sans trop sans plaindre les alliés réduire leurs budgets, ceux-ci s’estimant protégés par le parapluie américain. Il n’y a qu’à observer le montant du ratio budget de défense/PIB chez la plupart de nos voisins. Désormais, les Américains sont plus incisifs et demandent aux Européens de façon explicite d’augmenter leur effort budgétaire.

S’agissant de l’Iran, nous avons noté le changement de stratégie et les démarches des acteurs économiques. Je regrette que nous n’ayons pu nous rendre en Iran jusqu’à maintenant, nous devrions programmer un déplacement sans tarder, si possible au prochain semestre.

Ce qui nous a aussi surpris chez certains de nos interlocuteurs et notamment au Sénat, c’est évidemment l’intérêt qu’ils portaient à notre pays en nous recevant, mais en même temps le peu de connaissance qu’ils avaient de nos préoccupations.

Enfin, il faut préciser que les États-Unis sortent de la crise économique, le taux de chômage diminue, mais les Américains restent marqués par cette crise et notamment par l’accroissement des écarts de richesse, l’existence de travailleurs à bas revenus et d’une population pauvre.

M. Jean Besson. – Je voudrais rappeler que les socio-démocrates en Europe ont toujours été attachés à l’alliance avec les États-Unis et avaient regretté, à l’époque, le retrait de la France de l’organisation militaire de l’OTAN. Je voudrais aussi dire notre gêne parfois devant certaines politiques et interventions des États-Unis sur la scène internationale. Aujourd’hui, nous nous sentons plus à l’aise avec la stratégie du président Obama.

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S’agissant du pivotement vers l’Asie-Pacifique, il rend plus urgent l’édification d’une défense européenne. Cette défense ne doit pas être la seule préoccupation de la France et de la Grande-Bretagne, mais de tous les Européens et l’Allemagne, qui exerce un leadership économique et de plus en plus politique, devrait s’investir davantage sur les questions de défense.

M. Jean-Claude Peyronnet. – Vous avez abordé la question des hydrocarbures de schiste. Avez-vous mesuré les conséquences pour les industries en Europe, notamment le secteur de la chimie qui subit une concurrence redoutable en raison de la baisse des coûts de production aux États-Unis ?

Avez-vous également abordé la question de la place du dollar dans le système monétaire ? C’est un élément clé de la puissance américaine. Comment les Américains perçoivent-ils les initiatives chinoises qui envisagent de faire de leur monnaie une monnaie de réserve et ont créé une banque d’investissement des BRICS ? Ils se positionnent à terme avec le souci de remettre en cause l’équilibre du système de Bretton-Woods.

M. Jean-Louis Carrère, président. – Nous n’avons pas traité spécifiquement de la question du dollar, car notre déplacement était centré sur les questions de politique étrangère et de défense.

Nous consacrons dans le rapport de longs développements aux conséquences du retour des États-Unis à l’autonomie énergétique.

M. Alain Gournac. – S’agissant du gaz de schiste, les États-Unis pourront bientôt exporter, cela deviendra aussi un outil politique.

M. Daniel Reiner. – Aujourd’hui le système politique américain me semble atteint de paralysie, car il s’appuie sur la recherche d’un consensus entre les partis. Or ce système ne fonctionne plus en raison de la montée du Tea Party au sein du parti républicain et des lobbies qui le soutiennent, donc de la montée des extrêmes. Cela se traduit par les séquestrations sur le plan budgétaire. Mais cela a aussi des conséquences sur l’action internationale du Président qui peut être freiné dans ses initiatives. Cela donne parfois l’impression d’un grand Etat impotent. Or, le système mondial fonctionne avec une grande puissance et cette impotence provoque des non-actions, ce qui a des effets sur la stabilité du monde. Certains universitaires américains s’en inquiètent et craignent qu’à défaut de réforme, le système ne conduise à l’impuissance.

M. Jean-Louis Carrère, président. – Effectivement, ce qui inquiète les observateurs dans les prochaines élections, ce n’est pas tant l’alternance au Sénat, que la place qu’occuperont les élus du Tea Party au sein des Républicains. Nous avons très bien ressenti cela lors de notre déplacement, en enregistrant les réactions de nos interlocuteurs à la défaite du leader républicain de la Chambre des représentants, Eric Cantor, à l’élection primaire dans l’État de Virginie.

La crise économique a laissé des traces en matière de cohésion sociale et comme dans beaucoup de pays, le fonctionnement politique en subit les conséquences et se pose la question de l’adaptation des constitutions.

M. Jeanny Lorgeoux. – Ces observations confirment la thèse développée, il y a déjà quelques années, par Stanley Hoffman dans son ouvrage « Gulliver empêtré ».

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Mme Josette Durrieu. – Il faut aussi ajouter que les États-Unis sont en élections tous les deux ans.

Le président Obama voudrait arrêter une position forte pour la conférence de Paris sur le climat, mais il ne le pourra probablement pas car il ne sera pas soutenu par le Congrès, ce qui signifie que c’est le monde entier qui est victime de la paralysie du système.

M. Christian Cambon. – La position des États-Unis en Afrique me semble un peu ambivalente, ils soutiennent notre action, notamment au Sahel, mais ont quelque peine à s’engager eux-mêmes. Pour autant, ils sont assez présents, le personnel de leurs ambassades est nombreux, ils sont actifs sur le plan économique. Avez-vous pu vous entretenir avec eux sur les limites de leur engagement et sur l’appréciation qu’ils portent sur l’action de la France ?

M. Jean-Louis Carrère, président. – La lutte contre le terrorisme est leur priorité, mais leur perception s’élargit, elle n’est plus cantonnée à l’Afrique du Nord et au Sahel, le développement de mouvements comme Boko Haram au Nigeria les interroge. Cela étant, ils considèrent préférable que ce soit la France qui intervienne en direct car elle dispose d’une connaissance de ces territoires qui sont dans la proximité de l’Europe. Ils souhaiteraient d’ailleurs que les Européens s’engagent davantage. Ils sont prêts à apporter leur soutien avec des moyens de renseignements, de logistique…

Mme Josette Durrieu. – Je partage cette analyse mais voudrais souligner deux aspects qui me paraissent importants. L’analyse que les Américains font de la situation en Afrique est de considérer que ce continent est un terrain « familier » pour les Français et les Européens et qu’il est donc plus facile pour eux de prendre l’initiative et conduire des opérations, eux restant en arrière-plan et en soutien. D’autre part, j’ai l’impression qu’ils sous-estiment l’ampleur de la diffusion du terrorisme en Afrique et que leur investissement n’est pas à la hauteur de l’enjeu réel.

Cette tendance à sous-estimer les menaces a été perceptible également lorsque nous nous sommes entretenus de la Russie avec certains responsables. J’ai été étonnée de leurs interrogations sur le caractère imprévisible de Vladimir Poutine et de leur sous-estimation du pouvoir de nuisance de la Russie, même si elle n’a pas recouvré toute sa puissance. Il y a, de mon point de vue, un certain décalage avec la réalité de la subtilité stratégique de la Russie aujourd’hui.

Mme Hélène Conway-Mouret. – Les États-Unis se considèrent toujours comme une grande puissance mais leurs résultats sur le plan international restent modestes. On le voit sur le plan politique avec Israël qui n’a pas beaucoup évolué dans le processus de paix et sur le plan financier quand on mesure les investissements considérables dans la formation de la police et de l’armée irakienne à l’aune de son efficacité face à l’offensive des djihadistes de l’EIIL. Avez-vous senti une réticence à s’engager de nouveau en Irak ?

M. Jean-Louis Carrère, président. – Oui, nous avons senti cette prudence. Le trait dominant chez nos interlocuteurs, c’est vraiment la pression de l’opinion publique sur les questions de politique intérieure. Les différences d’appréciation sont telles qu’il est difficile au président d’avoir une vraie politique claire, lisible, concrète et partagée.

À l'issue de ce débat, la commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et autorise sa publication.

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Nomination de rapporteurs

La commission nomme rapporteurs :

. M. Alain Néri sur le projet de loi n° 2095 (AN – 14e législature) autorisant la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres d’une part, et l’Amérique centrale d’autre part (sous réserve de sa transmission au Sénat) ;

. Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 660 (2013-2014) autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

. M. Christian Cambon sur le projet de loi n° 570 (2013-2014) autorisant l’approbation du cinquième avenant à la Convention du 19 janvier 1967, modifiée par l’avenant du 6 juillet 1971 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne sur la construction et l’exploitation d’un réacteur à très haut flux et modifiée ultérieurement par la Convention du 19 juillet 1974 entre les deux Gouvernements susmentionnés et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relative à l’adhésion de ce dernier Gouvernement à la Convention et par l’avenant du 27 juillet 1976, le deuxième avenant du 9 décembre 1981, le troisième avenant du 25 mars 1993 et le quatrième avenant du 4 décembre 2002 entre les trois Gouvernements susmentionnés ;

. M. Jeanny Lorgeoux sur le projet de loi n° 269 (2013-2014) autorisant l'approbation des amendements de Manille à l'annexe de la convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (convention STCW) et au code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (code STCW) ;

. M. André Trillard sur le projet de loi n° 270 (2013-2014) autorisant l'adhésion de la France au protocole à la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages ;

. Mme Hélène Conway-Moutet sur le projet de loi n° 661 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part ;

. Mme Josette Durrieu sur le projet de loi n° 662 (2013-2014) autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part ;

. Mme Nathalie Goulet sur le projet de loi n° 192 (AN – 14e législature) autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis, d’autre part (sous réserve de sa transmission au Sénat).

La séance est levée à 11 h 25

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente –

La réunion est ouverte à 17 heures.

Suite à donner à l’enquête de la Cour des comptes sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé – Audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la

Cour des comptes, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et M. Thomas Fatome,

directeur de la sécurité sociale

Mme Annie David, présidente. – Notre réunion de cet après-midi sera consacrée à la présentation de l’enquête réalisée par la Cour des comptes, à la demande de notre commission, sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé.

L’enquête a été confiée à la 6ème chambre de la Cour des comptes et va nous être présentée par son président, M. Antoine Durrleman. Il est accompagné de M. Serge Barichard, conseiller référendaire, rapporteur, et de M. Christian Babusiaux, président de chambre maintenu, contre-rapporteur.

Nous prolongerons cette présentation par un échange avec le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie, M. Frédéric Van Roekeghem, et le directeur de la sécurité sociale, M. Thomas Fatome. Je les remercie d’avoir bien voulu accepter notre invitation. Il sera très utile à la commission d’entendre leur point de vue sur les observations formulées par la Cour.

Cette enquête porte sur un des aspects essentiels du fonctionnement de notre système de santé, du moins dans sa dimension relative aux soins de ville.

Je ne peux m’empêcher de penser en cet instant à notre regretté collègue René Teulade, ancien ministre des affaires sociales, décédé en février dernier, qui rappelait régulièrement devant notre commission la difficulté de concilier l’exercice libéral des professions de santé et la prise en charge des soins dans le cadre d’un système d’assurance solidaire.

C’est bien là l’enjeu des conventions passées entre l’assurance maladie, les médecins et autres professionnels de santé libéraux.

Cette relation conventionnelle a, me semble-t-il, beaucoup évolué au cours des dernières années.

La fixation des tarifs n’est plus l’objet principal des négociations. Celles-ci intègrent de plus en plus d’autres préoccupations, comme la qualité de la prise en charge ou l’accès aux soins, préoccupations qui relèvent de la politique générale de santé. De ce fait, on

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peut se poser la question de l’articulation entre les relations conventionnelles, gérées par l’assurance maladie, et les orientations définies par le ministère de la santé.

Le sujet est donc complexe. Je souhaite que l’enquête de la Cour permette de nous éclairer et d’ouvrir un débat fructueux, avec l’assurance maladie, le ministère des affaires sociales et bien entendu notre commission.

Je vais tout d’abord demander au Président Durrleman de présenter le rapport de la Cour des comptes.

Je passerai ensuite la parole à Frédéric Van Roekeghem puis à Thomas Fatome pour qu’ils apportent leurs propres réflexions sur la question.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. – Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir bien voulu nous entendre pour cette présentation du travail effectué par la Cour. Il fait suite, le rapporteur général l’a rappelé, à une demande de votre part, formulée en décembre 2013, de procéder à une enquête portant sur les relations entre assurance maladie et professions libérales de santé dans le cadre de la politique conventionnelle. Vous aviez précisé que cette enquête devrait également s’intéresser au rôle des services de l’Etat dans l’initiation et la mise en œuvre de cette politique conventionnelles.

Pour vous rendre compte de ce travail dont vous aviez demandé les conclusions pour la fin du premier semestre 2014, et échanger sur ses constats et ses propositions, je suis venu avec M. Serge Barichard, rapporteur, et M. Christian Babusiaux, président de chambre maintenu, qui en a assuré le contre-rapport.

Conformément au périmètre que nous avons défini d’un commun accord, notre travail a porté sur les thèmes suivants :

- le cadre des politiques conventionnelles, leurs caractéristiques et leurs évolutions depuis la réforme de 2004 ;

- l’impact des politiques conventionnelles sur les politiques de revenus des professions de santé ;

- les questions liées à l’accès aux soins de ville ;

- la place des politiques conventionnelles dans la régulation globale du système de santé.

Il n’a pas été procédé à une analyse exhaustive des 17 conventions et de tous les accords et avenants. Mais les professions les plus importantes, au regard de leurs effectifs et des coûts que leur activité représente pour l’assurance maladie, ont fait l’objet d’un approfondissement : les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. Ces cinq professions génèrent 84 % de la consommation de soins et de biens médicaux telle que retracée par les comptes nationaux de la santé.

Notre enquête a donné lieu à de larges investigations et à des contacts nombreux, rappelés dans l’avertissement figurant en tête du rapport. Elle a bien évidemment mis fortement à contribution les services de M. Van Roeckeghem et de M. Fatome, dont je salue ici la présence, et d’autres administrations centrales. Nous avons par ailleurs consulté tous les

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principaux acteurs et notamment l’Union nationale des professions de santé (UNPS) ainsi que l’ensemble des syndicats représentatifs des professions retenues.

Je ne vais bien évidemment pas évoquer toutes les questions abordées dans le rapport. Notamment, dans la présentation du cadre conventionnel qu’il était nécessaire de faire, figurent nombre d’éléments que vous connaissez bien. Je vais, dans cette présentation liminaire, mettre l’accent sur quelques points saillants, en distinguant trois temps :

- les constats essentiels opérés par la Cour au regard des grands objectifs des politiques conventionnelles, ses avancées et ses limites telles que nous les percevons ;

- l’appréciation portée sur le fonctionnement pratique du cadre institutionnel imaginé en 2004, qui peut contribuer à éclairer les constats précédents ;

- les propositions de la Cour et les pistes envisageables pour gagner à la fois en efficience et en efficacité, ces pistes étant parfois tracées sous la forme de scénarios possibles, comme nous en avions convenu.

Au préalable, je voudrais dire que nous ne mésestimons ni la complexité du sujet, ni la lourdeur de la tâche de ceux qui ont à le gérer au quotidien ainsi que les difficultés concrètes auxquelles ils sont confrontés. Le propos de la Cour n’est pas de critiquer pour critiquer, mais, par son éclairage, de nourrir la réflexion et, ce faisant, de contribuer à la faire avancer.

Quels sont les principaux constatés opérés par la Cour au regard des objectifs des politiques conventionnelles ?

Depuis 2004, le champ et l’objet des négociations professionnelles, déjà larges, ont été étendus de façon significative. L’Etat s’en est progressivement remis aux politiques conventionnelles pour des sujets importants comme l’organisation du parcours de soins, les politiques de prévention et de santé publique, les besoins engendrés par le vieillissement de la population et les pathologies chroniques. L’Uncam a investi ces nouveaux champs en multipliant d’autant les thèmes de négociation, les outils et les incitations conventionnelles. Elle a engagé, avec les médecins et les pharmaciens, une diversification des modes de rémunération, conçue comme un support incitatif pour introduire des préoccupations de santé publique et pour promouvoir une gestion active des patientèles.

Toutefois, ces efforts importants, s’ils ont débouché sur des succès tactiques et des avancées avec certaines professions, n’ont pas apporté de réponses suffisantes à des questions qui sont au cœur du pacte conventionnel, visant à faire bénéficier tous les assurés d’un égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire et dans des conditions financières satisfaisantes. En outre, l’élargissement considérable du champ des politiques conventionnelles a engendré des dépenses nouvelles sans que les obligations définies en contrepartie soient toujours, nous semble-t-il, à la hauteur des enjeux. La recherche de compromis différents suivant les professions s’est faite au détriment d’une prise en considération globale des besoins des patients et de leur évolution.

La diversification des modes de rémunération de certaines professions, sous la forme de rémunérations à la performance et au forfait, a été un axe fort des politiques conventionnelles récentes.

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Pour les médecins, cette diversification a rapidement pris de l’importance : elle représentait en moyenne 12,3 % des revenus des généralistes en 2013. La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) a été généralisée par la convention médicale de 2011, d’abord au bénéfice des médecins traitants, puis a été étendue aux cardiologues, aux gastro-entérologues et aux hépatologues. Si des progrès ont été observés sur la pratique clinique, les résultats sont plus contrastés pour la prévention. Aucune conséquence négative n’est attachée au non-respect des objectifs, et chaque indicateur est indépendant. Une solidarité entre les indicateurs avec des impacts positifs et négatifs sur la rémunération finale renforcerait le caractère incitatif du dispositif.

Les médecins bénéficient également de différentes rémunérations forfaitaires, inspirées du paiement à la capitation, au bénéfice du médecin traitant, assises sur la composition de leur patientèle. Les formules successives, jamais évaluées, tendent, en se sédimentant, à complexifier le système : source de dépenses nouvelles, ces forfaits devraient être assortis de contreparties claires et vérifiables, dans la mesure où ils s’ajoutent à la rémunération à l’acte.

Une rémunération à la performance a également été instituée au bénéfice des pharmaciens par la convention de 2012. En outre, un honoraire de dispensation des médicaments est en cours de mise en place. S’il doit en principe rester neutre sur les dépenses de l’assurance maladie par une réforme de la « marge dégressive lissée » dont les pharmaciens bénéficient sur les boîtes de médicaments, il reste en l’état corrélé pour sa quasi-totalité à la boîte vendue. Pourtant cette réforme aurait pu être l’occasion de déconnecter la rémunération du volume de vente et de construire une politique incitant à l’efficience des pratiques.

Médecins, chirurgiens-dentistes et auxiliaires médicaux bénéficient également de la prise en charge, par l’assurance maladie, d’une part significative de leurs cotisations sociales. Cette prise en charge, qui remonte aux années 60, a été progressivement étendue et constitue une contribution substantielle au revenu. Ces niches sociales coûteuses (2,2 milliards d’euros en 2013) représentent une part substantielle du revenu (près de 18 % pour un médecin généraliste, 10 à 11 % pour les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes, plus de 7 % pour les dentistes). Elles pourraient être plus fortement modulées en fonction des objectifs conventionnels propres à chaque profession.

Sur les rémunérations en général, nous faisons deux constats :

- premier constat : la connaissance des revenus des professions de santé reste trop peu précise et ne fait pas l’objet d’un suivi suffisant pour un pilotage éclairé de la politique tarifaire. Nous pensons qu’entre la Cnam, la Drees, l’administration fiscale et l’Insee, il y a matière à une collaboration plus active pour suivre l’évolution des revenus de façon plus robuste et plus régulière ;

- deuxième constat : les éléments disponibles permettent néanmoins de constater, nonobstant les écarts selon les sources, que de grandes disparités perdurent entre les revenus des différentes professions de santé, de même que, pour les médecins, entre les revenus des généralistes et des spécialistes et entre les différentes spécialités médicales. La politique conventionnelle menée depuis 2004 a en fait peu modifié la hiérarchie des rémunérations des médecins, malgré un discours récurrent sur la nécessité de revaloriser la position relative de la médecine générale et des spécialités cliniques. La volonté de valoriser le rôle du médecin traitant, affirmée dans la convention médicale de 2005, n’a pas débouché sur une modification de sa position relative.

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Sur l’accès aux soins, nous faisons deux remarques principales, l’une touchant à la régulation des installations, l’autre à la question des dépassements de tarifs.

Les professions libérales de santé sont inégalement réparties sur le territoire au regard des besoins des populations. Les négociations conventionnelles n’ont que récemment intégré cette dimension géographique : si quelques tentatives antérieures ont concerné les médecins, c’est à partir de 2008 que des mesures visant à concilier le principe de la liberté d’installation avec la préservation d’un accès aux soins possible et équitable ont été instituées. L’impact demeure limité.

Pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes, des mesures incitatives ont été introduites pour les zones considérées comme sous-dotées, et des mesures restrictives pour les zones sur-dotées : dans ces zones, l’accès au conventionnement n’est devenu possible qu’en remplacement d’une cessation d’activité. Pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les orthophonistes, seules en revanche des incitations ont été mises en place. Enfin, pour les pharmaciens, malgré les intentions exprimées dans la convention de 2012, aucune mesure en vue de l’évolution du réseau des officines n’a été mise en œuvre.

Au total, les actions entreprises pour optimiser la répartition des professionnels de santé libéraux apparaissent encore timides et ont un impact trop limité. Les leviers conventionnels utilisés n’ont pas permis d’atteindre l’objectif. Les pistes ouvertes en termes de conditionnalité du conventionnement demandent ainsi à être consolidées et approfondies, en permettant par la loi d’étendre cette orientation à toutes les professions dans les zones en surdensité.

Par ailleurs, les politiques conventionnelles n’ont pas jusque-là résolu la question des dépassements de tarifs pratiqués par certaines professions.

Les dépassements des médecins de secteur II représentent environ 2,4 milliards d’euros, le taux de dépassement s’établissant en moyenne à 56,3 % en 2013. Ils ont fortement augmenté sur le long terme, puisque le taux de dépassement moyen a doublé depuis 1990. Après plusieurs tentatives infructueuses, un nouveau dispositif, le contrat d’accès aux soins (CAS), a été mis en place par l’avenant n° 8 d’octobre 2012. Le CAS apparaît toutefois pour le moins peu contraignant, au regard des taux moyens de dépassement constatés. Il peut conduire à considérer comme normal un dépassement de 100 %. L’avenant prévoit également un dispositif de sanction des dépassements considérés comme excessifs. L’impact est pour l’instant limité. La procédure est lourde et restrictive. La fixation de la sanction maximale applicable par des commissions paritaires avec les syndicats professionnels en limite les effets potentiels.

La prise en charge des soins dentaires par l’assurance maladie obligatoire ne s’établissait plus qu’à 31,5 % en 2012 hors CMU-c. En effet, les soins conservateurs sont remboursés à 70 %, mais le prix des soins prothétiques, laissé libre en contrepartie d’une modération des tarifs des soins conservateurs, a très fortement augmenté. La part des dépassements s’élevait en 2012 à 53 % des honoraires totaux, soit 4,7 milliards d’euros. Bien que le constat du déséquilibre entre soins conservateurs et soins prothétiques soit ancien, les mesures conventionnelles récentes, et notamment la mise en place d’une classification commune des actes médicaux (CCAM) pour l’activité bucco-dentaire, restent insuffisantes pour y remédier. Dans la politique conventionnelle, ce secteur a été, de fait laissé en déshérence.

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Quels sont les éléments pouvant contribuer à éclairer tout ou partie de ces constats ?

La nouvelle gouvernance issue de la loi de 2004 a, dans sa pratique, débouché sur un jeu d’acteurs brouillé.

Le cadre des négociations conventionnelles a été profondément redéfini par la loi de 2004. L’établissement des conventions avec les professions de santé relève de l’Uncam, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. Le conseil de l’Uncam tient un rôle limité à la définition des orientations, le directeur général, également directeur général de la Cnam, étant chargé de conduire les négociations.

Les pouvoirs de régulation de l’Etat sont avant tout d’ordre financier : l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), voté par le Parlement, conditionne pour partie le contenu et le calendrier des négociations conventionnelles, en fonction des marges de manœuvre financières à disposition du directeur général. L’Uncam a inscrit son action dans cette contrainte financière. Le taux de progression de l’Ondam est respecté depuis 2010 et les dépenses effectives sont mêmes inférieures à celles qui étaient prévues. Cependant, cet écart tient à d’autres postes que les professions libérales couvertes par la politique conventionnelle, en 2013 essentiellement aux indemnités journalières et au médicament. Le taux de progression de l’Ondam a par ailleurs jusqu’alors permis une augmentation continue des dépenses, nonobstant les déficits de l’assurance maladie.

Le Gouvernement dispose pour sa part de pouvoirs limités sur les accords conventionnels. Le coût des mesures négociées n’est plus un motif d’opposition du ministre depuis 2004. L’Etat n’a également plus la main en cas d’échec des négociations : une ordonnance du 21 avril 1996 avait prévu qu’en l’absence de convention les médecins seraient régis par un règlement conventionnel minimal, élaboré par le gouvernement et publié par arrêté ministériel ne prévoyant pas de revalorisation d’honoraires et réduisant les prises en charge de cotisations sociales par les caisses, permettant de garantir à la fois l’intérêt des patients et de l’assurance maladie. La loi de 2004 a supprimé ce dispositif et a prévu, pour toutes les professions, une procédure arbitrale.

L’assurance maladie bénéficie donc, selon les textes, d’une forte autonomie dans les négociations conventionnelles. Cependant, l’Etat n’a pas pour autant renoncé à être présent. Au regard des enjeux financiers et de la nécessité de réformer l’organisation des soins, les pouvoirs publics, qui conservent par ailleurs la responsabilité du pilotage du système hospitalier, sont amenés à peser sur les négociations, soit en prenant par la loi des dispositions de circonstance pour que les partenaires conventionnels agissent dans un sens déterminé, soit en fixant officieusement des objectifs aux négociations, soit encore en intervenant dans leur déroulement-même. A trop afficher dans les textes une délégation en réalité peu tenable, l’Etat s’est ainsi exposé au risque de devoir intervenir dans des conditions qui brouillent les responsabilités.

Par ailleurs, les deux nouveaux acteurs des politiques conventionnelles prévus par la loi de 2004 n’ont pas trouvé la place que cette réforme visait à leur donner pour le bon équilibre du système conventionnel: d’une part, l’UNPS, ne joue pas le rôle interprofessionnel que l’on pouvait en attendre ; d’autre part, l’association de l’Unocam aux négociations reste chaotique et elle s’est mise en retrait après la signature de plusieurs accords en 2012 et 2013, estimant qu’elle n’était pas mise en situation de jouer un rôle réel.. La nouvelle gouvernance

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prévue par la loi de 2004 n’a pas fonctionné, sauf pour ce qui concerne le rôle accru de la Cnam.

Le dispositif conventionnel est très éclaté, avec des négociations nombreuses et très séquencées.

Les conventions avec les principales professions sont régulièrement renégociées et font surtout l’objet de multiples avenants. Ainsi, la convention passée avec les médecins en 2005 a fait l’objet de 32 avenants Celle passée en 2011 en compte déjà 11. Les conventions passées en 2007 respectivement avec les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes comportent chacune cinq avenants Celle conclue avec les pharmaciens en 2012 en compte déjà cinq en mai 2014.

Cette succession incessante de textes s’explique notamment par la mise en œuvre des multiples axes des politiques conventionnelles. Il en a résulté une inflation de négociations en raison d’un traitement très séquencé. Si la forte segmentation des négociations peut comporter des avantages en permettant une maturation des problématiques à des rythmes différents, elle présente également des inconvénients. Elle est susceptible de multiplier les avantages accordés sans contreparties suffisantes. En outre, elle nuit à la pérennité des dispositifs qui peuvent être rapidement modifiés voire remplacés sans avoir pu réellement être mis en œuvre ou sans qu’un bilan en ait été établi.

Le troisième point, en lien direct avec le second, c’est le retard constaté dans l’émergence des approches interprofessionnelles

Il aura fallu en effet attendre dix ans, après la loi de 2002 qui en prévoyait la conclusion, pour qu’un premier accord-cadre interprofessionnel (ACIP) voie le jour. Encore cet accord, conclu en mai 2012 entre l’Uncam et l’UNPS, reste-t-il très pauvre dans son contenu. Il expose essentiellement des déclarations d’intention.

La loi de 2004 a prévu un autre mode de contractualisation interprofessionnelle à géométrie variable sous la forme d’accords conventionnels interprofessionnels (ACI) intéressant plusieurs professions désireuses de renforcer la coordination des soins. Cette possibilité, plus souple, n’a pas été utilisée au cours des dix dernières années. Ni l’Uncam ni les principaux syndicats représentatifs n’ont été porteurs, préférant rester dans le cadre de colloques singuliers.

La frilosité des politiques conventionnelles à cet égard n’a pas conduit l’Etat à une réorientation d’ensemble mais au lancement, depuis 2008 d’une série d’expérimentations sur de nouveaux modes de rémunérations en équipe. De son côté, la Cnam a également lancé des expérimentations sur des programmes d’accompagnement du retour à domicile après hospitalisation (les Prado). Le principe d’expérimentation est pertinent mais les conditions dans lesquelles elles ont été lancées sont à l’origine d’une situation compliquée et la rationalisation de ces expériences reste à conduire.

Des négociations interprofessionnelles sont certes en cours pour définir un dispositif pérenne de rémunération d’équipe, mais dans des conditions difficiles faute que les différentes conventions par profession se soient d’emblée inscrites dans une perspective d’ensemble.

Quelles sont les pistes que la Cour soumet à votre réflexion ?

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Tout d’abord, développer l’interprofessionnel et recentrer l’activité conventionnelle sur les enjeux essentiels.

Des négociations trop exclusivement en « tuyaux d’orgues » ont fait obstacle à une meilleure organisation des soins de proximité, à la redéfinition de certaines fonctions pour répondre à l’évolution des besoins des patients, et à une articulation des prises en charge entre la ville et l’hôpital. La structuration des soins de premier recours implique, à l’avenir, un changement de modèle, consistant à renverser la perspective conventionnelle en faisant des approches interprofessionnelles le cadre premier des négociations dont les résultats formeraient ensuite l’armature commune des différentes conventions par profession de manière à permettre une approche plus coordonnée des soins de ville.

En outre, l’activité conventionnelle devrait être recentrée sur les enjeux essentiels - politique de rémunération contrainte et équilibrée, accès aux soins préservé et organisé, maîtrise médicalisée des dépenses - et ne s’étendre à d’autres sujets que dans la mesure où cette ossature est affermie. Ce recentrage devrait prendre place dans le cadre de négociations moins nombreuses, permettant une plus grande stabilité des textes et facilitant la mise en place d’un suivi plus exigeant, ainsi que d’une évaluation systématique de l’impact des mesures prises.

Mettre en place, ensuite, un suivi et une coordination plus exigeants en clarifiant les responsabilités

Les directions ministérielles relevant du ministère chargé de la santé ont une approche trop peu coordonnée des politiques conventionnelles. L’unité de vues n’est pas assurée entre les services de l’Etat et l’assurance maladie. Le manque de cohérence et de coordination se répercute au niveau territorial : il existe de nombreux points de recoupement entre l’action des ARS et les politiques conventionnelles. C’est notamment le cas en matière de répartition géographique de l’offre. De même, il n’existe pas pour l’essentiel d’articulation entre d’une part les actions de santé publique et de gestion du risque développées via les politiques conventionnelles, et d’autre part celles initiées par les ARS.

La régulation devrait porter de façon coordonnée sur tous les leviers détenus par l’Etat et par l’assurance maladie, concernant notamment l’organisation de l’offre, les tarifications en ville et à l’hôpital, et la politique du médicament. Seuls un pilotage plus intégré et une meilleure articulation permettront de dépasser les clivages traditionnels, de dégager les gains d’efficience nécessaires et de mieux répondre aux besoins des patients.

Une plus grande convergence des acteurs doit être recherchée au niveau national, en s’appuyant - c’est ce que nous proposons - dans un premier temps de façon pragmatique sur les outils existants. Ainsi, les missions de ce qui est aujourd’hui le comité national de pilotage (CNP) des ARS devraient être renforcées et étendues aux orientations et au suivi des politiques conventionnelles. Le contrat passé entre l’Etat et l’Uncam devrait constituer un vecteur essentiel de la coordination entre l’Etat et l’assurance maladie et de la définition des objectifs fixés à la politique conventionnelle, au besoin en modifiant les textes en ce sens.

Enfin, il importe que le Parlement, appelé à voter l’Ondam mais qui ne dispose aujourd’hui que d’informations réduites sur les politiques conventionnelles, soit à même de développer son contrôle sur ces politiques publiques qui sont une composante majeure des dépenses d’assurance maladie. Lors de la présentation du PLFSS, la réalisation des Ondam précédents doit être mieux documentée. Le sous-objectif des soins de ville devrait être assorti

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d’un développement faisant le point sur les politiques conventionnelles, globalement et profession par profession, en termes d’engagements pris, de coûts pour la collectivité et de résultats.

Troisième orientation suggérée par la Cour : mieux affirmer la place des organismes complémentaires

La clarté et l’efficacité du système supposent de mieux les associer. Il n’apparaît pas souhaitable que ceux-ci soient utilisés comme de simples opérateurs financiers permettant de solvabiliser les accords passés entre l’Uncam et les professions de santé, en raison du risque d’inflation des coûts que cela représente. L’amélioration des conditions d’accès aux soins suppose une véritable coopération des régimes de base et complémentaires. Une application stricte de la loi de 2004 qui prévoit un examen conjoint annuel, entre l’Uncam et l’Unocam, des programmes de négociation serait déjà de nature à renforcer cette coordination. La concertation obligatoire pourrait être élargie à l’ouverture de toute négociation, et en constituer un préalable nécessaire. Il pourrait également être prévu que le comité national de pilotage puisse entendre 1’Unocam et ses composantes sur les thèmes qui les concernent plus particulièrement.

Enfin, quatrième proposition, étudier la possibilité de laisser sous conditions une marge de manœuvre aux acteurs territoriaux.

Le maintien d’une politique conventionnelle nationale apparaît nécessaire pour un traitement global et équitable de l’accès aux soins et des conditions de leur prise en charge collective. La possibilité d’adapter les politiques conventionnelles aux spécificités régionales, dans des conditions limitatives préfixées et/ou dans le cadre d’enveloppes fermées, pourrait néanmoins être ménagée, sous réserve de la clarification et du recentrage que j’ai évoqués. Ce schéma d’adaptation régionale des politiques conventionnelles pourrait dans un premier temps faire l’objet d’une expérimentation.

Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et Messieurs les sénateurs, la politique conventionnelle a été omniprésente et incessante. Elle n’a cependant pas réglé des problèmes répertoriés de longue date. Les questions soulevées sont stratégiques, qu’il s’agisse de l’organisation des soins de proximité et du développement des approches interprofessionnelles, du lien avec l’hôpital, ou de la question de l’accès aux soins sur les plans géographique et financier. Elles doivent être traitées, à la fois dans l’intérêt des patients et en intégrant la préoccupation essentielle d’un retour à l’équilibre de l’assurance maladie, donc avec le souci de rechercher des gains majeurs d’efficience.

Je vous remercie de votre attention. Nous restons bien évidemment disponibles pour échanger et répondre à vos questions.

Mme Annie David. – , présidente. – Merci, Monsieur le Président, je me réjouis que cette enquête vous ait également apporté satisfaction et ses résultats, notamment sur l’Ondam, vont susciter toute l’attention de notre commission. Je passe la parole à M. Van Roekeghem.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. – La Cour n’a pas failli à sa réputation en analysant avec attention les politiques conventionnelles. Je tiens à souligner le contexte dans lequel ces conventions sont mises en œuvre : un monde réel qui a évolué depuis l’application

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de la loi de 2004 et dans lequel la comparaison avec les autres pays européens est nécessaire et. Il nous faut ainsi conduire une analyse positive des progrès accomplis par notre pays que relèvent notamment les dernières publications de l’OCDE en matière de dépenses de médicaments et de développement de l’usage des génériques.

La réforme de 1995 avait donné lieu à de très fortes turbulences avec la communauté médicale qui rechignait à s’engager sur des objectifs chiffrés. Nous partons d’une augmentation annuelle de l’ordre de 6 % des dépenses au début des années 2000 et des règlements arbitraux dans lesquels l’Etat avait consenti à augmenter le tarif de la consultation plutôt que de faire preuve de fermeté vis-à-vis des professionnels de santé.

C’est pourquoi la loi de 2004 a eu pour objectif de renforcer les politiques conventionnelles en confiant à l’assureur public des pouvoirs de négociation qui ont été assumés afin d’obtenir un meilleur réalignement de la politique de santé publique sur de nouvelles priorités. S’agissant de cette gouvernance, on ne peut ignorer le constat dressé par M. Antoine Durrleman selon lequel la caisse nationale d’assurance maladie a pris toute sa place, avec les autres régimes.

S’agissant de la situation des partenaires sociaux, je serai en revanche plus dubitatif sur l’analyse qui a été faite. Le secteur II a été mis en place du temps de l’ancienne gouvernance. La gouvernance actuelle ne permettrait pas à l’Etat de demander une évolution ne suscitant pas l’accord des partenaires sociaux.

Le constat est exact sur l’élargissement des politiques conventionnelles. La stratégie qui consisterait à limiter les conventions à la seule rémunération ne me paraît pas pertinente. Il me paraît impossible de ne pas associer les professionnels de santé, d’une manière ou d’une autre, à l’évolution des politiques publiques, surtout sanitaires.

Dans ce cadre, il faut rappeler certains acquis. Premièrement, force est constater une diminution des écarts dans le comportement des prescripteurs. Cette évolution n’est pas suffisante puisque subsiste encore une différence de volume de l’ordre de 30 à 40 % en matière de prescription d’antibiotiques avec nos voisins allemands. Les volumes de prescription de certaines classes de médicaments thérapeutiques nous paraissent ainsi insuffisamment maîtrisés et la prescription de médicaments génériques insuffisante.

Le médecin traitant a été mis en place, mais le rôle des médecins spécialistes et cliniques n’a pas été bien précisé. Nous avons réconcilié les médecins avec une politique de maîtrise médicalisée, et non pas comptable, des soins, et nous sommes allés jusqu’à mettre en place des rémunérations individualisées sur des objectifs quantifiés, ce qui témoigne du chemin parcouru.

L’analyse de la Cour sur la question des rémunérations doit être tempérée. La rémunération sur objectif est effectivement une incitation au progrès jusqu’à un certain niveau, mais une fois celui-ci atteint, tout recul entraîne une baisse. Introduire une pénalisation en cas de non-réalisation des objectifs, ce que préconise la Cour, constituerait un point particulièrement sensible dans la négociation. Celle-ci oblige à passer des compromis avec les professionnels. C’est pourquoi on ne peut concevoir la politique conventionnelle indépendamment du cadre réglementaire et législatif : le vrai sujet de gouvernance, comme l’avait rappelé un ancien Président de la République, réside dans l’équilibre entre la loi et le contrat, entre ce qu’on impose et ce qu’on négocie. De ce point de vue, rappelons que la

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convention n’est qu’une délégation du pouvoir réglementaire, conformément à l’article 21 de la Constitution, à l’assurance maladie et qu’elle peut, à ce titre, évoluer.

La montée en puissance des nouveaux modes de rémunération, qui représentent 12 % des rémunérations de la médecine générale, n’a pas entraîné la diminution de la valeur de l’acte. Mais si la Cour juge qu’il aurait dû en être ainsi, il est tout à fait loisible au Parlement d’envisager cette mesure.

Pour la première fois, un conventionnement régulé a été instauré géographiquement. Si une mesure de ce type avait été mise en œuvre il y a près de vingt ans, l’évolution de notre système de santé eût été différente. Cette démarche est donc tardive et ses résultats sont encore insuffisants. Encore fallait-il l’engager ! Rappelons-nous ce qui s’est passé lorsque le précédent gouvernement a souhaité élargir la disposition législative que nous avions négociée avec les syndicats d’infirmiers à l’ensemble des professionnels de santé, et l’arrêt du Conseil d’Etat qui a annulé les fruits de notre négociation avec les kinésithérapeutes suite à la déclaration de la ministre devant le Parlement selon laquelle il n’y aurait pas de mesure désincitative. Le conseil de l’Uncam va se prononcer et nous comptons solliciter le Parlement pour que ces mesures soient rétablies. Car il nous semble nécessaire qu’un accord négocié avec les syndicats des masseurs kinésithérapeutes et de sages-femmes puisse être mis en œuvre, surtout si celui-ci participe au rééquilibrage des installations dans notre pays.

La politique conventionnelle a également permis une plus forte informatisation des professionnels de santé ainsi que la mise en place d’accords prix-volumes qui ne recueillent pas l’approbation de la Cour des comptes, mais dont je considère qu’ils sont parmi les plus importants signés avec les professionnels de la biologie, alors qu’est prônée la bonne utilisation des ressources collectives.

Il faut se méfier de conclusions hâtives dans un domaine aussi complexe que celui de la santé qui présente des implications politiques extrêmement fortes. L’Etat est d’ailleurs très présent dans les négociations conventionnelles. Considérer que la loi d’août 2004 a affaibli les partenaires sociaux et l’Etat résulte d’une lecture très juridique qui ne résiste pas à l’épreuve des faits. En matière de santé publique, il me paraît clair que si l’Etat ne souhaite pas qu’un accord soit trouvé, il dispose des moyens pour faire entendre sa voix.

L’Etat pèse ainsi dans les négociations. On ne peut empêcher les ministres de faire de la politique, c’est bien là leur vocation, comme en témoigne la lettre de la ministre de la santé qui proposait un cadrage des négociations au conseil de l’Uncam sur l’avenant n° 8 relatif aux dépassements d’honoraires.

La question du déconventionnement se situe ainsi aux confins de la politique et conduit les ministres à intervenir. Il y a cependant des règles, comme celle qui veut qu’un accord négocié par le directeur général de la Cnam et non conforme aux orientations fixées par l’Uncam peut être annulé par le Conseil d’Etat.

Je rejoins l’analyse de la Cour sur certains sujets, mais l’équilibre entre les possibilités de réforme, en matière de revenus des professionnels notamment, et le respect de l’Ondam ne me paraît pas avoir été suffisamment abordé. En effet, l’Ondam est respecté pour les soins de ville depuis 2009 et dans sa globalité depuis 2010. Si nous n’avions pas maîtrisé les conséquences financières des négociations conventionnelles, nous n’aurions pu sous-exécuter l’Ondam au niveau qui a été constaté.

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Il est vrai que la première remarque de la Cour sur la place des négociations interprofessionnelles semble assez justifiée. Celles-ci sont néanmoins complexes à envisager car les professionnels libéraux craignent de se voir imposer des règles qui auraient été discutées au niveau interprofessionnel, et le dosage entre négociations professionnelles et interprofessionnelles demeure très délicat. Certains professionnels redoutent aussi qu’une négociation interprofessionnelle soit le cadre de stratégies d’encerclement par d’autres professions. Ainsi, les médecins généralistes ou spécialistes peuvent craindre d’être débordés par les professions paramédicales dans un combat qui peut aller au-delà du caractère professionnel pour devenir politique et s’inscrire dans la durée. On ne peut ignorer cette réalité.

De ce point de vue, considérer uniquement la dimension interprofessionnelle dans les soins de ville sans s’intéresser à leurs liens avec l’hôpital me semble une lacune importante de l’analyse. Car l’un des leviers du développement de la coordination de la médecine de ville réside dans les relations avec l’hôpital, comme l’analyse d’ailleurs l’OCDE.

Les négociations interprofessionnelles s’avèrent complexes à organiser : la base juridique nouvelle offerte sous la forme d’un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) implique la pérennisation des négociations des nouveaux modes de rémunération qui concerne près d’une quarantaine d’organisations représentatives, ce qui n’est jamais très simple.

Les nouveaux modes de rémunération, et notamment le paiement à la capitation progressivement mis en œuvre au niveau du médecin traitant, avec 40 euros pour les médecins traitants au titre du suivi des affections de longue durée (ALD), puis, plus récemment, pour l’ensemble des patients, ont été revendiquées depuis longtemps par les syndicats de médecine générale. Ils ont été encouragés par des études économiques qui considèrent qu’une part de capitation dans la rémunération des professionnels de santé est susceptible de rendre ceux-ci moins enclins à multiplier des actes et des prescriptions. La démarche s’inscrit dans cette stratégie. Dans un tel contexte, il n’y a, effectivement, pas eu de contreparties claires ni vérifiables ; la seule obligation du médecin traitant réside dans l’élaboration de protocoles de soins pour les patients en ALD moyennant une rémunération forfaitaire. Au niveau macroéconomique, cette évolution s’est substituée à une augmentation du tarif des actes. L’analyse de la Cour des comptes, selon laquelle la situation du médecin généraliste n’a pas assez progressé dans la hiérarchie des rémunérations des médecins, combinée au développement de formes de rémunération de substitution, se heurte à la maîtrise de l’Ondam, sauf à considérer que tous les autres médecins doivent être rétrogradés dans cette hiérarchie.

Pour fixer quelques ordres de grandeur, de 2002 à 2012, l’évolution des honoraires et celle des revenus des médecins généralistes a progressé de 2,1 % en termes nominaux par an, tandis que le produit intérieur brut par habitant progressait quant à lui de l’ordre de 2,2 %. Durant cette période, les recettes n’ont pas été au rendez-vous et nous avons essayé de juguler les déficits et de respecter l’Ondam.

Les modulations des avantages conventionnels consacrés aux médecins et aux professionnels qui respectent les tarifs opposables ont évolué. L’assiette des prises en charge de cotisations sociales exclut tous les dépassements d’honoraires. Pour les chirurgiens-dentistes, nous avons divisé par deux la participation au financement des cotisations sociales, afin de permettre une augmentation des tarifs opposables des soins conservateurs. Je tenais à souligner ce point qui n’était pas mentionné dans le rapport de la Cour des comptes. Ce sujet est complexe et l’objectif central de la convention, comme le soulignait le Président

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Durrleman, consiste à maintenir, sur le long terme, une opposabilité tarifaire, à la condition de piloter ces tarifs de manière efficiente. Aujourd’hui, force est de constater que la liberté tarifaire octroyée aux médecins de secteur II depuis plus de trente ans leur permet d’obtenir des revenus de 30 % en moyenne plus élevés que ceux de leurs confrères de secteur I. Nous rejoignons de ce point de vue l’opinion de la Cour selon laquelle l’encadrement tarifaire du secteur II a été pris en charge trop tardivement.

L’évolution des revenus est difficile à appréhender. Sa connaissance est insuffisante et implique que soit pris en compte les bénéfices des sociétés d’exercice libéral, et ce notamment pour les radiologues. Seul le ministère des finances dispose de ces informations et leur évaluation demeure complexe puisqu’une partie des charges salariales des SEL peut aussi concerner les salariés de ces structures. Nous ne disposons donc pas d’une appréciation suffisamment fine des revenus des professionnels, du fait de la complexité des montages désormais autorisés pour l’exercice de ces professions de santé.

On ne peut nier que les revenus des médecins généralistes n’ont pas connu de progression fulgurante. De très nombreux pays sont également confrontés à l’échec de la maîtrise des revenus pour certaines spécialités, notamment médicotechniques, du fait de la multiplication de ces actes. Lorsque les IRM sont prescrits abondamment, et le nombre croissant de machines commandé par les ARS suite à l’impulsion du précédent Plan cancer y contribue, cela se traduit par une augmentation des ressources des professionnels concernés et implique le pilotage adapté des tarifs.

Les dépassements d’honoraires sont également un sujet complexe. On observe une dérive tarifaire par spécialité et entre professionnels en fonction de leur implantation géographique. Se limiter à l’analyse des dépassements excessifs, au motif que la procédure de sanction est lourde et peu efficace, ne me paraît pas pertinent. Il faut raisonner par rapport à la moyenne même si la sanction sur les pointes me paraît évidemment nécessaire.

Nous rencontrons une difficulté avec les syndicats de médecins sur ce point. Malgré les engagements souscrits en matière de lutte contre les dépassements dans le cadre de l’avenant n° 8, certains d’entre eux, à l’instar de MG France, ne souhaitent pas voter dans les commissions paritaires. L’assurance maladie, dont les représentants votent quant à eux à l’unanimité, quel que soit leur statut d’origine, s’attend en vain à obtenir le soutien des médecins attachés aux tarifs opposables. Il y a une réelle réticence de certains syndicats à soutenir les accords signés. Je n’exclus pas qu’au cas de blocage de toute décision en matière de sanctions des professionnels en dépassement excessif, du fait de la parité des votes, le conseil de l’Uncam puisse demander au Parlement de se prononcer.

S’agissant de la répartition des professionnels de santé, nous sommes partis également bien tard. Pour les infirmières, les écarts de densité selon les départements varient de 1 à 9. Certes, nous sommes en train de les réduire, mais notre démarche est fort tardive ! Nous avons d’ailleurs échangé avec la Cour sur ce point.

Bien que la nouvelle gouvernance ait clarifié certains points en la matière, la Cour souligne que l’extension du champ des conventions pose la question de la coordination entre la politique de la santé publique, adossée sur la stratégie nationale de la santé, et les conventions qui doivent s’intégrer dans cette politique définie par l’Etat.

Concernant les relations avec les ARS, des progrès pourraient être réalisés en matière de coordination au sein du ministère de la santé afin de mieux utiliser les compétences

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qu’il compte en son sein. S’agissant du zonage établi par les ARS sur la base d’arrêtés ministériels, des conventionnements sélectifs ont été mis en place suite au travail de la Cnam et une réflexion a été conduite pour renforcer le caractère interprofessionnel des zonages. Si celui-ci avait été précédemment réalisé, la question du conventionnement sélectif ne se poserait pas. En pratique, il importe de prendre les décisions au bon moment quitte à abaisser le niveau d’ambition.

Le bon usage des ressources entre les établissements des soins et la médecine de villes demeure perfectible. La médecine de ville doit être réorganisée pour permettre à notre pays de combler son retard en matière de durée moyenne de séjour à l’hôpital, en prenant les bonnes décisions et en allant jusqu’à prendre en compte son financement dans la détermination des tarifs hospitaliers. Une telle démarche n’incombe pas à l’assurance maladie.

Sur le conseil national de pilotage (CNP) des ARS et le rôle des partenaires sociaux, l’objectif est relativement clair : la perspective de piloter davantage les décisions de l’assurance maladie par le biais du CNP ne suscite pas l’adhésion du conseil de direction de l’Uncam mais on ne peut nier que le contrat Etat-Uncam qui fixe la politique de gestion du risque est insuffisamment opérationnel dans sa rédaction actuelle. Afin d’optimiser l’usage des ressources disponibles, peut-être tentera-t-on de passer à une étape plus opérationnelle sur une durée plus courte.

Le Parlement avait souhaité que les annexes aux propositions annuelles de l’assurance maladie soient complétées par la présentation des principaux accords intervenus. La Cnam n’émet aucune objection sur la recommandation de la Cour d’étoffer cette annexe.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale. - La matière que nous examinons, c’est celle du dialogue social qui est au cœur de l’actualité et il faut trouver des accords et des compromis pour faire avancer le système. Le Gouvernement et notre ministre sont particulièrement attachés à ce dialogue social et à ce dialogue conventionnel entre l’assurance maladie et les représentants des partenaires sociaux médicaux ou paramédicaux que sont les syndicats représentatifs.

Les négociations conventionnelles me paraissent avoir enregistré quatre résultats positifs depuis ces dix dernières années. L’Ondam, pour la médecine de ville et de manière générale, a été de mieux en mieux tenu : d’autres facteurs expliquent certes les bons résultats enregistrés notamment en 2013, mais la qualité continue du dialogue entre les équipes de la sécurité sociale et de l’assurance maladie a permis, ces dernières années, d’identifier les provisions pour revalorisation et de suivre leur exécution en fonction du cadrage retenu.

Pour le passé, le respect de l’Ondam a pu être mis à mal par un défaut de pilotage de la rémunération de certaines professions médicales. Derrière les négociations conventionnelles se trouvent cependant des baisses tarifaires de certaines spécialités qui ont une influence directe sur la fixation annuelle de l’Ondam.

S’agissant de la diversification des rémunérations et de la rémunération par objectif, faire signer l’ensemble des médecins sur des objectifs de santé publique et accorder une rémunération individuelle à la performance et une rémunération forfaitaire supérieures à 10 % du revenu des praticiens pouvait sembler, il y a une dizaine d’années, illusoire. Force est de constater qu’il existe désormais une base sur laquelle nous pouvons envisager avec le médecin traitant la rémunération sur objectif, même si l’usage de cette base doit être optimisé, comme le souligne la Cour des comptes.

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Plusieurs avancées ont également été réalisées sur la démographie médicale allant dans le sens d’une régulation démographique qui demeure une question extrêmement sensible.

Enfin, je partage l’opinion des deux précédents intervenants sur la question des rémunérations et la nécessité de renforcer notre capacité collective à comprendre les phénomènes qui les sous-tendent. Certes, la nécessaire remontée de données fiscales, qui induit un décalage allant jusqu’à deux ans, obère notre compréhension et notre capacité de conseil auprès de l’exécutif, mais cette situation demeure complexe et résulte des faiblesses structurelles des systèmes d’information existants.

Nous travaillons actuellement sur plusieurs thématiques. Premièrement, le rôle de l’Etat : je ne partage pas le constat d’un affaiblissement de l’Etat ou du brouillage de son rôle puisque si l’Etat venait à reprendre la main sur le contenu des conventions, il déresponsabiliserait immédiatement les partenaires conventionnels. Certes, l’équilibre obtenu en 2004 visait à responsabiliser, en première ligne, les négociateurs, mais la pression politique s’exerçant sur le ministère lors des négociations conventionnelles demeure extrêmement forte. Cependant, comme l’a rappelé la ministre de la santé, il y a une unicité de la politique de santé au service de laquelle les politiques conventionnelles s’exercent. Une disposition du prochain projet de loi santé devrait conférer une base légale à la pratique, rappelée précédemment, permettant au Gouvernement de fixer des orientations et un cadre à la négociation conventionnelle, à l’instar de ce qui s’est produit pour l’avenant n° 8 et pour la convention sur les soins de proximité.

Deuxièmement, la volonté du Gouvernement d’avancer de manière probante sur la mise en œuvre de l’article 45 de la LFSS pour 2013, relatif à la valorisation de la coordination des soins par la politique conventionnelle, a répondu pleinement aux attentes de la Cour. La ministre a récemment rappelé sa volonté que la négociation actuellement en cours puisse aboutir et permettre d’entériner l’évolution de l’organisation du système de soins évoquée par le rapport.

Troisièmement, les partenaires conventionnels nationaux devraient fixer un cadre permettant de donner une dimension régionale à la politique conventionnelle. Cette évolution pourrait optimiser, sur des questions comme le zonage ou l’aide à l’installation, l’adaptation des différents dispositifs aux spécificités des territoires.

Enfin, s’agissant des soins dentaires, de nouveau évoqués par la Cour des comptes, l’investissement limité de l’assurance maladie obligatoire risque de perdurer compte tenu des contraintes générales pesant sur l’Ondam. Mais le Gouvernement souhaite reprendre dans le projet de loi de santé publique la disposition relative au tarif social dentaire qui figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et qui concernait les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé éligibles à la CMU-c. Cette disposition devrait ainsi permettre de fixer un tarif limite pour un certain nombre de prestations, dont les prestations dentaires.

En outre, s’agissant des expérimentations des nouveaux modes de rémunération évoquées par le Président Durrleman, celles-ci ont été très précisément évaluées par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) de manière indépendante. Ces démarches présentent un début d’effet sur la stabilisation de l’offre de soins dans les territoires concernés ainsi que sur la qualité des prises en charge et des prescriptions par

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l’hôpital. Ces signaux encourageants nous conduisent à proposer la généralisation de ces nouveaux modes de rémunération dans le cadre des négociations sur les soins de proximité.

Mme Annie David. – , présidente. – Merci pour cette présentation et vos réactions immédiates. La santé est en effet un sujet complexe et il importe que l’ensemble des acteurs, qui sont nombreux, soient alignés sur un même objectif qui doit innerver toute négociation. L’objectif d’assurer à chacun un accès aux soins, quel que soit son lieu de résidence, me paraît plus important que la seule recherche d’une diminution générale des coûts. Certaines questions, comme l’aide à l’installation et ses conséquences sur les rémunérations, seront notamment abordées lors de l’examen du PLFSS. Je donne la parole à notre collègue M. Yves Daudigny, rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – En étudiant la question des relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professionnels de santé dix ans après la loi de réforme de la sécurité sociale de 2004, le rapport de la Cour des comptes offre un panorama complet et détaillé des enjeux auxquels fait face notre système de protection maladie.

Le choix de trouver des solutions négociées aux grandes questions que sont l’accès aux soins, la maîtrise du volume d’acte, la qualité du parcours de soins et la rémunération des professionnels, et ce même en temps de crise, caractérise notre système. Contrairement à d’autres pays, nous avons pu éviter de prendre des mesures soudaines et drastiques donc les effets à long terme sur les dépenses de santé s’avère incertains.

La négociation conventionnelle est donc l’instrument par lequel la pérennité de notre couverture maladie et la qualité des soins peuvent être assurées. La Cour s’est interrogée sur l’efficacité de l’instrument et sur le rapport entre celle-ci et son coût. Tout en partageant l’objectif poursuivi par plusieurs des mesures adoptées dans le cadre des négociations, la Cour s’interroge sur leur cohérence et sur leur niveau d’exigence. On peut de ce point de vue noter une différence d’appréciation entre le Cour et la Cnam sur les rémunérations sur objectifs de santé publique dont l’annexe 3 du rapport charges et produits 2015 de la caisse dresse un bilan.

Si je résume bien, la Cour estime qu’une plus forte implication des financeurs (Uncam, Unocam) et de l’Etat en tant que décideur peut renforcer la cohérence des actions menées et aboutir à la mise en place de contreparties plus efficaces pour la rémunération des professionnels et la gestion du risque. Je serais peut-être un peu plus prudent sur la capacité à imposer rapidement aux professionnels de santé des mesures beaucoup plus contraignantes. Certes les mentalités évoluent vers une plus grande acceptation du rôle de l’assurance maladie, mais l’équilibre des négociations est complexe et on sait qu’il faut d’abord éviter les ruptures. C’est cette considération qui me semble expliquer les négociations profession par profession, dont la Cour souligne cependant à juste titre qu’elles entrainent une fragmentation des mesures prises. Il est incontestable qu’il faut mener des négociations interprofessionnelles, le récent rapport de nos collègues Génisson et Milon sur les coopérations entre professionnels de santé a justement insisté sur ce point.

Je partage l’essentiel des recommandations formulées par la Cour ainsi que celles qui sont en filigrane dans le rapport et s’adresse parfois directement au législateur, comme la mise en cohérence des dispositions légales relatives aux négociations conventionnelles.

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Je pense également que le constat sévère sur l’accès aux soins et sur les effets des négociations sur les revenus des professionnels appelle des mesures de rééquilibrage.

Ces questions cependant aboutissent à un problème de fond, celui de la légitimité des acteurs conventionnels. Plus particulièrement, la négociation conventionnelle fixe de manière croissante les objectifs de santé publique et de qualité des soins, tâche dont on peut penser qu’elle incombe à l’Etat. Faut-il donc que celui-ci soit directement présent à la table des négociations ? Ceci mettrait fin aux stratégies de contournement ou d’influence auxquels l’Etat doit se livrer pour participer aux débats et que relève la Cour.

La gouvernance du système de santé est un sujet sur lequel nous nous sommes penchés dans le cadre de la Mecss avec le rapport sur les ARS de nos collègues Le Menn et Milon. Une plus forte implication du ministre et la définition d’enveloppes régionales permettant l’adaptation des politiques de santé aux besoins locaux me paraissent être de bonnes mesures.

Je prolonge donc ma question sur la place de l’Etat dans les négociations conventionnelles par une autre question : la loi sur la stratégie nationale de santé doit-elle être le véhicule d’une réforme de la gouvernance du système de santé ?

M. René-Paul Savary. – Je tenais à vous remercier, madame la présidente, d’avoir organisé cette audition qui permet d’obtenir plusieurs éclairages complémentaires sur l’avenir du secteur de la santé. Il me semble que le poids des ARS n’a pas encore été évalué à sa juste valeur et la place de chaque acteur dans les négociations demande à être précisée. Cette nécessaire clarification doit être conduite alors qu’une réforme territoriale est en cours d’élaboration. Comment vont évoluer les plans de santé régionaux si les régions sont fusionnées et des populations, qui ont des thématiques de santé différentes, sont regroupées ? Les accès aux soins de premier recours et les parcours de santé sont radicalement différents d’une région à l’autre. Ne faut-il pas profiter de cette réforme pour redéfinir le rôle de chacun des acteurs ?

S’agissant du mode de rémunération, il faut distinguer la médecine rémunérée à l’acte, qui en produit généralement trop, et la médecine salariée, qui n’en produit pas assez. Les évolutions intervenues tendant à compléter une rémunération à l’acte par la prise en charge de la prévention, de l’informatisation et d’actions sanitaires dans des domaines bien précis, me semblent se situer dans une juste voie. Sans doute faudra-t-il améliorer les critères retenus, mais il importe de privilégier une démarche positive, de préférence aux pénalisations que semble préconiser la Cour. Il faut ainsi encourager les praticiens à faire évoluer leurs pratiques. Ces nouvelles formes de rémunération sont la contrepartie d’une absence de revalorisation des actes depuis au moins trois ans. L’acte médical doit être revalorisé puisqu’il induit la lourde responsabilité du praticien, dont les longues études ne sont pas toujours estimées comme il le faudrait.

J’en viens à présent à la onzième recommandation de la Cour en matière d’installation des médecins généralistes qui me paraît intéressante. L’organisation des soins de premier recours par bassin est désormais connue et un nombre optimal de médecins conventionnés en secteur I pour ces zones devrait être défini. Un tel quota permettrait de réguler efficacement les installations. Cette démarche doit cependant être fondée sur la concertation plutôt que sur la coercition et impliquer les organisations syndicales. Les leviers conventionnels peuvent ensuite conduire à moduler les avantages, mais il vaut mieux

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favoriser l’approche du terrain et agir sur le long terme dès la formation des étudiants à l’université.

Mme Annie David, présidente. – Je souscris, mon cher collègue, à votre idée d’un quota de conventions par secteur au-delà duquel toute installation devrait se faire sans conventionnement.

M. Jacky Le Menn. – Le rapport de la Cour des comptes est mesuré et contient des propositions pertinentes qui permettent d’ouvrir le débat. Le domaine est complexe et il faut faire preuve de mesure dans l’approche d’une politique qui repose sur la négociation. La mise en place d’un pilotage plus intégré permettant à l’Etat de valider les orientations stratégiques des politiques conventionnelles, d’en suivre l’exécution et de mieux articuler les actions des différents acteurs, comme la Cour le préconise, me paraît aller de soi dans le cadre de la politique publique de santé. Il est normal que l’Etat puisse fixer les orientations des discussions conventionnelles. Que l’Etat n’ait plus de capacité de prendre la main lors des négociations me paraît insensé, car il importe d’assurer la continuité des politiques publiques. Au cœur de ces pilotages, la dimension économique ne doit pas être occultée et l’Ondam obéit à un principe de réalité qui rend son respect nécessaire. A ce titre, le Parlement doit prendre ses responsabilités en se prononçant sur les sous-objectifs qui composent l’Ondam.

La Cour reprend certaines des préconisations que nous avions émises, avec mon collègue Alain Milon, dans notre dernier rapport sur les ARS, s’agissant notamment de l’expérimentation Celle-ci devrait permettre d’exploiter au mieux la capacité des agences à adapter la déclinaison des politiques de santé publique aux besoins exprimés par nos concitoyens. Il vaut mieux procéder par petites touches plutôt que de prétendre tout réformer !

Mme Annie David. – , présidente. – Je souhaiterai obtenir plus d’information sur l’efficacité des différents types de rémunérations dont il a été question dans vos exposés. Leurs coûts pour la sécurité sociale et leur efficience ont-ils été évalués. A-t-on estimé le nombre de personnes ayant pu avoir accès aux soins grâce à elles. Les propositions que vous faites, en matière de dépassement d’honoraires, me paraissent aller dans le bon sens tant certaines situations peuvent friser l’illégalité. Le reste à charge, qui concerne à la fois le dentaire et l’optique, est parfois source de discriminations à l’embauche qui frappent les plus démunis, faute d’un accès aux soins. Le lieu d’installation doit aussi être pris en compte et le coût pour notre protection sociale d’une aide doit ainsi être estimé, surtout lorsqu’il s’agit de soutenir l’implantation de jeunes médecins dans des territoires présentant une sous-densité médicale.

M. Antoine Durrleman. – S’agissant de la gouvernance globale du système, l’Etat nous paraît absent juridiquement et présent pratiquement. Le cadre de la loi de 2004 confère à l’Etat sa juste place et le contrat qui lie ce dernier à l’Uncam gagnerait à être précisé afin de clarifier le rôle de celui-ci dans le cadrage d’un type de négociation particulier. Mais, comme rappelait M. Fatome, l’Etat ne dispose pas aujourd’hui de la capacité juridique à agir en ce sens. Ceci aurait pour vertu d’assurer la réalisation des objectifs de la loi de 2004.

En outre, la régulation de la relation des soins de ville avec le monde hospitalier pourrait être assurée par le conseil national de pilotage des ARS, ce qui permettrait d’utiliser un outil présidé par l’exécutif et d’aboutir à une forme de pilotage plus unifié.

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L’ensemble de ces mesures redonnerait son plein sens au dispositif de la loi de 2004, sans conduire à une remise à plat du système et dans une démarche pragmatique et concrète.

La place des assurances complémentaires fait aussi débat. Il ne s’agit pas de retirer à l’assurance maladie son rôle premier, mais dans un certain nombre de domaines, comme l’optique, celle-ci est un partenaire faible par rapport à d’autres acteurs. Aujourd’hui, nos concitoyens éprouvent de plus en plus de difficultés devant le niveau élevé des assurances complémentaires, du fait notamment de l’absence de régulation de certains secteurs et du comportement propre à certaines d’entre elles face aux effets de concurrence. La volonté de captation de parts de marché renchérit leurs frais de gestion et se répercute, in fine, sur leur tarification. La présence de ces complémentaires nous parait légitime dans certaines discussions conventionnelles. C’est pourquoi la Cour émet une sorte d’étonnement poli à constater que la disposition législative du code de la sécurité sociale prévoyant l’existence d’un point annuel entre l’Uncam et l’Unocam sur les négociations conventionnelles n’a pas encore trouvé à s’appliquer. Cette disposition avait pourtant été votée par le Parlement !

S’agissant des rémunérations et de l’évolution différentielle des professions qui en découle, toute une série de mesures ont concerné les médecins généralistes. En revanche, la Cour constate un phénomène d’échappement sur les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins du secteur II qui ont été gagnants par rapport à leurs confrères du secteur I, en matière notamment de taux d’évolution. In fine, l’assurance maladie, par le biais de l’avenant n° 8, est amenée à consentir à la pérennisation des dépassements. Des incitatifs puissants, parmi lesquels la possibilité pour certains médecins en secteur I, de rejoindre le secteur II, ont dû être mis en place. Les 16 000 signataires de cet avenant ont, dans leur grande majorité, bénéficié d’un effet d’aubaine. Telle une sorte de prime à la signature, l’assurance maladie a accepté de prendre en charge une partie des cotisations sociales des médecins de secteur II, certes sur la partie opposable de leurs honoraires. Jusqu’à maintenant, les avantages sociaux étaient associés, précisément, aux honoraires conventionnels. Ils sont désormais étendus aux médecins du secteur II qui sont bénéficiaires, par ailleurs, des marges procurés par les dépassements qu’ils pratiquent.

Enfin, l’usage des conventions demeure à géométrie variable comme en témoigne l’évolution des accords prix-volumes qui ne reposent pas sur un avenant conventionnel, mais sur un protocole d’accord signé entre les syndicats de biologistes et l’assurance maladie qui relève d’une procédure contractuelle. D’un côté se trouvent donc une convention qui se pérennise et se statufie depuis 1994, et de l’autre un protocole qui ne s’inscrit pas du tout dans le cadre conventionnel. Une telle situation ne peut que soulever nos interrogations.

M. Frédéric Van Roekeghem. – Le rôle des complémentaires n’a pas en effet été abordé. S’agissant des soins dentaires, les décisions passées ont conduit à abandonner le financement de leur prise en charge aux organismes complémentaires. Dans l’optique, la France, avec près de 11 000 professionnels, est l’un des pays les plus dotés et la capacité de régulation tarifaire des organismes complémentaires est à améliorer. Mais un conflit demeure entre l’intégration de l’Unocam dans un système de conventionnement collectif, précédemment inscrite dans le programme de la Mutualité française, et le souhait, clairement énoncé par un certain nombre de complémentaires, de développer des réseaux individuels via la contractualisation.

Le secteur dentaire me paraît l’une des priorités sanitaires qu’il importe de réguler dès à présent. Certes, l’actuel Ondam ne permet pas d’obtenir de marges de manœuvre

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suffisantes. D’ailleurs, l’assurance maladie préfère revaloriser un peu moins les rémunérations et prendre des mesures pour les assurés. La situation du secteur dentaire ne peut demeurer en l’état et la Cnam vient d’engager une négociation avec les centres de santé. Car le statu quo ne manquera pas d’induire de grandes difficultés pour les dentistes de province, qui ne pourront plus parvenir à l’équilibre financier et seront dissuadés de s’installer. Parallèlement, la progression des spécialités, comme l’orthodontie et les soins prothétiques, se fera au détriment des soins conservateurs considérés comme non rentables. En ce sens, la question de l’équilibre entre la revalorisation des tarifs opposables et le maintien des tarifs du secteur II se pose : l’évolution du revenu des professionnels, au regard de celle des revenus généraux, a-t-elle été suffisante ? Pour y répondre, la Cour se trouve dans une situation difficile puisque, d’un côté, elle a pour responsabilité la maîtrise des comptes publics et, de l’autre, il lui faut garantir la soutenabilité à moyen terme de notre système de protection sociale. Or, celui-ci est considéré, par les autres pays, comme favorisant l’accès aux soins de manière relativement aisée. Ce ne sont donc pas les moyens mis en œuvre par l’assurance maladie et sa tentative de maintenir le coût opposable des soins qui permettent de résoudre, à terme, les problèmes que ne manquera pas d’induire le secteur dentaire. Les décisions sur cette question incombent au politique.

Sur l’avenant n° 8, l’enjeu est de proposer un cadre différent de l’impasse stratégique dans laquelle nous nous trouvons avec la dualité entre les secteurs I et II. De ce point de vue, les décisions qui vont être prises, en matière de couverture des complémentaires et d’évolution triennale de ce système, représentent un enjeu majeur. Laisser la situation telle qu’elle est actuellement, avec ce morcellement entre deux secteurs, ne me paraît pas pertinent. Il faut à l’inverse évoluer.

Je rappellerai que lorsque les médecins du secteur II respectent les tarifs opposables de la CMU-c, ils bénéficient des tarifs du secteur I. S’il s’agit de bouger les lignes, encore faut-il savoir vers quel système il nous faut évoluer. De ce point de vue, les complémentaires s’avèrent des acteurs importants, mais je ne pense pas que la liberté tarifaire et les réseaux individuels vont régler les problèmes. D’ailleurs, un amendement au PLFSS rectificatif sur la prise en charge des contrats d’accès aux soins s’est inscrit en ce sens.

Sur la biologie, depuis plusieurs années, les conventions ne peuvent fixer les tarifs car une disposition législative est intervenue et a confié, de façon unilatérale, cette responsabilité à l’assurance maladie. L’Uncam ne peut donc plus convenir d’un accord prix-volume dans la convention puisque la loi ne le permet plus ! Nous ne pouvons que baisser unilatéralement les tarifs et nous l’avons fait à hauteur de 700 millions d’euros. Cependant, il importe d’envisager les mesures prises dans une perspective de moyen terme et la situation du secteur dentaire témoigne aujourd’hui du caractère pernicieux des mesures de court-terme.

Le monde de la santé est passé d’un contexte de croissance et d’investissement, au début des années 2000, à celui marqué par le resserrement de la gouvernance financière et la réduction de la croissance nominale du pays, ce qui le place dans une situation de relative incertitude. Au cœur des politiques publiques se pose aujourd’hui la question des moyens de concilier le retour de la croissance avec la maîtrise de l’usage des deniers publics. C’est pourquoi, après une baisse tarifaire ininterrompue pendant sept années, la Cnam a estimé raisonnable de proposer aux acteurs, en commençant par ceux de la biologie médicale, un cadre différent leur permettant de participer à la bonne utilisation des ressources et de ne plus être incités à une course aux volumes inutile, tout en veillant à conserver leurs marges afin de remédier à l’absence de visibilité susceptible de bloquer les investissements. Cet enjeu est

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majeur, mais la connaissance des événements survenus ces vingt dernières années me paraît utile pour restaurer la croissance et la conférence actuellement en cours sur la mise en œuvre du pacte de responsabilités me paraît aller dans le bon sens. Il importe avant tout de déployer une vision de long terme et la pluri-annualité, appelée de ses vœux par la Cour des comptes sur un certain nombre de sujets, me semble être prise en compte par les politiques de santé. L’engagement de la Cnam, soutenu par les deux ministres en charge de la sécurité sociale, à cette pluri-annualité, témoignait enfin de notre respect des lois et de l’avis du Parlement.

M. Thomas Fatome. – Dans le cadre de la future loi de santé publique, il n’est pas question d’aller vers un grand soir de la gouvernance. Je crois que la ministre souhaite plutôt privilégier la mise en œuvre de mesures favorisant l’accès aux soins et la prévention ainsi que la mobilisation de l’ensemble des acteurs, ARS comprises, dans l’optimisation des ressources disponibles pour maîtriser les dépenses de santé. Certaines évolutions, comme la clarification du rôle de l’Etat et la régionalisation des négociations incombant aux ARS ou encore clarification du contrat entre l’Etat et l’Uncam visant un meilleur cadrage des actions partagées, font l’objet de toute notre attention.

Mme Annie David, présidente. – Merci pour vos présentations et vos réponses complètes. Je ne vais pas relancer le débat sur l’Ondam car nous aurons l’opportunité de le faire en séance publique, d’ici quelques jours !

La commission désigne Yves Daudigny rapporteur sur l’enquête de la Cour des comptes relative aux relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé.

La réunion est levée à 19 h 32

Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 05.

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 - Examen du rapport

Mme Annie David, présidente. – Nous allons entendre notre rapporteur général sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, adopté hier à l’Assemblée nationale par un vote solennel.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – C’est la seconde fois depuis 1996 que le Parlement examine une loi de financement rectificative. Il l’avait fait une première fois en 2011. A la différence des lois de financement initiales, un projet rectificatif ne comporte que deux parties, recettes et dépenses, et non quatre. Il contient des articles obligatoires, dont l’article liminaire sur le solde des administrations publiques, la révision des prévisions de recettes et le tableau d’équilibre ainsi que la révision des objectifs de dépenses des différentes branches. L’Assemblée nationale a complété les seize articles initiaux par cinq articles additionnels.

Ce texte ne saurait être considéré isolément : les dépenses de sécurité sociale représentant 44 % des dépenses publiques, elles font partie intégrante de la stratégie globale

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de redressement de notre économie. Ce texte intervient alors que la croissance est atone, le chômage dramatiquement élevé et les comptes publics structurellement déséquilibrés.

Le projet de loi traduit les engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Le mot d’ordre est la confiance : travailler ensemble, conjuguer les efforts pour trouver un nouvel élan et redonner des perspectives à notre économie et à notre société. Je suis frappé par la morosité, et même par le fatalisme un peu complaisant que je constate souvent.

Huit millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Cela pèse sur l’avenir des jeunes et des enfants, et sur notre cohésion sociale. Soutenir le pouvoir d’achat, développer l’emploi, c’est lutter contre cette tendance. La consommation des ménages sera soutenue par l’engagement de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de contribuer au pouvoir d’achat des bas salaires et d’accroître la solidarité envers les plus fragiles. Les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations : dans le cadre du plan pauvreté, l’allocation de soutien familial et le complément familial ont été revalorisés le 1er avril, comme l’allocation de rentrée scolaire en 2012. Les prestations familiales sont recentrées sur les plus modestes et sur les familles monoparentales. Le coup de pouce aux prestations relevant du minimum vieillesse est maintenu. Le RSA sera, comme en 2013, revalorisé de 2 % au 1er septembre prochain, avec l’objectif de l’augmenter de 10 % sur 5 ans. Le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire a été revalorisé le 1er juillet 2013 pour inclure 300 000 nouveaux bénéficiaires, de même que celui de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, pour 250 000 bénéficiaires supplémentaires. L’effort envers les plus fragiles n’est pas seulement préservé, il est accru.

L’article 1er introduit via la baisse des cotisations salariales une progressivité des prélèvements salariaux et redonne du salaire net aux salariés et aux fonctionnaires dont le revenu est proche du Smic. Il prévoit une exonération de cotisations salariales pour les salaires entre 1 et 1,3 Smic, soit un supplément net d’au moins 520 euros par an. Cet effort de 2,5 milliards d’euros en faveur du pouvoir d’achat se combine avec l’aménagement du barème de l’impôt sur le revenu dans le collectif budgétaire.

Le pacte soutient l’investissement des entreprises et améliore leur compétitivité à l’exportation grâce à une amplification de la réduction dégressive des cotisations patronales sur les salaires entre 1 et 1,6 Smic, afin de parvenir à un « zéro charges Urssaf » sur le salaire minimum au 1er janvier 2015. Le pacte instaure également un taux réduit de cotisations familiales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic. Il prévoit enfin de réduire les cotisations familiales sur les bas revenus des travailleurs indépendants. S’y ajoutera à partir de 2016 l’extension du taux réduit de cotisations familiales à l’ensemble des salaires inférieurs à 3,5 Smic. L’allègement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d’ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), une première étape étant franchie en 2015 avec un abattement d’assiette à hauteur de 3,25 millions d’euros de chiffre d’affaires. Au total, les articles 2 et 3 représentent un effort de 6,5 milliards d’euros en 2015.

A cet article 2, je vous proposerai un amendement relatif aux particuliers employeurs. Ce régime a été réformé : l’abattement de 15 points sur les cotisations patronales a été supprimé le 1er janvier 2012, puis le forfait au 1er janvier 2013, cette seconde mesure représentant une hausse de cotisations de 12 % pour les ménages concernés. La réduction de cotisations de 75 centimes par heure déclarée n’a pas suffi à enrayer la chute du nombre d’heures déclarées, qui a baissé de 7 % en 2013, soit une perte de 16 000 équivalents temps

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plein, faisant suite à une première baisse de 12 000 ETP en 2012. La suppression du forfait améliorait les droits sociaux des intéressés, c’était une bonne mesure mais, cumulée aux précédentes, elle s’est traduite, sinon par une perte d’emplois, du moins par une perte d’emplois déclarés ou une sous-déclaration des heures. Ce secteur se caractérise par une élasticité très forte entre le coût de l’emploi et sa déclaration – le régime avait, du reste, été conçu pour favoriser l’emploi déclaré.

Le montant de la réduction de cotisations est fixé par décret. Le Gouvernement avait fait des annonces mais elles ne sont pas encore concrétisées. Je vous proposerai donc de doubler le montant de la réduction, pour la porter à 1,5 euro dès le 1er septembre prochain, afin de reconquérir de l'emploi déclaré – donc des cotisations – pour un coût que j’estime à 120 millions d’euros en année pleine. L’application dès la rentrée scolaire enverrait un signal aux ménages avant la réception de leur avis d’imposition…

L’Assemblée nationale a inclus dans la négociation annuelle de branche un suivi de l’impact, sur l’emploi et sur les salaires, de tous les avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises. Elle a confirmé le principe de l’autonomie de gestion du régime social des indépendants (RSI) afin de garantir que l’intégration financière de ses branches à la Cnam et à la Cnav se passe dans les meilleures conditions d’indépendance de gestion, comme cela a été le cas pour la Mutualité sociale agricole. Elle a souhaité sortir dès 2015 l’ensemble des coopératives agricoles du champ de la C3S. A l’initiative de sa commission des finances, l’Assemblée a demandé un rapport sur les conséquences pour le RSI de la suppression de la C3S et de l’intégration des indépendants au régime général. Je vous proposerai d’en retravailler l’intitulé : les conséquences financières ne pèseront pas, dans la configuration retenue, sur le RSI mais bien sur le régime général, et il s’agit nullement d’intégrer les indépendants au régime général mais d’intégrer financièrement les différentes branches du RSI avec celles du régime général.

L’Assemblée nationale a enfin réaffirmé le principe de compensation financière à la sécurité sociale des pertes de recettes induites par ce projet de loi : cette compensation annuelle, qui interviendra dès 2015, est garantie par le code de la sécurité sociale. C’est donc sur le budget de l’Etat qu’elle pèsera.

Quant à la trajectoire de redressement des finances publiques, le pacte prévoit une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros. J’insiste sur ce point, il ne s’agit pas de 50 milliards d’économies sur nos dépenses actuelles, mais de 50 milliards de moins que l’évolution spontanée de la dépense. Si nous restions sur la même trajectoire tendancielle, nous dépenserions 120 milliards de plus sur les trois prochaines années. Le pacte de responsabilité consiste à ne dépenser « que » 70 milliards supplémentaires.

Notre système de protection sociale prendra sa part, soit 21 milliards d’euros, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques. L’augmentation de la dépense n’est pas une garantie de qualité du service rendu : il s’agit de réformer sans le dégrader, afin de préserver la pérennité de notre système. Il n’est ni juste ni solidaire de reporter sur les générations à venir le poids de nos remboursements de médicaments, de nos séjours hospitaliers ou de nos indemnités journalières.

L’avenir du système dépend du redressement de ses équilibres financiers. La loi de programmation en cours prévoyait le retour à l’équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, en 2014. Nous avons consenti pour cela un

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effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment l’Ondam, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d’une croissance faible, n’ont pas été au rendez-vous et les déficits sociaux s’élèveront cette année à 12,5 milliards d’euros.

Le projet de loi dégrade par conséquent la prévision de solde des régimes obligatoires de base, 10,1 milliards d’euros contre 9,8 prévus en loi de financement initiale. Ce solde résulte de 1,7 milliard d’euros de moindres recettes et 1,4 milliard de moindres dépenses, essentiellement en raison du rebasage de l’Ondam. En dépit de ces ajustements, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient progresser de 7,8 milliards d’euros entre 2013 et 2014. Il n’y a pas de baisse des dépenses, mais une progression moins dynamique que prévu.

Le texte contient des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l’Ondam. La rédaction initiale de l’article 9 prévoyait le gel des pensions de retraite de base et de l’allocation de logement familiale, qui devaient être revalorisées au 1er octobre prochain. L’Assemblée nationale a supprimé le gel de l’allocation de logement familiale, comme elle l’avait déjà fait pour l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement sociale lors de l’examen du collectif budgétaire. Elle a en revanche adopté le gel des pensions de base supérieures à 1 200 euros bruts par mois. Le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près d’un milliard d’euros, soit en moyenne onze euros par mois et par retraité. Près de la moitié des retraités, soit 6,5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, leur pension étant inférieure à 1 200 euros bruts par mois. C’était la moins mauvaise des solutions, par rapport à des coupes dans les prestations. Les 935 millions d’euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer avec les 2,5 milliards de pouvoir d’achat rendus aux actifs les plus modestes. Une lecture complète implique de prendre en compte les mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des plus modestes.

J’en viens aux articles additionnels adoptés par l’Assemblée nationale. Issu d’un amendement du Gouvernement, l’article 9 bis élargit le champ de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en autorisant l’usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché (AMM) dès lors qu’il n’existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique. Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Il s’agit notamment d’étendre l’aide à la complémentaire santé (ACS) aux contrats collectifs à adhésion facultative ; d’autoriser les bénéficiaires potentiels de l’ACS à résilier par anticipation leur contrat actuel au bénéfice d’un contrat éligible à l’ACS ; de préciser les critères d’éligibilité à l’ACS en excluant les contrats qui opéreraient une sélection sur l’âge des assurés ; enfin de moduler les plafonds de prise en charge des dépassements d’honoraires par les contrats complémentaires dits « responsables » en fonction de l’adhésion du médecin à un contrat d’accès aux soins, par lequel il s’engage à modérer ses dépassements (l’entrée en vigueur du nouveau dispositif étant reportée au 1er avril 2015).

Pour l’essentiel, les mesures inscrites dans ce texte sont connues et discutées depuis plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de les traduire dans le droit.

M. Jean-Noël Cardoux. – Nous nous interrogeons sur l’opportunité de ce texte : du recours exceptionnel à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, on pouvait attendre des mesures exceptionnelles. Or, sur la partie recettes, la plupart sont d’application au 1er janvier 2015. Il aurait donc suffi d’en débattre à l’automne.

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Rien dans ce texte n’indique comment seront financées les réductions de charges, auxquelles s’ajoutent 5 milliards d’euros de manque à gagner résultant de la suppression de la C3S. Pourquoi ce texte maintenant, sinon, une fois de plus, pour une opération d’affichage ?

La réduction de charges va dans le bon sens, mais reste extrêmement timide, alors que nous l’attendons depuis les premières déclarations du Président de la République sur le choc de compétitivité, il y a un an. Il faudrait aller plus loin pour réellement provoquer ce choc. Pourquoi ne pas appliquer immédiatement l’exonération des charges sur les salaires inférieurs à 3,5 Smic ? On parle de 2016 ou 2017. C’est toujours « plus tard »… Le seuil de 1,6 Smic correspond à des entreprises qui ne sont pas délocalisables, comme la grande distribution ou La Poste, mais les start-up et les entreprises innovantes, en lutte dans la compétition internationale, versent des rémunérations supérieures et ne bénéficieront donc pas de l’exonération existante, pas plus que du CICE. Il est temps de leur donner des moyens. Si l’extension de l’exonération est repoussée à 2017, quel héritage pour le prochain gouvernement !

Nous sommes très favorables à l’amendement du rapporteur général sur la franchise à 1,50 euro pour l’intervention des salariés à domicile, mais pourquoi ne pas aller jusqu’à 2 euros, voire reprendre l’amendement que nous avions proposé il y a deux ans, ouvrant la possibilité de revenir au calcul au forfait ?

Avec des recettes en baisse du fait des difficultés économiques, nous devrons un jour ou l’autre réfléchir à un autre mode de financement : la TVA anti-délocalisation, parfaitement ciblée. Les ministres des finances de la zone euro ont récemment débattu des charges trop élevées dans certains pays, dont la France, et ont évoqué cette TVA comme l’un des remèdes possibles.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Je ne conteste pas la suppression de la C3S ; elle contribuait cependant au financement du RSI pour 2 milliards environ. Comment ces sommes seront-elles compensées ? La contribution répondait à une exigence légitime de solidarité entre entreprises.

Voilà deux ans que j’alerte le Gouvernement sur les dispositions de la loi de finances pour 2012 relatives aux emplois de services : hélas, à présent, 16 000 emplois ont été perdus. Je plaidais pour un maintien du forfait mais en le relevant à 1,3 Smic afin d’assurer la protection sociale du plus grand nombre de salariés. Lorsqu’une niche fiscale crée de l’emploi, il n’est pas idiot de la maintenir. L’amendement du rapporteur général me convient pleinement. J’avais pour ma part pensé à une réduction de 2 euros.

En tant que rapporteur de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), je rappelle que les allègements portant sur ces cotisations ont été supprimés en 2011. Faire de nouveau entrer ces cotisations dans le champ des allégements constitue donc un retour en arrière. La ministre nous a dit que la baisse de ces cotisations porterait sur leur partie mutualisée, ce qui m’inquiète doublement : les cotisations AT-MP sont sujettes, pour cette partie mutualisée, à trois composantes correspondant aux accidents de trajet, qui sont en augmentation, aux reversements à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail, enfin à la contribution aux fonds amiante.

La Cour des comptes avait refusé il y a deux ans de certifier les comptes de la branche AT-MP ; et avait estimé impossible de le faire, l’an dernier. Elle les certifie cette année avec cinq réserves. Cela signifie que des mesures ont été prises pour redresser les

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comptes de cette branche, censée être équilibrée par les seules cotisations patronales. Les entreprises se sont entendues sur la possibilité d’ajuster les cotisations en fonction de leur taille. Catherine Deroche et moi-même avions souhaité, dans notre rapport sur la branche AT-MP l’an dernier, une augmentation des cotisations de 1 %. Ce projet annule l’acquis de l’année dernière et risque de replonger la branche AT-MP dans les difficultés budgétaires. Les allègements de cotisations bénéficieront à des entreprises dont on sait qu’elles préfèrent que leurs salariés se déclarent en maladie plutôt qu’en accident du travail. Je doute fortement du bien-fondé de cette mesure à 100 millions d’euros, dont on nous dit qu’ils seront compensés par l’Etat. La gestion vertueuse, c’est l’équilibre de la branche par ses propres cotisations. Elle a du reste toujours une dette de 2 milliards, qu’elle devra rembourser à l’Acoss.

M. Dominique Watrin . – Nous contestons que le pacte de responsabilité comporte un effort en faveur du pouvoir d’achat des ménages modestes, il est au contraire grevé par les augmentations de la TVA. Quant aux cotisations sociales, elles représentent du salaire différé, mutualisé. La manière la plus simple d’améliorer le pouvoir d’achat, c’est d’augmenter les salaires.

Nous doutons de l’efficacité des exonérations massives de cotisations patronales. Les mesures de ce projet s’ajoutent aux 20 milliards d’euros de baisse du coût du travail liée au CICE et sont dans la continuité des politiques menées depuis vingt ans, à la suite des allègements Fillon. Il nous manque encore une évaluation de leur efficacité : quel est au juste leur coût pour l’Etat et la sécurité sociale ? Les estimations courantes font apparaître des subventionnements exorbitants, de l’ordre de 75 000 euros par emploi et par an pour les allègements Fillon, jusqu’à 130 000 euros pour le CICE. Cet argent pourrait être bien mieux utilisé. Le ministère des finances lui-même confirme que les dispositions du pacte de responsabilité détruiront plus d’emplois qu’elles n’en créeront.

Le gel des retraites supérieures à 1 200 euros affectera des millions de Français modestes. Il est injuste et contre-productif : ce sera moins de consommation, moins d’activité économique et, à terme, moins de rentrées fiscales et sociales. Le chien se mord la queue.

La réduction de 800 millions d’euros des dépenses d’assurance maladie par rapport au projet de loi de financement initial au titre du respect de l’Ondam 2014 se fera sentir dans notre système de santé, il accroîtra les difficultés financières des hôpitaux et le sentiment d’injustice des retraités.

Trop de mesures de ce projet de loi font la part belle aux demandes du Medef : la suppression de la C3S d’ici 2017 est un cadeau d’1 milliard d’euros aux grandes entreprises, auquel s’ajoutent 4,5 milliards de nouveaux allègements. On atteindra à terme 9 milliards, ce qui nous inquiète beaucoup. Qui financera à terme la branche famille ? La Cour des comptes s’était prononcée pour le maintien du financement par les employeurs. Je rappelle que sur 55 milliards d’euros de prestations versées, un quart est consacré à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et aux gardes d’enfants, autrement dit bénéficie directement aux entreprises.

Ces mesures, injustes et inefficaces, ne contribueront pas à la compétitivité : nous démontrerons en séance que les cotisations familiales patronales ne représentent que 1 % des coûts de production et sont donc minimes par rapport aux charges du capital, intérêts financiers ou dividendes.

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Nous constatons depuis vingt ans la précarisation du travail et la stagnation des salaires, qui nuisent au financement de la sécurité sociale. Nous proposerons donc l’alternative d’une revalorisation salariale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Nous soutiendrons l’amendement du rapporteur général en faveur des particuliers employeurs. Espérons qu’il suffise pour arrêter l’hémorragie d’emplois.

Ce texte ne traite que des recettes et de leur réduction en 2015, il ne donne aucune indication précise sur les économies, sinon sur le gel des pensions de retraite, qui dégagera 1 milliard d’euros. Qu’est-ce, par rapport aux 9 milliards de réduction des cotisations ? Comment seront-ils compensés ? Comment voter ce texte, alors que ces éléments essentiels à l’équilibre budgétaire nous manquent et que nous n’avons qu’un vague engagement de compensation par l’Etat ? Comment celle-ci se fera-t-elle : par des économies que l’on ne veut pas avouer aujourd’hui, ou par l’impôt, c’est-à dire par la CSG ou la TVA ? Cette hypocrisie insupportable nous met dans l’impossibilité de voter ce texte. Quant à la suppression de la C3S, comment sera-t-elle compensée, en particulier dans le financement du RSI ? Voilà les questions, monsieur le rapporteur général, que vous pourrez transmettre au Gouvernement, s’il considère que le Parlement sert encore à quelque chose et s’il veut qu’il y ait ici un débat.

M. Louis Pinton. – Une question de forme : dans la partie de votre intervention consacrée aux particuliers employeurs, vous avez fait état d’« une élasticité très forte » entre le coût de l’emploi et sa déclaration. Pourquoi ne pas parler plutôt d’une « relation très forte » ?

Mme Colette Giudicelli. – Le RSA sera revalorisé de 2 % par an pendant cinq ans. Il est facile de faire ce genre de propositions, surtout lorsque d’autres les payent, comme les conseils généraux. La réduction drastique des dotations d’Etat a fait de nos budgets un casse-tête ; les départements ont de plus en plus de mal à assumer les charges du RSA, dont l’organisation doit être revue, y compris la récupération des indus, très compliquée.

Mme Aline Archimbaud . – Ce texte comporte des engagements positifs à l’article 1er. Nous regrettons qu’il donne aux entreprises un chèque en blanc, sans aucune condition ni garantie de résultat. Aucun des amendements des députés visant à conditionner les allègements aux efforts des entreprises pour améliorer la situation de l’emploi n’a été retenu. Toute idée de contrepartie a été écartée. Nous nous trouvons ainsi devant un texte très déséquilibré et craignons que ces allègements soient financés par des coupes dans des budgets utiles, comme ceux de la santé publique.

Le redressement des finances publiques est un objectif important. Nous avions fait en ce sens des propositions porteuses d’économies colossales, en vue de politiques réelles de prévention, d’accès aux soins, de santé environnementale. Il n’y en a pas trace dans ce texte. L’épidémie de diabète coûte 17 milliards par an et est en partie liée à un mode de vie : la prévention serait fort utile. Le Gouvernement n’a pris aucun engagement sur le dispositif modeste de bonus malus que nous proposons pour lutter contre l’augmentation des particules fines dans l’air, or les maladies pulmonaires et cardio-vasculaires coûtent, selon l’estimation du Commissariat général au développement durable, entre 20 et 30 milliards par an.

M. Bruno Gilles. – L’article 9 bis élargit le champ de la recommandation temporaire d’utilisation RTU. Aux questions du rapporteur à l’Assemblée nationale, M. Gérard Bapt, la ministre a répondu en citant l’exemple de deux médicaments traitant la

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dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), l’un bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, l’autre non mais dix fois moins cher. Cela signifie-t-il que le coût devient un critère explicite d’octroi d’une RTU ? Ne risque-t-on pas d’ouvrir la porte aux dérives, comme celle du Médiator, et de généraliser l’utilisation de médicaments à d’autres fins que celles prévues par l’AMM ?

M. Ronan Kerdraon. – Le projet de loi de finances rectificatives élargit les exonérations au titre du versement transport. A Saint-Brieuc, par exemple, le manque à gagner sera de 1,4 millions d’euros, soit 10 % du produit de ce versement. Je déposerai un amendement pour réserver les exonérations aux entreprises bénéficiant d’un agrément d’entreprise solidaire d'utilité sociale, pour éviter les dérives et les contentieux. Il ne faut pas étrangler davantage les collectivités territoriales.

Mme Laurence Cohen. – Le rapporteur général a indiqué que 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Ne faudrait-il pas préciser qu’il s’agit essentiellement de femmes, 53 % selon les données de l’Observatoire des inégalités ? Il faut sortir de l’invisibilité.

Je ne partage pas votre point de vue sur l’Ondam. Les établissements publics de santé manquent cruellement de moyens et de personnel. Leur situation est catastrophique. Les sacrifices financiers pèsent d’abord sur eux. La hausse de l’Ondam de 2,4 % est insuffisante. Les EPS doivent en outre supporter la revalorisation du Smic et des rémunérations des catégories C, annoncées début 2014, à la différence des établissements privés, qui bénéficieront de la réduction des charges sur les bas salaires éligibles au Cice.

Mme Catherine Deroche. – Je partage l’avis de M. Godefroy sur la branche AT-MP, une branche où la discussion paritaire est vivante. La réforme de son mode de financement a été approuvée à l’unanimité. Et les résultats sont là ! Les comptes n’avaient pas été certifiés en raison d’un défaut de provision pour contentieux en cours, mais la situation s’est améliorée. L’Etat participe au déséquilibre en ne respectant pas ses engagements sur le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante : il faut que la part de l’Etat, 30 %, soit maintenue.

Quant aux particuliers employeurs, la responsabilité est partagée entre la droite et la gauche. Pour éviter les abus et des effets d’aubaine, il suffirait de dresser la liste des domaines où un allègement de charges est pertinent. Je suis hostile au forfait, il pénalise les salariés : le paiement des cotisations au réel est plus juste.

Mme Catherine Génisson. – L’hôpital public est en grande difficulté. Les conditions de travail sont très dures, même si le personnel fait son maximum. Notre exigence quant à la qualité des soins doit être maintenue. Cela ne sera possible qu’au prix d’une réorganisation du système de santé. L’Ondam hospitalier est difficile à respecter. Dans le même temps, la réalisation est inférieure à la prévision pour la médecine de ville. Celle-ci doit assumer son rôle. Il n’est pas normal que l’hôpital soit toujours en première ligne. Les économies ne sont pas tout. Il faut développer une approche qualitative et réorganiser notre système de santé.

M. René-Paul Savary. – Merci, monsieur le rapporteur général, d’avoir fait un rapprochement avec le projet de loi de finances rectificative et d’avoir rappelé qu’il n’y a pas de véritables économies mais un rythme moindre de progression des dépenses. Reste la question fondamentale : comment financerons-nous les mesures ? Le flou règne… On ne voit

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pas où seront dégagées des économies, sauf sur les personnes âgées, à hauteur d’1 milliard d’euros, sans compter la Casa (645 millions d’euros) qui alimente les caisses de l’Etat et ne finance pas le plan sur l’autonomie. C’est la double peine ! Je soutiens votre amendement pour les employeurs à domicile. Les personnes âgées bénéficieront au moins de cela... La droite et la gauche ont pris des mauvaises mesures, avec notamment la suppression du forfait. Avançons franchement : pourquoi une réduction de cotisation de 1,5 euro et non de 2 ? L’Etat y gagnerait car le taux de déclaration des emplois augmenterait, donc les recettes fiscales. De plus le contrat de travail avec une durée minimum de 24 heures n’est pas adapté à tous les particuliers employeurs.

L’article sur la RTU s’apparente à un cavalier législatif. Il faut une étude d’impact, d’autant qu’il y a des risques de dérives. Il serait sage de reporter cette mesure. Je proposerai un amendement de suppression de cet article qui n’a pas à figurer dans une loi de financement rectificative.

Je m’associe aux propos de ma collègue sur le RSA. C’est la double peine pour les départements : le nombre des bénéficiaires augmente tandis que les dotations de l’Etat diminuent. L’Association des départements de France propose une recentralisation. Pourquoi ne pas créer au sein de notre commission un groupe de travail afin de faire rapidement des propositions au Gouvernement ?

M. Jacky Le Menn. – M. Cardoux a dit que ce texte comportait de bonnes mesures mais trop timides ; le groupe CRC crie à la catastrophe… La position du Gouvernement est équilibrée. Il faut voir la cohérence de l’ensemble, loi de finances rectificative et loi de financement rectificative réunies. Les dépenses sociales représentent 44 % des dépenses publiques. Il ne s’agit pas d’en faire table rase mais de réduire leur rythme de progression : 70 milliards d’euros contre 120 en tendance spontanée, ce n’est pas rien. Hypocrisie ? Telle n’est pas notre approche. Nous préférons annoncer l’objectif à atteindre, même s’il est ambitieux. Les propositions concernant le soutien aux ménages sont précises. Là encore, certains souhaiteraient des mesures plus marquées, tandis que d’autres déplorent leur ampleur : tout est affaire de dosage ! Ce sont les entreprises qui créent les emplois. L’objectif principal est la réduction du chômage. Le Gouvernement est parvenu à un équilibre. Des choix seront faits : réorganisation du système, stratégie nationale de santé, future loi de santé publique. Il faut préserver les soins de premiers recours, mais des mesures sont à prendre. L’Ondam est revu à la baisse, mais les économies portent essentiellement sur la médecine de ville.

Mme Annie David, présidente. – Je précise à nos collègues que rien ne concerne le RSA dans le présent texte. Je ne suis pas opposée à la création d’un groupe de travail sur ce sujet, mais ce n’est pas celui du jour. De même le versement transport relève du projet de loi de finances rectificative.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Je défends ce texte avec raison et avec conviction. M. Cardoux estime qu’il va dans le bon sens mais déplore l’absence de mesures exceptionnelles ou exaltantes. Je ne suis pas d’accord. Le Gouvernement veut redonner du souffle à notre économie, la rendre plus compétitive, réduire le chômage tout en préservant notre système social. Assortir le pacte de responsabilité d’un pacte de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes en situation précaire, n’est-ce pas une tâche exaltante ? Ce texte constitue le maillon d’une chaîne, depuis le CICE jusqu’au projet de loi de finances à venir. Tout n’est pas parfait pour autant, je l’admets aussi.

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Les compensations aux entreprises ne sont pas des « cadeaux » au Medef ou aux patrons. Notre souci est de redonner de l’oxygène à nos entreprises qui souffrent de la concurrence internationale, à nos PME et à nos artisans. Les entreprises du BTP ont évité jusqu’à maintenant les plans sociaux mais sont en difficulté et risquent de devoir licencier. Aidons-les ! Les députés ont adopté un amendement qui répond à certaines inquiétudes en prévoyant que les effets des exonérations de cotisations devront être analysés lors des négociations annuelles de branche. Certes, nous manquons d’éclairage sur la manière dont les compensations seront financées. Nos questions sont restées sans réponse à cet égard, nous en saurons plus à l’automne, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Il ne s’agira sans doute pas de nouvelles mesures fiscales mais d’une tuyauterie complexe entre l'Etat et la sécurité sociale – reste à savoir comment elle sera alimentée.

Le Gouvernement a décidé de supprimer la C3S pour alléger les charges des entreprises. La compensation sera assurée par le régime général. L’indépendance du régime des indépendants (RSI) a été réaffirmée par un amendement des députés. Quant à moi, je souhaite modifier l’intitulé du rapport demandé par les députés.

Le texte prévoit l’intégration dans le champ des allègements généraux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans la limite de la cotisation minimale commune à toutes les entreprises, selon un taux commun à la branche, soit 1 % sur les 2,4 % du taux net moyen au niveau national.

Je suis en désaccord avec M. Watrin. Les allègements de cotisations compensés n’ont pas de conséquence sur le niveau des prestations. On ne peut donc les considérer comme une perte de revenus pour les salariés. En outre, des mesures en faveur du pouvoir d’achat ont été décidées. Certes la hausse de la TVA pèse proportionnellement davantage sur les ménages aux situations les plus précaires, qui dépensent l’essentiel de leur revenu – en produits de première nécessité, cependant, auxquels s’applique un taux réduit. J’ajoute que ce sont les ménages aux revenus les plus élevés qui contribuent le plus aux recettes de TVA. Ces éléments m’ont conduit à revoir mon jugement sur le caractère antisocial de la TVA. De plus 1,7 million de familles modestes bénéficieront d’un allègement de leur impôt sur le revenu, 500 euros en moyenne par an, ce qui n’est pas négligeable.

Certains trouvent que l’Ondam n’est pas suffisant ; toutefois les dépenses de santé augmentent.

Mme Laurence Cohen. – C’est normal.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Je rappelle qu’après rebasage, les dépenses sous Ondam augmentent de 4,6 milliards d’euros entre 2013 et 2014. L’articulation entre la médecine de ville et l’hôpital constitue un sujet fondamental que nous devrons traiter dans la loi de santé publique. Madame Cohen, la sous-exécution de l’Ondam depuis deux ans a concerné davantage la médecine de ville que les établissements publics. Les établissements privés ont dû restituer une partie du CICE tandis que le public bénéficie d’autres sources de rémunération, comme le complément au forfait jour. Le Gouvernement a également pris en compte la spécificité des établissements publics lorsqu’il a renoncé à la convergence tarifaire.

Mon amendement réduit les cotisations des employeurs à domicile de 1,5 euro par heure travaillée, au lieu de 75 centimes aujourd’hui : 2 euros représenteraient un abattement

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de 16 %, alors que l’abattement de cotisations patronales était de 15 points à l’origine. J’ai proposé 1,5 euro, mesure centriste…

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Très bien !

M. Louis Pinton. – Mesure centrale !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Mais son application serait en revanche immédiate. Il faut donner un signal. Le forfait n’est pas une bonne solution…

Mme Muguette Dini. – C’est vrai !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Monsieur Pinton, l’élasticité enregistre la corrélation entre deux variables. C’est un terme utile et à la mode, comme la gouvernance ou l’efficience…

M. Bruno Gilles. – Il ne faut pas que le vocabulaire dissimule la pensée !

M. Louis Pinton. – Talleyrand demandait à ses collaborateurs s’ils l’avaient compris. Si ceux-ci répondaient « oui », il estimait s’être mal exprimé…

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Le texte ne traite pas du RSA. J’ai fait mention de sa revalorisation pour replacer les présentes mesures dans un ensemble.

Madame Archimbaud, vous avez parlé de « chèque en blanc » donné au patronat : non, nous rétablissons une relation de confiance. Je note votre souci du redressement des comptes publics. Il est insupportable de reporter sur les générations futures le financement de nos dépenses de santé. En Allemagne, la sécurité sociale est à l’équilibre. Quant aux dispositions sur la santé environnementale, elles relèvent du texte sur la santé publique.

S’agissant de l’article 9 bis sur les recommandations temporaires d’utilisation (RTU), je rappelle que la loi du 29 décembre 2011, à la suite de l’affaire Médiator, a interdit les prescriptions des médicaments en dehors du cadre défini par les AMM. Des dérogations étaient prévues en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée. Dans deux arrêts de 2012 et 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a autorisé la prescription hors AMM pour d’autres pathologies même si une alternative existe, dès lors que celle-ci ne possède pas la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique. Le Lucentis, du laboratoire Novartis, traite la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DLMA), pour un coût de 900 euros par mois. L’Avastin est un anticancéreux, fabriqué par le laboratoire Roche, qui coûte 30 à 50 euros par mois. Les études montrent qu’il peut être substitué au Lucentis, mais le laboratoire Roche n’a pas demandé d’AMM. Pourquoi ? C’est que Roche et Novartis ont des liens capitalistiques ; de plus, les deux possèdent des parts dans la société californienne qui a travaillé à l’autorisation thérapeutique du médicament le plus cher, et Roche perçoit des royalties sur les ventes de celui-ci… Les deux laboratoires ont été condamnés en Italie. Le texte tire les leçons des arrêts de la Cour de justice et met fin à une situation scandaleuse. Reste la question de la sécurité des patients. Celle-ci est garantie par le fait que le dispositif sera placé sous le contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui élabore les RTU.

Madame Cohen, je ne vois pas d’obstacle à mentionner dans mon rapport la forte proportion de femmes parmi les personnes en situation de pauvreté.

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Mme Laurence Cohen. – Mes remarques n’avaient rien de polémique.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Je n’y ai pas vu de polémique.

Article 2

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Mon amendement n° 1 concerne 1a réduction de cotisation de 1,5 euro pour les particuliers employeurs.

L’amendement n° 1 est adopté.

Mme Annie David, présidente. – A l’unanimité. C’est assez rare pour être signalé.

M. Jean-François Husson. – Encore plus rare lorsqu’il s’agit d’adopter et non de rejeter une proposition !

Article 3

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – L’amendement n° 2 modifie l’intitulé du rapport demandé par les députés au Gouvernement à l’article 3. Je proposerai que le rapport concerne l’impact de « l’intégration financière » du RSI au régime général, et non de l’intégration de ses ressortissants, qui n’est pas envisagée.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Je m’abstiendrai. Pourquoi relancer une idée ressentie comme une provocation par les intéressés ? Le RSI est né en 1946 lorsque les professions indépendantes ont refusé de rejoindre le régime général. Ce régime se redresse. L’idée d’une intégration financière au régime général risque d’être mal perçue ; M. Cardoux et moi nous avions estimé qu’elle n’était pas possible en l’état.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Il s’agit de préciser que le rapport dressera le bilan de l’intégration financière, qui est par ailleurs prévue par l’article 3 du texte, et non d’une fusion des régimes qui n’a pas lieu d’être. Mon amendement va dans votre sens.

Mme Annie David, présidente. – C’est vrai.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Je suis d’accord avec M. Godefroy. Qui dit intégration financière dit intégration. Le régime des RSI se redresse. Ne rouvrons pas une querelle inutile. Pourquoi ne pas supprimer l’alinéa 51 ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. – Vous pourrez déposer un amendement de séance.

M. René-Paul Savary. – L’exposé des motifs de l’article 3 se réfère au régime des exploitants agricoles, dont la branche maladie est intégrée financièrement au régime général.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Chaque régime a sa logique.

Mme Annie David, présidente. – Il faudrait revoir alors l’article 3. Nous en discuterons en séance.

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L’amendement n° 2 est adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Je m’abstiens sur le texte. Même s’il comporte de nombreuses avancées, je regrette le manque d’explications au sujet de la branche AT-MP.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Auteur N° Objet

Article 2 Baisse des cotisations sociales des employeurs et des travailleurs indépendants

M DAUDIGNY, rapporteur général

1 Relèvement de 75 centimes à 1,5 euro par heure de la réduction des cotisations des particuliers-employeurs Adopté

Article 3 Création d’un abattement d’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés,

intégration financière du régime social des indépendants avec le régime général et répartition de l’affectation du produit de la C3S

M DAUDIGNY, rapporteur général

2 Modification de l’intitulé du rapport au Parlement Adopté

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014- Désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission procède à la désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Elle désigne en tant que membres titulaires : Mme Annie David, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Noël Cardoux, Mme Isabelle Debré et M. Gérard Roche, et en tant que membres suppléants : Mmes Jacqueline Alquier, Aline Archimbaud, M. Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche, MM. Georges Labazée, Jacky Le Menn et René-Paul Savary.

Mme Annie David, présidente. – La CMP se réunira si nécessaire le jeudi 17 juillet à 17 heures à l’Assemblée nationale.

La réunion est levée à 12 h 05.

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Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente –

La réunion est ouverte à 15 h 10.

Audition de M. François Bourdillon, candidat pressenti pour le poste de directeur général de l’Institut de veille sanitaire

Mme Annie David, présidente. – L’article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit l’audition préalable par les commissions concernées des présidents ou directeurs pressentis, pour une dizaine d’agence sanitaires, avant leur nomination ou leur reconduction. C’est pourquoi nous recevons le docteur François Bourdillon, auquel le Gouvernement souhaite confier la direction générale de l’Institut de veille sanitaire (InVS), en remplacement de Mme Françoise Weber, qui était en fonction depuis 2007 et qui a été nommée directrice générale adjointe de la santé il y a quelques semaines. Cette procédure d’audition est bien distincte de celle prévue par l’article 13 de la Constitution, qui est assortie d’un vote.

L’InVS, établissement public placé sous la tutelle du ministère de la santé, a été créé en 1998. Ses missions ont été progressivement renforcées pour prendre en compte les crises sanitaires récentes et les risques émergents. L’InVS exerce une fonction de surveillance, de vigilance et d’alerte dans tous les domaines de la santé publique, qu’il s’agisse des maladies chroniques, des maladies infectieuses, y compris celles véhiculées depuis d’autres pays, des risques d’origine professionnelle ou des effets de l’environnement sur la santé. L’InVS s’appuie sur ses propres services au niveau national, mais dispose également d’un réseau régional, avec 17 cellules interrégionales d’épidémiologie localisées au sein des agences régionales de santé (ARS), dont deux outre-mer. Il emploie un peu plus de 400 personnes. Son budget s’élève à 62 millions d’euros provenant essentiellement des crédits budgétaires de la mission « santé ». Ces moyens peuvent susciter des interrogations, compte tenu des l’ampleur des missions confiées à l’Institut. Lors de l’examen du budget, nous dénonçons régulièrement la difficulté, dans de telles conditions, de hiérarchiser les priorités, par exemple dans le choix des études épidémiologiques qui engagent nécessairement des moyens importants.

Présentant les orientations du futur projet de loi de santé publique le 19 juin, la ministre des affaires sociales et de la santé a jugé que les moyens et les efforts de nos structures administratives relatives à la santé étaient trop dispersés. Elle a souhaité la création d’un institut pour la prévention, la veille et l’intervention en santé publique, qui disposerait d’une taille critique suffisante. Cette perspective concernerait au premier chef l’InVS, qui pourrait ainsi être regroupé avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) et l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus).

Le docteur Bourdillon est actuellement praticien hospitalier, chef du pôle santé publique, évaluation et produits de santé, au sein du groupe hospitalier universitaire La Pitié-Salpêtrière. Je le remercie de nous avoir fait parvenir, outre sa biographie, une déclaration publique d’intérêts. Il va nous présenter son parcours professionnel puis la façon dont il aborde la fonction que le Gouvernement souhaite lui confier.

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M. François Bourdillon, candidat pressenti pour le poste de directeur général de l’Institut national de veille sanitaire. – Je suis pressenti par la ministre de la santé pour être directeur général de l’InVS. J’ai 60 ans, je suis médecin de santé publique, à la Pitié-Salpêtrière comme vous l’avez signalé. Le pôle que je dirige compte 180 personnes et regroupe les deux pharmacies de l’établissement, le département de statistique, santé publique et information médicale, la pharmacologie clinique, la recherche clinique et des activités comme l’addictologie ou les soins aux personnes sourdes.

Je suis président de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, président de la commission prévention du Haut Conseil de la santé publique et vice-président du Conseil national du sida. C’est par le sida que je suis entré en santé publique à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsque j’ai fait de la recherche en épidémiologie pour ensuite travailler à la direction des hôpitaux, devenue direction générale de l’offre de soins et qui travaillait à adapter les hôpitaux aux soins des personnes infectées par le VIH. A l’époque, il a fallu mettre en place des indicateurs pour mesurer l’ampleur de l’épidémie, puis construire la recherche clinique, créer des cohortes, renforcer le personnel disponible.

Ce fut une grande réussite et quand j’ai ensuite dirigé le bureau pathologies et organisation des soins, j’ai utilisé les mêmes outils pour faire évoluer notre système de santé. A la fin des années 2000, j’ai été nommé conseiller technique du ministre de la santé en charge des plans de santé publique : j’ai élaboré des plans à moyen terme et ma démarche s’est voulue holistique afin d’intégrer dans chacun de ces plans la prévention, le dépistage, l’offre de soins, la recherche clinique, la gouvernance et même la solidarité. C’est ainsi qu’est né le premier plan Alzheimer, ainsi que ceux sur les maladies rares, le diabète, les maladies cardio-vasculaires.

A l’issue de cette période, je suis retourné à la Pitié-Salpêtrière et j’ai enseigné à Pierre-et-Marie-Curie, mais aussi à l’IEP de Paris. Je suis coordinateur des risques liés aux soins : je travaille sur les logiques de qualité et les gestions de risques et dirige les investigations sur tous les évènements médicaux et chirurgicaux graves qui peuvent survenir dans un établissement afin que ces erreurs ne se reproduisent plus.

J’ai été pendant six ans président de la Société française de santé publique : j’ai ainsi fait connaissance de tous les acteurs de la santé publique de France et de Navarre. J’ai eu un engagement associatif très fort avec Médecins sans frontières dont j’ai été vice-président et où je me suis occupé de la gestion de crise. Dans les années 2000, j’ai été nommé comme personnalité qualifiée au conseil d’administration de l’Inpes et j’ai conservé une activité clinique sur le VIH. Je serai contraint désormais d’abandonner la consultation du mardi soir… Enfin, je vous ai adressé ma déclaration publique d’intérêts car je suis très attentif aux possibles conflits d’intérêt qui sont nombreux en santé publique.

L’InVS me semble être, de toutes les agences du secteur, la plus belle et la plus professionnelle, la plus rigoureuse scientifiquement. En outre, l’Institut a réussi sa mutation, dans le champ de la surveillance. Traditionnellement, il travaille sur les maladies infectieuses, mais doit aussi prendre en compte les maladies chroniques et les risques environnementaux et ceux liés au travail. L’InVS ne pouvant pas tout faire, il s’appuie sur 300 partenaires avec lesquels il a signé des conventions afin de disposer d’une photographie de l’état de la santé en France.

Il a relevé divers défis. Nous vivons dans un monde très mondialisé, les populations se déplacent : voyez l’épidémie de chikungunya, les pandémies... Du fait de ses

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contacts réguliers avec l’OMS et avec le Center for Disease Control and Prevention, (CDC), l’InVS est au plus près des alertes. L’Institut a intégré le défi des mutations environnementales, comme l’apparition du moustique tigre, mais aussi les pratiques agricoles et industrielles – pesticides, polluants, dioxine, chlordécone aux Antilles. Enfin, il prend en compte les facteurs sociaux et démographiques, les changements de comportement, le vieillissement de la population, ou encore la nutrition, en grande partie responsable de l’épidémie de surpoids et d’obésité.

L’Institut devra faire face à l’enjeu de la surveillance, car il existe beaucoup d’études épidémiologiques, mais tout n’est pas mesurable. Dans une période de contrainte budgétaire, il faut fixer des priorités… et ne pas se tromper. Nous avons donc besoin de nous appuyer sur de nombreux experts, tout en restant tête de réseau, et en associant les services de recherche, les hôpitaux.

La régionalisation est également un enjeu pour l’InVS, en tenant compte de la fusion des régions voulue par le président de la République. L’InVS travaille avec dix-sept cellules régionales et interrégionales d’épidémiologie placées sous la double tutelle des ARS et de l’Institut. Il faudra trouver la ligne de partage entre les deux. Les alertes de premier niveau, à mon sens, relèvent des ARS, les méthodes d’expertise devant être définies par l’Institut.

Nous devrons travailler en étroite collaboration avec la direction générale de la santé : j’ai vécu en 1998 l’externalisation de l’expertise en matière de sécurité sanitaire. Pour pouvoir piloter, il faut rapprocher l’expertise et réduire le nombre des agences qui forment aujourd’hui un millefeuille.

Mme la ministre de la santé a évoqué le 19 juin la création d’un institut de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, à partir du regroupement de l’InVS, de l’Inpes et de l’Eprus, au nom de l’efficience mais aussi dans une logique internationale. Car la tendance et au regroupement de ces fonctions, comme aux États-Unis, au Québec, en Suède. Cette logique est portée par l’International association of national public health institutes (Ianphi) qui privilégie ces stratégies sur la base d’un large éventail de compétences et d’expériences. L’Ianphi promeut une stratégie fondée sur le plus large éventail de compétences et le continuum depuis la production de connaissance jusqu’à l’action : ainsi pour l’épidémie de chikungunya, il faut veiller pour détecter les premiers cas, puis mobiliser l’offre de soins, communiquer et informer la population, mobiliser les entomologistes pour lutter contre les vecteurs. Les mêmes besoins se font sentir face à une épidémie de méningite. Ce modèle peut également servir pour les maladies chroniques, pour le dépistage du cancer, la santé environnementale ou la santé au travail.

Comme je serai probablement le préfigurateur de ce futur institut, je privilégierai le dialogue, la concertation et la logique de co-construction entre les divers acteurs concernés.

Pour toutes ces raisons, je suis candidat à la fonction de directeur général de l’InVS.

M. Georges Labazée. – Comment concevez-vous les relations entre l’InVS, rattaché au ministère de la santé, et la direction de l’alimentation du ministère de l’agriculture ? Lors d’un grave incident récent, celui de la viande de cheval il y a dix-huit mois, le ministère de l’agriculture a pris le dossier en main et n’a pas vraiment associé à ses travaux l’InVS, si bien que l’on ne sait toujours pas exactement ce qui s’est passé.

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M. Jean-Claude Leroy. – L’année dernière, j’avais souhaité le rapprochement entre l’InVS et l’Inpes et je me félicite que vous soyez le préfigurateur de ce futur institut. Comment allez-vous surmonter les rigidités et les spécificités de chaque agence, pour mener à bien ce projet ?

M. Hervé Poher. – Je ne suis pas aussi optimiste que mon voisin : cette fusion risque d’aboutir à une usine à gaz. Les regroupements au nom de l’efficacité donnent souvent naissance à des organismes tentaculaires, et l’on finit par créer des sous-organismes, pour constater finalement que c’était aussi bien avant. J’aimerais aussi être certain que la fusion vise uniquement le bien public, non un objectif financier de réduction des crédits.

Vous avez parlé plusieurs fois d’environnement. Or, c’est dans le Nord-Pas-de-Calais qu’ont été lancés les premiers programmes régionaux de santé. Je me suis toujours demandé pourquoi l’espérance de vie dans ma région était nettement inférieure à la moyenne nationale. Régulièrement, on m’a répondu : excès de bière et de frites. C’est simpliste : je suis intimement persuadé que d’autres raisons expliquent notre taux de morbidité, comme les perchlorates dont j’ai eu à connaître la présence en tant que président de l’agence de l’eau. Je gère également des espaces naturels sensibles qui sont d’anciennes friches industrielles. Le Nord-Pas-de-Calais est une grande région agricole et j’ai reproché aux agriculteurs d’utiliser des produits, certes interdits depuis vingt ans, mais que l’on retrouve dans l’eau aujourd’hui. Je suis persuadé que l’état de l’environnement est un déterminant important de la santé dans notre territoire, mais c’est un sujet difficile à aborder.

Mme Catherine Deroche. – Ne peut-on mutualiser les moyens affectés aux diverses agences, tout en définissant clairement les missions des unes et des autres ? Je suis favorable au rapprochement annoncé car l’InVS, l’Inpes et l’Eprus participent tous les trois à la veille sanitaire. Par ailleurs, nous venons de rédiger le rapport du comité de suivi sur l’amiante : ce problème est loin d’être derrière nous, notamment pour le désamiantage.

M. René-Paul Savary. – Je n’ai pas bien compris la double tutelle que vous avez évoquée entre les ARS et l’InVS. Autre question, quels sont les budgets des trois organismes appelés à fusionner ?

M. François Bourdillon . – Pour les risques, les agences sont spécialisées : l’affaire de la viande de cheval relevait de la fraude, l’InVS n’était pas concernée alors que l’Anses l’était. Le partage des tâches est simple. L’InVS mesure les conséquences sur la santé alors que l’Anses travaille sur la toxicologie, sur les effets de seuil. Mme la ministre a annoncé l’étiquetage nutritionnel : l’Anses va valider le système et l’InVS mesurera les évolutions du surpoids et de l’obésité.

Le regroupement entre l’InVS et l’Inpes n’a pas démarré, mais cette annonce était attendue depuis longtemps. Ce regroupement n’est pas une fusion, c’est une co-construction, un lien qui se construira dans la confiance. La mesure des comportements de santé relève de l’épidémiologie et a toute sa place à l’InVS tandis que les campagnes grand public et la science du comportement sont du ressort de l’Inpes. Il va donc falloir identifier les forces et les faiblesses des uns et des autres pour créer des synergies. J’y travaillerai afin que tous, au sein des agences, adhèrent au projet, qui ne sera pas imposé d’en haut. Un nouveau contrat d’objectifs et de performances devra être conclu. Je demanderai probablement une aide de l’Igas pour disposer d’une préfiguration sur le champ administratif et financier.

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Les trois agences disposent d’un budget de 220 millions d’euros. L’Eprus dispose de 89 millions, dont 80 de produits pharmaceutiques (réserves stratégiques, vaccins, masques, antibiotiques, antidotes). Quarante personnes travaillent dans cet établissement qui stocke les réserves et qui peut agir 24 heures sur 24, en France mais aussi à l’étranger : depuis 2007, l’Eprus a effectué 40 missions dans le reste du monde, de Fukushima à la Côte-d’Ivoire ou la Libye. La péremption des stocks coûte extrêmement cher mais l’Eprus fait tester par un laboratoire national les principes actifs des produits pour prolonger leur durée d’emploi lorsque cela est possible, éventuellement les remettre dans le circuit général afin qu’ils ne soient pas perdus.

L’InVS comprend 430 personnes : la moitié du budget de 63 millions est affecté au personnel et l’autre au financement des partenaires. L’institut a par exemple versé 300 000 euros à l’université Pierre-et-Marie-Curie qui anime le réseau de médecins généralistes Sentinelles. Enfin, 130 personnes travaillent à l’Inpes, dont le budget se monte à 73 millions. Les principales dépenses, 68 millions, concernent les programmes et la communication, la masse salariale étant seulement de 11 millions. Le regroupement de ces agences produirait-il une usine à gaz ? Je ne le crois pas : nous copions ce que font les Américains et les Canadiens. En outre, la proximité des équipes sera utile.

Dans le domaine de l’environnement, on ne sait pas tout. Ainsi en est-il des particules fines ou des perturbateurs endocriniens. Je trouve très intéressante l’étude Esteban de l’InVS : sur un échantillon représentatif de 5 000 personnes, cette étude va mesurer très régulièrement par des coupes transversales l’imprégnation dans le sang des substances que l’on trouve dans l’environnement. Ce type d’enquête n’apporte pas de solution aux problèmes que peuvent poser, par exemple, les pesticides du vignoble bordelais épandus à proximité des écoles. La surveillance sera donc être nécessaire.

Le problème de l’amiante est loin d’être derrière nous : beaucoup de bâtiments en contiennent encore. Le mésothéliome, principale pathologie de l’amiante, fait maintenant l’objet d’une déclaration obligatoire, ce qui permettra d’en mesurer le développement. Nous intégrerons les mésothéliomes non professionnels. Nous avons besoin de surveillance mais aussi de recherche : le rapprochement des institutions a du sens.

M. René-Paul Savary. – Y a-t-il un effet dose, comme pour le tabac ?

M. François Bourdillon. – Tout à fait, mais la taille des fibres influe également sur les pathologies. La durée et le volume ont tous deux leur importance. Pour le tabac, la durée d’exposition est plus importante que le volume : il est plus grave de fumer pendant vingt ans cinq cigarettes par jour que de fumer pendant cinq ans un paquet par jour. En revanche, les perturbateurs endocriniens ont une forte toxicité même à très faible dose.

M. Hervé Poher. – Vous a-t-on assuré que vous garderiez les mêmes moyens humains et financiers en cas de regroupement ?

M. François Bourdillon. – Les négociations n’ont pas encore atteint ce niveau de détail.

Mme Annie David, présidente. – Le regroupement n’aura de sens que s’il ne se traduit pas par des coupes budgétaires.

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Mme Catherine Deroche. – Un mot des messages de santé publique diffusés par l’Inpes : le rapport que j’ai co-signé avec M. Daudigny sur la fiscalité comportementale soulignait l’absence d’évaluation de l’efficacité des messages.

Mme Annie David, présidente. – Certaines familles modestes qui n’ont pas les moyens d’acheter cinq fruits et légumes par jour peuvent considérer ces messages comme provocateurs ou culpabilisateurs. Il serait bon de se pencher sur leur contenu.

M. François Bourdillon. – J’y serai attentif.

Mme Annie David, présidente. – Merci pour cette présentation.

La réunion est levée à 16 heures.

Jeudi 10 juillet 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente –

La réunion est ouverte à 9 heures 30.

Conférence sociale 2014 - Audition de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Mme Annie David, présidente. – Nous accueillons M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, sur les conclusions de la grande conférence sociale de 2014.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. – J’ai souhaité venir vous présenter le bilan de la conférence sociale, qui s’est tenue lundi et mardi, ainsi que la feuille de route présentée hier en conseil des ministres. Pour commencer, je vous livre en primeur le résumé de la rencontre à huis clos, lundi, entre les syndicats et le Président de la République. Comme l’a expliqué le Président de la République, le dialogue social n’est pas le consensus mais la recherche du compromis social. Celui-ci est possible sur la base du respect et de l’engagement réciproque. Il s’inscrit dans la durée. Depuis deux ans, plusieurs accords interprofessionnels ont été transposés dans la loi, comme celui créant le compte personnel de formation qui entrera en vigueur le 1er janvier 2015.

Plusieurs constats sont partagés. La croissance est nécessaire et suppose la confiance. La perte de compétitivité de notre économie depuis 10 ans s’est traduite par une hausse des prélèvements. Pour y remédier il est indispensable de baisser les charges. Le soutien à la croissance et à l’investissement en Europe est insuffisant et le taux de chômage des jeunes est élevé. La France connaît des difficultés qui lui sont propres. Notre taux de chômage des jeunes, même s’il a baissé de 0,5 %, reste, à 23 %, inacceptable, bien qu’il soit inférieur à la moyenne de l’OCDE. Le chômage de longue durée est préoccupant : on compte deux millions de personnes inscrites depuis plus d’un an, et un million depuis plus de deux ans En outre, chacun vante les mérites de l’apprentissage, mais le nombre des apprentis a baissé de 8 % l’an dernier. Les blocages sont divers et pas seulement d’ordre financier. Seuls 4 % des entreprises ont recours à des alternants. De plus, la France a pris du retard en matière d’investissement humain et public. Il faut poursuivre le dialogue social.

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Plusieurs pistes se dégagent à l’issue de la conférence sociale. Tout d’abord, il convient de renforcer le dialogue social en Europe. La France propose, soutenue par plusieurs partenaires, la création d’un Eurogroupe social, pendant de l’Eurogroupe financier. J’ai réuni le comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales pour réfléchir à son plan de travail annuel, en lien avec les experts et les partenaires sociaux. Il conviendra de tenir des réunions tripartites sociales en amont des réunions du Conseil européen.

Pour consolider notre démocratie sociale il faut mettre en place, avant la fin de l’année, le fonds paritaire de financement des organisations syndicales et patronales. Nous lancerons des négociations à l’automne pour améliorer le dialogue social dans les entreprises. Un groupe de travail se réunira à l’automne. Je présenterai un document d’orientation dès la fin du mois après consultation des syndicats. Tous les salariés doivent être représentés. Pourquoi, par exemple, ne pas donner voix délibérative aux administrateurs représentant les salariés dans les entreprises de plus de 1 000 salariés ? Il faut également faciliter l’exercice des fonctions syndicales ou celles des représentants du personnel.

Une négociation interprofessionnelle sera lancée sur le chômage de longue durée. Le comité de suivi du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) deviendra un comité de suivi et d’évaluation de l’ensemble des aides publiques. Présidé par le Premier ministre, il sera animé par France Stratégie, l’ancien Commissariat général à la stratégie et à la prospective. À la rentrée, je réunirai les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés des 50 plus grandes branches, représentant plus de 75 % des salariés, pour faire le point sur les négociations liées au pacte de responsabilité. Des accords de branche ont déjà été signés, comme dans la métallurgie, mais en nombre limité. Il faut mettre en lumière les bonnes pratiques et favoriser leur diffusion. En outre, le nombre de branches doit être rationalisé. Il y en a trop en France : il faut couper les branches mortes !

Conformément aux souhaits exprimés par Louis Gallois et le réseau Alerte, nous pérenniserons la garantie jeunes, qui concerne aujourd’hui 4 000 jeunes, et l’étendrons avec l’objectif que 50 000 jeunes puissent en bénéficier en 2015 et 100 000 en 2017. La France sera le premier pays européen à la mettre en œuvre. Grâce au suivi très fin réalisé par les missions locales, ce dispositif vise à assurer la continuité entre la formation initiale, la formation professionnelle, l’insertion, la lutte contre le décrochage scolaire et la lutte contre les discriminations de toutes natures.

Nous n’avons pas voulu définir un énième plan pour l’emploi des seniors, qui sont davantage victimes d’exclusion du monde du travail. Ils quittent parfois le marché du travail grâce à une rupture conventionnelle qui leur permet de s’inscrire à Pôle emploi. Les seniors qui ne sont pas pris en charge individuellement dès leur inscription au chômage deviennent souvent des chômeurs de longue durée. Aussi, 80 000 seniors sans emploi feront l’objet d’un suivi renforcé par 1 000 conseillers spécialisés de Pôle emploi. Pas moins de 80 000 contrats initiative emploi (CIE) leur seront dédiés en 2015. Une négociation interprofessionnelle pourra s’ouvrir sur le sujet des demandeurs d’emploi de longue durée, comme l’a demandé le réseau Alerte.

L’apprentissage stagne : 417 000 jeunes sont concernés, loin de l’objectif de 500 000 réaffirmé par les gouvernements successifs. Il faut lever les blocages, qu’ils soient psychologique ou financiers. Une étude de la Dares et de France Stratégie, Les métiers en 2022, montre que les métiers qui seront créateurs d’emploi à cet horizon sont ceux qui n’ont pas recours à l’apprentissage, comme les services à la personne. Nous n’atteindrons pas l’objectif de 500 000 si ces métiers ne s’ouvrent pas à l’apprentissage. En outre, 100 millions

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d’euros seront consacrés à renforcer la mobilité des apprentis et augmenter les capacités d’hébergement. Sans moyen de transport entre l’entreprise et le centre de formation d’apprentis (CFA), les choses sont difficiles ! Pour l’hébergement, 100 millions d’euros, issus du programme des investissements d’avenir, seront consacrés à la rénovation des CFA. En outre, une aide spécifique de 200 millions d’euros sera inscrite dans le projet de loi de finances rectificative : un amendement du Gouvernement créera une prime de 1000 euros pour l’embauche d’un premier apprenti …

Mme Catherine Procaccia. – En somme, vous restaurez un dispositif que vous avez supprimé !

M. François Rebsamen, ministre. – Pas tout à fait. Il ne s’agira que du premier apprenti, dans les branches où un accord de branche aura été signé. Nous avions recentré le dispositif précédent sur les entreprises de moins de onze salariés. De plus, nous ouvrirons la fonction publique d’État, très en retard, à l’apprentissage. Il convient de dépoussiérer des décrets parfois très anciens qui interdisaient le recours à l’apprentissage en raison de la présence de machines-outils dangereuses, mais celles-ci, à l’image des massicoteuses, ont souvent disparu... Notre objectif est de parvenir à 10 000 apprentis dans la fonction publique d’Etat en 2015, contre 700 aujourd’hui.

Mme Annie David, présidente. – Merci pour cette présentation complète de votre feuille de route.

M. Jean-Noël Cardoux. – Je salue votre initiative : nous apprécions que, à peine la conférence sociale achevée, vous soyez venus devant notre commission pour en exposer les grandes lignes. Je partage également l’idée selon laquelle le dialogue social n’est pas le consensus mais la recherche du compromis. Après avoir discuté, il faut trancher. Si le Gouvernement s’engage dans cette voie, nous ne pouvons que l’approuver. Sinon, à force de tourner en rond, on finit par reculer.

Vous avez raison de mettre l’accent sur l’apprentissage. Les engagements financiers du Gouvernement vont dans le bon sens et c’est à juste titre que vous restaurez certaines mesures que votre prédécesseur avait malencontreusement supprimées ! Le développement de l’apprentissage se heurte à l’extrême complexité de la procédure de conclusion du contrat, du suivi et à la multiplication des contrôles. Les artisans s’en plaignent. Les litiges sont nombreux et les familles très sensibilisées. Le second frein, difficile à lever, est inscrit dans les mentalités. L’éducation nationale continue de considérer l’apprentissage comme une voie de garage. On s’acharne à orienter les enfants vers des études longues, même lorsque l’apprentissage est plus adapté.

M. Jacky Le Menn. – Je suis, pour une fois, d’accord avec Jean-Noël Cardoux ! Au-delà de postures parfois théâtrales, les conférences sociales donnent corps au dialogue social. Le dialogue social, c’est la recherche du compromis, dans l’écoute et le respect, ce qui n’exclut pas les désaccords. Les compromis peuvent s’accompagner d’évaluation et d’éventuels retours en arrière en fonction des résultats.

L’accent doit être mis sur l’apprentissage. Notre retard s’explique par des causes culturelles. L’apprentissage est perçu dans le monde enseignant, comme dans la population, comme moins prestigieux que l’enseignement général. Or, l’intelligence de la main est essentielle. Le jeune interne devient un brillant chirurgien grâce à ce qui est en réalité un apprentissage, même s’il n’en porte pas le nom. N’établissons pas de clivage entre une filière

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prestigieuse et une autre qui le serait moins. Il faut saisir l’occasion des conférences sociales pour tenter de modifier les perceptions.

Pour la première fois le thème de la santé au travail a été abordé. Quelles seront les suites en la matière ?

Mme Catherine Procaccia. – Les gouvernements de droite comme de gauche ont défini des plans en faveur de l’emploi des seniors. Malheureusement, quoi que l’on fasse, la situation ne s’arrange pas. En quoi consistera le meilleur accompagnement par Pôle emploi évoqué par le Premier ministre ? Alors que l’on manque de chauffeurs d’autobus, Pôle emploi refuse d’ouvrir ces formations aux quadragénaires ou aux quinquagénaires. Pourquoi n’arrivons-nous pas, en France, à développer l’emploi des seniors quand nos voisins y parviennent ?

La conférence sociale a-t-elle abouti à des avancées sur le temps partiel et le plancher hebdomadaire de 24 heures de travail ?

Mme Isabelle Debré. – Depuis le début de l’année, le nombre d’apprentis a chuté de 14 %. Il y a un an, le Gouvernement a supprimé la prime de 1 000 euros pour les entreprises de plus de 10 salariés. Vous la rétablissez sous réserve d’un accord de branche. Est-ce conforme à votre volonté de simplification ?

En outre, lorsque l’apprentissage est terminé, l’apprenti n’est pas tenu de rester dans l’entreprise qui a investi pour le former. Ne faudrait-il pas instaurer un système à l’image de celui qui existe pour les étudiants de certaines grandes écoles, comme Polytechnique, obligeant l’apprenti à rester un certain temps dans l’entreprise une fois sa formation achevée ? Un autre frein concerne l’orientation. L’éducation nationale est-elle la mieux placée pour connaître l’entreprise ? Ne faut-il pas développer les partenariats entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère du travail ?

Mme Michelle Meunier. – Comment travaillerez-vous avec l’Éducation nationale ? Je salue la création d’un observatoire de suivi des aides publiques, ainsi que la création d’un observatoire des rémunérations. La question de l’égalité entre les hommes et les femmes n’a pas été oubliée, ce qui me rassure.

Mme Gisèle Printz. – On déplore souvent que 150 000 jeunes décrochent chaque année sans diplôme du système scolaire. Mais ont-ils jamais accroché ? Est-ce une bonne chose de les pousser longtemps au sein de la filière générale ?

M. Dominique Watrin . – Où en est la mise en œuvre du seuil de 24 heures pour les contrats à temps partiel ? Le rapport Cotis montrait que le salaire moyen stagnait à cause du développement du temps partiel et des emplois précaires, entraînant une hausse des inégalités. J’ai été rapporteur d’une mission sur l’aide à domicile : 550 000 salariés touchent en moyenne 830 euros par mois. On ne peut pas se contenter de la proposition, formulée lors de la négociation de branche, fixant un seuil de 16 heures hebdomadaires.

Nous n’avons pas d’a priori idéologique sur l’apprentissage. Mais les apprentis dans la fonction publique risquent de remplacer des emplois de fonctionnaires.

M. François Rebsamen, ministre. – Non !

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M. Dominique Watrin . – Ce tour de passe-passe atténuerait les effets de la révision générale des politiques publiques…

Je salue l’annonce d’Assises de l’investissement. Tous les outils, publics comme privés, doivent être mobilisés. Bien des emplois sont menacés ou ne sont pas créés faute de crédit bancaire.

On souhaite diriger l’épargne salariale vers l’investissement productif. Or, avec l’explosion des dividendes, la capacité d’autofinancement des entreprises a chuté, entraînant une baisse de l’investissement. Pourquoi ne pas mettre en place une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction des dividendes pour stimuler l’investissement productif ?

Mme Annie David, présidente. – Je n’ai aucun a priori contre l’apprentissage. J’ai été à la commission de la culture rapporteure pour avis sur l’enseignement technique et l’apprentissage ; je suis favorable à l’apprentissage, mais pas à n’importe quelles conditions, car dans certains CFA les apprentis travaillent dans des conditions archaïques voire dangereuses.

Les mesures proposées pour l’emploi des seniors vont dans le bon sens. Que deviendra l’allocation transitoire de solidarité (ATS) qui a remplacé l'allocation équivalent retraite (AER) ? Beaucoup de seniors au chômage et en fin de droit ne peuvent réclamer leur pension. Ils touchent l’ATS et sont dans une situation précaire.

Pourquoi voulez-vous diminuer le nombre de branches ?

M. François Rebsamen, ministre. – Pour simplifier ! Même la CGT est d’accord…

Mme Annie David, présidente. – Je suis plus inquiète lorsque vous annoncez vouloir développer le dialogue social dans l’entreprise. Est-ce un nouveau moyen de faciliter la conclusion d’accords moins avantageux que ceux négociés au sein de la branche ou dérogeant au code du travail ?

M. François Rebsamen, ministre. – L’apprentissage se heurte à certains freins spécifiques à notre pays. M. Cardoux évoque avec raison la complexité du contrat, du suivi, du contrôle. Toutefois, comme il s’agit de jeunes de 16 ans, certaines garanties ne sont pas superflues. Par exemple, nous avons mené une campagne de prévention contre les chutes de grande hauteur dans le métier de couvreur. Faut-il autoriser les apprentis couvreurs à monter sur les toits ? Oui, faute de quoi ils n’apprendront pas le métier, mais pas dès leur entrée en apprentissage. L’accent doit être mis sur les maîtres d’apprentissage et leur formation. Il faut valoriser leur rôle comme dans les autres pays. Des mesures simples peuvent y contribuer dans la fonction publique. De même, beaucoup de jeunes apprentis abandonnent en cours de formation, mais les employeurs se voient contraints de les payer jusqu’au terme de leur contrat. Là encore, il est facile de donner de la souplesse. N’oublions pas toutefois que 70 % des apprentis restent dans l’entreprise une fois leur formation achevée. D’ailleurs, dans les TPE, ils reprennent souvent, à terme, l’entreprise.

Le ministre de l’éducation nationale a présidé, lors de la conférence sociale, une table ronde sur les jeunes et l’apprentissage. Le Gouvernement a fixé un objectif de 60 000 apprentis dans l’éducation nationale. Un effort sera réalisé pour favoriser la connaissance du monde de l’entreprise dès la troisième. L’étude Pisa montre que les jeunes

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Français sont ceux qui connaissent le moins le monde de la finance. C’est regrettable. L’apprentissage est souvent perçu comme une voie de garage, une punition en cas d’échec en voie générale. Pourtant l’apprentissage est aussi une voie d’excellence. Hier, je clôturais l’assemblée générale de la fédération Syntec : elle compte 14 000 apprentis, la plupart d’entre eux ont bac plus quatre !

Les aides, comme la prime de 1 000 euros ou le crédit d’impôt de 1 600 euros, ont été resserrées, sous conditions, au profit des entreprises qui recourent le plus à l’apprentissage, soit les entités employant moins de 11 salariés. Le nouveau dispositif prévoit le versement d’une prime de 1 000 euros pour le premier apprenti sous réserve de la conclusion d’un accord de branche. Il y en aura, Madame Debré ! Soyons optimistes. Des négociations sont ouvertes dans les cinquante plus grandes branches. Dans la métallurgie, qui concerne 1,6 million de salariés, les choses sont très avancées.

Mme Isabelle Debré. – Rendez-vous dans un an !

M. François Rebsamen, ministre. – On compte environ 750 branches mais le dialogue social est inexistant dans 600 d’entre elles : c’est pourquoi nous voulons les supprimer. Peut-être parviendrons-nous à terme à 100 branches.

On connait les freins à l’apprentissage ; beaucoup reste à faire dans les CFA. L’an prochain, le transfert d’une part de la taxe d’apprentissage aux régions leur donnera des moyens d’action supplémentaires : 57 millions d’euros en 2015, 160 en 2016. La collecte de la taxe d’apprentissage donnait lieu à beaucoup de fuites, dues à des collecteurs non agréés. Sur ce point, des poursuites ont été engagées. Une réunion sur l’apprentissage, présidée par le Président de la République, sera organisée à la rentrée pour lever tous les freins. Mais dès maintenant, l’enveloppe de 200 millions d’euros est mobilisable. Nous lançons une campagne pour inciter les entreprises à embaucher des apprentis. Parfois certains jeunes doivent écrire à plus de 50 entreprises pour simplement obtenir une réponse !

Mme Catherine Procaccia. – Qu’en est-il du CV anonyme ?

M. François Rebsamen, ministre. – Nous continuons à financer les développeurs de l’apprentissage, créés par la majorité précédente, dont le rôle est de contacter les entreprises et de les inciter à embaucher des apprentis. Selon les études des chambres consulaires, leur action est utile. Nous nommons dans les régions des ambassadeurs de l’apprentissage, issus du monde de l’entreprise. Le nombre d’apprentis a baissé de 14 % sur les quatre premiers mois de l’année, mais les chiffres s’améliorent à la rentrée de septembre. La baisse n’est pas due simplement à la suppression de la prime. Les emplois d’avenir font de la concurrence à l’apprentissage. Sans doute le vocabulaire n’est-il pas sans conséquence, les familles préférant un « emploi » à un « contrat »…

Mme Catherine Procaccia. – Il faut les rebaptiser « contrats d’avenir » !

Mme Gisèle Printz. – Beaucoup de jeunes rencontrent des difficultés à trouver un stage en entreprise et ne peuvent valider leur diplôme. Que faire ?

M. François Rebsamen, ministre. – Vous avez voté récemment une loi sur ce sujet…

Mme Catherine Procaccia. – Mais nous n’avons pas voté l’obligation pour les établissements d’enseignement de fournir un stage !

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M. François Rebsamen, ministre. – L’éducation nationale créera des « pôles de stages et de périodes de formation en milieu professionnel » regroupant les stages offerts par les entreprises dans un bassin d’emploi. De grandes entreprises, comme Capgemini, déplorent la fin des stages de plus de six mois. Etaient-ils pour autant, sur un plan pédagogique, absolument indispensables ? Il fallait mettre un terme aux abus.

J’ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur le deuxième plan sur la santé au travail et au travail. Nous préparons le troisième plan qui mettra l’accent sur la qualité du travail et au travail.

Madame Procaccia, l’accompagnement personnalisé n’est pas la panacée, mais aux Pays-Bas le taux de chômage des seniors est faible grâce à lui. En Autriche, l’État prend en charge, à hauteur de 80 %, six mois de salaires sans condition. Au bout des six mois, les seniors restent dans l’entreprise... Mais nous n’avons pas les moyens pour faire de même. De plus, certains nous accuseraient d’être à la solde du patronat !

Vous m’avez posé une question sur le temps partiel. Cette loi est pleinement justifiée, mais nous allons présenter un amendement pour éviter tout contentieux, sans toutefois rigidifier la vie économique.

Nous allons transformer le comité de suivi du CICE, à la demande des syndicats, en un observatoire des aides publiques, pour vérifier notamment que les emplois ont bien été créés en contrepartie des aides perçues. La Cour des comptes indique qu’il y a beaucoup de gaspillages, mais elle ne considère que les aspects budgétaires : l’observatoire permettra d’apprécier l’impact économique du dispositif.

L’observatoire des rémunérations s’attachera tout particulièrement – je sais que vous y êtes attachés – à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui rentre peu à peu dans les esprits. Il faut bien commencer par là…

Mme Annie David, présidente. – Et les 24 heures ?

M. François Rebsamen, ministre. – Nous ne reviendrons pas sur les 24 heures hebdomadaires pour le temps partiel : nous voulons cependant sécuriser les contrats existants inférieurs à 24 heures. La loi a permis de grandes avancées dans de nombreux secteurs où des accords ont été conclus ; dans certaines branches, on n’est pas payé au Smic ! C’est bien pour cela qu’il faut en couper certaines, qui ne négocient rien du tout, mais où de vieux accords subsistent.

Monsieur Watrin, l’apprentissage dans la fonction publique n’a pas pour objet de compenser la diminution des effectifs : dans certains ministères ils diminuent, j’en conviens, mais dans d’autres ils augmentent sensiblement, comme à la justice, l’intérieur ou l’éducation nationale. D’un autre côté, certains demandeurs d’emploi ne répondent même pas aux offres d’emploi, et ne se présentent pas à leurs convocations, ce qui nuit à ceux qui cherchent vraiment des emplois.

L’épargne salariale ? L’UMP a créé le forfait social, et l’a porté de 0 à 8 %. Les socialistes l’ont porté à 20 % ! Maintenant, le dispositif est stabilisé. J’ai réuni, pour la première fois, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) il y a quelques jours. Cela dit, il est possible de trouver d’autres formes d’épargne salariale, selon la conférence sociale. De nouveaux produits

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d’épargne salariale, affectés par exemple plus particulièrement au financement des PME et garantis sur la durée, pourraient bénéficier de taux modulés. Nous vérifions si c’est juridiquement possible.

Contrairement à ce que tout le monde croit, la CGPME ne veut surtout pas qu’on efface le seuil de 50 salariés : car en deçà, on n’est pas obligé de faire de l’épargne salariale !

La modulation de l’IS ? Je n’ai pas eu gain de cause, mais j’y arriverai peut-être un jour…

Le dialogue social dans l’entreprise ? Gérard Larcher, alors ministre du travail, avait eu une heureuse initiative : toute disposition législative en matière sociale doit être précédée d’une consultation des partenaires sociaux. C’est pourquoi j’ai rencontré l’ensemble des organisations syndicales, et je leur ai demandé de mener une réflexion pour savoir si l’existence de seuils était un frein au développement des entreprises et de l’emploi. Passer le seuil de 50 employés, ce n’est pas seulement l’obligation de créer un comité d’entreprise, mais aussi 34 nouvelles obligations, et des heures de réunion, ce qui fait hésiter beaucoup de chefs d’entreprise. Le sujet est sur la table, mais ce n’est pas moi qui l’y ai mis ; c’est pour cela que j’ai parlé d’engagements réciproques : une modification des seuils ne peut se faire au détriment de la représentation des salariés. Les organisations syndicales sont d’accord pour en débattre sans tabou : on verra ce qu’il en sortira.

Mme Annie David, présidente. – Et pour les seniors en fin de droit ?

M. François Rebsamen, ministre. – Grâce à vous, nous avions obtenu une reprise d’une partie de l’allocation équivalent retraite (AER), qui avait été supprimée, à travers l’allocation transitoire ce solidarité (ATS). Ce n’était pas suffisant, mais c’était tout de même une avancée…Pas loin de 180 000 personnes ont pu partir en retraite grâce au décret du 2 juillet 2012 sur les carrières longues.

L’allocation de solidarité spécifique (ASS) a progressé de manière inquiétante, avec 480 000 bénéficiaires aujourd’hui … Ce problème, signalé par le réseau Alerte, sera pris en compte, je l’espère, lorsque nous examinerons le cas des demandeurs d’emploi de longue durée, voire de très longue durée.

Mme Isabelle Debré. – En France, on parle d’obligation, de répression, de pénalisation ; l’exemple autrichien nous montre qu’il est possible d’agir autrement ! Souvenez-vous de la contribution Delalande ; l’idée était généreuse : une entreprise licenciant un employé de plus de 50 ans devait verser une soulte à l’État. Résultat, plus personne n’était embauché à 49 ans ! Pourquoi ne parvenons nous pas à privilégier des mesures incitatives ?

Que ce soit la droite ou la gauche, les règles du jeu changent tout le temps ; les chefs d’entreprise n’ont plus confiance. Notre pays a besoin de stabilité : elle n’existe pas, comme le montre l’exemple de l’apprentissage, où l’on supprime une prime pour la rétablir peu après !

Vous avez dit que 70 % des apprentis restaient dans l’entreprise : pourquoi ne pas donner confiance aux entrepreneurs en leur disant que les apprentis devront rester pendant une période déterminée ?

M. François Rebsamen, ministre. – Vous créez une obligation !

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Mme Isabelle Debré. – Vis-à-vis des jeunes, pas des entreprises ! On le fait pour les étudiants des grandes écoles, pourquoi pas pour les apprentis ?

Mme Anne Emery-Dumas. – Vous n’avez pas évoqué les contrats de génération, dont nous attendions beaucoup pour lutter contre le chômage des jeunes et des seniors. L’outil ne prend pas : allez-vous l’améliorer ?

M. Rebsamen, ministre. – Tout le monde souhaite plus de stabilité : cette évidence progresse. Rétablir la stabilité, c’est rétablir la confiance, et rentrer dans un cercle vertueux. Pour cela, il faut éviter de multiplier les lois, sauf si elles entérinent un accord entre partenaires sociaux ; c’est ce qui s’est passé avec la loi du 5 mars, qui a mis en place le CDI en apprentissage : le lien créé garantit à l’employeur qu’il gardera l’apprenti embauché.

Le contrat de génération ? Vous êtes sévère, mais vous n’avez pas totalement tort : il n’est pas absurde de modifier un dispositif qui n’atteint pas ses objectifs. Nous avons eu entre 27 000 et 29 000 demandes d’aide : ce n’est pas rien. Le seuil a été modifié, mais dans beaucoup de PME, il n’y a plus de seniors en poste… C’est pourquoi la prime sera doublée, de 4 000 à 8 000 euros, pour l’embauche conjointe d’un jeune et d’un senior. Mon objectif pour 2015 est de conclure 40 000 contrats ; ce n’est pas la révolution, mais c’est déjà quelque chose.

Je suis toujours frappé de la méconnaissance, sur le terrain, des textes en vigueur. Certains chefs d’entreprises doutent, de bonne foi, de la pérennité du dispositif du CICE, alors que l’engagement du Gouvernement est clair. En outre, certaines organisations patronales véhiculent inquiétudes et angoisses, notamment sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Il suffit pourtant de lire les textes ! Il y a donc un gros travail d’explication à accomplir auprès de la société civile.

La réunion est levée à 11h10.

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COMMISSION DE LA CULTURE, DE L’ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente –

La réunion est ouverte à 15 heures

Nomination d’un rapporteur

M. Jean-Jacques Lozach est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 677 (2013-2014) habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage (Procédure accélérée).

Rapport relatif à l’avenir régional de France 3 - Audition de Mme Anne Brucy

La commission auditionne Mme Anne Brucy sur son rapport relatif à l’avenir régional de France 3.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour procéder à l’audition de Mme Anne Brucy, ancienne directrice de France Bleu et de France 3 Nord-Pas-de-Calais, qui a remis mardi dernier à Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, son rapport de mission sur « L’avenir de l’offre régionale et locale de France 3 ».

Autant dire que ce rapport était attendu. Depuis des années, l’identité de la chaîne fait l’objet de débats passionnés, notamment entre ceux qui souhaiteraient la régionaliser davantage et ceux qui veulent préserver sa capacité d’action en privilégiant des mutualisations au niveau national. Avez-vous réussi à résoudre cette véritable « quadrature de l’hexagone » ? Quelle est la nouvelle identité que vous imaginez pour France 3 ?

Votre rapport assorti de 15 propositions prône notamment un renforcement du numérique, une plus grande place pour l’information régionale, la mise en place d’une grille plus cohérente et la remise à plat des régions de la chaîne.

Je laisserai Mme Brucy nous expliquer de manière plus précise son analyse et le sens de ses propositions.

Je lui proposerai simplement peut-être en introduction de nous rappeler l’origine et la spécificité du modèle de France 3 et de nous indiquer quels sont les autres types de modèles qui existent en Europe en termes de chaînes régionales (je pense en particulier au modèle allemand qui privilégie des chaînes régionales de plein exercice).

Comme vous le savez, la carte des régions connaît elle-même un véritable chamboulement et nous serions désireux de connaître votre sentiment quant à l’impact des éventuelles fusions de régions sur la propre organisation locale de France 3.

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Enfin, en tant que membres de la commission de la culture, nous sommes particulièrement attachés à la création audiovisuelle - qu’elle soit locale ou nationale - et nous souhaiterions connaître votre vision de l’avenir du rôle de France 3 dans ce domaine.

Je vous laisse la parole pour une dizaine de minutes. Après quoi je proposerai à mes collègues de vous interroger en commençant par les deux membres du comité de suivi - Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Pierre Leleux. Je n’oublie pas également notre collègue David Assouline, qui est le rapporteur des crédits de l’audiovisuel. Je ne doute pas que les autres membres de la commission auront également des questions à vous poser.

Mme Anne Brucy, auteur du rapport sur l’ « avenir de l’offre régionale et locale de France 3 ». – Madame la présidente, Monsieur le rapporteur, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je tenais tout d'abord à vous remercier pour votre invitation. Le Sénat représente nos territoires et me semble être l'enceinte idoine pour débattre de ce passionnant sujet.

Un mot ensuite pour saluer l’implication de celles et ceux des sénateurs qui nous ont accompagnés dans cette réflexion au sein du comité de suivi : je veux remercier Mme Michèle André, sénatrice du Puy-de-Dôme, Mme Maryvonne Blondin, sénatrice du Finistère et M. Jean-Pierre Leleux, sénateur des Alpes-Maritimes. Nous avons également été accompagnés par vos collègues de l’Assemblée nationale : Mme Martine Martinel, député de Haute Garonne et M. Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône.

Le comité de suivi était par ailleurs composé d’une personnalité désignée par le ministère de la culture et de la communication, Mme Laurence Francheschini, directeur de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), d’une personne désignée par le ministère de l’économie et des finances, M. Bruno Parent, alors inspecteur général des finances, et d’une personnalité qualifiée, M. Jacques Lévy, géographe. Cinq membres de France Télévisions, représentant les principales directions nous ont également accompagnés.

La mission a naturellement nourri sa réflexion à partir des travaux menés par le député Stéphane Travert, ainsi que de la contribution du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Enfin un grand merci aux deux rapporteurs avec lesquels cette mission a pu voir le jour et qui sont ici avec moi : Romain Laleix, adjoint au chef du bureau du secteur de l’audiovisuel public au sein de la DGMIC et Jean-Marc Dubois, directeur du développement de France 3.

L’avenir de l’offre régionale de France 3 est, vous le savez mieux que personne, un important enjeu de service public.

Un enjeu politique, d’abord. Dans un moment où la demande de lien social se fait sentir avec acuité, la télévision publique de proximité peut et doit contribuer à réconcilier nos citoyens avec la vie publique.

Au plus près de nous, la télévision publique régionale est, en effet, un outil précieux du débat public, particulièrement au moment où se discute une réforme territoriale d’envergure. France 3, et ses antennes régionales, sont à même de faire vivre ce débat, en région, entre les régions, et au niveau national.

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Pour l’entreprise France Télévisions, l’offre régionale est une mission essentielle, une activité structurante, qui doit faire l'objet de choix stratégiques clairs, dans un contexte économique contraint.

Enfin, dans l’accomplissement de cette mission, France 3, comme l’ensemble des médias, se doit d’anticiper l’évolution des usages et la montée en puissance du numérique.

Les programmes régionaux de France 3 emploient 3 400 équivalents temps plein et représentent un coût de grille de 360 millions d’euros, soit la moitié du coût total des programmes de France 3. Ils constituent pour chaque téléspectateur de France 3 moins de 10 % du temps d'antenne de la chaîne, mais représentent au total 24 000 heures de programmes diffusées.

Or, à l'exception des journaux télévisés, ces programmes régionaux peinent à trouver leur public. Avec 4,2 % de part d’audience (PdA), cela interpelle et ne saurait rester en l’état.

Heureusement, les atouts de France 3 sont nombreux. Ils permettent d’envisager un avenir optimiste pour son offre régionale : un maillage exceptionnel, 116 implantations dans tout le territoire, 24 antennes régionales, un vrai professionnalisme de ses équipes et de ses 1 400 journalistes et une connaissance approfondie des régions. Nous soulignerons également les excellents résultats de ses éditions régionales qui rencontrent leur public avec 15,4 % de PdA et son audience nationale de 9,5 %, qui place France 3 à la quatrième place des grandes chaînes généralistes.

Les publics, les citoyens, sont aujourd’hui la vraie légitimité de la chaîne. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes avant tout attachés à mesurer la perception qu’ils ont de France 3 et à mieux connaître leurs attentes.

Nous sommes donc partis d’une étude ad hoc commandée, conjointement avec France Télévisions, à l’institut Médiamétrie. Comment perçoit-on France 3, qu’attend-t-on de cette chaîne ? Cette analyse s’est attachée à tenir compte des usages des publics, que ce soit à l’antenne ou les supports numériques.

À notre demande, pour son étude, Médiamétrie a également tenu compte de l’évolution des bassins de vie. Aujourd’hui, nous explique le géographe Jacques Lévy, le processus d’urbanisation est arrivé à son terme. En effet, la quasi-totalité des territoires français est fonctionnellement urbaine. Les territoires périphériques des aires urbaines, bien que plus diffus et plus ou moins disjoints du reste des agglomérations, entretiennent d’importantes relations avec les pôles urbains denses.

Pour notre propos - l’avenir de la télévision régionale -, plusieurs grandes tendances se dégagent de cette étude.

Tout d’abord, on constate un fort attachement à la double dimension nationale et régionale des programmes actuels de France 3.

Par ailleurs, les publics sont aussi demandeurs de services de proximité dans les grandes métropoles et leurs banlieues. Les publics vivants en périphérie attendent une plus grande accessibilité aux services de la ville et sont demandeurs, par exemple, de services relatifs à l’emploi, à la formation et, plus largement, à tout ce qui concourt au renforcement du lien social.

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Nous n’avons pas été surpris, enfin, de constater que, dans les régions à forte identité, caractérisées, notamment, par la pratique d’une langue régionale, les publics sont particulièrement attachés à la mise en valeur des richesses et des diversités économiques et culturelles de leurs territoires. La satisfaction de ces besoins est attendue, aussi bien à l’antenne que, et bien sûr, surtout chez les jeunes, sur les nouveaux supports numériques.

S’agissant maintenant des perspectives d’avenir, nous avons exploré plusieurs pistes.

La première, qui se présente le plus spontanément à l’esprit, tient compte des bonnes audiences des éditions régionales, et du nombre important de journalistes dans le réseau (près de 80 % des effectifs). Dans cette hypothèse, l’offre en région serait recentrée sur la seule information régionale.

L’avenir, ce serait alors le « tout info » régional ! C’est une piste que nous n’avons pas retenue. Par rapport aux missions de France 3, elle est trop réductrice. Surtout, comme nous l’avons vu, elle ne permettrait pas de répondre aux attentes des publics. Or, il est d’autant plus important, pour le service public, de répondre à ces attentes qu’aucun acteur privé, aucune télévision locale privée, n’est en mesure de fournir ces services.

La deuxième orientation, telle que l’avait en son temps proposée France Télévisions, est la mise en place d’un réseau de chaînes régionales additionnées à l’offre de France 3 sur le modèle de ViaStella. On ne saurait non plus retenir une telle orientation. A raison non seulement de son coût excessif, mais encore parce qu’elle ne correspond pas à une attente observée à l’échelle de l’ensemble du territoire.

La troisième orientation, celle que nous soumettons à votre attention, est réaliste et réalisable. Elle passe par une consolidation du modèle actuel de France 3, mais un modèle revitalisé, un modèle où les liens entre le national et le régional seraient resserrés et qui s’enrichirait de leur convergence.

La mission partage l’analyse du député Stéphane Travert selon laquelle il convient de renforcer l’offre régionale sur l’antenne de France 3. Elle constate comme lui que le recours important à la rediffusion et l’inadaptation entre certaines émissions et leurs cases de diffusion n’ont pas permis aux programmes régionaux de rencontrer leur public.

En conséquence, elle considère qu’il convient d’engager un travail de fond pour améliorer la qualité et renouveler les programmes régionaux. Elle considère également que ce travail doit être réalisé dans le but de proposer aux publics une offre de France 3, nationale et régionale, harmonieuse, qui permette à chaque antenne d’exprimer sa spécificité, dans le respect d’une ligne éditoriale cohérente et lisible.

C’est ce que nous avons voulu exprimer dans notre formule : « France 3 sans ses régions n’a pas de sens, les régions sans France 3 n’ont pas de force ».

Il s’agira, d’abord, d’accentuer l’ambition numérique dans chacune des régions, de proposer un fil d’informations régionales réactif sur des horaires élargis.

Il s’agira, ensuite, d’offrir toutes les informations et les services attendus par les publics et de permettre l’accès systématique en direct et en différé de tous les programmes régionaux, dont les programmes en langues régionales.

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Il s’agira, enfin, de se positionner comme une vaste agora numérique où toutes les initiatives des territoires s’expriment et se retrouvent.

La mission suggère également de poser, dans un avenir proche, la première pierre de l’arche numérique évoquée par le Président de la République à l’occasion des 40 ans de la Maison de la radio. Dans cette perspective, la proximité pourrait être le terrain d’une expérimentation entre France 3, France Bleu et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en région.

Concernant l’antenne, il est grand temps de se rassembler et de définir une stratégie commune et pérenne pour France 3. Il faut penser au-delà du seul aspect quantitatif et du seul nombre d’heures régionales diffusées. Il faut penser « qualité ».

Il faut enfin cesser de recourir trop souvent à des rediffusions sur des territoires peu pertinents.

Sous ce rapport, l’empreinte éditoriale des quatre pôles doit disparaître. Il faut une offre régionale rénovée, voire réinventée, qui devienne un vrai point fort de l’offre de France 3. L’atout maître est l’information, rendons la plus réactive et plus présente. Inspirons-nous d’expériences réussies, on songe au pôle nord-est, pour créer de nouveaux rendez-vous d’information où l’on prend le temps de parler et de vivre au rythme des territoires, d’entendre les acteurs locaux, de les accompagner dans leurs initiatives, de favoriser le débat et de sortir hors des murs. Cela signifie de la production supplémentaire pour les régions (près de 1 500 heures).

Les documentaires régionaux devront s’inscrire dans une politique éditoriale partagée et bénéficier, grâce à des coproductions, de meilleurs financements unitaires.

Quant à l’offre nationale, elle devra renforcer ses contenus en programmes régionaux. Les régions doivent vivre aussi sur l’antenne nationale. Par exemple, les émissions de jeux peuvent se construire en partant des régions et se conclure au niveau national. Dans le même ordre d’idée, à l’instar de « Plus belle la vie », il faudra développer des productions nationales réalisées en région.

Plus largement, le maillage des équipes de France 3 devra s’adapter aux nouveaux bassins de vie, en se renforçant dans les zones urbaines et rurales qui le nécessitent. Quant aux zones de diffusion, elles devront s’inspirer de la réforme territoriale en s’appuyant sur les grandes métropoles régionales.

Enfin, dans certains cas, la mission envisage la possibilité d’expériences régionales de complément, en coopération avec les collectivités locales volontaires, dans les cas où l’identité régionale - comme en Bretagne - ou la taille d’une métropole le justifient.

Dans ce contexte, la rénovation de l’offre régionale de France 3 ne peut s’envisager qu’avec le concours de tous.

Cet effort demande une forte implication des équipes dans l’évolution de leurs pratiques professionnelles.

Il requiert, par ailleurs, un vrai choix de France Télévisions pour renforcer l’offre régionale, qui constitue aujourd’hui son principal élément de différenciation de service public.

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Il implique enfin un vrai soutien de la part de l’État.

Toute autre orientation se traduirait par l’affaiblissement de l’offre régionale, aboutirait inexorablement à sa marginalisation, et, par voie de conséquence, mettrait en péril l’existence même de France 3.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Merci beaucoup, nous allons tout d’abord entendre les membres du comité de suivi de cette mission.

Mme Maryvonne Blondin. – À l'instar de Mme Brucy, les membres de la mission ont su être à l'écoute des personnels de France 3, et d'autres professionnels, et les impliquer dans la réflexion à conduire sur le devenir de cette chaîne régionale.

Les questionnaires que nous leur avons adressés et nos visites de terrain ont été appréciés par nos interlocuteurs de France 3, mais aussi d'autres chaînes telles que TV Breizh ou des associations comme Kevre Breizh. Ces chaînes locales ont une vraie audience et ont toute leur place dans le paysage audiovisuel local. Leurs représentants ont eu le sentiment d'avoir été entendus lorsque vous les avez rencontrés. Leur ambition serait certes d'évoluer jusqu'au niveau atteint par la chaîne locale corse ViaStella, mais pour l'heure, ils se satisfont des ouvertures initiées dans le cadre du pacte d'avenir de la Bretagne, qui prévoit notamment des expérimentations pour la promotion de la culture bretonne.

S’agissant des évolutions de la chaîne, il est important de conserver l’équilibre entre la dimension nationale et des offres régionales spécifiques. Le numérique ne doit pas être négligé, qui permet une meilleure qualité de réception et la couverture de certaines zones d’ombre. Dans le cadre du futur contrat d’objectifs et de moyens, il conviendra de préserver la part de la création, soutenue et cofinancée en régions par des collectivités locales telles que le conseil général du Finistère.

M. Jean-Pierre Leleux. – Je salue le travail de la mission qui a réalisé beaucoup d’auditions, d’études et de diagnostics. Nous avons pu constater que France 3 disposait à la fois de points forts et de faiblesses. Il y a tout d’abord de très bonnes équipes et d’excellents équipements qui donnent à la chaîne une capacité à agir. Mais il y a aussi une pression syndicale extrêmement forte et un système rigidifié compte tenu des différences de statuts et des enchevêtrements de particularités. Par ailleurs, les personnels se plaignent au niveau local d’une certaine condescendance du national. Deux pistes avaient été envisagées pour l’avenir de France 3 : une transformation en chaîne d’information régionale ou une plus grande autonomie des chaînes régionales qui se seraient vu reconnaître une plus grande liberté pour les décrochages locaux.

Le rapport a privilégié les recommandations un peu tièdes en retenant une solution de « moyen terme ». Or toutes les chaînes doivent affronter la révolution du numérique et il y a un risque à ne pas se remettre en cause. Certes, la contrainte budgétaire existe, mais il était possible de mettre les régions à l’épreuve en donnant plus de souplesse au système.

Concernant la réforme territoriale, on peut observer que le périmètre des antennes de France 3 correspond à des bassins de vie réels, ce qui permet d’assurer une cohérence territoriale.

M. David Assouline. –Votre mission a essayé de trouver des pistes pour l’avenir de France 3, mais celles-ci m’apparaissent insuffisantes. Je pense qu’il faudra reparler plus

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globalement de l’avenir de France Télévisions, à très court terme, car le maintien d’une concurrence entre deux chaînes généralistes au sein d’un même groupe ne peut plus durer. Le rôle de France 3 est de faire vivre la proximité et pas uniquement dans le cadre d’un découpage territorial. La chaîne doit apporter des services aux gens qui sont confrontés à des problèmes similaires, même s’ils n’habitent pas dans les mêmes régions.

Si l’on considère que le divertissement et la création sont plus présents sur France 2, cela laisse la possibilité pour France 3 d’occuper le terrain de l’information et des débats afin d’éviter une concurrence frontale. La télévision a changé, elle n’est plus la même qu’hier et sera encore très différente dans cinq ans.

Il y a aujourd’hui un problème concernant le passage à la haute définition pour France 3 alors que certaines chaînes envisagent déjà le passage à l’ultra haute définition. Il est nécessaire que France 3 rattrape son retard en ce domaine.

Je m’interroge également sur les liens entre France 3 et le réseau France Bleu, notamment concernant l’information locale.

S’agissant des ressources de France 3, quelles sont les pistes en matière de développement de la publicité locale ?

Nous avons besoin de nous interroger sur ce qui fait la spécificité du service public audiovisuel et sur l’identité de chaque chaîne. J’appelle de mes vœux un grand changement dans les mois qui viennent.

M. Michel Le Scouarnec. – C’est une chance de pouvoir disposer d’une chaîne de proximité comme France 3, dont je suis convaincu, par ailleurs, qu’elle saura s’adapter aux évolutions nécessaires. En Bretagne, elle constitue un apport précieux pour l’enseignement de la langue bretonne. Et même si tous les Bretons ne font pas le choix d’apprendre et de pratiquer cette langue, leur attachement à leur culture et à leurs racines fait qu’ils sont heureux, qu’une chaine régionale favorise la présence de la langue bretonne dans leur environnement.

Je me préoccupe aussi de la situation des jeunes, dont le taux de chômage est très élevé. En montrant la vie des gens au plus près des réalités de terrain, France 3 les aide à déterminer leur orientation, par exemple en lycée professionnel.

M. Jacques Legendre. – Je voudrais d’abord saluer l’initiative prise par la mission de s’attacher les services d’un géographe, ce qu’auraient pu faire avec profit les auteurs de la nouvelle carte des régions qui nous est actuellement proposée. France 3 dispose d’un fort enracinement local, mais il est important qu’elle équilibre cette implantation en conservant sa dimension nationale. Elle doit certes faire état de la vie des métropoles régionale, mais ne pas négliger les zones rurales qui ont peut être encore plus besoin d’être reconnues. France 3 doit aussi s’intéresser à la vie qui foisonne hors des zones urbaines.

Je m’interroge également sur les moyens de la chaîne, notamment sur la situation de ses personnels. J’ai reçu le témoignage de journalistes démotivés par des conditions de travail dégradées et par une précarité croissant les conduisant à se considérer eux-mêmes comme de véritables intermittents de la télévision. En dehors de tout conservatisme, une réflexion doit être conduite sur la situation et le devenir des équipes régionales, et j’aimerais connaître vos recommandations sur cette question.

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Mme Anne Brucy. – Le modèle allemand a été évoqué comme une évolution possible pour France 3 et il fait l’objet de quelques développements dans notre rapport. Ce modèle peut s’appuyer sur la structure fédérale de l’Allemagne, qui permet des types de financement inenvisageables en France : le budget d’une chaîne régionale de Land est en effet comparable au budget total de France 3. La chaîne a son modèle propre, construit au terme d’une histoire spécifique et ne doit pas viser le modèle allemand. À l’inverse, notre système de décrochage, qui permet une présence importante des régions en audience nationale, a été reprise partout en Europe ; à un point el que l’on peut parler d’harmonie européenne.

S’agissant de la création, des engagements ont été signés en matière de documentaires produits en régions. Cela étant, la réforme consistant à faire passer de 13 à 24 le nombre de commanditaires de documentaires a conduit à la diminution du montant de l’engagement moyen à 8 000 euros par documentaire, ce qui n’est pas suffisant pour réaliser des œuvres de qualité. Par ailleurs, il faut définir une ligne éditoriale cohérente répondant aux attentes des téléspectateurs régionaux et nationaux.

Pour autant, le succès de la série « Plus belle la vie » montre que France 3 a la capacité de produire en région des émissions diffusées au niveau national. M6 diffuse actuellement « La plus belle région de France », une émission qui aurait pu être produite par France 3, la chaîne étant en mesure d’éviter les clichés folkloriques ou quelque peu condescendants, et de mettre en lumière le dynamisme et la modernité des régions.

Une mobilité minimale des personnels permanents me semble nécessaire pour éviter les habitudes et les routines, voire les connivences. Par ailleurs, une négociation est en cours afin de diminuer l’appel aux intermittents, dont la part dans l’emploi total au sein de la chaîne a déjà été réduit de 17 % à 12,5 %.

Je suis bien évidemment favorable à la diffusion des émissions régionales en haute définition, mais cela implique un choix politique fort assorti des efforts financiers nécessaires.

Sur le plan des programmes, il est clair que les téléspectateurs sont attachés à la double dimension de France 3, à son ancrage à la fois national et régional, à l’inverse du modèle préconisé par Stéphane Travert. Même si, notamment pour des raisons de coûts, France 3 ne peut disposer d’autant d’antennes que France Bleu, il est possible de s’inspirer progressivement ce qui a été fait sur ce réseau de radio, tout en évitant l’éparpillement. Pour cela, il faut changer la manière de concevoir le régional, en travaillant sur la programmation, afin que France 3 rencontre mieux ses publics. De même, l’offre d’information peut s’élargir ; le pôle nord-est a réussi à le faire. Il est tout à fait possible d’étendre cette bonne pratique.

Sur la situation des personnels, nombre de rapports ont été établis, notamment ceux de Proxima et de TNR, toujours intéressants et parfois excessifs. D’autres ont mis en avant la succession des dirigeants comme obstacle à toute évolution. L’ambition est là, mais elle doit être réaliste et nous devons mettre les choses au net avant d’avancer.

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- Coprésidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, et de M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois -

Mise en œuvre de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur

commune de résidence - Examen du rapport d’information

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication examine le rapport d’information de MM. Jacques-Bernard Magner et Jacques Legendre, rapporteurs sur la mise en œuvre de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence (réunion commune avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois).

Le compte rendu figure à la rubrique de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

La réunion est levée à 17 heures.

Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente –

La réunion est ouverte à 10 heures

Audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour procéder à l’audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il y a un an, le Parlement adoptait la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi « ESR ». Vous allez pouvoir nous en dresser un bilan d’étape et nous parler de la rentrée universitaire, des considérations budgétaires et de la vie étudiante.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Nous ne disposons pas encore de la lettre de cadrage pour le budget de 2015 mais j’espère le maintien des crédits, ce qui équivaudrait à une victoire en ces temps où la priorité est donnée à la croissance, à l’emploi et à la jeunesse.

Dans le domaine de la recherche, l’effet du départ à la retraite des baby-boomers est derrière nous. Compte tenu des moindres départs à la retraite, à budget constant, il y a donc moins d’opportunité de recrutement par concours. C’est particulièrement vrai pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il est par conséquent nécessaire d’intensifier l’effort sur l’embauche des chercheurs dans le secteur privé car nous sommes très en retard sur nos voisins dans ce domaine.

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Près de 600 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à la vie étudiante, dont 458 millions d’euros concernent l’aide sociale et les bourses. L’objectif est d’améliorer la réussite des étudiants et nous avons tenu nos engagements sur ce point.

Je vous présenterai également un bilan d’étape de la loi ESR. Sur les 25 décrets d’application prévus dans la loi, en réalité seuls 18 ont été ou seront publiés car certains d’entre eux sont communs à plusieurs articles.

Neuf décrets ont été pris à ce jour, dont un a été publié au Journal officiel d’aujourd’hui même :

- le décret n° 2014-610 du 11 juin 2014 relatif au pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée bénéficiant d’un droit d’accès dans les formations de l’enseignement supérieur public ou une sélection peut être opérée ;

- le décret n° 2014-189 du 20 février 2014 tendant à l’expérimentation des modalités particulières d’admission dans les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques ;

- le décret n° 2014-336 du 13 mars 2014 modifiant les dispositions du code de l’éducation relatives à la participation des personnalités extérieures aux conseils constitués au sein des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;

- le décret en Conseil d’État n° 2014-297 du 5 mars 2014 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements d’enseignement supérieur agricole publics et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire ;

- le décret n° 2014-321 du 10 mars 2014 relatif à la publication par voie électronique des bilans sociaux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;

- le décret en Conseil d’État n° 2014-635 du 18 juin 2014 relatif aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général et au comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé ;

- le décret n° 2013-943 du 21 octobre 2013 relatif à la composition, aux missions et au fonctionnement du Conseil stratégique de la recherche ;

- le décret n° 2014-604 du 6 juin 2014 relatif au budget et au régime financier des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Ce décret financier précise le contenu des contrats d’objectifs et de moyens entre l’établissement et ses composantes, notamment avec les instituts universitaires de technologie (IUT) ;

- le décret n° 2014-780 du 7 juillet 2014 publié dans le Journal officiel de ce jour relatif à la composition de la formation restreinte du conseil académique des universités.

Trois décrets devraient paraître très prochainement. Il s’agit des décrets portant sur les compétences du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), sur le statut des enseignants-chercheurs et sur le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Ils ont d’ores et déjà été validés par le Conseil d’État.

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Pour votre information, le Conseil d’État a rendu un avis favorable aux textes visant à créer l’université des Antilles et l’université de la Guyane.

Il reste à prendre un certain nombre de décrets parmi lesquels :

- le décret concernant les stages. Ce décret doit fixer respectivement les modalités d’intégration et d’encadrement du stage et les dérogations à la durée maximale du stage. La rédaction de ce décret doit tenir compte de la loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires adoptée définitivement par le Parlement le 26 juin 2014. Il devrait être prêt pour la rentrée ;

- le décret relatif aux modalités d’inscription des élèves d’une classe préparatoire à une formation proposée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ;

- le décret sur l’expérimentation sur les modalités d’accès aux études paramédicales. Aucun établissement ne s’est montré volontaire à ce jour. Il n’y a donc pas de décret prévu pour l’instant ;

- le décret sur la mise en œuvre du mandataire unique. Ce décret est en phase de concertation ;

- le décret portant approbation de la révision des statuts de l’Académie de médecine ;

- le décret relatif aux œuvres universitaires et au logement étudiant.

Il n’y a ni problème technique, ni verrou particulier. Juste un encombrement des textes à examiner au Conseil d’État ! Tout sera débloqué à la rentrée.

Par ailleurs, de nombreux rapports sont attendus.

Cet après-midi, me sera remis le rapport d’étape du comité chargé de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES).

Enfin, nous œuvrons pour une simplification et une meilleure lisibilité de l’offre de formation. Le système en vigueur était particulièrement complexe avec quelque 10 000 parcours de master, plus de 5 800 intitulés de master dont on a réduit le nombre à 400.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur. – Je vous remercie pour ce bilan exhaustif de l’application de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (ESR) un an après son adoption. Mes interrogations portent sur les points suivants :

- le ministère s’est engagé dans un travail de concertation avec les représentants des établissements d’enseignement supérieur sur la refonte du système de répartition des moyens à la performance et à l’activité (SYMPA), et vos services ont pu présenter un bilan d’étape de cette réflexion à l’occasion d’une audition par notre commission en décembre 2013. Toutefois, la Conférence des présidents d’université (CPU) a émis un certain nombre de critiques sur les pistes envisagées, en s’opposant en particulier à l’intégration de la masse salariale dans le modèle. Quelle est votre position sur le sujet, sachant que la prise en

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compte des dépenses de personnel semble nécessaire pour que le modèle d’allocation puisse être réellement redistributif ?

- la facilitation de l’accès de tous à l’enseignement supérieur et la réussite des étudiants constituaient un des axes majeurs de la loi ESR. Sur les 600 millions d’euros d’augmentation du budget de l’enseignement supérieur, vous avez annoncé que près de 500 millions d’euros seraient affectés aux bourses. Pouvez-vous nous confirmer que ces crédits supplémentaires ne seront pas prélevés sur les crédits de fonctionnement déjà accordés aux universités ?

- la valorisation de la recherche repose encore beaucoup sur le nombre de produisants et de publications au sein des établissements d’enseignement supérieur. Entendez-vous définir de nouveaux critères moins quantitatifs qui permettent de mieux apprécier la qualité des activités de recherche mais également de l’enseignement, notamment en termes de résultats dans l’insertion professionnelle des étudiants ?

- les opposants aux communautés d’universités et établissements (COMUE), dont certains s’expriment par la voix d’un groupe surnommé « Jean-Pierre Vernant », réclament un moratoire de la politique de regroupements universitaires. Hormis la situation parisienne plus compliquée qu’ailleurs et peu lisible, ne constatez-vous pas que la mise en place des COMUE et des associations dans les autres régions se passe dans des conditions somme toute assez satisfaisantes et dans une ambiance plutôt constructive ?

- en ce qui concerne les regroupements par voie d’association, une ambiguïté demeure dans la loi puisque ce schéma, supposé confédéral, implique néanmoins la désignation d’un établissement pilote chef de pont. Quels sont les éléments de souplesse proposés par le ministère afin d’assurer la logique véritablement confédérale de ce type de regroupement ?

- quelle est votre appréciation sur les compétences qui sont déléguées par les établissements membres aux COMUE, notamment en matière de définition de la carte des formations et de mutualisation des moyens et des activités de recherche ? Quels sont, selon vous, les types de composantes les plus pertinents pour une mutualisation dans le cadre d’une COMUE ?

- nous sommes encore en attente du décret d’application censé faciliter l’accès des docteurs à la fonction publique d’État. Qu’en est-il de ce sujet ?

- de multiplies colloques, forums et tables rondes ont été organisés sur l’affirmation de la place de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) au sein des stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche. Au sein de notre commission, nous avons plusieurs fois insisté sur la responsabilité sociale des scientifiques et sur la nécessité d’approfondir le dialogue entre sciences et citoyens, dans le cadre d’une co-construction interdisciplinaire de la connaissance contemporaine. Je crois savoir qu’un département spécifique a été créé à cet effet au sein de votre ministère, quels sont les grands axes de son intervention ?

- le Gouvernement a ouvert les débats de la troisième conférence sociale aux organisations étudiantes qui peuvent faire valoir le point de vue des jeunes en matière d’insertion professionnelle. Comment cette participation a-t-elle été accueillie par les membres de la conférence et quelles suites sont envisagées ?

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Mes collègues aborderont également certainement le sujet important de l’avenir des mutuelles étudiantes.

Mme Corinne Bouchoux. – Mes deux questions ne seront pas des surprises :

- parmi les trois formes possibles de rapprochement universitaire – la fusion, l’association et la COMUE – cette dernière est visiblement celle qui est le plus souvent privilégiée. Sur les quinze projets déposés, il semble que dix soient stabilisés. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par ces regroupements, sur lesquels pèse une certaine pression en raison d’une date butoir théoriquement fixée au 22 juillet. Êtes-vous étonnée des solutions choisies ?

- en ce qui concerne l’article 27 bis du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous nous inquiétons des péripéties législatives qui entourent les modifications portant sur les modes de scrutin et les modalités de la représentativité des établissements membres aux élections aux conseils d’administration des COMUE, même si nous plaidons coupables pour certaines dispositions adoptées lors de l’examen de la loi ESR qui apparaissent aux yeux de certains acteurs difficiles à mettre en œuvre, car ce que nous avions perçu comme une exigence démocratique peut poser, dans certains cas, des problèmes de gouvernance. Le fait est que nous avons découvert entre deux amendements sur le projet de loi agricole que le sujet revenait, sous la forme assez surprenante d’un cavalier nocturne qui ne favorise pas un débat serein et transparent. C’est en tout cas le signe que ce sujet reste important pour vous, comment entendez-vous donc régler dans les meilleures conditions possibles les problèmes constatés ?

M. Jacques Legendre. – Un point avait fait l’objet d’un long débat lors de l’examen du projet de loi ESR : le régime linguistique au sein des établissements publics d’enseignement supérieur. Avez-vous fait le bilan des dérogations possibles pour les établissements, les motivations mises en avant et les problèmes rencontrés ? Nous resterons vigilants à ce que soient évitées les dérives ici ou là.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la situation de la Mutuelle des étudiants (LMDE), héritière de la sulfureuse Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) : quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement sur ce sujet ? N’oublions pas que les mutuelles étudiantes jouent un rôle déterminant pour la préservation de la santé et de la qualité de vie de nos étudiants.

Mme Maryvonne Blondin. – Sur le thème des relations entre entreprises et étudiants, je rappelle qu’un nouveau statut d’étudiant-entrepreneur devrait permettre aux étudiants qui souhaitent créer leur entreprise de bénéficier d’horaires d’étude adaptés et de dispositifs avantageux leur offrant la possibilité de concilier le développement de leur entreprise et le suivi de leur cursus universitaire. Encore faut-il que leurs projets soient labellisés par les pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PÉPITE). Sous quelles conditions cette reconnaissance sera-t-elle attribuée ?

La charte université-handicap a été renouvelée en mai 2012. Pour autant, nous constatons que les étudiants souffrant d’un handicap qui ont besoin d’assistance n’obtiennent pas toujours le soutien auquel ils ont droit, notamment au sein des grandes écoles. Comment y remédier ?

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En ce qui concerne la santé universitaire, je m’interroge sur l’avenir des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) qui doivent évoluer : ont-ils atteint les objectifs qui leur ont été assignés ?

Enfin, je note que le rapport de la commission spéciale mise en place par le Sénat sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel fait état d’une nette progression de la prostitution chez les étudiants, en particulier ceux confrontés à des problèmes de financement de leurs études. Le ministère annonce que près de 458 millions d’euros seront débloqués en faveur des étudiants en situation précaire. Mais qu’en est-il du soutien aux étudiants contraints aux situations les plus extrêmes, peut-on mesurer exactement l’ampleur de ce phénomène ?

M. Maurice Vincent. – Dès la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), le signal a été donné aux établissements d’être le plus autonomes possible avec le transfert des crédits de masse salariale que cela supposait et, en même temps, de se regrouper. Cela me rappelle la contradiction qu’il y a à consacrer la compétence générale des communes et à les inviter, dans le même temps, à progresser dans l’intercommunalité avec un encouragement financier à la clé.

L’autonomie budgétaire apparaît cohérente d’abord pour les universités qui ont décidé de fusionner. Pour d’autres universités, ce qui semble le mieux fonctionner reste les mutualisations, dans le cadre de COMUE, concentrées sur le deuxième cycle, le doctorat et la recherche. Ne pensez-vous qu’afin d’accélérer le processus de constitution des COMUE, les projets devraient être mieux orientés dans ce sens-là ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Je dois reconnaître que nous recevons de nombreuses doléances d’acteurs qui rappellent que l’autonomie qui leur est consentie suppose de leur laisser la possibilité de définir librement les modalités de leur projet de regroupement. Or, ceux qui désirent s’engager dans des regroupements de nature confédérale, se voit répondre par les services du ministère qu’un tel choix serait incompatible avec l’attribution de postes supplémentaires.

Mme Danielle Michel. – La mise récente sous administration provisoire de la LMDE est d’autant plus contestée que la situation de la mutuelle semble aujourd’hui plus stable. Quelle est votre appréciation de ce problème ?

M. David Assouline. – Nous nous sommes penchés à plusieurs reprises sur les conditions d’application réglementaire des lois universitaires, aussi bien à l’occasion d’un rapport de la commission de contrôle de l’application des lois sur la loi LRU que du rapport annuel que je présente au Sénat en son nom.

Si les arbitrages budgétaires ne se passent pas bien, des difficultés ne manqueront pas d’émerger. Toute idée visant à remettre en cause ce qui est considéré comme une aide sociale indispensable, qu’il s’agisse de bourses, du niveau de l’aide personnalisée au logement (APL) ou de l’offre de logement étudiant, serait très mal venue dans une situation où la précarité des jeunes inquiète et affecte de plus en plus directement le niveau d’études auquel peut prétendre un nombre croissant d’entre eux, car les couches populaires ne sont pas les seules concernées. Le volet « vie étudiante » du budget doit donc être préservé. Je rappelle que les deux priorités de ce Gouvernement pour le redressement du pays sont bien l’emploi et la jeunesse.

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J’ai cependant une interrogation sur l’emploi scientifique qui préoccupe le monde universitaire. Quelles sont les perspectives en la matière ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Vos questions sont riches et les problèmes abordés complexes. Voici les éléments de réponse que je peux déjà vous apporter :

- la problématique de la vie étudiante irrigue tous les secteurs. En matière de bourses, nous avons pris soin de définir les priorités en lien avec les organisations étudiantes. Car la facilité aurait pu nous conduire à ne considérer que la situation des étudiants les plus exposés à la précarité. Mais en discutant avec les organisations étudiantes et en regardant attentivement les éléments qui mettent le plus en péril les études, nous avons identifié deux types d’étudiants prioritaires : les étudiants les plus modestes des classes moyennes et les étudiants en situation de précarité ou de rupture familiale. Dans ces conditions, nous avons défini un nouvel échelon « 0 bis » qui devraient potentiellement concerner près de 77 500 jeunes parmi les 135 000 étudiants qui bénéficient initialement de l’exonération des droits d’inscription et des droits à la sécurité sociale mais ne touchent pas de bourse à l’échelon « 0 ». Au bénéfice de ces 77 500 étudiants, nous avons créé une allocation de 1 000 euros sur dix mois, afin de leur permettre de ne pas avoir à travailler au-delà de 14 heures par semaine et de continuer à suivre leur cursus dans les meilleures conditions possibles. Notons que de nombreux étudiants qui travaillent s’interdisent l’accès à des filières comme la première année commune des études de santé (PACES), qui exclut toute activité salariée en dehors des études. L’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a qualifié cet effort d’historique. Je vous confirme que les 458 millions d’euros dégagés en faveur des bourses seront issus des crédits supplémentaires, et ne seront donc pas prélevés sur d’autres postes budgétaires.

M. David Assouline. – On ne touche donc pas au niveau des droits d’inscription pour cela ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Cette année, les droits d’inscription n’augmentent que de 0,7 %, soit la plus faible augmentation jamais enregistrée depuis dix ans, tout juste comme l’inflation. Toutefois, un débat est intervenu sur la question de l’opportunité d’augmenter le niveau de ces droits pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Il a été décidé, en définitive, que ces droits ne seraient pas augmentés pour ces étudiants.

Je poursuis sur les éléments pour lesquels vous avez sollicité des éclairages :

- la mise sous administration provisoire de la LMDE résulte d’un arbitrage politique qui reste favorable à sa pérennité. Nous travaillons avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) afin de permettre l’intégration en son sein de la mutuelle étudiante, tout en sauvegardant l’identité de la LMDE dans le dispositif. Car, malgré les problèmes relevés, beaucoup d’efforts ont été réalisés pour améliorer les choses. La préservation de l’identité de cette mutuelle étudiante est cruciale, car elle favorise une prise de conscience chez les étudiants des enjeux sanitaires qui leur sont propres. La mise sous administration provisoire intervient à un moment certes difficile, qui explique le recours déposé par les organisations étudiantes. Notre objectif reste celui d’une meilleure gestion, car il n’est pas normal que des étudiants aient à attendre plusieurs mois le remboursement de leurs frais médicaux ;

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- les SUMPPS devraient prochainement changer d’appellation, pour devenir des « Campus santé » ou des « points santé », afin que leurs missions soient davantage compréhensibles auprès des publics auxquels ils s’adressent. Les soins médicaux les plus négligés chez les étudiants sont les soins dentaires, gynécologiques et ophtalmologiques, souvent pour des raisons qui tiennent au manque de moyens mais aussi à une insuffisante sensibilisation et à un manque de préoccupation. Des cellules psychologiques d’accompagnement ont été mises en place au sein de ces « points santé », en particulier à destination des étudiants étrangers qui se trouvent parfois en situation d’isolement. Or, ce type de détresse psychologique peut handicaper tout au long de la vie s’il n’est pas pris en charge au bon moment. Nous disposons aujourd’hui de 24 « points santé », nous souhaitons en créer une trentaine ;

- les dépenses de logement accaparent bien souvent près de de la moitié du budget des étudiants, voire plus en Île-de-France. Le ministère a commandé deux missions, conduites respectivement par MM. Marc Prévost et Roland Peylet, destinées à identifier de façon pragmatique les verrous qui pèsent sur la création de logements universitaires. Aujourd’hui, seulement 38 % des opérations sont conduites dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Pour le reste, ont pu être mises en place des sociétés de réalisation impliquant des montages innovants de coopération, notamment avec la Caisse des dépôts et consignations à Bordeaux et une autre partie des opérations a fait l’objet d’une reconversion en loi « MOP » (relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée). Notre ambition est de créer 45 000 logements en cinq ans. Nous comptons nous appuyer sur deux dispositifs : le déblocage des plans campus, qui devrait permettre notamment de construire 13 000 logements étudiants en Île-de-France, région où les dépenses de logement sont les plus coûteuses, mais aussi de développer le logement étudiant dans d’autres métropoles, comme Créteil, où il existe de fortes tensions sur le marché de l’immobilier, ou encore Lille, Grenoble, Lyon… Nous examinons également la possibilité de pousser les loyers à la baisse et nous envisageons de généraliser le dispositif de caution locative étudiante (CLÉ). Nous avons la possibilité de mettre en service 42 916 places en centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à des coûts accessibles. Je citerai l’exemple de Bordeaux où l’effort sur le foncier gratuit mis à disposition a permis que le reste à payer pour les étudiants se limite à 136 euros par mois pour des logements très confortables. Nous avons également pris soin de remettre les collectivités territoriales, en particulier les régions et les intercommunalités, autour de la table alors qu’auparavant tout avait été fait pour les exclure, notamment dans le cadre des PPP. Si tout se déroule dans les temps, au 1er janvier 2018, nous devrions disposer de 43 000 places nouvelles accessibles pour le logement étudiant.

Mme Marie-Christine Blandin . – Les collectivités étant aussi largement concernées par le financement des universités et de la recherche, j’aimerais savoir si ce point a été abordé lors des discussions interministérielles relatives à la redéfinition de leurs compétences ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Notre volonté d’activer l’État stratège en matière de CSTI implique une collaboration entre le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche, d’une part, et le ministère de la culture et de la communication, d’autre part. Il va sans dire que, de la même façon, le dialogue est permanent au sein du « grand ministère de l’avenir » tel que Benoît Hamon et moi-même aimons à qualifier notre ministère.

L’insertion professionnelle est une préoccupation essentielle pour les jeunes, qui nous demandent de nous saisir de cette question, et dont je me félicite qu’ils soient

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représentés à la conférence sociale. L’alternance est un bon moyen de familiariser la jeunesse à l’entreprise, de même que les stages, à condition cependant de n’y avoir recours que dans une stricte perspective de formation, ce à quoi j’ai veillé lors de la discussion de la proposition de loi adoptée le mois dernier. Afin que la première année d’enseignement supérieur n’aboutisse plus à un taux d’échec moyen de 50 %, nous devons favoriser les conditions de l’insertion professionnelle en maintenant notre effort sur le socle général des enseignements : si, compte tenu des débouchés, seulement 10 % des étudiants ayant suivi une filière de psychologie deviennent psychologues, on observe que 80 % de ces mêmes étudiants parvenus au niveau master trouvent un emploi, grâce à leur polyvalence.

Un quart des étudiants américains ayant créé une entreprise, et un tiers des étudiants français déclarant vouloir le faire, nous avons institué un statut d’étudiant-entrepreneur et constitué les pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PEPITE). Le dispositif sera prêt à la rentrée et nous nous efforcerons d’avoir une approche pragmatique dans sa mise en œuvre.

S’agissant des regroupements, et pour contrecarrer quelque peu le double langage de certains acteurs tentés de masquer leurs difficultés propres en invoquant la responsabilité du ministère – comme d’autre le font en invoquant l’Europe – j’affirme que nous n’imposons, rien : ni oukase pour la date butoir, ni chantage. Le ministère n’a pas de lubie qui conduirait à l’instauration de strates supplémentaires dans le paysage universitaire ; nous raisonnons simplement en termes de stratégie de site, pour un meilleur travail commun, une meilleure coopération avec les collectivités et pour l’égal accès à l’enseignement dans tous les territoires. C’est en ce sens que l’action de l’État stratège est parfaitement compatible avec l’autonomie des universités et des collectivités territoriales.

Nous nous attendions à une trentaine de regroupements et nous observons que 25 sont en préparation dont 5 associations et 20 COMUE. Peu importe la structure choisie par les acteurs de terrain (fusion, association, association renforcée, formule mixte…), c’est bien le contenu des accords qui prime.

S’agissant des associations, nous avons dû revenir sur la notion de chef de file pour expliquer qu’il fallait bien identifier l’entité devant contracter avec l’État pour valider le projet.

La date du 22 juillet – que la plupart des projets pourront respecter car nous avons déjà reçu les statuts de 16 projets sur 20 – n’a pas été fixée comme un couperet mais plutôt comme un objectif destiné à mobiliser les énergies. En cas de nécessité, quelques délais pourront être accordés : à Paris, le dialogue a été difficile et nous avons été confrontés au fait que les trois principaux promoteurs du projet ne sont plus en fonction, mais nous comptons sur la médiation de M. Jean-Richard Cytermann pour parvenir à un accord en septembre.

J’ai été interrogée sur les enseignements non dispensés en français. Ceux-ci nous ont déjà permis de passer du 5ème au 3ème rang pour l’accueil des étudiants étrangers (et toujours au premier rang auprès les étrangers francophones). Sur un sujet voisin, je voudrais aussi citer les MOOCs (« massive open online courses »), qui me paraissent tout à fait adaptés aux attentes et demandes venant de l’étranger, en particulier d’Afrique.

Je reviens sur la clause de représentation de 75 % des établissements membres d’une COMUE sur les listes de candidats au conseil d’administration. Nous l’avons abordée un peu rapidement lors des débats sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la

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recherche, sans mener d’étude d’impact. Or, pour que les regroupements soient viables, cette clause doit être supprimée. Je prendrai l’exemple de Saclay, qui constitue la première COMUE à avoir déposé ses statuts bien que son conseil d’administration comprenne 26 membres et rassemble 23 composantes. En gardant la clause que vous avez votée, nous devrions avoir un conseil d’administration de 140 membres. C’est ingouvernable ! Le même problème se pose à Toulouse et à Bordeaux. J’ajoute qu’on ne peut considérer tous les membres strictement à égalité dans le processus de décision lorsque leur taille varie du simple au décuple. Il n’y a pas d’obstacles à ce que les membres se rapprochent par affinités ou par types de formation et se sentent représentés par un autre établissement membre au conseil d’administration. C’est pourquoi nous revenons sur la clause des 75 % au prix d’un cavalier dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, qui devrait revenir en deuxième lecture au Sénat avant la fin de la session extraordinaire.

Les chiffres de l’emploi scientifique n’ont pas connu d’évolution significative en volume, mais il est vrai que la structure d’emploi a changé. Prenons le CNRS, qui est le plus gros établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST). Le nombre de fonctionnaires est resté quasiment constant sur les sept dernières années, sans que la révision générale des politiques publiques (RGPP) ait eu une influence. En revanche, le nombre de contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI) a diminué tandis que le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) augmentait. C’est l’effet de la croissance des appels à projet, notamment dans le domaine des sciences de la vie. Nous avons donc décidé de fixer un plafond de recours au CDD pour mener des recherches afin de limiter la précarisation.

Nous avons systématiquement remplacé tous les départs à la retraite de chercheurs au cours des dernières années et nous négocions sur la même base le budget de l’année prochaine avec le ministère des finances.

L’embauche des docteurs dépend en partie du nombre de départs à la retraite. Une diminution du nombre des départs entraîne mécaniquement une diminution des emplois disponibles pour les jeunes docteurs. Il convient donc de stimuler aussi l’embauche de docteurs dans le secteur privé, quitte à introduire éventuellement une clause de conditionnalité pour les entreprises recevant des financements publics.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Cela fait trois ans que la commission reprend ce type d’amendements…

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Nous les soutenons ! L’emploi des docteurs est un combat que nous menons branche par branche dans le secteur privé et corps par corps dans la fonction publique. Un accord a été conclu avec l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour intégrer dans ce corps prestigieux deux docteurs par an. Auprès d’autres corps, le dialogue est plus difficile, mais nous devons parvenir à bousculer les habitudes en promouvant la transversalité des approches.

Les propositions du comité chargé de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur sont innovantes en matière de numérique, de rayonnement international, de qualité des enseignements, d’interdisciplinarité, d’esprit d’entreprise. Nous les reprenons très largement à notre compte. Un point mérite particulièrement l’attention : la formation tout au long de la vie au sein de l’université doit être revitalisée, car on ne peut se satisfaire d’une part de marché globale de 2,98 %. La formation continue des enseignants dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) devrait être un levier majeur.

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Par ailleurs, les discussions avec la CPU à propos du système SYMPA se poursuivent. Nous souhaitons qu’il constitue une aide à la décision simple et lisible, car au fil du temps, cet instrument a au contraire accumulé complexités et dysfonctionnements. En revanche, nous refusons qu’un outil technique se substitue à la décision politique.

En matière de handicap, je dirai simplement que la loi s’impose aux grandes écoles comme à tous les établissements recevant du public. Nous serons vigilants lors de l’établissement des contrats d’objectifs et de l’attribution des dotations. L’Institut d’études politiques de Paris, qui possède des bâtiments anciens difficiles à aménager, devrait au moins procurer les auxiliaires de vie scolaire (AVS) nécessaires à ses étudiants handicapés. Je salue aussi l’action du réseau des œuvres et des bailleurs sociaux pour mettre aux normes les logements étudiants. Ils ont produit un effort important, qui bénéficie aujourd’hui à tous les étudiants.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur. – Permettez-moi de signaler la journée d’études organisée conjointement par l’Agence de mutualisation des universités et des établissements d’enseignement supérieur (AMUE), la conférence des présidents d’université (CPU) et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour introduire la politique du handicap au cœur de la stratégie des établissements.

J’aimerais revenir sur la situation de l’université des Antilles après l’avis favorable du Conseil d’État sur le projet d’ordonnance tirant les conséquences de la création de l’université autonome de Guyane. Il est de la responsabilité du ministère de protéger la démocratie universitaire et le droit commun sans céder aux pressions locales.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Nous avons accepté la demande de création d’une université de la Guyane après avoir constaté que les postes affectés à l’ancien pôle n’avaient pas été attribués dans les faits. En outre, 5 % seulement des jeunes Guyanais poursuivent des études supérieures contre 42 % des jeunes en métropole. Malgré de beaux bâtiments bien équipés et un potentiel de recherche très intéressant, en particulier sur la biodiversité et en océanographie, la composante guyanaise ne se sentait pas reconnue et respectée comme elle le méritait. Bien sûr, cette décision a pu faire réagir en Guadeloupe.

Il y a eu des tensions et des discussions, l’avenir de l’université des Antilles étant aussi pris comme prétexte pour mener d’autres combats. Nous devons éviter toute confusion et toute instrumentalisation des débats. Il me semble que nous sommes arrivés aujourd’hui à un point d’équilibre et que les collectivités territoriales travaillent désormais en bonne intelligence. Dans les cas de malversations qui nous ont été communiqués, nous avons pris les mesures de suspension administrative qui s’imposaient et la Cour des comptes a transmis au procureur les motifs de poursuites qui peuvent aboutir à des condamnations pénales.

Mme Corinne Bouchoux. – Serait-il possible de dresser le bilan des modalités d’enseignement des soins palliatifs en France, domaine dans lequel l’offre médicale est, par ailleurs, encore quasi inexistante ? La recherche et l’enseignement supérieur dans ce domaine ne sont pas du tout à la hauteur de l’ambition affichée de développer une capacité d’accueil de 200 000 à 300 000 patients chaque année. Il nous faut un inventaire de l’existant, même si, dans l’université, certains sont vent debout contre l’idée de développer cette formation. Je rappelle que c’était la même chose en matière de soins d’urgence, il y a quelques années, et que la situation a heureusement évolué.

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M. Jacques Legendre. – Je vous alerte, madame la Ministre, sur le risque de voir s’affaiblir les antennes universitaires. La tendance à la concentration vers le pôle central est inquiétante pour les villes moyennes. Les universités subordonnent leur maintien à des participations financières importantes des communautés d’agglomération. Sans action vigoureuse, on risque de freiner la démocratisation de l’enseignement supérieur.

Mme Françoise Cartron. – J’ai pris plaisir à entendre la ministre vanter les réalisations bordelaises. Nous avons résisté à la facilité du partenariat public-privé au prix de délais supplémentaires mais la solution que nous avons adoptée devrait faire école.

Dans la future répartition des compétences entre les niveaux de collectivités, les régions devraient fortement porter la politique de recherche. C’est le bon niveau de subsidiarité. L’Aquitaine donne l’exemple d’un conseil régional qui a fait de la recherche un pilier de sa politique de développement en lien avec le milieu économique et au service de la création d’entreprises.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche. – Concernant les soins palliatifs, le sujet est sur la table. L’expérimentation sur la diversification de l’accès aux études médicales nous pousse à avoir une réflexion commune avec le ministère des affaires sociales et de la santé. Le vieillissement de la population et l’allongement de la durée de la vie avec une maladie chronique amènent à des qualifications que nous n’avons pas encore, même si nous avons déjà pris un certain nombre de mesures. La médecine générale est devenue une spécialité à part entière. Nous manquons de médecins généralistes et nous en avons de plus en plus besoin. De même apparaît des métiers intermédiaires comme l’infirmier praticien. Nous sommes très en retard par rapport à certains États comme le Canada qui dispose d’un réseau sanitaire et social similaire. Comme les distances sont grandes, ils utilisent beaucoup les plateformes numériques comme la télémédecine et le télédiagnostic.

L’avenir de la loi Leonetti n’est pas encore tranché. C’est un sujet sensible et je souhaite une discussion sereine et sans polémique. La philosophie que l’on peut avoir sur le sujet peut être complètement remise en cause par le vécu. Et il faut également tenir compte des différentes cultures des uns et des autres.

Actuellement, le mode de sélection pour les études médicales prend essentiellement la forme de questions à choix multiple (QCM) en biologie, physique et mathématiques, y compris, de façon plus surprenante, en sciences humaines et sociales. Nous avons la volonté de diversifier cette sélection car aujourd’hui je suis sûre que beaucoup de très bons médecins nous échappent. Le facteur humain doit être mieux pris en compte de manière générale dans la formation médicale.

Concernant les antennes, face aux menaces de fermeture, mon ministère les a toujours soutenues, que ce soit à Béziers, à Albi ou encore sur d’autres sites. J’ajoute que toutes les antennes dépendant d’une école supérieure du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) ont été maintenues. Sans compter que la scolarisation à proximité du domicile des parents se révèle bien moins coûteuse.

Par ailleurs, chacun a pris conscience de la nécessaire revalorisation des filières technologiques. Je partage votre préoccupation et je pense qu’il faut avoir une vision allant du lycée à l’enseignement supérieur (bac – 3/bac + 3) de toutes ces filières. Les IUT, qui sont des

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établissements de proximité, constituent souvent une porte d’entrée non négligeable pour les jeunes issus des territoires ruraux pour accéder à l’enseignement supérieur.

La réunion est levée à 12 h 15.

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COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES INFRASTRUCTURES, DE L’EQUIPEMENT ET DE L’AMENAGEMENT

DU TERRITOIRE

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée – Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 685 (2013-2014), présentée par Mme Françoise Boog au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Sophie Primas, rapporteure. – La proposition de résolution européenne que je suis chargée de rapporter a été adoptée par la commission des affaires européennes à l’initiative de notre collègue Françoise Boog. Ayant travaillé dans des délais très contraints, je n’ai mené qu’un nombre restreint d’auditions, parmi lesquelles celle de la Fédération du commerce et de l’industrie qui avait été à l’initiative des premières démarches visant à réduire la consommation de sacs en plastique et fut l’interlocuteur privilégié du ministère sur le sujet. Les distributeurs sont souvent décriés, il était juste de rappeler ici qu’ils ont, en l’occurrence, donné l’impulsion.

Cette proposition de résolution porte sur le projet de directive, en cours de discussion à Bruxelles, visant à harmoniser les politiques menées en Europe en vue de diminuer progressivement l’utilisation de sacs en plastique, dont la surconsommation pose un problème environnemental de plus en plus aigu. Jusque dans les années 1960, les ménages utilisaient essentiellement des sacs en tissu et des cabas. Depuis, les sacs en plastique légers se sont développés de manière exponentielle et sont aujourd’hui très majoritairement utilisés pour transporter les achats, en particulier alimentaires. Ces sacs sont généralement composés de polyéthylène d’origine pétrolière, même si de plus en plus d’alternatives se développent. Selon les chiffres de l’Agence de la protection de l’environnement des États-Unis, entre 500 et 1 000 milliards de sacs seraient utilisés chaque année dans le monde. Le coût de revient d’un sac en plastique classique n’est que d’un centime de dollar. Dans l’Union européenne, d’après les chiffres de 2010, chaque citoyen utilisait en moyenne 198 sacs par an, avec cependant de sensibles différences d’un pays à l’autre. Les Danois et les Finlandais ne consomment qu’un sac en plastique par trimestre, tandis que les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais ou encore les Portugais en consomment un par jour. En France, chaque individu consomme 90 sacs par an, soit deux fois moins que la moyenne communautaire.

Ces sacs légers sont particulièrement néfastes pour l’environnement. Un sac de caisse est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et se décompose durant

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400 ans. Ces chiffres témoignent de l’ampleur du problème environnemental que posent ces emballages. Une étude publiée le 30 juin dernier aux États-Unis, dans les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences, montre que les fragments de plastique pollueraient près de 88 % de la surface des océans. Cette étude confirme l’existence de cinq grandes zones de convergence où s’accumulent ces déchets de plastique sous l’effet des courants. Dans le Pacifique Nord, cette île de plastique représenterait une à trois fois la superficie de la France… Ces rejets de déchets plastiques constituent une menace croissante pour la vie marine, mais aussi pour le tourisme, la pêche et la chaine alimentaire en général.

Certains pays ont, en réaction, opté pour l’interdiction pure et simple des sacs plastique légers non réutilisables. En juin 2008, la Chine a décidé d’interdire la production et l’utilisation des sacs plastiques de moins de 25 microns d’épaisseur. Six mois après cette interdiction, la consommation chinoise avait diminué des deux tiers. Pour ce pays qui utilisait 37 millions de barils de pétrole chaque année pour la production des sacs, la mesure d’interdiction se justifie aussi sur le plan économique. En Europe, l’Italie a décidé d’interdire la production et l’utilisation des sacs à compter du 1er janvier 2011.

D’autres pays ont choisi une approche tarifaire, qui produit presque les mêmes effets. L’Irlande a ainsi mis en place, dès mars 2002, une taxe de 15 centimes d’euro, passée aujourd’hui à 50 centimes, pour chaque sac plastique à usage unique, avec une exemption pour les sacs réutilisables. Cette politique, qui met en application le principe du pollueur-payeur, s’est révélée très efficace puisque la consommation de sacs en plastique y a diminué de 90 %.

La France n’a pas attendu le projet de directive pour agir. En 2005, un accord a été signé entre la grande distribution et la filière plastique, sous l’égide du ministère de l’environnement. Un objectif de réduction de 50 % des sacs de caisse distribués gratuitement a été fixé à fin 2006. Leur nombre est ainsi passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Les 650 millions de sacs gratuits encore distribués le sont principalement dans les commerces de proximité.

J’en viens au projet de directive qui motive cette proposition de résolution. La consommation de sacs en plastique est un enjeu commun et transfrontalier, mais les mesures prises individuellement par les États membres manquent de cohérence, et c’est pourquoi l’Union européenne a choisi d’intervenir. La Commission est, au-delà, engagée dans un vaste travail de révision de la politique des déchets au niveau européen.

Elle a déposé, le 4 novembre 2013, une proposition de directive prévoyant que les États membres prennent des mesures afin de réduire la consommation de sacs dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur. Ces mesures pourront consister en des restrictions de commercialisation, ce qui est interdit sous la réglementation actuelle. L’éventail des instruments dont disposent les États pour s’attaquer à la consommation non durable de sacs se trouve donc élargi.

Seront concernés les sacs en plastique d’une épaisseur inférieure à 50 microns qui sont fournis aux consommateurs dans les points de vente de marchandises ou de produits. Cela touchera aussi bien les sacs biosourcés, produits à base de matières organiques, que les sacs pétrochimiques. Au-delà de 50 microns d’épaisseur, les sacs sont considérés comme réutilisables et ne rentrent pas dans le champ d’application de la directive.

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On pourrait trouver étonnant que les sacs biodégradables soient visés par le projet de directive. Il faut rappeler que le terme biodégradable ne signifie pas que les sacs en plastique se dégradent naturellement. Il y faut un processus de compostage en usine, à une température de 57 degrés et à un taux d’humidité au moins égal à 90 %. Or la filière de compostage reste peu développée en Europe comme en France. L’intégration de ces sacs dans le champ de la directive est donc parfaitement justifiée. De la même manière, les sacs oxodégradables ne constituent pas une alternative idéale. Ils sont fabriqués avec des additifs qui provoquent une dégradation du plastique sous l’action de la lumière ou de la chaleur, mais les particules issues de cette dégradation sont polluantes.

Le 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté en séance plénière un texte amendé, plus ambitieux que la proposition initiale de la Commission. Il établit des objectifs chiffrés : les États membres devront réduire leur consommation de sacs en plastique de moins de 50 microns de 50 % d’ici 2017 et de 80 % en 2019, par rapport aux chiffres de 2010. Une exemption est prévue, pour des raisons d’hygiène, pour les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers.

Au vu de ces éléments, la commission des affaires européennes a adopté, la semaine dernière, à l’unanimité, une proposition de résolution. Elle estime que le texte initialement proposé par la Commission n’est pas suffisamment ambitieux au regard de l’objectif affiché, mais qu’à l’inverse, la version adoptée par le Parlement européen est trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.

La résolution insiste donc pour que soit retenu un objectif clair, en nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l’état d’avancement des États membres dans ce domaine. En cela, la résolution est sur la même ligne que le Gouvernement, qui soutient également l’option d’objectifs chiffrés par pays, afin de tenir compte des efforts déjà réalisés en matière de réduction de la consommation de sacs.

Le Gouvernement semble également travailler sur une interdiction à moyen terme. Au cours de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, le 25 juin, Ségolène Royal a fait adopter un amendement prévoyant l’interdiction des sacs en plastique légers à compter de 2016. Seraient exonérés les sacs compostables de manière domestique et les sacs constitués de matières biosourcées. La ministre a toutefois elle-même reconnu, dans un discours prononcé le 2 juillet à l’occasion de la journée internationale sans sacs plastique, que ces alternatives n’existent pas encore. Les travaux de normalisation afférents au compostage domestique doivent être menés au niveau européen d’ici à 2016. Pour l’heure, les filières industrielles n’existent pas. Cette position me semble donc un peu prématurée. Nous n’avons que trop tendance, en France, à transposer de manière maximaliste les textes européens… Je crois qu’il faut aujourd’hui travailler en priorité à la définition d’objectifs réalistes de réduction par pays.

Concernant le champ d’application du dispositif, la proposition de résolution préconise d’abaisser le seuil d’épaisseur de 50 à 20 microns. Je suis ici un peu en porte-à-faux avec la commission des affaires européennes, car il me paraît préférable d’en rester au seuil retenu par la directive. Placer le curseur trop bas pourrait provoquer d’importants effets de seuil : au lieu de fabriquer des sacs de caisse non réutilisables de 14 microns environ, comme c’est le cas aujourd’hui, il suffirait aux industriels de fabriquer des sacs de 21 microns pour sortir du champ d’application de la directive. Les objectifs de réduction de la consommation de sacs ne seraient pas atteints, et le coût environnemental de ces sacs légèrement plus épais,

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serait aggravé, car leur fabrication exigerait plus de pétrole. Françoise Boog indique dans son rapport qu’à partir de 37 à 38 microns, les sacs sont réutilisables. Mais ils ne le sont, en réalité, que comme sacs poubelle. Un sac réutilisable, au sens de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), doit pouvoir être employé au moins sept fois. D’où la proposition d’amendement que je vous soumettrai pour revenir à 50 microns, en accord avec Françoise Boog.

La proposition de résolution insiste, enfin, sur la nécessité d’accompagner la réduction de la consommation de sacs en plastique par l’encouragement au développement de filières de compostage. C’est une des conditions pour atteindre l’objectif « zéro plastique » dans les décharges en 2020.

Je vous proposerai d’adopter cette proposition de résolution, amendée dans le sens que j’ai indiqué.

M. Charles Revet. – Je félicite notre rapporteure, qui a su mener son travail à très bref délai.

Nous savons que les sacs en plastique sont une plaie, à tous égards, même s’ils sont aujourd’hui moins nombreux à voleter en tous sens. Ils sont un danger pour la nature, pour les animaux, mais aussi pour l’économie. Ma région est productrice de lin : quand dans une balle de filasse sont venus se mêler quelques fils de plastique, elle devient impropre à l’exportation ; les États-Unis n’en veulent pas.

Il faut clairement différencier, à mon sens, le plastique d’origine minérale du plastique d’origine végétale. Le premier met entre 400 et 1 000 ans, dit-on – une durée telle, en tout cas, qu’on ne pourra jamais le vérifier – à se dégrader, tandis que le second, d’origine naturelle, se dégrade en six mois. On ne peut pas traiter l’un et l’autre de la même manière. J’avais naguère profité d’un texte touchant à l’agriculture pour déposer un amendement visant à rendre obligatoire l’usage du plastique végétal plutôt que minéral pour tout ce qui concerne l’alimentation. Il n’a, hélas, pas prospéré. Les lobbies du pétrole sont puissants…

Vous avez dit qu’il existe encore peu d’usines de compostage. J’invite à nouveau la commission à venir en Seine-Maritime, où une unité, installée à côté d’une usine qui privilégie le plastique végétal, est en phase de finalisation.

Je voterai cette proposition de résolution amendée, mais j’estime que le sujet mériterait d’être approfondi. Encore une fois, le plastique végétal se détruit beaucoup plus vite.

M. Henri Tandonnet. – Je connais la modération et le pragmatisme de notre rapporteure, que j’ai vue à l’œuvre comme présidente de la mission commune d’information sur les pesticides. Mais je dois dire qu’en ce qui me concerne, je suis partisan de l’interdiction. Il est vrai que l’on a beaucoup progressé, jusqu’à réduire de 84 % l’usage de ces sacs en plastique dans la distribution, mais dans le même temps, on laisse se développer de nouveaux usages, comme ces emballages plastiques qui enveloppent les revues et les journaux, produits en grande quantité et encore plus polluants. Il serait bon de s’en préoccuper. Et de développer le plastique biodégradable, qui n’a pas les mêmes effets néfastes sur l’environnement.

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M. Benoît Huré. – D’accord pour les sacs en plastique d’origine végétale, mais à condition que le maïs qui sert à les fabriquer ne soit pas cultivé sous plastique…

Mme Évelyne Didier. – J’évoquerai, une fois n’est pas coutume, mon expérience personnelle. Le supermarché où je fais mes courses a décidé d’arrêter de distribuer des sacs en plastique. Ils proposent à la vente, à la place, des sacs résistants, que l’on peut très bien ranger dans son coffre et réutiliser.

Les sacs en plastique ne sont nullement indispensables dans la vie courante. Certains pays s’en passent d’ailleurs totalement, sans s’en porter plus mal. Cela est faisable et souhaitable. Nous devrions, nous aussi, parvenir à leur suppression pure et simple. Songeons aux dégâts sur l’environnement. J’ai récemment lu un article sur le « plastiglomérat », une nouvelle roche faite de sédiments mêlés de plastique qui s’agglomèrent au fond des mers. Nous transformons notre écosystème sans savoir quels en seront les effets sur la biodiversité. Et cela à cause de sacs en plastique dont nous n’avons pas vraiment besoin.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. – Pourquoi la directive se limite-t-elle aux sacs avec poignée ? Je suppose que cela est lié à leur utilisation, pour les courses. Chez les marchands de fruits et légumes, on trouve employés des sacs en plastique, mais aussi du papier d’emballage, bien meilleur pour la conservation. Une salade se défraichit aussitôt dans un sac en plastique, pas dans du papier. Mais certains marchands y restent réfractaires, parce qu’on le leur permet. Or, même les sacs en plastique végétal, faits avec du maïs, mais aussi de la pomme de terre, mettent du temps à se dégrader. Il faut les composter, à 50°C, ce qui suppose de ne pas vider trop fréquemment le compost.

Vous avez évoqué la journée sans sacs plastiques, le 2 juillet dernier, mais qui en a entendu parler ? Il reste bien du chemin à faire. Et il n’y a pas que les sacs. Je suis tombée l’autre jour sur un documentaire effrayant, où l’on voyait, sur une plage, des oiseaux pris au piège dans des bouteilles en plastique.

J’ai souvenir que le Sénat avait voté un texte, il y a six ans, qui visait à réduire les résidus d’emballage. Les choses n’ont guère évolué depuis. D’autant que les ménagères préfèrent acheter de petits contenants, moins lourds, ce qui multiplie les emballages.

Quand donc les grandes surfaces se mettront-elles à arborer leurs abords ? On sait que c’est efficace pour piéger les sacs, et éviter leur dispersion dans la nature. Charles Revet a évoqué la pollution du lin, un vrai problème en Seine-Maritime, au point qu’il a fallu nettoyer tous les fossés qui bordent les routes départementales. Ils étaient remplis de sacs en plastiques, sans parler des bouteilles jetées par les camionneurs. Cela a pris quatre ans. D’où la nécessité de systèmes de piégeage.

Mais je vous suivrai sur la question du seuil. Il faut avancer, au profit des générations futures.

M. Alain Houpert . – Le plastique a des effets catastrophiques sur l’environnement. Il faut interdire les sacs en plastique, quelle que soit la pression des lobbies. Je suis fils de petit commerçant et je me souviens qu’autrefois, on emballait dans du papier journal. Aux États-Unis, les commerces utilisent des sacs en papier, le fameux brown bag, beaucoup plus chic et mieux assorti aux robes de ces dames.

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J’avais déposé, il y a deux ans, une proposition de loi, malheureusement restée dans les cartons, qui tendait à rétablir la consigne pour toutes les bouteilles, comme en Allemagne et aux États-Unis où l’on voit, en ces temps de crise, les étudiants les ramasser pour se faire de l’argent de poche.

Dans mon département, le jour de la fête du bruit, dite fête de la musique par une minorité qui vient casser les oreilles de la majorité, la route était jonchée de monceaux de canettes et de bouteilles. C’est inadmissible. Pour préserver la beauté de la France, on devrait avoir le courage de rétablir la consigne. Je vous invite à ressortir ma proposition de loi du tiroir et à la cosigner et transmettre aux générations futures une terre qui ne nous est que prêtée.

M. Benoît Huré. – D’accord pour le papier d’emballage, mais pas le papier journal, à cause de l’encre.

M. Raymond Vall, président. – Très juste.

M. Ronan Dantec. – Cette proposition de résolution reste entre deux eaux, comme le plastique… Pourquoi ne pas se donner l’objectif de limiter l’usage des sacs aux sacs biodégradables ? Le progrès technologique le permet. La discussion devrait s’ouvrir avec les industriels sur le temps qui leur serait nécessaire pour y parvenir.

J’entends bien, en revanche, les raisons de votre amendement. Ramener le seuil de 50 à 20 microns pourrait avoir des effets contre-productifs.

Mme Anne-Marie Escoffier. – Je félicite notre rapporteure et rejoins les observations qui ont été faites. Pourquoi ne viser que les sacs « à poignée » ? Cette mention devrait disparaître. Chez mon épicier, ce sont des sacs sans poignée qui sont proposés.

Mme Sophie Primas, rapporteure. – Je souscris à la plupart de vos observations, faites avec fougue et conviction. Je précise que les sacs en plastique très fin, sans poignée et non réutilisables, de moins de 50 microns, sont également visés dans la directive. J’indique à Henri Tandonnet qu’une révision globale de la directive emballages est prévue : les bouteilles en plastique et les emballages des journaux et magazines seront visés.

Pourquoi ne pas interdire ? La ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, a fait passer un amendement au projet de loi relatif à la biodiversité pour prévoir une interdiction au 1er janvier 2016. Il me semble que c’est un peu tôt. Produire des sacs de substitution suppose de développer une norme – qui n’existe pas aujourd’hui –, sans laquelle les industriels ne peuvent préparer un outil de production ad hoc. J’ajoute que s’il faut développer une filière française, l’idéal serait que l’Europe s’y mette.

Privilégier les sacs en papier ? Sachez que l’Ademe et un grand distributeur ont conduit une étude dans laquelle il apparaît que le bilan carbone de ces sacs, du fait d’impératifs de fabrication, est très mauvais.

Evelyne Didier a évoqué les lobbies. Je veux lui dire que parmi les quelques auditions que j’ai pu conduire, j’ai entendu le club du bioplastique, qui, regroupant tous les acteurs de la filière, milite pour une transformation des process de fabrication, afin de pousser à la fabrication de sacs faits de matières naturelles. Ils font du lobbying, mais dans le bon sens. Preuve qu’il existe des industriels responsables.

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Ronan Dantec a raison de dire que nous sommes à mi-chemin. Les pays du Sud de l’Europe utilisent encore beaucoup de ces sacs. C’est pourquoi la résolution propose un objectif par pays. Pour la Finlande, par exemple, qui n’en utilise quasiment plus, réduire l’usage de 50 % serait très difficile, quand un pays comme le Portugal peut aisément le réduire de 90 %.

A Anne-Marie Escoffier, j’indique que la mention des sacs « à poignée » figure dans le titre de la directive, mais que la révision de la directive emballages répondra à son souci.

EXAMEN DE L ’AMENDEMENT

Mme Sophie Primas, rapporteure. – Mon amendement vise à supprimer l’alinéa 8 de la proposition de résolution, pour s’en tenir au seuil de 50 microns prévu par la directive.

L’amendement n° 1 est adopté.

M. Ronan Dantec. – Je m’abstiendrai sur ce texte, pour les raisons que j’ai dites.

M. Henri Tandonnet. – Moi de même. J’estime que nous ne sommes pas assez fermes.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Avancement du projet de cartes d’anticipation du changement climatique – Audition de MM. Pascal Berteaud, directeur général de l’Institut national de

l’information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France

La commission entend MM. Pascal Berteaud, directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France, sur l’avancement du projet de cartes d’anticipation du changement climatique.

La réunion est ouverte à 17 h 30.

M. Raymond Vall, président. – Nous recevons Pascal Berteaud, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) – dont le conseil d’orientation est présidé par Paul Vergès, membre de notre commission – et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France. La commission vous a déjà rencontrés chacun séparément. A la fin de l’année 2013, M. Berteaud nous avait mis l’eau à la bouche en nous annonçant qu’il travaillait sur une cartographie à l’horizon 2030 du changement climatique sur les territoires, en lien avec vos organismes.

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Nous aurions bien besoin de tels outils pour établir notamment les schémas de cohérence territoriale (SCoT).

M. Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France. – Christophe Maocec, directeur de la stratégie et moi-même allons vous présenter le portail Drias (Donner accès aux scénarios climatiques régionalisés français pour l’impact et l’adaptation de nos sociétés et environnements), développé avec d’autres institutions, tel l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), pour fournir au grand public comme aux experts des informations sur le changement climatique.

M. Christophe Maocec, directeur de la stratégie de Météo France. – Le lien entre climat passé et climat futur peut être démontré grâce au continuum qui existe entre les modèles de la prévision météo et du climat. La simulation nécessite une échelle large, des mailles de 50 à 300 kilomètres : l’information ne peut donc pas être très fine. Une descente d’échelle permet d’augmenter la résolution géographique pour des besoins locaux. Il y a néanmoins une limite physique en dessous de laquelle il est impossible de descendre. Les données semblent précises, mais doivent être prises comme des scénarios possibles, et non comme des prévisions. Pour être plus proche de la réalité, il faut moyenner sur une période longue.

Les incertitudes proviennent de différents éléments : les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre – nous utilisons ceux du Giec ; les modèles de prévision ; la variabilité climatique, que nous atténuons par l’usage de moyennes ; la méthode de régionalisation. Elles nécessitent un accompagnement explicatif pour que l’interprétation ne soit pas faussée. Le climat passé est important pour les projections climatiques, en tant qu’illustration pour faire mieux comprendre l’amplitude et les conséquences réelles du changement climatique. Il faut s’appuyer sur ces références pour rendre perceptible un futur pour ainsi dire inconcevable.

Drias, ouvert il y a deux ans, est un portail internet gratuit destiné à diffuser le plus largement possible la connaissance scientifique sur le changement climatique. Il permet une navigation cartographique des données à une échelle de carrés de 8 kilomètres – le mieux que nous puissions faire – selon plusieurs scénarios, plusieurs modèles, plusieurs horizons de temps, et plusieurs paramètres climatiques. Les données brutes peuvent être téléchargées pour construire des études à façon, comme par exemple sur l’importance des vagues de chaleur, que l’on peut représenter par des graphiques percutants.

De nouveaux indicateurs climatiques ont été ajoutés récemment en lien avec les utilisateurs ; en 2014, les nouveaux scénarios du Giec seront intégrés ; le champ couvert s’étendra à l’outre-mer ; des produits passé-futur seront créés. L’expérience est très satisfaisante, avec une audience notable et de nombreuses questions posées sur la hotline. L’objectif est de construire un véritable service pérenne répondant au mieux aux besoins des utilisateurs.

Il sera intéressant, en particulier, de mettre en évidence l’impact du changement climatique sur un secteur économique donné – nous avons besoin pour cela de croiser les données, grâce à un travail en collaboration. L’enjeu est de capitaliser sur Drias et de le faire progresser pour qu’il devienne un service de référence sur l’adaptation au changement climatique. L’alliance de recherche pour l’environnement Allenvi l’aidera, notamment en coordonnant – cela commence tout juste – des portails de données sur le changement climatique et ses impacts. Signalons le lancement de Copernicus, programme de services climatiques au niveau européen. Le site contient une présentation des précautions d’emploi,

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un mode de navigation initiation et un mode expert, ainsi qu’une mosaïque de cartes sur lesquelles il est possible de zoomer.

M. Jean-Marc Lacave. – Le site est d’une grande variété et convient aux experts comme aux néophytes. Il a un très riche potentiel même si l’ergonomie peut encore être améliorée. Il ne demande qu’à croître au service des élus, des entreprises, des particuliers, des institutions. Ce produit collectif est une porte d’entrée majeure pour le public dans la thématique du climat.

M. Pascal Berteaud, directeur général de l’IGN. – Le travail de cartographie de l’IGN, spécialiste de la représentation et de la vulgarisation, se situe bien sûr en aval de celui dont il vient d’être question. Nous transformons les données techniques en un produit qui puisse être montré dans une réunion publique. Cela n’est pas sans difficultés : le nombre de données pose des problèmes de représentativité ; certes les carrés de 8 kilomètres sur 8 rendent bien sur une carte au cent-millième ou au deux-cent-millième. Mais la représentation des incertitudes est difficile : comment faire comprendre qu’il ne faut pas prendre toutes les données représentées pour des vérités intangibles ? C’est déjà le cas pour la météo ; ce le sera davantage si nous devons traiter des effets physiques du climat. Néanmoins, nous avons déjà dans le passé cartographié des sujets plus incertains.

Lorsque nous avons vu la masse de données produites par le travail considérable de nos collègues, nous avons pragmatiquement décidé de bâtir un prototype qui puisse servir de base de travail avec Météo France – il faut bien sûr que tout cela soit mis en commun avec un accès unique. Nous venons d’en sortir la version zéro.

Mme Perrine Rouffiac, chef de projet à l’IGN. – L’IGN construit un portail pour les décideurs – élus et acteurs socio-économiques – et les citoyens. Son rôle ? Voir les impacts du changement climatique pour aider à la communication et à la prise de décision, partager les connaissances produites par la science, et créer une interface entre les besoins des utilisateurs et les ressources disponibles fournies par le monde de la recherche. Il offrira une représentation cartographique et des indicateurs, dans tous les secteurs ou milieux, des impacts du changement climatique, grâce à l’agrégation des données propres de l’IGN et de celles de ses partenaires.

Il s’agit d’un sujet d’actualité dont se saisissent les élus. De nombreux industriels prennent également conscience de leur vulnérabilité. Existaient déjà le portail Drias, le site collaboratif Wiklimat et l’outil Impact’Climat de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Nous avons rencontré l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), Météo France, l’Institut national de recherche agronomique (Inra), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea).

Le prototype fournit trois indicateurs. L’indice de rigueur climatique régional entre 1980 et 2013, calculé par le service des observations et statistiques du ministère de l’écologie à partir des données de température de la saison de chauffe d’une année (janvier à mai et octobre à décembre) et utilisé par l’Ademe, donne une tendance à la baisse régulière et nette de la rigueur hivernale. Pour aller plus loin, nous avons calculé l’indice de rigueur climatique par commune, en prenant l’exemple du département du Gers.

M. Raymond Vall, président. – Je n’y suis pour rien, mais je vous en remercie !

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Mme Perrine Rouffiac. – Il est calculé pour 1980-2013 à partir des données fournies par Météo France sur la maille Safran de 8 kilomètres et pour les décennies futures à partir des données prospectives du portail Drias pour les trois scénarios du Giec. Nous en avons déduit l’indice, plus parlant, de consommation énergétique sur le même département, pour lequel nous avons travaillé avec l’entreprise Énergies demain, qui nous a aidés à évaluer au niveau communal le surcoût en chauffage engendré par l’évolution du climat entre 1980 et 2040.

Le prototype fournit des cartes par région représentant l’évolution dynamique de 1980 à 2013 ; la carte du Gers permet de zoomer sur chaque commune pour voir le graphe qui s’y rapporte. Le climat futur est décrit sur six décennies, selon trois scénarios plus ou moins optimistes, avec l’indice de surcoût. Le prototype a une version en ligne mais il reste beaucoup de travail : les incertitudes, non représentées dans le prototype, doivent faire l’objet de travaux avec Météo France ; nous devons trouver l’échelle de représentation géographique et de représentation temporelle qui réponde aux besoins locaux d’adaptation tout en étant scientifiquement valide ; un accompagnement sur l’interprétation des données est indispensable. Nous avons besoin de coopérations avec les organismes qui, dans tous les secteurs marqués par le changement climatique, en définissent et calculent les indicateurs pertinents, avec qui nous avons commencé à travailler, tels que l’Irstea pour les eaux et inondations, l’Inra pour l’agriculture, l’Ademe pour l’énergie ou l’Insee pour la santé. Des efforts de communication sont enfin nécessaires lors de a mise en place du portail.

M. Pascal Berteaud. – Nous avons commencé par le plus facile : des modèles de données de Météo France aisés à cartographier. Mais la représentation des conséquences sera plus compliquée ; plus nous représentons des scénarios et plus nous devons gérer l’incertitude. Voilà ce que sera notre travail dans les prochains mois.

M. Raymond Vall, président. – À Copenhague, nous avions découvert les évaluations faites par l’Onerc du coût de l’adaptation au changement climatique, mais aussi du coût de l’inertie face au changement. Cet organisme participe à la prise de conscience des décideurs.

M. Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc). – L’adaptation au changement climatique est notre mission principale. Je suis heureux d’être reçu par une commission qui s’y intéresse de près et dans la durée. Notre organisme est interdisciplinaire, interministériel et nécessairement en réseau avec de nombreux partenaires. Dépendant de la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, l’Onerc est chargé des politiques d’adaptation au changement climatique. L’observatoire assure aussi la liaison avec le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et il fait partie de l’équipe française dans les négociations climatiques mondiales.

Nous produisons des rapports, dont celui de 2009 sur les coûts de l’adaptation. Notre façon de travailler est de créer de la compétence dans les ministères, aux différents échelons des collectivités territoriales et notamment dans leurs directions techniques, ainsi que dans les organismes scientifiques. Nous avons rédigé en 2011 un plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) pour 2011-2015 – que les personnes moins averties que vous ne connaissent pas toujours – constitué de plus de 200 mesures sur une vingtaine de secteurs, et considéré à l’international comme l’un des plus avancés. Il est vrai qu’une loi, en chargeant le ministère de ce plan, nous avait donné une grande légitimité. Ce plan contient des fiches transversales comme sur le Drias ou le travail de l’IGN. Il s’agit de

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créer de l’expertise, notamment en diffusant des publications scientifiques comme les documents de la série Le climat de la France au XXIème siècle, sous la direction de Jean Jouzel.

L’organisation météorologique mondiale a créé un cadre international très large ; les services climatiques nationaux sont créés petit à petit. La problématique principale est de rapprocher les services des divers utilisateurs – et pas seulement des chercheurs – dans les différents secteurs. L’alliance Allenvi compte un groupe de travail animé par Météo France et l’IGN. La démarche fait suite à notre rencontre avec vous, monsieur le président, lorsque vous nous aviez demandé de faire des cartes au plus près des territoires. Voici donc quel a été le travail des six derniers mois. Je précise que je parle ici en expert et non en représentant du ministère.

Nous sommes dans une phase de création de compétence ; avec le club Entreprises pour l’environnement, nous avons publié un guide d’adaptation au changement climatique qui a connu un certain succès : j’ai été surpris de voir l’amphithéâtre de la Maison de la chimie rempli de 400 personnes du monde de l’industrie intéressées par cette problématique. Il est vrai que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir intégrer ces compétences. Nous essayons de répondre aux nombreuses demandes sur l’adaptation, ce domaine d’étude que personne ne connaissait il y a cinq ans.

Nous vivons aujourd’hui l’entrée dans la transition écologique : le climat est une porte d’entrée pour introduire le public dans un raisonnement plus large concernant tout le développement durable. Je suis tout à fait d’accord pour travailler sur les cartes concernant différents domaines : dans chacun d’entre eux, nous devrons développer un langage, pour apprendre à parler aux gens du métier, qu’il s’agisse du littoral, de l’eau, de l’agriculture, de l’énergie ou du tourisme. Raccrochons cela aux processus en cours, comme le Pnacc.

M. Ronan Dantec. – Nous saluons le travail qui a été fait : il est utile de visualiser le changement climatique, et de le faire à l’échelle de son propre territoire. Or, la modélisation de la montée des eaux serait-elle un sujet trop sulfureux ? Car je n’en vois pas trace sur vos sites. Elle aurait un impact énorme : une maison indiquée comme immergée en 2050 verrait sa valeur chuter, le marché immobilier local serait bouleversé. Traiterez-vous la question des eaux dans les bassins versants ? Des besoins en eau dans l’agriculture ?

Après la Conférence sur le climat de 2015 à Paris, le scénario retenu sera-t-il la stabilisation, voire l’inversion du changement, ou sa continuation ? Comment hiérarchiser les données publiées ? En fonction des impacts économiques immédiats ? La France a de l’avance dans cet exercice ; dans le cadre des négociations internationales, l’accompagnement des pays du Sud pourrait être un enjeu majeur. Partageons avec ceux qui ont peu de moyens ces techniques de prévision et de modélisation. C’est un point essentiel dans le capacity building. Puisque nous élargissons déjà à l’outre-mer, continuons à élargir notre champ d’étude.

M. Raymond Vall, président. – Un journal rapportait dernièrement qu’un cabinet spécialisé américain avait classé les pays selon leur exposition au risque climatique, afin que les grands groupes puissent faire leurs arbitrages de localisation, d’investissement,...

Mme Évelyne Didier. – Si vous voulez vous adresser au grand public, avez-vous fait tester l’utilisation de vos sites par monsieur ou madame tout le monde ? Mon expérience de ce point de vue est la suivante : dans ma commune, nous avons révisé le plan local

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d’urbanisme à partir d’une carte de prévention des risques d’inondations. Une entreprise nous a fourni une modélisation en trois dimensions du centre de la commune et des risques d’inondations. Les sceptiques ont été convaincus, sauf les plus endurcis – il en reste toujours, qui croient à la manipulation des données représentées. Cette illustration en 3D n’est pas si coûteuse, mais c’est une aide à la décision formidable ! Chacun a compris lorsqu’il a vu sa rue, sa maison.

Que pensez-vous de l’expression « dérèglement climatique » utilisée par le rapport du Conseil économique, social et environnemental, préparé par Jean Jouzel et Antoine Bonduelle ? Enfin, les collectivités manquant de moyens propres s’adressent souvent aux agences d’urbanisme, notamment pour construire leurs Scot ; avez-vous des liens avec elles ?

M. Charles Revet. – Le changement climatique est-il inexorable ? Existe-t-il une prospective dans le domaine économique pour tenir compte de ce changement ? Les incidents liés au changement climatique – grêle, tempêtes, inondations – ont des conséquences importantes : sont-ils stables sur dix ou vingt ans ? Sait-on quelle est la part des intempéries de cet ordre liée au changement climatique ?

Peu d’agriculteurs sont assurés, or les conséquences peuvent être catastrophiques. Faut-il instaurer un système d’assurance global et obligatoire, comme pour les assurances automobiles ?

M. Alain Fouché. – Votre méthodologie est-elle en œuvre dans d’autres pays ? Quels sont les pays en pointe ? Doit-on craindre un risque de tsunami sur la façade atlantique comme au Japon ?

M. Henri Tandonnet. – L’expression « changement climatique » est plus adéquate que celle de réchauffement climatique ou de dérèglement climatique. Le terme d’adaptation porte en lui l’idée d’une préparation active, c’est une bonne chose. Les études montrent qu’en Aquitaine les températures ont augmenté. L’adaptation pose aussi la question de l’eau. On s’efforce de mettre sur pied, dans le Lot-et-Garonne, un pôle de compétence sur l’eau, associant tous les acteurs, pour réfléchir à sa gestion, au filtrage, à la constitution de réserves. Vos travaux auront-ils une influence sur les décisions du ministère de l’environnement ? Les trois derniers ministres ont eu des positions contrastées à l’égard de notre projet d’aménagement du bassin du Dropt et de réserve collinaire. La première s’y est opposée, le second l’a soutenu, la troisième est réservée…

M. Jean Marc Lacave. – La France peut s’enorgueillir de posséder l’un des meilleurs modèles de prévision climatique. Nous l’avons confronté aux données du passé et il s’est révélé robuste. Notre savoir-faire pourra être mis en avant lors de la « COP 21 », la Conférence de Paris, l’an prochain. Nous pouvons le proposer aux pays du Sud, avec des données, des formations, etc.

Tous les événements passés ont été enregistrés. Nous avons harmonisé nos données dans le temps pour supprimer les biais dus aux instruments de mesure ou aux méthodes. Nous disposons ainsi d’archives fiables sur trente ans.

Les prévisions sont plus délicates, en raison des incertitudes qu’a mentionnées M. Maocec. Je suis peu favorable à la présentation de nos prévisions sous forme de shows à l’américaine. Une carte des risques a l’avantage d’être spectaculaire mais elle pourrait stigmatiser des pays confrontés au risque de montée des eaux, dissuader les investisseurs,

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casser des marchés, entraînant des conséquences économiques insoupçonnées. Nous n’avons pas de certitudes. Nous manipulons des données potentiellement explosives. Il nous faut faire preuve de pédagogie, avancer dans une démarche d’accompagnement, être prudents. Les scientifiques et tous les professionnels doivent parler du futur sans donner l’illusion qu’ils possèdent des certitudes. Il est impossible de prédire si le maïs poussera ici ou là à cause du réchauffement climatique, ni à quelle échéance. Sur notre portail Drias nous favorisons l’initiation, et donnons accès à l’expertise, pour que les gens se familiarisent avec les modèles, les effets provoqués par le changement d’une variable ou des paramètres. Notre devoir est d’éviter les surinterprétations aux effets néfastes. Chaque fois que nous mettons en ligne de nouvelles catégories de données, nous prenons de multiples précautions et avons de nombreux échanges avec les organismes concernés. Beaucoup de gens consultent notre site, qu’ils soient Français ou étrangers, experts ou grand public. Notre site est très visité ; nous n’avons pas encore fait de bilan sur les échanges avec l’extérieur par le biais de notre hotline. Nous sommes au premier stade d’une approche plus simple, plus visuelle, pour le grand public.

À Londres je rencontrerai demain les représentants des autres services européens de prévision climatique. L’Union européenne prend de plus en plus d’initiatives, notamment avec la couverture du globe par satellite. Nous sommes très sollicités car nous travaillons à la frontière de la recherche et de l’opérationnel. L’objectif est d’avancer ensemble, sans discrimination, dans la mise à disposition de données. Copernicus sera un catalyseur pour la création de services destinés au grand public.

M. Pascal Berteaud. – La question est la suivante : comment commencer à prendre des décisions d’adaptation, parfois lourdes, coûteuses, en s’appuyant sur des données de la recherche incertaines par nature, en faisant accepter l’investissement et les contraintes par les populations ? Les Pays-Bas n’ont pas hésité à prendre en compte la montée des eaux : ils ont décidé de rehausser toutes leurs digues. Le programme est lancé. Mais les polders font partie de l’identité de ce pays… Les sécheresses de 2003 et 2005 ont été exceptionnelles ; peut-être seront-elles ordinaires dans cinquante ans. Comment affiner la prévision sur le plan local, en tirer les conséquences pour l’agriculture par exemple ? Nous disposons de données et de corrélations. Nous devrons travailler avec le BRGM. Mais les résultats resteront empreints d’incertitudes.

La difficulté est de présenter une information accessible, car les experts n’inspirent plus confiance, tout en évitant de présenter des prévisions comme des vérités. Pour répondre à Mme Didier, la visualisation en trois dimensions est un outil précieux mais tellement réaliste que celui qui cherche à évaluer le niveau d’eau autour de sa maison risque d’oublier qu’il s’agit d’une prévision. Nous sommes en train de conclure un accord avec la fédération nationale des agences d’urbanisme. Nous n’aboutirons pas sans travailler avec les organismes de recherche, en amont, ni recueillir le concours des élus, en aval. Il est certain cependant que pour que les gens se préoccupent de la question du changement climatique, il faut leur en montrer les conséquences concrètes, chez eux.

M. Raymond Vall, président. – Nous savons qu’il y a des dangers et que nous devons être prudents. Mais comment en tenir compte dans nos décisions, qui nous engagent pour quinze ou vingt ans, et qui nous serons reprochées ? Dans mon département, nous avons connu des inondations d’une ampleur insoupçonnée. Qui a été en première ligne ? Les élus. On ne nous pardonne rien. Il est difficile, pour un élu, de savoir qu’il y a un danger et de ne rien faire. Il a donc besoin de croiser les informations, multiplier les points de vue. Les élus ont à décider aujourd’hui. En 2017, le préfet pourra, en l’absence de Scot, bloquer les permis

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de construire. Quels éléments retenir ? Les scénarios extrêmes ? Sans doute pas. Mais on ne peut faire fi des inquiétudes, non plus ! En tout cas, le mouvement est lancé.

M. Nicolas Bériot. – Les décisions d’investissement ou les politiques publiques à une échéance de vingt ans doivent tenir compte du changement climatique. Le réchauffement est déjà une réalité. Au XXe siècle les températures moyennes se sont accrues de 0,8 degré ; or, entre une ère glaciaire et une période interglaciaire, l’écart de température n’est que de 5 à 6 degrés, c’est dire l’ampleur de l’évolution. Toute décision doit se fonder sur de multiples paramètres : la météo, la température, les précipitations, la sensibilité et la résistance aux extrêmes, la nature des ressources à disposition, la réglementation, etc. Le raisonnement sur l’adaptation est riche. À l’exception des Pays-Bas qui ont pris le problème à bras le corps, peu de pays se sont encore préparés. Une autre difficulté tient à la complexité des modèles et à l’incertitude. Le raisonnement linéaire n’est pas suffisant…

M. Fabius, ministre des affaires étrangères, en charge de la négociation climatique internationale, emploie le terme de dérèglement climatique, plus saisissant que celui de changement. Cela me semble justifié au regard des déséquilibres actuels et de la vitesse d’évolution des paramètres. Il faudra attendre des dizaines d’années pour parvenir à un nouvel équilibre. Le changement climatique est là. Même en adoptant des mesures urgentes, ses conséquences iront en s’aggravant en raison de l’inertie des processus.

Nous ne raisonnons pas encore en termes de changement structurel, préalable à la transition écologique. Mais il peut y avoir de bonnes surprises. Dès que ce pas sera franchi, il s’accompagnera sans doute de ruptures scientifiques ou technologiques.

Les dégâts augmentent, ainsi que le coût des catastrophes, mais le changement climatique n’est pas le seul responsable. La vulnérabilité des sociétés s’est accrue, les fragilités systémiques se révèlent.

La création d’une réserve collinaire constitue parfois une solution, mais il faut apprécier chaque situation au cas par cas, en s’appuyant sur des études locales. Certes il faut prendre conscience de la nécessité d’agir, pour autant rien ne sert d’agir dans la précipitation. Il faut se mettre au travail aujourd’hui mais il serait excessif de dire que toutes les décisions doivent être prises aujourd’hui.

L’Onerc travaille avec les administrations centrales en charge de l’urbanisme, comme la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Certaines agences de l’urbanisme ont été associées à l’élaboration du plan national d’adaptation au changement climatique en 2010. Nous commençons seulement à aborder le thème de la ville durable. Bien des colloques lui sont consacrés à l’étranger depuis déjà un certain temps.

Il n’y a pas de pays en avance en matière d’adaptation. Nous sommes tous débutants. Les pays en développement ont beaucoup à nous apprendre, à l’image du Bangladesh qui, depuis dix ou quinze ans, a développé de nouvelles approches. Certains pays en proie à un problème identifié ont réfléchi au sujet, comme les Pays-Bas ou les pays situés dans les deltas fluviaux. Mais chacun découvre en avançant.

M. Sylvain Mondon, chargé de mission à l’Onerc. – L’Onerc a publié en 2010 un rapport sur les villes et l’adaptation au changement climatique. Les assureurs sont très sensibles à la problématique du changement climatique car le coût des catastrophes augmente, à tel point que leur modèle économique est en danger ; la question des assurances constitue

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l’un des enjeux de la stratégie d’adaptation européenne. En France le plan national d’adaptation comprend une fiche assurance et financement, avec deux mesures à signaler : l’une tend à renforcer le taux de souscription des assurances habitation outre-mer, l’autre est destinée à responsabiliser les acteurs par une modulation des primes ou des cotisations. Un texte de loi a été préparé. L’assurance constitue un levier d’adaptation. Il s’agit d’éviter l’effondrement de ce secteur économique, tout en définissant ce qui est assurable, et ce qui est une perte acceptable pour le citoyen. Le Comité de la prévention et de la précaution a été saisi de ces sujets complexes. Dans le domaine agricole, les risques sont spécifiques. La couverture face à certains risques est insuffisante : on dit ainsi que deux sinistres de suite entraînent un dépôt de bilan.

M. Charles Revet. – Certaines assurances sont obligatoires – voiture, habitation – et d’autres facultatives, comme pour les aléas climatiques. Or les dégâts sont considérables. Il suffit d’un orage de grêle pour réduire à néant la récolte d’un producteur. Ne faudrait-il pas rendre obligatoires les assurances contre les aléas climatiques ?

M. Raymond Vall, président. – Monsieur Bériot, dans vos différents bulletins, vous donnez des chiffres, des informations. Or vous nous faites part de vos scrupules à donner davantage d’informations aux élus. Vous avez chiffré deux scénarios, celui où l’on fait face, celui où l’on ne fait rien. Vous placez les élus dans une situation impossible en les informant du danger sans le définir. Il n’est plus possible de s’arrêter là. Il est indispensable que cette coopération débouche sur une échelle de propositions graduée que vous soumettrez aux élus, à charge pour eux de décider. Vous devez être force de proposition face au danger.

M. Nicolas Bériot. – Je n’ai pas tenu un propos restrictif. Notre activité principale consiste à informer, à travers une lettre aux élus trimestrielle, diffusée à 5 000 exemplaires et consultable en ligne, une lettre de veille technique, notre rapport annuel au Parlement, etc. Sans doute faut-il poursuivre et approfondir pour aider les élus dans leur prise de décision. Nous sommes prêts à travailler sur des dossiers concrets.

M. Raymond Vall, président. – Vu le nombre d’organes qu’un élu doit consulter avant de prendre une décision en matière d’urbanisme, on peut s’étonner qu’aucun ne soit compétent en matière de changement climatique ! Il n’y a pourtant aucune obligation de consulter sur ce sujet.

M. Pascal Berteaud. – La difficulté est de passer du global au particulier. Dans un environnement incertain, la tentation est de ne rien faire. Il faut au contraire parvenir à définir des compromis.

M. Raymond Vall, président. – Merci à l’ensemble des intervenants.

La réunion est levée à 19 h 20.

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Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Réforme ferroviaire et nomination des dirigeants de la SNCF – Examen des amendements aux textes de la commission

La commission examine les amendements sur le texte n° 682 (2013-2014), adopté par la commission, sur le projet de loi portant réforme ferroviaire (procédure accélérée engagée) et sur le texte n° 683 (2013-2014), adopté par la commission, sur la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

La réunion est ouverte à 10 h 05.

M. Raymond Vall, président. – Aucun amendement n’a été déposé sur la proposition de loi organique. Sur le projet de loi, commençons par les amendements du rapporteur.

Article 1er

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 7 précise le rôle du système de transport ferroviaire en matière d’aménagement du territoire et de développement de la filière industrielle ferroviaire.

M. Louis Nègre. – Défendons la filière industrielle !

L’amendement n° 7 est adopté.

L’amendement rédactionnel n° 9 est adopté.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 8 prévoit la présence de représentants des opérateurs de transport combiné de marchandises au sein du Haut comité du système de transport ferroviaire.

L’amendement n° 8 est adopté.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 15 inscrit expressément le rapport stratégique d’orientation dans une perspective pluriannuelle, complète son contenu en matière financière, ajoute des volets sur la politique nationale en matière de fret, et les actions envisagées pour améliorer la compétitivité du mode ferroviaire et sur l’articulation entre les politiques nationale et européenne.

M. Louis Nègre. – Ce n’est qu’un rapport transmis au Haut comité, puis au Parlement, alors que j’aurais souhaité une loi, avec un débat et un vote.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’étais moi aussi favorable à une loi de programmation ou d’orientation. Après un examen approfondi, il apparaît que des dispositions de cet ordre seraient considérées comme des injonctions au Gouvernement non conformes à la Constitution, comme dans le cas où le Parlement enjoint au Gouvernement de déposer un projet de loi dans un délai déterminé. C’est pourquoi nous proposons de renforcer le rapport

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stratégique d’orientation. Il serait regrettable qu’une censure du Conseil constitutionnel prive le Parlement de cette information. Prenons nos précautions.

M. Louis Nègre. – Certes, mais ne peut-on pas ajouter « transmis au Parlement, qui en débat » ? Un rapport peut être oublié sur une étagère… Je m’étais déjà battu en vain pour cela, contre un gouvernement que je soutenais, à propos du Schéma national des infrastructures de transport (Snit).

M. Charles Revet. – Un rapport de plus, quand on voit l’état de délabrement du réseau ferroviaire ? Ce n’est pas le fait du gouvernement actuel : tout le monde est en cause. Sans donner d’injonction, il faudrait être plus pressant. Un état des lieux ne pourrait-il pas être établi par notre commission avec l’aide de la Cour des comptes, par exemple ?

Mme Évelyne Didier. – Nous ne pouvons pas juger de l’état du réseau ferroviaire à partir de l’accident de Brétigny. Deux rapports de l’École polytechnique fédérale de Lausanne avaient fait un état des lieux à partir duquel des mesures ont été prises, d’autres l’ont été après Brétigny. Ce dernier cas est particulier, s’agissant de l’un des quelques nœuds ferroviaires importants en zone parisienne, où il est très compliqué d’arrêter le trafic. Oui, le Parlement doit contrôler, mais ne tombons pas dans la facilité journalistique de déterminer l’état du réseau à partir d’un événement.

M. Raymond Vall, président. – Une commission parlementaire pourrait demander à l’administration quelles mesures ont été prises après les deux rapports cités par Evelyne Didier. Des vies humaines ont été sacrifiées : nous avons le devoir de savoir ce qui a été fait. Si des corrections dans les procédures ont été apportées, nous devons nous en assurer.

Mme Évelyne Didier. – Il y a eu des réductions d’effectifs, aussi…

M. Jean-Jacques Filleul. – Vous vous dites choqué par l’état du réseau ; nous qui le connaissons devons dire qu’il n’est pas délabré partout, que des travaux ont été réalisés ces dernières années. Ne réemployons pas ce mot choquant, qui affole inutilement les usagers. Nous ne pouvons pas aller plus loin qu’une stratégie et un rapport, auquel l’amendement du rapporteur apporte beaucoup de précisions. Des parlementaires siègeront au Haut comité et nous pourrons examiner le rapport.

M. Raymond Vall, président. – Saisissons l’opportunité de l’audition avant nomination des dirigeants pour leur faire passer le message que nous leur demanderons un compte-rendu.

M. Charles Revet. – Un rapport apporte du retard sans rien changer.

M. Louis Nègre. – Nous ne nous opposons pas à cette hypothèse basse – c’est mieux que rien – même si nous préférons notre hypothèse haute.

L’amendement n° 15 est adopté.

L’amendement rédactionnel n° 12 est adopté, de même que les amendements n°s 2, 3 et 5.

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Article 2

M. Michel Teston, rapporteur. – Réservons le sous-amendement n° 4 qui concerne l’amendement n° 110.

Le sous-amendement n° 4 est réservé.

Article 4

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 1 précise que l’ensemble des redevances relatives aux infrastructures de service sont soumises à un avis conforme de l’ARAF.

M. Louis Nègre. – Nous sommes d’accord.

L’amendement n° 1 est adopté.

Article 5

M. Michel Teston, rapporteur. – Réservons les sous-amendements n°s 22 et 17 qui concernent respectivement les amendements n° s 145 et 99.

Les amendements n°s 22 et 17 sont réservés.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 19 inclut le fret ferroviaire dans le contrat conclu entre SNCF Mobilités et l’État.

L’amendement n° 19 est adopté.

Article 6 ter A

L’amendement rédactionnel n° 14 est adopté.

Article additionnel après l’article 9

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 11 prévoit l’élection simultanée des représentants des salariés au conseil de surveillance de la SNCF et aux conseils d’administration des deux EPIC secondaires

L’amendement n° 11 est adopté.

Article 10

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 20 supprime un alinéa déjà introduit par un amendement du Gouvernement à l’article 5 nonies du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

L’amendement n° 20 est adopté.

Article 11

M. Michel Teston, rapporteur. – Même chose pour l’amendement n° 21.

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L’amendement n° 21 est adopté.

Article 16

L’amendement de cohérence n° 16 est adopté.

Article 18 bis

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 6 prévoit la désignation de délégués syndicaux centraux à titre transitoire en attendant le résultat des élections anticipées, pour faciliter la négociation.

Mme Évelyne Didier. – Oui !

L’amendement n° 6 est adopté.

Article 19

L’amendement de coordination n° 13 est adopté.

M. Raymond Vall, président. – Passons maintenant aux autres amendements de séance.

Article additionnel avant l’article 1er

Mme Évelyne Didier. – Avec l’amendement n° 41, nous demandons un bilan des effets de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, qui ne semble pas avoir apporté beaucoup de bonnes choses ; en attendant, le Gouvernement s’engagerait à ne pas transposer d’autres directives.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il serait légitime de disposer d’un tel bilan tant pour le fret que pour les services internationaux de voyageurs. Nous verrons en séance comment le Gouvernement peut s’engager. Mais il est difficile pour le législateur d’adresser une injonction au Gouvernement : avis défavorable.

Mme Évelyne Didier. – Comme je suis étonnée…

M. Charles Revet. – Je suis assez sensible à cette proposition d’obliger l’Europe à justifier ses préconisations.

M. Francis Grignon. – Je ne suis pas d’accord sur le moratoire pour la transposition de nouvelles directives : le Parlement européen a prévu dans la partie gouvernance du quatrième paquet ferroviaire l’open access en 2019 et les délégations de service public en 2022. Nous n’avons pas le pouvoir de l’arrêter.

M. Louis Nègre. – Entièrement d’accord. Oui pour demander un bilan ; non pour le moratoire.

Mme Évelyne Didier. – Nous verrons en séance.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 41.

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9304

Article 1er

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 28 ajoute la capacité à l’exportation, qui avait été oubliée dans les multiples sujets que l’État stratège devra traiter. Il ne faut pas fabriquer des produits franco-français invendables à l’extérieur.

Mme Évelyne Didier. – Un libéral fait une injonction aux grands groupes ?

M. Louis Nègre. – Je suis un sénateur libre !

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 28.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 1 prévoit une loi d’orientation et de programmation : c’est le haut de gamme, mieux qu’un simple rapport. L’idée est que le Parlement soit saisi et puisse en débattre. C’est ma position constante depuis le Snit.

M. Michel Teston, rapporteur. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit les injonctions, c’est-à-dire les dispositions selon lesquelles le Gouvernement devrait déposer un projet de loi dans un délai contraint, qui, selon lui, ne trouvent de base juridique ni dans l’article 34 ni dans aucune des dispositions de la Constitution et sont en contradiction avec le droit d’initiative général conféré au Premier ministre par l’article 39 de la Constitution. Même si personnellement j’aurais souhaité une telle loi, avis défavorable.

M. Louis Nègre. – Pourquoi y a-t-il une loi de programmation dans le domaine militaire ?

M. Michel Teston, rapporteur. – Le Gouvernement en a pris l’initiative.

M. Louis Nègre. – Demandons au ministre de s’y engager.

Mme Odette Herviaux. – Et dans cinq ans ?

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 1, ainsi qu’aux amendements n°s 124, 147 et 148 rectifié.

M. Jean-Jacques Filleul. – L’amendement n° 115 prévoit la présence de deux députés et de deux sénateurs dans le Haut Comité du système de transport ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis très favorable.

M. Louis Nègre. – Nous soutenons cet amendement et vous remercions de le présenter.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 115.

M. Jean-Jacques Filleul. – L’amendement n° 116 accorde une faculté d’autosaisine au Haut Comité. C’est indispensable.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 116.

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9305

M. Jean-Jacques Filleul. – L’amendement n° 117 lui donne la capacité de créer des commissions spécialisées.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 117.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 77 intègre dans le rapport stratégique d’orientation du Gouvernement une présentation de ses orientations en matière d’adaptation du système ferroviaire aux règlementations européennes.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’en demande le retrait : il est satisfait par l’amendement que je vous propose sur le rapport stratégique d’orientation, qui comportera un volet sur l’articulation entre les politiques ferroviaires nationale et européenne.

La commission demande le retrait et sinon émet un avis défavorable à l’amendement n° 77.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 78 aborde les moyens financiers.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je vous renvoie au 6 de l’amendement n° 15. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 78.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 29 soumet le rapport stratégique au vote du Parlement.

M. Michel Teston, rapporteur. – Lorsque le Parlement est saisi d’un rapport, il peut le mettre à l’ordre du jour.

M. Louis Nègre. – C’est sûr !

M. Michel Teston, rapporteur. – Ne nous imposons pas un examen systématique. Tout groupe peut demander un débat. Plus souple, ma solution est tout aussi efficace.

M. Louis Nègre. – Les rapports, on les met souvent sur des étagères : au lieu d’attendre qu’ils tombent, prévoyons un vote ; cela ne mange pas de pain. Il est dommage de s’autocensurer.

Mme Odette Herviaux. – N’est-ce pas en double emploi avec la nomination des représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale au Haut Comité ?

M. Michel Teston, rapporteur. – Transigeons : s’il appartient aux commissions compétentes de s’en saisir, les parlementaires verront s’il leur convient ou non qu’il y ait un débat en séance. Je propose de remplacer « est soumis au vote du Parlement » par « est soumis aux commissions du Parlement compétentes en matière de transports.

M. Jean-Jacques Filleul. – C’est bien. Soumettre signifie qu’il y aura un vote.

M. Raymond Vall, président. – Pourquoi pas « fait l’objet d’un débat » ?

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M. Louis Nègre. – C’est un peu en dessous de ce que nous proposions ; je voulais que cela aille jusqu’au vote : « est soumis aux commissions compétentes du Parlement et fait l’objet d’un débat » me semble un compromis acceptable. Je le corrigerai.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 29, sous réserve de rectification.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 24 rectifié supprime le Comité des opérateurs de réseaux qui doublonnera l’ARAF et créera une situation de dépendance entre le réseau et les opérateurs.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : le Comité est une instance de concertation utile entre les gestionnaires du réseau, dont SNCF Réseau, et leurs clients. Ce dispositif répond en outre à l’exigence européenne d’une consultation des entreprises ferroviaires sur le contrat signé entre le gestionnaire d’infrastructure et l’État. Cette procédure amiable est facultative et ne concerne que les différends sur l’interprétation de la charte. Il n’y aura pas de concurrence avec l’ARAF.

M. Jean-Jacques Filleul. – J’aurais voulu que les opérateurs de réseau fassent partie du Haut Comité comme ils siégeaient au Conseil supérieur du service public ferroviaire. Le débat était très utile : aucune problématique n’était occultée. Ce Comité des opérateurs, introduit par le rapporteur Savary, peut être très complémentaire.

M. Louis Nègre. – Nous verrons cet après-midi.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 24 rectifié.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 25 rectifié dispose que l’ARAF est membre du Comité des opérateurs et en assure le secrétariat. Elle jouera ainsi pleinement son rôle de prévention des litiges.

M. Michel Teston, rapporteur. – Tout à fait défavorable : l’ARAF doit exercer des compétences en matière de règlement des différends.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 25 rectifié.

M. Louis Nègre. – Comme l’amendement n° 79, le n° 30 supprime le règlement à l’amiable par le Haut Comité : l’ARAF doit être la seule à le faire, sinon son pouvoir sera réduit.

M. Michel Teston, rapporteur. – Retrait, sinon avis défavorable.

M. Louis Nègre. – Je le maintiens.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 30 et 79.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 46 spécifie le caractère dérogatoire du recours aux recrutements hors cadre permanent.

M. Michel Teston, rapporteur. – Sur ces questions, les députés ont atteint un équilibre dans lequel les partenaires sociaux ont toute leur place. Avis défavorable.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 46, ainsi qu’aux amendements n°s 44 et 43.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis défavorable à l’amendement n° 80 : il est plus efficace de conserver à l’EPIC de tête des compétences en matière de gestion de crises : celles-ci peuvent affecter tout le système.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 80.

M. Louis Nègre. – Je persiste et je signe avec mon amendement n° 2 : l’EPIC de tête n’a pas à connaître de missions opérationnelles telles que la gestion de crise, dont la seule SNCF Réseau peut se charger. Pourquoi ce transfert qui est incompatible avec la directive 2012/34 ?

M. Michel Teston, rapporteur. – Même avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 2.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 75 renforce l’intégration sociale.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je n’ai pas de susceptibilité d’auteur : si vous tenez à revenir à la rédaction de l’Assemblée, soit. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 75.

M. Louis Nègre. – Afin de limiter les conflits d’intérêts, l’amendement n° 3 restreint les fonctions mutualisées de SNCF aux amendements votés à l’Assemblée nationale.

M. Michel Teston, rapporteur. – Ces risques ne sont pas avérés. D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, il s’agit « le cas échéant, et sans préjudice des besoins propres à SNCF Réseau et SNCF Mobilités, des services juridiques ». Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 3.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 31 clarifie les missions de l’EPIC de tête afin d’assurer l’indépendance effective de SNCF Réseau : il ne doit pas pouvoir lui imposer des décisions remettant en cause des dispositions du contrat qu’il a passé avec l’État stratège. L’Autorité de la concurrence a également souligné l’importance d’appliquer les garanties d’indépendance de SNCF Réseau à l’ensemble des missions qui lui sont confiées. L’État-stratège doit pouvoir s’assurer de l’impartial fonctionnement du système ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le texte actuel répond pleinement aux exigences imposées par la directive 2012/34/UE d’une indépendance stricte pour les fonctions essentielles de tarification et d’allocation des sillons. N’allons pas au-delà, alors que l’ARAF a vu son rôle renforcé. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 31, ainsi qu’à l’amendement n° 125.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 47 met un terme à l’externalisation d’activités stratégiques.

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M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : c’est impossible alors que la concurrence sera de plus en plus grande dans le secteur.

Mme Évelyne Didier. – Hélas !

M. Louis Nègre. – Heureusement !

M. Michel Teston, rapporteur. – Avec un tel amendement, tous les opérateurs pourraient développer d’autres services, notamment routiers, sauf l’opérateur historique.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 47, ainsi qu’à l’amendement n° 48.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 45 renforce l’intégration économique et sociale du groupe public ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Vous avez touché une corde sensible, néanmoins avis défavorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 45.

M. Francis Grignon. – L’amendement n° 123 rectifié précise que le contrat définit les objectifs concrets à atteindre en termes de qualité de service.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable à cette intéressante précision.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 123 rectifié.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 49 donne au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental un droit de regard et d’intervention sur la mise en œuvre de la politique ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Cela alourdirait la procédure. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 49.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 4 introduit la participation de représentants des usagers au conseil de surveillance.

M. Michel Teston, rapporteur. – La présence d’usagers est moins légitime au conseil de surveillance, l’EPIC de tête n’assurant pas de missions opérationnelles. Ce conseil est déjà passé de 18 à 24 membres : porter leur nombre à 27 ou 28 n’est pas souhaitable. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 4.

M. Michel Teston, rapporteur. – La loi n’a pas à entrer dans le niveau de précision prévu par l’amendement n° 159. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 159.

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M. Michel Teston, rapporteur. – Il est difficile d’aller plus loin dans la représentation des régions que les deux sièges prévus. Avis défavorable aux amendements n°s 141 et 142.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 141, ainsi qu’à l’amendement n° 142.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 161, ainsi qu’à l’amendement n° 5.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 143 : si nous voulons un État stratège, c’est bien l’un de ses représentants qui doit présider le conseil de surveillance.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 143.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 81 est déjà satisfait par l’alinéa 86.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 81.

M. Michel Teston, rapporteur. – Sur la question du directoire, qu’aborde l’amendement n° 85, je suggère de demander l’avis du Gouvernement, puis de donner un avis de sagesse.

La commission demandera l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85, ainsi que sur les amendements n°s 82 et 6.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 32, qui n’a pas lieu d’être, puisque les décisions sont prises à l’unanimité.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 32.

Article additionnel après l’article 1er

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis opposé à l’amendement n° 114 qui aurait pour résultat une augmentation des prix des billets.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 114.

Article 1er bis

M. Michel Teston, rapporteur. – La concertation entre les régions et l’État est utile, mais ce dernier doit déterminer seul les orientations. Avis défavorable à l’amendement n° 162 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 162 rectifié.

Article 2

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 50.

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M. Louis Nègre. – L’amendement n° 33 maintient la dénomination RFF ; les syndicats y sont favorables – mais que fait Mme Didier ?

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 33, ainsi qu’aux amendements n°s 86, 7 rectifié, et 126.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 53 défend l’unicité et la cohérence du réseau.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’adhère à ces objectifs, dont je suis un ardent défenseur. J’ai fait adopter un amendement qui réaffirme l’unicité du réseau et la propriété de SNCF Réseau. La délégation des missions à un tiers serait toutefois de portée limitée, puisqu’il s’agirait d’autoriser un trafic touristique sur des lignes à faible trafic réservées jusqu’à présent au transport de marchandises. En outre, RFF Réseau, qui reste propriétaire du réseau, encadre leur exploitation par des conventions.

Mme Évelyne Didier. – Je serai heureuse d’entendre les explications du ministre.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 53.

M. Michel Teston, rapporteur. – La précision qu’apporte l’amendement n° 127 est inutile. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 127.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 51 est de cohérence.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il supprimerait un outil pertinent. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 51.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 8 précise le contenu du contrat de performance.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’en comprends l’esprit, mais il me semble difficile de déterminer le niveau des ressources de SNCF Réseau comme il le prévoit. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 8 et 88.

M. Michel Teston, rapporteur. – La distinction prévue par l’amendement n° 154 existe déjà. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 154.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 138 interdit de recouvrer deux fois les dépenses liées à la construction qui font l’objet d’un amortissement.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : sans les charges liées à la construction du réseau, le coût complet ne le serait pas.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 138.

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M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 137 remettrait en cause les efforts réalisés par le gestionnaire du réseau pour réduire l’augmentation de ses coûts. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 137.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 52 prévoit des ressources nouvelles, et pas seulement des économies.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : ne laissons pas de côté la question, essentielle, de l’endettement du réseau.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 52.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 113 renforce la sincérité des prix.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : c’est inadapté au calcul des ratios.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 113.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 54 interdit la concurrence entre les filiales et le groupe.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 54.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis favorable à l’amendement n° 128 qui facilite utilement le recours par SNCF Réseau à certaines procédures.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 128.

Elle émet un avis défavorable à l’amendement n° 9

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 83 est en cohérence avec notre proposition d’une coprésidence du directoire.

La commission demandera l’avis du Gouvernement puis s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 83.

Elle émet un avis défavorable à l’amendement n° 144.

M. Louis Nègre. – L’indépendance de gestion des fonctions essentielles par SNCF Réseau est un point crucial pour rendre le modèle de gouvernance français euro-compatible. C’est le but de l’amendement n° 10.

M. Michel Teston, rapporteur. – Et de l’amendement identique n° 89. La présence d’un tiers de représentants de la SNCF au sein du conseil d’administration de SNCF Réseau n’en remet pas en cause l’indépendance : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s 10 et 89.

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M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 129 est bienvenu : c’est bien évidemment à l’égard de toutes les entreprises ferroviaires que le président du conseil d’administration de SNCF Réseau devra être indépendant.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 129.

M. Louis Nègre. – L’interdiction de prise de responsabilités dans une entreprise ferroviaire prévue par l’article L. 2111-16-1 devrait s’appliquer à tout le personnel sensible de SNCF Réseau gérant des fonctions essentielles, comme l’attribution et la tarification des sillons : c’est l’objet de l’amendement n° 11.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le régime est déjà très contraignant : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 11.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 90 prévoit une consultation de l’ARAF par la commission de déontologie.

M. Michel Teston, rapporteur. – Ses pouvoirs ont déjà été considérablement étendus ; je préfère qu’elle se concentre sur son cœur de métier. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 90, ainsi qu’à l’amendement n° 130.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 110 propose que SNCF Réseau publie un suivi annuel de la partie de la dette qui serait reclassée dans la dette des administrations publiques.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je propose de le modifier par le sous-amendement n° DEVDUR.4 réservé tout à l’heure, qui fait figurer ce montant et les perspectives d’évolution dans le rapport annuel.

Le sous-amendement n° 4 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 110 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 4.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 55 prévoit la modulation des péages ferroviaires en fonction de l’utilité de certaines lignes représentant un intérêt général.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il faut tenir compte de la concurrence intermodale, sinon cela ne fera qu’accélérer le report du transport ferroviaire vers la route.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 55.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 165 incite le gestionnaire d’infrastructures à maîtriser ses coûts.

M. Michel Teston, rapporteur. – Ces mesures sont déjà prévues, c’est inutile.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 165.

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Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 60 rappelle que le réseau ferroviaire est la propriété de la Nation.

M. Michel Teston, rapporteur. – C’est bien évident. Nous avons précisé à mon initiative la semaine dernière que SNCF Réseau était le propriétaire unique.

Mme Évelyne Didier. – Ce n’est pas l’État.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 60.

Article additionnel après l’article 2

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 57 dispose qu’il ne peut être recouru aux contrats de partenariat pour le financement, la construction ou la transformation, l’entretien des infrastructures.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je comprends, mais la question des PPP s’étend à d’autres domaines. Elle mériterait d’être traitée ailleurs. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 57.

Article 2 bis A

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 58 supprime l’article 2 bis A qui concerne des voies métriques, d’intérêt purement local.

Mme Évelyne Didier. – Si c’est bien cela, nous le retirerons en séance.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 58.

Article 2 bis B

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 59 supprime l’article 2 bis B qui règle le problème de la ligne Nice-Digne.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 59.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 160, de nature conventionnelle et non législative.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 160.

Article additionnel après l’article 2 bis B

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 169 du Gouvernement tient compte des conclusions du rapport d’Odette Herviaux sur les enjeux des réseaux portuaires. Avis favorable.

Mme Odette Herviaux. – Nous l’avions en effet évoqué.

Mme Évelyne Didier. – Contre.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 169.

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9314

Article 2 bis

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 12 anticipe l’application au 1er janvier 2018 de la proposition de modification de la directive n°2012/34/UE supprimant toute limitation du droit d’accès aux marchés domestiques à une entreprise ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Ma position est connue : n’anticipons pas ce qui sera décidé avec l’adoption du quatrième paquet ferroviaire. Avis défavorable.

M. Louis Nègre. – Dommage !

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 12.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis favorable à l’amendement n° 96 rectifié, qui apporte des précisions utiles.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 96 rectifié.

Article 2 ter

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 61 recommande d’étudier la création d’une structure d’amortissement de la dette.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le délai de six mois prévu pour le rapport est trop court. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 61, ainsi qu’aux amendements n°s 91 et 152.

M. Jean-Jacques Filleul. – L’amendement n° 120 intègre dans le rapport une réflexion sur la création d’une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire, du type Cades.

M. Michel Teston, rapporteur. – Voilà qui complète utilement la rédaction que nous avons votée la semaine dernière. Avis favorable.

M. Louis Nègre. – La solution Cades n’est qu’une des solutions possibles.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 120.

M. Henri Tandonnet. – Nous souhaitons une vision dynamique de la dette, d’où l’amendement n° 111.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le projet vise une stabilisation de la dette, votre amendement implique une reprise. Je souhaite demander l’avis du Gouvernement avant de m’en remettre à la sagesse.

La commission demandera l’avis du Gouvernement puis s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 111.

M. Michel Teston, rapporteur. – La question de la dette ne se limitant pas à celle qui est requalifiée par l’Insee, je serais tenté par un avis défavorable à l’amendement n° 112.

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M. Louis Nègre. – Puisque la perche est tendue, pourquoi ne pas la saisir ? Il y va de 480 millions de charges financières pour RFF.

M. Michel Teston, rapporteur. – La formulation serait plus restrictive que celle que nous avions adoptée la semaine dernière.

M. Jean-Jacques Filleul. – Je suis favorable à la requalification de ces 10,8 milliards.

M. Michel Teston, rapporteur. – Cette préoccupation est satisfaite par l’amendement n° 110, que j’ai soutenu.

M. Louis Nègre. – Je conteste cet argumentaire, puisque l’article renvoie à deux ans. Il y va d’un milliard….

M. Michel Teston, rapporteur. – Nous aurons le débat en séance.

La commission demandera l’avis du Gouvernement puis s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 112.

Mme Évelyne Didier. – Il faut trouver de nouvelles ressources, tel est le sens de notre amendement n° 62.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il est trop large. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 62.

Article 3

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 170 du Gouvernement a le même objectif que l’amendement n° 169 que nous avons précédemment adopté. Avis favorable.

Mme Évelyne Didier. – Cela mérite une explication.

M. Louis Nègre. – Je me félicite de cette avancée.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 170.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 164 apporte des corrections de forme, en lien avec un amendement précédent.

M. Michel Teston, rapporteur. – Même avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 164.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’on ne peut aller jusqu’à donner à un comité de gare le pouvoir de valider un projet. Avis défavorable à l’amendement n° 155.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 155.

M. Louis Nègre. – Il faut aller au-delà d’une simple consultation. Le GART défend la position que présente l’amendement n° 13.

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M. Michel Teston, rapporteur. – Même argumentation que pour l’amendement n° 155.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 13 et 92.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis tout à fait favorable à l’amendement n° 149 relatif aux possibilités d’embarquement des vélos.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 149.

M. Louis Nègre. – La diminution du nombre de terminaux de marchandises listés au DRR tient pour beaucoup à ce que la SNCF n’a pas à se justifier lorsqu’elle ferme une infrastructure ou la rend inaccessible. L’amendement n° 14 y remédie.

M. Michel Teston, rapporteur. – Inutile d’anticiper sur la transposition de la directive 2012/34 que le Gouvernement veut soumettre au Conseil d’Etat.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 14.

Article 4

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 97 apporte une précision utile.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 97.

M. Louis Nègre. – Le schéma national est régulé par l’autorité de régulation…

M. Michel Teston, rapporteur. – Avec son amendement n° 15, notre collègue persiste et signe. Avis défavorable.

M. Louis Nègre. – Pourquoi ce refus d’anticiper ?

M. Michel Teston, rapporteur. – Parce que le quatrième paquet ferroviaire nous laisse jusqu’en 2022-2023.

M. Francis Grignon. – L’open access intervient dès 2019 !

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 15.

Mme Évelyne Didier. – La concurrence n’est jamais libre mais toujours faussée : l’amendement n° 64 s’impose.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 64.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 93 est défendu.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’exclusion des président et vice-président de l’article L. 2132-8 ne signifie aucunement que ceux-ci peuvent exercer un mandat électif ou détenir des intérêts dans le secteur ferroviaire. Pour des raisons de clarté, il convient de maintenir la distinction entre eux et les autres membres du collège de l’ARAF.

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9317

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 93.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 27 rectifié éviterait que le Gouvernement envoie un commissaire politique au sein de l’ARAF.

M. Michel Teston, rapporteur. – Compte tenu des interrogations, et puisque le Gouvernement réfléchit à une évolution du texte sur ce point, je vous propose de le consulter avant de m’en remettre à la sagesse.

M. Louis Nègre. – La présence d’un commissaire du Gouvernement à l’Arcep avait fait l’objet d’un rappel à l’ordre en 2011. La sagesse me convient.

La commission émet un avis de sagesse sur les amendements n°s 27 rectifié et 94 ainsi que sur l’amendement n° 95.

Mme Évelyne Didier. – Avec l’amendement n° 65, nous nous opposons à ce que l’on confie un tel pouvoir à l’ARAF.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 65, ainsi qu’à l’amendement n° 63.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 35 est à l’inverse de ceux d’Evelyne Didier.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s 35 et 131.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 16. Ne retardons pas des projets immobiliers en alourdissant les procédures. L’ARAF aurait-elle les moyens d’exercer la compétence que vous voulez lui confier ? Non ! Ce que j’ai proposé sur les cours de marchandises vous apporte de tout autres garanties.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 16.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 98 étend le contrôle de l’ARAF sur l’accès aux gares.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement conforte l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 98.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 26 rectifié clarifie les pouvoirs des agents de l’ARAF tout en transposant des dispositions de la directive 2012/34.

M. Michel Teston, rapporteur. – N’anticipez pas. Avis défavorable : je ne vois pas ce que cet amendement apporte sur le fond.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 26 rectifié.

Article 5

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 66 réaffirme notre volonté d’avoir un contrat stratégique unique et deux contrats opérationnels.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable, en raison des règles européennes.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 66.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 139 rappelle que le contrat entre l’Etat et SNCF Mobilités détermine également les objectifs en matière de qualité de service, de trajectoire financière et de développement du fret ferroviaire.

M. Michel Teston, rapporteur. – Vous pouvez le retirer après l’adoption de mon amendement n° 19.

L’amendement n° 15 est retiré.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 68 rectifié procède de la même philosophie que ceux que j’ai déjà présentés.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 68 rectifié.

M. Louis Nègre. – Je ne reprends pas mon argumentaire sur l’amendement n° 17.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je reprends néanmoins mon avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 17.

M. Michel Teston, rapporteur. – Par cohérence, je demanderai l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 84 avant de m’en remettre à la sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 84.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 67 ? Le service public, bien sûr !

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable. La référence au représentant des consommateurs et des usagers vient de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. De plus, se limiter aux seuls usagers priverait de représentants les chargeurs de fret.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 67.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis favorable à l’amendement n° 145, sous réserve de mon sous-amendement n° 22.

Le sous-amendement n° 22 est adopté.

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La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 145, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 22.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 99 améliore le rapport remis aux autorités organisatrices.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable à l’amendement n° 99, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 17, qui supprime la première phrase.

Le sous-amendement n° 17 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 99, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 17.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis prêt à m’en remettre à la sagesse sur l’amendement n° 18. La précision relevant du niveau règlementaire, je laisserai le ministre s’exprimer sur ce sujet.

M. Louis Nègre. – Ne pouvez-vous vous déclarer favorable ?

M. Michel Teston, rapporteur. – Je ne suis pas opposé, mais il est intéressant que le ministre se prononce.

La commission demandera l’avis du Gouvernement puis s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 18.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 157 rectifié apporte aux collectivités une garantie à laquelle je suis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 157 rectifié.

Article additionnel après l’article 5

M. Louis Nègre. – Le règlement OSP de 2007 laissant aux autorités organisatrices la liberté de choisir le mode d’attribution de leurs contrats, l’amendement n° 19 rectifié autorise les régions à choisir le plus adapté.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le règlement OSP étant en cours de révision, il n’est pas logique de le transposer dès à présent. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 19 rectifié et 104 rectifié, ainsi qu’aux amendements n°s 107 rectifié bis et 140 rectifié.

Article 5 bis

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable à l’amendement n° 101, qui améliore la transparence des comptes TER.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 101.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 69 traduit notre opposition à la régionalisation.

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M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 69.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable aux amendements n°s 102 et 119 qui réaffirment la notion de chef de file des régions.

Mme Évelyne Didier. – Je m’abstiendrai.

La commission émet un avis favorable aux amendements n°s 102 et 119.

M. Louis Nègre. – Les régions ont besoin de liberté tarifaire. L’amendement n° 20 la leur reconnaît dans le respect des tarifs sociaux. Il favorisera une simplification des quelque 1 400 tarifs.

M. Henri Tandonnet. – Même explication pour l’amendement n° 106.

M. Michel Teston, rapporteur. – Deux des huit tarifs sociaux nationaux sont en réalité des abonnements. Ces amendements remettent en cause le statut de tarif social national de l’abonnement de travail et de l’abonnement élèves, étudiants et apprentis. Ne compromettons pas le compromis trouvé à l’Assemblée nationale : maintien de l’intégralité de la tarification sociale nationale et financement par l’Etat de la redevance d’accès TER. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 20 et 106, ainsi qu’aux amendements n°s 132 et 153.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 37 inscrit dans la loi la possession par les régions du matériel roulant régional qu’elles ont déjà intégralement financé.

M. Michel Teston, rapporteur. – Pour le matériel récent…

M. Raymond Vall, président. – Cela fera l’objet d’un débat en séance : les régions sont divisées.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je suis favorable à l’amendement n° 118 rectifié plus complet.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 37 et 134, et un avis favorable aux amendements n°s 118 rectifié et 156.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis également favorable à l’amendement n° 103 qui concerne l’Ile-de-France.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 103.

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 150 rectifié fait peser une contrainte trop lourde. J’y suis défavorable, mais m’en remettrai à la sagesse sur l’amendement de repli.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 150 rectifié.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 158 rectifié.

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Article 5 ter

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 171 du Gouvernement supprimerait le versement interstitiel. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Filleul. – Je suis d’accord pour défendre cette position

M. Louis Nègre. – Sur ce point, ma position personnelle part du constat que les régions manquent de ressources. Le versement interstitiel peut se défendre, même s’il n’est pas à la hauteur de l’attente des régions et que le Gouvernement ne voit pas les taxes supplémentaires d’un bon œil. Il faut étudier la question au fond.

M. Jean-Jacques Filleul. – Il s’agit d’un premier pas.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 171.

M. Michel Teston, rapporteur. – A la solution du versement additionnel que prône l’amendement n° 146 rectifié, je préfère celle du versement interstitiel.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 146 rectifié.

Article 6

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 38 précise que le cadre social harmonisé s’applique aux salariés du groupe public ferroviaire et à ceux d’entreprises ayant une activité de transport ferroviaire de marchandises ou de voyageurs. Aller au-delà de ce périmètre pénaliserait tout le système ferroviaire français et interdirait toute concurrence : plus verrouillé que cela, il n’y aurait pas.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le décret-socle garantira un haut niveau de sécurité des circulations. Les gestionnaires d’infrastructures sont autant concernés que les entreprises ferroviaires. Avis défavorable.

M. Louis Nègre. – Appliquer le statut de la SNCF à toutes les entreprises ferroviaires bloquerait le système.

M. Michel Teston, rapporteur. – On ne doit pas transiger sur les règles minimales de sécurité.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 38.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 76 évitera le dumping social.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable. Cet amendement inclut des entreprises de BTP ne disposant pas d’un certificat de sécurité dans le champ de la convention collective, et les soumet à un régime exorbitant du droit commun qui ne semble pas justifié.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 76.

M. Louis Nègre. – Même argument pour l’amendement n° 39.

M. Michel Teston, rapporteur. – Et même avis défavorable.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 39.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 70 préserve les acquis du statut des cheminots.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’entends bien. Il a été décidé d’ouvrir les négociations pour élaborer une convention collective. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 70.

Article 6 bis A

M. Michel Teston, rapporteur. – Le Gouvernement fait remarquer que le ministre chargé de l’industrie est également concerné. Avis favorable à l’amendement n° 172.

Mme Évelyne Didier. – Contre !

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 172 .

Article 6 ter

M. Michel Teston, rapporteur. – L’amendement n° 135 supprime la sanction pour non-respect du droit des agents de police en mission de monter librement à bord des trains. L’amendement n° 136 remplace la sanction pénale par une sanction administrative. Je peux accepter celui-ci, pas celui-là.

M. Louis Nègre. – C’est une affaire de sécurité.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il faut prévoir l’ouverture à la concurrence.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 135.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 136.

Article 8

La commission émet un avis défavorable à l’amendement de coordination n° 166, ainsi qu’à l’amendement de coordination n° 168.

Article additionnel après l’article 9

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable à l’amendement n° 151 qui instaure une représentation équilibrée des hommes et des femmes dès la mise en place des instances dirigeantes du groupe public ferroviaire.

M. Jean-Jacques Filleul. – C’est inintelligent.

Mme Évelyne Didier. – Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas également représentées ? Il y a autant de femmes que d’hommes : statistiquement, l’argument de la compétence ne vaut pas.

M. Michel Teston, rapporteur. – La loi ne prévoit pas que cette égalité est réalisée dès la mise en place de ces structures.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 151.

Article 10

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 71 rappelle que les biens appartenant à l’Etat doivent continuer à appartenir à l’Etat.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je vous renvoie à la solution du gestionnaire d’infrastructure unifié. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 71.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 21 confie la gestion des gares de voyageurs à SNCF Réseau. Le patrimoine ferroviaire restera ainsi la propriété de la Nation.

M. Michel Teston, rapporteur. – Il est essentiel d’étudier le sujet des gares dans sa globalité. Tenons-nous-en à la clause de revoyure introduite à l’alinéa 9 de cet article par les députés. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 21.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 108 accélèrerait la remise du rapport sur la gestion des gares de voyageurs.

M. Michel Teston, rapporteur. – Un an, c’est trop court : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 108.

M. Henri Tandonnet. – L’amendement n° 109 préconise l’étude de la création d’une entité dédiée aux gares.

M. Michel Teston, rapporteur. – On ne peut écarter en effet l’hypothèse d’un EPIC dédié, surtout en cas de partenariat avec les collectivités locales. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 109.

Article 11

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 72 réaffirme l’idée que les biens de l’Etat doivent rester sa propriété.

M. Michel Teston, rapporteur. – Même avis défavorable, ainsi qu’à l’amendement suivant.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 72.

Article 11 bis

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 73.

M. Louis Nègre. – Certaines des infrastructures exclues de l’apport à RFF en 1997 ne figurent plus à l’offre de service SNCF pour le service horaire 2015. Elles peuvent

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pourtant être utiles à un développement du fret. C’est pourquoi l’amendement n° 22 ne limite pas le transfert à SNCF Réseau des seules installations figurant à l’offre de référence pour 2015.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le dispositif équilibré que j’ai fait adopter prévoit une négociation entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités sous le contrôle de l’ARAF, sachant qu’en cas de désaccord les terminaux de marchandises seront transférés sur la base de l’offre de référence 2013. L’inclusion des gares de voyageurs et des centres d’entretien dans le périmètre des infrastructures de services pouvant être transférées remettrait en cause l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 22 est retiré.

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 23 rattache le gestionnaire des gares de SNCF Mobilités à SNCF Réseau. Laisser les gares à l’entreprise historique est contraire à l’équité.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis défavorable : une clause de revoyure est prévue à l’article 10.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 23.

Article additionnel après l’article 11 bis

Mme Évelyne Didier. – Avec l’amendement n° 42, le fret ferroviaire sera déclaré d’intérêt général.

M. Michel Teston, rapporteur. – J’ai longtemps défendu cette position et ce n’est pas me renier que de constater que le fret ferroviaire est reconnu comme un service commercial.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 42.

Mme Évelyne Didier. – L’amendement n° 74 organise un moratoire sur la fermeture des gares de triage.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 74.

Article 12

M. Jean-Jacques Filleul. – L’amendement n° 121 se justifie par son texte même : en l’absence d’accord différent dans les 18 mois, les salariés de RFF conserveront les droits individuels qui leur étaient applicables, ce qui sera favorable à tout le monde.

M. Michel Teston, rapporteur. – Avis favorable à cette avancée.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 121.

Article additionnel après l’article 18 bis

L’amendement n° 163 est retiré.

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Article additionnel après l’article 19

M. Louis Nègre. – L’amendement n° 40 se justifie par son texte même.

M. Michel Teston, rapporteur. – Le Parlement pourra mesurer ces économies par les rapports d’activité des trois EPIC, par le rapport stratégique, lors des lois de finances...

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 40.

M. Michel Teston, rapporteur. – Je me félicite de la qualité de nos échanges. Quelle que soient nos appréciations sur son contenu, cette réforme est nécessaire. Elle renforcera le système ferroviaire français. Il y aura probablement une ouverture à la concurrence – que je ne souhaite pas – et la SNCF devra y prendre toute sa place.

M. Raymond Vall, président. – Bravo encore à Michel Teston pour sa très importante contribution.

M. Louis Nègre. – L’opposition ne partage pas sa position, mais rend hommage à la qualité de son travail et à une courtoisie digne de notre Haute assemblée.

Mme Évelyne Didier. – Michel Teston a fait preuve d’un esprit d’ouverture que j’apprécie : même s’il savait que nous ne serions pas forcément favorables à cette loi à la fin du débat, il n’en a pas moins recherché jusqu’au bout des compromis.

Les avis de la commission sont repris dans le tableau ci-après.

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel avant Article 1er

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 41 Cet amendement oblige le secrétaire d’Etat aux transports à demander aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact de la libéralisation du transport ferroviaire en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu. Il prévoit que le Gouvernement s’engage, par un moratoire, à ne pas transposer de nouvelles directives, dans l’attente de ce rapport.

Défavorable

Article 1er

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. NÈGRE 28 Cet amendement vise à inclure, parmi les objectifs assignés au pilotage de la filière industrielle ferroviaire, l’accroissement de ses capacités à l’exportation.

Favorable

M. NÈGRE 1 Cet amendement prévoit la discussion devant le Parlement d’une loi d’orientation et de programmation ferroviaire.

Défavorable

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9326

Mme ESCOFFIER 124 rect. Cet amendement prévoit la discussion devant le Parlement d’une loi d’orientation et de programmation ferroviaire.

Défavorable

M. DANTEC 147 Cet amendement prévoit la présentation par le Gouvernement d’une loi d’orientation sur la mobilité intermodale tous les cinq ans.

Défavorable

M. DANTEC 148 rect. Cet amendement prévoit la mise en place d’une programmation pluriannuelle de la mobilité soumise au Parlement.

Défavorable

M. FILLEUL 115 Cet amendement prévoit la présence de deux députés et deux sénateurs au Haut comité du système de transport ferroviaire.

Favorable

M. FILLEUL 116 Cet amendement accorde une faculté d’autosaisine au Haut Comité du système de transport ferroviaire.

Favorable

M. FILLEUL 117 Cet amendement donne au Haut Comité du système de transport ferroviaire la capacité de créer des commissions spécialisées.

Favorable

M. CAPO-CANELLAS 77 Cet amendement vise à intégrer dans le rapport stratégique d’orientation du Gouvernement une présentation de ses orientations en matière d’adaptation du système ferroviaire aux règlementations européennes.

Demande de retrait

M. CAPO-CANELLAS 78 Cet amendement vise à ajouter au contenu du rapport stratégique d’orientation du Gouvernement l’allocation des moyens budgétaires consacrés par l’État à la politique ferroviaire nationale.

Demande de retrait

M. NÈGRE 29 Cet amendement vise à soumettre le rapport stratégique d’orientation du Gouvernement au vote du Parlement.

Favorable si rectifié

Mme PRIMAS 24 rect. Cet amendement vise à supprimer le comité des opérateurs du réseau, au motif qu’il serait redondant avec l’ARAF.

Défavorable

Mme PRIMAS 25 rect. Cet amendement vise à rattacher à l’ARAF le comité des opérateurs du réseau.

Demande de retrait

M. NÈGRE 30 Cet amendement vise à supprimer le rôle de règlement amiable des différends relatifs à la charte du réseau confié au comité des opérateurs du réseau.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 79 Cet amendement vise à supprimer le rôle de règlement amiable des différends relatifs à la charte du réseau confié au comité des opérateurs du réseau.

Défavorable

Mme SCHURCH 46 Cet amendement vise à rendre dérogatoire le recrutement des salariés du groupe public ferroviaire sous le régime des conventions collectives et à le soumettre à un avis conforme de la Commission nationale mixte instituée par l’arrêté du 12 décembre 2000.

Défavorable

Mme SCHURCH 44 Cet amendement modifie les dispositions du texte relatives aux institutions représentatives du personnel.

Défavorable

Mme SCHURCH 43 Cet amendement prévoit la conduite de l’ensemble des négociations obligatoires au niveau du groupe, y compris celles relatives à l’intéressement et à la participation.

Défavorable

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M. CAPO-CANELLAS 80 Cet amendement vise à préciser, en premier lieu, que la SNCF exerce ses missions dans le respect des fonctions essentielles exercées par SNCF Réseau. Il enlève à l’EPIC de tête sa compétence en matière de gestion des crises et énonce que la SNCF ne peut pas exercer de missions opérationnelles relevant de SNCF Réseau.

Défavorable

M. NÈGRE 2 Cet amendement vise à supprimer le rôle exercé par l’EPIC de tête en matière de gestion des crises et à préciser que la SNCF ne peut exercer de missions opérationnelles relevant de SNCF Réseau.

Défavorable

Mme SCHURCH 75 Cet amendement rétablit la rédaction des députés concernant les missions de l’EPIC de tête relatives à la définition et l’animation des politiques de ressources humaines.

Favorable

M. NÈGRE 3 Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour l’EPIC de tête, d’exercer des fonctions mutualisées au bénéfice de l’ensemble des établissements publics le composant.

Défavorable

M. NÈGRE 31 Cet amendement vise à étendre les exigences d’indépendance aujourd’hui applicables à la tarification et à l’allocation des sillons, à l’ensemble des missions exercées par SNCF Réseau.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 125 rect. Cet amendement précise que la SNCF exerce ses attributions dans le respect des exigences d’indépendance de SNCF Réseau, non seulement dans l’exercice des fonctions essentielles, mais aussi de la gestion opérationnelle des circulations sur le réseau ferré national.

Défavorable

Mme SCHURCH 47 Cet amendement vise à interdire la création ou la prise de participations de la SNCF dans des filiales exerçant des activités que l’un des établissements publics du groupe exerce déjà.

Défavorable

Mme SCHURCH 48 Cet amendement précise que la SNCF ne peut créer que des filiales non ferroviaires, et que les filiales qu’elle crée ou les sociétés dans lesquelles elle prend des participations doivent avoir un objet connexe et complémentaire aux missions de l’ensemble du groupe public ferroviaire.

Défavorable

Mme SCHURCH 45 Cet amendement vise à qualifier de stratégique le contrat-cadre conclu avec la SNCF et d’opérationnels les contrats conclus avec SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Défavorable

M. GRIGNON 123 rect. Cet amendement précise le contenu du contrat-cadre signé entre l’Etat et la SNCF, en indiquant qu’il comporte les objectifs assignés par l’État au groupe en termes de qualité de service au profit de l’ensemble des entreprises ferroviaires, des autorités organisatrices de transport et des usagers, d’une part, et qu’il consolide les trajectoires financières et le développement durable et humain des contrats conclus avec les EPIC filles, d’autre part.

Favorable

Mme SCHURCH 49 Cet amendement prévoit la transmission du projet de contrat-cadre au Conseil économique, social et environnemental, en sus du Parlement.

Défavorable

M. NÈGRE 4 Cet amendement vise à assurer la présence d’un représentant des usagers au conseil de surveillance.

Défavorable

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9328

M. DANTEC 159 Cet amendement prévoit qu’au sein du conseil de surveillance, dans la catégorie des représentants de l’État, au moins un membre est choisi au sein du Conseil général de l’environnement et du développement durable, un membre au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature et un membre au sein de la direction générale de l’énergie et du climat.

Défavorable

M. DANTEC 141 Cet amendement prévoit qu’un sixième au moins des membres du conseil de surveillance sont des représentants des régions.

Défavorable

M. DANTEC 142 Cet amendement vise à augmenter le nombre de représentants des régions présents au conseil de surveillance à trois personnes.

Défavorable

M. DANTEC 161 Cet amendement prévoit la nomination, parmi les représentants de l’Etat présents au conseil d’administration de SNCF Réseau, d’un représentant des associations de protection de l’environnement.

Défavorable

M. NÈGRE 5 Cet amendement vise à assurer la présence d’un représentant des usagers au conseil de surveillance.

Défavorable

M. DANTEC 143 Cet amendement prévoit la désignation du président du conseil de surveillance parmi les représentants des régions.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 81 Cet amendement interdit aux membres du directoire de la SNCF d’être nommés président du conseil de surveillance de la SNCF.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 85 Cet amendement permet au conseil de surveillance de désigner les président et vice-présidents du directoire, parmi les présidents des conseils d’administration de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités.

Avis du Gouvernement

M. CAPO-CANELLAS 82 Cet amendement remplace les président et vice-président du directoire par deux co-présidents.

Avis du Gouvernement

M. NÈGRE 6 Cet amendement vise à faire du président de SNCF Réseau le président de l’EPIC de tête et du président de SNCF Mobilités son vice-président.

Avis du Gouvernement

M. NÈGRE 32 Cet amendement confie au président du directoire la responsabilité d’arrêter les décisions pour lesquelles les membres du directoire ne sont pas parvenus à un accord.

Défavorable

Article additionnel après Article 1er

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. MARINI 114 Cet amendement vise à réactualiser le régime des surtaxes locales temporaires, qui consistent en une majoration minime du prix du billet de train en vue de financer des investissements dans une gare, afin que ce mode de financement puisse à nouveau être utilisé.

Défavorable

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9329

Article 1er bis

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. REPENTIN 162 rect. Cet amendement prévoit que le schéma national des services de transport définit les orientations de l’État, en concertation avec les régions, concernant les services de transport ferroviaires de voyageurs d’intérêt national.

Défavorable

Article 2

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 50 Suppression de l’article 2. Défavorable

M. NÈGRE 33 Cet amendement maintient la dénomination de RFF pour le gestionnaire du réseau.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 86 Cet amendement confie à SNCF Réseau la gestion des gares.

Défavorable

M. NÈGRE 7 rect. Cet amendement vise à confier à SNCF Réseau la gestion des gares de voyageurs.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 126 rect. Cet amendement étend l’obligation qu’a SNCF Réseau d’exercer ses missions dans des conditions assurant son indépendance à la gestion opérationnelle des circulations, en sus des fonctions essentielles.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 87 Cet amendement prévoit que "le gestionnaire de l’infrastructure est encouragé par des mesures d’incitation à réduire ses coûts."

Non examiné

Mme SCHURCH 53 Cet amendement supprime la possibilité qu’a SNCF Réseau de déléguer une partie de ses missions à des tiers, pour des lignes à faible trafic et des infrastructures de service.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 127 rect. Cet amendement prévoit expressément le cas de la circulation des trains touristiques pour la délégation par SNCF Réseau d’une partie de ses missions sur les lignes à faible trafic.

Défavorable

Mme SCHURCH 51 Cet amendement vise à supprimer une partie des dispositions du contrat conclu entre SNCF Réseau et l’Etat, relatives à sa trajectoire financière et aux mesures prises par SNCF Réseau si une partie manque à ses obligations. Il supprime aussi l’avis de l’ARAF sur le contrat.

Défavorable

M. NÈGRE 8 Cet amendement vise à compléter le contenu du contrat en insérant notamment le détail de l’ensemble des ressources de SNCF Réseau, ainsi que le détail des mesures envisagées pour atteindre les objectifs de productivité fixés par le contrat.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 88 Cet amendement vise à compléter le contenu du contrat en insérant notamment le détail de l’ensemble des ressources de SNCF Réseau, ainsi que le détail des mesures envisagées pour atteindre les objectifs de productivité fixés par le contrat.

Défavorable

M. DANTEC 154 Cet amendement prévoit que le contrat conclu entre l’Etat et SNCF Réseau contient la liste des lignes dont SNCF Réseau doit assurer la totalité du financement des investissements de renouvellement.

Défavorable

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9330

M. NÈGRE 138 Cet amendement propose une nouvelle définition du coût complet, qui ne prend pas en compte les charges liées à la construction du réseau.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 137 Cet amendement vise à préciser que seules les charges correspondant à celles d’un gestionnaire d’infrastructure efficace sont incluses dans le calcul du coût complet du réseau.

Défavorable

Mme SCHURCH 52 Cet amendement vise à supprimer la règle de maîtrise de l’endettement du réseau.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 113 Cet amendement propose que les ratios établis dans le cadre de la règle de maîtrise de l’endettement ne soient pas définis par décret, mais chaque année en loi de finances.

Défavorable

Mme SCHURCH 54 Cet amendement interdit à SNCF Réseau de créer des filiales ferroviaires.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 128 rect. bis

Cet amendement autorise SNCF Réseau, par dérogation à la loi "MOP", à confier par contrat à une même personne une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux.

Favorable

M. NÈGRE 9 Cet amendement vise à supprimer la dérogation posée à l’article 5 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 83 Cet amendement renomme les président et vice-président du directoire "coprésidents du directoire".

Avis du Gouvernement

M. DANTEC 144 Cet amendement prévoit la nomination, parmi les représentants de l’État présents au conseil d’administration de SNCF Réseau, d’un représentant des associations de protection de l’environnement.

Défavorable

M. NÈGRE 10 Cet amendement vise à instaurer une formation restreinte du conseil d’administration de SNCF Réseau, dans laquelle ne seraient pas présents les représentants de la SNCF, pour statuer sur les questions relatives à la gestion des fonctions essentielles.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 89 Cet amendement vise à instaurer une formation restreinte du conseil d’administration de SNCF Réseau, dans laquelle ne seraient pas présents les représentants de la SNCF, pour statuer sur les questions relatives à la gestion des fonctions essentielles.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 129 rect. Cet amendement prévoit que l’ARAF pourra s’opposer à la révocation du président du conseil d’administration de SNCF Réseau si elle estime que cette décision est motivée par l’indépendance dont il ou elle a fait preuve à l’égard des intérêts d’une entreprise ferroviaire, quelle qu’elle soit.

Favorable

M. NÈGRE 11 Cet amendement vise à élargir au personnel de SNCF Réseau gérant des fonctions essentielles les règles applicables aux dirigeants de SNCF Réseau.

Défavorable

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9331

Mme SCHURCH 56 Cet amendement prévoit que le coût complet du réseau est couvert d’abord par l’ensemble des ressources de SNCF Réseau, le cas échéant complété par les concours financiers de l’État, ajustés à due concurrence en loi de finances. Il indique que tant que le coût complet du réseau n’est pas couvert, le système ferroviaire conserve les gains de productivité de SNCF Réseau notamment par la baisse à due concurrence du niveau des péages ferroviaires.

Non examiné

M. CAPO-CANELLAS 90 Cet amendement prévoit une consultation de l’ARAF par la commission de déontologie du système de transport ferroviaire pour rendre son avis.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 130 rect. Cet amendement prévoit que le décret en Conseil d’État fixant les conditions matérielles qui garantissent l’indépendance des services chargés de l’attribution des sillons s’applique également à la gestion opérationnelle des circulations sur le réseau ferré.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 110 Cet amendement prévoit que SNCF Réseau publie chaque année le montant de sa dette reclassée dans la dette des administrations publiques.

Favorable

Mme SCHURCH 55 Cet amendement prévoit que le calcul des péages ne tient plus compte de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale comme le prévoit aujourd’hui le code des transports, mais des missions de service public retenues par la collectivité et de l’intérêt social et environnemental de son utilisation.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 165 Cet amendement prévoit que des mesures d’incitation encouragent le gestionnaire de l’infrastructure à maîtriser les coûts.

Défavorable

Mme SCHURCH 60 Cet amendement vise à affirmer que le réseau ferroviaire est propriété de la Nation.

Défavorable

Article additionnel après Article 2

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 57 Cet amendement vise à interdire le recours à des contrats de partenariat pour la réalisation de projets d’infrastructures terrestres.

Défavorable

Article 2 bis A

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 58 Suppression de la possibilité de réaliser un transfert de propriété du domaine public ferroviaire au bénéfice des régions.

Défavorable

Article 2 bis B

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 59 Suppression de la possibilité de créer ou d’exploiter des lignes d’intérêt régional.

Défavorable

M. DANTEC 160 Ouverture des données des services conventionnés. Défavorable

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9332

Article additionnel après Article 2 bis B

Auteur N° Objet Avis de la commission

Gouvernement 169 Cet amendement prévoit que les ports peuvent devenir propriétaires de voies ferrées portuaires sur leur domaine.

Favorable

Article 2 bis

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. NÈGRE 12 Cet amendement vise à autoriser les entreprises ferroviaires autres que la SNCF à réaliser des services de transport de voyageurs, à condition de ne pas compromettre une obligation de service public.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 96 rect. Cet amendement fixe à six semaines le délai dans lequel l’ARAF rend ses décisions en matière de cabotage.

Favorable

Article 2 ter

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 61 Cet amendement prévoit la remise du rapport du Gouvernement sur la dette dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, et élargit son contenu à l’examen de la création d’une structure d’amortissement de la dette ferroviaire.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 91 Cet amendement prévoit la remise du rapport du Gouvernement sur la dette dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Défavorable

M. DANTEC 152 Cet amendement prévoit la remise du rapport du Gouvernement sur la dette dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.

Défavorable

M. FILLEUL 120 Cet amendement inclut dans le rapport du Gouvernement au Parlement sur la dette l’examen de l’opportunité de créer une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 111 rect. Cet amendement prévoit que le rapport du Gouvernement sur la dette comporte des éléments sur la trajectoire de la dette de SNCF Réseau, avec des objectifs de diminution du stock.

Avis du Gouvernement

M. CAPO-CANELLAS 112 Cet amendement demande l’inscription dans le rapport sur la dette de la part qualifiée de dette publique par l’INSEE.

Avis du Gouvernement

Mme SCHURCH 62 Cet amendement prévoit que le rapport sur la dette évalue également l’intérêt de créer de nouvelles sources de financement au bénéfice du système ferroviaire, en particulier les pistes suivantes: une renationalisation des concessions d’autoroutes et la création d’un livret de financement des infrastructures.

Défavorable

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9333

Article 3

Auteur N° Objet Avis de la commission

Gouvernement 170 Cet amendement prévoit que les services de fret ferroviaire en provenance et à destination des ports peuvent bénéficier de règles de priorité lors de la répartition des sillons.

Favorable

M. NÈGRE 164 Cet amendement confie la gestion des gares à SNCF Réseau.

Défavorable

M. DANTEC 155 Cet amendement prévoit la validation par un comité de gares, composé des opérateurs de service de voyageurs, des autorités organisatrices de transport et des collectivités en charge de l’urbanisme, des projets d’investissement et de développement en gare entrepris par SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Défavorable

M. NÈGRE 13 Cet amendement prévoit la validation par un comité de gares, composé des opérateurs de service de voyageurs, des autorités organisatrices de transport et des collectivités en charge de l’urbanisme, des projets d’investissement et de développement en gare entrepris par SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 92 Cet amendement prévoit la validation par un comité de gares, composé des opérateurs de service de voyageurs, des autorités organisatrices de transport et des collectivités en charge de l’urbanisme, des projets d’investissement et de développement en gare entrepris par SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Défavorable

M. DANTEC 149 Cet amendement prévoit que le plan de stationnement sécurisé des vélos prend en compte les possibilités d’embarquement des vélos non démontés à bord des trains.

Favorable

M. NÈGRE 14 Cet amendement vise à organiser la mise à disposition d’une infrastructure de service non utilisée depuis deux ans à toute entreprise ferroviaire intéressée.

Défavorable

Article 4

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. CAPO-CANELLAS 97 Cet amendement précise que l’ARAF veille à ce que l’accès au réseau, mais aussi aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de service, ainsi qu’aux différentes prestations associées soit accordé de manière équitable et non-discriminatoire.

Favorable

M. NÈGRE 15 Cet amendement propose de confier à l’ARAF le soin de préciser les règles relatives aux conditions de marché des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national.

Défavorable

Mme SCHURCH 64 Cet amendement vise à énoncer que les membres de l’ARAF sont choisis en raison de leurs compétences économiques, juridiques, techniques ou sociales dans le domaine ferroviaire.

Défavorable

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9334

M. CAPO-CANELLAS 93 Cet amendement vise à supprimer la qualification des membres du collège de l’ARAF "autres que le président et les vice-présidents".

Défavorable

Mme PRIMAS 27 rect. Cet amendement supprime le commissaire du Gouvernement au sein de l’ARAF.

Avis du Gouvernement

M. CAPO-CANELLAS 94 Même objet Avis du Gouvernement

M. CAPO-CANELLAS 95 Suppression du commissaire du Gouvernement et consultation par l’ARAF du Gouvernement

Avis du Gouvernement

Mme SCHURCH 65 Cet amendement vise à supprimer l’avis conforme de l’ARAF sur l’ensemble des redevances d’infrastructures.

Défavorable

Mme SCHURCH 63 Cet amendement supprime le rôle de l’ARAF en matière de vérification de la bonne application du contrat conclu entre SNCF Réseau et l’Etat.

Défavorable

M. NÈGRE 35 Cet amendement octroie à l’ARAF la mission de vérifier si l’indépendance de SNCF Réseau est respectée pour l’ensemble de ses missions, et pas seulement les fonctions essentielles.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 131 rect. Cet amendement vise à ce que l’ARAF veille également à ce que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau dans l’exercice de ses fonctions liées à la gestion opérationnelle des circulations sur le réseau ferré national.

Défavorable

M. NÈGRE 16 Cet amendement vise à octroyer à l’ARAF le pouvoir de s’opposer à des projets de déclassement de biens situés à proximité de voies ferrées exploitées.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 98 Cet amendement vise à préciser que l’ARAF peut être saisie pour des litiges concernant l’exercice du droit d’accès aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de service.

Favorable

Mme PRIMAS 26 rect. Cet amendement propose plusieurs modifications du code des transports relatives aux pouvoirs de l’ARAF.

Défavorable

Article 5

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 66 Instauration d’un unique contrat-cadre État/SNCF. Défavorable

M. NÈGRE 139 Mention du fret ferroviaire dans le contrat signé entre SNCF Mobilités et l’État.

Demande de retrait

Mme SCHURCH 68 rect. Interdiction pour SNCF Mobilités de créer des filiales ferroviaires.

Défavorable

M. NÈGRE 17 Suppression de la dérogation à l’article 5 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 84 Coprésidence du directoire. Avis du Gouvernement

Mme SCHURCH 67 Suppression de la référence aux "consommateurs". Défavorable

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9335

M. DANTEC 145 Représentation des associations de protection de l’environnement au conseil d’administration de SNCF Mobilités.

Favorable

M. CAPO-CANELLAS 99 Contenu du rapport annuel élaboré par la SNCF pour chaque convention TER.

Favorable

M. NÈGRE 18 Renvoi à l’article R. 1411-7 du code général des collectivités territoriales pour le contenu du rapport annuel élaboré par la SNCF pour chaque convention TER.

Sagesse

M. DANTEC 157 rect. Cession des biens immobiliers déclassés de SNCF Mobilités.

Favorable

Article additionnel après l’Article 5

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. NÈGRE 19 rect. Libre choix des AOT régionales pour choisir le mode de contractualisation le plus adapté (anticipation de l’application du règlement OSP).

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 104 rect. Possibilité pour les régions de mettre en place une délégation de service public par voie de concurrence dans la limite de 10 % du marché régional des services de transports ferroviaires.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 107 rect. bis

Libre choix des AOT régionales pour choisir le mode de contractualisation le plus adapté (anticipation de l’application du règlement OSP).

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 140 rect. Possibilité pour les régions de mettre en place une régie ou une délégation de service public par voie de concurrence dans la limite de 10 % du marché régional des services de transports ferroviaires.

Défavorable

Article 5 bis

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. CAPO-CANELLAS 101 Renforcement des exigences en matière de séparation comptable des activités.

Favorable

Mme SCHURCH 69 Suppression des prérogatives introduites en faveur des régions.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 102 Extension à l’ensemble des gares du chef de filat reconnu aux régions en matière d’aménagement.

Favorable

M. FILLEUL 119 Extension à l’ensemble des gares du chef de filat reconnu aux régions en matière d’aménagement.

Favorable

M. NÈGRE 20 Suppression de la référence aux tarifs sociaux nationaux.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 106 Liberté tarifaire des régions pour les abonnements TER.

Défavorable

Mme ESCOFFIER 132 rect. Liberté tarifaire des régions pour les abonnements TER.

Défavorable

M. DANTEC 153 Liberté tarifaire des régions pour les abonnements TER.

Défavorable

M. NÈGRE 37 Reprise des matériels roulants par les régions. Défavorable

Mme ESCOFFIER 134 rect. Reprise des matériels roulants par les régions. Défavorable

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9336

M. FILLEUL 118 rect. Reprise des matériels roulants par les régions. Favorable

M. DANTEC 156 Reprise des matériels roulants par les régions. Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 103 Reprise des matériels roulants par le STIF. Favorable

M. DANTEC 150 rect. Garantir la possibilité de transporter les vélos non démontés à bord des trains TGV et grandes lignes.

Défavorable

M. DANTEC 158 rect. Garantir la possibilité de transporter les vélos non démontés à bord des trains TGV et grandes lignes.

Sagesse

Article 5 ter

Auteur N° Objet Avis de la commission

Gouvernement 171 Suppression de l’article Défavorable

M. DANTEC 146 rect. Versement transport additionnel. Défavorable

Article 6

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. NÈGRE 38 Cet amendement vise à exclure les gestionnaires d’infrastructure du champ d’application du décret-socle.

Défavorable

Mme SCHURCH 76 Cet amendement étend le champ d’application du décret-socle, en incluant les entreprises intervenant en propre ou en sous-traitance sur le réseau ferré national et sur les réseaux ferroviaires comparables ou concourant en propre ou en sous-traitance aux missions des gestionnaires d’infrastructure et des opérateurs ferroviaires, quelle que soit la nature de l’activité exercée.

Défavorable

M. NÈGRE 39 Cet amendement prévoit que les règles du décret-socle tiennent compte des spécificités et des contraintes de chacune des activités incluses dans son champ d’application.

Défavorable

Mme SCHURCH 70 Cet amendement prévoit que les règles du décret-socle sont fixées par référence aux dispositions du décret du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF.

Défavorable

Article 6 bis A

Auteur N° Objet Avis de la commission

Gouvernement 172 Précision Favorable

Article 6 ter

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme ESCOFFIER 135 rect. Suppression de la sanction pénale prévue en cas de refus de l’accès au train à un agent des forces de l’ordre en mission.

Défavorable

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9337

Mme ESCOFFIER 136 rect. Remplacement de la sanction pénale prévue en cas de refus de l’accès au train à un agent des forces de l’ordre en mission par une sanction administrative.

Favorable

Article 8

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. CAPO-CANELLAS 166 Amendement de coordination avec l’amendement 140 relatif à l’ouverture à la concurrence.

Défavorable

M. NÈGRE 168 Amendement de coordination avec l’amendement 19 relatif à l’ouverture à la concurrence.

Défavorable

Article additionnel après l’article 9

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. DANTEC 151 Application immédiate des dispositions de l’article 6-1 de la loi du 26 juillet 1983, sur la proportion des membres de chaque sexe des conseils d’administration et de surveillance des établissements publics, dès la constitution du conseil de surveillance de la SNCF et des conseils d’administration des deux EPIC filles.

Défavorable

Article 10

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 71 Suppression de la possibilité de transférer à SNCF Réseau les biens ferroviaires appartenant à l’Etat.

Défavorable

M. NÈGRE 21 Transfert à SNCF Réseau de la propriété des gares de voyageurs.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 108 Raccourcir le délai de remise du rapport relatif à la gestion des gares de voyageurs.

Défavorable

M. CAPO-CANELLAS 109 Contenu du rapport relatif à la gestion des gares de voyageurs et à leur transfert éventuel.

Favorable

Article 11

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 72 Suppression de la possibilité de transférer à la SNCF (EPIC de tête) les biens ferroviaires appartenant à l’Etat.

Défavorable

Article 11 bis

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 73 Suppression du transfert à SNCF Réseau des terminaux de marchandises et des infrastructures de services.

Défavorable

M. NÈGRE 22 Élargissement du périmètre des infrastructures de service transférées.

Demande de retrait

M. NÈGRE 23 Transfert à SNCF Réseau de la propriété des gares de voyageurs.

Défavorable

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9338

Article additionnel après Article 11 bis

Auteur N° Objet Avis de la commission

Mme SCHURCH 42 Fret ferroviaire déclaré d’intérêt général. Défavorable

Mme SCHURCH 74 Moratoire sur la fermeture des gares de triage

Défavorable

Article 12

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. FILLEUL 121 Cet amendement prévoit que les salariés issus de Réseau ferré de France conservent les droits individuels résultant des conventions ou accords qui leur étaient applicables avant la constitution du groupe public ferroviaire.

Favorable

Article additionnel après Article 19

Auteur N° Objet Avis de la commission

M. NÈGRE 40 Cet amendement prévoit la remise d’un rapport annuel du Gouvernement sur les économies réalisées grâce à la réforme ferroviaire.

Défavorable

Réforme ferroviaire et nomination des dirigeants de la SNCF – Désignation des candidats aux commissions mixtes paritaires

La commission soumet au Sénat la candidature comme membres titulaires de MM. Raymond Vall, Michel Teston, Jean-Jacques Filleul, Mme Marie-Françoise Gaouyer, MM. Louis Nègre, Charles Revet et Vincent Capo-Canellas et comme membres suppléants MM. Jean Bizet, Pierre Camani, Yves Chastan, Gérard Cornu, Mme Evelyne Didier, MM. Rémy Pointereau et Roland Ries pour les éventuelles commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

La réunion est levée à 12 h 30.

Jeudi 10 juillet 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF – Examen des amendements

La commission examine un amendement sur le texte n° 683 (2013-2014), adopté par la commission, sur la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

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9339

La réunion est ouverte à 14 h 30.

M. Raymond Vall, président. – Nous avons un amendement à examiner sur le texte n° 683 (2013-2014), adopté par la commission, sur la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

M. Michel Teston, rapporteur. – Cet amendement consiste à remplacer, au deuxième alinéa de l’article 1er, les termes « vice-président du directoire » par ceux de « président délégué du directoire ». Il s’agit de tirer les conséquences du remplacement de ces mêmes termes à l’article 1er du projet de loi portant réforme ferroviaire, à la suite du vote de ce matin en séance publique.

M. Louis Nègre. – Ce n’est pas ma position, comme je l’ai exprimé en séance publique. Je m’abstiendrai donc sur le vote de cet amendement.

L’amendement n° 1 est adopté.

La réunion est levée à 14 h 35.

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COMMISSION DES FINANCES

Lundi 7 juillet 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 15 h 05

Loi de finances rectificative pour 2014 - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire

Au cours d’une première réunion tenue l’après-midi, la commission soumet au Sénat la candidature de MM. Philippe Marini, François Marc, Mme Nicole Bricq, MM. Michel Berson, Éric Bocquet, Francis Delattre et Vincent Delahaye comme membres titulaires, et de Mme Michèle André, MM. Yannick Botrel, Yvon Collin, Philippe Dallier, Éric Doligé, Philippe Dominati et Jean Germain comme membres suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Loi de finances rectificative pour 2014 - Examen des amendements

Puis la commission procède à l’examen des amendements sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL

Article 2

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement de coordination n° 12 tire les conséquences d’un décret.

L’amendement n° 12 est adopté.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement de coordination n° 13 fait coïncider la date de versement de la contribution supplémentaire à l’apprentissage et celle de la taxe d’apprentissage.

L’amendement n° 13 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement de suppression n° 140 de Vincent Delahaye.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 140.

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M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable au coûteux amendement n° 55 de Thierry Foucaud. Des efforts importants sont déjà consentis pour alléger la fiscalité des ménages modestes.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 55.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 98 de Jacques Mézard, qui relève de 3 536 euros à 4 000 euros la majoration des limites aux réductions d’impôt, présente un coût budgétaire excessif. Demande de retrait.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 98 et, à défaut, y sera défavorable.

Articles additionnels après l’article 1er

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 192 de Francis Delattre annule la baisse du quotient familial. Je suis défavorable à cette mesure anti redistributive représentant pour les finances publiques une perte d’un milliard d’euros.

M. Michel Berson. – Ce n’est pas possible !

M. Francis Delattre. – J’ai défendu une telle mesure dès la loi de finances initiale. Nous sommes pour la famille. Nous refusons qu’on déstructure ces aides.

M. Jean-Pierre Caffet. – Amen !

M. Francis Delattre. – C’est un peu surréaliste après la suppression de l’article premier…

M. Philippe Marini, président . – L’un pourrait être financé par l’autre.

M. Francis Delattre. – Et le pouvoir d’achat, la croissance, la relance ?

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 192.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 101 de Jacques Mézard, qui revalorise la décote à l’impôt sur le revenu ; cela a déjà été fait deux fois, sans parler des autres mesures en faveur des ménages modestes…

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 101, et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – En supprimant la niche fiscale des journalistes, l’amendement n° 100 rectifié de Jacques Mézard remettrait en cause une forme d’aide à la presse. Problématique sur le plan du droit fiscal, il créerait des effets de seuil. J’en demande le retrait.

M. Philippe Dallier . – Une aide à la presse, vraiment ?

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 100 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 58 de Thierry Foucaud emporterait un coût de plus d’un milliard d’euros. Avis défavorable, comme à tous les amendements dans ce cas, d’où qu’ils viennent.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 58.

M. François Marc, rapporteur général. – Je suis défavorable à l’amendement n° 197 de Francis Delattre, représentant une perte de recettes de plus d’un milliard d’euros.

M. Philippe Dallier . – Bien plus que cela !

M. Jean-Pierre Caffet. – Quelle culture du déficit !

M. Francis Delattre. – Ne pas défiscaliser brusquement les heures supplémentaires favorisera le pouvoir d’achat et la croissance. Nombre de députés de la majorité regrettent une erreur…

M. François Marc, rapporteur général. – Le projet de loi de financement de la sécurité sociale propose des allègements de charges pour les bas salaires de 2,5 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Caffet. – Je le confirme.

M. François Marc, rapporteur général. – L’accusation de minorer les revenus des personnes concernées ne tient pas ; sans compter qu’un milliard d’euros en moins ne faciliterait pas la bonne tenue du budget…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 197.

M. François Marc, rapporteur général. – La demi-part du quotient familial est conditionnée au fait d’avoir assumé les charges de famille pendant cinq ans. L’esprit du dispositif n’étant pas remis en cause par cette condition raisonnable, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 102 de Jacques Mézard.

M. Éric Bocquet. – Nous y sommes favorables.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 102.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 115 rectifié bis de Jean-Yves Leconte, qui limite la réduction d’impôt liée au financement des partis politiques aux campagnes dont les comptes ont été validés, me semble satisfait par l’article 17 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Retrait ?

M. Philippe Dallier . – Il est de toute façon impraticable : les dons ne sont pas fléchés.

M. Richard Yung. – C’est un amendement d’appel…

M. François Trucy. – À qui ?

M. Philippe Dallier . – Ad hominem !

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La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 115 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 106 de Jacques Mézard : le Gouvernement a l’intention de traiter l’importante question des incitations fiscales aux services à la personne lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015. Attendons.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 106 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 119 rectifié de Philippe Marini étend l’exonération existante au titre de la limitation de la déductibilité des charges financières aux holdings détenant des sociétés non exclusivement consacrées à des concessions de service public. Ce serait coûteux et difficile à mettre en œuvre.

M. Philippe Marini, président . – La structure capitalistique d’une société la désavantage par rapport aux autres sociétés concessionnaires d’autoroutes. Il s’agit d’y pallier.

M. François Marc, rapporteur général. – Demandons l’avis du Gouvernement…

M. Philippe Marini, président . – … qui a de fortes chances d’être négatif.

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 119 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 150 de Vincent Delahaye abaisse le taux de l’impôt sur les sociétés à un rythme plus rapide que ce que prévoit le Gouvernement. C’est sympathique, mais mettrait à mal la trajectoire des finances publiques pour 2015-2017. Avis défavorable.

M. Vincent Delahaye. – Je dirai pourquoi en séance.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 150.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 176 d’André Gattolin : un dispositif fiscal de taxation des entreprises en fonction des bénéfices distribués a déjà été adopté en 2012.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 176 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 161 rectifié de Valérie Létard prévoit un taux réduit de taxe sur les salaires pour les associations, syndicats professionnels, unions et mutuelles. La perte conséquente de recettes pour la sécurité sociale serait importante. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 161 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – Le sympathique amendement n° 99 d’Yvon Collin multiplie par trois le taux horaire du crédit d’impôt pour la formation des

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dirigeants de micro-entreprises, afin de rendre plus incitatif un crédit d’impôt de faible ampleur, mais avec des risques d’effet d’aubaine. Avis du Gouvernement.

M. Philippe Marini, président . – C’est une micro-niche …

M. François Fortassin. – Cela ne concerne que les micro-entreprises qui veulent grandir…

M. Philippe Marini . – … ou faire grandir leur niche !

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 99.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 136 de Philippe Dominati ramène le droit de timbre en deçà du coût de production d’un passeport. Avis défavorable. Le libéral Philippe Dominati incite l’État à vendre à perte…

M. Richard Yung. – Oh !

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 136.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 28 rectifié de Marie-Noëlle Lienemann crée une réduction d’impôt de 500 euros par mois et par apprenti. Cette perte de recette fiscale, non évaluée par ses auteurs, représenterait un coût de plusieurs centaines de millions d’euros : 500 euros par mois, soit 6 000 euros par an, pour 400 000 apprentis... François Rebsamen a clairement affirmé que tous les apprentis inscrits en centre de formation d’apprentis (CFA) devaient pouvoir trouver une entreprise pour les accueillir, et qu’il était prêt à défendre un geste financier de l’État en ce sens.

M. Francis Delattre. – Avec la baisse rapide du nombre des apprentis, les chiffres du rapporteur sont largement surévalués. Il est urgent de donner un signe. À titre personnel, je voterai cet amendement qui traite une question importante.

M. Aymeri de Montesquiou. – Je rejoins Francis Delattre. C’est un investissement sur l’avenir : trop de jeunes sortent du système scolaire sans formation alors que trop d’offres d’emploi ne trouvent pas preneur. Cet amendement est très intéressant.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 28 rectifié.

Article 1er ter

M. François Marc, rapporteur général. – Je suis favorable à l’amendement n° 88 de Jacques Mézard qui précise la rédaction relative à l’éco-prêt à taux zéro, pour prévoir le cas, fréquent, d’un bouquet de travaux, où plusieurs entreprises sont concernées. Rassurons les artisans.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 88.

M. François Marc, rapporteur général. – Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 89 du même auteur, qui garantit aux artisans la possibilité de recourir à des tiers vérificateurs. Cela rassurerait les artisans, mais doit-on faire figurer cela dans la loi ?

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La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 89.

Article 1er quater

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 57 de Thierry Foucaud supprime l’article 1er quater, qui constitue une modification bienvenue des règles de traçabilité du tabac, mais limitée à une question de principe. Je comprends les préoccupations de ceux qui préfèrent attendre un dispositif plus solide ; le projet de loi de finances de 2015 sera l’occasion d’en discuter. Sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 57.

Article additionnel après l’article 1er septies

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 22 rectifié bis de Sophie Primas abaisse à 5,5 % le taux de TVA des parcs zoologiques. Nous en avons débattu lors du projet de loi de finances initiale. Avis défavorable.

M. Philippe Dallier . – Les parcs zoologiques ont eux-aussi droit à leur niche… ou plutôt à leur cage !

M. Éric Doligé. – Mon amendement n° 110 est identique. Le zoo de Beauval reçoit 1,1 million de visiteurs par an et la hausse de la TVA y fragilise 45 emplois. Et nous avons 95 zoos au total en France. Voulons-nous oui ou non développer le tourisme ? Le ministre chargé du tourisme s’opposait à la hausse de la taxe de séjour ; en tant que ministre des zoos, je m’oppose à celle de la TVA ! Beauval a plus de visiteurs que le château de Chambord, qui est déjà l’un des monuments les plus visités en France.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 22 rectifié bis ainsi qu’à l’amendement n° 110.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 180 rectifié de Jean-Vincent Placé ramène la TVA sur les transports publics au taux réduit. Nous avons eu la discussion à l’automne ; j’avais alors reçu pas moins de quinze demandes de baisses de TVA pour des professions différentes, toutes avec de bonnes raisons. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi. – L’année dernière, 5,5 millions de personnes ont été contraintes d’utiliser les transports publics en Île-de-France : elles n’avaient pas le choix. La hausse de la TVA a forcé le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) à répéter cette année la hausse de 3 % des tarifs de l’année dernière. Si Laurent Fabius s’oppose à la hausse de la taxe de séjour, les 150 millions d’euros gagés sur celle-ci devront bien être trouvés quelque part : le STIF devra augmenter ses tarifs de 5 %... Je ne comprends pas qu’on ne revienne pas au taux réduit pour les transports publics.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 180 rectifié.

Article 2

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 117 de Francis Delattre et 141 de M. Vincent Delahaye suppriment l’article 2. Avis défavorable.

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M. Francis Delattre. – L’article 2 alloue aux régions une partie des taxes d’apprentissage, sans doute pour compenser la baisse des dotations. Les chambres consulaires que je connais font pourtant très bien leur travail et les acteurs économiques eux-mêmes savent mieux comment orienter la formation des apprentis. Je crains que cette mesure aille à l’encontre de son objectif.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques n° 117 et n° 141.

Article additionnel après l’article 2

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 81 de Roland du Luart vise la non-imposition à l’impôt sur les sociétés d’une reprise de provision non imputée. Pour éviter la taxation de profits non réalisés, il pourrait remettre en cause le principe de limitation d’imputation des déficits au profit de certaines grandes entreprises. Après avoir entendu l’avis du Gouvernement, je demanderai le retrait.

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 81.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 137 de Philippe Dominati, dont les intentions sont claires, mais les modalités très floues. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une telle disposition pourrait être censurée au titre de l’incompétence négative. Au demeurant, la voie fiscale ne semble pas la plus appropriée.

M. Philippe Dominati. – De nombreux touristes sont contraints de payer en espèces : je souhaite avoir enfin une réponse du Gouvernement. Pour une fois que je propose une taxe…

M. Philippe Marini, président . – C’est plutôt une question que vous posez.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 137 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2 bis

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 79 d’André Reichardt et n° 202 de François Patriat concernent les modalités de répartition du plafond de la taxe additionnelle affectée aux chambres de métiers et de l’artisanat. Notre commission a adopté sur ma proposition un amendement d’application beaucoup plus simple. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n° 79 et 202.

Article 2 quater

M. François Marc, rapporteur général. – L’article 2 quater relève le plafond de la taxe sur les spectacles de variété, pour garantir à l’établissement les moyens de ses missions et, en contrepartie, abaisse celui de la redevance d’archéologie préventive, sans affecter les ressources de 2014. Avis défavorable à l’amendement de suppression n° 143.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 143.

La réunion est levée à 15 h 56

La réunion est ouverte à 19 h 51

Loi de finances rectificative pour 2014 – Suite de l’examen des amendements

Au cours d’une seconde réunion tenue à l’issue de la séance de l’après-midi, la commission procède à la suite de l’examen des amendements sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Articles additionnels après l’article 2 quater

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 82 rectifié de Gérard Miquel rectifié instaure un malus automobile lié à l’émission de substances polluantes telles que les oxydes d’azote et les particules fines. Retrait : se préoccuper de la santé publique est louable mais l’incitation au renouvellement du parc automobile ne peut se faire sans mesures d’accompagnement pour les ménages modestes.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 82 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – Même avis sur l’amendement n° 185 d’Aline Archimbaud, similaire.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 185 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 139 rectifié de Philippe Dominati supprime la contribution à l’audiovisuel public : avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – C’est une amélioration du pouvoir d’achat…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 139 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 76 de Philippe Marini étend aux sites Internet établis à l’étranger de la taxe sur la fourniture de vidéogrammes à la demande. Je demande l’avis du Gouvernement : cet amendement est l’occasion de faire le point sur une question importante mais il prévoit une entrée en vigueur très proche et pourra sans doute être retiré après que le Gouvernement aura présenté la situation et les perspectives.

M. Philippe Marini, président . – Je suis prêt à décaler la date d’entrée en vigueur.

M. François Marc, rapporteur général. – Vous ne pourrez que vous réjouir de recevoir des engagements précis.

M. Philippe Marini, président . – Certes, mais je me méfie de ce Gouvernement, comme de tous gouvernements du reste, car il y a en moi une part d’anarchiste…

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La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 76.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 1 rectifié de Michel Magras met à la charge de l’État la dotation de compensation versée par Saint-Barthélemy à la Guadeloupe, ce qui est contraire à la logique de compensation des transferts de charges : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 1 rectifié.

Articles additionnels avant l’article 3

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 61 de Thierry Foucaud augmente le montant de la DGF pour 2014 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 61.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 60 du même auteur majore le montant de la dotation perçue par les communes de moins de 1 000 habitants. Cela coûterait 150 millions d'euros : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 60.

Article 4

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement de suppression n° 120 de Thierry Foucaud remet en cause la trajectoire des finances publiques. Avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – Il supprime les maigres économies que vous réalisez…

M. François Marc, rapporteur général. – Il s’agit de 1, 6 milliard d'euros !

M. Philippe Marini, président . – Nous en voudrions davantage. Aussi n’allons-nous pas rejeter celles qui sont proposées.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 120.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 173 de Nathalie Goulet, qui préconise un rapport sur les ambassadeurs itinérants, au profit de l’amendement n° 171 du même auteur. Le coût de ce système est très inférieur à 13 millions d’euros : le rapport de Richard Yung il y a deux ans l’avait évalué à moins d’un million. Puis, il serait étrange que la France ne soit pas représentée auprès de plusieurs organisations internationales dont elle est membre...

M. Philippe Marini, président . – L’intention est louable, mais le retrait de cet amendement est préférable.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 173 et, à défaut, y sera défavorable.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 85 rectifié bis de Jean-Yves Leconte réaménage les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Je demande l’avis du Gouvernement : l’engagement du président de la République d’augmenter les bourses doit être tenu, mais il n’impose pas de ne tenir aucun compte de l’effet de change.

M. Philippe Marini, président . – De quoi s’agit-il ?

Mme Nicole Bricq. – D’apporter une garantie contre les fluctuations de change.

M. François Marc, rapporteur général. – Cet amendement gage une augmentation des bourses scolaires sur le budget prévu pour les organisations internationales. C’est une gymnastique un peu compliquée !

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85 rectifié bis.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 175 d’André Gattolin annule la réaffectation de crédits du programme d’investissement d’avenir (PIA) au profit de la recherche sur la dissuasion nucléaire : avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – L’auteur de cet amendement est écologiste et opposé à la dissuasion, c’est cohérent…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 175.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 157 de Vincent Delahaye réduit d’un million d’euros le montant des crédits affectés au dispositif « permis à un euro par jour ». Notre commission avait adopté cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 : avis favorable.

M. Philippe Marini, président . – L’auteur de cet amendement est notre rapporteur spécial des crédits de la sécurité routière.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 157.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 121 rectifié de Marie-France Beaufils prévoit 140 millions de dépenses insuffisamment gagées. Cela remettrait en cause la trajectoire des finances publiques : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 121 rectifié.

M. Philippe Marini, président . – Il en va de même des amendements n° 123 rectifié et 122 rectifié, de la même auteure, car la logique est la même. Ce dernier porte sur 500 millions d’euros…

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 123 rectifié et 122 rectifié.

Article 4 bis (nouveau)

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 112 rectifié bis de Claudine Lepage minore de 300 000 euros l’annulation de crédits de 612 000 euros portant

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sur France Médias Monde et annule en contrepartie 50 000 euros sur les crédits de France Télévisions et 250 000 euros sur les crédits d’Arte France. Or ces sociétés sont fragiles financièrement. Sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 112 rectifié bis.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 111 rectifié de Joëlle Garriaud-Maylam est similaire.

M. Philippe Marini, président . – Les montants diffèrent. Un choix s’impose…

M. François Marc, rapporteur général. – Ici c’est France Télévisions qui porte seule la charge du gage.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 111 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 155 de Vincent Delahaye diminue les crédits d’installation de nouveaux radars. En tant que rapporteur spécial sur la sécurité routière, il nous avait déjà présenté cet amendement et notre commission l’avait adopté, ainsi que le suivant, n° 156. Avis favorable.

M. Philippe Marini, président . – Il y aura moins d’installation de radars. Ce n’est pas un mal…

La commission émet un avis favorable aux amendements n° 155 et 156.

Articles additionnels après l’article 4 bis

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 83 rectifié de Jean-Yves Leconte tend à demander un rapport sur l’emploi dans les établissements à autonomie financière. On peut penser que les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances suffisent.

M. Philippe Marini, président . – Jean-Yves Leconte s’est pourtant montré accommodant : une première version qui était irrecevable et il l’a transformé en demande de rapport. Interrogeons au moins le Gouvernement !

La commission demandera l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 83 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 154 rectifié de Vincent Delahaye supprime l’obligation d’envoi de lettre simple en cas de retrait ou de restitution de points. Avis favorable à cet amendement déjà adopté par la commission lors de son examen du projet de loi de finances pour 2014.

M. Philippe Marini, président . – Très bien : c’est une obligation coûteuse et inutile.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 154 rectifié.

Article 5

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M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements n° 118 de Francis Delattre et 142 de Vincent Delahaye suppriment l’article : avis défavorable.

M. Francis Delattre. – L’objectif est de mettre un terme à la schizophrénie habituelle sur la question : l’on prétend vouloir alléger les charges qui pèsent sur les entreprises et l’on prolonge une surtaxe qui pèse sur elles. Où est la cohérence ?

M. Philippe Marini, président . – En effet… Nous serons sans doute quelques-uns à le faire remarquer en séance publique : un message n’est percutant que s’il est cohérent.

M. François Marc, rapporteur général. – Deux milliards d’euros sont en jeu…

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 118 et 142.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 35 de Marie-Noëlle Lienemann se traduirait par un alourdissement durable de l’impôt sur les sociétés pour les grands groupes, par un abaissement du taux d’imposition pour les entreprises qui réinvestissent plus de 50 % de leurs bénéfices et par une quasi-suppression pour les TPE et une partie des PME.

M. Philippe Marini, président . – Quelle usine à gaz !

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable : le Gouvernement souhaite faire converger d’ici à 2020 notre taux d’impôt sur les sociétés avec celui de nos partenaires, soit 28 %.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 35.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 34 de la même auteure pour les mêmes raisons.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 34.

Articles additionnels après l’article 5

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 63 de Thierry Foucaud diminue le taux de l’abattement proportionnel sur les dividendes, notamment en raison de la baisse du taux de l’IS. Avis défavorable : la réforme de la fiscalité de l’épargne a été mise en œuvre, cela en modifierait l’équilibre. Je regrette que la baisse du taux facial de l’impôt sur les sociétés, annoncée par le Gouvernement, n’intervienne qu’à partir de 2017.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 63.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 26 rectifié bis de Sophie Primas réduit les recettes issues de la taxe sur les bureaux destinée notamment à financer la Société du Grand Paris. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 26 rectifié bis.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 66 de Pierre Laurent crée une nouvelle taxe sur les locaux à usage professionnel à Paris. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 66.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 67 de Pierre Laurent crée une nouvelle taxe sur les logements.

M. Vincent Delahaye. – N’en jetez plus…

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 67.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 68 de Pierre Laurent crée une nouvelle taxe sur les logements vacants. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 68.

M. Philippe Marini, président . – Trois taxes en trois amendements !

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 159 de Jean-Paul Amoudry proroge pour dix ans un dégrèvement arrivant à terme fin 2014. Une telle reconduction nécessite des éléments d’information complémentaires. Il sera plus approprié de traiter cette question à l’automne lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

M. Francis Delattre. – Et surtout, après les élections sénatoriales…

M. François Marc, rapporteur général. – Retrait ou avis défavorable.

La commission demandera le retrait de l’amendement n° 159 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 178 rectifié de Marie-Christine Blandin restreint les conditions d’application du crédit d’impôt recherche (CIR) aux groupes. J’en comprends l’esprit mais suis défavorable à une modification substantielle du CIR, que le Gouvernement s’est engagé à stabiliser dans le cadre du pacte sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Retrait.

Mme Nicole Bricq. – Un engagement a été pris. Ne commençons pas à bricoler…

M. Philippe Marini, président . – L’économie de 530 millions d’euros proposée serait significative mais cette question peut difficilement être traitée par un simple amendement. Les grands groupes pourraient être soumis à une procédure leur imposant d’expliciter leurs thèmes de recherche, par exemple…

M. François Marc, rapporteur général. – Il faut éviter d’envoyer un signal négatif en déstabilisant ce dispositif.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 178 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 179 rectifié de Marie-Christine Blandin est similaire. Même avis.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 179 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 56 rectifié de Thierry Foucaud abroge le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui est un élément majeur de la stratégie du Gouvernement. Avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – Voilà une bonne idée !

M. Richard Yung. – C’est une attaque frontale !

M. Francis Delattre. – Nous sommes loin des 20 milliards d’euros…

M. Éric Bocquet. – Nous en reparlerons en séance.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 56 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 33 de Marie-Noëlle Lienemann restreint le champ des bénéficiaires du CICE. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 33.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 177 rectifié d’André Gallotin : les objectifs du CICE ne sont pas des conditions de son obtention.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 177 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 32 de Marie-Noëlle Lienemann supprime le mot « notamment » qui précède la liste des utilisations possibles définies par la loi pour le CICE. Retrait : d’autres utilisations peuvent être imaginées par les entreprises pour améliorer leur compétitivité. Supprimer le mot « notamment » rendrait limitatives ces possibilités d’utilisation, alors que la philosophie du CICE est de laisser les entreprises définir leur propre stratégie de compétitivité, sous réserve du contrôle par le dialogue social.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 32 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 30 de Marie-Noëlle Lienemann prévoit que le CICE ne peut être utilisé qu’à titre exceptionnel pour la reconstitution par les entreprises de leur fonds de roulement. La portée normative de cet amendement est incertaine. De plus, certaines entreprises, confrontées à des difficultés financières majeures, utiliseront d’abord le CICE pour améliorer leur trésorerie. Retrait.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 30 et, à défaut, y sera défavorable.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 31 de Marie-Noëlle Lienemann prévoit que les directions départementales des finances publiques établissent une liste, transmise à l’Insee et aux autorités politiques, des entreprises bénéficiaires du CICE. Avis défavorable : un tel dispositif serait très lourd à mettre en œuvre, pour un résultat difficilement exploitable.

M. Philippe Marini, président . – J’aurais pu déclarer cet amendement irrecevable au titre de l’article 40… J’ai considéré qu’il s’agissait d’une charge de gestion.

M. François Marc, rapporteur général. – C’est une charge lourde !

M. Philippe Marini, président . – En effet.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 31.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 148 rectifié de Vincent Delahaye crée un CICE pour les professions indépendantes. Retrait : cela irait au-delà de l’objectif de réduction du coût du travail qui justifie le CICE.

M. Philippe Marini, président . – Débat intéressant…

M. François Marc, rapporteur général. – L’objectif du CICE est de baisser le coût de l’emploi salarié et non celui de l’emploi indépendant.

M. Philippe Marini, président . – Un emploi vaut un emploi…

M. François Marc, rapporteur général. – Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale contient des dispositions en faveur des travailleurs indépendants, notamment la réduction de 3 points des cotisations familiales pour ceux qui gagnent jusqu’à 3 SMIC.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 148 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 27 rectifié de Marie-Noëlle Lienemann prévoit la restitution du CICE en cas de non-respect de ses objectifs. Avis défavorable : le CICE est un dispositif général, sans conditions, et sur lequel les entreprises ont besoin d’avoir de la visibilité.

M. Philippe Marini, président . – Ce n’est pas ce que les syndicats ont compris, mais enfin…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 27 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – Les services fiscaux ne sont pas intéressés par la teneur des discussions des instances représentatives du personnel sur le CICE : je demande le retrait de l’amendement n° 36 de Marie-Noëlle Lienemann, qui prévoit la communication à l’administration fiscale des procès-verbaux de leurs réunions à ce sujet.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 36 et, à défaut, y sera défavorable.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 74 rectifié de Philippe Marini allonge la durée du régime fiscal des impatriés. J’en demande le retrait au bénéfice des éléments d’éclairage que pourra apporter le ministre.

M. Philippe Marini, président . – Il s’agit de rendre notre pays un peu plus attractif, pour éviter que les hauts cadres ne s’installent à Singapour, Boston ou Londres…

M. Francis Delattre. – Trop tard.

M. Philippe Marini, président . – …bref, partout ailleurs qu’à Paris, ce qui est une réalité.

M. Richard Yung. – N’exagérons rien !

M. Philippe Marini, président . – « Cachez ce sein que je ne saurais voir » est une maxime qui a permis à la société de vivre pendant longtemps…

M. Francis Delattre. – La qualité du management contribue au développement d’un pays.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 74 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 75 de Philippe Marini élargit une niche. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 75.

M. François Marc, rapporteur général. – Il en va de même de l’amendement n° 42 rectifié bis de Jean-Pierre Vial.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 42 rectifié bis.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 134 rectifié de Philippe Dominati supprime l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – Nous pourrions émettre un avis favorable ! Mais ce ne serait qu’un plaisir fugace…

M. Richard Yung. – Un baiser volé !

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 134 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 59 rectifié de Thierry Foucaud instaure une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2014. Retrait : cet amendement rétablit ce qui n’était qu’un dispositif transitoire, prévu par la loi de finances rectificatives du 16 août 2012 dans l’attente d’une réforme de l’ISF. Celle-ci a depuis été faite.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 59 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 62 de Thierry Foucaud est contraire au principe de stabilité fiscale : retrait.

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La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 62.

M. François Marc, rapporteur général. – Même avis sur l’amendement n° 64 du même auteur.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 64 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 135 rectifié de Philippe Dominati exclut la résidence principale de l’assiette de l’ISF. C’est injuste, et peut-être même inconstitutionnel…

M. Vincent Delahaye. – Pourquoi ?

M. Philippe Marini, président . – Un contribuable dont le patrimoine est constitué essentiellement par sa résidence principale ne serait pas imposé, quand un autre, qui détiendrait un patrimoine de même valeur mais vivrait à l’hôtel, le serait : il y aurait inégalité devant l’impôt. C’est pourquoi l’abattement ne dépasse pas les 30 % : 20 % ont été acceptés par le ministre Jean Arthuis – après dix ans de contentieux du vieux Monsieur Fleury qui a obtenu un arrêt en sa faveur de la Cour de cassation – et 10 % ont été ajoutés sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 135 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 40 rectifié de Jean-Pierre Vial élargit une niche fiscale : avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – Il s’agit d’une niche fiscale sympathique…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 40 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – Les avantages fiscaux dits ISF-PME et Madelin visent à compenser une prise de risque du contribuable dans une PME, non à défiscaliser de manière importante un portefeuille d’actions que l’on gérerait à son gré pendant cinq ans. Avis défavorable à l’amendement n° 41 rectifié de Jean-Pierre Vial.

M. Philippe Marini, président . – Je suis plutôt d’accord avec vous…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 41 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – Je suis tout aussi opposé à la suppression de l’ISF-PME, qui est l’objet de l’amendement n° 65 de Thierry Foucaud, qu’à celle de l’ISF-dons, à laquelle aboutit en réalité le dispositif proposé. Retrait.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 65 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 133 de René-Paul Savary rétablit le droit de timbre et la procédure d’agrément, qui n’ont pas fait leurs preuves pour maîtriser les dépenses d’aide médicale d’État. D’autres solutions, respectant la vocation sanitaire du dispositif, doivent être trouvées. Avis défavorable.

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M. Philippe Marini, président . – Il s’agit d’une position de principe…

M. François Marc, rapporteur général. – Rétablir le droit de timbre pour l’aide médicale d’État…

M. Philippe Marini, président . – … freinerait la dépense, qui galope !

M. Éric Doligé. – Elle est passée de 500 à 800 millions d’euros cette année !

M. Philippe Marini, président . – Il faut faire quelque chose.

M. François Marc, rapporteur général. – Ces dispositions avaient entraîné une baisse de 4 % du nombre de bénéficiaires en 2012, certes, mais elles n’avaient pas réduit les dépenses, qui avaient augmenté de 8 % cette année-là...

M. Philippe Marini, président . – Et plus encore ensuite !

M. François Marc, rapporteur général. – De plus, une aggravation des pathologies avait été constatée, entraînant la hausse du nombre d’hospitalisations.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 133.

M. François Marc, rapporteur général. – Même avis sur l’amendement n° 149 de Vincent Delahaye.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 149.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 80 rectifié de Gérard Cornu prévoit le lissage de la montée en puissance du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Avis défavorable : le renforcement de la péréquation est indispensable, en particulier au sein du bloc communal.

M. Philippe Marini, président . – L’on sous-estime les ravages qui seront créés par le cumul des baisses de dotation et de la ponction au titre du FPIC.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement s’appliquerait dès cette année ; or il est trop tard pour tout changer en 2014.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 80 rectifié.

M. Philippe Marini, président . – L’amendement n° 196 rectifié de Vincent Eblé étend aux syndicats d’agglomérations nouvelles (SAN) sous statut d’opérations d’intérêt national une disposition pondérant le potentiel fiscal utilisé pour le calcul du prélèvement au titre du FPIC. Retrait : je ne suis pas en mesure d’apprécier les conséquences financières de cet amendement. Des simulations de la direction générale des collectivités locales pourraient nous éclairer sur ce point. Je vous propose donc que nous y revenions lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Mme Nicole Bricq. – Je souhaite que cet amendement vienne en séance. Il a été défendu à l’Assemblée nationale par Gilles Carrez et Hervé Mariton. Le calcul ne prend pas en compte les SAN qui vont se transformer en communautés d’agglomérations. La diminution de la contribution au FPIC devra bien sûr être compensée. Le Gouvernement a déclaré à

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l’Assemblée nationale qu’il n’avait pas eu le temps de procéder aux expertises nécessaires et l’amendement a été retiré. Nous devons avoir cette discussion au Sénat car elle concerne les collectivités locales. Puis l’amendement sera retiré.

M. François Marc, rapporteur général. – Il convient d’éviter la création de régimes dérogatoires. Faute d’éléments précis, je ne suis pas en mesure d’apprécier si l’élargissement de cette dérogation est justifiée ou non, ni d’évaluer ses conséquences sur les autres collectivités territoriales.

La commission émet une demande de retrait de l’amendement n° 196 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 105 rectifié de Jacques Mézard autorise, à la majorité des deux tiers, une répartition libre entre les communes et l’EPCI des attributions au titre du FPIC.

M. Philippe Marini, président . – Très bien !

M. François Marc, rapporteur général. – Retrait : cet amendement pourrait priver une commune d’attribution au titre des reversements du FPIC. De plus, la constitutionnalité n’est pas certaine.

M. Philippe Marini, président . – L’unanimité exige que l’on supplie les élus du Front national, par exemple, de ne pas s’opposer à tout… Ce n’est pas très digne ! Et c’est l’occasion de toutes sortes de chantage… Jacques Mézard a raison de demander une majorité des deux tiers.

M. Francis Delattre. – Entièrement d’accord. Je soutiens l’amendement, surtout qu’en petite couronne de la région parisienne, les communes qui jusqu’à présent s’unissaient selon une affectio societatis subissent des rassemblements d’office opérés par le préfet. Or, avec l’unanimité, un seul élu peut tout bloquer.

M. Jean Germain. – Avec l’arrivée du Front national il est devenu impossible dans nombre d’agglomérations d’obtenir l’unanimité. Il faut donc changer cette règle.

M. Philippe Marini, président . – Sinon, cela revient à conférer un pouvoir exorbitant à des élus minoritaires.

M. François Marc, rapporteur général. – Mon objectif est de défendre, en quelque sorte, la veuve et l’orphelin : une commune pauvre peut très bien se voir exclure de toute attribution du FPIC si les deux tiers en décident ainsi.

M. Francis Delattre. – Cela ne fonctionne pas ainsi !

M. Philippe Marini, président . – Il est rarissime qu’une intercommunalité décide d’exclure l’un de ses membres de la répartition...

M. François Marc, rapporteur général. – S’il fallait ne pas en rester à l’unanimité, nous pourrions retenir la majorité des trois quarts, plutôt que celle des deux tiers. Je vous propose de donner un avis favorable sous réserve de cette rectification.

M. Jean-Pierre Caffet. – Oui !

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La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 105 rectifié sous réserve de sa rectification.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 104 rectifié bis de Jacques Mézard prévoit, à partir de 2015, une sortie en sifflet du bénéfice du FPIC pour les collectivités territoriales qui ne sont plus éligibles. Sagesse. Nous avions déjà adopté un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

M. Philippe Marini, président . – Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles il n’a pas pu être adopté à l’Assemblée nationale…

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 104 rectifié bis.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 174 de Francis Delattre rétablit le jour de carence pour les fonctionnaires.

M. Philippe Marini, président . – Excellent amendement !

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable : il crée une distorsion de situation entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 174.

Article 5 bis (nouveau)

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements de suppression n° 126 de Marie-Hélène des Esgaulx et 146 de Vincent Delahaye reviennent à supprimer le péage de transit pour les poids lourds. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression n° 126 et n° 146.

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 15 rectifié de Bernard Fournier, 50 rectifié bis de Philippe Adnot et 91 de Jacques Mézard exonèrent du péage de transit les poids lourds immatriculés en W Garage. Je souhaite que nous demandions l’avis du Gouvernement sur ce sujet technique.

La commission demandera l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 15 rectifié, 50 rectifié bis et 91.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 25 rectifié de Bruno Gilles exonère du péage de transit les véhicules de collection. Avis favorable.

M. Francis Delattre. – Des poids lourds de collection ? Il ne doit pas en avoir beaucoup !

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 25 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 90 de Jacques Mézard exonère les péages de transit les véhicules de transport de bétail. Retrait.

M. Philippe Marini, président . – Il serait plus simple que le bétail aille à pied…

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La commission demandera le retrait de l’amendement n° 90 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 183 de Ronan Dantec créé une taxe additionnelle au péage de transit en faveur des collectivités territoriales. Avis défavorable : le péage doit rester national pour éviter les reports de transit d’une région à l’autre.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 183.

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 92 d’Yvon Collin, 14 rectifié de Bernard Fournier et 51 rectifié bis de Philippe Adnot maintiennent le taux de péage de transit pendant trois ans. Pourquoi figer des tarifs qui sont déjà encadrés par la loi ? Retrait.

La commission émet une demande de retrait des amendements n° 92, 14 rectifié et 51 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 184 de Ronan Dantec vise à obtenir un rapport sur la création d’un péage de transit poids-lourds à l’échelle régionale. Avis défavorable : le péage doit rester national afin d’éviter des reports de trafic.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 184.

La réunion est levée à 20 h 45

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de Yvon Collin, vice-président, puis de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05

Loi de finances rectificative pour 2014 – Suite de l’examen des amendements

Au cours d’une première réunion tenue le matin, la commission procède à la suite de l’examen des amendements sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Article additionnel après l’article 5

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 105 rectifié de Jacques Mézard, que nous avons voté hier, autorisait les communes d’un EPCI à décider, à la majorité des deux tiers, que la commission a souhaité porter aux trois quarts, et non à l’unanimité, une répartition libre des versements au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Le sous-amendement n° 205 de Philippe Marini étend le même dispositif pour la répartition des prélèvements. Comme hier, et pour les mêmes raisons, mon avis est défavorable. Cette disposition est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales : une commune risquerait d’être pénalisée contre son gré.

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M. Jean Germain. – J’étais favorable à l’amendement 105 rectifié. L’irruption du Front national change la donne s’agissant de la répartition du FPIC. En revanche ce sous-amendement sur les prélèvements changerait l’esprit de la loi. Je soutiens la position du rapporteur général.

M. Vincent Delahaye. – Je m’abstiens.

M. François Marc, rapporteur général. – Effectivement, il s’agissait hier de distribuer ; aujourd’hui, de prélever.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 205.

Article 5 ter

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 16 rectifié quater de Pierre Hérisson, n° 18 rectifié de Luc Carvounas, n° 48 rectifié de Philippe Adnot, n° 70 de Thierry Foucaud, n° 93 de Jean-Claude Requier et n° 144 de Vincent Delahaye suppriment l’article 5 ter et le relèvement de la taxe de séjour. Avis défavorable. Je demanderai aux auteurs de se rallier à l’amendement de la commission des finances qui reporte au 1er janvier 2015 l’application du relèvement du plafond, afin d’en réexaminer le montant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 sur la base des conclusions du rapport que doivent prochainement remettre nos collègues députés Monique Rabin, Éric Straumann et Éric Woerth.

M. Vincent Delahaye. – Je ne comprends pas ce raisonnement. Reporter l’application au 1er janvier 2015 donne l’impression que nous sommes d’accord sur le principe et seulement en désaccord sur la date. Supprimer cet article n’empêcherait nullement de poursuivre la réflexion sur le sujet.

M. Éric Bocquet. – Je suis favorable à la suppression de l’article.

M. Jean Germain. – La position du rapporteur général est raisonnable. Le report permettra la tenue de négociations. Reporter la date ne vaut pas acceptation de la mesure proposée. Les professionnels sont mécontents, car la taxe de séjour est forfaitaire, calculée en fonction des places, non du taux d’occupation. Mais comme des négociations ont déjà été engagées, l’amendement du rapporteur général est de sagesse.

Présidence de M. Philippe Marini, président

M. François Marc, rapporteur général. – Monsieur Delahaye, le plafond de la taxe de séjour n’a pas été augmenté depuis 2002. Notre commission, en 2011, s’était prononcée en faveur d’un relèvement à 3 euros. Nous restons favorables au principe d’une modulation, mais le report nous permettra de prendre le recul nécessaire.

M. Philippe Marini, président . – Qui perçoit la taxe de séjour ?

M. François Marc, rapporteur général. – Les communes et les EPCI.

M. Philippe Marini, président . – Cette hausse constitue donc un cadeau à la maire de Paris, pour lui éviter de relever les impôts…

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9363

M. François Marc, rapporteur général. – Près de 2 500 communes ont mis en place une taxe de séjour. Son produit global est de 200 millions d’euros, la ville de Paris perçoit 50 millions d’euros à ce titre.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s16 rectifié quater, 18 rectifié, 48 rectifié, 70, 93 et 144.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable aux amendements de repli n°s 194 et 195 de Jean-François Husson pour les mêmes raisons.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 194 et 195.

Articles additionnels après l’article 5 ter

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable aux amendements n° 72 rectifié de Thierry Foucaud, n°s 124 et 125 de Laurence Cohen, n° 191 rectifié bis de Jean-Vincent Placé et n° 200 de Laurence Cohen qui relèvent les taux du versement transport en Île-de-France. Comme cet impôt est assis sur la masse salariale, tout relèvement du taux risque de pénaliser les embauches. De plus, l’harmonisation au taux maximal n’est guère favorable aux territoires les plus éloignés de la capitale.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s72 rectifié, 124, 125, 191 rectifié bis et 200.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 182 rectifié de Jean-Vincent Placé qui autorise les régions à se doter d’un versement transport additionnel à celui existant dans les périmètres de transport urbain. Il me paraît prématuré au regard de la réforme en cours relative aux régions. Toutefois, à terme, il conviendra d’examiner les moyens de donner aux régions des recettes fiscales dynamiques.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 182 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Article 5 quater

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait des amendements n° 45 de Ronan Kerdraon, n° 199 de Philippe Dominati, n° 20 rectifié de Louis Nègre, n° 23 de Gérard Collomb, n° 46 de Ronan Kerdraon, n° 181 de Jean-Vincent Placé, n° 21 rectifié quinquies d’Hervé Marseille, 108 de Jacques Mézard, n° 87 d’Alain Millon, 53 rectifié et n° 54 rectifié de Philippe Adnot qui modifient le champ des exonérations au versement transport. L’article 5 quater transpose dans la loi la jurisprudence et clarifie le droit existant. Il est équilibré, ne le modifions pas.

M. Philippe Marini, président . – L’erreur a été de créer une niche. Inutile d’ouvrir davantage la boîte de Pandore.

La commission décide de demander le retrait des amendements n°s 45, 199, 20 rectifié, 23, 46, 181, 21 rectifié quinquies, 108, 87, 53 rectifié et 54 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

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9364

Article 5 quinquies

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements identiques n° 17 rectifié quater de Philippe Dallier, n° 19 rectifié de Luc Carvounas, n° 49 rectifié de Philippe Adnot, 94 de Jean-Claude Requier et n° 145 de Vincent Delahaye suppriment la création d’une taxe régionale de séjour de 2 euros destinée à financer les infrastructures de transport du Nouveau Grand Paris. Je demande à leurs auteurs de se rallier à l’amendement de la commission des finances qui reporte au 1er janvier 2015 l’application de cette nouvelle taxe afin d’améliorer la concertation et de tenir compte du rapport à venir de nos collègues députés sur la fiscalité du tourisme. Pour mémoire, cette taxe aurait un coût de 20 millions d’euros pour le Samu social parisien. Ce n’est pas négligeable !

M. Philippe Marini, président . – En somme, vous ménagez la chèvre et le chou…

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s 17 rectifié quater, 19 rectifié, 49 rectifié, 94 et 145.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 114 de Philippe Dallier, qui demande la remise dans les six mois d’un rapport du Gouvernement sur le financement du Grand Paris, supprime de facto la taxe régionale de séjour. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 114.

La commission décide de demander le retrait des amendements n°s 186 et 187 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 5 sexies

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 95 de Jacques Mézard, relatif à la taxe communale de consommation finale d’électricité (TCCFE), corrige une erreur de rédaction. Retrait sinon avis défavorable car il est satisfait par l’amendement n° 9 de la commission des finances.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 95 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – Les syndicats d’électricité ont la possibilité de reverser une fraction de la TCCFE à leurs communes membres, par une délibération avant le 1er octobre. L’amendement n° 109 de Jean-Claude Requier recule cette date limite au 31 décembre, pour l’année 2015. Avis favorable au regard de l’incertitude qui a régné tout au long de l’année sur les ressources des syndicats, sous réserve toutefois que ce décalage ne pose pas de problème aux services fiscaux.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 109.

M. François Marc, rapporteur général. – La modification rédactionnelle proposée par l’amendement n° 96 de Jacques Mézard est moins précise que la rédaction actuelle. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 96.

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9365

M. François Marc, rapporteur général. – Les amendements n° 24 de Gérard Collomb et n° 188 de Jean-Vincent Placé maintiennent le transfert automatique de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) des communes de plus de 2 000 habitants aux communautés urbaines (CU) exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité (AODE). Ils sont contraires à la position de notre commission. Avis défavorable.

M. Philippe Marini, président . – Absolument !

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 24 et 188.

Articles additionnels après l’article 5 sexies

M. François Marc, rapporteur général. – Je demande le retrait de l’amendement n° 78 rectifié bis de Bruno Gilles qui supprime la majoration de la valeur locative sur laquelle est assise la taxe foncière, mesure destinée à encourager la libération du foncier pour la construction de logements. Même position pour l’amendement de repli n° 77 rectifié bis du même auteur.

La commission décide de demander le retrait des amendements n° 78 rectifié bis et n° 77 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – Je demanderai l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 190 d’André Gattolin qui assure, lorsque les collectivités réalisent des travaux, une meilleure équivalence fiscale entre un investissement direct et un investissement à travers un « tiers investisseur », mais qui représente un coût pour l’État.

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 190.

M. François Marc, rapporteur général. – Je suis défavorable à l’amendement n° 189 du même auteur qui inclut des charges de fonctionnement dans l’assiette ouvrant droit aux remboursements du Fonds de compensation de la TVA pour les collectivités territoriales.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 189.

Articles additionnels après l’article 5 septies

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 153 de Nathalie Goulet qui supprime la première fraction du financement public aux formations politiques lorsqu’elles ont présenté un candidat à l’élection présidentielle et que ses comptes ont été rejetés par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Marini, président . – C’est de l’obsession !

M. François Marc, rapporteur général. – Sa logique est surprenante et étrangère à l’esprit de la Ve République.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 153.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 151 de Nathalie Goulet supprime la commission des infractions fiscales. Avis défavorable, ainsi

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9366

qu’aux amendements n° 167 et n° 168 de la même auteure qui poursuivent le même objectif. Le Sénat s’est déjà prononcé à l’occasion de la loi du 6 décembre 2013 sur la lutte contre la fraude fiscale.

M. Éric Bocquet. – Je voterai cet amendement.

M. Philippe Marini, président . – Il s’agit de faire sauter le « verrou de Bercy », mais heureusement que Bercy est là…

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s151, 167 et 168.

Et M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 164 de Nathalie Goulet qui créé un dispositif très lourd de déclaration préalable des flux financiers vers un compte situé dans un paradis fiscal. L’administration fiscale dispose déjà du moyen d’obtenir ces informations.

M. Éric Bocquet. – Mais cherche-t-elle toujours à les obtenir ? Je voterai cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 164.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 163 de la même auteure est satisfait par l’article 10 de la loi de finances rectificative pour 2013. Demande de retrait.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 163 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 165 de Nathalie Goulet crée un délit d’incitation à la fraude fiscale. Celle-ci est déjà susceptible d’être réprimée, au titre du démarchage illicite ou de la fraude fiscale en bande organisée. Nous avons déjà eu ce débat naguère… Demande de retrait.

M. Éric Bocquet. – Je voterai cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 165.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 166 de Nathalie Goulet pour les mêmes raisons qu’à l’amendement n° 151.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 166.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 127 de Jean-Etienne Antoinette met à la charge de l’État la rétribution des vingt-sept prêtres de Guyane, qui repose actuellement sur le conseil général, alignant le régime de la Guyane sur celui de l’Alsace-Moselle. Je demanderai l’avis du Gouvernement.

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 127.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 198 du même auteur est plus radical et supprime la rétribution du clergé catholique en Guyane, instaurée par

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une ordonnance de Charles X. Avis défavorable : la suppression de la rétribution, sans que personne la prenne en charge, laisserait les prêtres dans le besoin.

M. Philippe Marini, président . – Restons fidèles à Charles X…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 198.

Article 5 decies

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement de suppression n° 73 de Thierry Foucaud qui priverait de base juridique l’échange automatique d’informations en matière fiscale.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 73.

Article 5 undecies

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 193 de Philippe Adnot limite les sanctions encourues par les PME en cas de non-présentation de la comptabilité informatisée. Je demande le retrait de cet amendement : son esprit me semble satisfait dans la mesure où l’obligation de présenter une comptabilité dématérialisée ne s’applique pas aux micro-entreprises ni aux entreprises qui tiennent leur comptabilité sous forme manuelle.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 193 et, à défaut, y sera défavorable.

Articles additionnels après l’article 5 terdecies

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 84 rectifié ter de Jean-Yves Leconte vise à prendre en compte la CSG et la CRDS acquittée par les non-résidents au titre de l’imposition des revenus que ceux-ci déclarent en vertu de l’application de conventions fiscales de non-double imposition. Je demande le retrait de cet amendement, car il relève des conventions fiscales et de l’interprétation qu’en fait l’État de résidence.

M. Philippe Marini, président . – S’agit-il d’exonérer les Français de l’étranger des revenus tirés de leur patrimoine foncier en France ?

M. Richard Yung. – Je n’ai pas cosigné cet amendement. Certaines conventions fiscales prévoyant cette exonération ne sont pas appliquées.

M. Vincent Delahaye. – Il est aberrant d’avoir à acquitter l’impôt sur un autre impôt, la CSG !

M. François Marc, rapporteur général. – Christian Eckert a indiqué qu’un groupe de travail serait constitué avec les Français de l’étranger sur ce thème.

M. Philippe Marini, président . – Très bien !

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 84 rectifié ter et, à défaut, y sera défavorable.

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Article additionnel après l’article 5 octodecies

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 147 rectifié de Vincent Delahaye qui propose que, lors d’une fusion d’EPCI, la dette contractée par un EPCI soit remboursée exclusivement par les communes qui en étaient membres. N’introduisons pas de rigidité dans la procédure de fusion.

M. Vincent Delahaye. – Cet amendement précise les modalités de prise en compte de la dette dans le protocole financier en cas de fusion, sans préjuger de la solution retenue. La question de la dette est toujours prégnante. Les dettes contractées avant la fusion devront faire l’objet d’un protocole financier approuvé à la majorité qualifiée dans l’année qui suit la fusion.

M. Philippe Marini, président . – Dans certains cas, l’entité issue de la fusion ne reprendra pas de manière inconditionnelle la dette de ses composantes, la laissant à la charge des habitants de la commune concernée. C’est une question de principe complexe. Peut-on appliquer la maxime « Donner et retenir ne vaut » ? Les communes sont libres de fusionner, elles fusionnent pour le meilleur et pour le pire.

M. Vincent Delahaye. – En Île-de-France, les fusions seront décidées par le préfet et non par consentement mutuel. Cet amendement est une mesure de justice.

M. Philippe Marini, président . – Dans ce cas il faudrait rectifier l’amendement pour limiter son application aux cas où la fusion est imposée.

M. Vincent Delahaye. – Je suis d’accord.

M. François Marc, rapporteur général. – Les fusions d’EPCI sont le fruit de réalités complexes. Leur réussite suppose de la souplesse pour prendre en compte les spécificités des territoires. Ne forçons pas la main des communes en prévoyant que « le remboursement de l’annuité de la dette contractée, avant leur fusion, par les établissements publics de coopération fusionnés, minore l’attribution de compensation des communes qui en étaient membres avant la fusion, jusqu’à complet remboursement de cette dette et selon des modalités définies dans le protocole financier. »

M. Vincent Delahaye. – Tout sera affaire de négociation.

M. François Marc, rapporteur général. – Je maintiens mon avis défavorable. Gardons de la souplesse.

M. Philippe Marini, président . – Cet amendement semble plutôt en créer…

M. Edmond Hervé. – Je voterai cet amendement. Il s’agit d’un protocole donc d’une relation contractuelle. Ensuite, si l’investissement qui a donné naissance à la dette profite à tous les habitants de l’intercommunalité, il est normal que tous paient. Mais dans le cas contraire, il est normal que les habitants de la commune concernée en assument le coût.

M. François Marc, rapporteur général. – Vous avez raison, il faut voir au cas par cas !

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M. Philippe Marini, président . – Lors de la fusion de deux syndicats mixtes de gestion des déchets dans le cadre d’un plan départemental, pourquoi l’un devrait-il assumer la mauvaise gestion de l’autre ?

M. François Marc, rapporteur général. – La remarque d’Edmond Hervé justifie ma position : si un investissement bénéficie à tout le monde, il est normal que tout le monde paye.

M. Philippe Marini, président . – L’amendement de Vincent Delahaye permet de rédiger un protocole

M. François Marc, rapporteur général. – La loi le permet déjà…

Mme Nicole Bricq. – Je voterai contre cet amendement que je ne comprends pas.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 147 rectifié, sous réserve de sa rectification.

Article 6

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 113 de Philippe Dallier qui gèle jusqu’au 1er octobre 2015 le montant des aides au logement au niveau de 2013.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 113.

Article 7

M. François Marc, rapporteur général. – Je demanderai l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 116 rectifié de Jean-Yves Leconte qui prévoit que l’administration doit pouvoir apporter la preuve qu’elle a notifié aux demandeurs d’asile leurs convocations aux entretiens avant de suspendre l’allocation temporaire d’attente (ATA). Il existe un risque de contentieux.

M. Philippe Marini, président . – Ne s’agit-il pas d’un cavalier budgétaire ?

M. François Marc, rapporteur général. – Non, cet amendement aurait des effets directs sur les finances de l’État.

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 116 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 128 de Roger Karoutchi autorise la suspension de l’allocation temporaire d’attente aux demandeurs d’asile dès la première demande de réexamen. Avis défavorable. Le texte du Gouvernement, équilibré, ne suspend le versement que dans les cas de demandes abusives, à partir de la deuxième demande de réexamen.

M. Philippe Marini, président . – Le groupe UMP vote cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 128.

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Article additionnel après l’article 7

M. François Marc, rapporteur général. – La Société du Grand Paris doit disposer du financement nécessaire pour mener à bien ses projets d’infrastructure. Avis défavorable à l’amendement n° 138 rectifié de Philippe Dominati qui diminue le montant de la taxe spéciale d’équipement qui lui est affectée.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 138 rectifié.

Articles additionnels après l’article 8

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 47 rectifié de Philippe Adnot qui aurait pour conséquence d’appliquer la taxe dite de stockage à tous les sites de l’ANDRA, même une fois leur exploitation terminée. Nous avions déjà rejeté cet amendement lors de l’examen de la loi de finances rectificative de décembre 2013.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 47 rectifié.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 44 rectifié bis d’André Reichardt parait irrecevable car il ne relève pas du champ d’une loi de finances. Il vise à moderniser le cadastre en Alsace et Moselle en numérisant certains documents, pour un coût de 2,5 millions d’euros.

M. Philippe Marini, président . – Le cas est complexe. Le rôle des services fiscaux est bien de s’assurer de l’exactitude des bases d’imposition notamment grâce au cadastre. La fraude existe là où le cadastre est mal tenu…

M. François Marc, rapporteur général. – Soit cet amendement est un cavalier, soit il n’en est pas un, mais devient irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution !

La commission décide de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 44 rectifié bis.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 43 rectifié du même auteur revient sur la suppression de la participation des riverains en Alsace-Moselle. Retrait.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n° 43 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 97 de Jacques Mézard supprime la prolongation d’exonération de contribution foncière des entreprises (CFE) dont bénéficient les auto-entrepreneurs. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 97.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 132 de Michel Houel. Il n’est pas opportun de supprimer la gratuité de l’enregistrement au registre du commerce et des sociétés pour les auto-entrepreneurs.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 132.

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M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 129 de François Férat demande un rapport sur les conséquences financières des fusions d’EPCI, mais le délai prévu semble un peu court. Sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 129.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 158 de Vincent Delahaye qui prévoit un rapport sur l’opportunité de conserver certains organismes. Ce n’est pas l’enjeu majeur des 50 milliards d’économies que nous devons réaliser. Surtout, publier une sorte de « liste noire » de structures à supprimer est sans doute la meilleure manière de bloquer toute possibilité de réforme !

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 158.

M. François Marc, rapporteur général. – L’amendement n° 162 de Valérie Létard appelle l’attention sur les difficultés de paiement des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (COSPJ) mais n’apporte pas de réponse opérationnelle. Demande de retrait.

La commission décide de demander le retrait de l’amendement n°162 et, à défaut, y sera défavorable.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis favorable à l’amendement n° 171 de Nathalie Goulet son initiative car les propositions formulées par le rapporteur spécial Richard Yung en matière de baisse du nombre des ambassadeurs itinérants ne semblent pas avoir été suivis d’effet.

M. Philippe Marini, président . – Très bien ! Vous ne visez pas les ambassadeurs thématiques ?

M. Richard Yung. – Il ne s’agit que des ambassadeurs itinérants.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 171.

M. François Marc, rapporteur général. – Avis défavorable à l’amendement n° 172 de Nathalie Goulet : quelle est l’utilité d’un rapport sur la situation fiscale des fonctionnaires internationaux ?

M. Philippe Marini, président . – Soit le rapport sera de l’eau tiède, soit il sera en infraction avec la protection du secret fiscal…

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 172.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

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PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2014

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SEANCE

Lundi 7 juillet 2014

Article liminaire

Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2014

PREMIÈRE PARTIE CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

RESSOURCES AFFECTÉES

Article 1er

Réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Vincent Delahaye 140 Favorable

M. Thierry Foucaud 55 Défavorable

M. Jacques Mézard 98 Demande de retrait

Articles additionnels après l’article 1er

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Francis Delattre 192 Défavorable

M. Jacques Mézard 101 Demande de retrait

M. Jacques Mézard 100 rect Demande de retrait

M. Thierry Foucaud 58 Défavorable

M. Francis Delattre 197 Défavorable

M. Jacques Mézard 102 Demande de retrait

M. Jean-Yves Leconte 115 rect bis Demande de retrait

M. Jacques Mézard 106 Demande de retrait

M. Philippe Marini 119 rect Avis du Gouvernement

M. Vincent Delahaye 150 Défavorable

M. André Gattolin 176 Demande de retrait

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Mme Valérie Létard 161 rect Défavorable

M. Yvon Collin 99 Avis du Gouvernement

M. Philippe Dominati 136 Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 28 rect Favorable

Article 1er bis (nouveau)

Modalités d’imposition des gains de cession de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et de certains gains de levée d’option

Article 1er ter (nouveau)

Simplification de l’éco-prêt à taux zéro

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Jacques Mézard 88 Favorable

M. Jacques Mézard 89 Avis du Gouvernement

Article 1er quater (nouveau) Marquage et traçabilité des produits de tabacs par un tiers indépendant

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Thierry Foucaud 57 Sagesse

Article 1er quinquies (nouveau) Relèvement du seuil de déclenchement du minimum de perception majoré sur les tabacs

Article 1er sexies (nouveau) Déductibilité des frais de reconstitution de titres de propriété dans le cadre d’une donation

Article 1er septies (nouveau) Application de l’abattement exceptionnel bénéficiant aux plus-values de cessions réalisées en vue

de certaines opérations de démolition-reconstruction

Articles additionnels après l’article 1er septies

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

Mme Sophie Primas 22 rect bis Défavorable

M. Éric Doligé 110 Défavorable

M. Jean-Vincent Placé 180 rect Défavorable

Article 2

Réforme de la taxe d’apprentissage

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Francis Delattre 117 Favorable

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M. Vincent Delahaye 141 Favorable

Articles additionnels après l’article 2

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Roland du Luart 81 Avis du Gouvernement

M. Philippe Dominati 137 Demande de retrait

Article 2 bis (nouveau) Modalités d’application du plafonnement pour 2014 de la taxe additionnelle à la cotisation des

entreprises pour frais de chambres de métiers et d’artisanat

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. André Reichardt 79 Défavorable

M. François Patriat 202 Défavorable

Article 2 ter (nouveau) Création d’un droit de timbre perçu en cas de non présentation du permis de conduire en vue de

son renouvellement

Article 2 quater (nouveau)

Relèvement du plafond de la taxe sur les spectacles de variété et abaissement du plafond de la redevance d’archéologie préventive

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Vincent Delahaye 143 Défavorable

Articles additionnels après l’article 2 quater

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Gérard Miquel 82 rect Demande de retrait

Mme Aline Archimbaud 185 Demande de retrait

M. Philippe Dominati 139 rect Défavorable

M. Philippe Marini 76 Avis du Gouvernement

M. Michel Magras 1 rect Défavorable

TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Articles additionnels avant l’article 3

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Thierry Foucaud 61 Défavorable

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M. Thierry Foucaud 60 Défavorable

Article 3 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

SECONDE PARTIE MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE IER : AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2014 – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 4

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Thierry Foucaud 120 Défavorable

État B

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

Mme Nathalie Goulet 173 Demande de retrait

M. Jean-Yves Leconte 85 rect bis Avis du Gouvernement

M. André Gattolin 175 Défavorable

M. Vincent Delahaye 157 Favorable

Mme Marie-France Beaufils 121 rect Défavorable

Mme Marie-France Beaufils 123 rect Défavorable

Mme Marie-France Beaufils 122 rect Défavorable

Article 4 bis (nouveau)

Répartition de l’annulation de 9 millions d’euros entre les sociétés de l’audiovisuel public

État D

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

Mme Claudine Lepage 112 rect bis Sagesse

Mme Joëlle Garriaud-Maylam 111 rect Sagesse

M. Vincent Delahaye 155 Favorable

M. Vincent Delahaye 156 Favorable

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Articles additionnels après l’article 4 bis

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Jean-Yves Leconte 83 rect Avis du Gouvernement

M. Vincent Delahaye 154 rect Favorable

TITRE II : DISPOSITIONS PERMANENTES

Article 5

Suppression en 2016 de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Francis Delattre 118 Défavorable

M. Vincent Delahaye 142 Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 35 Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 34 Défavorable

Articles additionnels après l’article 5

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Thierry Foucaud 63 Défavorable

Mme Sophie Primas 26 rect bis Défavorable

M. Pierre Laurent 66 Défavorable

M. Pierre Laurent 67 Défavorable

M. Pierre Laurent 68 Défavorable

M. Jean-Paul Amoudry 159 Demande de retrait

Mme Marie-Christine Blandin 178 rect Demande de retrait

Mme Marie-Christine Blandin 179 rect Demande de retrait

M. Thierry Foucaud 56 rect Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 33 Défavorable

M. André Gattolin 177 rect Demande de retrait

Mme Marie-Noëlle Lienemann 32 Demande de retrait

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Mme Marie-Noëlle Lienemann 30 Demande de retrait

Mme Marie-Noëlle Lienemann 31 Défavorable

M. Vincent Delahaye 148 rect Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 27 rect Défavorable

Mme Marie-Noëlle Lienemann 36 Demande de retrait

M. Philippe Marini 74 rect Défavorable

M. Philippe Marini 75 Défavorable

M. Jean-Pierre Vial 42 rect bis Défavorable

M. Philippe Dominati 134 rect Défavorable

M. Thierry Foucaud 59 rect Demande de retrait

M. Thierry Foucaud 62 Demande de retrait

M. Thierry Foucaud 64 Demande de retrait

M. Philippe Dominati 135 rect Défavorable

M. Jean-Pierre Vial 40 rect Défavorable

M. Jean-Pierre Vial 41 rect Défavorable

M. Thierry Foucaud 65 Demande de retrait

M. René-Paul Savary 133 Défavorable

M. Vincent Delahaye 149 Défavorable

M. Gérard Cornu 80 rect Défavorable

M. Vincent Eblé 196 rect Demande de retrait

M. Jacques Mézard 105 rect Favorable sous réserve de rectification

M. Philippe Marini Ss-amdt 205 Défavorable

M. Jacques Mézard 104 rect bis Sagesse

M. Francis Delattre 174 Défavorable

Article 5 bis (nouveau)

Création du péage de transit poids lourds

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

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Mme Marie-Hélène des Esgaulx 126 Défavorable

M. Vincent Delahaye 146 Défavorable

M. Bernard Fournier 15 rect Avis du Gouvernement

M. Philippe Adnot 50 rect bis Avis du Gouvernement

M. Jacques Mézard 91 Avis du Gouvernement

M. Bruno Gilles 25 rect Favorable

M. Jacques Mézard 90 Demande de retrait

M. Ronan Dantec 183 Défavorable

M. Yvon Collin 92 Demande de retrait

M. Bernard Fournier 14 rect Demande de retrait

M. Philippe Adnot 51 rect bis Demande de retrait

M. Ronan Dantec 184 Défavorable

Article 5 ter (nouveau)

Relèvement du plafond de la taxe de séjour

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Pierre Hérisson 16 rect quater ; Défavorable

M. Luc Carvounas 18 rect Défavorable

M. Philippe Adnot 48 rect Défavorable

M. Thierry Foucaud 70 Défavorable

M. Jean-Claude Requier 93 Défavorable

M. Vincent Delahaye 144 Défavorable

M. Jean-François Husson 194 Défavorable

M. Jean-François Husson 195 Défavorable

Articles additionnels après l’article 5 ter

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

Mme Laurence Cohen 200 Défavorable

Mme Laurence Cohen 124 Défavorable

M. Thierry Foucaud 72 rect Défavorable

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M. Jean-Vincent Placé 191 rect bis Défavorable

Mme Laurence Cohen 125 Défavorable

M. Jean-Vincent Placé 182 rect Demande de retrait

Article 5 quater (nouveau)

Aménagement du versement transport pour les associations et fondations de l’économie sociale et solidaire

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Ronan Kerdraon 45 Demande de retrait

M. Philippe Dominati 199 Demande de retrait

M. Louis Nègre 20 rect Demande de retrait

M. Gérard Collomb 23 Demande de retrait

M. Ronan Kerdraon 46 Demande de retrait

M. Jean-Vincent Placé 181 Demande de retrait

M. Hervé Marseille 21 rect quinquies Demande de retrait

M. Jacques Mézard 108 Demande de retrait

M. Alain Milon 87 Demande de retrait

M. Philippe Adnot 53 rect Demande de retrait

M. Philippe Adnot 54 rect Demande de retrait

Article 5 quinquies (nouveau) Création d’une taxe de séjour régionale affectée à la région Ile-de-France

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Philippe Dallier 17 rect quater Défavorable

M. Luc Carvounas 19 rect Défavorable

M. Philippe Adnot 49 rect Défavorable

M. Jean-Claude Requier 94 Défavorable

M. Vincent Delahaye 145 Défavorable

M. Philippe Dallier 114 Défavorable

M. Jean-Vincent Placé 186 Demande de retrait

M. André Gattolin 187 Demande de retrait

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Article 5 sexies (nouveau) Taxe communale sur la consommation finale d’électricité

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Jacques Mézard 95 Demande de retrait

M. Jean-Claude Requier 109 Favorable

M. Jacques Mézard 96 Demande de retrait

M. Gérard Collomb 24 Demande de retrait

M. Jean-Vincent Placé 188 Demande de retrait

Articles additionnels après l’article 5 sexies

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Bruno Gilles 78 rect bis Demande de retrait

M. Bruno Gilles 77 rect bis Demande de retrait

M. André Gattolin 190 Avis du Gouvernement

M. André Gattolin 189 Défavorable

Articles additionnels après l’article 5 septies

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

Mme Nathalie Goulet 153 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 151 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 167 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 168 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 164 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 163 Demande de retrait

Mme Nathalie Goulet 165 Défavorable

Mme Nathalie Goulet 166 Défavorable

M. Jean-Etienne Antoinette 127 Avis du Gouvernement

M. Jean-Etienne Antoinette 198 Défavorable

Article 5 octies (nouveau)

Intégration fiscale d’établissements publics industriels et commerciaux

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Article 5 nonies (nouveau) Valeur locative des immobilisations industrielles de la SNCF

Article 5 decies (nouveau) Clarification des dispositions applicables à l’échange automatique d’informations à des fins

fiscales

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Thierry Foucaud 73 Défavorable

Article 5 undecies (nouveau)

Relèvement de la sanction prévue pour non-présentation de la comptabilité sous forme informatique

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Philippe Adnot 193 Demande de retrait

Article 5 duodecies (nouveau) Relèvement de la sanction prévue pour non-présentation de la comptabilité analytique

Article 5 terdecies (nouveau) Modification de la date de remise du rapport annuel sur les départs et retours

de contribuables français

Articles additionnels après l’article 5 terdecies

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Jean-Yves Leconte 84 rect ter Demande de retrait

Article 5 quaterdecies (nouveau)

Neutralité fiscale de la réforme ferroviaire

Article 5 quindecies (nouveau)

Maintien du taux réduit de TVA pour les opérations portant sur des logements en accession sociale à la propriété et situés dans un quartier faisant l’objet d’une convention de rénovation

urbaine arrivant à échéance en 2014

Article 5 sexdecies (nouveau) Maintien en 2014 de l’exonération de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public

pour les personnes de condition modeste âgées de plus de 60 ans ou veuves qui en bénéficiaient en 2013

Article 5 septdecies (nouveau) Rapport sur la création d’un observatoire des contreparties

Article 5 octodecies (nouveau) Fonds de solidarité en faveur des départements

Article additionnel après l’article 5 octodecies

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

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M. Vincent Delahaye 147 rect Favorable sous réserve de rectification

Article 6 Stabilisation du montant des aides personnelles au logement

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Philippe Dallier 113 Défavorable

Article 7 (nouveau) Modification du champ des bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Jean-Yves Leconte 116 rect Avis du Gouvernement

M. Roger Karoutchi 128 Défavorable

Article additionnel après l’article 7

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Philippe Dominati 138 rect Défavorable

Article 8 (nouveau) Extension des aides du fonds d’amorçage aux communes ayant mis en place des organisations

dérogatoires des rythmes scolaires

Articles additionnels après l’article 8

Auteur N° de l’amendement Avis de la commission

M. Philippe Adnot 47 rect Défavorable

M. André Reichardt 44 rect bis Avis du Gouvernement

M. André Reichardt 43 rect Demande de retrait

M. Jacques Mézard 97 Défavorable

M. Michel Houel 132 Demande de retrait

Mme Françoise Férat 129 Sagesse

M. Vincent Delahaye 158 Défavorable

Mme Valérie Létard 162 Demande de retrait

Mme Nathalie Goulet 171 Favorable

Mme Nathalie Goulet 172 Défavorable

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La réunion est levée à 10 h 09

Loi de finances rectificative pour 2014 – Examen des amendements en vue d’une seconde délibération

La commission procède à l’examen des amendements déposés par le Gouvernement sur les articles premier bis A, premier bis B, premier bis C, premier bis, premier ter et 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, en vue d’une seconde délibération du Sénat.

La réunion est ouverte à 20 h 02

M. Philippe Marini, président . – Mes chers collègues, le Gouvernement a déposé six amendements en vue d’une seconde délibération sur des articles de première partie du projet de loi de finances. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous livrer votre analyse ?

M. François Marc, rapporteur général. – Le premier amendement propose la suppression de l’article premier bis A, introduit à l’initiative de Francis Delattre, qui rétablit les avantages fiscaux et sociaux afférents à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires, pour un coût supérieur à un milliard d’euros.

Le deuxième amendement a pour objet de supprimer l’article premier bis B, adopté à l’initiative de Philippe Dominati, qui réduit de 40 % le montant du droit de timbre pour l’obtention d’un passeport.

Le troisième amendement vise à supprimer l’article premier bis C, introduit par le Sénat à l’initiative de Marie-Noëlle Lienemann, qui crée une réduction d’impôt sur les sociétés en faveur de l’apprentissage pour un coût, là aussi, de l’ordre d’un milliard d’euros.

Le quatrième amendement propose le rétablissement de l’article premier bis, supprimé par le Sénat. Je vous rappelle que cet article confirmait l’exclusion des gains nets réalisés lors de la cession des actions souscrites en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), du champ des abattements applicables aux plus-values mobilières taxées à l’impôt sur le revenu. Pour mémoire, il s’agit, d’une part, de l’abattement proportionnel au titre de la durée de détention et, d’autre part, de l’abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de petites et moyennes entreprises partant à la retraite.

Le cinquième amendement propose de supprimer l’amendement adopté à l’initiative de Jacques Mézard à l’article premier ter, qui prévoit que les entreprises labellisées peuvent recourir à un tiers vérificateur pour attester de l’éligibilité des travaux réalisés à l’éco-prêt à taux zéro des travaux.

Enfin, le sixième amendement tire les conséquences des cinq amendements précédents à l’article d’équilibre.

M. Philippe Marini, président . – Effectivement, l’article d’équilibre tient actuellement compte des votes de notre assemblée en première délibération et il est logique que le Gouvernement demande à présent de tirer les conséquences de ses propositions au sein de cet article. Le Gouvernement a demandé au Sénat de s’exprimer par un vote unique sur

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tous ces amendements ainsi que sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative. Monsieur le rapporteur général, quelle est votre préconisation ?

M. François Marc, rapporteur général. – De manière cohérente avec les positions que j’ai défendues jusqu’à présent, et compte tenu du fait que les votes du Sénat sur lesquels il est proposé de revenir sont intervenus contre l’avis de la majorité que je représente, je préconise à la commission de donner un avis favorable aux amendements déposés par le Gouvernement en vue de la seconde délibération ainsi que sur le texte de la première partie qui résulterait de ces modifications.

M. Philippe Marini, président . – Merci. Personne ne souhaitant plus s’exprimer, je propose que nous passions au vote. Je vous rappelle que si le Sénat rejetait la première partie du projet de loi de finances rectificative ainsi modifié, l’ensemble du projet de loi serait considéré comme rejeté. La discussion s’arrêterait donc.

La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements présentés par le Gouvernement en vue d’une seconde délibération et décide de proposer au Sénat de ne pas adopter la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

La réunion est levée à 20 h 08

Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président. -

La réunion est ouverte à 9 h 35

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 – Examen du rapport pour avis

La commission procède tout d’abord à l’examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. – L’année 2014 sera marquée par un plan de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Le projet de loi de finances rectificative en porte une partie, avec l’annulation de 1,6 milliard d’euros de crédits sur le budget de l’État. Concernant la sécurité sociale, deux mesures d’économie figurent dans le projet de financement rectificative : la diminution de 800 millions d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et la non revalorisation des prestations d’assurance vieillesse, pour un montant de près de 300 millions d’euros. Je rappelle que la réforme des retraites débattue en 2013 avait reporté l’indexation des pensions de retraite du 1er avril au 1er octobre 2014. Elle est ici repoussée au 1er octobre 2015 – étant entendu que seules sont touchées les retraités dont le montant total de pensions est supérieur à 1 200 euros. Le reste des mesures d’économie ne nécessite pas de traduction législative : il s’agit du report de dépenses d’investissement d’avenir, de moindres dépenses de l’Unédic et du fond d’action

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sociale de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), le tout pour un total de 1,3 milliard d’euros.

Venons-en maintenant à un « coup de projecteur » sur l’ONDAM : la sous-exécution, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, constatée en 2013, sera pleinement intégrée à l’ONDAM 2014. Un rebasage de 800 millions d’euros est prévu par le projet de loi de financement rectificative, sachant que 600 millions d’euros avaient d’ores et déjà été pris en compte par la loi de financement initiale. Le dernier avis du Comité d’alerte sur le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie conforte ce choix.

Qu’en est-il des soldes prévisionnels pour 2014 ? Celui du régime de base se dégrade de 200 millions d’euros par rapport aux prévisions, et celui du Fond de solidarité vieillesse (FSV) de 100 millions d’euros. Ce dérapage, en dépit des économies dont je viens de donner le détail, s’explique par une révision à la baisse de 1,7 milliard d’euros des prévisions de recettes pour 2014. Ceci n’est pas imputable aux cotisations, dont les recettes augmenteraient de 400 millions d’euros, ainsi qu’il apparaît dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, mais à de moindres recettes de CSG, pour 400 millions d’euros et à d’autres impôts et taxes affectés, pour 1,7 milliard d’euros, en raison, principalement, d’un moindre rendement des revenus de placement.

Au total, malgré un léger dérapage en 2014, le déficit de la sécurité sociale se réduit : il s’élèverait à 13,6 milliards d’euros contre 16,2 milliards d’euros en 2013. Les efforts entrepris portent leurs fruits, et l’on est désormais loin du déficit historique de 30 milliards d’euros en 2010.

J’en viens aux mesures qui prendront effet en 2015, en commençant par celles du Pacte de solidarité. Les cotisations des salariés du secteur privé, tout d’abord, seront réduites de 3 points au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), avec une dégressivité jusqu’à 1,3 SMIC. Au niveau du SMIC, le salarié paiera 520 euros de charges sociales en moins par an. La mesure bénéficiera à 5,2 millions de salariés. Le coût pour les organismes de sécurité sociale sera de 2 milliards d’euros en 2015.

Pour les fonctionnaires, le dispositif est légèrement différent : la réduction est plus faible au niveau du SMIC (2 points) mais elle s’appliquera de façon dégressive jusqu’à 1,5 SMIC. Au niveau du SMIC, un fonctionnaire paiera donc 330 euros de moins par an et 51 euros pour une rémunération équivalant à 1,5 SMIC. La mesure bénéficiera à 2,2 millions de fonctionnaires, dont l’ensemble des fonctionnaires de catégorie C, 70 % des fonctionnaires de catégorie B et 20 % des fonctionnaires de catégorie A, en début de carrière. Le coût pour l’État sera de 450 millions d’euros en 2015.

J’en arrive aux diminutions de charges des entreprises prévues par le Pacte de responsabilité. Il s’agit, tout d’abord, de la baisse de 1,8 point des cotisations patronales d’allocations familiales, jusqu’à 1,6 SMIC, soit le même champ que la réduction générale de cotisations de sécurité sociale dite « Fillon ». Cette baisse est uniforme et non dégressive. Le taux de cotisation passera ainsi de 5,25 % à 3,45 %. 1,5 million d’employeurs en bénéficieront, pour environ 10 millions de salariés. Le coût de la mesure est estimé à 3 milliards d’euros en 2015.

Vient ensuite la mesure dite « zéro cotisations unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) », annoncée par le président de la République en janvier, et confirmée par le Premier ministre en avril dernier.

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Dans le système dit « Fillon », les réductions au niveau du SMIC, qui portent sur les cotisations d’assurance vieillesse, maladie et d’allocations familiales, représentant 28,25 % de l’ensemble, sont différentes selon la taille de l’entreprise : ces 28,25 points de cotisation sont exonérés à hauteur de 28,1 % jusqu’à vingt salariés et de 26 % au-delà. La réforme proposée, outre qu’elle étend le champ d’application à d’autres cotisations et contributions recouvrées par les URSSAF – étant entendu que sont exclues d’autres prélèvements recouvrés par les URSSAF comme le versement transport et les cotisations d’assurance chômage, qui font l’objet d’une gestion paritaire – prévoit une exonération totale sur le groupe de cotisations retenu, ce qui représente 27,95 points pour les entreprises de moins de vingt salariés et 28,35 points pour les entreprises de plus de vingt salariés. Si l’on y ajoute la baisse de 1,8 point des cotisations famille, l’exonération de cotisations atteint 29,1 points pour les entreprises de vingt salariés et moins, et 30,15 points pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Autrement dit, sur un salaire au niveau du SMIC, une entreprise de moins de vingt salariés, en 2014, dans le système Fillon, était exonérée de 28,1 points, sur un total de cotisations représentant 41,98 % du salaire brut, soit un reste à payer de 13,88 %. En 2015, sur un taux de cotisation qui ne sera plus qu’à 40,18 % du salaire brut, du fait de l’exonération de 1,8 point de cotisation d’allocations familiales, elle sera exonérée de 27,95 points : le reste à payer n’est plus que de 12,23 % – 1,65 point de moins – soit 286 euros par an. Le même raisonnement s’applique pour les entreprises de plus de vingt salariés : le reste à payer est ramené de 18,61 % à 14,46 % – 4,15 points de différence – soit 720 euros sur l’année.

Ce nouveau mécanisme annule l’effet de seuil des exonérations « Fillon », qui défavorisaient les entreprises de plus de vingt salariés et simplifie le système, en exonérant totalement un groupe de cotisations pour l’emploi d’un salarié payé au SMIC. Le coût de la mesure est estimé à 1,4 milliard d’euros. Si l’on y ajoute les 3 milliards d’euros des cotisations d’allocations familiales, cela représente un total de 4,4 milliards d’euros.

Une mesure équivalente est prévue pour les travailleurs indépendants. Il s’agit de la baisse des cotisations d’allocations familiales de 3,1 points jusqu’à 3 SMIC, à quoi s’ajoute une dégressivité jusqu’à 3,8 SMIC, pour un coût estimé à 1 milliard d’euros. La mesure bénéficiera à 82 % des travailleurs indépendants et à 95 % des non-salariés agricoles.

Le pacte prévoit, enfin, une diminution de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) – en vue de sa disparition à l’horizon 2017 – pour un coût avoisinant 6 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros en 2015. Avec un abattement d’assiette de 3,25 millions d’euros, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce montant seront, de facto, imposables, quand le seuil d’entrée dans l’imposition est aujourd’hui fixé à 760 000 euros. La mesure entraînera la diminution de 67 % du nombre d’entreprises redevables, essentiellement des petites et moyennes entreprises (PME).

Pour récapituler, l’ensemble des mesures d’allègement de charges sur les entreprises et les ménages représenteront 8,9 milliards d’euros en 2015, 9,2 milliards d’euros en 2016 et un peu plus de 9,5 milliards d’euros en 2017. Étant entendu que ce collectif ne prend en compte que les mesures relatives à 2015 et que le Pacte de responsabilité prévoit de nouvelles exonérations de charges en 2016, ainsi que la poursuite de l’extinction de la C3S.

M. Philippe Marini, président . – Je vous remercie de cet effort méritoire de clarification. Cependant, ce texte nous invite à réduire les recettes de la sécurité sociale de quelques 9 milliards d’euros, sans que l’on sache comment cela sera financé. Le

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Gouvernement indique que les modalités de compensation seront fixées dans les lois financières pour 2015. Autrement dit, on fait les cadeaux d’abord, on les finance après… Nous aimerions en savoir plus sur le financement de ces 9 milliards d’euros de baisse de charges. Entendez-vous résoudre l’équation en acceptant un déficit plus élevé des comptes publics ? Nous avons bien des détails sur la colonne dépenses, mais rien sur la colonne recettes.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. – Le Gouvernement a annoncé que les mesures de diminution des charges sociales seront compensées par le budget de l’État. Le Pacte de responsabilité, auquel est venu s’ajouter le Pacte de solidarité, sera compensé par le plan d’économies de 50 milliards d’euros, dont nous connaissons la décomposition. Ce sont les lois de finances et de financement de la sécurité sociale à venir qui préciseront comment ce plan sera mis en œuvre pour l’année 2015. Nous connaissons la chronique de ce plan d’économies, qui doit s’étaler jusqu’en 2017. Ce texte prend des mesures auxquelles s’est engagé le Gouvernement, et les lois financières pour 2015 organiseront la compensation. Voilà ce que je peux dire à ce stade.

M. Philippe Marini, président . – Peut-être le rapporteur général complètera-t-il ce propos par une vision macroéconomique. Avec 25 milliards d’euros de diminutions des recettes de l’État ou de la sécurité sociale, il ne reste déjà plus, du plan d’économies de 50 milliards d’euros, que la moitié…

M. François Marc, rapporteur général. – Vous semblez vous interroger, de façon générale, sur la politique du Gouvernement en faveur de la réduction des charges des entreprises. Je vous invite à vous reporter au tableau retraçant l’évolution des déficits de la sécurité sociale depuis 2010, qui devrait vous porter à plus de modestie dans vos appréciations, de même nature que celles que l’on n’a que trop entendues depuis deux jours au Sénat. Il y a là matière à réfléchir pour ceux qui ont été aux commandes jusqu’en 2012.

M. Philippe Marini, président . – Nous avons réduit le déficit de la sécurité sociale de près de 10 milliards d’euros en deux ans.

M. François Marc, rapporteur général. – Nous avons hérité d’une situation très difficile, avec des déficits considérables à tous les étages. Vos appréciations politiciennes ne sont pas de mise.

M. Philippe Marini, président . – À politicien, politicien et demi.

M. François Marc, rapporteur général. – Je voudrais pouvoir répondre à la question dont je ne sais si elle m’est posée par le président de la commission ou par le rapporteur général de l’opposition.

Pendant des années, on vous a entendu dire, avec Jean Arthuis et d’autres, qu’il fallait diminuer les charges des entreprises – et créer une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale – mais vous n’avez jamais pu convaincre votre majorité de le faire. Nous concrétisons ici votre vœu en baissant les charges des entreprises, à hauteur de plusieurs milliards d’euros, pour améliorer leur compétitivité. Je me réjouis de cette évolution. Des engagements ont été pris, ils sont tenus, et ils seront financés.

J’entends des doutes sur les mesures d’économie qui pourraient être prises. Mais vos collègues de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), et ceux du centre, ne

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semblent guère prêts à donner l’exemple, car on vient de les entendre pendant deux jours, en séance publique, plaider pour que certaines économies ne soient pas faites et déposer des amendements pour annuler des mesures touchant à l’État et aux collectivités territoriales, et les commentaires vont déjà bon train concernant les économies sur la sécurité sociale.

D’un côté, vous nous déclarez incapables de mener le budget à l’équilibre, de l’autre vos amis politiques déposent des amendements pour annuler des mesures d’économies… Le Gouvernement fait preuve d’une volonté et d’une responsabilité que je salue ; je comprends mal votre logique politicienne, qui ne va qu’à mettre en doute sa capacité à faire face aux exigences du présent, nées d’une situation dont on sait à qui on la doit.

M. Philippe Marini, président . – Il serait certes plus simple que l’opposition fût muette. Restons modérés dans nos propos. Je n’ai pas contesté, à ce stade, ces 9 milliards d’euros d’allègements de prélèvements. Je m’interroge cependant sur les possibles effets de seuil qui pourraient résulter des réductions de charges qui nous sont proposées.

Sans jouer au shadow rapporteur général, je me contenterai de rappeler que notre endettement atteint 96 % du produit intérieur brut (PIB), bien au-delà des 90 % estimés il y a deux ans, et que vous annoncez un plan d’économies de 50 milliards d’euros, mais réduisez, dans le même temps, les recettes de 25 milliards d’euros !

M. François Trucy. – La France est engagée pour longtemps dans un processus de diminution de son train de vie. Il y a de bonnes nouvelles dans ce texte, pour l’emploi et le pouvoir d’achat, mais son coût est très élevé et j’aimerais, au-delà des utiles clarifications que nous a apportées le rapporteur, le situer dans un contexte plus général. On sait combien ce contexte est difficile; quel sera, demain, l’effet de ces mesures sur la dette ? Le rapporteur général nous dit que le budget de l’État y pourvoira… Cela me rappelle Le sapeur camembert de mon enfance, sans cesse occupé à combler un trou en creusant un autre trou.

Il faut être clair. On ne pourra éviter d’énormes réductions de dépenses dans le domaine de la santé, qui toucheront aussi bien les honoraires que les remboursements. La « chasse au gaspi » a déjà commencé, mais il faudra aller plus loin. Les montants en jeu sont plus importants que le budget de l’État, c’est dire qu’aucune décision ne sera sans douleur.

M. Roger Karoutchi. – Sans entrer dans la polémique, je n’ai pas vu notre rapporteur général, quand il était dans l’opposition, s’offusquer des attaques frontales des groupes de gauche. Vous n’hésitiez pas, alors, à nous demander des précisions. Si l’opposition ne peut plus demander un minimum de comptes… J’ai souvenir d’un certain budget pour 2012, voté par un Sénat passé à gauche, qui différait de plusieurs milliards d’euros de celui qu’avait préparé le Gouvernement : je n’ai entendu personne dire que c’était irresponsable ni scandaleux. Rien ne sert de se traiter de politiciens dès que l’on est en désaccord.

Je partage l’opinion de François Trucy. Je remercie Jean-Pierre Caffet de sa présentation synthétique, mais il est vrai que face à ces allègements de charges, qui vont dans le bon sens, il n’y a rien pour compenser. On nous dit que le Gouvernement y pourvoira, mais comment, alors que les recettes fiscales et la croissance sont moindres que prévu ? Comment seront financées ces mesures, sinon par une hausse des impôts ? L’expédient qui consiste à rayer d’un trait de plume les dotations aux collectivités locales n’aura qu’un temps. Il ne sert à rien de rendre des marges aux entreprises si c’est pour les reprendre par l’impôt. Le Gouvernement précédent a réduit en deux ans, entre 2010 et 2012, les déficits de la sécurité sociale de 10 milliards d’euros. J’observe qu’à l’heure actuelle, la seule certitude que nous

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avons, pour la période 2012-2014, porte sur quelque 5 milliards d’euros d’économies seulement. Le pays va mal. Nous ne demandons rien d’autre qu’un effort de clarification et de transparence sur le financement des dépenses.

M. Jean Germain. – Je remercie Jean-Pierre Caffet d’avoir conduit cet exercice difficile. La politique du Gouvernement est combattue de toutes parts, certains considérant que les économies sont insuffisantes, d’autres qu’elles se font sur le dos des travailleurs. Nous sommes entrés dans une période de renouvellement, difficile, qui exigera des changements, aussi bien à gauche qu’à droite, et demandera plusieurs années. Il s’agit pour nous de changer la politique de la gauche en matière économique et sociale, et d’y trouver une adhésion. Sur le Pacte de solidarité et de responsabilité, la conférence sociale, toutes les rigidités s’expriment. Il y a dans l’économie une part de psychologie, et cela vaut pour les chefs d’entreprise comme pour les salariés.

Je suis, profondément, un social-démocrate, et j’estime que les décisions du Gouvernement, vilipendées par les uns et les autres, sont courageuses. On sait qu’il faudra prendre des mesures sur les prestations pour trouver des économies, en essayant d’être justes et d’éviter les abus. Le ministre du budget a indiqué qu’il annoncerait, d’ici quelques semaines, un certain nombre de décisions.

Il est courageux, au lieu de s’engager dans une relance par la consommation, de garder l’œil fixé sur le déficit commercial. J’espère que cette politique aura des résultats, et que les rumeurs changeront de camp.

M. Philippe Marini, président . – J’admirais votre modération, mais in cauda venenum… La controverse porte, en définitive, sur la gestion du temps. On dit ici ce qui agrée, et l’on reporte l’annonce des économies à faire sur les prestations. Il reste, pour l’heure, que ces 9 milliards d’euros ne viendront pas réduire la dette. Quand on présente un plan, il est curieux de remplir une colonne et de laisser l’autre en blanc.

M. Philippe Adnot. – Je remercie le rapporteur de la clarté de son exposé, mais il n’en reste pas moins que les baisses de cotisations proposées poseront un problème d’effet de seuil. Il est paradoxal qu’une entreprise qui crée de l’emploi voie ses charges s’aggraver. Il faudra un jour avoir le courage de regarder le problème en face.

Le rapporteur général a évoqué la TVA sociale. Vous préférez faire financer votre politique par les contribuables et les collectivités locales. La TVA sociale présentait l’avantage de faire contribuer, plutôt que les Français, les produits importés, et je regrette que la droite ne s’y soit ralliée que dans ses trois derniers mois. La décision eût-elle était prise plus tôt qu’elle aurait perduré.

Les dépenses de santé vont inévitablement croître, d’autant que les dernières mesures annoncées, notamment sur le ticket modérateur, y poussent. Les départements assument une lourde charge, avec le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), et j’en passe. Vous pouvez toujours baisser nos dotations, mais viendra un moment ou nous ne pourrons plus faire face à ces dépenses obligatoires et je vous le dit, je ne suis personnellement pas disposé à lever des impôts supplémentaires pour les financer, et je ne le ferai pas. Si l’on continue ainsi, il n’y aura plus d’investissement, plus de TVA dans les caisses de l’État, et davantage de chômage.

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M. Dominique de Legge. – Ces débats animés militent pour une approche globale du budget de l’État et du budget de la sécurité sociale, faute de quoi, l’incompréhension persistera.

J’ai une question très factuelle, sur les moindres dépenses du fond d’action sociale de la CNAF ici prévues : comment l’interpréter au regard des déclarations du Gouvernement sur les rythmes scolaires il y a quelques semaines, qui assurait que ce fond serait mobilisé ?

Quant à la réduction de cotisations sociales des fonctionnaires, je déplore que le budget de la sécurité sociale soit appelé à contribuer à ce qui relève des dépenses de l’État. C’est prendre les choses à l’envers que de diminuer les recettes de la sécurité sociale pour éviter d’aborder la question du point d’indice.

M. Vincent Delahaye. – Je me réjouis du changement que je constate dans la façon de procéder. J’ai toujours été opposé à la tentation, à laquelle y compris le Gouvernement d’avant 2012 a pu céder, de réduire le déficit par l’augmentation de la fiscalité. Vous avez compris, le Pacte de responsabilité en témoigne, que la réduction du déficit doit passer par une diminution de la dépense et une baisse du coût du travail ; même si vous n’assumez pas totalement cette politique de l’offre, puisque vous avez jugé utile de présenter un Pacte de solidarité, au motif de donner un coup de pouce. Si bien que je me pose des questions. Nous ne sommes pas là pour faire plaisir, mais pour redresser la situation. Les mesures du Pacte de solidarité s’appliqueront-elles au 1er janvier 2015 ou plus tôt ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur. – Elles s’appliqueront au 1er janvier 2015.

M. Vincent Delahaye. – Les cotisations des fonctionnaires sont inférieures à celles des salariés du privé : pourquoi les baisse-t-on ? D’autant qu’avec l’indemnité de garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), les fonctionnaires n’ont rien perdu.

À partir de 2015, vous prévoyez un rythme de réduction du déficit sensiblement plus rapide que celui enregistré depuis 2012, tout en diminuant les recettes, et en annonçant que l’État compensera. Vous vous fondez, de surcroît, sur une hypothèse très optimiste d’évolution de la masse salariale de 3,5 % par an, de la même manière, que pour la réforme des retraites, où vous tabliez sur un taux de chômage à terme de 4,5 %.

Dernière observation, enfin. Quand on veut réduire le coût du travail pour renforcer la compétitivité des entreprises, est-il bon de cibler les seuls très bas salaires jusqu’à 1,6 SMIC ? On a vu le problème avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui profite pour moitié à des entreprises hors de la sphère de la concurrence internationale. Pourquoi laisser hors du champ du dispositif les emplois très qualifiés, directement confrontés à une forte concurrence sur le marché international ? Au lieu de quoi vous incitez les entreprises à embaucher sous 1,6 SMIC, au risque de tirer les salaires vers le bas.

Mme Nicole Bricq. – Le rapporteur général a été, à mon sens, très modéré. Nous avons assisté hier, en séance, à un débat à front renversé. Le Gouvernement propose des mesures d’économie, et vous votez une disposition qui aggrave les déficits ! On se demande ce qu’il en sera dans le débat sur ce texte, la semaine prochaine… Oui, votre réaction est politicienne. Roger Karoutchi a raison d’appeler à éviter les démarches partisanes, car nous sommes tous concernés. Christian Eckert a clairement indiqué hier qu’il proposerait une répartition des économies à réaliser dans le projet de loi de finances pour 2015, dont nous

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connaîtrons très vite les grandes lignes. Calmez donc vos impatiences et laissez le Gouvernement opérer ses arbitrages. Je sais bien que la charge de la preuve repose sur le Gouvernement, mais lorsque l’on vous a demandé, hier, comment l’un, François Fillon, entendait parvenir aux 100 milliards d’économie qu’il préconise, ou comment l’autre, Jean-François Copé, au nom de l’UMP…

M. Philippe Marini, président . – Je vous en prie ! Ne mettez pas en cause François Fillon ou Jean-François Copé, ils n’étaient pas dans l’hémicycle hier !

Mme Nicole Bricq. – Il serait pourtant utile que nous ayons ce débat sur nos propositions respectives, même si c’est à nous qu’il revient de mettre en œuvre les nôtres.

Vincent Delahaye a raison d’évoquer la compétitivité des entreprises. Il y a eu un arbitrage du Gouvernement, parce qu’il fallait privilégier l’emploi. L’effet de seuil, monsieur Adnot ? Mais voyez ce qui est ressorti hier de la conférence sociale : le sujet est explicitement sur la table. Tout cela témoigne de nos efforts pour répondre à une conjoncture qui oblige à des équations très difficiles.

M. Philippe Marini, président . – Je reviens en quelques mots sur le débat de ces deux derniers jours dans l’hémicycle, car vous avez l’écoute très sélective. Qu’a fait l’opposition dans l’hémicycle ?

Mme Nicole Bricq. – Elle a contesté ce qu’elle avait elle-même préconisé !

M. Philippe Marini, président . – Ne faites pas les questions et les réponses car c’est le propre du totalitarisme. Un minimum d’écoute est nécessaire en démocratie.

Nous avons voté contre l’article premier, qui prévoyait une baisse non financée de l’impôt sur le revenu, pour 1,2 milliard d’euros. Et nous sommes parallèlement revenus à la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est un mécanisme équilibré. L’intérêt socio-économique de cette détaxation est, de notre point de vue, supérieur à celui de la baisse du barème de l’impôt sur le revenu. Ne caricaturez pas !

Mme Nicole Bricq. – Vous oubliez le coût in fine.

M. Philippe Marini, président . – Vous avez été rapporteur général et connaissez les contraintes de la Constitution et de son article 40. L’opposition est tenue à des votes qui ont un caractère assez formel. Ne nous caricaturez pas en prétendant que nous voulons dégrader le solde, alors que c’est le contraire. Je vous ai indiqué quelle était notre démarche politique, elle est cohérente.

Pour le reste, vous ne nous en voudrez pas de ne pas faire confiance à ce Gouvernement, qui n’en est pas à une contradiction près. Vous ne pouvez pas nous reprocher d’être préoccupés par la question de la dette. Si par malheur, les taux d’intérêt se tendent, cela en sera fini de toute possibilité d’allouer des moyens publics dans l’intérêt général. C’est là une lourde menace. Annoncer des dépenses sans compensation est périlleux. Notre réaction n’a rien de politicien.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur. – Je réponds à Dominique de Legge que la moindre dépense prévue pour le fonds social de la CNAF correspond à une économie constatée en 2013, et dont tout indique qu’elle sera reconduite en 2014. Elle participe de

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l’effort du Gouvernement pour ramener le déficit à 3,6 % du PIB, conformément à ce qui a été voté en loi de finances initiale.

Pour répondre aux habituelles questions sur les fonctionnaires, je rappelle tout d’abord que l’augmentation de leur pouvoir d’achat a été inférieure à celle des salariés du privé. J’ajoute que la diminution de leurs cotisations n’aura pas d’impact sur les comptes de la sécurité sociale, puisque cela relève de la sphère de l’État, et que c’est le budget de l’État qui compensera. N’oublions pas, enfin, que le point d’indice est figé depuis quatre ans.

M. Vincent Delahaye. – Mais il y a la GIPA.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. – L’économie française, souffre d’un problème de rigidité des salaires. Au cours des dix dernières années, si l’on excepte 2009, le salaire moyen par tête a engrangé des gains de pouvoir d’achat considérables, qui dépassent, certaines années, les gains de productivité. Au point que l’on peut se demander si les mesures du Pacte de responsabilité ne seront pas compensées par ces gains de pouvoir d’achat, constatés sur le long terme. C’est un problème que tout le monde reconnaît : les salaires ne réagissent que faiblement, en France, au taux de chômage. D’où une différence considérable entre l’évolution du pouvoir d’achat des salariés du privé en activité et celle des fonctionnaires. Il n’est pas illégitime, alors que le point d’indice est gelé depuis quatre ans, de faire un geste en leur faveur – qui ne rattrapera d’ailleurs pas la différence qui s’est creusée avec le privé. Il n’y a pas là de clientélisme, mais un souci d’équilibre social. Que les fonctionnaires bénéficient d’une garantie de l’emploi n’est pas une raison pour geler indéfiniment leur traitement.

Vous avez évoqué le CICE, en vous interrogeant sur son ciblage. Je rappelle qu’il va jusqu’à 2,5 SMIC. Il est vrai qu’il y a débat sur son ciblage, et sur le champ salarial qu’il devrait couvrir. La proposition de Louis Gallois allait d’ailleurs jusqu’à 3 SMIC. Est-il préférable de cibler les hauts salaires, ou le salaire moyen, jusqu’à 2,5 SMIC ? Le Gouvernement a arbitré, en faveur de l’emploi.

M. Vincent Delahaye. – Moyennant quoi, la grande distribution en bénéficie, quand c’est l’industrie qu’il faudrait favoriser.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. – Si le CICE avait été ciblé sur l’industrie, cela n’aurait pas nécessité une dépense de 20 milliards d’euros. C’est un ciblage plus large qui a été retenu, en faveur de l’emploi. Nombre d’économistes s’accordent à considérer que les effets sur l’emploi des baisses de charges sociales sont plus importants au niveau des bas salaires.

Dans le nouveau système d’allègements, Philippe Adnot, les effets de seuil disparaissent au niveau du SMIC. C’est dans le système actuel qu’il y a un effet de seuil : les entreprises de plus de 20 salariés sont défavorisées, parce que l’exonération est moins importante, alors qu’elles payent plus de cotisations. Ici, l’exonération est totale au niveau du SMIC sur une part des cotisations, quelle que soit la taille de l’entreprise.

Pour le reste, le Gouvernement a pris des engagements, avec le Pacte de responsabilité. Ils sont traduits dans la loi, pour l’année 2015. Nous reprocher de ne pas inscrire ici les modalités de la compensation, c’est nous faire un procès d’intention. Il est vrai que c’est devenu une habitude que d’accuser la gauche d’une propension à dépenser, à accumuler les déficits. Nous verrons, Roger Karoutchi si, comme vous le pressentez, les

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baisses de charges seront compensées par des hausses d’impôts. Je vous donne rendez-vous lors de l’examen des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Ce Gouvernement diminue les charges des entreprises dans des proportions jamais atteintes...

M. Francis Delattre. – C’est faux !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. – J’observe, enfin, qu’entre 2010 et 2011, le déficit de la sécurité sociale n’a été ramené que de 30 à 23 milliards d’euros, alors que la croissance était largement positive, de 2,0 % en 2010 et 2,1 % en 2011. Que chacun balaye devant sa porte.

M. Philippe Marini, président . – On peut toujours interpréter un tableau. J’observe, pour ma part, que le déficit a été réduit de 10 milliards d’euros entre 2010 et 2012. Et qu’entre 2011 et 2013, la réduction des déficits a suivi une droite, que vous brisez, dans vos prévisions, à partir de 2015. Comment y croire ? Pour ma part, je considère que la droite se prolongera.

M. Jean Germain. – Prolonger la droite, c’est dans votre culture.

M. François Marc, rapporteur général. – Un mot sur le CICE. Nous avons fait un choix, afin de privilégier à la fois la compétitivité et l’emploi. On nous a fait, là aussi, un procès d’intention : le coût serait de 20 milliards d’euros, comment serait-il financé ? La montée en puissance se fait au rythme prévu, avec les trois ressources prévues : la TVA, dont les taux ont été révisés le 1er janvier, et dont nous avons beaucoup débattu, la fiscalité écologique, avec la mise en place de la contribution énergie-climat, qui va monter en puissance de façon importante dès l’année prochaine. Il y a aussi les économies, pour l’État comme pour les collectivités territoriales.

M. François Marc, rapporteur général. – … Cela est difficile, et vous l’avez bien marqué en séance. Il faudra aussi faire des économies, et ce ne sera pas facile non plus, sur la sécurité sociale. Ceci pour dire que nous avions pris des engagements, et que nous les avons tenus.

M. Francis Delattre. – Sur le CICE, nous nous étions expliqués dès le départ. Ce que nous critiquions, ce ne sont bien évidemment pas les allègements de charges, mais le fait que l’effet soit différé dans le temps. Alors que la TVA sociale devait s’appliquer dès octobre 2012, le mécanisme du CICE fonctionne avec un effet différé dans le temps. Nous critiquions aussi le ciblage : à quoi bon faire entrer dans le champ de la mesure des entreprises comme celles de la grande distribution ou la banque postale ? Nous critiquions, enfin, le fait que la banque publique d’investissement (BPI) fasse les avances.

Vous avez supprimé la TVA sociale par pur dogmatisme, mais nombreux sont ceux qui parmi vous reconnaissent, individuellement, que c’était la meilleure chose à faire.

M. Philippe Marini, président . – Il est temps de passer au vote.

La commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

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Moyens de la sécurité civile, l’exemple de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n° 7 (UIISC7) - Contrôle budgétaire –

communication

La commission entend ensuite une communication de M. François Trucy, rapporteur spécial, sur les moyens de la sécurité civile, l’exemple de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n° 7 (UIISC7).

Le compte-rendu de cette audition sera publié ultérieurement.

Retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique d’État - Contrôle budgétaire – communication

La commission entend enfin une communication de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique d’État .

Le compte rendu de cette audition sera publié ultérieurement.

Jeudi 10 juillet 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 10 h 40

Loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte

paritaire

La commission soumet au Sénat la candidature de MM. Philippe Marini, Jean Germain, François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Francis Delattre et Vincent Delahaye comme candidats titulaires, et de MM. Michel Berson, Yannick Botrel, Philippe Dallier, Eric Doligé, François Fortassin, Roger Karoutchi et Richard Yung comme candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013.

Organisme extra-parlementaire – Nomination

La commission nomme M. Jean Germain, titulaire, et M. Francis Delattre, suppléant, pour siéger au sein du Comité national d'orientation et de suivi du fonds de soutien créé par l'article 92 de la loi de finances pour 2014.

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Désignation de rapporteur

La commission nomme Mme Michèle André rapporteure sur le projet de loi autorisant l’approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA »).

Mme Nicole Bricq. – Quel sera le calendrier de l’examen de ce texte ?

M. Philippe Marini, président . – Nous examinerons le texte jeudi prochain en commission. Michèle André dispose d’une semaine pour élaborer son rapport.

Mme Michèle André. – Nous avons déjà beaucoup avancé sur la question, et beaucoup appris lors du déplacement du bureau de la commission aux États-Unis l’année dernière et durant les auditions récentes.

M. Philippe Marini, président . – Nous examinerons le projet de loi mardi 22 juillet en séance publique.

Loi de règlement pour 2013 et débat d’orientation des finances publiques pour 2015 - Examen du rapport et du rapport d’information

La commission procède ensuite à l’examen des rapports de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 et sur l’orientation des finances publiques.

M. Philippe Marini, président . – Il me semble de bonne méthode d’entendre les rapports de François Marc à la fois sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 et sur le débat d’orientation des finances publiques pour 2015.

M. François Marc, rapporteur général. – Nous allons examiner l’exercice 2013 au regard de la trajectoire des finances publiques. Les comptes nationaux, publiés par l’INSEE en mai, font apparaître que la croissance du produit intérieur brut (PIB) est restée faible en 2013 : 0,3 %, comme en 2012. Ce taux est inférieur à celui anticipé dans la loi de finances pour 2013 : 0,8 %.

Cette croissance a toutefois constitué une « bonne surprise » car la progression de l’activité au cours de l’année est longtemps restée incertaine : dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017, présenté en avril 2013, le Gouvernement a ramené sa prévision de croissance à 0,1 %. Le Consensus Forecast prévoyait, à cette date, un recul de l’activité de 0,1 %, révisé à 0,3 % en juin.

À la suite du rebond de l’activité au deuxième trimestre, les anticipations de croissance ont été révisées à la hausse. Bref, les incertitudes macroéconomiques ont rendu complexe le pilotage des finances publiques et le Gouvernement a conservé une hypothèse de croissance prudente dans le collectif budgétaire de décembre 2013. Sur l’année, notons-le, les prévisions de macroéconomistes distingués ont grandement fluctué...

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Les prix ont fortement ralenti en 2013 : la progression a été de 0,9 % contre 2 % en 2012 et une hypothèse de 1,8 % en loi de finances initiale. À l’exception de 2009, il s’agit de la plus faible inflation constatée depuis 1999. Cette sous-évaluation a eu une incidence forte sur la trajectoire des finances publiques : un écart de 1,3 point de PIB entre le déficit effectif de 4,3 % et l’objectif de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, qui était de 3 %. Un écart important a également été observé pour le déficit structurel, qui s’est établi à 3,1 % du PIB, soit un écart de 1,5 point avec la programmation.

C’est un « écart important » au sens de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Il a déclenché le mécanisme de correction budgétaire, qui oblige le Gouvernement à en exposer les raisons lors de l’examen du projet de loi de règlement, à proposer des mesures de correction dans le rapport sur les orientations des finances publiques, et enfin à en tenir compte dans les projets de loi de finances et de financement suivants.

Selon le Gouvernement, l’écart constaté en 2013 s’explique d’abord par le contexte macroéconomique dégradé : en dépit d’un effort structurel que la Cour des comptes a qualifié de « considérable » (1,5 point de PIB), le solde structurel ne s’est amélioré que de 1,1 point en 2013, le rendement de l’effort ayant été atténué par le recul de l’élasticité des recettes publiques. L’écart constaté provient pour 0,6 point des révisions apportées aux résultats des exercices 2012 et 2013. Les recettes ont progressé moins vite que l’activité économique, ce qui explique 0,5 point d’écart. L’élasticité des prélèvements obligatoires a été sensiblement inférieure à la prévision. Le rendement plus faible qu’attendu des mesures nouvelles en recettes en 2013 expliquerait l’écart à hauteur de 0,15 point. Enfin, l’effort structurel en dépenses a été inférieur de 0,3 point à la prévision, en raison de la faible inflation.

Alors que la loi de programmation des finances publiques retenait une prévision de déficit de 3 % du PIB en 2013, l’article liminaire du projet de loi de règlement fait apparaître un déficit effectif – au sens du traité sur l’Union européenne – de 4,3 %. L’objectif d’un retour à 3 % en 2013 correspondait aux orientations fixées par le Conseil de l’Union européenne dans le cadre de la procédure de déficit excessif. Toutefois le Conseil, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l’économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde [sa] recommandation de 2009 », a décidé le 21 juin 2013 de prolonger jusqu’à 2015 le délai pour corriger le déficit excessif.

Dans ces conditions, l’enjeu d’un retour du déficit effectif à 3 % en 2013 doit être relativisé, d’autant qu’une politique budgétaire très restrictive aurait eu des conséquences fortement pro-cycliques. Un net redressement des comptes publics a néanmoins été mené depuis 2012.

M. Francis Delattre. – On ne le dirait pas, au vu du déficit de 4,2 % présenté dans votre tableau. Du reste, est-ce 4,2 % ou 4,3 % ? Le chiffre varie.

M. François Marc, rapporteur général. – Cela est dû au changement de référentiel comptable de l’INSEE. Entre 2011 et 2013, le déficit effectif des administrations publiques a été ramené de 105 à 89,5 milliards d’euros, dans une conjoncture particulièrement dégradée. Le niveau encore élevé du déficit public est indissociable du point de départ élevé de la trajectoire : 7,1 % en 2009 et encore 5,1 % en 2011. La même remarque

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peut être formulée pour le déficit structurel qui approchait alors 5 %. L’amélioration de la situation des finances publiques sera néanmoins poursuivie dans les années à venir.

J’en viens à présent à l’exécution du budget de l’État en 2013.

Hors programme d’investissements d’avenir (PIA), le déficit budgétaire s’est établi à 74,87 milliards en 2013, soit 12,28 milliards de moins qu’en 2012 : l’amélioration est continue depuis 2009. Il a cependant été supérieur de 12,56 milliards à la prévision initiale, sous l’effet notamment d’une faible croissance économique et d’une élasticité nettement négative des recettes fiscales.

Les objectifs ambitieux de réduction du déficit budgétaire ont été révisés dès la présentation en avril du programme de stabilité 2014-2017. On ne peut donc faire un procès en manque de sincérité au Gouvernement, qui a procédé à un ajustement au fur et à mesure des données qu’il enregistrait, et qui nous en a tenus informés.

Le taux de couverture des dépenses du budget général par les recettes est passé de 70,6 % à 75,9 %. Mais, comme pour le déficit, nous sommes loin de retrouver les niveaux d’avant 2007, proches de 85 %.

Le besoin de financement de l’État s’est établi en 2013 à 186,3 milliards d’euros, en diminution de 2,3 milliards. Il a cependant dépassé les prévisions de 14,5 milliards d’euros, sous l’effet d’un déficit budgétaire plus important que prévu et de la reprise de dette de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Fin 2013, l’encours de la dette négociable de l’État s’élevait à 1 457 milliards d’euros, en hausse de 71 milliards d’euros par rapport à 2012.

Les recettes fiscales nettes ont enregistré une croissance inférieure aux prévisions : 284 milliards d’euros, soit 14,6 milliards d’euros de moins que prévu, mais en hausse de 15,6 milliards d’euros par rapport à 2012. Cette augmentation est exclusivement liée aux mesures nouvelles (20,2 milliards d’euros) compensant une évolution spontanée négative des impôts de 4,6 milliards d’euros. Le rendement attendu de ces mesures n’a été atteint que grâce à l’adoption de mesures supplémentaires en loi de finances rectificative, ainsi qu’aux différences avec les prévisions de la LFI pour plusieurs contentieux fiscaux.

Quelques mots de l’élasticité des recettes fiscales par rapport au PIB : la loi de finances pour 2013 l’avait estimée à 1,2, comme la moyenne observée sur la période précédente ; or, on a constaté une élasticité négative de 1,6. Cet écart est le plus important depuis 2009. Sont en cause, notamment, les décalages temporels entre l’imposition et l’évolution des produits imposables à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés ; des changements de comportement des acteurs économiques ; des effets de structure, comme la hausse de la part des produits soumis au taux réduit de TVA dans la consommation des ménages. Plusieurs de ces facteurs, comme les changements de comportement, sont manifestement difficiles à intégrer dans les modèles de prévision.

Les dépenses de l’État sont soumises aux normes « zéro volume » et « zéro valeur », durcies au cours des dernières années et renforcées par l’inclusion de dépenses jusqu’ici non prises en compte. Ces normes ont été plus que respectées en 2013. La performance sans précédent sur la norme « zéro volume », les dépenses ayant été inférieures de 3,45 milliards d’euros aux prévisions de la LFI, résulte d’une stricte maîtrise de l’exécution des crédits, d’une charge de la dette inférieure de 2,01 milliards d’euros aux prévisions et

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d’une économie de 1,3 milliard d’euros sur les pensions grâce à une moindre revalorisation des pensions et de départs en retraite moins nombreux que prévu.

Le premier président de la Cour des comptes nous a signalé il y a quelques jours que « la dépense a été globalement maîtrisée ». Il a ajouté que « cela n’est pas remis en cause par les observations de la Cour relatives aux opérations ayant facilité le respect de la norme de dépense. On est plutôt sur le chemin du progrès, mais nous sommes perfectionnistes et nous voulons que ces progrès continuent ». Ce n’est pas un satisfecit, mais cela s’en rapproche…

M. Philippe Marini, président . – Le verre est à moitié plein.

M. François Marc, rapporteur général. – Quant aux dépenses de personnel, hors pensions, l’exécution 2013 a été marquée par une baisse exceptionnelle d’environ 90 millions d’euros par rapport à 2012 à périmètre constant. La non revalorisation du point d’indice de la fonction publique, la maîtrise des mesures catégorielles et l’effet du schéma d’emplois ont conduit à cette diminution exceptionnelle.

La charge de la dette de l’État s’est établie à 44,9 milliards d’euros en 2013, en baisse de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2012. L’effet volume résultant de l’augmentation de l’encours de la dette de 2 milliards d’euros a été plus que compensé par la faible inflation, qui a entraîné une moindre charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation, et par le niveau très bas des taux d’intérêt, expliquant une réduction de 1,7 milliard d’euros de la charge de la dette.

M. Philippe Marini, président . – Mon meilleur ami, c’est la finance…

M. François Marc, rapporteur général. – Vous trouverez dans mon rapport des développements sur la performance des politiques publiques. On observe une évolution positive pour 49 % des indicateurs, une détérioration pour 41 % d’entre eux – là aussi, le verre est moitié vide ou à moitié plein, cher président...

Ce résultat global masque toutefois de grandes disparités entre les missions : ainsi, moins de 20 % des indicateurs de la mission « Médias, livre et industries culturelles » se sont améliorés en 2013.

Je ferai dans mon rapport plusieurs recommandations, visant pour l’essentiel à stabiliser les cibles et les dispositifs de performance afin d’apprécier la performance sur moyen terme, et à développer le benchmarking des différentes missions au regard des indicateurs transversaux relatifs, par exemple, à la gestion de l’immobilier, des ressources humaines ou des moyens informatiques. Nos rapporteurs spéciaux poursuivent ce travail dans le cadre notamment de leurs missions de contrôle.

M. Philippe Marini, président . – J’ai rarement entendu un rapport aussi intéressant sur une loi de règlement. Il vous est même arrivé de faire preuve d’une grande objectivité, n’hésitant pas à parler pour expliquer le schéma d’emplois de « l’effet en année pleine des suppressions d’emplois décidées en 2012 par l’ancienne majorité et à des créations d’emplois inférieures aux prévisions en 2013 », montrant ainsi que la maîtrise des finances publiques repose nécessairement sur la continuité : ce sont des évolutions lentes et lourdes qu’il faut s’efforcer de contrôler.

Vous nous apporterez je n’en doute pas quelques précisions sur le tableau de financement, document clef pour l’appréciation des comptes publics : il présente un besoin de

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financement de 186,3 milliards d’euros, supérieur de 14,5 milliards à la prévision en loi de finances initiale, principalement en raison de l’accroissement du déficit budgétaire. L’aspect ressources appellera davantage de commentaires : comment a-t-on fait face à ces 14,5 milliards d’euros de besoins supplémentaires ? Vous nous expliquerez probablement que l’État a émis 7,5 milliards d’euros de bons du Trésor à taux fixe (BTF) de plus que les prévisions de la LFI, en tirant profit de taux d’intérêt exceptionnellement bas. Mais qu’en est-il de la variation de 10,4 milliards du solde du compte du Trésor par rapport aux prévisions de la LFI ? Comment intervient le programme d’investissements d’avenir dans l’équilibre de ce tableau ?

Après cet intermède en partie destiné à vous laisser reprendre votre souffle, je vous rends la parole, monsieur le rapporteur général, pour votre rapport d’information sur les orientations des finances publiques.

M. François Marc, rapporteur général. – Ce débat d’orientation des finances publiques a vocation à préparer l’examen des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Mais comment ne pas évoquer en premier lieu les enjeux de l’automne 2014 ? Ils comprennent l’examen d’une nouvelle loi de programmation et l’adoption des mesures qui permettront le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015, conformément aux engagements européens de la France.

M. Aymeri de Montesquiou. – Vous y croyez ?

M. François Marc, rapporteur général. – C’est l’ambition que nous partageons tous. L’article 3 de la loi organique du 17 décembre 2012 sur la programmation et la gouvernance des finances publiques dispose que les lois de programmation couvrent une période d’une durée minimale de trois années. Les dispositions non permanentes de l’actuelle loi de programmation portent sur une période de cinq ans, de 2012 à 2017. Néanmoins, la programmation relative au budget de l’État ne concerne que trois années, dont la dernière – 2015 – n’a qu’une portée indicative. Une nouvelle loi de programmation doit donc être adoptée afin d’actualiser la programmation triennale pour 2015-2017. Devraient également être modifiées les hypothèses de PIB potentiel et de croissance, sur lesquelles repose la trajectoire de solde structurel. Elles seront pour la première fois examinées par le Haut Conseil des finances publiques. Le débat engagé autour de l’article liminaire de la loi de finances rectificative pourra alors être repris ; si une révision de ces hypothèses devait intervenir dans la prochaine loi de programmation, cela pourrait affecter la trajectoire de solde structurel.

Dans son rapport sur l’évolution de l’économie nationale et les orientations des finances publiques, le Gouvernement réaffirme son objectif d’un retour à un déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015. Le prolongement du délai était accompagné de recommandations du Conseil comprenant des cibles de déficit effectif et des objectifs d’ajustement du solde structurel. Le Gouvernement a donc relevé l’effort structurel, pour 2014 et 2015, de 0,5 à 0,8 point de PIB. L’effort prévu pour 2014 a été précisé lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Celui prévu en 2015 représentera 21 milliards d’euros en dépenses. Serait ainsi réalisée une part importante du plan d’économies de 50 milliards d’euros.

Le rapport confirme pour 2015-2017 les hypothèses du programme de stabilité 2014-2017, le plan de 50 milliards d’euros d’économies ainsi que la baisse des prélèvements obligatoires, grâce à la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

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(CICE) et du pacte de responsabilité et de solidarité. Il indique que le déficit effectif s’élèverait à 1,3 % du PIB en 2017.

Le document tiré à part indique que « le Gouvernement veillera en particulier à ce que les priorités en matière d’investissement public permettent de financer la croissance de demain ». La mission du Fonds monétaire international (FMI), dite de « l’article IV », a appelé, en juin dernier, à la simplification et au renforcement de la gouvernance budgétaire européenne, estimant que le pacte de stabilité et de croissance était susceptible de décourager l’investissement public. Le Président du Conseil italien, Matteo Renzi, et le président François Hollande ont, eux, insisté sur la nécessité de favoriser l’investissement public en utilisant les « flexibilités » du pacte de stabilité et de croissance.

Une solution équilibrée doit être trouvée afin de poursuivre le redressement des comptes publics, pour préserver la crédibilité de la zone euro et de l’Union européenne, sans empêcher les investissements qui nourriront la croissance potentielle. Or, jusqu’à présent les ajustements budgétaires dans la zone euro se sont faits essentiellement au détriment de l’investissement public, les dépenses de fonctionnement présentant une certaine inertie et les prestations sociales jouant un rôle de stabilisateur conjoncturel. Si la part de la formation brute de capital fixe (FBCF) dans le PIB est demeurée à peu près stable en France et en Allemagne, elle a reculé en Italie et dans tous les pays bénéficiant des programmes européens d’assistance financière, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et Chypre.

La part de la dépense publique dans le PIB a augmenté dans la zone euro, en particulier sous l’effet des plans de relance. La stabilisation budgétaire s’est donc faite principalement au détriment de l’investissement des administrations publiques. La FBCF est la seule dépense publique à avoir reculé. En Allemagne, elle est stable mais reste faible, et ce depuis le début des années 2000 : cette insuffisance de l’investissement public en Allemagne a été relevée par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de déséquilibre macroéconomique (PDM). Les industriels allemands le dénoncent régulièrement.

M. Philippe Marini, président . – Ils ne se portent pas si mal.

M. François Marc, rapporteur général. – La Commission européenne a récemment estimé à 1 000 milliards d’euros les besoins d’investissement, d’ici 2020, dans les réseaux d’infrastructures de transport, de télécommunication et d’énergie. Il est donc impératif que l’ensemble des pays de la zone se mobilisent en faveur de l’investissement public. Celui-ci devrait faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la PDM instituée par le « six-pack ».

Des initiatives communautaires sont indispensables, qu’il s’agisse du financement de projets d’investissements publics par la Banque européenne d’investissement (BEI), de la création d’une capacité budgétaire propre, ou encore d’un programme d’investissements publics financé par l’épargne du secteur privé, comme l’a proposé Michel Aglietta devant notre commission.

L’insuffisance de l’investissement public ne concerne pas uniquement l’Europe. Christine Lagarde a récemment insisté sur la nécessité d’une relance, surtout dans les économies avancées où l’investissement public est aujourd’hui inférieur de 20 % à son niveau d’avant la crise. La directrice générale du FMI a relevé en outre les conditions de financement favorables sur les marchés financiers.

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J’en viens à présent au budget de l’État.

Le rapport du Gouvernement doit présenter la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances envisagés pour le projet de loi de finances de l’année à venir. Ayant reçu hier seulement le tiré à part qui retrace les arbitrages du budget triennal, je n’en commenterai que les grandes lignes.

Les normes « zéro volume » et « zéro valeur » devraient être largement respectées en 2015. Les dépenses soumises à la norme « zéro valeur » seraient inférieures de 4,2 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances pour 2014, soit une baisse de 1,5 %. Les dépenses du budget général et les taxes affectées sous plafond diminueraient de 1,8 milliard d’euros. Les transferts aux collectivités territoriales seraient réduits de 3,7 milliards d’euros, l’an prochain comme les deux années suivantes…

M. Philippe Marini, président . – Ce seront des investissements en moins.

M. François Marc, rapporteur général. – Enfin, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne augmenterait de 0,8 milliard d’euros. Dans le périmètre de la norme « zéro volume », les dépenses seraient inférieures de 3,8 milliards d’euros à celles inscrites en loi de finances initiale pour 2014, du fait notamment d’une moindre hausse de la charge de la dette. Le Gouvernement anticipe toujours, par prudence, une hausse des taux d’intérêt…

À l’issue de la prochaine période de programmation, en 2017, 50 milliards d’euros d’économies auront été réalisées sur les dépenses des administrations publiques. Cet effort sans précédent comprend 18 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État, 11 milliards d’euros sur celles des collectivités territoriales et 21 milliards d’euros sur celles de la sécurité sociale.

M. Aymeri de Montesquiou. – Où seront pris les 18 milliards d’euros ?

M. François Marc, rapporteur général. – Les économies réalisées respectivement par l’État et les collectivités territoriales sont bien distinctes. Les 18 milliards d’euros d’économies correspondent à une moindre dépense par rapport au tendanciel, qui conduit à un glissement naturel de 6 milliards d’euros par an, pour des raisons démographiques et d’inflation.

M. Aymeri de Montesquiou. – Une moindre progression par rapport à la progression naturelle. Voilà de belles économies !

M. François Marc, rapporteur général. – C’est la méthode qui a toujours été pratiquée dans les présentations budgétaires ces dernières années.

Les collectivités territoriales devront consentir par rapport au tendanciel un effort correspondant, sur le prochain triennal, à une moindre progression des dépenses locales : près de 10 milliards d’euros entre 2014 et 2017 selon le programme de stabilité, au lieu d’une hausse tendancielle de 21 milliards d’euros.

M. Philippe Marini, président . – Nous devrons prélever des impôts supplémentaires !

M. Philippe Dallier . – Je ne vois pas comment nous pourrions faire autrement…

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M. François Marc, rapporteur général. – La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales devrait les inciter à maîtriser leurs dépenses, sans que ces 11 milliards d’euros entrent dans l’effort de 18 milliards d’euros consenti par l’État sur ses dépenses.

M. Philippe Dallier . – Encore heureux !

M. François Marc, rapporteur général. – Je le précise pour démentir ce que certains affirmaient ces jours derniers. Comme l’a indiqué la Cour des comptes devant notre commission des finances, on ne peut pas avoir la certitude que les dépenses locales diminueront à due concurrence de la baisse des dotations : les collectivités disposent d’autres leviers pour financer leurs dépenses.

M. Aymeri de Montesquiou. – Les impôts !

M. Philippe Marini, président . – Ce n’est pas nouveau.

M. François Marc, rapporteur général. – Au total, les dépenses de l’État relevant de la norme « zéro valeur » reculeraient de 11,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017, celles relevant de la norme « zéro volume » baisseraient de 2,5 milliards d’euros : le recul constaté sur le premier champ serait en partie compensé par une hausse de la charge de la dette (6,8 milliards d’euros) et des pensions (2,3 milliards d’euros).

Le tableau des plafonds de crédits des missions du budget général communiqué hier par le Gouvernement retrace l’évolution des crédits des ministères entre la loi de finances initiale pour 2014 et la dernière annuité du budget triennal, indicative, c’est-à-dire 2017. Les priorités gouvernementales sont financées par des économies plus importantes sur les autres ministères. Nous pouvons constater une progression assez sensible des crédits pour l’outre-mer, les affaires sociales, la santé et l’éducation nationale et, dans une moindre mesure, du ministère de la défense, et une réduction des crédits des ministères du travail, de l’économie, des finances, de l’agriculture et des affaires étrangères.

Je signale deux cas particuliers : pour le ministère de la culture, la diminution des crédits correspond exclusivement à la disparition progressive de la dotation versée à France Télévisions pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures ; pour le ministère de la défense, la difficile équation prévue par la loi de programmation militaire tient compte de ressources extrabudgétaires. Les moyens consacrés à la défense diminueraient en 2015 mais augmenteraient légèrement sur l’ensemble de la programmation.

Quant à l’emploi, en 2015, le nombre total de postes dans les ministères serait en légère diminution, de 1 177 équivalents temps plein.

Le tome II du rapport préalable présente une liste des missions et des programmes, ainsi que celle des objectifs et des indicateurs envisagés pour le projet de loi de finances pour 2015 : le nombre de programmes (hors investissements d’avenir) serait réduit de 183 à 177 ; cela simplifiera le travail de nos rapporteurs spéciaux. Au total, par rapport à 2007, le nombre d’objectifs et d’indicateurs a été réduit d’environ 40 %, évolution nécessaire pour que la mesure de performance soit plus compréhensible. Ces indicateurs doivent maintenant être stabilisés sur la durée du budget du triennal, pour permettre une appréciation de la performance à moyen terme.

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Mme Nicole Bricq. – Je voudrais faire trois remarques. Tout d’abord, les gouvernements passent…

M. Aymeri de Montesquiou. – …et les finances trépassent !

Mme Nicole Bricq. – … mais les mauvaises manies perdurent. En 2013, une fois de plus, les dépenses d’investissement ont été la variable d’ajustement, alors qu’elles ne représentent que 3,4 % des dépenses de l’État.

M. Aymeri de Montesquiou. – C’est juste.

Mme Nicole Bricq. – Déjà faibles, elles baissent de 1,4 milliard d’euros en valeur. Lorsque le rapporteur général note un recul de l’investissement public dans la zone euro, il ne cite pas les chiffres pour 2013. La France réclame à juste titre de grands programmes d’investissement public dans l’Union européenne et dans la zone euro en particulier. Cependant elle n’en donne pas l’exemple.

M. Francis Delattre. – Nicole Bricq nous coupe l’herbe sous le pied !

Mme Nicole Bricq. – Christine Lagarde et le président de la République ont raison : une relance est urgente et nécessaire.

Ensuite, j’observe que les dépense fiscales sont stabilisées, d’après la loi de règlement, à 70,7 milliards et respectent la programmation 2012-2017. Mais l’évolution spontanée des niches a réduit à 500 millions d’euros d’économies les 3,6 milliards d’euros prévus.

La Cour des comptes a rappelé l’obligation d’évaluer les dépenses fiscales, respectée très partiellement, pour ne pas dire pas du tout. Le CICE et le crédit d’impôt recherche, formes particulières de dépenses fiscales, seraient traités à partir de 2014 en comptabilité nationale comme des dépenses et non comme de moindres recettes. Les changements de qualifications budgétaires et comptables font des dépenses fiscales des mesures grises, hybrides…

Enfin, j’observe que les États de l’Union européenne se livrent une lutte féroce sur la fiscalité des entreprises. Il serait urgent de faire aboutir le projet de directive sur l’assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous aurons en outre l’obligation de transcrire l’arrêt de juin dernier de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’intégration fiscale horizontale et plus seulement verticale : seront concernées non plus seulement les mères et les filles, mais aussi les sœurs, notamment. Les Anglais ont tout de suite modifié leur droit national, comme les Néerlandais – deux pays où la fiscalité des entreprises est déjà basse. Nous allons subir une forte migration et une perte de bases fiscales.

M. Philippe Marini, président . – Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. – Sans transposition, ce sera la guerre totale, et nous la perdrons ! Portons les uns et les autres cette recommandation commune. Dans le projet de loi de finances rectificative – c’est dommage que nous ne puissions pas en débattre, la CMP ayant échoué – il était prévu que la jurisprudence européenne s’applique pour les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), ce qui est très important pour la SNCF. Pourquoi ne pas le faire pour toutes les sociétés privées ? Toute une partie de la base

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fiscale va s’en aller. Lors d’une mission il y a quelques années, nous nous étions rendus aux Pays-Bas, et avions vu ce qu’il en était. Ce n’est pas par hasard si Air France y a son siège…

M. Aymeri de Montesquiou. – Et Renault, EADS…

M. Philippe Marini, président . – L’arrêt du 12 juin 2014 auquel vous faites référence conclut que l’intégration fiscale ne peut se limiter aux seules filiales résidentes dans le même État que la société mère. Un avocat parle d’une « décision sans précédent qui autorise les schémas d’intégration fiscale entre des sociétés implantées dans différents États membres ; si la société mère a son siège dans un État dont la fiscalité est plus douce que celle des États de ses filiales, tant mieux pour elle. » Monsieur le rapporteur général, un amendement d’appel pourrait-il être déposé lors de la seconde lecture du projet de loi de finances rectificative, pour nous exprimer publiquement sur ce sujet ?

Mme Nicole Bricq. – Ce serait seulement un amendement d’appel, car il n’est pas facile pour le ministre du budget d’estimer l’impact de cette décision.

M. Philippe Marini, président . – Montrer que le Sénat est le seul lieu où, au-delà de nos différences, on s’intéresse à cette question de fond, ce n’est pas si mal.

Mme Nicole Bricq. – Je le pense aussi. Nous ne ferons sans doute pas un amendement ensemble, mais nous pouvons nous coordonner et en faire un chacun de notre côté.

M. Philippe Marini . – Why not ?

Mme Nicole Bricq. – Si chacun est fair play. Pour moi, ce sera un amendement d’appel.

M. Philippe Marini, président . – Pas de traquenard, c’est entendu ! Les bases fiscales sont un des sujets de fond essentiels au sein de notre commission. Nous l’avions abordé lors de notre séminaire d’Orléans, en juin dernier, et pour lesquels nous avions invité Pascal Saint-Amans.

M. Serge Dassault. – Monsieur le rapporteur général, vous nous soumettez des informations que nous n’avons pas eu le temps d’étudier. Il y a longtemps que je réclame que les membres de la commission reçoivent les documents un à deux jours avant la réunion.

Les prévisions de dépenses budgétaires de 2014 à 2017 sont toujours autour de 370 milliards d’euros. Et les prévisions de recettes ? Quelles seront-elles ? La TVA, qui plafonne à 140 ou 150 milliards d’euros, l’impôt sur les sociétés, autour de 40 milliards d’euros, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), et l’impôt sur le revenu, 70 milliards d’euros : en tout 280 milliards d’euros, dont il faut déduire la charge de la dette. Comment faire baisser le déficit budgétaire dans ces conditions ?

L’investissement public doit croître, dites-vous, mais où prendrez-vous l’argent ? Vous emprunterez ! Vous parlez partout de vos 50 milliards d’euros d’économies ; les seules économies réelles que vous faites, c’est ce que vous enlevez aux collectivités territoriales. Il est facile d’économiser ainsi 11 milliards d’euros sur trois ans. Comment réaliserez-vous 18 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État ? Les 21 milliards d’euros sur la sécurité sociale ? Et vous ne dites pas un mot sur la croissance : vous n’atteindrez jamais le niveau prévu. Quelles recettes fiscales espérez-vous ? Les gens sont partis, ils ne payent plus.

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La charge de la dette ne sera pas toujours limitée par des taux d’intérêt bas : elle augmentera. Nous allons à la catastrophe ! Pendant ce temps, le Gouvernement continue à nous empoisonner avec la réforme des régions et des départements. Le problème n’est pas là ! La vraie question est : quand le déficit diminuera-t-il ? Je suis inquiet.

M. Philippe Marini, président . – Même si vous n’avez pas eu le temps d’étudier les documents, vous livrez comme toujours une analyse très fouillée, avec la force de vos convictions.

M. Philippe Dallier . – Nous ne demandons qu’à vous croire, monsieur le rapporteur général. Mais nous avons quelques inquiétudes sur la crédibilité des chiffres affichés. Pas une semaine ne passe sans que des annonces nouvelles entrent en contradiction avec votre chiffre de 50 milliards d’euros d’économies, tant en dépenses qu’en recettes : la baisse de l’impôt sur le revenu des classes moyennes, quoi qu’on en pense, n’y aidera pas.

Le président d’Action Logement vient de démissionner en demandant aux comités interprofessionnels du logement (CIL) de ne plus signer de conventions pour la réalisation de logements sociaux, car la ponction de 400 millions d’euros par an décidée par un précédent gouvernement pour financer le fonds national d’aide au logement (FNAL), réduite ensuite à 300 millions d’euros, a été prolongée contre toute attente, mettant Action Logement dans une situation calamiteuse, avec une trésorerie négative qui s’élèvera à – 1,2 milliard d’euros. On lui dit d’emprunter… ce n’est qu’une manière d’externaliser la dette. Autant faire tomber directement les recettes du 1 % logement dans les caisses de l’État. Ce secteur clé qu’est le logement est en panne ; il faudra de l’argent, notamment pour boucler le FNAL. Et ne parlons pas de la loi de programmation militaire, qui subit le sort que l’on sait, et je doute que le Gouvernement puisse tenir ses engagements. J’aimerais vous croire, monsieur le rapporteur général, quant à la réalisation des chiffres que vous annoncez, mais j’en doute.

Je n’ai jamais pensé que les 18 milliards d’euros de baisse comprenaient les 11 milliards d’euros d’économie pour les collectivités : cela aurait été le comble. Mais ces 11 milliards d’euros représentent la seule économie dont la réalisation est certaine, hélas au grand détriment de l’investissement des collectivités locales.

M. Philippe Marini, président . – Exactement.

M. Philippe Dallier . – L’impôt pour le revenu baissera pour certains ménages, cependant leurs impôts locaux augmenteront inévitablement. Le Sénat doit rendre ses conclusions sur une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). J’ai hâte que l’on revienne sur le sujet : le Comité des finances locales y travaille, des annonces dans la presse donnent l’impression que tout est écrit, qu’il s’agisse de la baisse de la DGF ou de l’évolution des dotations de péréquation… Le Sénat semble hors course : il devrait reprendre la main. S’il est un endroit où ces questions doivent être traitées, c’est bien ici.

M. Philippe Marini, président . – Nous pourrions imaginer des schémas qui feraient du Sénat un lieu de débat davantage incontournable sur ces questions …

M. Aymeri de Montesquiou. – L’évolution des dépenses de 2014 à 2017 montre que l’essentiel de l’effort est demandé aux collectivités, les obligeant à augmenter leurs impôts.

M. Philippe Marini, président . – Sauf à Marsan !

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M. Aymeri de Montesquiou. – À nouveau, pourquoi ne pas faire une prévision technique de croissance à 0 % ? Les économies de dépenses seraient ainsi harmonieusement réparties sur l’ensemble. Pourquoi serait-ce inconcevable ?

M. Francis Delattre. – La Cour des comptes reconnaît une certaine maîtrise de la dépense, c’est vrai. Mais notons ce paradoxe, le solde budgétaire se dégrade : les 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires que vous aviez prévus en loi de finances initiale n’ont été exécutés qu’à moitié. Cela fait un manque à gagner de 15 milliards d’euros. Le déficit baisse de 12,3 milliards d’euros – contre 27 milliards d’euros au cours des années précédentes.

M. Philippe Marini, président . – L’écart à la loi de programmation des finances publiques est de 1,3 point de PIB pour le solde effectif et de 1,5 point pour le solde structurel – d’où la qualification d’écart important par le Haut Conseil.

M. Francis Delattre. – Didier Migaud dit qu’il n’y a plus de marges pour la fiscalité, le solde budgétaire reste dégradé ; dès lors, l’endettement s’aggrave. Voilà ce qui est inquiétant lors de l’examen du projet de loi de règlement. C’est ce que dit celui qui certifie les comptes !

Je remarque que les 11 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités territoriales sont bien inclues dans la norme « zéro valeur »… La charge de la dette augmente, les pensions aussi, et les dépenses ne passeront que de 370 milliards à 368 milliards d’euros en 2017 ! Nous assisterons à un ralentissement des dépenses, mais cela sera-t-il suffisant ?

M. Philippe Marini, président . – Bonne question.

M. Francis Delattre. – Les investissements publics ne pourront pas se poursuivre, puisque vous retirez 11 milliards d’euros aux collectivités territoriales, qui en assument 75 %. Il faudrait réfléchir sur les secteurs d’intervention. Même le ministre du budget reconnaît que les résultats de la politique du logement sont médiocres, au regard de son coût pour les finances publiques. L’emploi, secteur si complexe que seuls deux ou trois personnes dans chaque département maîtrisent la question, mobilise beaucoup d’argent pour une efficacité limitée ; la formation professionnelle absorbe des sommes invraisemblables. Faisons le bilan de notre action sur chacun de ces secteurs, comme l’ont fait les pays nordiques. Ce n’est pas sur la défense ou sur l’éducation que l’on pourra faire des économies. Il serait utile de procéder à une étude d’impact secteur par secteur pour voir où se situent les possibilités de réforme.

Mme Marie-France Beaufils. – Le rapport montre toujours les mêmes orientations. Le rapporteur général a raison de souligner, pour le passé, qu’une politique budgétaire restrictive aurait été procyclique : c’est aussi vrai pour l’avenir ! L’impact récessif ne manquera pas d’affecter notre économie.

Lors de notre séminaire à Orléans, nous avons abordé la question du CICE : les entreprises bénéficiaires ne sont pas forcément dans la cible. Pourquoi ne pas s’interroger sur la pertinence de ce type d’actions ?

La baisse des ressources des collectivités territoriales aura des conséquences lourdes sur l’investissement, mais aussi sur le fonctionnement, c’est-à-dire les services rendus aux populations, ce qui touchera les plus faibles – alors que les revenus du patrimoine sont en forte hausse, comme l’a montré la presse spécialisée. Ce sont les plus modestes qui participent

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le plus à l’effort. Francis Delattre veut des études d’impact ? Commençons par évaluer les dépenses fiscales.

M. Philippe Marini, président . – Il serait utile de rappeler quand le chiffre de 50 milliards d’euros d’économies a été énoncé, et par qui. Si ma mémoire est bonne, c’était Jean-Marc Ayrault. Nous en parlons toujours aujourd’hui, alors que Manuel Valls est arrivé et a annoncé des baisses de recettes fiscales et de contributions sociales. Cela pose à mon sens un vrai problème de crédibilité et de cohérence. De plus, si l’on déduit 25 milliards d’euros de moindres recettes fiscales, l’effort n’est plus que de 25 milliards d’euros.

Vous évoquez les « marges de manœuvre du pacte de stabilité » en vous fondant sur le cas italien. Nous connaissons tous le brio, l’imagination, le sens des opportunités de nos voisins…

M. François Marc, rapporteur général. – Ce sont des artistes.

M. Philippe Marini, président . – L’Italie est le plus beau pays du monde, mais son déficit est en deçà de 3 %, point que nous n’avons pas atteint.

M. Philippe Dallier . – Leur dette est importante.

M. Aymeri de Montesquiou. – Elle représente 130 % du PIB.

M. Philippe Marini, président . – Vous ambitionnez de respecter la règle des 3 % de solde effectif, mais grâce à un calcul plus favorable du solde maastrichtien. N’est-ce pas une fuite en avant, un propos d’opportunité ? Le développement de projets d’investissement public par la Banque européenne d’investissement, ou selon les modalités proposées par Michel Aglietta, repose sur l’emprunt, sur des ressources que l’on ne peut se procurer qu’au prix du marché.

M. François Marc, rapporteur général. – Dans le tableau de financement, la variation du solde du compte du Trésor comprend à la fois la variation du montant des disponibilités du Trésor à la Banque de France et la variation du montant des placements de trésorerie à court terme de l’État. On observe un recul inattendu de l’encours des dépôts de certains correspondants du Trésor à hauteur de 5,3 milliards d’euros, provenant essentiellement des collectivités (1,3 milliard d’euros de moins pour les communes, 0,8 milliard d’euros pour les intercommunalités) et des banques centrales africaines (3,2 milliards d’euros de moins). Le solde du compte du Trésor est de 23,7 milliards d’euros fin 2013, soit une baisse de 7,9 milliards d’euros par rapport à fin 2012. La part de la dette de court terme dans le total de l’encours reste stable à 11,9 %, au lieu de baisser comme prévu de 0,5 point. On ne peut pas dire que l’emprunt de court terme a servi de variable d’ajustement.

M. Philippe Marini, président . – Il faudrait approfondir le sujet. La variation positive de 10,4 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale doit être interprétée au regard des 14,5 milliards d’euros de besoin de financement supplémentaire.

M. François Marc, rapporteur général. – J’indique à Nicole Bricq que la stabilisation des dépenses fiscales a été optiquement affectée par les changements de périmètre et les réévaluations d’une année sur l’autre.

Mme Nicole Bricq. – Il est difficile de s’y retrouver.

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M. François Marc, rapporteur général. – Les crédits d’impôt sont bel et bien traités comme des dépenses en comptabilité nationale, mais pas en comptabilité budgétaire, où ils apparaissent en minoration de recettes fiscales. Leur intégration en dépenses budgétaires serait problématique, puisque ces crédits d’impôt ne sont pas pilotables.

Les dépenses d’investissement de l’État ont suivi une légère tendance à la baisse ces dernières années. Mais elles sont modestes au regard de celles des collectivités.

Le Gouvernement, monsieur Dallier, ne fait que prévoir la baisse de prélèvements obligatoires déjà prise en compte dans la trajectoire des finances publiques : celle de l’impôt sur le revenu en 2015 était déjà connue. On a annoncé récemment des mesures plus pérennes, qui seront inscrites dans le projet de loi de finances pour 2015.

M. Philippe Dallier . – Le tout, c’est de les évaluer !

M. François Marc, rapporteur général. – C’est une autre affaire. Ce que vous dites sur le logement est juste. La réunion de la commission des finances le 23 juillet pour suite à donner à l’enquête de la Cour des Comptes sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), conduite en application de l’article 58-2° de la LOLF, abordera la question de son financement.

Pourquoi ne pas prendre une hypothèse de croissance nulle, pour être tranquille, demande Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. – Vous caricaturez ma position.

M. Philippe Marini, président . – Des rallonges pourraient être effectuées en cours d’année.

M. François Marc, rapporteur général. – Cela serait procyclique et dégraderait les perspectives de croissance en augmentant l’anxiété des acteurs économiques.

M. Aymeri de Montesquiou. – Tous les gouvernements font des prévisions qui ne se réalisent pas, faussant tous les calculs ; un taux de croissance nul ne serait que théorique. En cas de croissance finalement supérieure, le Gouvernement disposerait de ressources qui pourraient servir pour partie à rembourser la dette. Vos prédécesseurs ont fait l’éloge de cette suggestion, y compris d’anciens ministres du budget. Cela permettrait d’économiser au moins le montant de l’inflation, qui est rarement négative.

Mme Nicole Bricq. – Elle était de 0,5 % sur un an en juin 2014.

M. Philippe Marini, président . – J’ai longtemps soutenu cette position ; elle se heurte malheureusement à la méthode des arbitrages lors de la préparation du projet de budget. Aucun ministre du budget lucide ne s’y risquerait – ou bien c’est le Premier ministre qui le refuserait – puisque cela aboutirait à des dotations plus basses. Les gouvernements successifs renâclent donc, encouragés à cela par les corps administratifs dont on connaît le tropisme pour la dépense publique. Il serait pourtant préférable que le Gouvernement soit en capacité en cours d’année de donner un peu de miel, mettre un peu de beurre dans les épinards… bonne façon pour le pouvoir politique de se faire aimer.

M. François Marc, rapporteur général. – La question posée par le président Marini est une question de théorie budgétaire, presque conceptuelle : faut-il tendre vers une

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planification glissante dans la budgétisation publique, où les plafonds de crédits seraient déterminés par la réalisation d’hypothèses économiques ? Cela se heurterait à divers obstacles, comme la difficulté de modifier le montant des charges de personnel conformément au droit de la fonction publique existant. Cela conduirait par ailleurs à des prévisions insincères par rapport à celles que valide le Haut Conseil, qui est une vigie efficace pour apprécier la validité des prévisions par rapport au consensus des économistes.

M. Aymeri de Montesquiou. – Dire que le déficit pourrait baisser sans contrainte, c’est mentir.

Mme Nicole Bricq. – Et 50 milliards d’euros, ce n’est pas une contrainte ?

M. François Marc, rapporteur général. – Quant au déficit, il a baissé de 12 milliards d’euros en 2013 par rapport à 2012.

M. Francis Delattre. – Je ne le conteste pas. Mais vous aviez prévu davantage.

M. Philippe Marini, président . – Les ambitions ont été réduites.

M. François Marc, rapporteur général. – Des lois de finances rectificatives ont ajusté l’objectif. Le Gouvernement prévoit une hausse de la charge de la dette de plus de 6 milliards d’euros entre 2014 et 2017. Il fait ainsi preuve de prudence quant au risque que représente la charge de la dette.

M. Francis Delattre. – Et le gris de la dépense fiscale, sur lequel Nicole Bricq vous a interrogé ?

M. François Marc, rapporteur général. – Marie-France Beaufils parlait des entreprises qui bénéficient du CICE : eh bien, il profite à l’emploi, car il représente 6 % de moins de charges salariales.

M. Francis Delattre. – Et 4 % la première année.

Mme Nicole Bricq. – Je n’ai quant à moi pas parlé du CICE, mais de la variation du périmètre des dépenses fiscales. Le CICE crée des effets d’aubaine, c’est sûr, qu’il faut évaluer et contrôler. Les entreprises viennent en bénéficier, puis se plaignent d’être visées par des contrôles fiscaux : c’est pourtant normal ! La nation consent un sacrifice, elle doit vérifier à quoi il sert.

M. François Marc, rapporteur général. – La baisse de 11 milliards d’euros concerne les ressources des collectivités, et non leurs dépenses.

M. Philippe Dallier . – Voilà les élus locaux rassurés !

M. François Marc, rapporteur général. – Cela n’implique pas une hausse des impôts locaux.

M. Philippe Dallier . – Pour les riches, peut-être !

M. Aymeri de Montesquiou. – Avez-vous déjà été maire ?

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M. François Marc, rapporteur général. – Pendant 18 ans ! L’évolution spontanée des recettes fiscales locales serait d’environ 15 milliards d’euros à législation constante.

M. Philippe Marini, président . – L’évolution spontanée correspond-elle à l’évolution de l’assiette ?

M. François Marc, rapporteur général. – Elle correspond, à législation constante, à l’évolution des bases.

M. Philippe Marini, président . – Monsieur le péréquateur général, une telle évolution ne fera qu’aggraver les tensions entre collectivités riches et pauvres.

M. François Marc, rapporteur général. – C’est pourquoi, il conviendra d’être vigilant sur la répartition de la manne et de veiller à ce que personne ne soit délaissé. L’État respecte la norme « zéro valeur » pour lui-même hors baisse des dotations aux collectivités. Ce que l’Union européenne demande, c’est une baisse de l’ensemble des dépenses publiques et pas seulement de celles de l’État. Un euro de dépenses de l’État et des collectivités territoriales est strictement équivalent. L’État agit donc dans le cadre de ses relations sur les collectivités territoriales, par le niveau des dotations, car il ne peut leur imposer une baisse de dépenses, en raison de leur autonomie financière.

Le tendanciel des dépenses publiques, d’après la Cour des Comptes, a été abaissé par le Gouvernement dans un souci d’honnêteté, car la conjoncture est nettement moins favorable et les économies plus faibles.

Les baisses d’impôts étaient déjà prévues en décembre 2013 ; seule la chronique a été révisée et le contenu précisé. Suivant la décision du président de la République, les assises de la fiscalité ont procédé à des ajustements. L’Italie – pays que vous aimez entre tous, monsieur le président – a certes un déficit moins élevé, mais le niveau de sa dette est supérieur, comme les taux d’intérêt qu’elle doit servir. Vous pouvez en conclure qu’elle se porte mieux que nous : ce n’est pas l’avis de ses créanciers, ni de nombreux économistes.

Les investissements publics par l’emprunt constituent une démarche économiquement logique, comme le font les entreprises, d’autant plus que les ressources existent et sont peu onéreuses.

La commission décide de proposer au Sénat d’adopter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. Elle donne acte à M. François Marc, rapporteur général, de sa communication sur les orientations des finances publiques et en autorise la publication sous la forme d’un rapport d’information.

La réunion est levée à 12 h 45

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COMMISSION DES LOIS

Mercredi 2 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Aide juridictionnelle - Examen du rapport d’informa tion

La commission procède à l’examen du rapport d’information de Mme Sophie Joissains et de M. Jacques Mézard sur « L’aide juridictionnelle ».

M. Jacques Mézard, co-rapporteur. – Nous savons tous que le fonctionnement de l’aide juridictionnelle pose un grave problème d’accès à la justice. Les constats de dysfonctionnements sont nombreux, autant que sont vives les réactions, sur le terrain, des auxiliaires de justice. Revoir le système, « à bout de souffle », pour reprendre l’expression utilisée par notre collègue Roland du Luart dans son rapport de 2007, est d’autant plus nécessaire que les réformes successives, auxquelles nous avons largement participé, sont venues étendre le champ d’application de l’aide juridictionnelle, comme la réforme de la garde à vue, ou le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, en cours d’examen.

Le nombre des admissions à l’aide juridictionnelle est aujourd’hui de près de 950 000. L’aide juridictionnelle a donc été accordée dans un quart des affaires qui ont donné lieu à une décision juridictionnelle. Or, l’aide juridictionnelle est très critiquée, y compris par les justiciables ; elle ne remplit plus correctement sa mission. Son seuil d’accès extrêmement bas, à 937 euros de revenu mensuel, laisse de côté une part des citoyens les plus modestes ; l’aide juridictionnelle partielle, trop complexe, est inefficace ; quant à la procédure d’accès à l’aide juridictionnelle, elle est très lourde : formulaires dont la clarté laisse à désirer, obligation de déposer plusieurs dossiers pour une même affaire en cas de procédures multiples, appréciation des ressources peu homogène entre les bureaux d’aide juridictionnelle, du fait du manque de précision des textes, admissions abusives du fait d’un contrôle quasiment inexistant – en matière pénale, 80 % des procédures d’accès à l’aide juridictionnelle sont des procédures abrégées. Les avocats, qui estiment la charge très lourde, se plaignent de la faiblesse de la rétribution, tandis que dans le même temps, certains cabinets en dépendent entièrement. C’est là un paradoxe lié à l’évolution de la profession, laquelle n’en a pas tiré les conséquences quant à son organisation.

L’aide juridictionnelle repose au premier chef sur les avocats, qui représentent 92,7 % des dépenses. Elle concerne aussi, pour une faible part, d’autres professions, comme celle des notaires, puisque son bénéfice peut être accordé, ce qui est peu connu, pour les actes notariés. La rétribution des avocats, cependant, est souvent inférieure aux coûts de fonctionnement d’un cabinet individuel. La revalorisation de l’unité de valeur, passée de 22,50 euros à 22,84 euros ne compense pas la suppression, dans la loi de finances pour 2014, de la « modulation » à l’horizon 2015. D’où la vive réaction de nombreux barreaux. Quant aux barèmes, ils sont déconnectés de la complexité des affaires – 180 euros seulement, par exemple, pour une intervention en correctionnelle, tandis qu’à l’inverse, certaines prestations, mais elles sont plus rares, sont surévaluées.

Les leviers procéduraux susceptibles de soulager le système restent d’une efficacité limitée : les procédures de retrait de l’aide juridictionnelle demeurent peu utilisées,

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et la procédure de recouvrement par l’État des sommes indûment exposées fonctionne mal – le taux de recouvrement ne dépasse pas 5 %. Quant au système du paiement de l’avocat par la partie qui succombe, la loi de finances pour 2014 lui a certes apporté des améliorations, mais qui seront de peu d’effet.

Mme Sophie Joissains, co-rapporteur. – Les difficultés de financement de l’aide juridictionnelle ont atteint un paroxysme. Si la dépense budgétaire a connu une évolution contrastée depuis 2001, elle est passée, en euros courants, de 219,18 millions en 2002 à 292,91 millions en 2012, soit une hausse de 33,6 %, ou 12,2 % en euros constants 2012.

J’ajoute que la dépense effective liée à l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire la totalité des sommes versées aux avocats et aux autres auxiliaires de justice, va au-delà. Les crédits budgétaires ont ainsi été complétés, en 2012, par le produit de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ). La dépense effective est passée, entre 2008 et 2012, de 315 à 357 millions d’euros.

L’augmentation de 21,2 millions de la dépense effective intervenue en 2011 résulte en grande partie d’une forte hausse de la rétribution des avocats par les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), elle-même due à la hausse du taux de TVA et à la réforme de la garde à vue.

La diminution sensible de la dépense budgétaire observée en 2012 – moins 51,54 millions d’euros – trouve son explication dans la création de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ) pour faire face aux nouvelles charges issues de la réforme de la garde à vue.

La création de la CPAJ avait été vivement critiquée par notre commission comme constituant une entrave à l’accès à la justice. Selon les éléments fournis par le ministère de la justice, les saisines du juge, pour les contentieux de faible montant, telles les injonctions de payer, avaient ainsi connu une diminution de l’ordre de 13 % entre le premier semestre de l’année 2011 et le premier semestre de l’année 2012. Dès lors, le Gouvernement a décidé la suppression de la CPAJ dans le projet de loi de finances pour 2014, avec un effet au 1er janvier 2014, intégralement compensée, à hauteur de 60 millions, sur le programme 101.

Toutefois, l’augmentation de la dotation dévolue à l’aide juridictionnelle n’est en réalité que de 28 millions, les 32 millions restant résultant d’économies budgétaires sur cette dépense, liées à un recours accru aux contrats d’assurance juridique, au renforcement des contrôles, à un filtrage accru des demandes en fonction du bien-fondé de l’action en justice et surtout à la suppression de la modulation du barème d’indemnisation des avocats rétribués à l’aide juridictionnelle au profit d’un montant unique valable pour tout le territoire, fixé à 22,84 euros. Or, cette démodulation a été vivement contestée par le Conseil national des barreaux, ce qui a conduit la garde des sceaux à en reporter l’échéance.

La question du financement de l’aide juridictionnelle reste donc posée, et c’est pourquoi nous avons cherché d’autres pistes.

M. Jacques Mézard, co-rapporteur. – Il nous semble donc nécessaire de réformer le dispositif dans son ensemble. Faciliter l’accès à l’aide juridictionnelle passe, tout d’abord, par une réforme des seuils d’admission. Il s’agirait de relever le seuil de référence jusqu’au niveau du SMIC net, ce qui correspond à l’avant dernière tranche de l’aide juridictionnelle partielle. L’aide juridictionnelle partielle serait supprimée. Les avocats ne sont pas hostiles à cette mesure, à condition qu’ils n’aient pas à en supporter le poids

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Il convient, ensuite, de remettre à plat les conditions d’intervention des avocats, qui estiment traiter à perte 90 % de leurs dossiers. Nous proposons le maintien de la « démodulation », mais accompagné d’une revalorisation de l’unité de valeur correspondant au niveau maximal qu’elle pouvait atteindre grâce à la « modulation ». Les barèmes devront être totalement revus. En contrepartie, la profession devra faire un effort substantiel d’organisation – en écartant toutefois l’idée de confier les missions d’aide juridictionnelle à des avocats « conventionnés » par les barreaux.

Les circuits de gestion méritent également d’être rationnalisés. Nous avons été frappés par les conditions dans lesquelles sont traités les dossiers dans les bureaux d’aide juridictionnelle, dont le fonctionnement pourrait être largement amélioré. Il s’agit de simplifier les formulaires, de privilégier le traitement dématérialisé dès lors que le justiciable y souscrit, de n’ouvrir qu’un seul dossier dans le cas ou plusieurs procédures sont engagées pour une même affaire, d’améliorer le contrôle de recevabilité – les greffiers, trop peu nombreux, n’ont guère que le temps de mettre en forme les dossiers –, de systématiser dans le cadre du contrôle des ressources, la consultation, par les bureaux d’aide juridictionnelle des services fiscaux et des organismes sociaux, enfin, d’améliorer le contrôle sur le fond de la recevabilité des demandes.

Pour renforcer l’efficacité du pilotage des crédits, il conviendrait d’inciter les CARPA à des regroupements, mais également de reconcentrer la gestion des crédits auprès du ministère, leur délégation au niveau des cours d’appel ayant donné des résultats décevants. Preuve que, parfois, la déconcentration n’amène pas forcément de bons résultats.

Il conviendrait, enfin, de mieux faire jouer les assurances de protection juridique. Depuis leur réforme, par la loi du 19 février 2007, l’aide juridictionnelle aurait dû n’intervenir que de façon subsidiaire, en l’absence de couverture des frais par un contrat d’assurance. Or, tel n’est pas le cas. Outre que les personnes les plus démunies, éligibles à l’aide juridictionnelle, n’ont souvent pas souscrit de contrat d’assurance, ces contrats ne couvrent pas une part importante du contentieux pour laquelle l’aide juridictionnelle est demandée (contentieux familial ou pénal). Les assurés déclarent peu de sinistres de protection juridique et peu de déclarations donnent lieu à couverture. Bien des contrats d’assurance incluent une protection juridique sans que les titulaires le sachent : il serait bon de renforcer l’information des justiciables, en même temps que d’accélérer la mise en œuvre, par voie réglementaire, du nouveau circuit de consultation des assureurs.

Mme Sophie Joissains, co-rapporteur. – La recherche de financements complémentaires est ancienne, et repose sur un double constat. Le volume de financement dégagé ne suffit pas, conjoncturellement, à couvrir des dépenses qui ont tendance à augmenter. Ce constat pourrait simplement conduire à préconiser l’accroissement de la part du budget de l’État consacré à l’aide juridictionnelle, mais ce volume de financement est également, structurellement et substantiellement, très inférieur à ce qui est requis pour assurer de manière satisfaisante l’accès de tous à la justice. Ainsi, le Conseil national du barreau ou encore les députés Gosselin et Pau-Langevin considèrent-ils que le budget de l’aide juridictionnelle, pour être satisfaisant, devrait être double de ce qu’il est actuellement, soit environ 700 millions. J’ajoute que l’augmentation du plafond, que nous préconisons, aboutira, même combinée avec la suppression de l’aide juridictionnelle partielle, à une hausse des dépenses. Il est donc nécessaire de dégager de nouvelles ressources.

Certes, le contexte économique et budgétaire actuel appelle une attitude raisonnable en ce qui concerne l’augmentation tant des dépenses que des recettes de l’État.

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Nous avons bien conscience que de nombreux autres secteurs d’intervention de la puissance publique subissent, depuis plusieurs années, des restrictions budgétaires parfois très sévères, et qu’il peut sembler illégitime de préconiser un accroissement des flux budgétaires dans un domaine particulier.

Toutefois, un effort doit être fait en faveur de l’accès à la justice, condition de l’effectivité de l’ensemble des autres droits dont il assure, en dernière instance, la reconnaissance.

Si l’on considère les dépenses en faveur de la justice dans son ensemble, notre retard, au regard d’autres pays comparables de l’Union européenne, est patent et appelle une réponse urgente. La France est l’un des États membres qui consacrent le moins de crédits à leur justice, avec environ 57 euros par habitant contre 106 euros en Allemagne, 83 au Royaume-Uni ou 72 euros en Italie. En termes de part du PIB consacré à la justice par habitant, l’écart est tout aussi important. La Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe, dans son rapport de 2012, classait la France au 28ème rang sur 40 pour le budget public annuel alloué à l’aide judiciaire, avec une participation de 5,6 euros par habitant et par an en 2010 contre 6,8 euros en moyenne européenne.

Quelles sont nos préconisations ? Précisons avant tout que nous ne sommes pas favorables à un rétablissement, sous une forme ou sous une autre, de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ), qui constituait une entrave à l’accès à la justice, et dont le rendement était de surcroît trop faible pour constituer une ressource significative et pérenne.

Parmi les pistes proposées ces dernières années, celle d’une taxation du chiffre d’affaires des professions juridiques, en particulier des avocats, est régulièrement évoquée. Tel est le cas dans le rapport Darrois de 2009. Indirectement, l’abandon de la modulation de l’aide juridictionnelle en fonction des territoires aboutissait à une telle mise à contribution des avocats. Une telle option reviendrait à faire financer par les professions du droit une mission qui est déjà en partie à leur charge compte tenu, d’une part de la faiblesse de la rémunération liée à l’aide juridictionnelle, d’autre part de l’équilibre économique précaire de certains cabinets dans des territoires ou l’aide juridictionnelle est accordée à une bonne part des justiciables. L’aide juridictionnelle doit être considérée comme une mission de service public qui ne peut reposer sur la solidarité d’une profession en particulier.

Pour toutes ces raisons, nous préconisons plutôt une augmentation de certaines taxes, dans le double souci d’identifier une ressource suffisamment dynamique pour couvrir l’augmentation probable des besoins financiers liés à l’aide juridictionnelle et de répartir l’effort nécessaire le plus largement possible. Les solutions possibles sont déjà sur la table depuis un certain temps. Il est désormais urgent de les mettre à exécution.

Ainsi, l’une des pistes le plus fréquemment évoquées est de taxer les actes juridiques. L’avantage étant qu’avec une assiette très large, le taux pourrait être fixé à un niveau très bas. Toutefois, du fait de la difficulté à distinguer plus précisément le type d’actes devant faire l’objet d’une taxation par rapport à ceux, purement privés, y échappant, il est généralement proposé de retenir une sous-catégorie plus restreinte. Ainsi, le Conseil national des barreaux propose d’affecter à l’aide juridictionnelle une taxe sur les actes soumis à droits d’enregistrement ainsi que sur les actes juridiques soumis à une formalité de dépôt ou de publicité. Pour leur part, les députés Philippe Josselin et George Pau-Langevin suggèrent de taxer les actes opérant une mutation de biens ou de droits potentiellement porteurs de litiges.

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Nous pensons, quant à nous, que l’accroissement des droits d’enregistrement constitue l’option la plus simple et la plus efficace. Rappelons que ces droits pèsent notamment sur les ventes d’immeubles, les cessions de fonds de commerce, les cessions de droits sociaux… Ces actes sont nombreux et portent sur des sommes souvent élevées. Il suffirait d’augmenter les droits d’enregistrement auxquels ils sont déjà soumis pour obtenir un financement complémentaire de l’aide juridictionnelle. Une augmentation de 3,5 % de ces droits produirait environ 360 millions de recette supplémentaires, soit l’équivalent du coût actuel de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, nous préconisons une taxation complémentaire des contrats de protection juridique. Les contrats spécialement consacrés à la protection juridique sont globalement soumis au taux de 9 %, soit le taux ordinaire de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). Lorsque le contrat couvre plusieurs risques dont une assurance de protection juridique, la taxe fait l'objet d'une ventilation. Compte tenu du grand nombre de contrats de protections juridique ou de contrats d’assurance comportant, à titre accessoire, parfois à l’insu de leur détenteur, une telle couverture, il pourrait être envisagé une augmentation du taux de la TSCA applicable à la protection juridique. Une telle augmentation ne saurait pourvoir à elle seule aux besoins, mais devrait être combinée avec l’augmentation des droits d’enregistrement.

Ces ressources nouvelles pourraient venir alimenter un fonds dédié à l’aide juridictionnelle, géré conjointement par l’ensemble des professions du droit : représentants des avocats, des notaires et des auxiliaires de justice, ainsi que du ministère de la justice.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Je remercie nos rapporteurs pour ce rapport très précis. Le sujet étant d’actualité, il serait bon qu’une conférence de presse fasse connaître vos préconisations. J’approuve pleinement les deux principales d’entre elles, qui consistent à taxer les droits d’enregistrement et les contrats de protection juridique.

Mme Sophie Joissains, co-rapporteur. – Plutôt que de faire reposer la charge sur les avocats.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – C’est réaliste ; dans le contexte financier que nous connaissons, il paraît difficile d’augmenter le budget de l’État. Il serait tentant de déposer une proposition de loi, mais on en connaît tous les aléas…

J’ai d’ailleurs l’intention de faire une communication sur un sujet préoccupant : une quarantaine de propositions de loi votées par le Sénat n’ont jamais été examinées par l’Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest. – On ne peut continuer ainsi. Les avocats qui assurent l’aide juridictionnelle sont sous payés, avec beaucoup de retard, et leur rémunération, insuffisante, n’a pas été revalorisée.

Comment financer l’aide juridictionnelle ? Par une taxe sur les conventions d’assurance ? Pourquoi pas, mais ce sera une taxe supplémentaire. N’oublions pas que le produit de l’actuelle TSCA est déjà en partie affecté aux départements pour le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Nous avons eu un long débat sur la protection juridique, qui a permis de stabiliser les choses. On ne peut guère augmenter cette taxe, au risque de rendre le coût de ces contrats dissuasif.

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Les avocats ont, avec l’habileté qu’on leur connaît, proposé une taxe sur les droits de mutation, dont je rappelle au passage que nous avons déjà augmenté le taux de 3,8 % à 4,2 %. Dans l’esprit des gens, c’est ce que l’on appelle les frais de notaire.

Bref, on tourne un peu en rond. L’aide juridictionnelle devrait faire partie du budget de la justice, mais l’État est impécunieux, au point que ce budget va être réduit de près de 80 millions et que l’on se demande comment seront financés les recrutements que l’on nous annonce.

Je mets en garde, qui plus est, contre de possibles dérives. Une faible augmentation des droits de mutation permet de collecter beaucoup d’argent supplémentaire. En faire usage pour l’aide juridictionnelle pourrait donner des idées…

Quoi qu’il en soit, enfin, de telles dispositions devraient figurer dans une loi de finances. Plutôt que de songer à une proposition de loi, nos rapporteurs pourraient déposer des amendements à la loi de finances.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – L’article 40 trouverait à s’appliquer dans l’un et l’autre cas. Ce qu’il faut, c’est trouver un accord avec le Gouvernement. J’espère, monsieur Hyest, que les avocats ne prendront pas ce que vous avez dit d’eux comme une démonstration de bonnes manières, comme dit la chanson de Brel.

M. Thani Mohamed Soilihi. – Je remercie à mon tour nos rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui passe en revue les dysfonctionnements chroniques de l’aide juridictionnelle. Les retards de paiement des avocats en font partie. Dans certains barreaux, ils vont jusqu’à un an.

La conséquence, c’est une justice à deux vitesses. Il y a ceux qui peuvent payer, et les autres, sur lesquels s’accumulent les difficultés. Sans compter que les auxiliaires de justice ne vivent pas de l’air du temps. Les cabinets d’avocats sont des entreprises, qui doivent pouvoir fonctionner normalement.

Alors que l’actualité s’est emparée du sujet, ce rapport tombe à point nommé. Puisse-t-il aboutir rapidement à une loi. Je penche, quant à moi, pour une taxation de tous les actes juridiques, pas seulement les actes notariés. Puisse notre pays adopter une réforme à la hauteur de ses ambitions.

M. François Zocchetto. – Il est heureux que notre commission des lois se saisisse de ce problème récurrent. La France ne consacre pas assez d’argent à la justice. Mais le contexte budgétaire étant ce qu’il est, ne nous faisons pas d’illusions.

Le fait est que le fonctionnement de l’aide juridictionnelle est archaïque, digne d’une justice d’un autre âge, accumulant la paperasserie pour distribuer, in fine, des sommes dérisoires. Notre justice gagnerait à simplifier son fonctionnement. Vous préconisez à juste titre la suppression de l’aide juridictionnelle partielle. C’est le summum de l’archaïsme, Ubu au pays de la Justice. Ce dispositif partait d’une bonne intention, mais il n’aboutit, dans la pratique, qu’à des incohérences.

La commission Darrois, dont j’ai été membre, avait émis des propositions pour le financement de l’aide juridictionnelle. La taxation des actes est certes la solution la plus simple, mais à condition que son produit soit dûment fléché vers l’aide juridictionnelle. Je crois davantage en l’amélioration de l’assurance de protection juridique. J’ai travaillé, à

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l’époque, sur le sujet et nous avions constaté que les marges des compagnies sur ces contrats atteignaient 600 millions chaque année. Outre que la plupart des Français sont assurés plusieurs fois, sans le savoir, beaucoup renoncent à faire jouer le mécanisme, difficile à déclencher. Ils lui préfèrent l’aide juridictionnelle, qui reporte les problèmes administratifs sur l’avocat et le greffe et leur assure la gratuité, puisque c’est sur les avocats que repose l’avance des frais.

Le mécanisme mériterait d’être encadré, afin que les compagnies d’assurance acceptent de couvrir les contentieux, ce qu’elles ne font qu’à la marge. Une proposition de loi pourrait utilement le rendre plus contraignant pour elles, et plus incitatif pour les assurés.

M. Yves Détraigne. – Je remercie les rapporteurs de leur travail, qui n’est malheureusement pas le premier sur l’aide juridictionnelle. Il serait bon que ce soit le dernier, et que l’on entre enfin dans les travaux pratiques… Car bien des tentatives ont avorté, dans le passé. Je pense au rapport d’information de Roland du Luart, en octobre 2007. Les deux rapporteurs des crédits de la Justice que nous étions alors, lui comme rapporteur spécial, moi comme rapporteur pour avis, avions réussi, dans la foulée à faire voter, en loi de finances, une augmentation de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle. À la même époque, je fus rapporteur d’une proposition de loi qui visait à faire précéder l’examen des dossiers de demande d’aide juridictionnelle d’une procédure de recherche de contrat de protection juridique, texte qui n’a malheureusement pas prospéré. Autant de pistes qui restent valides aujourd’hui. D’autant que les réserves des compagnies doivent être plus importante encore qu’à l’époque. Sans accès à la justice, il n’est pas de démocratie.

Un mot, pour finir, sur la profession d’avocat. Elle est totalement libre d’accès, puisque les avocats refusent tout numerus clausus. Cependant, plus ils sont nombreux, plus ils vivent mal. La question vaut d’être soulevée.

M. Jean-Yves Leconte. – La juridisation de la société entraîne un recours accru à la justice. Un quart des procédures, avez-vous dit, sont assorties d’une aide juridictionnelle. Mais sait-on quelle part du chiffre d’affaires des avocats cela représente ? Bien peu, je le crains, ce qui souligne combien ceux qui font appel à l’aide juridictionnelle restent défavorisés.

Prenons garde à de possibles effets de seuil : augmenter le plafond d’accès en supprimant l’aide juridictionnelle partielle ne serait pas, de ce point de vue, sans conséquence. Songeons à tous ceux qui seraient juste au-dessus du plafond d’admission, sans aucune possibilité d’aide.

L’aide juridictionnelle a besoin de financements alternatifs. Mais il faut avoir conscience qu’une taxe affectée renforcera la rigidité du budget. Je rejoins ce qu’a dit M. Hyest sur les droits de mutation, déjà très élevés : il ne serait pas raisonnable d’aller au-delà. Mieux vaut une taxe sur les contrats de protection juridique, qui doivent cependant, si l’on veut inciter les gens à en souscrire, rester à des tarifs abordables.

Améliorer l’information serait également bienvenu. Je pense en particulier aux parents français de l’étranger, souvent confrontés à des problèmes de paiement de pensions alimentaires.

Enfin, un certain nombre de pays aident leurs ressortissants à l’étranger dans le cadre de procédures lourdes, où ils encourent une peine de prison à perpétuité voire la mort ;

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nous ne le faisons pas. Certains de nos ressortissants sont dans ce cas et, bien que manquant de moyens pour assurer leur défense, ne peuvent prétendre à aucune aide. C’est regrettable. D’autant qu’à long terme, cela finit par nous coûter plus cher. Cela va au-delà du sujet qui nous occupe, mais c’est un problème que je tenais à évoquer.

M. André Reichardt. – Est-ce bien au Sénat de prendre l’initiative de la réforme du financement de l’aide juridictionnelle ? Sommes-nous bien là dans notre rôle ? J’abonde dans le sens de M. Hyest : l’aide juridictionnelle relève du budget de la justice ou de la solidarité. Nous sommes dans notre rôle en rappelant au principe d’accès au droit, mais ce n’est pas à nous d’entrer dans les détails.

Augmenter les droits de mutation ? Ils sont déjà assez élevés, et l’on peut craindre qu’une nouvelle hausse n’ait des effets pervers. Une contribution complémentaire sur les conventions d’assurance ? Elle pénalisera ceux qui font l’effort de souscrire de tels contrats. Je rejoins, néanmoins, la suggestion de M. Zocchetto : une réflexion sur l’assurance de protection juridique serait bienvenue. Bien des contrats, dès lors qu’ils touchent à la responsabilité civile, comprennent un volet protection juridique. Ne pourrait-on le rendre obligatoire dans tous les contrats dits de vie privée ? Il resterait sans doute toujours des trous dans la raquette, mais cela diminuerait les dépenses d’aide juridictionnelle.

Une question, pour finir. Il semble qu’une association qui manque de moyens pour mener une action en justice puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le confirmez-vous ? J’entends dire que des associations seraient de plus en plus nombreuses à se constituer en défense, avec des personnes qui auraient, individuellement, les moyens de se pourvoir en justice. Si tel était le cas, ce serait un véritable détournement de la loi.

Mme Sophie Joissains, co-rapporteur. – La loi du 10 juillet 1991 pose le principe selon lequel seules les personnes physiques ont droit à l’aide juridictionnelle. Il peut ensuite y avoir des exceptions.

M. Christophe Béchu. – L’accès au droit est la clé de voûte de la justice. Si l’on ne permet pas au justiciable de se défendre, on peut réformer autant que l’on veut l’édifice juridique, ce sera sans effet. Je remercie nos rapporteurs, qui proposent de rationaliser le dispositif de l’aide juridictionnelle tout en supprimant l’aide juridictionnelle partielle, aux effets souvent contre productifs.

S’agissant du financement, prévoir une taxe supplémentaire sur les conventions d’assurance ne me paraît pas de bonne méthode. Je suis favorable à un fléchage de l’impôt, et la TSCA est déjà utilisée. Adosser l’accès au droit à une taxe sur les actes juridique me paraitrait plus clair.

L’idée de conduire une réflexion complémentaire sur l’assurance de protection juridique me séduit. Il y a urgence, et je regrette que la garde des sceaux, que l’on a connue plus audacieuse, ne prenne pas l’initiative.

M. Nicolas Alfonsi. – Il est heureux que les avocats, déjà grands collecteurs d’impôt avec la TVA, ne se voient pas imposer une taxe supplémentaire sur leur chiffre d’affaires. Je suis partisan d’une contribution à assiette large.

M. Patrice Gélard. – Les avocats feraient bien de réfléchir au recrutement de la profession. On observe une grande différence entre les barreaux de province et celui de Paris,

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où l’aide juridictionnelle joue un peu le rôle d’un régime des intermittents du spectacle… Les règles du jeu pour l’accès à la profession ont été à tel point élargies que rien ne va plus.

Le modèle britannique permet à deux catégories de citoyens d’être bien jugés : les plus pauvres, qui bénéficient d’une assistance juridictionnelle totale, et les plus riches, qui ont les moyens de payer. Mais entre les deux, les classes moyennes hésitent à engager des recours, compte tenu des coûts. Non que les tarifs des avocats soient excessifs, mais pour ces personnes, c’est beaucoup d’argent. Craignons de nous engager dans un tel système.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – J’ai bien peur que les avocats du barreau de Paris n’apprécient guère votre comparaison avec les intermittents du spectacle…

M. Jacques Mézard, co-rapporteur. – Je souscris en partie aux propos du doyen Gélard. Le nombre des avocats ne cesse de croître, et les responsables de la profession, que l’on a de surcroît fusionnée avec celle de conseil juridique, en réclament encore plus. C’est ainsi que l’on crée de la main d’œuvre à bas prix…

Nous avons voulu être concrets. La solution idéale, bien sûr, serait un financement de l’aide juridictionnelle par le budget de l’État. Mais on ne peut se contenter de dire cela, nous le savons. Il n’y a pas trente-six solutions alternatives. Nous avons éliminé l’hypothèse d’une taxe sur le chiffre d’affaires des avocats : charger encore la barque alors qu’ils assument déjà une lourde charge ne passerait pas. Moyennant quoi, la solution passe plutôt par une taxe sur les actes juridiques.

S’agissant des contrats de protection juridique, on ne peut s’en remettre aux assureurs pour mettre en place un système adéquat, alors que nous savons qu’ils font tout leur possible pour que ces clauses ne jouent pas et refusent souvent, lorsque l’assurance de protection juridique joue, de laisser le libre choix de l’avocat à l’assuré, pour imposer le leur. Or, les barèmes de rémunération des avocats sont souvent inférieurs à ceux de l’aide juridictionnelle. Voilà qui ne règlera pas le problème des auxiliaires de justice. D’où notre idée d’une taxe sur les contrats de protection juridique.

Mme Sophie Joissains, co-rapporteur. – La solution la plus logique aurait été un financement par le budget de l’État. Mais on sait ce qu’il en est. Nous avons donc retenu la solution qui nous paraissait la plus équitable : une taxe à assiette large sur les actes juridiques, qui ne repose pas sur le chiffre d’affaires des avocats, complétée par une contribution complémentaire sur les contrats de protection juridique. Voilà qui devrait permettre de constituer des réserves.

La commission autorise la publication du rapport d’information.

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Mercredi 9 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Égalité réelle entre les femmes et les hommes - Désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire

Au cours d’une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Nous devons désigner des candidats pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Jean-Jacques Hyest. – Vous avez oublié de dire qu’elle était « réelle ».

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Grâce à la sagacité du Sénat, l’adjectif a été supprimé en deuxième lecture ; l’Assemblée l’a néanmoins repris. Nous considérons que l’égalité se suffit à elle-même. Je propose les candidatures de Jean-Pierre Sueur, Virginie Klès, Michelle Meunier, qui est rapporteure pour avis, Jean-Jacques Hyest, André Reichardt, Muguette Dini et Cécile Cukierman, comme titulaires, et celles de Esther Benbassa, Yves Détraigne, Patrice Gélard, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Thani Mohamed Soilihi et Catherine Troendlé, comme suppléants.

Mme Jacqueline Gourault. – Mme Dini ne fait pas partie de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – La commission des affaires sociales, à laquelle appartient Mme Dini, avait reçu délégation de la commission des lois pour certains articles. Par ailleurs, le groupe UDI-UC a désigné comme candidat suppléant M. Yves Détraigne, qui est membre de notre commission.

M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Virginie Klès, Michelle Meunier, Cécile Cukierman, MM. Jean-Jacques Hyest, André Reichardt et Mme Muguette Dini sont nommés candidats titulaires et Mme Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Patrice Gélard, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Thani Mohamed Soilihi et Mme Catherine Troendlé sont nommés membres suppléants.

Mission d’information relative à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Conformément à ce qu’avait envisagé le Bureau de notre commission en octobre dernier, je vous propose la constitution d’une mission d’information afin d’examiner la situation, notamment l’avenir institutionnel, de la Nouvelle-

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Calédonie et des îles Wallis et Futuna. Du 26 juillet au 5 août prochain, je conduirai une délégation, composée de nos collègues Catherine Tasca et Sophie Joissains, qui se rendra dans ces deux territoires.

Il en est ainsi décidé.

Audition de M. Jacques Toubon, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits

Puis la commission entend M. Jacques Toubon, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – À la suite du décès du regretté Dominique Baudis, le Président de la République a proposé la candidature de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits. M. Toubon nous rappellera les étapes de son parcours avant de nous exposer sa conception des fonctions auxquelles il aspire ; il répondra ensuite à vos questions. Le vote aura lieu à bulletin secret et s’additionnera à celui de nos collègues de l’Assemblée nationale.

M. Jacques Toubon. – Le Président de la République m’a manifesté sa confiance en proposant ma candidature aux fonctions de Défenseur des droits. C’est un honneur particulier pour moi que d’être entendu ce matin par votre commission. Je garde un excellent souvenir de notre collaboration, lorsque j’étais député, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ou membre du gouvernement. Notre travail était acharné ; il mobilisait le partage de nos compétences au-delà des clivages partisans. J’adresse d’emblée une pensée affectueuse et reconnaissante à Dominique Baudis, qui a su installer le Défenseur des droits dans le paysage des institutions françaises. J’ai fait l’objet de vives critiques publiques récemment ; elles m’ont donné l’occasion de dire ma vérité. Je n’y reviendrai pas, sauf si vous le souhaitez, bien évidemment.

Tout au long de ma vie publique, j’ai tenté d’apporter ma contribution à l’édifice juridique national. Trois moments en témoignent, qui correspondent aussi à des prises de position importantes du Sénat. Dans le domaine de l’éthique biomédicale, le Sénat, notamment au sein de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a largement contribué à diffuser les connaissances scientifiques et médicales, grâce aux travaux de sénateurs comme Franck Sérusclat ou le professeur Huriet, qui ont facilité l’élaboration d’une législation pionnière. Comme porte-parole de mon groupe à l’Assemblée nationale, j’ai pris une part active dans la recherche d’un équilibre entre le respect de la dignité humaine et l’exploitation des nouvelles connaissances et thérapeutiques médicales. L’indisponibilité du corps humain instaurée à l’article 16-7 du code civil est l’une de ces mesures équilibrées que nous avons su mettre en œuvre. L’évolution a été considérable : la fécondation artificielle est installée dans les mœurs, la génétique a ouvert de nouveaux espoirs et concrétisé certains d’entre eux, l’égalité des droits est en marche, la recherche sur l’embryon fait l’objet d’un régime d’autorisation-exception que le Parlement a souhaité substituer à celui de l’interdiction-dérogation, et je ne parle pas du sujet brûlant de la fin de vie. J’ai suivi avec attention la marche de notre pays, celle d’autres pays européens, des États-Unis, du Japon ou de la Corée, sur ces questions qui touchent à l’identité humaine, du début de la vie jusqu’à la mort, et qui engagent notre responsabilité devant l’humanité. Je sais

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les conséquences de ces évolutions sur le statut des personnes, en matière de filiation, notamment, comme l’ont montré de récentes décisions de justice. Le pouvoir politique devra y faire face, par la loi, si nécessaire. Le Défenseur des droits a déjà reçu des réclamations ; il en recevra plus encore. C’est dans un esprit serein et informé, inspiré par l’égalité et l’humanité que je souhaiterais les traiter.

Le droit pénal et la procédure pénale nous ont souvent réunis et je garde le vif souvenir de la discussion au Sénat en première lecture de mon projet de loi instituant l’appel en cour d’assises du tribunal criminel départemental – révolution judiciaire qui mettait fin à la souveraineté absolue du jury populaire qui caractérisait notre procédure criminelle depuis 1789. Sur la base des conclusions proposées par le Haut Comité, alors présidé par Jean-François Deniau, je vous avais proposé de faire appel du jugement criminel de première instance, d’obliger à motiver les arrêts, d’éviter le passage du dossier en chambre d’accusation, et d’abaisser à dix-huit ans l’âge requis pour être juré. Le débat, rude, ardent et argumenté, aboutit à un résultat qui était à la hauteur de la tâche. Vinrent la dissolution puis la cohabitation. La loi du 15 juin 2000 instaura l’appel d’une cour d’assises à une autre. C’est seulement depuis le 1er janvier 2012 que les jugements criminels sont motivés. Il a fallu du temps, certes, mais j’ai la faiblesse de penser qu’en 1996, j’ai engagé un progrès irréversible dans les droits fondamentaux reconnus au justiciable en France.

Les commissions du Sénat – celle des finances, de la culture, des affaires européennes ou des lois – sont à l’avant-garde pour analyser, préserver, améliorer, et quelquefois critiquer nos politiques culturelles, tant dans le monde physique que dans l’univers virtuel. L’exception culturelle acquise en 1994 est efficacement défendue depuis lors. Elle relève d’un droit fondamental, celui pour les artistes d’échapper aux impératifs du marché et du libre-échange. C’est avec ce même objectif que je me bats pour garantir la diversité culturelle sur les plateformes et les réseaux culturels. Un autre droit dont nous bénéficions est celui de parler et d’écrire en français, langue que pratiquent 99 % d’entre nous, qui est le trésor de chacun – même du plus démuni – et un vecteur du lien social. La loi du 4 août 1994, à laquelle on accole souvent mon nom, a accordé ce droit à l’emploi du français dans toutes les circonstances principales de la vie. Dans ces trois domaines, nous avons avancé ensemble.

Depuis dix ans, inspiré par mon expérience de maire du XIIIème arrondissement de Paris pendant dix-huit ans, et fort de mes convictions républicaines, je m’investis dans les questions relatives à l’immigration et à l’intégration. Au musée de l’histoire de l’immigration, au Haut Conseil à l’intégration, mon combat a toujours été celui des valeurs de tolérance et d’humanité contre le racisme et les inégalités. J’ai fait preuve d’un engagement constant pour défendre les principes du respect de la dignité humaine, de l’égalité pour tous, mais aussi du rejet des extrémismes, du racisme et de la xénophobie, par le droit. Mesdames et messieurs les sénateurs, si je suis investi des fonctions de Défenseur des droits, je ferai la guerre à l’injustice. Qu’elle soit ressentie ou subie, elle naît de l’inégalité et ne sera vaincue que par une réelle égalité des droits. Je ne conçois pas le rôle du Défenseur des droits selon son seul statut constitutionnel d’indépendance, dans une sorte de hautain isolement. Je l’imagine comme un chef de pupitre dans l’orchestre national de l’action publique, composé des députés, des membres du Conseil économique, des maires, des présidents des conseils généraux, mais aussi des associations, des chercheurs, et de vous, sénateurs, qui représentez quotidiennement nos collectivités décentralisées. Le renforcement de la coopération entre les élus et le Défenseur des droits sera l’une de mes priorités, si vous m’accordez votre soutien. Il s’agit de volonté politique. Sans être présomptueux, je crois que mon expérience politique m’a permis de connaître les Français. Je connais aussi les arcanes de l’État, celles de

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Strasbourg, de Bruxelles, de Luxembourg, dont l’influence s’accroît dans la pratique du droit. Cette expérience me donnera plus de force et d’efficacité pour accomplir ma mission.

La politique, c’est l’art de donner à chacun un commun sentiment d’appartenance, de tolérance, d’estime de soi et des autres, en somme une envie de vivre et de bâtir ensemble, quand la cité nous prend tous et toutes, également, en considération. Le Défenseur des droits doit devenir le généraliste de l’accès au droit et aux droits face à la montée des détresses, des précarités, des violences et du sentiment d’injustice et de discrimination. Cela implique d’assurer l’application générale et égale des droits existants et, plus encore, de promouvoir l’existence de ces droits et d’imaginer ceux qui seraient éventuellement nécessaires.

Si le Défenseur des droits ne doit négliger aucune de ses missions, certains champs d’action sont prioritaires. Dans les années qui viennent, les discriminations ressenties et subies par les personnes âgées dépendantes ou par celles atteintes de handicap, ainsi que les discriminations du fait de l’origine devront faire l’objet de toute notre attention. Les enfants seront notre deuxième priorité, notamment par le renforcement de l’application de la convention internationale signée en 1989, et par l’amélioration de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance – la mort de Marina en 2009 et le rapport fait alors par le Défenseur des droits en montrent la nécessité. Les questions de filiation, d’état civil et de nationalité sont au carrefour de la fin des discriminations et de l’intérêt de l’enfant. Enfin, le recul dans l’effectivité du droit à l’avortement constitue pour moi une préoccupation majeure. L’ambiance n’est pas bonne à cet égard, ni au niveau national, ni au niveau international. La France doit être ferme sur cette question essentielle.

Chacun doit pouvoir connaître ses droits, les articuler, trouver auprès de qui ils pourront être exercés et réclamés s’ils ne sont pas reconnus. Former tous les agents de la fonction publique à la culture de l’accueil, raccourcir les délais pour le traitement des réclamations, donner au site du Défenseur des droits une forme et un contenu accessibles au grand public, tenter de supprimer l’angle mort du numérique, c’est-à-dire les 20 % de la population qui ne peuvent pas ou ne savent pas utiliser Internet pour effectuer leurs démarches, tels sont les grands chantiers d’action à envisager. Je poursuivrai également la négociation d’une convention de partenariat avec la Chancellerie, qui est le pilote ministériel de l’accès au droit, dans la ligne du décret d’Alain Juppé qui officialisa les maisons de la justice et du droit, en 1996.

Je voudrais utiliser une méthode partenariale, car le Défenseur des droits doit s’insérer encore davantage dans un environnement de relations étroites et permanentes avec les autres parties prenantes, et d’abord avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il me semble indispensable de conduire une enquête sociologique sur les inégalités d’accès au Défenseur, pour identifier ceux qui en auraient besoin et qui n’y accèdent pas. Cette étude serait la première étape d’un observatoire indépendant des relations entre les services publics et les citoyens. Enfin, je suggèrerai au Gouvernement de faire du Défenseur des droits et de la promotion des droits une grande cause nationale en 2015.

Je suis fier d’avoir été choisi pour exercer les fonctions de Défenseur des droits. Je les remplirai en toute liberté, au-dessus des contingences et des intérêts. Soyez sûrs que si vous m’accordez votre confiance, je saurai m’en montrer digne.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Merci d’avoir présenté votre candidature et vos motivations.

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M. Jean-Pierre Michel. – Le 30 novembre 1995, je vous ai interrogé à l’Assemblée nationale lors des questions orales ; vous étiez alors garde des sceaux. Vous m’avez répondu que le Gouvernement n’était pas favorable à la proposition de loi instaurant le contrat d’union civile, car l’ordre public s’y opposait, mais qu’il fallait au contraire favoriser les mariages et les naissances qui contribuaient à construire une France plus forte. Est-ce toujours votre conception ?

M. Jean-Yves Leconte. – La CEDH a rendu un arrêt où elle condamne le refus de la France de reconnaître la filiation des enfants nés par mère porteuse à l'étranger. Quelles évolutions législatives envisagez-vous pour faire reconnaître les droits de ces enfants ? La Constitution prévoit que la nomination aux fonctions de Défenseur des droits peut se faire sans obtenir la confiance de la majorité du Parlement. Si vous vous trouvez dans ce cas, comment comptez-vous remplir votre mission ?

M. Christian Cointat . – Monsieur le ministre, vous souhaitez faire la guerre à l’injustice. Depuis la dernière réforme constitutionnelle, en 2008, la France a considérablement amélioré ses instruments pour la défense des droits, avec l’élargissement des pouvoirs du médiateur sous la forme du Défenseur des droits, et les questions prioritaires de constitutionnalité. La France reste néanmoins le seul pays d’Europe qui ne respecte pas le principe de confiance légitime, car l’État, de droite ou de gauche, a toute liberté d’action. On remet ainsi régulièrement en cause des dispositions règlementaires, en matière financière, fiscale ou sociale. C’est une atteinte portée à un principe fondamental de la démocratie. Que comptez-vous faire pour que les droits des citoyens soient pleinement respectés et que l’État se soumette à la règle ?

Mme Esther Benbassa. – J’ai lu dans la presse que vous étiez favorable au droit de vote des étrangers et à la procréation médicalement assistée (PMA). Pouvez-vous nous le confirmer ? M. Schweitzer avait créé au sein de la Halde un comité qui réunissait les principales organisations LGBT qu’il présidait. Grâce à ces rencontres, la Halde a progressivement acquis une expertise sur l’homophobie. Comme Défenseur des droits, Dominique Baudis a souhaité conserver ce cadre. Il a présidé quasiment toutes les réunions du comité, qui a ainsi mis en œuvre un certain nombre d’outils – lancement d’un groupe de travail sur les questions trans, prise de position de l’institution sur l’inclusion de l’identité de genre dans le droit, édition de plaquettes sur les discriminations des LGBT au travail. Avez-vous connaissance de ce cadre de discussion ? Souhaitez-vous le maintenir ? Sa suppression serait un très mauvais signe.

M. Patrice Gélard. – Monsieur le ministre, pensez-vous que la loi qui a créé le Défenseur des droits il y a quelques années en regroupant quatre institutions différentes était bonne ? Le regroupement doit-il s’arrêter là ou d’autres fusions sont-elles possibles ?

La communication de Dominique Baudis était trop restreinte vis-à-vis du grand public. Une action auprès des établissements scolaires contribuerait à la développer. Le regroupement des services jusqu’alors dispersés faciliterait également une communication plus efficace.

Mme Éliane Assassi. – Je tiens à saluer la mémoire de Dominique Baudis, qui s’est toujours montré à l’écoute des parlementaires. Je reconnais les compétences et les qualités indéniables de M. Toubon. Cependant, je suis une élue communiste, et je ne partage pas ses choix d’hier sur la peine de mort, l’IVG ou l’homosexualité. Vous dites que vous voulez faire la guerre à l’injustice. C’est là une haute ambition. Il existe des océans d’injustice

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dans notre pays. J’ai lu dans la presse que vous étiez favorable au droit de vote des résidents étrangers pour les élections locales. Beaucoup partagent votre position, à commencer par le Président de la République. Comment la concrétiser ?

M. Jean-René Lecerf. – Ce n’est pas manquer de reconnaissance envers Dominique Baudis que de penser que l’institution du Défenseur des droits n’a pas encore trouvé sa maturité.

M. Jacques Toubon. – Elle n’a que trente-trois mois !

M. Jean-René Lecerf. – La lutte contre les discriminations n’a pas beaucoup gagné au passage de la Halde au Défenseur des droits. Je m’intéresse au milieu carcéral. Bien des progrès restent à réaliser en matière de déontologie de la sécurité. Quel est votre avis sur le sujet ?

M. François Grosdidier. – Des jugements ont été portés sur votre action future qui se sont fondés sur des prises de position anciennes, lorsque vous étiez responsable du principal parti d’opposition dans les années 80. Pour rétablir l’équilibre, je souhaiterais dire que je vous ai vu comme secrétaire général aller parfois à contre-courant de votre base. Vous avez été le gardien et le pédagogue du cordon sanitaire entre la droite et l’extrême-droite…

Un fossé s’est creusé dans notre pays entre musulmans et non musulmans, durant la dernière décennie. Dans les cités, les gens ont appris à se connaître, à se supporter et à s’apprécier. Si la multiculturalité des cages d’escaliers est apaisée, d’autres clichés ont pris le relais, comme celui du musulman lié à Al Qaïda que véhiculent les médias. À la sortie des écoles, des mères de famille légèrement voilées sont agressées par des gens qui confondent le port ostentatoire du voile dans les établissements publics d’enseignement et la liberté de s’habiller comme on veut dans l’espace public. Malgré tous les dispositifs contre les discriminations mis en place par les pouvoirs publics, les incompréhensions se multiplient et le sentiment de discrimination s’accentue. La distinction entre la discrimination subie et la discrimination ressentie reste difficile à faire. Quels moyens nouveaux envisagez-vous de mettre en œuvre pour améliorer la situation ?

Mme Virginie Klès. – Je salue, comme mes collègues, l’action de Dominique Baudis, même si beaucoup reste à faire. Je m’associe aux questions de mes collègues Lecerf et Gélard sur la déontologie de la sécurité et sur l’immobilier – sujet que j’ai largement évoqué dans mon avis budgétaire. Il est tout à fait souhaitable d’améliorer la communication du Défenseur des droits pour élargir l’accès au droit. Quelles mesures concrètes préconisez-vous ? Si la défense de la langue française est une belle cause, n’est-il pas plus urgent de lutter contre l’illettrisme, qui limite l’accès au droit ? Les enfants seront une de vos priorités, et vous mentionnez les questions d’état civil et de filiation. Ne devrait-on pas se préoccuper aussi d’autres questions, comme la séparation conflictuelle des parents ou les violences conjugales ? Quelle est votre position sur le recours aux tests osseux pour déterminer l’âge des mineurs en situation irrégulière ? Que pensez-vous de la révision de l’ordonnance de 1945 ? En matière d’éthique biomédicale, vous nous avez parlé de vie et de mort. Selon vous, quand commence la vie et quand finit-elle ?

M. Jacques Toubon. – Je vous remercie pour l’ensemble de ces questions. Monsieur Michel, nos débats ne datent pas d’aujourd’hui. J’ai un grand respect pour les positions qui sont les vôtres. Je me suis exprimé sur le Pacs en tant que ministre de la justice et au nom du gouvernement Balladur. J’ai effectivement exprimé l’opposition du

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gouvernement au contrat d’union civile, en employant l’expression « contraire à l’ordre public », qui n’a rien d’un jugement moral. L’ordre public, c’est l’ensemble des règles d’intérêt général qui régissent la vie en société et qui ne peuvent être contournées par un contrat, sous peine de nullité. Bien entendu, vingt ans ont passé et pour ma part, je n’ai aucune difficulté à dire que l’égalité entre tous qui a été instituée par étapes – le Pacs, puis le mariage pour tous – est une évolution positive de la société et du droit.

On m’a fait procès de certaines positions défendues dans le passé. La solidarité politique entraîne un certain nombre de votes, toutes convictions confondues. La vie politique est un exercice difficile. Je rappellerai avec bienveillance la séance qui s’est tenue le 9 octobre 1998, à l’Assemblée nationale. Le gouvernement Jospin y présentait le texte sur le Pacs. L’exception d’irrecevabilité déposée par le groupe libéral a été votée et le texte a été rejeté, car les députés de gauche n’étaient pas venus assez nombreux dans l’hémicycle. Le compte rendu des débats décrit parfaitement la scène. Je n’épilogue pas. La majorité et le gouvernement de gauche ont ensuite fait la loi sur le Pacs mais, ce jour-là, les députés socialistes n’étaient pas venus voter… La politique est une vocation dans laquelle l’exercice de la responsabilité peut conduire aux plus grandes exigences tout comme aux plus détestables caricatures.

Monsieur Leconte, j’ai dit clairement que le Gouvernement devait tenir compte de l’arrêt de la CEDH. C’est un débat difficile. Je suis hostile à la gestation pour autrui (GPA), car je suis hostile à la chosification du corps humain. Pour le reste, je me pose les mêmes questions que vous. L’égalité induit-elle nécessairement l’égalité devant les formes légalement admises de procréation artificielle ? C’est une vraie question. Le Défenseur des droits devra y réfléchir. Tout en respectant la loi, il pourra influencer le débat par ses observations. Enfin, si je suis désigné avec un nombre de voix favorables que certains jugeraient insuffisant, je m’efforcerai de justifier la confiance de ceux qui m’auront soutenu et de donner tort à ceux qui m’auront combattu. Mon seul programme sera de convaincre ; nous nous retrouverons pour faire le point.

Mme Esther Benbassa. – Vous oubliez la circulaire Taubira de 2013 !

M. Jacques Toubon. – Lorsque je dis qu’il faudra tenir compte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, cela signifie que nos règles d’inscription à l’état civil devront être modifiées. La garde des sceaux a signé une circulaire sur les certificats de nationalité mais il faudra bien traiter de la question de l’identité figurant sur l’état civil.

Monsieur Cointat, la « confiance légitime » peut être traduite par un concept plus français, la sécurité juridique, qui a fait l’objet d’un certain nombre de décisions du Conseil constitutionnel, notamment en matière fiscale. Si le Défenseur des droits ne peut qu’appliquer les lois telles qu’elles ont été votées, il peut aussi marquer ses convictions, ses souhaits, ses propositions. Dans ce domaine, je suis prêt à en faire car beaucoup de nos concitoyens n’ont pas confiance dans leur justice. Il y a quelques années, le rapport annuel du Conseil d’État portait sur la question de la sécurité juridique : je m’y réfèrerai pour avancer mes propositions.

Je veux dire à M. Gélard, rapporteur et même « faiseur » de la loi sur le Défenseur des droits, qu’après trente-trois mois d’exercice de la fonction par Dominique Baudis, le regroupement a créé une sorte de force de frappe positive tant vis-à-vis de la société qu’à l’égard des pouvoirs publics : de nombreux avis, recommandations, observations, propositions ont été pris en compte par les tribunaux et par le Parlement.

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Faut-il aller plus loin ? Je suis tenté de dire : qui trop embrasse mal étreint. Mais depuis la loi Tasca du 28 mai 2014, une incertitude demeure : les détenus peuvent faire appel au Contrôleur général mais aussi au Défenseur des droits. Les pouvoirs de l’un sont presque équivalents à ceux de l’autre et, en cas de double intervention, le message risque d’être brouillé vis-à-vis de l’administration pénitentiaire. Si je suis nommé, je renouvellerai avec Adeline Hazan la convention passée entre Jean-Marie Delarue et Dominique Baudis car je ne souhaite pas la fusion avec le Contrôleur général.

Aujourd’hui, le Défenseur est saisi de 100 000 réclamations, dont 80 000 concernent les relations entre les services publics et les citoyens et 20 000 concernent les discriminations, la déontologie de la sécurité et la défense des enfants. C’est beaucoup, mais ce n’est rien, compte tenu des aspirations de nos concitoyens et de leur sentiment d’injustice. Nous devrons expliquer à nos concitoyens qu’ils ont des droits et qu’ils peuvent les revendiquer. Les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat devront être bienveillantes à notre égard car nous ne comptons que 220 agents dans nos deux centres parisiens et un peu plus de 400 délégués bénévoles indemnisés sur le terrain : ce n’est pas assez face à notre future tâche.

Le Gouvernement a décidé de regrouper, fin 2016, les autorités administratives indépendantes, et donc les services du Défenseur des droits, dans les immeubles de la place de Fontenoy. L’économie de fonctionnement exige en effet que nous soyons regroupés ; j’espère que ce projet sera mené à son terme et je me battrai pour y parvenir.

Mme Assassi a évoqué mes positions passées : j’étais pour l’abolition de la peine de mort, j’étais favorable à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ; j’ai d’ailleurs soutenu en 1974, lorsque j’étais au cabinet de Jacques Chirac, la dépénalisation de l’IVG voulue par Simone Veil. Enfin, j’estime que toutes les sexualités sont équivalentes pour peu qu’elles soient entre personnes consentantes et qu’elles doivent toutes être exercées dans la même liberté et la même égalité. Depuis que j’ai été élu maire du XIIIème arrondissement en 1983, je suis favorable au vote des étrangers aux élections locales car la participation civique et politique de tous ceux qui vivent, travaillent, payent des impôts dans une commune ou dans un département est un instrument de promotion et d’intégration mais aussi d’efficacité pour notre démocratie locale et nos collectivités décentralisées. Par ailleurs, nationalité et citoyenneté ont des liens historiques et politiques : la question est donc difficile à trancher. Comment peser ? En le disant, comme ce matin ; ma déclaration à l’Assemblée nationale n’a pas reçu une approbation unanime…

J’ai beaucoup travaillé sur ces sujets au titre de l’histoire de l’immigration et au titre de l’intégration sociale et culturelle. Les réponses juridiques ne peuvent être les seules, mais dans un pays de légalité comme le nôtre, où la citoyenneté crée l’espace de la vie, à l’image de Georges Braque lorsqu’il disait que « La sculpture découpe l’espace comme la musique découpe le silence », le Défenseur des droits, tout en respectant les textes, peut faire des propositions.

Je m’excuse auprès de Mme Benbassa à qui je n’ai pas fini de répondre. Le Défenseur des droits reçoit de nombreuses réclamations de transsexuels et de transgenres relatives, par exemple, aux questions d’état civil. Je ferai des propositions au Parlement et au Gouvernement sur ce sujet. Je poursuivrai l’action de Dominique Baudis sur le comité d’entente LGBT : je le maintiendrai, le réunirai et le présiderai.

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Monsieur Lecerf, la déontologie de la sécurité est un domaine dans lequel le Défenseur des droits ne reçoit que peu de réclamations – environ 550 en 2013 –, mais il s’agit d’affaires lourdes. Jean-Marie Delarue a agi avec beaucoup de discernement en ce domaine, notamment après la circulaire d’août 2012 sur les évacuations. Des recommandations ont été adressées, par exemple pour les migrants de Calais : je crains fort que nous devions y revenir. En novembre 2012, un excellent avis sur le sujet a été rendu ; le Défenseur des droits doit renforcer sa présence en ce domaine, notamment en ce qui concerne les contrôles d’identité. Dès 2012, le Défenseur des droits avait étudié cette question. Un groupe de travail a été constitué et j’y participerai.

M. Grosdidier a posé des questions difficiles, s’agissant de la place de ceux qui professent la religion musulmane ou vivent dans cette culture. La reconnaissance et la prise en compte de l’origine parmi les critères de discrimination est une avancée, même s’il n’y a pas équivalence entre origine et religion. Je suis profondément laïque : j’estime que les droits de l’homme et du citoyen passent par les lois de la République et doivent s’appliquer à tous. En France, il ne peut y avoir de droits particuliers parce qu’on appartient à telle ou telle communauté. Récemment, la Cour de cassation a tranché l’affaire de la crèche Baby Loup. Nous serons amenés à présenter des observations devant les tribunaux saisis de plaintes en discrimination. Beaucoup de ces difficultés, de ces violences, de ces conflits, de ces revendications, de ces affirmations identitaires proviennent d’un sentiment d’injustice, d’où l’affirmation d’une différence.

Enfin, je vais répondre à Mme Klès, spécialiste du Défenseur des droits au Sénat. Bien sûr, l’illettrisme est un sujet essentiel. Lorsque j’étais garde des sceaux, j’ai demandé au professeur Alain Bentolila de mettre en place des programmes pour lutter contre l’illettrisme en prison. Au collège et au lycée, l’éducation aux droits doit être enseignée : on ne peut se contenter de la demi-heure hebdomadaire sur l’éducation civique.

En revanche, je ne peux vous répondre sur les tests osseux qui permettent de déterminer l’âge. Si je suis nommé Défenseur des droits, j’examinerai cette question pour vous apporter une réponse.

L’ordonnance de 1945 représente un formidable chantier. Mme la garde des sceaux m’a récemment dit que le projet de loi sur la délinquance des mineurs n’était pas enterré.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Elle a publié un communiqué la veille de la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier.

M. Jacques Toubon. – La vie et la mort ? Pour la vie, j’ai participé aux premières lois sur la bioéthique et j’ai suivi les travaux qui ont été faits jusqu’à la dernière loi relative à la recherche sur l’embryon, qui est conforme à mes convictions. Pour la mort, la loi Léonetti me semble une excellente base pour les travaux à venir.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Merci pour vos réponses précises et personnalisées.

La séance est levée à 10 h 50

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La séance est ouverte à 10 h 50

Audition de Mme Adeline Hazan, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation

de liberté

Au cours d’une deuxième réunion tenue dans la matinée, la commission entend Mme Adeline Hazan, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2013-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Nous accueillons Mme Adeline Hazan qui a été proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je lui souhaite la bienvenue dans cette réunion publique de la commission des lois.

Je tiens à rendre à nouveau hommage à Jean-Marie Delarue, dont le mandat vient de s’achever, pour son action à la tête de cette institution.

Mme Hazan va nous présenter son parcours puis la façon dont elle conçoit la fonction de Contrôleur général.

Mme Adeline Hazan. – Merci pour votre accueil. Je suis très honorée de la proposition du Président de la République et je veux rendre hommage au Parlement, notamment au Sénat, pour avoir créé cette importante institution par la loi d’octobre 2007. Les travaux parlementaires ont été essentiels et je salue le rapport de M. Hyest de mai 2000, fait au nom de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, qui posait déjà de multiples questions relatives à l’enfermement. Ce rapport a été à l’origine de la proposition de loi évoquant la création d’une instance de contrôle des lieux de privation de liberté et à la loi du 30 octobre 2007 créant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – une institution de prévention mais aussi de contrôle des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Je rends hommage aux sénateurs de votre commission, notamment à Mme Tasca qui, comme rapporteur de la loi du 26 mai 2014, a souhaité que le Parlement tire les conclusions des six années de vie de cette institution. Cette loi accroit les compétences du Contrôleur général, notamment en ce qui concerne les reconduites à la frontière et le droit d’accès à certains documents administratifs. Ce texte a réaffirmé que la prison était un espace de droit et la personne privée de liberté un sujet de droit.

La création du Contrôleur général a permis à la France de se mettre en conformité avec les textes internationaux, notamment le protocole facultatif des Nations unies de 2002.

Je suis devant vous pour vous convaincre que mon parcours professionnel, politique, électif, syndical et associatif m’a préparée à l’exercice de cette mission. La thématique des droits fondamentaux a été le fil conducteur de tout mon engagement jusqu’à aujourd’hui.

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J’ai débuté ma carrière de magistrat en 1980 comme juge de l’application des peines dans la Marne. Entre 1983 et 1990, j’ai été juge des enfants. Ces deux fonctions sont à la frontière du droit, du champ social et de la psychologie. J’ai ensuite été chargée de mission pendant un an auprès de M. Hubert Prévot, secrétaire général à l’intégration, puis j’ai été responsable du pôle prévention de la délinquance et citoyenneté à la délégation interministérielle à la ville de 1990 à 1995 où j’ai eu l’immense honneur de travailler aux côtés de Jean-Marie Delarue.

De 1997 à 1999, j’ai été chargée des questions d’intégration et de la politique de la ville au cabinet de la ministre du travail et des affaires sociales. Ces fonctions m’ont familiarisée avec les rouages de l’action ministérielle et interministérielle. J’ai ensuite été élue députée européenne en 1999 et je le suis restée jusqu’en 2008, ayant démissionné après mon élection à la mairie de Reims. Au Parlement européen, j’ai toujours siégé au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. J’ai participé à la construction de l’espace judiciaire européen, j’ai été en 2006 rapporteure d’une recommandation du Parlement européen au Conseil sur l’évaluation du mandat d’arrêt européen et j’ai été rapporteure pour mon groupe politique de la directive « retour ».

De 2008 à 2014, j’ai été maire de Reims et présidente de l’agglomération rémoise ; ces deux mandats m’ont donné l’expérience de la gestion d’une grande collectivité : 190 000 habitants pour la ville, 220 000 pour l’agglomération, environ 2 500 agents à diriger. Ces fonctions m’ont permis de travailler en étroite collaboration avec les autorités judiciaires et policières sur toutes les questions touchant à la sécurité et à la prévention de la délinquance. Nous avons réussi à mettre en place des groupes d’études de la délinquance dans certains quartiers et nous avons doté les femmes victimes de violences de téléphones portables d’alerte.

La fonction de maire m’a également conduite à être présidente du conseil de surveillance du CHU de Reims, ce qui m’a permis de mieux connaître ce milieu, notamment les personnes hospitalisées sous contrainte. J’ai également dû prononcer quelques hospitalisations sous contrainte en urgence pour 24 heures.

Cet itinéraire, dont le fil conducteur a été la défense des droits, m’a préparée, je crois, à l’exercice du mandat de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Je veux rendre hommage à l’immense travail effectué par Jean-Marie Delarue lors de ce premier mandat de Contrôleur général. Je connais ses qualités professionnelles, sa rigueur, son intégrité, son obstination aussi, car il en faut à ce poste. Il a su être à la fois l’interlocuteur des personnes privées de liberté, des pouvoirs publics, mais aussi « donner à voir l’invisible », montrer en quoi il fallait trouver un équilibre entre le nécessaire respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et les exigences de la puissance publique. Grace à lui, l’enfermement est à nouveau part intégrante du débat public. Il a également su dénoncer certains scandales de notre démocratie comme l’état de nos prisons, avec des actions spectaculaires aux Baumettes ou dans certains centres éducatifs fermés. Un seul regret : il n’a pas toujours été entendu, mais je ne désespère pas que ses recommandations, et celles que je prendrai si vous m’accordez votre confiance, seront prises en compte par les pouvoirs publics.

Jean-Marie Delarue a été extrêmement présent sur le terrain : il a effectué 150 visites par an. Au bout des six ans, il a visité l’ensemble des établissements pénitentiaires, un nombre important de commissariats, de centres éducatifs fermés, de centres de rétention et

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un certain nombre d’hôpitaux psychiatriques. Ce travail de terrain différencie donc la mission du Contrôleur général de celle du Défenseur des droits qui a plutôt un rôle de médiation. Ces deux missions sont donc complémentaires et non pas concurrentes comme certains le disent.

Pour les années à venir, il faudra se pencher sur l’état indigne de nos prisons et sur la surpopulation carcérale : 68 500 détenus en juin pour 57 740 places. Hier, Mme Taubira a visité la maison d’arrêt de Bois d’Arcy dont le taux d’occupation s’élève à 170 %, ce qui est inacceptable. Seules 14 000 personnes bénéficient aujourd’hui d’un aménagement de peine : il est possible de faire davantage. Il convient de développer les peines alternatives à la prison et je salue les travaux du Sénat sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines avec l’instauration de la contrainte pénale et la suppression des peines planchers, ce qui permettra de réduire le nombre de personnes incarcérées et de sorties sèches. Je salue également les dispositions de ce projet de loi imposant un entretien avec chaque détenu aux deux-tiers de la peine pour préparer sa sortie.

Les conditions matérielles des détenus sont indignes au regard des droits fondamentaux. En outre, plus un séjour en prison est difficile, plus les risques de récidive sont élevés. Je salue votre travail : la commission mixte paritaire d’hier est parvenue à un accord difficile, mais équilibré, qui va permettre le vote de la réforme pénale dans quelques jours.

Le Contrôleur général doit être vigilant sur les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. Leur mission est encore plus difficile, parfois même intenable, du fait de la surpopulation carcérale. La garde des sceaux a annoncé hier 200 nouveaux recrutements dès cette année et la création de 100 postes supplémentaires en 2015.

J’en viens à l’hospitalisation sous contrainte : il s’agit de lieux de soins, mais aussi de privation de liberté et la situation des patients qui s’y trouvent doit s’améliorer. Certains patients ont du mal à connaître leurs droits et les recours possibles. Les mesures de contention et de contrainte sont parfois utilisées de façon abusive. Après un passage en unité pour malades difficiles (UMD), les patients ont parfois du mal à être réorientés dans leur établissement d’origine. La notion d’altération du discernement est parfois utilisée par les juges comme une circonstance aggravante.

Enfin, environ 30 % des détenus souffriraient de troubles psychiatriques. Il convient donc d’accroître le nombre de personnels soignants et de mieux former le personnel pénitentiaire à la détection de ces maladies.

Il faut également se pencher sur la situation des détenus en situation de handicap, des personnes retenues en centre de rétention administrative et des mineurs en centres éducatifs fermés. Dans ce dernier cas, il faudra veiller à l’élaboration de projets éducatifs car ces lieux ne doivent pas simplement servir à retenir des mineurs difficiles. Enfin, il faudra que les personnes retenues dans les commissariats et les étrangers en prison soient mieux informés de leurs droits.

Je veux saluer à nouveau la parfaite collaboration entre le Sénat et le Contrôleur général : grâce à vous, cette institution s’est ancrée dans notre démocratie. Parmi toutes les autorités administratives indépendantes, le Contrôleur général a eu l’honneur d’être le plus entendu par votre commission. Si vous confirmez ma nomination, je ne doute pas que cette collaboration continuera dans les mêmes conditions.

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M. Jean-Pierre Sueur, président. – Merci pour cet exposé complet.

L’accord conclu hier en commission mixte paritaire sur la réforme pénale a notamment retenu la version du Sénat sur la question des aménagements de peine.

Mme Catherine Tasca. – Merci pour cet exposé complet qui montre que vous avez regardé de très près l’action de Jean-Marie Delarue. L’indépendance est un aspect fondamental de la fonction. Comme magistrat, vous y êtes prédisposée, mais votre parcours politique peut amener à s’interroger sur cette indépendance. Comment l’affirmerez-vous ?

Comptez-vous poursuivre les visites qu’effectuait Jean-Marie Delarue ?

Une éventuelle extension des responsabilités du Contrôleur général aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a été évoquée lors de l’examen de la loi de mai 2014. Nous y avons renoncé pour ne pas « charger la barque » mais, compte-tenu du vieillissement de la population et du fait qu’un nombre croissant de nos concitoyens se retrouve dans des lieux où leur liberté est limitée, ne pensez-vous pas qu’il faudra que vous vous préoccupiez de cet aspect ?

Enfin, il a été très peu question du travail et de l’éducation en prison, deux domaines dans lesquels notre système carcéral est loin d’être un modèle. Que comptez-vous faire ?

M. Jean-Pierre Michel. – Compte tenu du temps limité dont nous disposons, je me bornerai à une seule question.

Nous devons beaucoup à Jean-Marie Delarue qui a privilégié l’univers carcéral. Cependant, n’oublions pas les hôpitaux psychiatriques ni les lieux d’internement sous contrainte. Aujourd’hui, ces internements sont judiciarisés, ce qui pose de nombreux problèmes. Président d’une association qui gère la psychiatrie sur la Haute-Saône, à Belfort et à Montbéliard, je suis confronté au hiatus entre médecins et magistrats. Comment le juge peut-il s’intégrer dans cet univers médical ?

M. Jacques Mézard. – Nous avons tous beaucoup apprécié le travail de Jean-Marie Delarue : l’homme a fait la fonction. Mme Tasca a dit à juste titre que son indépendance était fondamentale. Il faut pour cette fonction infiniment de liberté par rapport à sa famille politique et au Gouvernement. Or, vous êtes secrétaire nationale d’un important parti et vous avez été présidente du syndicat de la magistrature. Il est indispensable de couper les liens : sont-ils coupés ? Comment envisagez-vous vos relations avec les directeurs d’établissements et le personnel pénitentiaire ?

Enfin, je vous remercie d’avoir rendu hommage au travail du Sénat, ce qui n’est pas toujours le cas chez un certain nombre de responsables politiques que vous connaissez bien.

M. François Grosdidier. – Cette audition, comme la précédente, nous montre que l’on peut à la fois être engagé politiquement et faire preuve de hauteur de vue, de pragmatisme et de conviction. Vos propos sont pleins de justice et de justesse, et vous saurez couper, je n’en doute pas, le cordon ombilical avec le monde politique.

Vous avez évoqué la prison comme « l’école de la récidive ». Pensez-vous qu’elle le soit par essence ou que cela résulte de ses carences actuelles ? Ne voyez-vous comme

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remède à la surpopulation carcérale que les peines de substitution ? La construction de places supplémentaires est-elle une question taboue ?

Vous évaluez la proportion de détenus présentant des troubles psychiatriques, sans pour autant nécessiter une hospitalisation, à 30 %. La détention peut aggraver ces troubles, et les codétenus ainsi que le personnel pénitentiaire, qui n’a évidemment pas la compétence pour les prendre en charge, en supportent les conséquences. Que faire ? Développer les services psychiatriques en prison ? Créer une catégorie intermédiaire de centres de détention ? Vous semblez regretter que, dans l’hospitalisation, l’aspect sécuritaire prenne le pas sur les soins et souhaitez que l’objectif de soin soit privilégié. Qu’est-ce à dire ?

Vous vous êtes enfin prononcée en faveur de l’utilisation du téléphone portable en prison. À quelles conditions ? Certes, cela peut prévenir la dépression et le suicide. Mais il convient d’empêcher la poursuite d’activités délinquantes depuis la prison et l’organisation de tentatives d’évasion !

M. Jean-René Lecerf. – Ce sont moins les 30 % de détenus souffrant de troubles psychiatriques qui m’inquiètent que les 10 % si atteints que la peine n’a aucun sens pour eux. Leur discernement était plus aboli qu’atténué, et ils ont été incarcérés faute d’alternative. Cela fait des prisons, en un sens, le plus grand hôpital psychiatrique de France. À l’inverse, des personnes extrêmement dangereuses – pousseurs de métro, schizophrènes… – sont en liberté, car les lits manquent en hôpital psychiatrique fermé. L’assassinat récent d’une institutrice dans le sud de la France nous rappelle cette réalité… On attend qu’ils commettent l’irréparable pour les condamner et les enfermer.

Un article publié dans Le Monde d’hier consacré aux prisons américaines indiquait qu’en France, 60 % des détenus étaient de confession musulmane. Comment ces chiffres ont-ils été obtenus, puisque les statistiques ethniques sont interdites en France ? Si ce chiffre correspond à une réalité, n’impose-t-il pas de réfléchir à ce problème ?

M. Christian Cointat . – La fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté doit être exercée avec indépendance et en toute liberté, avec une autorité de nature non hiérarchique mais morale : les recommandations du Contrôleur doivent s’appliquer naturellement. M. Delarue nous avait dit avoir rencontré des réticences de la part de l’administration pénitentiaire. Comment allez-vous acquérir la stature nécessaire pour disposer de l’autorité morale sans laquelle vos recommandations resteront des vœux pieux ?

Mme Virginie Klès. – L’indépendance est en effet indispensable ; votre parcours peut conduire à s’interroger. Combien de prisons, de centres éducatifs fermés, de locaux de garde à vue, de commissariats avez-vous visités au cours de votre carrière ? Quand ? Dans quelles circonstances ? Que pensez-vous du bracelet électronique ?

M. Jean-Yves Leconte. – Vous avez indiqué que des prisons anciennes et indignes étaient l’école de la récidive. L’administration pénitentiaire fait ce qu’elle peut, avec les moyens qu’on lui donne. Les centres de rétention sont rarement aux normes, souvent gérés au fil de l’eau, sans respecter de procédures. Il s’agit de véritables « centres de désintégration ». Qu’allez-vous faire ? Notre République est laïque, mais chacun doit pouvoir pratiquer sa religion. Les repas servis dans ces centres ne le permettent pas.

M. François-Noël Buffet. – Une indépendance totale est absolument indispensable à l’exercice de ces fonctions. C’est d’elle que naît l’autorité. Mme Assassi et

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moi-même sommes chargés d’une mission sur l’état des centres de rétention administrative : nous rendrons notre rapport le 23 juillet. Quel est votre point de vue sur cette question ?

M. Félix Desplan. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut-il également s’intéresser à la situation, souvent difficile, des familles de détenus ?

Mme Adeline Hazan. – Mon parcours professionnel m’a préparé à cette mission, puisque je me suis intéressée aux droits fondamentaux comme aux prisons, notamment dans mon premier poste de juge de l’application des peines. Je suis engagée en politique, je ne m’en cache pas. Mais être élue locale ou européenne empêche-t-il l’impartialité ou l’indépendance ? Il y a plusieurs moments dans une vie. L’engagement partisan, qui était au premier plan dans la mienne, fera place à l’indépendance, qui est l’essence même de la fonction à laquelle j’aspire. Je ne ferai aucun compromis avec aucune autorité, de quelque bord politique qu’elle soit. Je formulerai mes propositions, recommandations, avis et, le cas échéant, je dénoncerai de la même manière quelle que soit la couleur politique du Gouvernement. Il va aussi de soi – la loi l’impose – que si le Président de la République me nomme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je démissionnerai de mes fonctions de conseillère municipale et de conseillère d’agglomération – d’opposition – à Reims, ainsi que de mes fonctions de secrétaire nationale du PS. L’exercice de cette fonction requiert en effet la plus grande indépendance. Il m’est du reste arrivé de ne pas suivre la position du Gouvernement. Je n’aurai donc aucun problème pour dénoncer une situation ou une politique publique.

Madame Tasca, M. Delarue s’était fixé comme méthode de réaliser 150 visites d’établissements par an. Je continuerai dans cette voie. Je commencerai par retourner dans les prisons visitées pour vérifier que les recommandations faites après la première visite ont été mises en œuvre. Les équipes du Contrôleur ont d’ailleurs un rythme de travail qui les conduit sur le terrain deux semaines sur quatre.

Faut-il étendre la compétence du Contrôleur général aux EHPAD ? La question est sensible. Il a été décidé que, puisque les pensionnaires de ces établissements ne s’y trouvaient pas par décision de la puissance publique, ils ne devaient pas relever du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le vieillissement de la population ne manquera pas de remettre cette question à l’ordre du jour car ces établissements exercent des contraintes sur leurs pensionnaires. Ce dossier n’est donc pas fermé. M. Delarue a d’ailleurs récemment évoqué avec la secrétaire d’État aux personnes âgées le principe d’une expérimentation.

Les questions du travail et de l’éducation en prison ne sont pas assez évoquées dans le débat public. Le travail en prison est insuffisamment développé, alors qu’il s’agit d’une condition essentielle de la réinsertion à la sortie. Lorsqu’il est effectué, il n’ouvre pas les mêmes droits qu’à l’extérieur.

Monsieur Michel, la question des lieux d’hospitalisation sous contrainte a donné lieu à d’abondants débats. La loi de 2011 a fait intervenir le juge des libertés et de la détention, même si son appellation ne s’y prête guère. Une QPC a conduit à la loi de 2013, qui prévoit que ce juge vérifie dans un délai de 15 jours, puis dans un délai de 10 jours, la nécessité du placement. Il fallait instaurer un meilleur suivi, même si ni les psychiatres ni les juges n’y étaient favorables. En pratique, les auditions ne se font plus dans les tribunaux mais, le plus souvent, dans les hôpitaux. Une meilleure formation des magistrats sur cette question est souhaitable.

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Monsieur Mézard, vous avez dit en parlant de M. Delarue que l’homme avait fait la fonction. J’espère que la femme le pourra aussi ! Je m’inscrirai, avec ma personnalité et mon expérience, dans la continuité de ses méthodes.

Les relations avec les directeurs d’établissements pénitentiaires sont capitales. Je sais la difficulté des missions exercées par le personnel pénitentiaire, surtout dans l’état actuel des prisons. Les directeurs d’établissements pénitentiaires que j’ai rencontrés sont des personnes extraordinaires, avec lesquelles je pense pouvoir bien travailler.

M. Grosdidier m’a demandé si la prison était l’école de la récidive. La formule est connue. Tout détenu ne va pas récidiver, mais en l’absence d’éducation, de formation, de travail et de préparation à la sortie, oui, la prison est l’école de la récidive. La loi pénitentiaire de 2009 a eu le mérite d’affirmer que, si le temps en prison correspond à une nécessité de préservation de l’ordre public, il a aussi pour finalité de préparer la sortie, par l’éducation, la formation, le travail… La loi qui a fait l’objet de la commission mixte paritaire d’hier s’inscrit dans le même esprit. Le recours à la prison doit être le dernier recours : les juges doivent de préférence prononcer des peines alternatives.

La construction de nouvelles prisons est-elle un sujet tabou ? La prison doit être la dernière solution, et les juges doivent donner la priorité aux peines alternatives à la prison. L’urgence, en France, est de mettre aux normes les prisons actuelles. Avec 110 à 180 % de surpopulation carcérale, la situation est insupportable, alors même que la loi pénitentiaire avait rappelé le principe de l’encellulement individuel, qui aurait dû devenir réalité en novembre 2014.

Il faut améliorer les services psychiatriques en prison. L’hospitalisation sous contrainte doit être d’abord considérée comme un moment de soin, non comme un moment de contrainte. Faute de personnel, il est parfois fait usage de mesures de contention ou d’isolement qui ne sont pas fondées sur des motifs médicaux mais répondent à des exigences disciplinaires. À cet égard, la plus grande vigilance s’impose.

M. Delarue avait abordé la question des téléphones portables en prison. C’est un sujet sensible. Je souhaite d’abord me pencher sur l’utilisation des téléphones fixes. La réinsertion, on le sait, est grandement favorisée par le maintien des liens familiaux. La manière dont les détenus sont autorisés à se servir des téléphones, dans les coursives ou les cours de promenade, à des horaires restreints, sans intimité, n’est pas de nature à favoriser ce maintien. La question des téléphones portables doit être abordée avec pragmatisme. Nous savons que certains détenus en ont, en toute illégalité. Ne vaudrait-il pas mieux une utilisation réglementée, restreinte à certains numéros par exemple ?

Je félicite M. Lecerf pour son engagement. Je ne sais pas comment la proportion de 60 % de musulmans a pu être évaluée. Certes, l’intégrisme pose problème, mais moins en prison qu’à l’extérieur, tous les observateurs le disent.

J’ai déjà répondu à M. Cointat sur l’autorité. Les réticences de l’administration pénitentiaire dénoncées par M. Delarue ont conduit à la loi de mai 2014 qui crée le délit d’entrave à l’exercice des missions du Contrôleur général.

Je n’ai pas compté les prisons visitées, mais en tant que juge d’application des peines à Châlons-sur-Marne, je passais trois jours par semaine en établissement pénitentiaire. J’ai visité la prison de Reims, effectué des missions sur des centres de détention en tant que

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députée européenne, j’ai visité des commissariats de police… Bref, je crois connaître assez bien les lieux de privation de liberté.

Le bracelet électronique est une des alternatives à la prison, mais n’en faisons pas la panacée : certains condamnés ont indiqué que c’était parfois plus dur que l’enfermement !

La situation des centres de rétention n’est pas satisfaisante. Les droits des personnes retenues ne sont pas assez protégés. Si possible, les repas qui y sont servis doivent respecter les exigences confessionnelles de chacun.

Monsieur Desplan, le rôle des familles est essentiel ; il fait partie de la mission du Contrôleur général de s’assurer que les lieux d’accueil des familles – qui se multiplient – fonctionnent correctement.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Merci d’avoir répondu à chacun dans le délai imparti.

La réunion est levée à 12 h 05

La séance est ouverte à 12 h 10

Vote et dépouillement du scrutin sur les propositions de nomination par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits et de

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Au cours d’une troisième réunion tenue dans la matinée, la commission procède successivement aux votes sur les propositions de nomination par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits et de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Nous allons procéder au vote, suite aux deux auditions qui viennent de se dérouler.

Je vais demander aux deux secrétaires de séance, qui sont traditionnellement nos deux collègues présents les plus jeunes, à savoir Mme Cécile Cukierman et M. Christophe Béchu, de bien vouloir me rejoindre en tant que scrutateurs.

L’urne va circuler. Je vous demande de bien vouloir y déposer un bulletin portant la mention « pour » si vous êtes favorable à la nomination proposée et « contre » si vous y êtes opposé.

Nous procéderons d’abord au vote concernant la nomination proposée par M. le Président de la République pour les fonctions de Défenseur des droits (M. Jacques Toubon) puis, dans les mêmes conditions, au vote concernant la nomination proposée pour les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Mme Adeline Hazan) selon les modalités que j’ai exposées avant les auditions.

Nous procéderons ensuite au dépouillement pour lequel je vous rappelle que nous sommes en contact avec la commission des lois de l’Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.

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Il est procédé aux votes.

La commission procède ensuite au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Mes chers collègues, voici le résultat des votes :

- nombre de votants : 35

- blancs ou nuls : 5

- suffrages exprimés : 30

- pour : 16

- contre 14.

Ce vote sera agrégé à celui de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La commission a donc donné un avis favorable à la nomination de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits.

Puis la commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination par le Président de la République aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. – Mes chers collègues, voici le résultat des votes :

- nombre de votants : 35

- blancs ou nuls : 4

- suffrages exprimés : 31

- pour : 18

- contre : 13.

Ce vote sera agrégé à celui de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La commission a donc donné un avis favorable à la nomination de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La réunion est levée à 12 h 30

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COMMISSION SÉNATORIALE POUR LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES LOIS

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. David Assouline, président –

Examen du rapport d’information de MM. Jacques Legendre et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs sur la mise en œuvre de la loi

n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association

lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence- Réunion commune avec la commission de la Culture, de l’éducation

et de la communication

La réunion est ouverte à 16 h 15.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale du contrôle de l’application des lois. – Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le rapport d’information de MM. Jacques Legendre et Jacques-Bernard Magner sur le bilan d’application de la « loi Carle », qui tend à garantir la parité de financement entre les écoles publiques et privées sous contrat d’association accueillant des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

Ce bilan d’information, réalisé avec le concours de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avait été inscrit à notre programme d’activité pour 2014 en octobre 2013 sur la proposition de Jacques-Bernard Magner, en accord avec la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Toutefois, s’agissant d’un sujet sensible pour les communes, il avait été décidé que les rapporteurs ne présenteraient pas leurs conclusions avant le deuxième trimestre 2014, pour ne pas risquer d’interférer avec les élections municipales de mars 2014.

Du coup, ce rapport n’a pu être porté à notre ordre du jour pendant la session ordinaire.

Comme tous les élus locaux le savent, le principe de parité du financement entre l’enseignement public et l’enseignement privé est au cœur de la loi Carle, mais ce texte et le décret pris pour son application ont pu donner lieu à quelques divergences d’interprétation.

C’est pourquoi il nous paraissait important de faire un bilan d’application d’une loi qui a suscité beaucoup de réactions au moment de sa promulgation, mais dont la mise en œuvre semble réunir un certain consensus.

M. Jacques Legendre, rapporteur – Nous avons mené, avec Jacques-Bernard Magner, le contrôle de l’application de la loi du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées, que j’appellerai par commodité la loi Carle, dans un esprit consensuel et attentif aux réactions des élus de terrain.

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Nous nous sommes concentrés sur les effets concrets de la loi sans revenir sur les débats, parfois vifs, qui avaient précédé son adoption.

Je vais brièvement présenter, dans un souci de clarté, les dispositions assez techniques et complexes de la loi, avant de dresser un premier bilan de son application. Jacques-Bernard Magner reviendra ensuite sur les quelques ambiguïtés et difficultés d’interprétation qui nous ont été signalées.

La loi Carle comprend trois articles. Le cœur du dispositif est contenu dans l’article premier, tandis que l’article 2 prévoit une voie de règlement des litiges par le préfet et que l’article 3 abroge les dispositions préexistantes sur le même sujet, dont le fameux « amendement Charasse ».

L’article premier inscrit dans le code de l’éducation un régime juridique propre au financement de la scolarisation des élèves non-résidents dans des écoles privées, analogue à celui qui était valable pour l’enseignement public depuis les premières lois de décentralisation.

Il convient de délimiter précisément son champ d’application :

- ne sont concernées que les classes privées faisant l’objet d’un contrat d’association avec l’État, à l’exclusion des classes sous contrat simple, envers lesquelles les communes n’ont aucune obligation financière ;

- ne sont concernées que les classes élémentaires, à l’exclusion des classes maternelles, qui n’appartiennent pas à la scolarité obligatoire et n’ouvrent aucune obligation de financement pour les communes, comme l’a établi la jurisprudence du Conseil d’État.

Le principe central régissant le financement à la charge de la commune de résidence est que sa contribution ne constitue une dépense obligatoire que lorsqu’une contribution similaire aurait été due au titre de la scolarisation d’un élève dans une école publique de la commune d’accueil. Il s’agit donc d’un corollaire du principe de parité inscrit dans la loi Debré de 1959.

En conséquence, la contribution de la commune de résidence n’est obligatoire que dans quatre cas limitativement énumérés :

- l’absence de capacités d’accueil suffisantes dans une école publique de la commune de résidence ;

- les contraintes dues aux obligations professionnelles des parents, lorsque la commune de résidence n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

- l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la commune d’accueil ;

- l’existence de raisons médicales.

Pour calculer le montant de la contribution obligatoire, il est tenu compte :

- des ressources de la commune de résidence ;

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- du nombre d’élèves de la commune de résidence scolarisés dans la commune d’accueil ;

- du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil.

Est également fixé un plafond de contribution équivalent au coût moyen de l’élève d’une école publique de la commune de résidence.

En dehors des cas de contribution obligatoire, la loi Carle laisse aux communes de résidence la faculté de participer volontairement aux frais de fonctionnement de l’établissement privé d’une autre commune. Comme dans le cas de la contribution obligatoire, le montant de la contribution facultative de la commune de résidence ne peut pas excéder le coût de la scolarisation d’un élève dans une de ses propres écoles publiques.

Par ailleurs, l’article 2 de la loi Carle introduit une nouvelle procédure de règlement des litiges financiers entre les communes et les écoles privées. Cette procédure spécifique porte sur toutes les contributions obligatoires des communes, si bien qu’elle concerne aussi bien les élèves résidents que non-résidents. Elle prévoit qu’en cas de litige, le montant de la contribution obligatoire est fixé par le préfet qui statue dans les trois mois suivant sa saisine par la plus diligente des parties, qu’il s’agisse de la commune ou de l’établissement privé.

Cette procédure spécifique ne se retrouve pas à l’identique dans l’enseignement public. Tout d’abord, les différends dans le public ne font pas intervenir l’école qui ne possède pas la personnalité juridique, contrairement à l’établissement privé. Ensuite, en cas de désaccord entre les deux communes, le préfet statue sur la contribution de chacune d’entre elles, alors que dans l’enseignement privé, il ne fixe que la contribution obligatoire de la commune de résidence. Enfin, le préfet n’intervient qu’après avis du conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN), lorsque l’école d’accueil est publique.

Une fois définie la contribution due par la commune de résidence à l’école privée, pour en assurer le paiement effectif, le préfet est invité par la circulaire d’application du 15 février 2012 à utiliser les procédures d’inscription d’office et de mandatement d’office, plutôt que le déféré préfectoral.

Le calcul exact de la participation financière est un sujet complexe, largement laissé ouvert par la loi Carle. Les préfectures interrogent fréquemment la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’intérieur à ce propos.

Tant que le Conseil d’État n’est pas saisi de contentieux liés aux forfaits dus au titre de la loi Carle, il faut extrapoler à partir de ses décisions sur le calcul du forfait de base pour les élèves du privé et sur la contribution due au titre d’élèves non-résidents scolarisés dans une école publique.

Avant le vote de la loi Carle, le Conseil d’État s’est en effet prononcé sur le dispositif analogue qui était valable pour les élèves non-résidents dans l’enseignement public. Il a considéré que pour la répartition des charges entre la commune de résidence et la commune d’accueil, il fallait partir des frais effectivement supportés par la commune d’accueil pour assurer le fonctionnement des écoles, mêmes si elles n’ont pas un caractère obligatoire, dès lors qu’elles ne résultent pas de décisions illégales.

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Cette jurisprudence Commune de Port d’Envaux de 2004 a été précisée dans le cas du forfait de base dû aux écoles privées, de sorte que les dépenses de la commune exposées dans les classes élémentaires publiques qui se rapportent à des activités scolaires, même s’il ne s’agit pas de dépenses obligatoires, doivent être prises en compte pour le calcul de la participation de la commune aux dépenses de fonctionnement des classes privées sous contrat d’association. Cette décision Commune de Clermont-Ferrand c/ OGEC Fénelon de 2011 concerne par exemple les dépenses relatives au transport des élèves lors des activités scolaires, à la médecine scolaire, à la rémunération d’intervenants lors des séances d’activités physiques et sportives et aux classes de découverte.

Il convient de remarquer que la nomenclature comptable utilisée par les communes n’est pas opposable aux établissements privés. Seul importe que les dépenses en cause soient véritablement des charges ordinaires ou des investissements. La seule inscription en section de fonctionnement ou d’investissement d’une dépense engagée par la commune d’accueil au profit de ses écoles publiques ne saurait justifier son intégration ou son exclusion respectivement dans le calcul de la contribution de la commune de résidence, conformément à une décision Fédération UNSA de 2010.

Quelle que soit la position de fond que chacun peut défendre sur le principe même de la parité de financement entre l’école publique et l’école privée, il est indéniable que la sécurité juridique des communes et des écoles privées a été renforcée par la loi Carle.

Les associations de maires, comme les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale, les parents d’élèves de l’enseignement libre (UNAPEL), le secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) et les inspections générales constatent que les relations sur le terrain sont apaisées et que les tensions antérieures se sont largement dissipées.

Le nombre de contentieux est extrêmement faible. L’action positive des préfets et des sous-préfets, qui ont réalisé un travail important de médiation en amont, doit être saluée à cet égard. La possibilité de recourir à la procédure de mandatement d’office a été très efficace.

Nous nous félicitons de cet épuisement du contentieux ; toutefois, il convient de l’interpréter prudemment.

D’une part, même si le financement des élèves non-résidents dans les écoles privées avait beaucoup inquiété les maires entre 2004 et 2009, le nombre de contentieux portés devant le juge administratif demeurait faible et les appels sur les jugements de première instance étaient encore plus rares.

D’autre part, il convient de relever le peu d’empressement manifesté par les établissements privés pour exiger le paiement du forfait « loi Carle ». Pour l’enseignement privé lui-même, le forfait de base pour les élèves résidents constitue un enjeu autrement plus important à la fois en termes de nombre et de montant des forfaits recouvrés. Les enjeux financiers de la loi Carle sont trop limités pour que les organismes de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) engagent le processus d’identification des élèves concernés et déclenchent une opération de recouvrement ou a fortiori un contentieux. C’est ce qui explique que les réclamations soient peu nombreuses.

Néanmoins, même si les établissements privés n’entreprennent pas toujours de réclamer le forfait spécifique de la loi Carle, ils pratiquent parfois une politique d’optimisation de leur recrutement en privilégiant les élèves résidents, c’est-à-dire les élèves

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systématiquement pris en charge par la commune où ils sont établis. Ceci a été confirmé en audition par notre collègue députée Annie Genevard, en sa qualité de maire de Morteau, bourg centre qui accueille nombre d’élèves des communes avoisinantes.

À cette réserve près, force est de constater que la loi Carle a tout à fait apaisé la situation en stimulant le dialogue local et la conclusion d’accords. La loi a été pacificatrice et les congrès départementaux et nationaux des maires n’abordent plus la question.

Pour répondre à des inquiétudes exprimées notamment par le Comité national d’action laïque (CNAL), nous avons étudié l’évolution de la répartition de la population scolaire entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Aucun flux d’élèves vers le privé n’a été déclenché par la loi Carle. À l’échelon national, le premier degré élémentaire public a connu une croissance légère de 0,78 % de ses effectifs contre une baisse modeste de 0,34 % dans le privé sous contrat. En termes de nombre de classes, le ministère indique une quasi-stabilité dans l’élémentaire public contre une baisse nette dans l’élémentaire privé sous contrat. Il faut donc écarter toute idée d’une déstructuration du réseau national des écoles publiques sous l’effet de la loi Carle.

Les mêmes tendances sont confirmées en se limitant à l’étude de 45 départements ruraux.

Dans sept départements de cette liste seulement, l’évolution de la scolarisation dans le privé est plus favorable que dans le public. Il s’agit de l’Aude, de la Creuse, de la Dordogne, du Gers, de la Haute-Saône, de la Moselle et de l’Yonne. Toutefois, même dans ces départements, on ne peut pas parler de transvasement du public vers le privé car les flux dans le privé sont extrêmement faibles. Les évolutions de la scolarisation dans le public ne sont pas corrélées avec l’évolution dans le privé et ne sont pas dues à l’application de la loi Carle.

Au vu de l’évolution constatée des flux d’élèves depuis 2009, nous estimons que la loi Carle n’a entraîné aucun bouleversement des équilibres entre le public et le privé.

Je cède maintenant la parole à Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur. – Je vais pour ma part me concentrer sur quelques difficultés d’application, issues essentiellement de l’ambiguïté ou du silence des textes réglementaires.

La définition exacte des capacités d’accueil des communes conditionne la portée de la loi Carle, notamment en zone rurale. Plus une définition large est retenue, plus le nombre de communes sortant du champ de l’obligation de financement est important. Deux problèmes se posent : celui du périmètre géographique retenu et celui de la définition du nombre d’élèves par classe au sein du périmètre défini.

Le seul texte d’application prévu par la loi Carle est un décret déterminant les modalités de prise en compte des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). La solution retenue dans le décret en Conseil d’État du 9 novembre 2010 vise à gommer une asymétrie dans la prise en compte de l’intercommunalité entre l’enseignement public et l’enseignement privé. La loi Carle ne mentionne pas les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), alors que la disposition du code de l’éducation qui lui servait de modèle et qui s’applique aux élèves non-résidents dans les écoles publiques prévoit que

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l’EPCI à compétence scolaire se substitue à la commune, mais elle ne mentionne pas les RPI. Pour égaliser les situations, le décret de 2010 prévoit de ne prendre en compte, dans l’appréciation des capacités d’accueil de la commune de résidence, que les RPI organisés dans le cadre d’un EPCI à compétence scolaire.

D’après le ministère de l’éducation nationale, à la date du décret, les RPI concernaient environ 15 000 communes et 11 % des élèves. Une moitié environ des RPI étaient adossés à un EPCI. L’autre moitié ne touchait qu’un peu plus de 3 % des élèves, ce qui paraissait un effectif trop faible pour rigidifier le statut juridique des RPI, aujourd’hui simplement régis par une circulaire de 2003.

Les avis sont très partagés sur la question de savoir si le décret de 2010 respecte la volonté du législateur. Les associations de maires le contestent. Elles sont favorables à une prise en compte de tous les RPI et pas seulement de ceux qui sont adossés à un EPCI.

Les juristes que nous avons auditionnés ne s’accordent pas. Certains considèrent que le pouvoir réglementaire a déformé le texte voté par le Sénat, en vidant de toute substance l’amendement sénatorial qui prévoyait un traitement spécifique des RPI pour tenir compte de la situation des communes rurales. D’autres juristes estiment à l’inverse que le principe de parité entre le public et le privé doit l’emporter, par cohérence avec l’objet même de la loi Carle. C’est aussi la position du Conseil d’État dans son avis du 6 juillet 2010.

Les débats parlementaires eux-mêmes ne permettent pas de trancher sur l’intention du législateur puisqu’en réalité, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté le même texte dans les mêmes termes mais avec des intentions divergentes. Les débats au Sénat laissent penser que l’esprit de l’amendement sur les RPI était effectivement de les prendre en compte globalement au-delà des seuls EPCI. En revanche, le rapporteur de l’Assemblée nationale, notre collègue Frédéric Reiss, avait clairement indiqué que la disposition adoptée au Sénat devait être restreinte par le pouvoir réglementaire aux seuls RPI adossés à un EPCI à compétence scolaire, afin de respecter le principe de parité. Le texte ayant été adopté conforme à l’Assemblée nationale en première lecture, le débat n’a pu être tranché par une commission mixte paritaire et l’incertitude demeure.

Après avoir déterminé le périmètre géographique de la zone de résidence, il reste encore à apprécier la capacité d’accueil effective dans les classes inscrites dans ce périmètre. C’est source de nouvelles difficultés pratiques.

Faut-il se caler sur le seuil d’ouverture ou de fermeture des classes ? Certains inspecteurs d’académie - directeurs académiques des services de l’éducation nationale (IA-DASEN) n’ont même pas défini de seuils fixes d’ouverture et de fermeture. Lorsqu’ils l’ont fait, les seuils varient entre 20 et 25 élèves avec de grandes variations par zones, pour tenir compte de la viabilité du tissu scolaire ou des contraintes géographiques spécifiques, notamment en zone de montagne. De façon générale, au-delà de l’application de la loi Carle, les associations d’élus souhaitent plus de clarté et de lisibilité dans la définition des seuils d’ouverture et de fermeture des classes.

L’application de la loi Carle pose encore d’autres difficultés, qui ne trouvent pas de réponses dans la circulaire d’application de 2012. C’est le cas par exemple des effets d’un déménagement en cours d’année et des modalités de prise en compte des fratries.

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Pour l’enseignement public, l’article L. 212-8 du code de l’éducation accorde à l’enfant le droit au maintien dans l’école de la commune d’accueil jusqu’à la fin du cycle d’études entamé. Cette disposition s’applique en cas de déménagement de la famille en cours d’année avec le maintien de l’inscription de l’enfant dans l’école d’origine. Il n’existe pas de disposition analogue dans le code de l’éducation pour l’enseignement privé.

Même si l’on transposait au privé la solution retenue pour le public, il resterait une difficulté de fond : la nouvelle commune de résidence après le déménagement est-elle tenue de contribuer financièrement à la prise en charge de l’enfant dans l’école de la commune d’origine où il demeure inscrit ? Autrement dit, le déménagement en cours d’année avec maintien dans l’école d’origine crée-t-il un cas supplémentaire d’obligation de financement pour la nouvelle commune de résidence ?

Les interprétations du ministère de l’intérieur et du ministère de l’éducation nationale divergent sur ce point.

Le ministère de l’intérieur considère qu’aucune obligation ne pèse sur la nouvelle commune de résidence, même si un accord entre les communes peut être recherché.

En revanche, le ministère de l’éducation nationale estime que le maintien de l’inscription initiale dans la commune d’origine, avant le déménagement, entraîne l’obligation pour la nouvelle commune de résidence, après le déménagement, de financer la continuité du parcours scolaire.

La jurisprudence administrative n’est pas stabilisée, mais dans les quelques cas où des tribunaux se sont prononcés, ils ont plutôt retenu l’interprétation du ministère de l’intérieur. Dans deux arrêts significatifs de janvier 2002, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré que :

- l’obligation de financement à la charge de la commune de résidence ne porte que sur les seules années au titre desquelles les cas dérogatoires sont justifiés ;

- le droit au maintien dans l’école d’origine n’entraîne pas de lui-même une obligation de prise en charge financière par la nouvelle commune de résidence.

Pour autant, en réponse à une Question écrite de notre collègue Jean-Pierre Sueur en 2013, le ministère de l’éducation a maintenu son interprétation. L’imprécision des textes réglementaires autorise des lectures équivoques. En attendant une décision claire du Conseil d’État, cette ambiguïté demeure une source d’insécurité juridique pour l’enseignement public comme pour l’enseignement privé.

J’en viens à la question des fratries.

Pour l’enseignement public, l’article R. 212-21 du code de l’éducation dispose que la commune de résidence est tenue de participer financièrement à la scolarisation maternelle ou élémentaire dans une autre commune du frère ou de la sœur d’un enfant inscrit la même année scolaire dans une école publique de ladite commune d’accueil, dans le cas où la scolarisation de l’enfant de référence dans la commune d’accueil est elle-même justifiée par une des dérogations classiques (activité professionnelle des parents, état de santé de l’enfant, capacité d’accueil insuffisante dans la commune de résidence).

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Il faut noter que l’inscription simultanée de deux frères ou sœurs n’emporte pas l’application de cette mesure, qui n’est valable qu’en cas d’inscription échelonnée. Elle vaut pour un regroupement de fratrie mais pas pour une inscription groupée de fratrie.

Il n’existe pas de dispositions analogues pour l’enseignement privé et c’est par extrapolation, en recourant au principe de parité, qu’il faudrait interpréter les termes de la loi Carle en matière de prise en compte des fratries. La seule condition restrictive propre au privé serait la limitation aux seules classes élémentaires, sans tenir compte des inscriptions en classes maternelles.

En tout état de cause, le critère de regroupement de la fratrie paraît matériellement très difficile à utiliser pour les établissements privés. Comme le notent les préfectures sondées par la DGCL, il faut que chaque établissement privé concerné fasse la preuve au cas par cas que les aînés en général auraient pu bénéficier d’une dérogation à l’époque de leur inscription. En particulier, pour apprécier les capacités d’accueil au moment de l’inscription de l’aîné, le chef d’établissement doit vérifier les statuts en vigueur à l’époque des éventuels EPCI, ce qui s’apparente à une enquête quasi impossible pour lui.

Nous devons confesser un regret dans l’exercice de la tâche qui nous a été confiée, celui de n’avoir pu disposer que de très peu de données statistiques. Cela a compliqué notre appréciation exacte de la portée du problème et de l’efficacité de la solution.

Parmi les élèves non-résidents accueillis dans des établissements privés, il est très ardu de déterminer le nombre d’élèves effectivement concernés par la loi Carle. Personne au niveau des communes ou des préfectures ne procède à ce recensement, et encore moins les instances nationales de l’enseignement privé et les directions centrales des ministères. S’y oppose clairement le défaut d’information sur les motifs d’inscription dans les écoles privées. Il faudrait procéder à une enquête auprès des familles pour savoir si elles entrent dans un des cas de figure. Les maires des petites communes rurales n’émettent pas d’avis et ne sont pas informés d’une décision d’inscription. Leurs moyens d’identifier les élèves concernés auprès des autres maires sont aussi limités.

Même s’il n’existe aucune statistique précise qui renseigne sur le nombre d’élèves entrant dans le champ du dispositif, nous nous sommes appuyés sur les estimations de la direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale. Peu d’élèves seraient concernés par la loi Carle et les flux financiers générés seraient d’autant plus difficiles à repérer qu’ils seraient d’ampleur marginale.

Un tiers des élèves scolarisés en primaire dans les établissements de l’enseignement catholique seraient des non-résidents, ce qui représente environ 300 000 élèves. Il faut soustraire les classes maternelles qui ne sont pas concernées par la loi Carle et ne tenir compte que des 200 000 élèves non-résidents scolarisés dans des classes élémentaires privées. Ensuite, il faut encore soustraire de ce total tous les élèves non-résidents qui ne rentrent pas dans un des cas de dépenses obligatoires prévus par la loi de 2009. Le ministère de l’éducation nationale estime au final que 30 000 élèves seulement entrent dans le champ de la loi Carle.

En outre, à partir de données rassemblées et retraitées par la Cour des comptes et d’informations transmises par l’enseignement catholique, le ministère de l’éducation nationale estime le forfait communal moyen à 550 euros par élève. On aboutit ainsi à une estimation

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financière maximale des flux qui pourraient être générés par l’application intégrale de la loi à 16,5 millions d’euros.

En tout état de cause, les sommes sont trop faibles et trop éparpillées sur des milliers de communes, pour que la direction générale des finances publiques entreprenne de mettre en place un système d’extraction spécifique des données financières relatives à l’application de la loi Carle. Rappelons que les coûts des systèmes d’information dans l’éducation nationale sont déjà colossaux. Il faut veiller à ce que le suivi de la loi Carle et un légitime besoin d’informations ne coûtent finalement pas davantage que la loi Carle elle-même.

M. David Assouline, président. – Vos propos, messieurs les rapporteurs, nous éclairent sur les raisons pour lesquelles votre travail d’analyse est empreint de tant d’harmonie et ne propose guère d’évolution à la loi étudiée. Vous avez toutefois soulevé le problème que constituent les différences d’appréciation juridique entre les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale. À mon sens, c’est le rôle de notre commission d’exiger que ces divergences, qui créent tant d’incompréhensions sur le terrain, soient corrigées. Pourriez-vous intervenir en ce sens auprès des ministères concernés, afin que ce rapport ne se limite pas à la seule information du Parlement ?

Vous avez cité le chiffre de 30 000 élèves concernés par le dispositif de la loi Carle : c’est effectivement fort disproportionné au regard des combats idéologiques qui ont agité notre hémicycle à l’occasion du vote de ce texte. Un tel écart avait déjà été observé lors de l’examen du rapport de nos collègues Corinne Bouchoux et Jean-Claude Lenoir relatif à l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires : le dispositif ne pouvait s’appliquer à si peu de gens qu’au final, la loi restait sans effet pratique. Ces exemples nous rappellent combien les études d’impact réalisées en amont sont essentielles à la dédramatisation du débat politique.

Mme Marie-Annick Duchêne. – Deux éléments doivent être gardés à l’esprit s’agissant de l’application de la loi Carle : d’abord, l’enseignement privé n’est pas soumis à la sectorisation scolaire ; ensuite, les forfaits dus par les communes lorsque des enfants ne sont pas scolarisés sur leur territoire sont rarement versés aux communes d’accueil. En charge du suivi de ce dossier dans le département des Yvelines, j’ai souvenir, qu’à l’époque de l’adoption de la loi, les combats idéologiques faisaient rage. Pourtant, les forfaits communaux ont rarement été mis en œuvre tant les élus comprenaient finalement les raisons avancées par les parents pour scolariser leur enfant dans l’enseignement privé hors du territoire de leur commune de résidence. En réalité, ces forfaits sont majoritairement versés lorsque les communes ne se sont pas mises d’accord entre elles en amont. J’avais, pour ma part, demandé au directeur diocésain du département de faire preuve d’indulgence et de compréhension à l’égard des communes rurales qui ne disposaient plus que de quelques classes dans l’enseignement public. Il s’agissait en effet d’éviter que de trop nombreuses inscriptions dans le privé ne conduisent à la fermeture de ces classes. Finalement, les communes riches, où les écoles privées sont nombreuses, assument l’essentiel des frais de scolarisation. Le diocèse des Yvelines n’a pas souhaité passionner le débat et, de ce fait, la guerre scolaire n’a pas eu lieu.

M. Jean-Claude Lenoir. – J’aurai trois observations et deux questions pour nos rapporteurs. Je souhaite tout d’abord les féliciter pour leur travail d’analyse qui nous permettra de mieux répondre à nos interlocuteurs de terrain, bien que les différences d’appréciation juridique soulevées posent toujours question. Ensuite, je constate, à l’instar de notre président David Assouline, que les études d’impact permettent efficacement d’éviter

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d’envenimer inutilement les débats. Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que constitue, pour l’avenir, le regroupement des intercommunalités qui conduira de nombreux parents à inscrire leurs enfants dans des établissements privés situés à la frange de leur territoire désormais élargi.

Ma première question concerne les charges prises en compte dans le calcul du forfait dû, par enfant, à la commune d’accueil. Si les investissements ne sont pas pris en compte, qu’en est-il des charges financières liées à ces investissements ?

Ma seconde question porte sur les inégalités trop souvent constatées dans un même département, d’une intercommunalité à l’autre, s’agissant du forfait versé par élève. Avez-vous, dans le cadre de vos travaux, pensé à un système de calcul permettant l’uniformisation ou, à tout le moins, le rapprochement de ces montants ?

M. Michel Le Scouarnec. – Parfois, pour des raisons géographiques, certaines communes scolarisent de nombreux enfants qui ne résident pas sur leur territoire. À titre d’exemple, sur les 1 600 élèves d’Auray, 500, dont 300 scolarisés dans l’enseignement privé, n’habitent pas la ville, ce qui représente une somme importante. Avant mon élection en 1995, la municipalité versait une somme identique pour chaque enfant scolarisé dans le privé, qu’il réside ou non à Auray, alors qu’elle ne participait pas à l’achat de fournitures scolaires dans les établissements publics. J’ai remédié à cette inégalité en prenant en compte, dans le versement des subventions, la commune d’origine des enfants scolarisés dans les différents établissements. Avec les autres maires du canton, nous avons également travaillé à uniformiser les forfaits. Deux communes ont ainsi participé aux frais de scolarité de leurs élèves dans les établissements privés d’Auray, tandis qu’un accord était trouvé pour le versement d’un forfait de 200 à 250 euros pour chaque élève extérieur scolarisé dans une école primaire publique. La situation s’est donc nettement améliorée.

M. Jacques Legendre, rapporteur – Sous réserve de vérification, les remboursements ne concernent que les frais de fonctionnement et en aucun cas les remboursements des intérêts d’emprunts contractés pour des investissements.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur. – Pour répondre à la question relative aux intercommunalités, j’indique que la compétence scolaire relève souvent de la commune. Toutefois, certaines activités sont en voie de transfert au niveau communautaire, tels les temps d’activités périscolaires (TAP). Il n’existe que quelques rares EPCI ayant la compétence et des regroupements pédagogiques intercommunaux relevant parfois de deux ou trois EPCI différents.

Le montant du forfait est quant à lui soumis à un accord. Lorsque j’étais moi-même adjoint aux affaires scolaires à Clermont-Ferrand, j’avais passé un accord avec l’enseignement diocésain. Le chiffre sur lequel nous nous étions accordés a d’ailleurs fait l’objet d’un litige quelques années plus tard et a été revalorisé pour prendre en compte de nouveaux éléments. Il existe peu de débat au niveau des écoles élémentaires car les relations avec les communes sont généralement bonnes.

La publication du rapport est autorisée à l’unanimité.

La réunion est levée à 17 heures.

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Mercredi 9 juillet 2014

- Co-présidence de M. David Assouline, président, et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques –

Mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relatives aux chambres de commerce et d’industrie – Examen du rapport d’information

La commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois examine le rapport d'information de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Debat, rapporteurs sur la mise en oeuvre des dispositions de la loi n° du 23 juillet 2010, relatives aux chambres de commerce et d’industrie (réunion commune avec la commission des affaires économiques)

Le compte rendu figure à la rubrique de la commission des affaires économiques.

La réunion est levée à 16 h 10.

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COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive

Conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive s’est réunie à l’Assemblée nationale le mardi 8 juillet 2014.

Elle procède d’abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Jacques Urvoas, député, président, et M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président, M. Dominique Raimbourg, député, étant désigné rapporteur pour l’Assemblée nationale M. Jean-Pierre Michel, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission examine ensuite les dispositions restant en discussion.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – J’ai mené des échanges avec le rapporteur pour l’Assemblée nationale afin d’aboutir à un texte commun.

Si plusieurs points restant en discussion n’ont pas posé de difficultés majeures, un désaccord existait entre l’Assemblée et le Sénat sur d’autres dispositions : cependant, nous sommes parvenus à un accord global.

En ce qui concerne le champ de la contrainte pénale, nous proposerons de reprendre le texte adopté par l’Assemblée nationale, car appliquer dans l’immédiat la contrainte pénale à titre de peine principale pour certains délits énumérés par la loi poserait, au regard des moyens nécessaires pour la mettre en place, des difficultés aux juges de l’application des peines et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ; une proposition de rédaction commune prévoira cependant la possibilité d’adopter cette solution à l’issue d’une période permettant l’évaluation du présent texte.

En ce qui concerne la possibilité de déléguer à des associations la mise en œuvre de certaines peines, nous prenons acte de l’hostilité du Gouvernement à cette solution adoptée par le Sénat.

Pour la sanction de l’inobservation de la contrainte pénale, nous proposons de reprendre la solution proposée par le Gouvernement au Sénat, qui rejoint le dispositif prévu pour le suivi socio-judiciaire : la juridiction fixera a priori la durée d’emprisonnement qui serait applicable en cas d’inobservation de la contrainte pénale.

Enfin, l’Assemblée nationale avait souhaité que le juge de l’application des peines puisse convertir une peine d’emprisonnement d’un an au plus en contrainte pénale ; le Sénat a supprimé cette disposition et nous ne proposons pas de la rétablir.

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Sur les seuils d’aménagement de peine, nous proposons de suivre le Sénat en conservant la solution prévue par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : l’aménagement demeurera possible pour les peines de deux ans au plus pour les primo-condamnés et d’un an au plus pour les récidivistes.

Sur les pouvoirs des forces de police et de gendarmerie, le Sénat avait supprimé les dispositions introduites par l’Assemblée nationale à l’initiative de M. Dominique Raimbourg, dont la rédaction était insuffisamment maîtrisée ; nous proposons de ne pas conserver l’article 15 bis et de retenir des rédactions plus satisfaisantes pour les trois autres articles concernés.

Le Sénat avait adopté la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, « réforme dans la réforme » : nous ne proposons pas de reprendre cette disposition. Le Gouvernement s’est engagé hier, par un communiqué officiel, à déposer au début de l’année 2015 un projet de loi réformant l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et supprimant ces tribunaux.

Sur l’aménagement des crédits de réduction de peine, à l’article 17 bis, nous proposons de retenir le texte adopté par l’Assemblée et supprimé par le Sénat, avec quelques modifications.

Sur le financement de l’aide aux victimes, nous proposons également de retenir le texte adopté par l’Assemblée nationale, sans les plafonds introduits par le Sénat.

Sur l’atténuation de la responsabilité pénale pour les personnes atteintes de troubles mentaux, une rédaction plus satisfaisante a été trouvée, de concert avec le Gouvernement.

Enfin, en ce qui concerne l’intitulé du projet de loi, un accord a été trouvé sur l’inversion des termes du projet de loi initial.

En conclusion, je forme le vœu que la commission mixte paritaire puisse valider le fructueux travail effectué en commun avec le rapporteur de l’Assemblée nationale.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je partage le constat et les remerciements émis par le rapporteur pour le Sénat.

L’effort pour se doter d’un service public de réponse à la délinquance le plus efficace possible est un souhait partagé par vos deux rapporteurs et nécessite à la fois d’individualiser la peine et de mettre en place un suivi qui soit le plus efficace possible. Il convient de ne pas désarmer l’appareil pénal et de maintenir un contrôle à la sortie de prison lorsqu’une partie de la peine est effectuée à l’extérieur. C’est pourquoi j’avais déposé des amendements en ce sens, rédigés peut-être de façon un peu « brutale ». Des garde-fous ont été introduits pour assurer la conformité de ces dispositions aux droits de l’homme et à notre tradition juridique.

Je souhaite que ce texte soit l’occasion de passer d’une culture de l’enfermement à une culture du contrôle, réel et associant l’ensemble des forces chargées de répondre à la délinquance : justice, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et forces de l’ordre.

M. Georges Fenech, député. – Je rappelle l’opposition du groupe UMP de l’Assemblée nationale à ce texte et notamment à la suppression des peines plancher et à

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l’institution d’une contrainte pénale, qui n’est qu’un sursis avec mise à l’épreuve renforcé. Comme le reconnaît l’étude d’impact annexée au projet de loi, le sursis avec mise à l’épreuve a échoué et la contrainte pénale ne pourra répondre à l’objectif fixé de lutter contre la récidive.

L’accord présenté par les rapporteurs constitue une reculade du Sénat sous la pression du Gouvernement ; le texte adopté par cette chambre présentait plus de logique dans son dispositif. Il prévoyait le prononcé de la contrainte pénale pour certains délits, donc sur la base de critères objectifs. Le texte de l’Assemblée nationale, en ne prévoyant pas de critères pour le prononcé de la contrainte pénale, laissera place à l’arbitraire du juge. Cette rupture de l’égalité des citoyens devant la répression pénale constitue un motif d’inconstitutionnalité. Cette difficulté avait été vue lors des débats à l’Assemblée nationale et corrigée par le Sénat.

Le texte du Sénat était également plus logique concernant la sanction de l’inobservation d’une contrainte pénale, en en faisant un délit. Faute de retenir cette solution, la contrainte pénale instituerait une double peine non conforme à la Constitution et aux principes généraux du droit, alors que dans le cas du sursis avec mise à l’épreuve renforcé, la peine d’emprisonnement est prononcée par le juge pénal.

La durée de la contrainte pénale sera fixée en fonction de la personnalité des condamnés, ce qui en fait une peine indéterminée et donc inconstitutionnelle.

Le Sénat avait apporté des solutions à ces motifs d’inconstitutionnalité, solutions non reprises par l’accord présenté par les deux rapporteurs.

Mme Cécile Cukierman, sénatrice – Je me félicite de l’accord trouvé et de l’avancée en faveur de l’individualisation des peines et de la prévention de la récidive.

Je me félicite également que le SPIP soit réaffirmé comme seul acteur de l’exécution des peines.

Je regrette que la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs soit abandonnée, mais j’accueille avec satisfaction l’annonce du dépôt d’un projet de loi sur la justice des mineurs allant dans ce sens au premier semestre 2015. Cet engagement sera rappelé au Gouvernement en temps voulu.

M. Éric Ciotti, député. – J’estime que l’accord qui vient d’être annoncé est un mauvais compromis, fruit de l’intervention déterminée du Gouvernement et de négociations entre les différentes sensibilités de la majorité. Le communiqué du Gouvernement opportunément diffusé hier sur les tribunaux correctionnels pour mineurs en témoigne. Ce texte en est rendu plus dangereux et favorisera le développement de la récidive et de la délinquance de manière générale.

Le Premier ministre et la garde des Sceaux avaient déclaré, il y a peu, que la fixation à deux ans du seuil d’emprisonnement permettant l’aménagement de la peine était le fait de la loi pénitentiaire proposée par l’ancienne majorité, et que si l’on devait qualifier ce seuil de laxiste, cela signifiait que la droite était laxiste. L’accord entre les deux rapporteurs conduit au maintien de ce seuil. C’est bien la preuve que ce texte est laxiste si l’on s’en tient aux déclarations du Premier ministre et de la garde des Sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, président. – Quel que soit le contenu de ce texte, M. Ciotti le qualifierait sans doute de laxiste…

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M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. – Il y avait une certaine logique dans la position initialement adoptée par le Sénat et par le rapporteur de la commission des Lois. La contrainte pénale apparaît comme une alternative à l’emprisonnement. On a voulu en faire une grande innovation. En fait, elle sera peu utilisée parce que les juges se méfieront beaucoup de ce nouvel outil excessivement complexe et parce qu’elle exigera une mobilisation des SPIP qui ne sera pas présente.

Ce qui est inquiétant, c’est que la contrainte pénale, à partir de 2017, s’appliquera aux délits susceptibles d’être punis de dix ans d’emprisonnement, et donc notamment à la délinquance sexuelle. C’est là aller trop loin. Ce qui est concevable pour les aménagements de peine ne l’est pas pour la contrainte pénale. Pour ces motifs, j’estime qu’il ne me serait pas possible de voter ce texte, ni même de m’abstenir.

Mme Catherine Tasca, sénatrice. – La loi pénale était un sujet très sensible. Chacun a sa vision du rôle de la loi pénale et, sur cette base, essaie de faire un pas en avant. Le présent texte constitue un progrès tangible, un réel changement de point de vue sur la délinquance. Ce n’est donc pas un texte de compromis mais la traduction d’un réel effort de consensus déployé par les deux assemblées afin de trouver des accords. Elles se montreront en cela fidèles au véritable esprit du système bicaméral.

Mme Élisabeth Pochon, députée. – Ce débat entre les deux chambres a le mérite de ne pas toucher à la philosophie du texte. Celle-ci part du constat que la politique pénale ne fonctionne pas. Il n’y a donc pas eu de changement d’avis sur la nécessité de revenir à l’individualisation de la peine et de faire confiance aux juges. Il faudra faire appel à la mobilisation de nombreux partenaires. C’est toute la société qui devra accompagner cette réforme, destinée notamment à faire en sorte qu’il n’y ait plus de sorties sèches.

M. Georges Fenech, député. – Je m’interroge sur la nécessité qu’il y a à recourir à la procédure accélérée sur un texte de cette importance. Une seconde lecture aurait pu se révéler utile. Quant à la recherche d’un consensus, elle n’est guère crédible si l’on songe aux interventions comminatoires qui ont poussé le Sénat à revenir sur ses positions initiales et à « avaler son chapeau ». Le Sénat avait en effet, dans un premier temps, pris des positions que l’on pouvait ne pas partager, mais qui avaient le mérite de la cohérence. Dans le dispositif proposé, les justiciables seront soumis à l’arbitraire des juges et au manque de moyens.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président. – Je tiens à réagir à l’affirmation selon laquelle le Gouvernement aurait contraint les deux assemblées à parvenir à un compromis. S’il y a eu un dialogue avec le Gouvernement, il y a surtout eu un dialogue entre les deux chambres. Celles-ci ont travaillé et voulu arriver à un texte, sans nier les différences entre leurs approches. Elles ont été guidées par la conviction que ce texte devait être voté et que ses dispositions devaient voir le jour.

Quant au débat sur la procédure accélérée, il fait partie des « marronniers » et chacun a usé de cet argument.

Cela étant dit, il est rare qu’un texte donne lieu à autant de préparation, avec notamment la conférence de consensus. Il faut en savoir gré à la garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, à laquelle on fait injustement et continuellement un procès en laxisme. Par ailleurs, ce qui le caractérise, contrairement à ce que certains font profession de dire, c’est de traduire le principe qu’à tout délit doit correspondre une sanction. Il faut donc une diversité de sanctions.

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S’agissant de la justice des mineurs, le Gouvernement a pris un engagement. Ce dernier ne figure pas dans le texte mais il pourra, si nécessaire, être rappelé au Gouvernement.

Enfin, sur la question des seuils d’aménagement de peine, il est possible de répondre à M. Éric Ciotti que ce que propose le rapporteur, c’est de revenir au droit existant issu de la loi pénitentiaire de 2009, que le Sénat avait adoptée à l’unanimité. Considérer cela comme laxiste reviendrait à considérer que tout le Sénat est laxiste, ce qui n’est guère crédible.

M. Jean-René Lecerf, sénateur. – Je déplore l’utilisation de la procédure accélérée comme, en son temps, pour la loi pénitentiaire. Un tel texte ne peut être mis en application avec succès que s’il est pris en charge par la société tout entière. Il est permis aussi de regretter la suppression des dispositions sur les interventions post-sentencielles du secteur associatif et d’espérer un recrutement massif de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, même si cet espoir est mince.

Titre du projet de loi

La commission mixte paritaire adopte l’intitulé du projet de loi dans la rédaction du Sénat, en substituant aux mots : « à la prévention de la récidive » les mots : « renforçant l’efficacité des sanctions pénales ».

Article 1er

La commission mixte paritaire adopte l’article 1er dans la rédaction du Sénat.

Article 2

La commission mixte paritaire adopte l’article 2 dans la rédaction du Sénat.

Article 3 bis

La commission mixte paritaire adopte l’article 3 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 4

La commission mixte paritaire adopte l’article 4 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de l’ajout, à l’article 397-3-1 [nouveau] du code de procédure pénale, d’une référence au 5° de l’article 144 du même code parmi les motifs de placement en détention provisoire.

Article 6

La commission mixte paritaire adopte l’article 6 dans la rédaction du Sénat, sous réserve d’une modification rédactionnelle.

Article 6 bis

La commission mixte paritaire adopte l’article 6 bis dans la rédaction du Sénat, sous réserve d’une modification rédactionnelle.

Article 7

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La commission mixte paritaire adopte l’article 7 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de deux modifications rédactionnelles.

Article 7 ter A

La commission mixte paritaire adopte l’article 7 ter A, sous réserve de modifications rédactionnelles et de la suppression des mots : « en participant à des activités culturelles et notamment de lecture ».

Article 7 ter

La commission mixte paritaire adopte l’article 7 ter dans la rédaction du Sénat.

Article 7 quater

La commission mixte paritaire adopte l’article 7 quater dans la rédaction du Sénat, sous réserve de la suppression, au deuxième alinéa, des mots : « s’il n’est pas incarcéré ou s’il exécute une peine aménagée ».

Article 7 quinquies A

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction n° 1 commune aux deux rapporteurs a pour objet d’encadrer plus précisément le dispositif d’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits. Le dispositif actuel conduit souvent à faire, en pratique, de cette altération une forme de circonstance aggravante, alors qu’il a été conçu pour atténuer la peine encourue.

Pour remédier à ces difficultés, la proposition de rédaction pose pour principe une réduction d’un tiers de la peine privative de liberté encourue ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité ou de la détention criminelle à perpétuité, une réduction de cette peine à trente ans, avec la possibilité pour la juridiction de ne pas appliquer cette réduction, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle.

Par ailleurs, la proposition prévoit que le juge de l’application des peines pourra ordonner une obligation de soins à l’issue de la peine, qui ne pourra excéder cinq ans en matière correctionnelle ou dix ans si les faits constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement.

Enfin, je propose de compléter cette proposition de rédaction par une modification du 5° visant à ce que le non-respect de cette obligation de soins constitue un délit puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans.

La proposition de rédaction n° 1 et la proposition de modification du 5° sont adoptées.

La commission mixte paritaire adopte ensuite l’article 7 quinquies A ainsi modifié.

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Article 7 quinquies

La commission mixte paritaire adopte l’article 7 quinquies dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 8

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction n° 2 commune aux deux rapporteurs, vise à intégrer dans un souci de lisibilité, à l’article 131-4-1 du code pénal, les modalités d’entrée en vigueur progressive de la contrainte pénale pour l’ensemble des délits. Cette proposition prévoit que la contrainte pénale sera applicable aux délits punis d’une peine de cinq ans d’emprisonnement au plus jusqu’au 1er janvier 2017 et que les termes prévoyant cette restriction seront supprimés à cette date.

Je rappelle que le sursis avec mise à l’épreuve s’applique depuis 1958 à l’ensemble des délits, de même que le sursis simple depuis sa création en 1891. C’est le juge qui détermine la peine en considération, notamment, de la personnalité de l’auteur des faits. Les craintes exprimées à l’égard de l’extension de la contrainte pénale à l’ensemble des délits n’apparaissent donc pas fondées. La limitation, dans un premier temps, de son application aux délits punis d’une peine de cinq ans d’emprisonnement est cependant utile, car elle permettra à la mesure de monter progressivement en puissance.

La proposition de rédaction commune n° 3 modifie le dispositif applicable lorsque le condamné à la contrainte pénale ne respecte pas ses obligations ou les interdictions auxquelles il est astreint. Nous proposons que la juridiction qui prononce la condamnation détermine également la durée maximale de l’emprisonnement encouru dans cette situation. Cette durée ne pourra excéder deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encouru. La sanction devient ainsi certaine et est déterminée dès le départ. Les inconvénients liés au dispositif adopté par l’Assemblée nationale, qui faisait dépendre le quantum de l’emprisonnement de la durée de la contrainte pénale prononcée – ce qui aurait pu conduire à une durée d’emprisonnement disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction – sont supprimés.

La proposition de rédaction commune n° 4 a pour objet de permettre au tribunal de fixer lui-même les obligations et interdictions imposées au condamné s’il est suffisamment informé, alors qu’initialement cette possibilité était réservée au seul juge de l’application des peines. Si le tribunal ne le faisait pas, le juge de l’application des peines resterait compétent pour fixer ces mesures. Le juge de l’application des peines aurait également la possibilité de modifier ou de supprimer les obligations et interdictions éventuellement prononcées par la juridiction de jugement au regard de l’évolution du condamné.

M. Georges Fenech, député. – La position maximaliste du Sénat était d’une logique sans faille en prévoyant une application immédiate de la contrainte pénale à l’ensemble des délits.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – Le Sénat a, comme le prévoyait le projet de loi initial, prévu que la contrainte pénale ne s’appliquerait, à titre de peine alternative, qu’aux délits punis d’une peine n’excédant pas cinq ans d’emprisonnement, et non à l’ensemble des délits.

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M. Georges Fenech, député. – Je prends acte de cette précision mais je constate que les deux rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale sont désormais d’accord pour étendre la contrainte pénale à l’ensemble des délits, y compris ceux punis d’une peine d’emprisonnement de dix ans, à compter du 1er janvier 2017. Or, cette proposition contrevient au principe général du droit selon lequel le condamné doit bénéficier immédiatement de la loi la plus douce et je m’inquiète de la valeur juridique de cette disposition.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – La question ne se pose pas de cette manière car la contrainte pénale est une alternative à la peine d’emprisonnement et non une peine plus douce. L’application immédiate de la contrainte pénale à certains délits, à laquelle j’ai été initialement favorable, poserait des difficultés d’exécution aux juges de l’application des peines ainsi qu’aux agents des SPIP. C’est la raison pour laquelle la proposition de rédaction n° 5 à l’article 8 ter prévoit de demander au Gouvernement un rapport d’évaluation de la contrainte pénale d’ici deux ans, afin d’envisager la possibilité de remplacer la peine d’emprisonnement par la contrainte pénale pour certains délits.

Mme Catherine Tasca, sénatrice. – La contrainte pénale ne peut être qualifiée de peine plus douce que l’emprisonnement et il s’agit d’une peine plus efficace dans la prévention de la récidive. De nombreux détenus ne vont certainement pas la considérer comme une peine plus douce compte tenu des obligations et interdictions qui leur seront imposées.

M. Yves Détraigne, sénateur. – La proposition de rédaction n° 2 généralisant la contrainte pénale à tous les délits à compter du 1er janvier 2017 va se heurter à des problèmes de moyens pour suivre l’exécution des contraintes pénales, car ces moyens sont limités et ne devraient probablement pas augmenter massivement d’ici là. Il est prématuré de prévoir, dès maintenant, la généralisation de la contrainte pénale à tous les délits à compter du 1er janvier 2017.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le Gouvernement a prévu de recruter 1 000 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires d’ici à 2017, dont 300 dès 2014, pour mettre en œuvre la réforme proposée. Le nombre de condamnés à une contrainte pénale en cas de délit pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement est estimé à environ 20 000 cas par an, tandis que la généralisation de cette sanction pénale à l’ensemble des délits devrait conduire à une progression modérée d’environ 5 000 cas supplémentaires par an : d’une part, parce que le nombre de délits punis de cinq à dix ans d’emprisonnement commis est inférieur à celui des délits punis de moins de cinq ans d’emprisonnement ; d’autre part, parce qu’en raison de l’aggravation des faits, il y aura moins de condamnés susceptibles de relever de la contrainte pénale. Si ces chiffres s’avéraient exacts, les moyens prévus devraient être suffisants pour assurer l’effectivité de la réforme proposée.

Les propositions de rédaction nos 2, 3 et 4 sont adoptées.

La commission mixte paritaire adopte l’article 8 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 8 bis

La commission mixte paritaire supprime l’article 8 bis.

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Article 8 ter

M. Jean-Jacques Urvoas, député, président. – D’une manière générale, je suis défavorable aux demandes de rapport au Gouvernement émanant du Parlement car celui-ci a la possibilité de produire lui-même ces rapports, mais j’invite néanmoins M. Jean-Pierre Michel à présenter la proposition de rédaction n° 5.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – La proposition de rédaction commune n° 5 doit permettre d’évaluer la mise en œuvre de la contrainte pénale, deux ans après la promulgation de la présente loi, afin d’apprécier si cette sanction pourrait devenir la peine principale pour un certain nombre de délits pour lesquels l’emprisonnement ne serait plus encouru.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. – La commission mixte paritaire n’est pas le lieu adéquat pour introduire une nouvelle disposition comme celle proposée. Je comprends la motivation des rapporteurs, contraints par la procédure accélérée d’agir ainsi et qui souhaitent en définitive que la contrainte pénale devienne le plus rapidement possible la peine principale en matière délictuelle.

M. Guy Geoffroy, député. – Cette proposition de rédaction est une infirmation de ce qui vient d’être voté à l’article 8 prévoyant la généralisation de la contrainte pénale à compter du 1er janvier 2017, ce qui constitue une incohérence majeure.

La proposition de rédaction n° 5 est adoptée, l’article 8 ter étant ainsi rédigé.

Article 8 quater

La commission mixte paritaire adopte l’article 8 quater dans la rédaction du Sénat.

Article 9

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction n° 6 commune aux deux rapporteurs comporte trois modifications visant à clarifier le rôle du juge de l’application des peines selon que la juridiction de jugement a ou non fait usage de sa faculté de fixer elle-même les obligations du condamné à une contrainte pénale, à imposer un délai maximal de quatre mois au juge de l’application des peines pour fixer ces obligations, et à prévoir que la décision du juge sera prise par ordonnance motivée, rendue sur réquisitions écrites du procureur de la République et après l’audition préalable du condamné, et le cas échéant, de son avocat.

La proposition de rédaction commune n° 7 vise à permettre au président du tribunal correctionnel ou à un juge par lui délégué, saisi par le juge de l’application des peines, de mettre à exécution l’emprisonnement décidé par la juridiction de jugement à l’encontre du condamné à la contrainte pénale qui ne respecterait pas ses obligations et interdictions. Cette procédure légère permet d’éviter de retourner devant le tribunal correctionnel soumis à des délais d’audiencement parfois très longs.

Les propositions de rédaction nos 6 et 7 sont adoptées.

La commission mixte paritaire adopte l’article 9 dans la rédaction issue de ses travaux.

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Article 11

La commission mixte paritaire adopte l’article 11 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 11 bis AA

La commission mixte paritaire adopte l’article 11 bis AA dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 11 bis

La commission mixte paritaire adopte l’article 11 bis dans la rédaction du Sénat après avoir supprimé les quatre premiers alinéas et procédé à plusieurs modifications rédactionnelles.

Article 11 ter

La commission mixte paritaire adopte l’article 11 ter dans la rédaction du Sénat.

Article 11 quater

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – La proposition de rédaction n° 8 commune aux deux rapporteurs tend à prévoir la possibilité, pour le juge de l’application des peines, de substituer à une peine de jours-amende une peine de sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général (TIG) plutôt qu’un simple TIG.

M. Georges Fenech, député. – À l’article 11 précédemment adopté, figure une référence aux « conditions matérielles de détention » et au « taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire ». Ce faisant, cet article pourrait conduire à la mise en place d’un numerus clausus.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, président. – Il n’y a pas une grande différence entre le « taux de densité carcérale », prévu par le Sénat, et la formule retenue par la commission mixte paritaire.

M. Jean-René Lecerf, sénateur. – Cette formule est issue d’un de mes amendements. Il ne s’agit pas de mettre en place un numerus clausus, mais de prévoir que l’obsolescence des établissements pénitentiaires puisse faire partie des critères pris en compte par le juge.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 8, l’article 11 quater étant ainsi rédigé.

Article 12 bis

La commission mixte paritaire adopte l’article 12 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 13

La commission mixte paritaire adopte l’article 13 dans la rédaction de l’Assemblée nationale.

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Article 14

La commission mixte paritaire adopte l’article 14 dans la rédaction du Sénat.

Article 15

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – La proposition de rédaction n° 9 commune aux deux rapporteurs tend à encadrer le dispositif issu d’un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, lequel permettait le recours à la géolocalisation et aux écoutes téléphoniques dans le cadre du contrôle de certaines obligations faites aux personnes condamnées sortant de détention. La proposition de rédaction permet un meilleur encadrement que le texte initialement adopté par l’Assemblée nationale, en définissant un seuil de gravité de l’infraction et en explicitant la finalité de la mesure.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Cet article n’est pas liberticide, puisqu’il ne s’agit que de prévoir des dispositifs de contrôle des obligations faites aux condamnés sortant de détention et ce, pendant la durée de la peine qu’ils effectuent à l’extérieur. Ces mesures de contrôle ont vocation à être exceptionnelles, en cas de doute, et s’effectueront dans le cadre exclusif de l’exécution de la peine.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. – Le texte initial ne précisait pas s’il s’agissait d’écoutes judiciaires. Cette question est résolue par la proposition de rédaction des rapporteurs.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 9 ainsi que l’article 15 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 15 bis

La commission mixte paritaire supprime l’article 15 bis.

Article 15 ter

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Les propositions de rédaction communes nos 10 et 11 visent à encadrer le pouvoir de transaction pénale de l’officier de police judiciaire. Cet encadrement serait double : la transaction interviendrait sur autorisation du procureur de la République et devrait être homologuée par un juge du siège. En outre, cette transaction ne pourrait aboutir qu’à l’acceptation d’une amende transactionnelle dont le montant ne pourrait excéder le tiers du montant de l’amende encourue, et de l’obligation, s’il y a lieu, de réparer le dommage résultant de l’infraction. Enfin, un système de consignation garantirait le versement effectif des sommes concernées.

M. Georges Fenech, député. – La rédaction est fragile, dans la mesure où le procureur de la République doit préalablement autoriser le recours à la transaction pénale. C’est donc bien à lui et non à l’officier de police judiciaire que revient la décision.

M. Guy Geoffroy, député. – Je me félicite que la majorité reconnaisse les vertus de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je reconnais que la procédure de CRPC a certaines vertus. La rédaction proposée par les deux

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rapporteurs permettra au procureur de la République d’autoriser, sous forme de « directives pénales », des transactions.

M. Georges Fenech, député. – Je me demande s’il s’agit, alors, d’une autorisation générale.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le procureur de la République appréciera, selon les cas, s’il doit édicter une autorisation générale ou bien s’il doit décider au cas par cas. Il y aura également une homologation par un juge du siège. Ce dispositif devrait faire gagner du temps, tout en garantissant le respect des principes au fondement de l’action publique.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. – La rédaction initiale n’était pas satisfaisante, puisque les prérogatives de l’officier de police judiciaire n’étaient pas suffisamment encadrées. La rédaction proposée, en revanche, se rapproche de procédures déjà existantes.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat. – J’avais souhaité la suppression de la disposition initialement adoptée par l’Assemblée nationale, tout en indiquant alors qu’une meilleure rédaction pourrait éventuellement être adoptée en commission mixte paritaire. Autant l’article 15 bis est contestable, autant la rédaction des articles 15 ter et 15 quater peut être améliorée ; c’est le cas en l’espèce.

La commission mixte paritaire adopte les propositions de rédaction n° 10 et n° 11, puis l’article 15 ter dans la rédaction de l’Assemblée nationale, sous réserve de plusieurs modifications rédactionnelles.

Article 15 quater

M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction commune n° 12 vise à clarifier les conditions de suivi et de contrôle en milieu ouvert, sujet auquel est particulièrement attaché le sénateur Jean-René Lecerf. Il convient de distinguer la désignation des personnes concernées par ce type de suivi, rôle qui incombe à l’autorité judiciaire, de l’organisation concrète de ce suivi, qui relèvera soit des états-majors de sécurité au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, soit des cellules de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure dans les zones de sécurité prioritaires.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 12 et plusieurs modifications rédactionnelles, avant d’adopter l’article 15 quater ainsi modifié.

Article 15 quinquies

La commission mixte paritaire adopte l’article 15 quinquies dans la rédaction de l’Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 16

La commission mixte paritaire adopte l’article 16 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 17 bis A

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La commission mixte paritaire adopte l’article 17 bis A dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 17 bis

La commission mixte paritaire adopte l’article 17 bis dans la rédaction de l’Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 18 quater

Après avoir adopté la proposition de rédaction n° 13 présentée par les deux rapporteurs, la commission mixte paritaire adopte l’article 18 quater dans la rédaction du Sénat, sous réserve de la suppression du plafonnement de la majoration et de modifications rédactionnelles.

Article 18 quinquies

M. Dominique Raimbourg, rapporteur de l’Assemblée nationale. – Nous proposons de préciser que cet article, relatif à la suspension de la détention provisoire pour des motifs médicaux, qu’ils soient physiques ou mentaux, n’affecte en rien le régime des détenus admis en soins psychiatriques sans leur consentement.

Sous réserve de cette modification, la commission mixte paritaire adopte l’article 18 quinquies dans la rédaction du Sénat.

Article 18 sexies

La commission mixte paritaire adopte l’article 18 sexies dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 19 B

M. Georges Fenech, député. – Je me demande si, par parallélisme avec l’engagement pris par le Gouvernement de proposer prochainement la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, le Sénat maintient sa volonté de supprimer le dispositif de la rétention de sûreté.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président. – Si la suppression de la rétention de sûreté a été votée en commission des Lois, tel n’a pas été le cas en séance. Il ne s’agit donc pas d’un engagement du Sénat.

La commission mixte paritaire supprime l’article 19 B.

Article 19

La commission mixte paritaire adopte l’article 19 dans la rédaction du Sénat.

Article 20

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 14 présentée par les deux rapporteurs, puis adopte l’article 20 ainsi modifié.

Article 21

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La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 15 présentée par les deux rapporteurs, puis adopte l’article 21 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications de précision et de coordination.

Article 7 bis (pour coordination)

Sous réserve d’une modification de coordination, la commission mixte paritaire adopte l’article 7 bis.

La commission mixte paritaire adopte ensuite, ainsi rédigées, l’ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi.

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d’adopter le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

Jeudi 10 juillet 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 9 h 36

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014

La commission mixte paritaire a tout d’abord constitué son bureau et désigné :

- M. Philippe Marini , sénateur, président ;

- M. Gilles Carrez, député, vice-président ;

- M. François Marc, sénateur ;

- et Mme Valérie Rabault, député, respectivement rapporteurs pour le Sénat et pour l’Assemblée nationale.

Le Sénat n’ayant pas adopté en première lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2014, tous les articles restaient en discussion. En application de l’article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire a donc été saisie de l’ensemble du projet de loi.

Après les interventions de MM. Philippe Marini et Gilles Carrez, Mme Valérie Rabault et M. François Marc et, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux.

La réunion est levée à 9 h 43

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA DÉLIMITATION DES RÉGIONS, AUX ÉLECT IONS

RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES ET MODIFIANT LE CALENDRIER ÉLECTORAL

Jeudi 3 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -

La réunion est ouverte à 9 heures

Délimitation des régions, élections régionales et départementales et modification du calendrier électoral - Examen des amendements

La commission examine les amendements de séance sur le projet de loi n° 635 (2013-2014) relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Article 1er

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Nous avons plus de 150 amendements à examiner. Commençons par les amendements du rapporteur, tous adoptés précédemment.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 160 codifie les nouvelles limites régionales dans le code général des collectivités territoriales.

L’amendement n° 160 est adopté.

Article 3

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 161 supprime l’obligation de consulter les électeurs en cas de regroupement de départements, de transfert d’un département de sa région d’origine vers une région limitrophe, de regroupement de régions ou de fusion d’une région et des départements qui la composent.

L’amendement n° 161 est adopté.

Article 4

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 162 introduit à l’article 4, outre une modification rédactionnelle, une précision contenue dans l’article 8 du projet de loi. La nouvelle délimitation des régions n’entrerait en application que le 1er janvier 2016, mais il faut préciser que l’élection régionale de décembre 2015 aurait pour cadre les nouvelles circonscriptions.

L’amendement n° 162 est adopté.

Article 6

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Mon amendement reprend les effectifs des conseils régionaux par sections départementales.

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M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il serait affecté si nous modifiions les délimitations des régions. Différons son examen.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Il porte aussi à 180 l’effectif du conseil régional d’Île-de-France.

M. Gérard Larcher . – L’argument est l’inverse de celui invoqué lors de l’examen de la loi du 16 décembre 2010…

Mme Jacqueline Gourault. – Exactement.

L’amendement est réservé.

Article 7

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Cet amendement modifie le mécanisme qui garantit un nombre minimal de conseillers régionaux au sein de chaque département. Il reprend celui adopté par le Sénat le 15 mai 2013 au sein de la proposition de loi de M. Bertrand.

M. Jacques Mézard. – Il n’est que partiellement compatible avec l’amendement précédent, et contraire à la proposition de loi du groupe RDSE adoptée par le Sénat, qui fixait à trois le nombre de conseillers régionaux pour les petits départements. Un, deux ou trois, cela revient de toute façon au même, puisque nous n’existerons plus.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Ce texte sécurise le mécanisme proposé par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Jacques Mézard. – Ses décisions passées donnent quelques indices… Reste qu’on ne peut envoyer des messages aussi contradictoires à nos concitoyens !

M. Jean-Pierre Sueur. – Ce débat est important. Je suis favorable à ce que les petits départements soient dûment représentés.

M. Gérard Longuet. – Ils ont de grands territoires !

M. Jean-Pierre Sueur. – Si l’on prête attention aux décisions, y compris les plus récentes, du Conseil constitutionnel, la méconnaissance du principe d’égalité n’est pas à exclure avec trois conseillers. La proposition du rapporteur est sage : deux, c’est mieux qu’un.

M. Jacques Mézard. – Faites plus simple : supprimez-nous !

M. Jean-Pierre Sueur. – Si vous souhaitez porter ce nombre à trois ou quatre, faites donc, mais le risque de censure est important.

M. Bruno Sido. – Deux, c’est nécessaire pour la parité !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Ce n’est pas le sujet.

L’amendement n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur. – En conséquence, nous nous sommes prononcés pour un unique conseiller régional garanti…

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Article 8

L’amendement rédactionnel n° 163 est adopté.

Article 9

L’amendement de cohérence rédactionnelle n° 164 est adopté.

Article 10

L’amendement de cohérence rédactionnelle n° 165 est adopté.

Article 11

L’amendement de conséquence n° 166 est adopté.

Article 12

L’amendement rédactionnel n° 167 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Articles additionnels avant l’article 1er

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 47 est littéraire : avis défavorable. Il avait néanmoins été adopté par notre commission.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 47.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 100 rappelle les principes liés à la décentralisation. Retrait de ces bonnes intentions.

M. Roger Karoutchi. – Les principes sont parfois bons à rappeler.

M. Gérard Longuet. – Une question aux auteurs de cet amendement qui rappelle que la loi s’applique à tous et partout sans discrimination religieuse : que faites-vous du Concordat en vigueur en Alsace-Moselle ?

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il n’y a là aucune discrimination.

M. Gérard Larcher . – C’est vrai, le Conseil constitutionnel a rendu une décision dans ce sens.

M. Christian Favier . – Cet amendement rappelle des principes importants. Nous le maintenons.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 100.

M. Christian Favier . – L’amendement n° 101 est dans le même esprit : il précise que la réforme doit viser à l’amélioration des services publics. Ce n’est pas le cas actuellement. Sa rédaction fait de plus obstacle à la réduction du nombre d’élus.

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M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable à défaut d’un retrait.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 101.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable au n° 102 également.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 102.

M. Christian Favier . – L’amendement n° 104 impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif aux conséquences du texte sur l’emploi public, élément absent de l’étude d’impact.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable. Le Sénat pourrait très bien se charger d’un tel rapport.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 104.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 2 n’est pas conforme à l’objet du projet de loi : avis défavorable.

M. Gérard Longuet. – Il propose pourtant une ouverture intéressante.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 2.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 3 autorise la création par décret de nouvelles collectivités territoriales issues de la fusion de collectivités existantes. L’article 72 de la Constitution réserve une telle faculté à la loi : avis défavorable.

M. Jean-Pierre Raffarin. – Cette proposition n’est pourtant pas mauvaise.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il ne s’agit nullement d’un retour au conseiller territorial.

M. Jean-Pierre Raffarin. – C’est plutôt un pas vers la collectivité unique d’Alsace sans référendum…

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Et généralisable partout.

M. Philippe Kaltenbach. – Les mêmes qui défendaient hier la motion référendaire sont à présent favorables à des modifications institutionnelles sans consultation des populations concernées…

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Vous avez défendu des amendements allant dans le même sens.

M. Philippe Kaltenbach. – Je l’assume parfaitement.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 3.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 103 soumet la création d’une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier à la consultation obligatoire des citoyens : avis défavorable. Il est en outre contraire à la Constitution.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 103.

Article 1er

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Les amendements identiques nos 37 rectifié bis, 53 et 105 suppriment l’article 1er. Si nous les adoptions, l’affaire de la carte régionale serait close. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi. – Ce sont d’excellents amendements…

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 37 rectifié bis, 53 et 105.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Nous n’en devons pas moins continuer à donner des avis sur les autres amendements modifiant l’article 1er.

M. Ronan Dantec. – L’amendement n° 139, de repli en quelque sorte, propose de laisser du temps au temps.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Par cohérence, notre avis devrait être défavorable. Si, en revanche, le Sénat se prononçait en séance contre la suppression de l’article 1er, nous reprendrions le tableau des effectifs par section départementale.

M. Philippe Kaltenbach. – Nous suspendrions alors la séance pour examiner les autres amendements à l’article 1er.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – En définitive, notre commission n’est pas hostile au redécoupage des régions, mais défavorable à ce que l’on y procède maintenant dans l’urgence, ainsi qu’à la méthode retenue : revoyons d’abord les compétences. C’est la position exprimée clairement la semaine dernière par MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger.

M. Roger Karoutchi. – Notre commission ne peut se prononcer pour la suppression de l’article 1er, puis se montrer favorable à telle ou telle autre proposition de découpage. Si le Sénat rejette les amendements de suppression de l’article 1er en séance, il faudra alors suspendre celle-ci pour que nous examinions les autres amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Dans l’immédiat, tirons les conséquences du vote en donnant des avis défavorables à tous les amendements modifiant l’article 1er.

Mme Jacqueline Gourault. – Le président Hyest a raison. Nous venons de voter pour la suppression de l’article 1er, il faut en assumer les conséquences : nous privons le Sénat de la possibilité de modifier la carte des régions. J’ai voté contre les amendements de suppression car, même si le découpage proposé ne me convient pas – au regard du sort réservé à ma région, mais pas seulement – je souhaite que nous en soyons les acteurs principaux. L’Assemblée nationale en décidera pour nous…

Mme Catherine Troendlé. – Il y aura une deuxième lecture !

Mme Jacqueline Gourault. – Certes, mais mieux vaut se prononcer dès la première lecture, quitte à reparler ensuite.

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M. Jean-Jacques Hyest, président. – Nous ne sommes pas là pour défendre nos régions, mais pour proposer un ensemble cohérent.

M. Jean-Pierre Raffarin. – C’est juste. Je suis favorable à ces amendements de suppression, car je suis hostile à ce découpage à l’encan de la France.

Quelles garanties avons-nous de l’organisation d’une deuxième lecture ?

M. Gérard Larcher . – Le Gouvernement s’est engagé…

M. Jean-Pierre Raffarin. – Deux lectures ou une seule, pour examiner un texte, ce n’est pas la même chose. Il faudra, en séance, demander au Gouvernement de confirmer clairement ses engagements.

M. Charles Guené. – La méthode proposée par le président Hyest est la bonne. Faire autrement ne serait pas logique. Sans vouloir m’élever au-dessus de ma condition, ne devrons-nous pas, en séance, réserver ces amendements ?

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Vous n’êtes pas au-dessus de votre condition : vous êtes vice-président du Sénat ! Vous savez que les amendements de suppression doivent être examinés avant les autres, et ne sont pas même en discussion commune avec les amendements modifiant l’article. Leur adoption écourterait sensiblement les débats.

M. Jean Germain. – Je ne veux pas non plus m’élever au-dessus de ma condition, mais comment tout cela sera-t-il perçu de l’extérieur ?

M. Gérard Longuet. – Comme le rejet d’un texte…

M. Jean Germain. – Nous avons constitué une commission spéciale. Nous avons travaillé, examiné des propositions, réalisé des progrès. Certes, personne ne trouvait le texte formidable…

M. Philippe Dallier . – C’est le moins qu’on puisse dire.

M. Jean Germain. – … mais nous avons modifié la carte régionale, refusé la suppression des départements, autorisé ceux-ci à rejoindre une région limitrophe sans consultation obligatoire des électeurs, accepté un certain nombre de proposition constructives… Et ce matin, la suppression de l’article 1er donne le sentiment que certains ont voulu se faire plaisir. Résultat : nous nous interdisons de modifier la carte en séance. Ces trois dernières années, nous étions pourtant tous favorables au redécoupage, avec des arguments interchangeables.

Le rôle du Sénat dépasse pourtant ces considérations. M. Retailleau l’a rappelé en séance hier, citant Sieyès, Mirabeau, et les débats de la Constituante. Notre attitude est risquée. Sans compter qu’une seconde lecture n’est pas certaine.

M. Roger Karoutchi. – Ah bon ? Pourquoi ?

M. Jean Germain. – Je ne vois pas pourquoi il y en aurait une.

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La proposition du président est sage. Nous avons voté. Chacun reste libre de son vote et libre de s’exprimer.

M. Philippe Kaltenbach. – Ceux qui ont demandé la constitution d’une commission spéciale souhaitent à présent la suppression de l’article 1er, limitant ainsi le projet de loi à quelques dispositions sur la métropole lyonnaise.

Tout le monde veut de nouvelles régions. Certains en proposaient neuf ou dix : qu’ils déposent des amendements en ce sens ! Le groupe socialiste s’est montré ouvert sur le découpage, dans le cas de la grande région Aquitaine par exemple. S’il y a des suggestions conformes à l’intérêt national, nous les accepterons ! Le Sénat ne serait-il bon qu’à produire de beaux discours à la tribune ? Que l’UMP, parti de gouvernement, fasse des propositions !

La procédure accélérée a été déclarée sur ce texte. Il pourrait donc n’y avoir qu’une seule lecture par chambre. Le Gouvernement est disposé à en permettre une seconde, mais les réticences du Sénat pourraient bien le faire changer d’avis…

M. Gérard Longuet. – Supprimons le Parlement, tant qu’à faire !

M. Philippe Kaltenbach. – À vous de montrer que vous voulez le dialogue ! La critique est facile, l’art est difficile. Refuser de débattre, c’est montrer un Sénat incapable de discuter d’un texte qui concerne les collectivités territoriale, donc apporter de l’eau au moulin de ceux qui veulent sa suppression !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – J’ai constaté que le dialogue entre les deux chambres est plus facile lorsque les majorités politiques ne coïncident pas. Nous pouvons espérer !

Mme Jacqueline Gourault. – C’est exact.

M. Éric Doligé. – Nous avons des difficultés à travailler car nous ignorons les règles du jeu. Y aura-t-il une seconde lecture ? Le Premier ministre l’a annoncée, un de ses ministres aussi, mais aujourd’hui, nous avons peut-être un porte-parole du parti socialiste qui nous dit le contraire. J’en reste pantois ! La carte initiale n’était pas modifiable, elle l’est devenue. Le Gouvernement, hostile au droit d’option des départements, s’y est rallié, avant que Manuel Valls ne referme la porte… Le Gouvernement a-t-il seulement une parole ? Nous sommes mieux informés en lisant la presse. Comment travailler dans ces conditions ? Supprimer l’article 1er est risqué, mais il n’y a aucun accord sur la carte. Personne n’est d’accord sur le découpage, unanimement jugé aberrant.

Mme Nicole Bonnefoy. – Ce n’est pas vrai.

M. Philippe Kaltenbach. – Il n’y a pas 500 000 personnes dans la rue !

M. Éric Doligé. – Mme Gourault a dit son désaccord avec le sort réservé à sa région ; ce n’est pas la seule. Les habitants des Pays-de-la-Loire ne sont que 2 % à vouloir fusionner avec le Centre. Le Limousin ne le souhaite pas non plus. Nous allons finir par voter des propositions contraires aux désirs de nos concitoyens. Il n’est pas acceptable de partager le territoire au regard de considérations purement locales. Remettons la réforme à l’endroit : partons des compétences. Que le Président de la République et le Premier ministre précisent les règles du jeu. Je n’ai jamais travaillé dans des conditions pareilles. Dans nos collectivités, personne ne permettrait cela. Le Premier ministre a tout de même menacé de nous faire

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travailler jour et nuit, sept jours sur sept, en juillet et en août… Est-ce sérieux ? Est-ce raisonnable ?

M. Roger Karoutchi. – J’appelle le groupe socialiste à la cohérence. Dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008, que j’ai défendue, ses membres jugeaient intolérable de recourir à la procédure accélérée pour 25 % des textes. Aujourd’hui, nous en sommes à 50 % ! Le parti socialiste en appelle au respect des droits du Parlement. Mais le Gouvernement est à la disposition du Parlement, et non l’inverse. Il faut travailler plus, mieux, disposer d’études d’impact. L’actuelle majorité en était pleinement d’accord.

La semaine dernière, à la Conférence des présidents, le Gouvernement a estimé qu’une étude d’impact incomplète ne l’empêcherait pas de nous demander de travailler jusqu’au 10 août. Je ne pars pas en vacances, mais l’argument est court… Sur les compétences et les moyens attribués à chaque niveau, c’est le flou complet : comment redessiner la carte dans ces conditions ? Le second texte aurait dû venir en premier, conformément aux préconisations du rapport Raffarin-Krattinger.

Bref, on nous met autour de la table pour une partie de bonneteau ! Le Premier ministre s’est engagé à nous laisser deux lectures ; nous menacer d’une lecture unique si nous ne sommes pas sages est proprement scandaleux. Si la parole du Premier ministre n’a plus de sens, ce n’est pas la peine de venir devant le Sénat. Ce chantage est indigne de la fonction.

M. Philippe Kaltenbach. – Vous ne voulez pas débattre !

M. Gérard Longuet. – Si, mais sur le fond, pas sur une carte !

M. Jacques Mézard. – Personne, sur aucun banc, ne se réjouit de la tournure des choses. Ce texte est vicié depuis l’origine, car il n’a pas été préparé. Tous savons tous que nous faisons du mauvais travail, mais ce n’est pas de notre faute ! On nous demande de débattre : si l’on entend par là nous faire jouer quelques heures au Monopoly pour élaborer la carte qui restera en vigueur des décennies, ce n’est pas sérieux. Nous n’avons pas le détail des compétences, ni les éléments financiers, économiques et sociologiques nécessaires pour en décider. L’amendement de Bruno Sido créant sept grandes régions me plaît à première vue, mais comment évaluer sérieusement sa pertinence sans étude d’impact fiable ?

Le ministre des relations avec le Parlement nous fait savoir que la contestation de l’étude d’impact nous ferait travailler jusqu’à la mi-août ; est-il normal, ce matin, de nous dire que si nous votons la suppression, nous serons privés de seconde lecture ? Mais où sommes-nous ? Reprenez vos esprits !

Hier matin, le Premier ministre, pour qui j’ai le plus grand respect, dit qu’il maintiendra la suppression des conseils généraux…

M. Roger Karoutchi. – … « quoi qu’il advienne » !

M. Jacques Mézard. – Or l’amendement n° 135 du groupe socialiste dispose qu’à partir de 2020, les conseils départementaux seront maintenus en zone rurale. Le message du Gouvernement est le contraire du vôtre !

Nous avons tous le souci de l’intérêt national. Hier, à Clermont-Ferrand, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé qu’il ferait le nécessaire pour mieux représenter les territoires ruraux, moins peuplés que les autres. Jean-Pierre Sueur a dit que ce n’était pas

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possible… Là aussi, l’incohérence est totale ! Quant au droit d’option, il est proposé de ne l’ouvrir qu’un an après l’entrée en vigueur du texte : ce n’est pas réaliste !

Il existe une sortie par le haut : fixer un nombre maximum de régions dans la loi, laisser le Parlement travailler, et repousser les élections.

M. Roger Karoutchi. – Oui !

M. Ronan Dantec. – Un compromis est possible entre nous à ce stade. Laissons du temps au temps ; c’est le sens de mes amendements. Un sondage paru aujourd’hui indique que, dans le cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire, les esprits sont prêts à évoluer si on leur en laisse le temps. Le vote sur la suppression de l’article 1er a l’inconvénient de passer par pertes et profit et la carte et la méthode. Distinguons les deux. Discuter de la carte à l’automne semble politiquement jouable, et de nature à débloquer les choses. Avançons en attendant sur les règles du jeu : droit d’option, consultation des électeurs. Les territoires s’en saisiront alors pour se prononcer. Ainsi, nous replacerions le Sénat dans le débat en seconde lecture, selon le calendrier qu’il aura décidé.

M. Christian Favier . – Le texte est bâclé : le Gouvernement a allumé un feu, et nous demande de jouer les pompiers. On ne peut l’accepter. Menacer le Sénat, chambre des collectivités territoriales, d’être privé de seconde lecture sur un sujet aussi important est scandaleux et inacceptable. Au fond, nous ne refusons nullement de discuter de la carte. La vraie question, c’est celle des compétences : la cohérence veut qu’elle soit abordée en premier. Par conséquent, il est normal que le Sénat exprime son mécontentement sur cette méthode en première lecture et se réserve la possibilité de débattre en seconde. Nous n’acceptons pas que le Premier ministre revienne sur les engagements qu’il a pris devant nous.

M. François-Noël Buffet. – Qui sème le vent récolte la tempête. Ce dossier a été mal préparé, et l’on cherche à nous l’imposer par tous les moyens, y compris par le chantage : le Gouvernement s’est fait le maître chanteur de cette opération, il nous menace de devoir travailler jusqu’au 15 août, ou de supprimer la seconde lecture sur laquelle il s’était engagé. C’est inadmissible ! Comment veut-on que des élus – de tous bords –, comment veut-on que la population ait confiance dans de telles méthodes ?

Si le Gouvernement ne tient pas parole sur les deux lectures, il ne lui reste qu’à s’en aller ! Il a placé les institutions dans une situation intenable : plus personne ne croit plus à rien, et la responsabilité lui en incombe.

Il ne faut pas demander à des parlementaires de travailler sur une carte pour vous sauver du marasme dans lequel vous vous êtes plongés. Il convenait de commencer par l’étude des compétences et de mener un vrai travail de fond, mais tel n’a pas été votre choix : sur un accord de coin de table, un jour du mois de mai, vous avez décidé de faire une réforme territoriale pour occuper les gens. C’est la réalité des choses. La sagesse serait pour vous d’entendre les parlementaires et les territoires, qui tentent de vous faire comprendre que vous n’êtes pas sur le bon chemin, mais dans une impasse.

M. Gérard Larcher . – Tous les gouvernements connaissent la tentation d’user et d’abuser de la procédure accélérée. Je me rappelle d’un texte déposé ici en 2009, au sujet duquel nous nous étions battus pour qu’une procédure normale soit utilisée – je le dis devant un ancien ministre en charge des relations avec le Parlement.

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J’entends que nous pourrions être privés de la deuxième lecture qui nous a été octroyée en lieu et place d’une procédure normale, alors qu’il s’agit, pour reprendre le titre d’un rapport de Jean François-Poncet, de refaire la France. Ce n’est quand même pas rien !

Je souhaiterais que vous saisissiez le président du Sénat, garant du respect de notre assemblée, pour qu’il s’assure que la parole du Premier ministre sera tenue. Le contraire trahirait un parfait mépris du Sénat et du Parlement. Nos clivages ne sont pas les mêmes que ceux de l’Assemblée nationale, nous ne sommes pas la réplique sismique de l’élection présidentielle. Redevenons sérieux, sereins, pour étudier un sujet qui sera au fondement de notre existence. Je vous saisis officiellement, monsieur le Président, pour que vous demandiez au président du Sénat d’interroger le Gouvernement : c’est sa responsabilité institutionnelle !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Je peux même interroger le ministre en votre nom cet après-midi dans l’hémicycle.

M. Edmond Hervé. – Nous vivons un épisode d’une longue histoire : la question politique du découpage territorial est aussi ancienne que la République française. Nous avons tous des prédécesseurs, éminents ou non, qui ont avancé différentes propositions.

J’ai bien entendu une observation sur les compétences. Certains, hors de cette salle, ne comprennent pas toujours que nous sommes dans un État unitaire, où c’est la loi qui définit les compétences des collectivités territoriales. Vous ne bouleverserez pas la répartition des compétences de l’État, de la région et des autres collectivités. Ce seront des clarifications à la marge. Je m’élève en revanche avec véhémence contre le principe des compétences exclusives. Ne versons pas dans ce système ! Des compétences obligatoires, oui, des compétences exclusives, non ! Car nous sommes dans une démarche contractuelle, y compris dans les secteurs les plus régaliens de l’État.

La majorité gouvernementale peut changer. Lorsque je me trouvais dans l’opposition, je me demandais quel langage tenir, sachant que je pourrais bientôt me trouver dans la majorité. C’est ce principe qui doit nous réunir.

Quant aux départements, ma position est simple : on ne peut les supprimer systématiquement. Nous devons trouver un modus vivendi. J’ai toujours cru, et je l’ai dit, que cette réforme territoriale devait reposer sur un minimum de consensus. Nous sommes les rois de l’évitement : nous refusons depuis des décennies de parler de l’essentiel : la réforme de la fiscalité, et de la fiscalité locale. L’État a modernisé sa fiscalité. Je suis très soucieux du principe de solidarité, c’est pourquoi j’aurais souhaité que le pacte de solidarité entre l’État et les collectivités territoriales ait été discuté par le Parlement. La notion de fiscalité locale est décisive.

Nous avons tous nos contradictions : lorsqu’en 2004, vous avez voté la loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités locales, sur un excellent rapport pour avis de notre ancien collègue Michel Mercier, vous êtes partis en guerre contre le gouvernement précédent qui rognait l’autonomie fiscale … pour en arriver à l’autonomie financière ! Je ne me fais aucune illusion : les compétences sociales des départements ne pourront être exercées si vous ne changez pas le système fiscal actuel.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Ces réflexions sont très intéressantes ; il est regrettable qu’on ne les retrouve pas dans les projets et les propos du Gouvernement. Certains

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ministres citent le rapport Raffarin-Krattinger sans l’avoir lu jusqu’au bout, en en retenant uniquement la création de grandes régions, qui fait pourtant partie d’un ensemble.

Une réflexion globale sur les compétences des collectivités posera immanquablement le problème de leurs ressources. L’autonomie financière ne veut pas dire grand-chose, dans la mesure où les collectivités dépendent de dotations budgétaires. Quant à leur autonomie fiscale, elle a reculé sous tous les gouvernements. C’est particulièrement évident si l’on se rappelle les débuts de la décentralisation pour les conseils généraux en 1982 : la marge d’autonomie fiscale concédée était alors très importante. Depuis, on l’a rognée : pensez à la taxe professionnelle ou à la vignette…

M. Henri Tandonnet. – Je souhaite que nous allions dans le sens de ce que disait M. Dantec : aborder le fond. La méthode de la procédure accélérée est intolérable, mais elle vise uniquement le report des élections. Le Premier ministre y tient – peut-être vaudrait-il mieux lui faire cette concession, dont on comprend qu’il en ait besoin étant donné le contexte, et continuer à travailler le fond de ce projet, en le joignant au second. Cela permettrait aux territoires de s’emparer de ces propositions, d’autant que nous avons voté l’amendement n° 161 du rapporteur, qui assure la souplesse souhaitée par tous.

M. Philippe Kaltenbach. – Je n’ai pas été promu porte-parole du Gouvernement, j’ai simplement fait remarquer que si la majorité d’une assemblée refuse de débattre d’un texte, on peut se demander pourquoi le Gouvernement y reviendrait en deuxième lecture. On ne peut pas débattre seuls ! Nous sommes prêts à discuter, et le Sénat a l’occasion de jouer son rôle en légiférant par voie d’amendements. Mais refuser l’article 1er revient à poser une question préalable.

M. Gérard Longuet. – Et pourquoi pas ?

M. Roger Karoutchi. – Ce n’est pas exclu : nous allons y réfléchir…

M. Philippe Kaltenbach. – Le Gouvernement est prêt à évoluer sur la carte et sur le nombre des conseillers régionaux. J’aurais préféré, comme tout le monde, que le débat sur les compétences ne soit pas séparé de celui-ci, mais enfin, les compétences, nous les connaissons…

Mme Catherine Troendlé. – Ah bon ?

M. Philippe Kaltenbach. – … puisque le projet de loi sur les compétences a été déposé le 18 juin dernier. Vous connaissez donc les intentions du Gouvernement, vous savez qu’il souhaite renforcer le rôle économique des régions. Peut-être est-ce la perspective des élections sénatoriales de l’automne qui vous dissuade de débattre au fond et vous fait préférer une posture d’opposition pour masquer vos divisions internes. Assumez-le ! Si vous refusez le débat, l’Assemblée nationale prendra la main sur ce texte. Pour jouer son rôle, le Sénat doit travailler, légiférer, proposer, s’emparer du texte, et non le rejeter en bloc, en supprimant l’article 1er, ou en votant une question préalable.

L’UMP est mal placée pour donner des leçons au Gouvernement et au parti socialiste sur l’image de nos institutions. Que chacun balaie devant sa porte !

M. Bruno Sido. – Tout cela a beaucoup de profondeur et d’intérêt, mais nous avons un ordre du jour : usez de votre autorité, monsieur le président, pour que l’on y revienne.

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M. Jean-Jacques Hyest, président. – Je devais laisser chacun s’exprimer.

Je demanderai au ministre la garantie qu’il y aura bien deux lectures. Le Gouvernement a choisi la procédure accélérée pour contourner la règle constitutionnelle prévoyant un délai de six semaines avant les délibérations de la première assemblée saisie et de quatre avant celles de la seconde ; il s’est mis en tête, quitte à nous priver de vacances, qu’il fallait une lecture dans chaque assemblée avant l’été. Le texte nous reviendra à l’automne, ce qui nous donnera le loisir d’examiner la carte élaborée par l’Assemblée. Ne dramatisons pas : lorsqu’un texte est présenté très tardivement, il connait bien des vicissitudes.

Nous avons voté un amendement n° 161 de M. Delebarre à l’article 3 qui supprime la consultation obligatoire des électeurs en cas de regroupement de départements, de transfert d’un département depuis sa région d’origine vers une région limitrophe, de regroupement de régions, de fusion d’une région et de ses départements. Ne l’oublions pas !

La commission émet un avis favorable aux amendements n° 37 rectifié bis, 53 et 105 et un avis défavorable aux amendements nos 139, 16, 159, 106, 87, 54, 108, 18, 17, 19, 20, 23, 72, 11, 7, 24, 4, 5, 51, 89, 57, 56, 59, 58, 34, 55, 130, 25, 12, 1, 48, 10, 99, 134, 36, 86, 22, 14, 26 et 66.

Article additionnel après l’article premier

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 92 de M. Mézard proposant un article additionnel après l’article premier, relatif au rattachement d’un département à une autre région. Je ne puis émettre qu’un avis défavorable, puisque M. Mézard ne s’intéresse pas à l’avis de la région d’origine.

M. Jacques Mézard. – Si un département formule le souhait majoritaire de quitter une région, celle-ci risque de refuser. Introduire un droit d’option que l’on enserre dans des conditions de délai ou de vote qui le réduisent à un droit putatif n’est pas une solution. Nombre d’entre nous ne souhaitent pas la suppression totale des conseils généraux. Si l’un d’eux exprime le souhait de s’intégrer dans une région qui est prête à l’accueillir, il doit en avoir la possibilité. Soit vous verrouillez le système, soit vous permettez que le droit d’option s’exerce pour de bon.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Votre amendement sera discuté, mais nous ne pourrons, sous peine d’incohérence avec celui du rapporteur que nous avons adopté, y donner un avis favorable.

M. Ronan Dantec. – Il s’agit en réalité d’un sous-amendement à l’amendement du rapporteur, puisqu’il simplifie encore le redécoupage. Je soutiens avec enthousiasme l’amendement du président Mézard : il est plus facile, dans une nouvelle union, d’avoir l’avis favorable de ceux qui veulent s’unir que de celui qui est quitté. Cet amendement est encore très intéressant parce qu’il prévoit que les collectivités candidates à une fusion ne s’exposeront pas à une situation de blocage ou de passage en force. Elles connaîtront, en amont du processus de fusion, les sous-redécoupages qu’il entraînera. Cet amendement s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la loi et dans la perspective, désormais acquise, du maintien des départements.

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M. Jean-Jacques Hyest, président. – Nous avons déjà voté un amendement demandant l’accord de la collectivité de départ comme celui de celle d’accueil : la contradiction est manifeste !

M. Bruno Sido. – Disons clairement, monsieur le président, que dès lors que nous avons voté l’amendement du rapporteur, les autres n’ont plus d’objet.

Mme Jacqueline Gourault. – J’ai voté le premier amendement, et je voterai le second : ils ne sont pas contradictoires, mais complémentaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Si la majorité fait comme vous, nous serons bien embarrassés.

M. Éric Doligé. – Cela montre une fois de plus que nous avons bien fait de refuser l’article 1er. Si nous avions voté un seul des amendements modifiant la carte, cela aurait voulu dire que nous étions d’accord avec le découpage proposé par ce projet de loi, et il ne nous aurait plus été possible d’intervenir sur les autres. Si l’avis du rapporteur est mis aux voix, je suivrai Jacqueline Gourault.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – L’amendement est-il transformé en sous-amendement ?

M. Jacques Mézard. – Soit.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Mon avis reste défavorable : certains d’entre vous ont une propension à soutenir les référendums, ou les appels à la population…

Mme Jacqueline Gourault. – Pas moi !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – … et vous hésitez à recueillir l’avis de la région d’origine ! C’est à la limite de l’absurde. Une région a le droit de défendre son intégrité, un département ne peut annoncer qu’il la quitte sans autre forme de procès ! Cette démarche audacieuse ne m’étonne pas de M. Dantec, qui est capable de nous proposer un amendement prévoyant que tout Dantec dans la région n’étant pas consulté, le résultat n’est pas valable ! Mais nous sommes dans un débat d’institutions, où l’on peut commettre des erreurs en ne contraignant pas objectivement le département qui veut changer à avoir un débat public avec sa région d’origine.

M. Ronan Dantec. – D’accord pour le débat public, mais sans veto.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Qui parle de veto ? Avoir la position de la région d’origine et de la région d’arrivée me parait la moindre des choses.

M. Bruno Sido. – Il suffira, pour régler cette affaire d’amendement et de sous-amendement, de ne pas voter en séance celui de M. Delebarre et de voter celui de M. Mézard.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Ce n’est pas ce que nous avons décidé. L’objet de l’amendement de la commission est plus large puisqu’il concerne également les regroupements de régions et de départements ainsi que la fusion d’une région avec les départements la composant.

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La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 92 sous réserve de sa transformation en sous-amendement à l’amendement de la commission à l’article 3.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 143, qui relève d’une logique semblable à celle du n° 92.

La commission demande le retrait des amendements n°s 143 et 141. Elle demande le retrait de l’amendement n° 146 sinon émet un avis défavorable.

Article 2

M. Jean-Jacques Hyest, président. – L’article 2, étant lié à l’article 1er, il devrait

être en conséquence supprimé et les amendements qui s’y rapportent devraient tomber en séance…

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 109 et un avis défavorable aux amendements nos 60, 110, 93 et 88.

Article 3

M. Christian Favier. – Avec cet article, les populations ne seront plus consultées sur les modifications et regroupements de régions. Mon amendement n° 111 supprime cet article.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable : nous avons adopté un amendement supprimant tous les référendums, ce n’est pas pour les réintroduire ici.

Mme Jacqueline Gourault. – C’est évident…

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 111.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je demande le retrait de l’amendement n° 9, qui supprime la consultation en cas de modification des limites territoriales des départements et des régions et est donc satisfait par l’amendement de la commission.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 9.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 73 modifiant la procédure de rattachement d’un département d’une région à une autre région rejoint l’amendement de M. Mézard.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 73 ainsi que de l’amendement n° 74.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 75 de M. Sido maintient la consultation obligatoire des électeurs en allégeant les conditions requises pour en valider les résultats.

M. Bruno Sido. – Je ne vois pas pourquoi on applique un quorum pour les consultations préalables aux modifications des limites régionales, alors qu’il n’y en a jamais eu dans les référendums nationaux. Avec ma rédaction, l’Alsace aurait réussi son affaire…

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La commission demande le retrait de l’amendement n° 75 sinon émet un avis défavorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 145 rectifié est satisfait : retrait.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 45 rectifié.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Retrait ou rejet de l’amendement n° 112 qui maintient la définition actuelle des limites des régions.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 112 sinon émet un avis défavorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 27 rectifié supprime l’obligation de consulter les électeurs lorsqu’un département change de région. Nous l’avons déjà fait dans les amendements précédents. Je reste hostile à ce que l’on ne demande pas son avis à la région de départ...

M. Edmond Hervé. – Dix départements sont potentiellement concernés par cet amendement, il aurait une véritable influence sur la carte régionale...

La commission demande le retrait de l’amendement n° 27 rectifié sinon émet un avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – L’amendement n° 49 rectifié est satisfait.

La commission demande le retrait des amendements n°s 49 rectifié et 131.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 144 modifie la procédure de rattachement d’un département à une autre région. Défavorable, comme précédemment.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 144.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Défavorable à l’amendement n° 68 qui supprime de façon « temporaire » la consultation des électeurs en cas de modification des limites des régions : c’est du sur-mesure ! Le n° 81 est identique.

La commission demande le retrait des amendements nos 68 et 81 sinon émet un avis défavorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’affaire des chefs-lieux étant réglée par l’article 2, mon avis à l’amendement n° 96 est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 96.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 113 de M. Favier supprime l’abrogation de la faculté offerte aux régions de se regrouper. Il a satisfaction avec les amendements que nous avons adoptés : retrait.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 113.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 140 est satisfait. Retrait.

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La commission demande le retrait de l’amendement n° 140.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 107 rectifié, qui prévoit la possibilité de regroupements de régions par la loi, après consultation des électeurs : l’amendement est satisfait par l’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales. Les limites font alors l’objet d’un décret en Conseil d’État.

M. Christian Favier. – Nous maintenons cet amendement pour le principe.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n°107 rectifié.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 50 rectifié est satisfait.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 50 rectifié.

Article additionnel après l’article 3

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 136, qui prévoit l’organisation d’un référendum pour la création d’une collectivité unique en Guadeloupe, n’a pas de rapport direct avec le projet de loi. Défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 136.

Article 4

M. Jean-Jacques Hyest, président. – L’amendement de suppression n° 114 appelle un avis favorable, par cohérence avec le vote intervenu à l’article 1er.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 114.

Articles additionnels après l’article 4

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 13 rectifié et le n° 147 identique concernent les élections européennes. Hors sujet ! Retrait ou avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 13 rectifié et 147.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Défavorable aux amendements identiques n°s 69 rectifié et 82 : ils visent une réorganisation des services régionaux de l’État, qui ne relève pas de la loi mais du règlement.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Bien sûr.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 69 rectifié et 82.

Article additionnel avant l’article 5

M. Jean-Jacques Hyest, président. – L’amendement n° 8 de M. Masson supprime tout simplement le Conseil économique, social et environnemental de chaque région.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable.

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La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 8.

Article 5

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Les auteurs de l’amendement n° 115 refusent que la métropole de Lyon puisse être érigée en section pour l’élection des conseils régionaux : avis défavorable.

M. Christian Favier. – Nous nous étions prononcés, lors les débats sur la loi Mapam, contre la constitution de la métropole lyonnaise, accompagnée de la disparition d’une partie du conseil général du Rhône. Nous voulons donc la suppression de cet article.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 115.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable à l’amendement n° 148, qui conduit à ériger toute circonscription départementale de l’État en section départementale pour l’élection des conseillers régionaux. La loi devrait nécessairement intervenir pour fixer le nombre de candidats à présenter par section départementale.

M. Ronan Dantec. – Cet amendement tient compte de ce que nous avons voté depuis le début de notre réunion. Il facilite les fusions de départements. Quitte à m’éloigner de la ligne de mon parti, j’estime que nous aurons besoin demain de structures infrarégionales, et qu’elles seront diverses. Si les circonscriptions régionales sont liées à elles, certains départements seront coupés en deux : Lyon aura deux petites listes, tandis qu’une assemblée de Bretagne résultant de la fusion des cinq départements en aurait une seule. Si l’on ne découple pas l’élection des conseillers régionaux de cette évolution de l’infrarégional, on risque de bloquer le mécanisme de regroupement sur la question accessoire du nombre de conseillers régionaux. C’est donc un amendement de cohérence, de bon sens et exempt de tout dogmatisme.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Il conduit à enlever à la loi le soin de préciser les circonscriptions électorales. Ce n’est pas une bonne mesure.

M. Ronan Dantec. – Notre propos est de préserver l’équilibre des territoires dans leur représentation au sein des conseils régionaux, en l’appuyant sur les circonscriptions administratives départementales.

M. Philippe Kaltenbach. – J’ai du mal à saisir l’intérêt de cet amendement. Si deux départements fusionnent, il n’y aura plus qu’un préfet et l’État reverra son organisation : la circonscription administrative englobera les deux départements.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 148.

Article 6

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Sur l’amendement de suppression n° 116, l’avis de la commission est forcément favorable par cohérence avec son vote à l’article 1er.

M. Philippe Dallier . – Il faut rééquilibrer la répartition des sièges dans des régions qui, comme l’Île-de-France, ne sont pas redessinées. Dans un autre amendement, n° 157, je procède aux corrections nécessaires sur le tableau.

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M. Jean-Jacques Hyest, président. – Dans les régions qui ne bougent pas, le tableau actuel continue de s’appliquer.

M. Philippe Dallier . – Je ne le souhaite pas, d’où mes amendements.

M. Roger Karoutchi. – Le conseil régional d’Ile-de-France compte 209 sièges.

M. Philippe Dallier . – Mais la répartition démographique a changé ; la pondération par département ne correspond plus à rien.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 116.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 118, 21, 46 rectifié bis, 133, 138, 149, 40 rectifié bis, 90 rectifié, 35, 61, 62, 117, 43 rectifié, 158, 157, 15, 67 rectifié et 31.

Articles additionnels après l’article 6

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Les amendements identiques nos 32, 42 rectifié bis, 77 rectifié et 119 rectifié créent un bonus de sièges pour les zones de montagne à partir de la situation actuelle, avec un effet de cliquet qui ne tient pas compte de l’égalité des citoyens devant le suffrage, au risque de provoquer la censure du Conseil constitutionnel.

Mme Jacqueline Gourault. – En effet !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable, de même qu’aux amendements identiques n°s 41 rectifié bis et 97.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 32, 42 rectifié bis, 77 rectifié et 119 rectifié, 41 rectifié bis et 97.

Article 7

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 120 vise à supprimer l’article 7 et, donc, tout mécanisme de garantie de siège ; retrait, sinon avis défavorable.

M. Bruno Sido. – Je ne comprends pas cet amendement.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 120 sinon émet un avis défavorable.

M. Jacques Mézard. – Nous accordons beaucoup de prix à l’amendement n° 28 : si le texte reste en l’état, les départements ruraux ou ceux qui comptent une faible population – soit une bonne vingtaine de départements – seraient absolument sous-représentés. Il est invraisemblable de détruire, prétextant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la représentation de ces territoires. Je suis effrayé que le Gouvernement puisse proposer une chose pareille. Pour éviter la catastrophe, il aurait fallu modifier le système électoral avant de faire cette réforme, mais le Gouvernement ne l’a pas voulu. Il préfère éliminer la représentation des départements ruraux et, il faut bien le dire, certaines sensibilités politiques au profit d’autres... Ce procédé antidémocratique est contraire à la vie de nos territoires. Même cet amendement ne résoudra pas le problème : ne donner à un département que

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5 représentants sur 150, alors que les métropoles sont à des centaines de kilomètres, c’est l’abandonner ; les citoyens le savent bien ! Et c’est un gouvernement progressiste…

M. Bruno Sido. – … qui se dit progressiste !

M. Jacques Mézard. – … qui le propose !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Nous nous limitons à deux représentants pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, mais M. Mézard n’en a cure… Je ne dispose pas à cet égard du même confort que lui. Défavorable.

M. Henri Tandonnet. – Je soutiens l’amendement de M. Mézard. Nous constatons ces dernières années une fracture aggravée entre les métropoles et les territoires ruraux : le Lot-et-Garonne est devenu le 87ème département français pour le revenu par habitant, alors que Bordeaux a prospéré. Le rapporteur nous oppose la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais celle-ci peut évoluer. Agrandir les régions, c’est agrandir encore cette fracture.

M. Éric Doligé. – Les territoires doivent être représentés de manière équilibrée selon le Conseil constitutionnel, qui exige que les cantons aient le même nombre d’habitants à plus ou moins 20 %. Un électeur ne pèse pas le même poids dans le système actuel lorsqu’un département est représenté par un seul conseiller régional. Les tableaux ne sont pas clairs : comment un citoyen peut-il s’y retrouver ? Ils prévoient 15 candidats qui, en fin de compte, sont réduits à 2 représentants… Les citoyens n’iront pas voter s’ils ont le sentiment qu’ils ne seront pas représentés.

M. Roger Karoutchi. – Je partage le point de vue de M. Doligé. L’une des compétences majeures de la région est l’aménagement du territoire ; j’espère que le texte sur les compétences la fera progresser. Mais il est absurde de croire qu’elle pourra l’exercer avec des départements très peu représentés. Il faudra m’expliquer le raisonnement du Conseil constitutionnel. La gauche a gagné les élections en Île-de-France, mais pas dans les Hauts-de-Seine…

M. Philippe Kaltenbach. – Si, pour la première fois !

M. Roger Karoutchi. – Vous confondez avec les élections cantonales. Les Hauts-de-Seine ont majoritairement voté à droite, mais le résultat en nombre d’élus n’a pas suivi… Les régions ayant la compétence aménagement du territoire, les départements doivent être correctement représentés. Je voterai l’amendement de M. Mézard.

M. Bruno Sido. – Oui.

M. Philippe Dallier . – Je le voterai également.

M. Philippe Kaltenbach. – Le mode de scrutin pour les dernières élections régionales a changé : auparavant, nous avions un scrutin départemental…

M. Roger Karoutchi. – … qui était plus clair.

M. Philippe Kaltenbach. – … selon lequel, si un département avait quatre sièges, il avait quatre élus. Nous sommes passés à une circonscription régionale, tout en gardant des sections départementales pour présenter les candidats. Voilà pourquoi il y a une différence

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dans les tableaux entre le nombre d’élus et le nombre de candidats. Le nombre d’élus est lié aux résultats du scrutin régional. Lorsque cela avait été débattu, il avait été proposé de faire une seule circonscription régionale, mais cela avait été écarté pour maintenir un lien avec le département. Toutes les voix sont centralisées au niveau régional, puis réparties dans les départements en fonction des résultats, ce qui fait que chaque conseiller est élu avec le même nombre de voix.

M. Roger Karoutchi. – Avec la prime, c’est faux.

M. Philippe Kaltenbach. – La prime s’ajoute à cela. Le rapporteur a raison de dire que le Conseil constitutionnel risque de censurer une telle disposition. L’amendement de repli à trois représentants peut passer, mais le risque est toujours là…

M. Bruno Sido. – Nous verrons bien.

M. Philippe Kaltenbach. – Il serait préférable de changer de mode de scrutin, mais ce n’est pas l’objet.

M. Roger Karoutchi. – Ce ne serait pas du luxe !

M. Philippe Kaltenbach. – Je suis favorable à ce que nous votions un signal en direction des départements ruraux, en prévoyant trois sièges, mais pas cinq : nous prenons moins de risques avec trois.

M. Jacques Mézard. – Si j’ai déposé cet autre amendement, c’est pour rappeler au Gouvernement que le Sénat a déjà voté la mesure il y a quelques mois à peine, avec l’accord du Gouvernement. Ce changement d’avis en un temps si bref est bizarre. Le retrait interviendra en séance. Ce n’est pas un amendement de repli. Je maintiens celui qui prévoit cinq représentants. Le système électoral actuel est totalement injuste : il laisse des territoires entiers sans représentation. Nous ne sommes pas opposés par principe aux grandes régions, mais elles aggraveront la situation. Les quelques conseillers régionaux de nos départements, choisis en fait par les partis, sont totalement inconnus.

M. Bruno Sido. – Bien sûr !

M. Jacques Mézard. – Seul le président de région est identifié…

M. Bruno Sido. – Et encore !

M. Jacques Mézard. – Comment nos collègues socialistes peuvent-ils imaginer expliquer à nos concitoyens, dans des territoires qui représentent 20 % de la surface nationale, qu’ils seront rattachés à des métropoles lointaines, que la collectivité de proximité est supprimée, et qu’ils ne seront pas représentés ? Votre seul argument est de dire « le nombre n’a pas d’importance, il suffit d’envoyer de bons représentants ». Les représentants nombreux seraient-ils, du seul fait de leur nombre, mauvais ? Comment accepter qu’un texte qui nous engage pour des décennies raye de la carte la représentation démocratique des territoires – car la République, c’est aussi cela – et des sensibilités ?

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 28.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je suis moins défavorable à l’amendement n° 30 rectifié qui prévoit trois sièges. Sagesse.

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M. Jean-Pierre Sueur. – La commission a donné un avis sur l’amendement précédent, mais ne peut préjuger du sort de ce dernier en séance publique. Elle doit tout de même donner un avis sur le n° 30 rectifié.

Puisque le rapporteur s’en remet à la sagesse de la commission, il est logique de demander à nos collègues de se prononcer. Vote ou pas vote, j’indique que je suis, comme d’autres, partisan de la meilleure représentation possible des départements à faible population. Il serait certainement agréable d’expliquer, sur le terrain, que j’ai voté pour cinq représentants… Mais respectant le principe de réalité, je prends acte de tout ce qu’a écrit jusqu’à présent le Conseil constitutionnel. Une disposition prévoyant cinq représentants au minimum aurait de grandes chances d’être invalidée. Le Gouvernement a proposé un représentant ; dans une réunion antérieure, nous avons dit au moins deux ; je suis d’accord pour trois, même si les risques ne sont pas nuls. Il existait dans le passé des écarts extrêmes, de 1 à 49 d’un canton à l’autre… Je crois néanmoins que le Conseil constitutionnel peut entendre le signal que représentent ces trois conseillers. Je voterai cet amendement.

M. Philippe Kaltenbach. – J’ajoute que le groupe socialiste se prononce contre cinq représentants ; mais qu’il est favorable à trois.

M. Roger Karoutchi. – Vous le direz en séance.

M. Edmond Hervé. – Si nous avions appliqué strictement le principe de représentation proportionnelle au nombre d’habitants pour la répartition des sièges lors de la constitution des intercommunalités, il n’y en aurait pas eu beaucoup : heureusement, les grandes communes avec 80 % de la population n’ont réclamé que 35 à 40 % des sièges. Il faut que le Conseil constitutionnel réfléchisse : ce n’est pas seulement une question d’arithmétique.

La commission demande le retrait des amendements nos 30 rectifié, 132, 33, 78, 121, 39 rectifié bis, 98 et 63.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 76 sinon émet un avis défavorable.

Article additionnel après l’article 7

M. Jacques Mézard. – L’amendement n° 29 suit la même logique.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Il est satisfait : retrait.

M. Jacques Mézard. – Nous verrons en séance.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 29 sinon émet un avis défavorable.

Article 8

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 122.

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Article additionnel avant l’article 9

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je n’ai pas d’avis sur l’amendement n° 135, qui dispose que les conseils départementaux sont maintenus en zone rurale à partir de 2020… Je laisserai le Gouvernement répondre à cette pétition de MM. Guillaume, Sueur, Vandierendonck et Kaltenbach, qui ont peut-être une idée derrière la tête. Avis du Gouvernement !

M. Jean-Pierre Sueur. – Il s’agit effectivement d’un amendement d’appel…

Nous sommes nombreux à accepter les grandes régions, mais à souhaiter une solution diversifiée pour les départements selon les circonstances et les situations. Pour faire avancer le débat, il est intéressant d’affirmer qu’il n’y a pas un couperet en 2020 qui supprime partout le département. Nous écouterons attentivement ce que dira le Gouvernement. Un tel signe en faveur des attentes de nos concitoyens ne serait pas mauvais. C’est le Parlement qui fait la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – C’est ce que je dis toujours.

M. Roger Karoutchi. – Il faudra l’expliquer au Premier ministre.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – En tant que rapporteur indépendant, je souhaiterais avertir les signataires de l’amendement : leur formulation cautionne le fait que le département pourrait être supprimé en 2020, ce qui n’est écrit nulle part dans le texte.

M. Philippe Dallier . – Pas encore !

M. Jean-Pierre Sueur. – Comment écririez-vous l’amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je n’y ai pas réfléchi, mais je changerais la formule pour ne pas cautionner en creux une disparition des départements hors des zones rurales.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Dans la Constitution, les collectivités territoriales sont les communes, les départements et les régions. Elles se définissent par un territoire, des compétences et un conseil élu. Ceux qui prétendent que la suppression du conseil général n’entraîne pas celle du département se trompent. Le Conseil constitutionnel s’y opposerait ! Le rapport Krattinger-Raffarin propose de maintenir les départements et, par exception – et c’est très différent – de confier leurs compétences aux métropoles comme à Lyon

M. Philippe Dallier . – Ou à Paris !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il est vrai que M. Dallier a fait des propositions pour Paris…

M. Roger Karoutchi. – On peut parler de tout !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – S’il y a une métropole, nous pouvons nous demander si elle ne pourrait pas remplir le rôle du département : sans doute, si elle est assez

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puissante et si la zone rurale n’est pas en conséquence réduite à la portion congrue. Lors du débat sur la Mapam, l’opposition a été constructive.

M. Philippe Kaltenbach. – C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il y a eu un débat entre les deux assemblées et, en deuxième lecture, nous avons réussi à faire quelque chose…

Mme Jacqueline Gourault. – Pas en première lecture !

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Il ne faut donc pas désespérer.

M. Christian Favier . – Saluons dans cet amendement un début de lucidité…

M. Roger Karoutchi. – Un début seulement !

M. Christian Favier . – … et une prise en compte de ce qu’a exprimé à l’unanimité l’Assemblée des départements de France à propos de la réforme. Cet amendement est intéressant : il prend le contrepied des pourfendeurs du « millefeuille ». Quant à la formulation, je me demande ce qu’est un « département rural » ? La Seine-et-Marne est-elle urbaine ou rurale ?

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Les deux !

M. Christian Favier . – Enfin, le département est aussi légitime en zone urbaine que rurale : les services qu’il rend – la solidarité, l’action sociale – ne sont pas moins utiles en zone urbaine qu’en zone rurale. Comment transférer à la commune, à l’intercommunalité ou à la métropole l’aide sociale à l’enfance ? Je ne peux soutenir cet amendement : je suis trop attaché à ces services et au département.

M. Philippe Kaltenbach. – Le groupe socialiste fait cette proposition pour marquer son attachement aux zones rurales, où doivent être maintenus un cadre et des élus. Notre amendement d’appel ne règle pas tout, mais nous faisons notre travail de législateur.

M. Éric Doligé. – Mais qu’est-ce qu’un département rural ?

M. Roger Karoutchi. – La définition n’existe pas.

M. Éric Doligé. – Les auteurs de l’amendement pourraient-ils nous fournir une liste des départements concernés ? Cela m’aiderait dans ma réflexion.

M. Jacques Mézard. – Je remercie nos collègues socialistes d’avoir déposé cet amendement. Sa rédaction est certes perfectible, mais son objet m’intéresse. Le bon sens revient ! « Entre les communes et les futures grandes régions, les intercommunalités, même élargies, ne pourront assurer seules le développement économique et l’offre de service public indispensable à tous nos concitoyens, qu’ils habitent en ville ou en zone rurale », expliquent les auteurs à l’appui de leur proposition. C’est ce que je ne cesse de clamer ! Je me réjouis de ce signal positif même si, du point de vue législatif, il n’est pas opérant.

M. Ronan Dantec. – C’est une évolution importante de nos débats. Je regrette la formulation qui semble justifier le maintien des départements dans la seule ruralité, alors que l’échelon infrarégional pourra être très divers. Certes, le transfert de l’action sociale aux

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grandes villes est dans l’ordre des choses. Une meilleure formulation serait : « les conseils départementaux peuvent être maintenus – ou sont maintenus – après 2020 avec des compétences et des délimitations adaptées à la diversité des collectivités territoriales ».

M. Edmond Hervé. – Cet amendement pose un principe. Certains d’entre nous le défendent depuis très longtemps. Il y a belle lurette que des transferts de compétences ont eu lieu dans le domaine social entre les départements et les intercommunalités, indépendamment de la sensibilité politique des exécutifs concernés. C’est une très bonne formule.

M. Philippe Dallier . – Par exemple en Seine-Saint-Denis.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Cela s’appelle une délégation : le département ne perd pas sa compétence. La région a délégué à la Seine-et-Marne les transports scolaires. Elle était incapable de les gérer de si loin.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je vois bien l’intention. Mais il ne faut pas évoquer 2020 ; le terme de conseils départementaux n’est pas adapté ; et la zone rurale n’est pas définie.

M. Philippe Dallier . – Quel réquisitoire !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur. – La proposition de M. Dantec ouvre la voie à des rectifications utiles.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 135.

Article 9

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’article 9 traite du remplacement des conseillers départementaux en cas de vacance de siège. Il prend acte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi du 17 mai 2013. Avis défavorable à l’amendement de suppression n°123.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 123.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 52 propose un nouveau mode de scrutin pour les conseillers départementaux. Retrait ou avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 52.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 91 est satisfait par le droit électoral qui prévoit qu’il n’est procédé à aucune élection partielle dans les six mois précédant le renouvellement des conseils départementaux. Retrait.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 91.

Article 10

La commission émet un avis défavorable à l’amendement de suppression n° 124.

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Article 11

La commission considère satisfait par son amendement l’amendement de suppression n° 125.

Articles additionnels après l’article 11

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 38 vise à rétablir le conseiller territorial ; c’est un trait d’humour, je suppose. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – De l’humour ou de la persévérance !

La commission demande le retrait de l’amendement n° 38 sinon émet un avis défavorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 64 découple les élections départementales et régionales.

M. Éric Doligé. – Et il vise à revenir, pour les élections départementales, au scrutin uninominal à deux tours en vigueur actuellement : une élection pour trois ans, en attendant de trouver une solution adéquate.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission émet un avis favorable à l’amendement n° 64.

M. Ronan Dantec. – Mon amendement n° 150 prévoit l’élection au suffrage direct à la représentation proportionnelle des conseillers de la métropole de Lyon.

Mme Jacqueline Gourault. – Ça recommence !

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Belle tentative d’infiltration… Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 150.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Même avis pour l’amendement n° 151.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 151.

Article additionnel avant l’article 12

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 6 ouvre un débat légitime mais sans rapport avec le texte. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 6.

Article 12

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Les amendements identiques n°s 85 et 94 suppriment l’article 12. La commission ne peut qu’y être favorable par voie de conséquence de sa décision à l’article 1er.

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9490

La commission émet un avis favorable aux amendements n°s 85 et 94.

Elle émet un avis défavorable aux amendements nos 65, 142, 95, 126, 70 rectifié, 79, 83, 128, 71 rectifié, 80 rectifié, 84 et 129.

M. Philippe Kaltenbach. – La loi organise le scrutin, le même jour, pour deux élections. Les machines à voter sont contestées quand il y a une seule élection. Qu’en sera-t-il pour deux ? Supprimer les machines à voter règlerait le problème : c’est ce que je propose pour les jours où il y a deux consultations. J’ai en préparation une proposition de loi sur le sujet.

M. Philippe Dallier . – J’en ai déjà déposé deux, en vain.

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Vous devez rectifier l’amendement pour qu’il devienne un article additionnel après l’article 12.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Nous pourrons ainsi l’examiner.

M. Philippe Kaltenbach. – Je le rectifie.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n°137 rectifié ne correspond en rien à l’objet de la loi : retrait ou rejet.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 137 rectifié sinon émet un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 127.

Articles additionnels après l’article 12

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avec l’amendement n° 152, M. Dantec envisage une réforme large. Il propose d’étendre à l’ensemble des régions la distinction entre l’assemblée et le conseil exécutif que connaît déjà la collectivité territoriale de Corse ; M. Dantec souhaite qu’il en aille de même en Loire-Atlantique, en espérant l’étendre à la région Bretagne. Nous opposons un avis défavorable à cet amendement, déjà rejeté en commission.

M. Ronan Dantec. – Il m’est arrivé dans ma vie politique de formuler des propositions qui n’ont abouti que dix ou quinze ans plus tard. Je constate que le rythme s’est accéléré et qu’une semaine peut suffire à faire évoluer le consensus politique. Cela me donne de l’espoir et je maintiens mon amendement.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 152.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Même chose avec l’amendement n° 154, qui renforce les pouvoirs des CESER.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 154.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – M. Dantec tente la même manœuvre avec les amendements n°s 156 et 155 déjà rejetés en commission. Avis défavorable.

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M. Ronan Dantec. – Je sais que le Gouvernement est favorable au renforcement de l’initiative citoyenne dans le fonctionnement de nos collectivités. J’ai cru comprendre que la tendance majoritaire était à l’appel au peuple.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Dès que le Gouvernement aura prévenu le rapporteur, je vous préviendrai. Je maintiens l’avis défavorable sur l’amendement n° 156.

M. Ronan Dantec. – C’est très décevant. Vous faisiez preuve de plus d’ouverture, hier.

La commission émet un avis défavorable à l’amendement n° 156, ainsi qu’à l’amendement n° 155.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – L’amendement n° 153 introduirait le système bicaméral à l’échelle locale. Encore un bel exemple de la démarche prospective de M. Dantec : l’amendement a au moins quinze ans d’avance.

M. Ronan Dantec. – Peut-être beaucoup moins…

M. Jean-Jacques Hyest, président. – Ou quinze ans de retard… Ce sont de vieilles lunes.

M. Michel Delebarre, rapporteur. – Avis défavorable.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 153 sinon émet un avis défavorable.

La commission adopte les avis suivants :

AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Auteur N° Avis de la commission

Article 1er Nouvelle carte régionale

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

160 Adopté

Article 3 Coordinations

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

161 Adopté

Article 4 Date de mise en œuvre de la nouvelle carte régionale

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

162 Adopté

Article 8 Entrée en vigueur des dispositions relatives à l’élection des conseillers régionaux

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

163 Adopté

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Auteur N° Avis de la commission

Article 9 Élections départementales partielles

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

164 Adopté

Article 10 Adaptation des règles de contentieux électoral

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

165 Adopté

Article 11 Entrée en vigueur des règles nouvelles de remplacement des conseillers départementaux

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

166 Adopté

Article 12 Modification de la durée des mandats des élus régionaux et départementaux

M. DELEBARRE, RAPPORTEUR

167 Adopté

AMENDEMENTS DE SÉANCE

Auteur N° Avis de la commission

Article additionnel avant l’article 1 er

M. ZOCCHETTO 47 Favorable

M. FAVIER 100 Favorable

M. FAVIER 101 Défavorable

M. FAVIER 102 Défavorable

M. FAVIER 104 Défavorable

M. MASSON 2 Défavorable

M. MASSON 3 Défavorable

M. FAVIER 103 Défavorable

Article 1er Nouvelle carte régionale

Auteur N° Avis de la commission

M. HUSSON 37 rect. ter Favorable

M. DOLIGÉ 53 rect. ter Favorable

M. FAVIER 105 Favorable

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Auteur N° Avis de la commission

M. DANTEC 139 Défavorable

M. DÉTRAIGNE 16 rect. ter Défavorable

M. DALLIER 159 Défavorable

M. FAVIER 106 Défavorable

M. LECERF 87 rect. Défavorable

M. DOLIGÉ 54 Défavorable

M. FAVIER 108 Défavorable

M. SIDO 18 Défavorable

M. SIDO 17 Défavorable

M. SIDO 19 Défavorable

M. ADNOT 20 rect. Défavorable

M. CHEVÈNEMENT 23 rect. Défavorable

M. GUENÉ 72 Défavorable

M. MASSON 11 rect. Défavorable

M. MASSON 7 Défavorable

M. CHEVÈNEMENT 24 rect. Défavorable

M. MASSON 4 Défavorable

M. MASSON 5 rect. Défavorable

M. DUBOIS 51 rect. Défavorable

M. P. LEROY 89 Défavorable

M. DOLIGÉ 57 Défavorable

M. DOLIGÉ 56 Défavorable

M. DOLIGÉ 59 Défavorable

M. DOLIGÉ 58 Défavorable

M. D. LAURENT 34 rect. bis Défavorable

M. DOLIGÉ 55 rect. Défavorable

M. GUILLAUME 130 Défavorable

M. MÉZARD 25 rect. Défavorable

M. MASSON 12 Défavorable

M. VAUGRENARD 1 Défavorable

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Auteur N° Avis de la commission

M. ZOCCHETTO 48 Défavorable

M. MASSON 10 Défavorable

Mme GOURAULT 99 Défavorable

M. GERMAIN 134 Défavorable

M. CORNU 36 rect. Défavorable

M. LEGENDRE 86 Défavorable

M. POZZO di BORGO 22 Défavorable

M. NAVARRO 14 Défavorable

M. C. BOURQUIN 26 rect. Défavorable

M. COUDERC 66 rect. Défavorable

Article additionnel après l’article 1er

M. MÉZARD 92 rect. Favorable sous réserve de sa transformation en sous-amendement à l’amendement de la

commission à l’article 3

M. DANTEC 141 Demande de retrait

M. DANTEC 146 Demande de retrait, sinon avis défavorable

Article 2 Fixation du chef-lieu des nouvelles régions

M. FAVIER 109 Favorable

M. DOLIGÉ 60 rect. Défavorable

M. FAVIER 110 Défavorable

M. LECERF 93 Défavorable

M. LECERF 88 Défavorable

Article 3 Coordinations

M. FAVIER 111 Défavorable

M. MASSON 9 Demande de retrait

M. SIDO 73 Demande de retrait

M. SIDO 74 Demande de retrait

M. SIDO 75 Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. DANTEC 145 rect. Demande de retrait

M. FAVIER 112 Demande de retrait, sinon avis défavorable

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Auteur N° Avis de la commission

M. MÉZARD 27 rect. bis Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. TANDONNET 49 rect. Demande de retrait

M. GUILLAUME 131 Demande de retrait

M. DANTEC 144 Défavorable

M. ROCHE 68 Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. ADNOT 81 Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. J.L. DUPONT 96 Défavorable

M. FAVIER 113 Demande de retrait

M. DANTEC 140 Demande de retrait

M. FAVIER 107 rect. Défavorable

M. TANDONNET 50 rect. Demande de retrait

M. DANTEC 143 Demande de retrait

Article additionnel après l’article 3

M. J. GILLOT 136 rect. Défavorable

Article 4 Date de mise en œuvre de la nouvelle carte régionale

M. FAVIER 114 Favorable

Article additionnel après l’article 4

M. MASSON 13 rect. Défavorable

M. DANTEC 147 Défavorable

M. ROCHE 69 rect. bis Défavorable

M. ADNOT 82 Défavorable

Article additionnel avant l’article 5

M. MASSON 8 Défavorable

Article 5 Assimilation de la métropole de Lyon à une section départementale pour l’élection

des conseillers régionaux

M. FAVIER 115 Défavorable

M. DANTEC 148 Défavorable

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Auteur N° Avis de la commission

Article 6 Répartition des conseillers régionaux entre régions et des candidats

entre sections départementales

M. FAVIER 116 Favorable

M. FAVIER 118 Défavorable

M. ADNOT 21 rect. Défavorable

M. DÉTRAIGNE 46 rect. bis Défavorable

M. GUILLAUME 133 Défavorable

M. KALTENBACH 138 Défavorable

M. DANTEC 149 Défavorable

M. JARLIER 40 rect. ter Défavorable

M. P. LEROY 90 rect. Défavorable

M. D. LAURENT 35 Défavorable

M. DOLIGÉ 61 Défavorable

M. DOLIGÉ 62 Défavorable

M. FAVIER 117 Défavorable

Mme DEBRÉ 43 rect. Défavorable

M. DALLIER 158 rect. bis

Défavorable

M. DALLIER 157 rect. bis

Défavorable

M. NAVARRO 15 Défavorable

M. COUDERC 67 rect. Défavorable

M. MÉZARD 31 rect. Défavorable

Article additionnel après l’article 6

M. REPENTIN 32 Défavorable

M. JARLIER 42 rect. bis Défavorable

M. CARLE 77 rect. Défavorable

M. FAVIER 119 rect. Défavorable

M. JARLIER 41 rect. bis Défavorable

M. REPENTIN 97 Défavorable

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Auteur N° Avis de la commission

Article 7 Attribution minimale d’un siège de conseiller régional, par section départementale

M. FAVIER 120 Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. MÉZARD 28 rect. Favorable

M. MÉZARD 30 rect. bis Demande de retrait

M. GUILLAUME 132 Demande de retrait

M. REPENTIN 33 Demande de retrait

M. CARLE 78 Demande de retrait

M. FAVIER 121 Demande de retrait

M. JARLIER 39 rect. ter Demande de retrait

M. REPENTIN 98 Demande de retrait

M. DOLIGÉ 63 Demande de retrait

M. SIDO 76 Demande de retrait, sinon avis défavorable

Article additionnel après l’article 7

M. MÉZARD 29 rect. demande de retrait, sinon avis défavorable

Article 8 Entrée en vigueur des dispositions relatives à l’élection des conseillers régionaux

M. FAVIER 122 Défavorable

Article additionnel avant l’article 9

M. GUILLAUME 135 Favorable

Article 9 Élections départementales partielles

M. FAVIER 123 Défavorable

Mme N. GOULET 52 rect. Défavorable

M. LECERF 91 Demande de retrait, sinon avis défavorable

Article 10 Adaptation des règles de contentieux électoral

M. FAVIER 124 Défavorable

Article 11 Entrée en vigueur des règles nouvelles de remplacement

des conseillers départementaux

M. FAVIER 125 Satisfait

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Auteur N° Avis de la commission

Article additionnel après l’article 11

Mme MORIN-DESAILLY

38 demande de retrait, sinon avis défavorable

M. DOLIGÉ 64 Favorable

M. DANTEC 150 Défavorable

M. DANTEC 151 Défavorable

Article additionnel avant l’article 12

M. MASSON 6 Défavorable

Article 12 Modification de la durée des mandats des élus régionaux et départementaux

M. BUFFET 85 Favorable

M. J.L. DUPONT 94 Favorable

M. DOLIGÉ 65 Défavorable

M. DANTEC 142 Défavorable

M. J.L. DUPONT 95 Défavorable

M. FAVIER 126 Défavorable

M. ROCHE 70 rect. ter Défavorable

M. DAUDIGNY 79 rect. bis Défavorable

M. ADNOT 83 Défavorable

M. SAVARY 128 Défavorable

M. ROCHE 71 rect. Défavorable

M. DAUDIGNY 80 rect. quater

Défavorable

M. ADNOT 84 Défavorable

M. SAVARY 129 Défavorable

M. KALTENBACH 137 rect. Demande de retrait, sinon avis défavorable

M. FAVIER 127 Défavorable

Articles additionnels après l’article 12

M. DANTEC 152 Défavorable

M. DANTEC 154 rect. Défavorable

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Auteur N° Avis de la commission

M. DANTEC 156 Défavorable

M. DANTEC 155 Défavorable

M. DANTEC 153 Demande de retrait, sinon avis défavorable

La réunion est levée à 12 heures 05

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER LA PROPOSITION DE LOI RENFORÇANT LA LUTTE CONTRE LE SYSTÈME

PROSTITUTIONNEL

Mercredi 2 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Pierre Godefroy, président -

La réunion est ouverte à 16 h 35

Audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des Sceaux

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue. Merci d’avoir accepté de venir devant cette commission spéciale, créée pour examiner la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel, votée à l’Assemblée nationale. La commission n’est pas aujourd’hui au grand complet, la réforme territoriale, à l’ordre du jour de la séance publique, mobilisant en effet un certain nombre de nos collègues.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Madame la ministre, je vous souhaite également la bienvenue devant cette commission spéciale ; sans plus attendre, je vous invite à nous communiquer ce que vous souhaitez nous dire.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, merci de cette invitation. Je ne sais où sont les hommes, mais je me dispense de tout commentaire, car vous les représentez admirablement, monsieur le président !

Je me réjouis de me retrouver devant vous ; ce texte de loi, sur lequel vous travaillez avec beaucoup de détermination et de rigueur, soulève un certain nombre de questions ; le sujet est complexe et porte à controverse mais, surtout, appelle des réponses qui, malheureusement, ne sont pas simples. Une fois qu’on les a établies, il faut en examiner les conséquences. C’est là que les points de vue peuvent éventuellement diverger.

Je vous propose de rappeler quelques chiffres, même si je sais que vous la connaissez parfaitement, afin de vous dire sur quelles bases matérielles et objectives j’ai travaillé.

Il existerait, selon les sources, entre trente mille et quarante mille personnes soumises à la prostitution. En employant le terme de soumises, je n’utilise pas de guillemets, mais je viendrai aux nuances lorsqu’il le faudra.

80 % de ces victimes sont d’origine étrangère et 94 % de cette prostitution s’effectue sur la voie publique. La France est à la fois un pays de transit et de destination, en provenance d’un certain nombre de pays identifiés, d’Afrique – essentiellement le Nigéria et le Cameroun – d’Amérique du Sud – essentiellement le Brésil et le Pérou – et des pays de l’Est – notamment la Roumanie et la Bulgarie. Il existe de véritables réseaux de traite des êtres humains, derrière ce qui constitue presque une « sociologie de la prostitution », ainsi qu’on a pu le voir ces dernières années.

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Je rappelle le cadre législatif et réglementaire dans lequel nous évoluons : un certain nombre de mesures ont en effet été prises ces deux dernières années, avec la création d’instances comme la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), qui devait élaborer le plan national, adopté le 14 mai 2014. Il s’agit d’un plan triennal de lutte contre la traite des êtres humains, qui va s’échelonner entre 2014 et 2016.

Vous avez également adopté la loi promulguée le 5 août 2013. Il s’agit d’une loi de transposition d’un certain nombre d’instruments européens et internationaux, parmi lesquels une directive concernant la traite des êtres humains. Le champ de cette infraction a été élargi. Nous y avons introduit le prélèvement d'organes, la soumission au travail et aux services forcés, ainsi que des incriminations qui n’étaient pas définies dans notre code pénal, comme l’esclavage et la servitude. Ceci nous a pris quelques semaines de plus ; cette phase, très méthodique et très sérieuse, nous a permis de définir ces incriminations, qui étaient évoquées dans notre droit pénal, mais non définies en tant que telles. Ce texte est aujourd’hui totalement applicable ; la circulaire nécessaire a été diffusée en décembre 2013.

Par ailleurs, grâce à vous – bien que le bienfait en ait été perdu en chemin – nous avons adopté un projet de loi concernant la géolocalisation, permettant à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) de financer le dispositif relatif aux repentis. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition. Nous allons la réintroduire en loi de finances ; néanmoins, nous avons, par décret, réussi à mettre en place l’essentiel des dispositions réglementaires concernant le statut de ces repentis. Elles doivent être publiées, après dix années d’attente, la loi remontant au 9 mars 2004. Il nous aura fallu presque dix-huit mois pour trouver un accord entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice.

Ainsi que je le disais, c’est un sujet complexe, qui porte à controverses, ainsi qu’à des appréciations différentes sur la dignité humaine et sur ce que l’on doit considérer comme le libre arbitre. Toutefois, pour nuancer mon propos, je ne crois pas qu’il existe une prostitution joyeuse, même si certaines personnes se réclament d’un libre choix dans la pratique de la prostitution – ce que je respecte. Je pense néanmoins que seul un faible nombre de personnes soumises à la prostitution est véritablement en situation de choix. Dans la majorité des cas, la prostitution constitue bien une violence, physique, psychique, et une domination économique. Je pense que c’est ainsi qu’il faut considérer les choses, sans jeter l’anathème sur les personnes qui affirment avoir librement choisi la prostitution.

Nous avons eu quelques résultats, qu’il me paraît utile de rappeler, en matière de démantèlements de réseaux de proxénétisme. J’ai évoqué la conception que l’on peut avoir, d’une façon générale, sur le plan éthique, de la dignité humaine, du respect de l’intégrité et de l’indisponibilité du corps humain, notamment du corps d’autrui ; il existe cependant dans ce domaine une certaine ambivalence du fait de la question du libre-arbitre – même si, ainsi que je viens de le dire, les personnes prostituées sont largement des victimes.

Si j’évoque ici le libre-arbitre c’est que, dans un de ses arrêts, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime qu’il n’y a pas incompatibilité entre dignité et prostitution. C’est une vision très libérale, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une institution européenne dont nous sommes partie, et que nous n’avons aucune raison de ne pas prendre cette appréciation en considération.

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Quarante-cinq réseaux transnationaux de proxénétisme ont été démantelés en 2013 par les services français, 45 % par la police judiciaire, 38 % par la sécurité publique, 9 % par la gendarmerie, et 8 % dans le cadre de co-saisines entre la police et la gendarmerie. Ces chiffres étaient de cinquante-deux réseaux en 2012, quarante-cinq en 2011 et trente-neuf en 2010. Il y a incontestablement une amélioration dans la capacité à identifier, à incriminer et à sanctionner. 58 % de ces réseaux, soit plus de la moitié, concernaient la prostitution de voie publique, 38 % la prostitution par Internet, et 4 % la prostitution en établissements divers – bars, salons de massage notamment.

Neuf cent douze victimes ont été identifiées comme étant à la merci des réseaux démantelés, et mille cent quarante-six personnes ont été mises en cause pour des faits de racolage. Six cent soixante-deux auteurs ont été interpellés pour proxénétisme ou traite des êtres humains.

Proxénétisme, réseaux, traite des êtres humains recouvrent à 98 % une dimension internationale.

Tout ceci pose la question du parallélisme entre les incriminations qui figurent dans notre droit pénal et celles des pays auprès desquels nous sommes appelés à solliciter une entraide pénale. Il est important de tenir compte de cette dimension, qui révèle une certaine complexité de la procédure et des enquêtes judiciaires. Le fait qu'une part non négligeable de cette prostitution s’effectue par internet renvoie à la cybercriminalité et à la façon dont nous pouvons nous doter d’instruments pour répondre, combattre et mobiliser les hébergeurs, les fournisseurs, afin d’être en mesure d’identifier les auteurs et de travailler en amont avec les équipes communes d’enquête.

Je sais qu’il existe, dans ce texte, des sujets plus épineux que d’autres, comme la question du racolage. Le Sénat a adopté la proposition de loi déposée par le groupe Europe Écologie-Les Verts (EELV), me semble-t-il, à l’unanimité – j’étais au banc. Celle-ci dépénalisait le racolage. Vous vous souvenez tous ici des nuances qui existent entre les dispositions antérieures à la loi de mars 2003, et celles intervenues depuis mars 2003.

Il existe toute une série de difficultés dans ce domaine, notamment concernant la caractérisation de l’infraction, du fait de la complexité de la jurisprudence. C’est une des problématiques structurelles du racolage, indépendamment du fait – je le dis et je l’assume très clairement – qu’il y a, selon moi, une hérésie morale importante et en matière de droit à considérer que les personnes prostituées sont coupables, qu’elles doivent subir la garde à vue, ainsi qu’une pénalité, alors qu’elles ne sont souvent, pour la plupart, que des victimes des réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. La preuve en est la difficulté à caractériser l’infraction et à la sanctionner.

Parmi les sujets les plus difficiles figure la question de la pénalisation des clients des personnes prostituées. Sur le principe, je n’ai pas d’état d’âme, pour dire très clairement les choses. En matière de prostitution, il y a la victime – la personne prostituée – le proxénète – le trafiquant, l’auteur de l’incrimination et du crime à un certain niveau de gravité – et le client – ou le consommateur.

Cela fait des années que l’on travaille sur ce sujet, la France étant à la fois abolitionniste mais n’incriminant pas la prostitution en tant qu’infraction, ce qui fait partie de nos belles contradictions et de nos ambivalences. Fort heureusement, les choses ne se

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découpent pas toujours à angle droit. On ne pouvait continuer à tenir cette troisième partie de l’action à l’écart – qu’on l’appelle incrimination ou infraction.

La pénalisation par le biais d’une amende est-elle satisfaisante ? Le texte de l’Assemblée nationale a déterminé une contravention, qui se transforme en délit en cas de récidive. Est-ce la bonne formule ? Je ne suis pas indifférente aux inquiétudes formulées par les associations, notamment celles qui prennent en charge les personnes stigmatisées, en situation de précarité économique, sociale et sanitaire. Je ne prends pas à la légère leurs alertes, qui attirent l’attention sur le fait que les personnes prostituées risquent de se retirer de l’espace public. Il sera alors difficile de les approcher, notamment pour effectuer les contrôles sanitaires et leur apporter l’accompagnement qu’assurent ces associations très dévouées, tout à fait respectables et même admirables.

Les personnes prostituées courent un risque en matière de sécurité : sortant de l’espace public, elles échappent au regard social et à la protection passive, peuvent se retrouver isolées face à des clients souffrant de certaines pathologies, qui représentent pour elles un réel danger. On ne peut le sous-estimer. Nous aurions de vrais problèmes de conscience si des drames advenaient, ces victimes étant plus exposées en quittant la voie publique.

Je suis très sensible à cela et je le prends très au sérieux ; néanmoins, on ne peut, selon moi, laisser le client échapper à la sanction, face à cette façon de disposer du corps d’autrui et de mettre en cause l’intégrité des personnes.

Le débat se poursuit au sein du Gouvernement, en toute honnêteté et en toute franchise, avec la préoccupation pour chacun d’être le plus efficace possible, sans générer d’effets pervers, ce que personne ne souhaite.

Je pense qu’il y a lieu de sanctionner, d’une part, la prostitution infligée aux mineurs en incriminant le client de façon plus sévère et, de l’autre, indépendamment d’un certain nombre de dispositions déjà contenues dans notre droit, de disposer d’un certain nombre d’éléments caractérisant l’infraction – contraintes, violences, menaces –, l’accusation devant apporter la preuve de la réalité de ces éléments.

Ceux-ci fragilisent souvent les procédures. Le droit est rigoureux – et c’est tant mieux, dans une démocratie – et exige un certain nombre d’éléments tangibles pour caractériser une infraction.

S’agissant des mineurs, on peut aller un peu plus loin que ce qui existe actuellement. Sous réserve d’expertise plus approfondie, on pourrait envisager de sanctionner l’auteur de l’incrimination même lorsqu’il ignore que la personne prostituée est mineure. Un pas important serait franchi – mais, je le répète, sous réserve d’une expertise juridique plus ample.

Pour les personnes prostituées majeures, la situation est plus délicate. Je n’ai pas d’objection à la pénalisation du client, mais je ne sous-estime pas non plus les effets pervers qui risquent de peser sur la sécurité aussi bien que sur la santé de la personne prostituée. C’est presque une obsession pour moi. Ce sont là des questions de santé publique ; lorsque le niveau de santé d’une personne ou d’une catégorie de personnes s’abaisse dans la société, on court un risque de diffusion des maladies dans la population.

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Le sujet n’est pas simple. Il ne permet pas des positionnements très tranchés. On ne peut laisser le client demeurer irresponsable de son acte, ni sous-estimer les risques liés à la pénalisation, les personnes que nous voulons protéger risquant alors d’être mises en danger.

Vous le savez, le droit pénal sanctionne de manière sévère et satisfaisante le proxénétisme. Les auteurs de ces actes peuvent être punis de prison, 10 ans en cas de circonstances aggravantes ; 15 ans si, parmi celles-ci, apparaît le fait qu’il s’agit d’un acte commis sur un mineur de moins de quinze ans, 20 ans s’il s’agit d’un acte en bande organisée, la perpétuité lorsqu’il existe des actes de torture.

L’équivalent existe en matière de traite des êtres humains. Nous demandons aux juridictions de qualifier de préférence ces actes en traite des êtres humains, plutôt qu’en proxénétisme, essentiellement pour des raisons d’efficacité, 98 % de ces procédures ayant, ainsi que je l’ai déjà dit, une dimension internationale. En effet, le proxénétisme ne constitue pas partout une incrimination, contrairement à la traite des êtres humains.

La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), en 2009, avait diffusé une circulaire invitant les parquets à procéder ainsi. Elle est en train de procéder à une évaluation sur son application. Il nous apparaît nécessaire d’en élaborer une nouvelle, afin de clarifier les choses.

Enfin, la question du fonds fait débat. Je crois personnellement, sur le principe, qu’un fonds est nécessaire. J’attire l’attention sur le fait que, ayant en charge les victimes, je suis très attentive à la nécessité de mettre en place des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement sur une base généraliste – ce qui n’empêche pas des politiques publiques particulièrement ciblées. C’est ce que nous faisons notamment pour les femmes victimes de violences conjugales. Je veille à ce qu’un montant soit identifié afin de leur venir en aide. J’ai ainsi décidé, cette année, la généralisation, sur l’ensemble du territoire, du Téléphone Grand Danger. Nous avons également créé dans cet esprit, dans la loi prévention de la récidive et individualisation des peines, une taxe sur les amendes, de façon à abonder le fonds d’aide aux victimes. Il n’est pas souhaitable que celles-ci soient prises en charge de manière trop isolée, afin de ne pas contribuer à leur stigmatisation.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Merci, madame la ministre. On m’avait assuré, au moment du débat au Sénat sur la proposition de loi abrogeant le délit de racolage, que cette notion serait revue. J’ai le sentiment qu’on a réintégré cette disposition dans le présent texte, sans se reposer la question de la nécessité de l’aménager ou non.

En vous entendant, j’ai malgré tout l’impression que ce délit, même s’il a pu être mal utilisé, aide également à faire disparaître un certain nombre de réseaux. Les policiers de la brigade de répression du proxénétisme, ou ceux de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains nous ont toutefois indiqué que cette disposition était difficile à mettre en œuvre.

Nous nous étions par ailleurs interrogés sur cette notion, dans le cadre de la mission que nous avons menée, avec Chantal Jouanno, sur la pénalisation du client, lorsque le client a recours à une personne prostituée sous contrainte. On nous a dit que c’était pratiquement impossible à mettre en œuvre. Cela ne fonctionne pas très bien au Royaume-Uni et les Britanniques envisagent de revenir sur cette mesure. Cette piste est-elle vraiment irréalisable ?

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Cela serait malgré tout une façon de responsabiliser le client, si l’article 16 n’était pas adopté.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Les magistrats estiment que la difficulté vient du fait qu’il est difficile de prouver que le client avait connaissance du fait que la personne était sous contrainte.

S’il est établi que la plupart des personnes se prostituent sous la contrainte – environ 80 % – on peut considérer que le client peut s’en douter, mais il s’agit d’un raisonnement intellectuel, et non d’un raisonnement en droit.

En droit, rien n’autorise à considérer que les clients ont connaissance du fait que la personne prostituée est soumise à des réseaux de proxénètes ou de traite des êtres humains. Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à cette idée. Qu’on comprenne bien ma démarche : je n’aime pas les fausses solutions. L’inscrire dans la loi, puis constater que les juridictions ne parviennent pas à établir la contrainte et n’appliquent pas de sanction serait désastreux ! Si les clients qui ont été traduits devant la justice sont tous relaxés, cela ne servira pas cette cause. Il faut prendre la bonne mesure des difficultés.

En vous écoutant, je me remémorais les débats sur la proposition de loi d’Esther Benbassa. Toutes les sénatrices et tous les sénateurs partageaient l’avis que le délit de racolage public n’était pas juste. Sans doute cela a-t-il contribué au vote unanime.

Nous n’étions toutefois pas insensibles aux arguments des policiers, qui affirmaient que cela leur permettait de mener des enquêtes et d’obtenir des renseignements sur les réseaux de proxénétisme. Il n’est pas établi que ce soit le cas. Tout d’abord, les personnes véritablement sous contrainte ne parleront pas, même en garde à vue ; en outre, les éléments obtenus de cette manière peuvent l’être sans pénaliser les personnes prostituées. Elles peuvent être entendues en tant que témoins ou témoins assistés. On n’a pas besoin de les sanctionner pour cela.

Il est par ailleurs prouvé que l’identification des réseaux et leur démantèlement se sont améliorés ces dernières années, mais il apparaît statistiquement que cette amélioration a débuté avant même la loi de 2003 pénalisant le racolage public. Ceci vient sans doute de l’amélioration des techniques d’enquête, d’une meilleure performance des équipes, et de procédures vraisemblablement mieux adaptées. Rien ne permet d’établir que le racolage passif et les gardes à vue y contribuent de façon significative.

Autre élément non négligeable, notamment pour des parlementaires très soucieux du droit et de ses effets, comme vous pouvez l’être : le fait de pénaliser les personnes prostituées dans une procédure relative à un réseau de proxénétisme contribue à atténuer la responsabilité du réseau – et personne ne le souhaite ! Il faut que nous puissions sanctionner les réseaux de la manière la plus sévère possible. Partager, même de façon inégale, la responsabilité entre les victimes du racolage et les auteurs constitue un des fameux effets pervers que l’on peut constater à propos d’actes dont on voudrait qu’ils soient exemplaires.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Madame la ministre, je vous remercie de la sincérité de vos propos. En vous écoutant, je me disais que vous reflétiez bien l’avis des commissaires de la commission spéciale, avec leurs convictions et leurs doutes. Malgré toutes ces hésitations, il faut néanmoins que nous nous prononcions sur ce texte.

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Certains craignent que la prostitution sur internet puisse se développer si la pénalisation est adoptée. Que pouvez-vous nous en dire ? Lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, le blocage des sites internet a été abandonné. Des sites, comme Sugar Daddy, qui constituent une nouvelle forme de prostitution, et qui ne disent pas forcément leur nom, peuvent-ils être concernés par l’article 1er qui renforce les obligations de signalement ?

Enfin, concernant l’article 16 et la pénalisation du client, comment le comportement d’un consommateur sur Internet pourra-t-il être sanctionné ?

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – C’est une question difficile, en même temps qu’un sujet de pression, du fait du développement de la cybercriminalité. Elle a ceci de particulier qu’elle est très technique et, de plus, évolutive. On est contraint de construire des réponses, en sachant qu’au moment où on a fini de les élaborer, elles sont peut-être déjà dépassées. C’est une des terribles difficultés de cette criminalité.

L’année dernière, quatre ministères ont mis en place un groupe de travail sur la cybercriminalité, que nous avons confié au procureur général Marc Robert. Nous avons donné huit mois à ce groupe de travail pour remettre son rapport ; il a eu besoin de six mois supplémentaires, mais a réalisé un travail de grande qualité, procédant à des auditions largement au-delà du cercle habituel, recevant de très nombreuses contributions. Il s’est même déplacé en Europe, Internet constituant un territoire sans frontière.

Parmi les sujets que ce groupe devait examiner figure la question du blocage. Nous avons encore un débat sur l’autorité compétente : une autorité administrative peut-elle décider du blocage de sites, ou le juge doit-il intervenir pour l’autoriser ? Nous sommes face à la difficulté de concilier la toile comme espace de liberté, de circulation de l’information, d’échanges, avec la nécessité de réprimer les délinquances traditionnelles qui se produisent sur la toile en utilisant les nouvelles technologies.

Il s’agit de rechercher en permanence un équilibre entre le fait de ne pas limiter inconsidérément la liberté et le souci de ne pas faire de cet espace un lieu d’impunité.

Le séminaire intergouvernemental de février 2013 a décidé d’un projet de loi sur les libertés numériques. Ce travail est en cours. Il va se poursuivre durant encore quelques mois. Nous allons prendre un certain nombre de dispositions. Nous avons déjà des référents en matière de cybercriminalité dans tous nos tribunaux. Face à cette délinquance extrêmement évolutive, nous renforçons également la formation des magistrats, des greffiers, des policiers, des gendarmes et des douaniers.

Nous allons par ailleurs créé une mission consacrée à la cybercriminalité au sein de la DACG. Nous devons également traiter d’autres sujets en interministériel, comme la création d’une plate-forme nous permettant de disposer des informations nécessaires. Depuis un an et demi environ, nous étudions la manière de contraindre les hébergeurs et les fournisseurs d’accès à transmettre à la justice l’identité des auteurs et à faciliter leur identification. Ce sont des actes qui obéissent à certaines contraintes – contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et, a posteriori, de la CEDH. Nous essayons d’être les plus efficaces possible.

De la même façon, nous allons modifier la loi ; un certain nombre de dispositions relèvent de l’institutionnel et de l’opérationnel, mais d'autres vont relever du législatif, notamment en matière de compétences territoriales des juridictions s’agissant de la résidence

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de la victime. Dans notre droit, ce sont la résidence de l’auteur ou le lieu de commission de l’infraction qui déterminent la compétence territoriale de la juridiction. C’est pourquoi nous allons introduire la notion de résidence de la victime, un certain nombre d’infractions étant commises sans respect des frontières. Si une Française ou un Français est victime d’actes commis hors de notre territoire, il faut que nos tribunaux puissent s’en saisir.

C’est un travail dans lequel nous sommes très engagés. Sont concernés, outre le ministère de la justice, ceux de l’intérieur et de l’économie, ainsi que le secrétariat d’État à l’économie numérique. Nous travaillons avec eux à la mise en place d’un dispositif complet afin de lutter contre la cybercriminalité, dont la prostitution sur internet.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Qu’en est-il du client qui utilise les services d’internet ?

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Nous introduisons une disposition générale, identique à celle annoncée dans le plan gouvernemental de lutte contre le terrorisme, qui permettra de procéder à des enquêtes anonymes sur internet.

Si le Parlement adopte un texte de loi criminalisant le client, celui-ci sera pénalisé même s’il recourt à Internet. Ceci relève de la procédure. Il ne s’agit que d’un moyen, dès lors que l’infraction est constituée. L’important est d’avoir les moyens d’identifier les clients.

M. Alain Fauconnier. – Vous avez fait part de vos doutes concernant l’article 16. Je les partage également. Je ne comprends pas que, malgré l’avis de toutes les associations proches des personnes prostituées, l’on s’entête à vouloir pénaliser le client ! Il s’agit d’un problème de fond : chacun reconnaît que cet article va totalement isoler les personnes prostituées.

À titre personnel, je ne le voterai pas – bien que je sois favorable à ce Gouvernement. C’est inacceptable ! Je ne comprends pas que l’on nous rebatte les oreilles à propos du principe de précaution et que l’on passe outre à propos de cette question ! Je suis totalement hostile à la pénalisation du client. Les avancées de ce texte sont intéressantes, mais le sujet reste dramatique.

Il va cependant bien falloir se prononcer. En l’état, je suis plus pour l’information et l’éducation du client. Appliquer ce texte tel qu’il est présenté aujourd’hui revient à placer les personnes prostituées dans la difficulté, elles qui vivent déjà, pour la plupart, dans la plus grande des misères !

Existe-t-il une autre solution vis-à-vis du client ? Imaginez-vous une autre issue que la pénalisation – stigmatisation, stage ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je voudrais apporter un correctif à ce qu’a dit Alain Fauconnier. Il nous a dit que tout le monde était contre la pénalisation du client : j’ai assisté à de très nombreuses auditions : ce n’est pas le sentiment que j’en ai tiré ! L’article 16 est un des articles les plus importants de cette construction, l’accompagnement de la personne prostituée étant un autre point fondamental.

Un commissaire suédois que nous avons auditionné nous a dit qu’aucun problème d’insécurité et d’isolement des victimes n’était survenu, contrairement à ce que l’on imaginait au départ. La victime sera peut-être moins visible hors de l’espace public ; cependant, une fois la porte fermée, la personne prostituée et son client sont seuls, que ce dernier soit pénalisé ou

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non. C’est à ce moment que peuvent survenir les violences. C’est une position qui n’est pas partagée, vous l’aurez compris, par tous les membres de la commission spéciale.

Je voudrais néanmoins revenir sur quelques points concernant les mineurs. Le droit pénal sanctionne en effet plus fortement le proxénète lorsqu’il s’agit de mineurs. Vous avez évoqué la possibilité d’aller plus loin. Que pourriez-vous proposer ? Ceci touche aussi les mineurs étrangers isolés qui arrivent dans nos départements, et qui posent des problèmes d’hébergement, d’accueil, de suivi, de santé, d’éducation, de formation, etc. Entre seize ans et demi, dix-sept et dix-huit ans, cette période de transition est une zone grise.

Un des articles mentionne la possibilité pour les personnes victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme de se voir délivrer une carte de séjour. Il faudra veiller à une certaine cohérence entre les mineurs étrangers isolés, également victimes du proxénétisme.

Vous avez également mentionné le fait que l’incrimination au titre de la traite des êtres humains avait des conséquences plus fortes que celle de proxénétisme. Lorsque nous avons auditionné différentes personnes au sujet de l’adaptation de notre droit à la directive européenne sur la traite des êtres humains, il nous avait été dit que les premiers registres de plaintes ne mentionnaient pas la traite des êtres humains, mais le proxénétisme, plus facile à traiter.

Concernant la cybercriminalité, le Conseil de l’Europe, la semaine passée, a adopté des recommandations, qui ont été transmises au Conseil des ministres, sur la violence dans et par les médias. Vous allez en avoir connaissance, comme cela a été le cas pour les mineurs isolés. Il y a là des points à améliorer au plan international.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. – Mon parcours d’infirmière m’a permis de côtoyer, durant mes trente-cinq ans de carrière, un certain nombre de personnes prostituées. Je suis frappée qu’elles utilisent le mot de « métier ». Dès lors, on ne peut les qualifier de « victimes ». Si elles payent des impôts, elles ne connaissent pas toujours très bien leurs droits, ce qui tend à les isoler encore davantage. L’accompagnement de six mois dont elles peuvent bénéficier me semble dérisoire, surtout lorsqu’on sait que beaucoup ne parlent pas le français. On doit fréquemment réaliser des examens pour déterminer l’âge osseux de certains mineurs, l’aspect physique étant parfois trompeur. C’est tout le problème de ces réseaux.

Par ailleurs, mon expérience, en tant que professionnelle de santé, m’a permis de me rendre compte que l’on compte des victimes de tous âges. Des personnes âgées, en maison de retraite, sont parfois dans l’obligation de recourir à la prostitution, après une longue interruption de cette activité, à laquelle elles doivent recourir à nouveau, ce qui est fort dommageable pour elles. Notre société ne peut qu’en éprouver de la honte !

D’autre part, j’ai été fort impressionnée par l’audition du commissaire suédois qui nous a décrit le système de son pays, où la culpabilité du client est nuancée par l’accompagnement dont il peut bénéficier pour prendre conscience de ses responsabilités, et par la graduation de la peine. Il est également possible de prononcer des peines à l’encontre des réseaux, qui peuvent être tenus de quitter le pays. Toutefois, à l’heure d’internet, se déplacer, loin ou non, ne pose guère de problèmes. Cinq ans après, ces réseaux reviennent !

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Que peut faire la France au sein de l’Union européenne, les autres pays devant probablement connaître les mêmes problèmes que nous ? L’Italie a réalisé un travail bien plus ciblé sur la traite des êtres humains. À l’heure d’internet, il faut changer d’échelle !

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Si vos questions sont en résonance avec mon introduction, c’est que nous partageons la même détermination à mettre en place un dispositif efficace, ne pouvant nous accommoder du système présenté dans cette proposition de loi.

M. Fauconnier a, au moins, tranché : il ne votera pas l’article 16 ! Je le répète : on ne peut continuer à considérer que le client est à l’extérieur du système. Il faut donc arriver à le toucher et à le sanctionner, sans perdre de vue qu’avec la prostitution, les rapports entre deux êtres humains, sont empreints d’une certaine domination, parfois même économique.

Notre démocratie nous interroge sur la façon dont nous assurons l’égalité de façon concrète. Un certain nombre de pratiques sont sociales, en ce sens qu’elles ont une dimension qui n’est pas seulement interpersonnelle. Il ne s’agit pas d’un homme qui rencontre une femme et qui la séduit, mais d’une activité commerciale, qui repose sur un lien inégal, souvent accompagné d’une domination, voire de violences. La démocratie reste-t-elle indifférente à cette réalité – même s’il existe dans notre culture de grandes contradictions ? La prostitution n’est pas une infraction en tant que telle ; la France est abolitionniste mais ne pénalise pas la prostitution. Nous sommes dans l’ambiguïté mais, en même temps, il n’est pas supportable de rester dans le statu quo.

Je l’entends bien, vous avez tranché ! À l’opposé, certaines sénatrices inversent la proportion : la prostitution librement consentie existe, mais demeure marginale. On ne peut refuser de légiférer au motif que cette réalité existe de façon réduite.

Je répète que je ne suis pas insensible à l’alerte des associations qui nous avertissent que ces personnes ne seront plus accessibles. J’entends bien que le client et la personne prostituée, une fois qu’ils sont dans une chambre, sont seuls, mais il existe somme toute plus de dangers à être dans des recoins, des parcs, des lisières, dans la pénombre, que dans des lieux publics. Certes, les risques existent aussi dans une chambre, surtout si le client est dangereux, mais on élargit le champ du danger lorsqu’on crée les conditions pour que les personnes prostituées quittent l’espace public, la rue, les lieux où l’on circule. La question de la mise en danger du point de vue de la santé et de la sécurité est une vraie question, à laquelle on a une certaine difficulté à répondre.

L’article 17 prévoit un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. Le stage ferait partie de la sanction, comme pour les violences conjugales. Un travail général reste à accomplir dans la société pour faire reculer l’acceptabilité sociale de ces réalités, tout comme pour la prostitution.

Quant à la différence entre traite des êtres humains et prostitution, cette dernière n’est pas une incrimination, contrairement à la traite des êtres humains. Ce qu’il faut, c’est aboutir à la sanction. Or, pour y parvenir, on a souvent besoin de la coopération internationale. C’est tout l’enjeu d’une incrimination.

S’agissant des mineurs, notre droit pénal considère en général la condition de minorité comme circonstance aggravante. Nous y avons travaillé de façon intense à propos du texte sur le harcèlement sexuel. En matière de prostitution des mineurs, vingt personnes ont

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été condamnées en 2010, seize en 2011, vingt-deux en 2012. C’est probablement sans rapport avec la réalité ! Je propose que l’on puisse supprimer la nécessité de prouver que l’auteur avait connaissance de la minorité. Pour un délit, cette obligation demeure. C’est une des bases de notre droit. Il faudrait qu’il s’agisse d’une contravention, qui peut être punie aussi sévèrement que le délit du point de vue pécuniaire, mais qui ne peut être, comme le délit, susceptible d’incarcération. Dans ce cas, on peut sanctionner sans avoir à faire la preuve que l’auteur avait connaissance de l’état de minorité de la personne prostituée – sous réserve d’une expertise juridique plus approfondie, ainsi que je l’ai déjà dit.

Cela semble possible. Sans doute aurait-on des condamnations qui prouvent, de façon plus exacte, l’ampleur du phénomène de la prostitution des mineurs.

Madame Gaouyer, j’entends les références sur la Suède ; je classe les pays en deux catégories, celle des pays prohibitionnistes et celle des pays réglementaristes. Pour le reste, j’accepte qu’il existe des paramètres qui modifient l’efficacité des dispositions prises. Ces paramètres sont culturels, sociologiques, historiques, territoriaux. Sous quelle forme dans l’histoire, la prostitution s’est-elle exprimée ? Comment s’est-elle traduite ? S’agit-il de maisons closes ? Existe-t-il une habitude de prostitution de rue ?

Il est intéressant d’observer les résultats obtenus en Suède, et de les comparer par exemple à ceux de l’Allemagne, pays réglementariste, où le nombre de prostituées est important. Nous ne visons pas à augmenter ce nombre. Nous devons toutefois apporter des alternatives et des solutions. Il y a là aussi une contradiction : on veut sortir les personnes prostituées de leur état, mais on sait bien qu’on a assez peu les moyens de leur apporter toutes les solutions alternatives nécessaires, ainsi qu’une réelle protection. Ce peut être le fait de régulariser leur présence sur le territoire, de leur proposer un accès à des formations qualifiantes, ou d'accéder à emplois. Nous savons qu’il serait irresponsable de notre part de prétendre que nous sommes capables de mettre sur la table les budgets nécessaires à la prise en charge des milliers de personnes exposées aux réseaux de traite des êtres humains. C’est pourquoi nous sommes en quelque sorte condamnés à adopter une cote mal taillée.

Il ne faut pas renoncer pour autant aux principes : il nous faut, de manière explicite et très claire, poser le principe de l’indisponibilité du corps, de son intégrité, du respect de la dignité, du fait qu’une démocratie ne peut s’accommoder de la prostitution, même si, dans les faits, on n’a pas les moyens immédiats d’y mettre un terme massivement ! Chaque fois que l’on peut franchir un pas, il faut le franchir.

Nous essayons de faire du mieux possible, avec les contraintes de notre droit, avec nos engagements conventionnels vis-à-vis de l’Europe – aussi bien l’Union européenne que le Conseil de l’Europe – et nos engagements vis-à-vis de l’ONU.

Nous cherchons une voie parmi tous ces éléments ; cela ne dissipe pas nos troubles pour autant, notamment en matière de pénalisation du client – mais celui-ci ne peut demeurer sauf.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Le débat est large. J’attends mardi prochain avec impatience : il va y avoir débat ! Il y a dans le texte, sans porter de jugement sur le fond, une contradiction qui me paraît susceptible d’une question prioritaire de constitutionnalité. La prostitution est licite en France. Nous allons supprimer le délit de racolage ; on peut donc estimer que la promotion de cette activité licite de prostitution sera autorisée.

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Je m’interroge donc : on va pouvoir faire la promotion de cette activité licite, tout en interdisant l’accès aux clients ! N’y a-t-il pas là une contradiction au cœur de la loi ? J’en suis à ce stade de la réflexion ; je serai certainement amené à prendre une position.

Par ailleurs, pensez-vous que la contravention de cinquième catégorie soit véritablement adaptée ? Le délit en cas de récidive constitue-t-il une bonne formule ? En Suède, l’amende est de 350 euros. La contravention est fonction du revenu du client – mais je ne vois pas comment on pourrait y arriver en France. Même en cas de récidive, cela reste toujours sanctionné par une contravention et ne constitue pas un délit.

Notre règle sera donc plus contraignante que celle de la Suède, qu’on nous montre pourtant en exemple. Est-ce bien adapté ? Cette contravention n’est pas légère et son inscription au casier judiciaire peut avoir des incidences sur la carrière d’un certain nombre de personnes, même pour des entrepreneurs qui veulent avoir accès aux marchés publics. Cette peine est-elle bien appropriée ? N’est-on pas allé trop loin ? Ne faut-il pas la revoir ?

Autre question technique : on parle d’un parcours de sortie de la prostitution. Les personnes prostituées pourront-elles avoir droit à l’aide juridictionnelle pour engager cette procédure – surtout si elles sont sous le contrôle d’un réseau ? En Italie, le parcours de sortie de la prostitution passe par le procureur, qui en effectue la demande auprès du préfet. Cette idée pourrait-elle être adaptée dans notre pays ?

Enfin, dans la mesure où la pénalisation du client serait votée dans notre pays, quelle est la possibilité d’extraterritorialité ? Certaines personnes vont en Espagne, à la Jonquera, en Suisse, en Allemagne, en Belgique : elles ne tomberont donc pas sous le coup de la pénalisation, ce qui constitue une faiblesse, notamment pour tous les territoires transfrontaliers.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Je rappelle que, dans la proposition de loi initiale, la sanction devait constituer un délit. On a retenu une contravention de cinquième classe. Votre observation est tout à fait pertinente, la cinquième classe donnant en effet lieu à inscription au casier judiciaire.

Le montant de l’amende n’est pas le seul sujet ; le juge peut fort bien tenir compte du niveau de ressources pour fixer celle-ci. 1 500 euros représentent une somme élevée et dissuasive. Si c’est le cas, tant mieux, mais cet élément n’est pas négligeable. Le sujet mérite d’être examiné. Il ne s’agit pas non plus de provoquer une cascade de peines, de sanctions et de pénalités. La pénalité n’est efficace que si elle est juste. Si, en plus de l’amende, il existe une suite durable du fait de l’inscription au casier judiciaire, ceci doit être considéré.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, elle est accessible aux nationaux, aux personnes en situation régulière et aux personnes en situation irrégulière particulière. Ces personnes pourraient a priori accéder à l’aide juridictionnelle, mais il s’agit d’une aide à la défense – et non d’une allocation – afin de pouvoir accéder à un avocat commis d’office, désigné par le barreau et rémunéré par l’État sur le budget de l’aide juridictionnelle. La personne prostituée devrait y avoir droit dans la mesure où il existe un texte de loi. Je vais le vérifier.

De mémoire, l’aide juridictionnelle est attribuée sous condition de ressources, le plafond étant de 936 euros, soit une somme inférieure au seuil de pauvreté. Bien souvent, une personne bénéficiant d’un revenu confortable, si elle est dans une situation de détresse

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particulière, compte tenu du préjudice subi, a immédiatement droit à l’aide juridictionnelle, sans qu’on prenne le temps de vérifier si elle a des ressources. Logiquement, même les personnes en situation irrégulière devraient pouvoir émarger à l’aide juridictionnelle – mais je vous demande de me laisser le temps de le vérifier.

Par ailleurs, le procureur pourrait-il délivrer lui-même le titre de séjour ? C’est sous réserve de vérification juridique, mais je ne pense pas, a priori, que l’on puisse transférer au procureur une compétence relevant de l’exécutif. C’est le ministère de l’intérieur qui a compétence pour attribuer ou non un titre de séjour. Je vois mal comment on pourrait considérer que le procureur puisse le faire. Il peut éventuellement indiquer qu’il estime que la personne est en grande précarité et particulièrement vulnérable. Personnellement, je ne suis pas favorable ne serait-ce qu’à un partage de cette compétence avec la magistrature. Si encore c’était avec le ministère de la justice ! Au moins ce dernier appartient-il à l’exécutif.

Quant à l’extraterritorialité, ce sujet avait été évoqué à l’Assemblée nationale. Dès lors que la sanction devient une contravention, on n’a aucune possibilité d’application au-delà des frontières. C’est une difficulté objective.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Il nous reste à vous remercier.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. – Je vous remercie également chaleureusement. Cet échange a contribué à nourrir ma réflexion, afin que nous trouvions les bonnes réponses. Ce ne sont pas celles que nous aurions trouvé il y a dix ans, ni celles que nous élaborerons dans dix ans.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Merci.

La réunion est levée à 17 h 55

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. Jean-Pierre Godefroy, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35

Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – La proposition de loi revêt un caractère particulier, par l’étendue des sujets qu’elle entend aborder, de l’accompagnement social au maintien de l’ordre public, de la politique pénale à l’éducation, au carrefour des champs de compétence de nos commissions permanentes. Les débats ont été vifs et passionnés : la question de la prostitution divise au-delà des clivages partisans traditionnels. En cinq mois, notre commission spéciale a mené près de cinquante auditions et effectué deux déplacements. Ses travaux rejoignent ceux de l’Assemblée nationale, de la mission sénatoriale que j’ai conduite avec Chantal Jouanno sur la situation sanitaire des personnes prostituées, et de notre délégation aux droits des femmes.

Trop souvent, le débat est caricaturé, les positions sont manichéennes. Notre commission spéciale a su éviter ces écueils. Nous avons écouté, débattu, et les positions ont parfois évolué. J’espère que nous parviendrons à un texte : au-delà de la pénalisation du client, qui fait débat, nous devrions pouvoir nous rassembler sur bien des points.

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EXAMEN DU RAPPORT

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Le temps est venu pour notre commission spéciale de prendre position sur la proposition de loi. J’ai tenté de tenir compte de l’ensemble des positions, sans me déjuger sur ce que je crois être juste. Les amendements que je vous proposerai ont été élaborés avec le président Godefroy et portent nos deux signatures. Nous sommes d’accord sur l’essentiel, ou presque.

Quelques constats d’abord, autour desquels nous pouvons nous retrouver. Après un siècle d’un système qui n’avait évité ni la prostitution de rue, ni la propagation des maladies vénériennes, la loi Marthe Richard du 13 avril 1946 a imposé la fermeture des maisons closes. C’est toutefois en 1960, en ratifiant la convention de l’ONU de décembre 1949, que la France est devenue un pays abolitionniste. Cela signifiait alors viser, non l’abolition de la prostitution, mais celle de toute forme de réglementation – inscription sur des registres spéciaux, papiers spéciaux, conditions exceptionnelles de surveillance. La convention lie toutefois déjà prostitution et traite des êtres humains, jugeant l’une comme l’autre « incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».

Depuis 1960, la prostitution a changé de visage, elle a été investie par les réseaux mafieux. La réalité a évolué, et avec elle la conception de l’abolitionnisme. Le 6 décembre 2011, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France, c’est-à-dire l’objectif d’une société sans prostitution. Cette position est partagée par de nombreux pays, ainsi que par les institutions européennes : dans sa résolution du 26 février 2014, le Parlement européen juge que la réduction de la demande doit faire partie de la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains, et que cela suppose de faire peser la charge du délit sur ceux qui achètent des services sexuels.

La réalité est diverse et complexe. La plus grande partie des personnes prostituées sont des femmes ; 10 à 15 % sont des hommes ou des personnes transgenre. Nous avons été sensibles aux demandes des personnes transsexuelles ; ce texte-ci n’est pas le véhicule adapté, mais il faut avancer sur la question du changement d’état civil, que nous avions déjà évoquée dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Maryvonne Blondin. – Tout à fait.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Nous avons été choqués d’entendre la présidente de l’association Avec nos ainées évoquer des personnes prostituées de 70, 80, voire 90 ans… La prostitution peut être occasionnelle ou être la principale source de revenus ; elle peut s’exercer dans la rue ou dans des bars à hôtesses et salons de massage. De plus en plus, le contact avec le client se fait sur Internet. Bref, il y a des prostitutions ; nous en avons bien cerné la diversité.

Toutefois, deux traits communs se dégagent. D’abord, l’écrasante majorité des 30 000 personnes prostituées sont d’origine étrangère : 83 %, selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) ; 88 % à Toulouse, s’agissant de la prostitution de rue, selon l’association Griselidis. Les principaux pays d’origine sont la Roumanie, le Nigéria et la Chine. L’inversion des chiffres depuis le début des années 1990 traduit la baisse de la prostitution dite traditionnelle et l’influence croissante du proxénétisme et des réseaux de traite. Les données policières sont formelles : la grande majorité des personnes prostituées sont sous l’influence d’un proxénète ou d’un réseau. Le territoire

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parisien est divisé en secteurs tenus par des réseaux, ce qui rend difficile l’exercice d’une prostitution indépendante. La prostitution s’exerce principalement sous la contrainte.

Deuxième trait commun, les personnes prostituées sont exposées à des facteurs de fragilité spécifiques, à commencer par les risques sanitaires : infections sexuellement transmissibles, maladies respiratoires, troubles musculo-squelettiques, problèmes dermatologiques. Plus du tiers des personnes interrogées par l’Institut de veille sanitaire ont déclaré souffrir d’une maladie chronique. Or l’accès au droit et aux soins leur est difficile. Le dispositif d’accueil spécifique de l’hôpital Ambroise Paré, où les personnes prostituées du bois de Boulogne sont reçues par une médiatrice sociale issue du milieu, est malheureusement une initiative isolée.

Les personnes prostituées sont également exposées quotidiennement aux violences, physiques, verbales ou psychologiques, venant des clients, des proxénètes, des autres personnes prostituées ou des passants. La création en 2003 du délit de racolage a aggravé la situation en entraînant le déplacement de la prostitution vers des lieux plus difficiles d’accès pour la police mais aussi pour les associations. En outre, la dénonciation des violences subies ne fait pas l’objet d’une attention suffisante de la part des forces de police.

La France est loin d’avoir tout mis en œuvre pour accompagner les personnes prostituées. Certes, la police démantèle une cinquantaine de réseaux chaque année. La loi du 5 août 2013, qui revoit la définition de la traite, s’est accompagnée de la création de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et du lancement du premier plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains. Mais les moyens manquent. Le dispositif de protection des victimes de la traite Ac.Sé n’a pris en charge que 66 personnes en 2012, pour 751 victimes reconnues. L’accompagnement social est lacunaire, faute de coordination entre les acteurs institutionnels et associatifs. En 2014, les pouvoirs publics n’y consacrent que 2,4 millions d’euros. En dépit d’une augmentation de 14 %, cela reste insuffisant pour financer des mesures d’envergure.

Il faut aller au bout de la logique abolitionniste, c’est ce que propose le texte. Il renforce tout d’abord les moyens d’enquête et de poursuite des auteurs. L’article 1er prévoit que les fournisseurs d’accès à internet devront s’efforcer d’empêcher la diffusion de contenus liés à la traite et au proxénétisme. La notification des adresses des sites fautifs en vue de leur blocage a été supprimée à l’Assemblée nationale, à l’instigation du Gouvernement qui étudie la faisabilité d’une telle mesure. Le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité vient de rendre ses conclusions ; il faudra expertiser ses propositions.

L’article 1er bis complète la formation délivrée aux travailleurs sociaux sur la prévention de la prostitution. Nous vous proposerons d’y ajouter l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite.

L’article 1er ter accorde aux victimes de traite des dérogations en matière de la procédure pénale : domiciliation au commissariat, identité d’emprunt, mesures de protection et de réinsertion prévues par la commission nationale de protection. Nous vous inviterons à sécuriser le dispositif sur le plan constitutionnel.

L’article 11 simplifie les modalités d’intervention des associations se portant partie civile ; je vous suggèrerai de supprimer la possibilité pour une association, fût-elle reconnue d’utilité publique, d’intervenir sans l’accord de la victime, pour éviter de mettre

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celle-ci en danger. L’article 12 rend le huis-clos de droit. Nous vous demanderons également, dans un article additionnel, de donner compétence aux inspecteurs du travail pour constater l’infraction de traite des êtres humains, mesure n° 13 du plan national de lutte contre la traite.

Le chapitre II améliore l’accompagnement global des personnes prostituées. L’article 3 crée le parcours de sortie, coordonné par une instance dédiée, qui ouvre notamment droit à une autorisation provisoire de séjour et à des remises fiscales gracieuses. Nous vous proposerons de le remplacer par un projet d’insertion sociale et professionnelle personnalisé. Toutes les associations ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté souhaitant intervenir dans le projet seront a priori éligibles à l’agrément. L’instance chargée d’en assurer le suivi sera présidée par le préfet et composée de quatre collèges représentant la justice, l’État, les collectivités territoriales et les associations.

Le projet d’insertion sociale et professionnelle sera financé par le fonds créé à l’article 4, abondé par des crédits de l’État et par une partie du produit des biens confisqués aux proxénètes et des amendes prélevées sur les clients. Je vous propose de lui consacrer l’intégralité de ces deux dernières recettes et d’ajouter le produit des biens issus des procédures relatives à la traite des êtres humains.

L’article 6 accorde une autorisation provisoire de séjour aux seules personnes qui sont sorties de la prostitution. Or cette sortie est progressive et prend du temps : je vous propose de supprimer cette condition. Je vous invite à adopter tels quels les articles 8 et 9 qui traitent du logement et de l’hébergement.

Il n’est pas opportun que l’article 14 ter affirme que l’État est seul compétent en matière d’accompagnement sanitaire : il serait regrettable de limiter les capacités d’initiative d’autres acteurs, dont les collectivités territoriales.

Troisième chapitre : la prévention et l’information. Les amendements que je vous propose aux articles 15 et 15 bis A complètent l’information délivrée à l’école sur l’égalité entre femmes et hommes en prévoyant une information par groupes d’âge homogènes dans les collèges et lycées sur les réalités de la prostitution ; le faire dès l’école primaire paraissait inadapté. Il s’agit également d’aborder les enjeux relatifs aux représentations sociales du corps humain.

Le chapitre IV instaure la pénalisation du client, qui va de pair avec l’abrogation du délit de racolage – c’est la clé de l’équilibre du texte. L’article 13 reprend ainsi la proposition de loi de loi d’Esther Benbassa, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 28 mars 2013, en supprimant ce délit instauré par la loi du 18 mars 2003. Les statistiques ne montrent pas de lien entre la mise en œuvre du délit de racolage et les condamnations pour proxénétisme, dont le nombre est resté stable depuis 2004, entre 600 et 800 par an, alors que le nombre de gardes-à-vue pour racolage a été divisé par trois. Les auditions nous ont confirmé que ce délit avait surtout augmenté la stigmatisation et l’insécurisation des personnes prostituées. L’utilisation de la garde-à-vue des personnes prostituées pour lutter contre les réseaux est d’ailleurs un détournement de la législation, explicitement exclu par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence. Enfin, les personnes prostituées traditionnelles collaborent d’elles-mêmes avec la police sans passer par la garde-à-vue. Aussi vous proposerai-je de confirmer l’abrogation du délit de racolage.

L’article 16 contient la mesure la plus débattue : la création d’une contravention de cinquième catégorie sanctionnant le recours à la prostitution, sur le modèle suédois où

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l’absence de toute disposition pénale visant le racolage va de pair avec la pénalisation des clients. Nous avons entendu au cours de nos auditions des points de vue très divers sur cette disposition à forte valeur symbolique.

La position que nous adopterons reflètera les réponses que nous apportons, selon nos convictions, à des questions de principe : la prostitution choisie peut-elle exister ? La société doit-elle reconnaître aux individus le droit, moyennant paiement, de disposer du corps d’autrui ? Comment répondre au développement massif de la traite à des fins sexuelles sur notre territoire ? Le client, sans lequel il n’y aurait pas de marché, peut-il ignorer la situation des personnes prostituées ?

Les réponses que j’y apporte me conduisent à vous proposer d’adopter l’article 16. Nous aurons l’occasion d’échanger plus avant sur ce sujet. Quelques éléments techniques pourront éclairer nos débats. Le montant de 1 500 euros prévu pour les amendes de cinquième catégorie est un maximum ; dans la pratique, la moyenne des amendes prononcées pour les contraventions de 5ème classe tourne autour de 370 euros, souvent moins quand il s’agit de la première amende. Le bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui sert pour l’accès aux emplois publics, ne comportera aucune mention de cette contravention.

Les trois ministres que nous avons entendues nous ont fait part de leurs questionnements, mais toutes considèrent qu’il faut dépasser le statu quo. Pour Christiane Taubira, le client ne peut plus être indéfiniment considéré comme irresponsable et tenu à l’écart de situations qu’il ne peut ignorer. Marisol Touraine a estimé qu’il fallait veiller à ne pas isoler davantage les personnes prostituées, tout en indiquant qu’elle partageait les objectifs du texte et que les mesures d’accompagnement visaient à créer un nouveau lien de confiance entre les personnes prostituées et les autorités publiques, afin de construire des alternatives à la prostitution. Enfin, Najat Vallaud-Belkacem a rappelé que la très grande majorité des personnes prostituées sont d’ores et déjà dans une situation de précarité et de vulnérabilité, qui rend urgente une réponse claire et volontaire.

En conclusion, je vous invite à adopter les modifications que le président Godefroy et moi-même vous proposerons conjointement afin d’améliorer cette proposition de loi et ainsi d’adopter, pour la première fois dans notre pays, un dispositif cohérent à même d’améliorer durablement la situation des personnes prostituées.

M. Christian Cointat . – Depuis la nuit des temps, personne n’a su résoudre ce problème délicat, difficile, douloureux. Pas plus Marthe Richard que les autorités suédoises. Au Luxembourg, la fermeture des bars montants a alimenté la prostitution de rue, que des rondes de police, pourtant musclées, n’arrivent pas à éradiquer.

Je n’ai pas la réponse. Ma position est dictée par trois grands principes. D’abord, ma farouche opposition à toute loi liberticide ; l’on ne règle pas les problèmes de société par la pénalisation. Ensuite, il n’est ni crédible, ni compréhensible d’interdire l’achat quand on autorise la vente : si l’on interdit l’un, il faut interdire l’autre. Pénaliser le client mais considérer la personne prostituée comme une victime, cela ne marche pas. « Volonté de prendre possession d’un corps moyennent finances » ? Dans la plupart des cas, c’est parce que le corps s’est offert moyennant finances qu’il est pris ! Croyez-moi, cela fait soixante ans que je vis dans le quartier de la rue Saint-Denis, je vois ce qui se passe. Enfin, je n’aime guère les lois de bonne conscience. Il faut être réaliste : ce n’est pas parce qu’on interdit la prostitution qu’on va la supprimer. Il y aura des conséquences, qu’il faut examiner plus avant. La Suède a

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obtenu des résultats, certes, mais les filles encore soumises à la prostitution se trouvent dans des situations autrement plus dramatiques qu’auparavant.

La rapporteure a accompli un travail remarquable, les auditions ont été passionnantes, mais la proposition de loi s’éloigne par trop de mes convictions, et je ne pourrai vraisemblablement pas vous suivre au moment du vote final.

Mme Catherine Génisson. – Je remercie le président et la rapporteure d’avoir conduit nos travaux avec une telle ouverture d’esprit : vous nous avez incités à réfléchir sans chercher à nous influencer.

La France est abolitionniste, mais non sans ambiguïté. Les personnes prostituées ont des droits sociaux et des devoirs fiscaux. Qu’en sera-t-il si la mesure phare de ce texte est adoptée ? La prostitution a changé de visage, nous n’en sommes plus à la rue Saint-Denis : 90 % des personnes prostituées sont des étrangers, des victimes de la traite, des esclaves modernes. Nous avons la responsabilité de proposer des solutions à ce que Robert Badinter qualifiait de « mal social dramatique ».

Tout en respectant les arguments des travailleurs du sexe, qui revendiquent de pouvoir exercer librement leur métier, je n’accède pas à leur raisonnement. J’apprécie les améliorations apportées au texte en matière de prévention et d’accompagnement social : il est indispensable d’accorder des droits pour permettre une réinsertion respectable.

Abrogation du délit de racolage et pénalisation du client sont corrélées, avez-vous dit. Sur ce dernier point, mon approche n’est pas morale mais pragmatique. Or les personnes que nous avons auditionnées, policiers, magistrats, acteurs du milieu associatif ou de la santé, tous ceux qui luttent contre cet esclavage moderne nous ont dit : ne faites pas ça ; la pénalisation du client va disperser les personnes prostituées, les isoler, les fragiliser, les rendre invisibles. Le client qui encourt une amende deviendra plus exigeant, imposera des baisses de tarif et des rapports non protégés.

Le modèle suédois n’a pas que des vertus : si la prostitution visible a diminué, elle s’exerce désormais dans des conditions plus difficiles. Surtout, elle s’exporte. Difficile, en l’état actuel, de transposer le droit suédois en droit français. Je salue la qualité du travail de la rapporteure et les améliorations qu’elle propose d’apporter à cette proposition de loi. Toutefois, si je comprends sa position sur l’article 16, je ne suis pas convaincue.

Mme Esther Benbassa. – À mon tour de remercier le président et la rapporteure pour leur travail et pour la neutralité avec laquelle ils ont présenté leurs conclusions. Ma position n’est dictée par aucun dogmatisme. Comme je l’ai dit à Najat Vallaud-Belkacem, cette loi de répression relève plus du prohibitionnisme que de l’abolitionnisme, et se contente de soigner les symptômes sans traiter les causes du mal. Ma proposition de loi abrogeant le délit de racolage avait été votée…

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – … à l’unanimité.

Mme Esther Benbassa. – Je regrette que celle-ci conditionne l’abrogation à la pénalisation du client. À Toulouse, un arrêté municipal réprime déjà la prostitution dans la rue : que se passera-t-il si nous ne votons pas la pénalisation du client ? Nous sommes déchirés : voter ou ne pas voter ? Il fallait dissocier les deux questions. Pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la pénalisation du client, difficile à

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mettre en œuvre, n’aura d’incidence que sur la prostitution de rue et favorisera la prostitution indoor, moins accessible aux associations et aux pouvoirs publics. Cela risque également de repousser la prostitution aux frontières, comme à la Jonquera ou dans les eaux territoriales danoises entre la Suède et le Danemark.

Je suis moi aussi opposée à toute loi liberticide, et j’affirme haut et fort que chacun a le droit de faire ce qu’il veut de son corps. L’État n’a pas à s’immiscer partout, il y a des limites au jacobinisme ! Le paquet-cadeau suédois ? En 2011, 450 hommes avaient été condamnés à une amende, deux pour traite à des fins sexuelles, onze pour proxénétisme…

Hier, Le Monde publiait un reportage effarant. On va précariser encore davantage les personnes prostituées. Or nous ne savons pas si toutes ces femmes sont des victimes. Il faut regarder la réalité en face, ce n’est pas avec 2,4 millions d’euros que l’on va réinsérer ces femmes. Loin de répondre à la demande des associations et des personnes prostituées, ce texte de moralisation vise surtout à nous donner bonne conscience : on pourra dire que nous avons enfin émancipé la femme… Vous nous mettez devant un vrai dilemme. Il n’est pas fair play d’associer ainsi abrogation du racolage et pénalisation du client. Je suis une personne de conviction, je n’admettrai jamais que l’on m’ait tendu ce piège, ce qui ne m’empêche pas d’approuver certains de vos amendements.

M. Jean-Pierre Vial. – Merci à Michelle Meunier et à Jean-Pierre Godefroy pour la qualité de leur travail sur un sujet difficile. On peut rappeler les grands principes, mais que faire ? Face à ces situations dramatiques, il faut rechercher l’efficacité. Je suis élu d’un territoire dont le parc technologique a longtemps fait le succès ; tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Depuis quatre ans, nous sommes confrontés à une véritable invasion. Comment savoir lesquelles de ces femmes sont volontaires et lesquelles sont prises dans des réseaux ? Nous devons protéger l’environnement, les enfants, qui se retrouvent sous les mêmes abribus, les étudiantes, tentées de financer leurs études de la sorte… Que devient mon école de la troisième chance, s’il y en a une quatrième, plus facile ?

J’étais encore hier sur le terrain avec les gendarmes et la police municipale. Assez d’hypocrisie : ce n’est pas ce texte qui fera disparaître le plus vieux métier du monde. Soit on laisse faire, soit on essaye de juguler le phénomène et de protéger les femmes qui sont exploitées par des réseaux. Quant aux autres, qui vivent leur activité de façon sereine, je ne les juge pas. Nous en avons entendu certaines à qui j’aurais confié mes petits-enfants…

Comment regretter d’avoir une marge de manœuvre limitée, quand on pose certains principes tout en refusant d’en appliquer d’autres ? Pour ma part, je suis partisan du délit de racolage. Les femmes de Vincennes disent elles-mêmes que c’est un moindre mal par rapport à la verbalisation du client – l’on aurait cru entendre des policières municipales... La verbalisation du client est inapplicable. La gendarmerie, la police, le parquet le disent. En pratique, pour qu’il y ait pénalisation, il faut qu’il y ait exhibitionnisme. Si la police et la gendarmerie sont obligées de se cacher pour surprendre le client dans cette situation, je ne vois guère de différence avec ces jeunes femmes dénudées sur les trottoirs ou dans leur camionnette.

Je souhaite que les propositions sur le plan social, qui représentent une avancée, soient mises en œuvre prudemment. Prenons garde à ne pas insécuriser l’environnement de ces femmes, notamment pour celles venant d’Afrique. Pour organiser plus simplement les choses, je suis pour le maintien du délit de racolage et contre la verbalisation des clients, même si cette position est loin d’être majoritaire.

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Mme Cécile Cukierman. – Ce texte, qui nous renvoie à l’intime, est difficile à appréhender. Même s’il en approuve une grande partie, mon groupe, comme les autres, est partagé. Je salue la suppression du délit de racolage, car il implique que la femme a décidé de sa situation alors qu’elle est une victime de la société. Certaines se sont convaincues de leur libre-choix, mais je doute qu’elles en soient exaltées. Je salue votre volonté de lutter contre les réseaux, d’aider les femmes à sortir de la prostitution, de les protéger elles et leurs proches, et de renforcer l’éducation, seule à même d’éradiquer ce fléau.

Les auditions m’ont fait évoluer : les associations ont dit leurs interrogations sur la pénalisation des clients prévue à l’article 16, qui ne me satisfait plus. Il est hypocrite sinon moralisateur de sanctionner les clients si la fiscalisation de la prostitution reste en vigueur. Protègerons-nous réellement plus les personnes prostituées en pénalisant les clients ? Interdire la prostitution aurait été plus clair : cela n’aurait pas été liberticide, puisqu’un tel choix aurait été positif pour la société. La question dérange ? Elle vaut pourtant aussi pour les films pornographiques : les personnes qui y apparaissent sont-elles vraiment volontaires ? En ce domaine comme dans d’autres, la pénalisation ne règlera malheureusement pas le problème.

Mon groupe se retrouve sur la volonté d’améliorer le texte. Cependant, je n’ai pas la certitude que la France se range dans les rangs des pays abolitionnistes

Mme Laurence Cohen. – Ce débat est passionnel, politique et lié à l’intime. Je rends hommage à notre rapporteure et à notre président qui ont mené à bien leur mission en faisant preuve de respect et d’ouverture d’esprit, mais leur tâche était ardue tant la prostitution offre de facettes. Dans la plupart des cas, les personnes se prostituent en raison de difficultés économiques ou sociales Si l’on supprimait les injustices, la prostitution reculerait. Hélas, nous en sommes loin : la pauvreté se répand, la précarité explose et la prostitution organisée par des réseaux est en plein essor, car elle est extrêmement lucrative, comme la vente de drogue ou d’armes.

Notre pays a signé la convention des Nations Unies sur l’abolition de la prostitution en 1960, puis a réaffirmé cette position en décembre 2011, mais nous en sommes encore loin. Certains de nos collègues estiment que ce texte est liberticide : mais est-ce l’être que d’infliger une contravention ? En partant de ce principe, il faudrait supprimer le code de la route !

Mme Esther Benbassa. – Ce n’est pas la même chose !

Mme Laurence Cohen. – Ne pas supprimer le délit de racolage ? Mais la prostitution n’est-elle pas une violence extrême infligée aux femmes ? Sont-elles victimes ou coupables ? Nous devons légiférer pour la majorité. Je me réjouis que le texte renforce la lutte contre le proxénétisme. Nous devons bien abroger le délit de racolage et pénaliser les clients. L’article d’hier dans Le Monde m’a choquée, parce qu’il nous invitait finalement à fermer les yeux pour ne pas ajouter à la misère des personnes qui se prostituent. Si les clients qui ont recours à des rapports tarifés ne sont pas responsabilisés, on en restera à l’image d’Épinal du plus vieux métier du monde.

Sans être idéal, ce texte marque une étape. D’ailleurs, je n’ai pas entendu de proposition alternative. Si l’on attend que les autres pays légifèrent, cet esclavage moderne aura encore de beaux jours devant lui ! Les membres de notre groupe, qui est traversé par des interrogations, voteront pour le texte ou s’abstiendront.

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Mme Claudine Lepage. – Je félicite notre rapporteure et notre président pour leur travail. De nombreuses questions restent néanmoins sans réponse. Avant tout, le principe d’égalité entre les femmes et les hommes doit s’appliquer et nous devons protéger les victimes de la prostitution qui, ainsi que le Parlement européen l’a rappelé le 26 février 2014, viole la dignité humaine. En aucun cas elle ne doit être considérée comme un métier : c’est une violence. Nous devons lutter contre le proxénétisme et la traite humaine : je partage les conclusions de notre rapporteure et je me réjouis du débat qui s’engage.

M. Alain Gournac. – Quand j’ai été nommé dans cette commission, j’étais persuadé qu’il fallait sanctionner les clients. Grâce à nos auditions et à votre travail, j’ai beaucoup évolué. Toutes les prostituées, sauf les représentants du Nid, nous ont demandé de ne pas pénaliser les clients pour éviter d’avoir à se cacher dans des endroits dangereux. Hier encore, Médecins du Monde nous a dit : « Les prostituées vous parlent, écoutez-les avant de légiférer ». La brigade de répression du proxénétisme nous a expliqué que la pénalisation des clients serait inapplicable. Même son de cloche du côté de la justice, les magistrats estimant qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.

Si je suis tout à fait favorable aux actions pour aider ces personnes à sortir de la prostitution, nous ne devons pas supprimer le délit de racolage : les réseaux en seraient renforcés et la police ne pourrait plus obtenir d’informations des personnes prostituées. Je ne voterai rien qui mette ces femmes en danger : il faut les défendre et en finir avec l’image du plus vieux métier du monde.

Mme Muguette Dini. – Je vous remercie pour le travail accompli. J’ai assisté à des auditions comme j’avais assisté à celles qu’avaient réalisées Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno. Chacune a apporté sa part de vérité sur ce monde inconnu qu’est la prostitution, même lorsque l’une contredisait l’autre. Les femmes prostituées sont, pour une infime minorité d’entre elles, volontaires, mais une très large majorité sont victimes de proxénètes, de conditions économiques défavorables ou encore d’elles-mêmes.

Je voterai en faveur de la pénalisation des clients, qui doivent prendre conscience qu’il n’est pas normal d’acheter un service sexuel : l’échange est par trop inégal et la prostitution n’est pas dans l’ordre des choses.

Je ne crois pas à l’efficacité des sanctions et l’État ne fera pas fortune avec les contraventions qui seront infligées aux clients. Cependant, nous pourrons utiliser l’interdit que le texte va poser pour faire de la prévention et de l’éducation. Réaffirmons que les hommes et les femmes sont égaux et qu’un corps ne s’achète pas comme une marchandise. La prostitution ne sera pas abolie, elle diminuera parce que la loi va raréfier la demande dans notre pays. Ensuite, l’Europe devra prendre le relais. Avec ce texte, nous progressons dans la bonne direction.

Mme Gisèle Printz. – Tout d’abord, félicitations à notre rapporteure et à notre président. Cette loi renforcera la lutte contre les réseaux mafieux. Les revenus de la prostitution ne doivent pas être intégrés au produit intérieur brut (PIB).

Mme Catherine Génisson. – Elle ne l’est pas chez nous !

Mme Gisèle Printz. – Dans d’autres pays, si. Et si la prostitution était un métier, pourquoi ne l’enseignerait-on pas dans les écoles ? Non, il ne faut pas intégrer ce qu’elle rapporte dans le PIB.

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Mme Catherine Deroche. – À mon tour de féliciter notre rapporteure et notre président. La prostitution n’est pas un métier, mais une activité, parfois librement consentie par certaines femmes. J’en reste à ma position de départ : dans la mesure où la prostitution est autorisée et où le délit de racolage est supprimé, il serait intellectuellement incohérent de pénaliser le client. En outre, j’ai été sensible aux arguments juridiques de la CNCDH.

M. Michel Bécot. – Je salue ce travail qui m’a fait mieux connaître la prostitution. Le texte luttera efficacement contre le proxénétisme et contre la traite des personnes humaines si des moyens supplémentaires sont dégagés, ce que personne n’a encore fait. Aidons d’abord la police. Or celle-ci nous a demandé de ne pas supprimer le délit de racolage afin de pouvoir remonter les filières. Après toutes ces auditions, je ne suis pas convaincu par l’idée de pénaliser les clients, qui risque de fragiliser encore un peu plus ces femmes qui vont se retrouver dans des situations impossibles.

En revanche, je suis tout à fait favorable à la prévention et à l’accompagnement des personnes qui veulent sortir de la prostitution. Ce texte va faire prendre conscience aux clients que la prostitution n’est pas un acte normal.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. – Il m’est arrivé de travailler avec des prostituées et j’ai dû désigner des affaires au procureur de la République. Nous devons maintenant prendre notre courage à deux mains.

Je félicite notre rapporteure et notre président pour leur travail. Avec ce texte, nous en sommes à un moment crucial : il faut que cesse cette volonté de consommer à tout prix, qu’il s’agisse de biens matériels ou de corps humains. Dans son cours d’économie, ma fille a appris que la demande crée l’offre, d’où l’importance de pénaliser la demande.

Récemment, une personne proche d’un proxénète m’a dit que le milieu était ravi, car les femmes prostituées vont disposer d’un permis de séjour, ce qui aidera les proxénètes à amener de la « chair fraîche », souvent d’autres continents. Cependant, j’ai vu arriver dans des maisons de retraite des femmes âgées qui sortaient de services de psychiatrie et qui y sont devenues prostituées.

Derrière tout cela, il y a des êtres humains. J’en ai assez de voir les femmes montrées du doigt, comme si elles étaient coupables. Il est temps que les hommes se posent à leur tour des questions sur leurs choix. Certaines étudiantes se prostituent pour payer leurs études, mais parfois aussi pour s’offrir des produits de luxe. L’éducation doit mettre un terme à ces désordres qui entraînent souvent des séquelles physiques et morales ineffaçables. C’est en pénalisant les clients que nous modifierons les comportements. Les femmes ne doivent plus être considérées comme un produit de consommation par les hommes. Pour moi, le changement, c’est maintenant.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – J’ai déjà entendu cela quelque part.

Mme Christiane Kammermann. – Moi aussi, j’attends, le changement… Merci pour votre magnifique travail, madame la rapporteure, monsieur le président.

L’interdiction n’aboutira à rien et la prostitution continuera comme avant. Face à une misère sociale considérable, il importe de lutter contre les proxénètes, qui traitent les femmes de façon abominable. Je continue à m’interroger sur la pénalisation du client. J’espère me déterminer avant la fin de nos travaux.

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Mme Maryvonne Blondin. – L’Union européenne et le Conseil de l’Europe ont présenté des recommandations sur la pénalisation du client : en réduisant la demande, elle tarira l’offre. Certains estiment que cela ne servira à rien, mais lorsqu’un employeur est contrôlé alors qu’il ne déclare pas son salarié, il est responsable du travail dissimulé et pas son salarié. Il en est de même pour ceux qui vendent du tabac ou de l’alcool aux mineurs de seize ans. Il est de notre devoir d’afficher un interdit et de dire au client qu’il est responsable de son acte. Il s’agit tout de même du corps d’autrui !

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Je travaille sur ce dossier depuis le début de la mission d’information que j’ai conduite avec Chantal Jouanno, c’est-à-dire depuis deux ans. Le débat sur le racolage et la pénalisation du client me semble fausser les données : j’ai déposé un amendement qui supprime la pénalisation des clients car cette sanction serait bien moins efficace que le délit de racolage. En outre, les forces de l’ordre et les magistrats auraient du mal à l’appliquer.

Lorsque le Sénat avait examiné la proposition de loi d’Esther Benbassa, j’avais déjà émis des réserves sur la suppression totale du délit de racolage. La situation va être paradoxale : la prostitution sera licite ainsi que le racolage, mais il y aura interdiction d’accès à quelque chose d’autorisé. Cette mesure risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel, car la loi va dire tout et son contraire.

M. Christian Cointat . – Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. – J’ai rencontré deux fois les responsables de la brigade de répression du proxénétisme, les directeurs successifs de l’OCRTEH, des magistrats au tribunal de Paris, l’adjointe au maire de Paris en charge de ces questions et je me demande si nous ne risquons pas de réduire les moyens d’investigation de la police et de la justice en supprimant le délit de racolage.

Les Italiens nous montrent l’exemple en protégeant les personnes prostituées en cas de dénonciation et en leur offrant un accès à la justice, ce qui est au moins aussi efficace que la pénalisation des clients. Le code pénal donne tous les outils nécessaires. Encore faut-il que l’OCRTEH et la brigade de répression du proxénétisme disposent de moyens supplémentaires. C’est bien la politique qui a été suivie à l’égard des repentis en Italie, afin de lutter contre les réseaux mafieux. Il serait bon de nous en inspirer.

Quant à la pénalisation du client, j’ai des doutes sur la transformation du procès-verbal en délit. Cette transformation suppose que les clients soient répertoriés. Est-ce possible sans fichage ?

Laurence Cohen disait qu’il fallait légiférer pour la majorité. Pourtant, le législateur a toujours le souci de prendre en compte les minorités. C’est d’autant plus nécessaire, en l’occurrence, que certaines des personnes auditionnées nous ont déclaré se prostituer volontairement. Quant au problème de mise sur le marché abordé par Marie-Françoise Gaouyer, je crains que la dépénalisation du racolage ne fasse l’affaire des réseaux : ils se moquent que le client soit pénalisé, pourvu que les personnes qu’ils mettent sur le marché leur rapportent tant par jour. Pour toutes ces raisons, j’ai déposé un amendement de suppression.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Nous débattons, comme l’a dit Christian Cointat, d’un sujet difficile et douloureux. Si nous sommes d’accord pour considérer

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que la prostitution est une violence faite aux femmes, les mouvements féministes et les associations, y compris la mienne il y a une vingtaine d’années, n’ont pas toutes la même position que celle que je défends.

Lorsque l’on parle de liberté, de laquelle s’agit-il ? Est-ce celle de la personne prostituée ? Je voudrais qu’on me le démontre. J’entends dire que nous avons préparé un texte moralisateur. Il n’a jamais été question de morale dans nos propos. On nous incite au pragmatisme et à l’efficacité. Cette proposition de loi ne règlera pas tout – peut-être lui en demande-t-on trop. Elle représente une étape importante sur le chemin parcouru depuis les années 1960 par la France dans sa position abolitionniste. Qu’en est-il d’ailleurs de l’efficacité des lois contre la fraude fiscale ou la protection de l’environnement ?

Nous aurons en tout cas provoqué un changement de regard sur les personnes prostituées, que l’on ne considérera plus comme des délinquantes mais comme des victimes, sur les proxénètes et les réseaux mafieux, enfin sur les clients, que l’on regardera désormais avec moins d’indulgence.

Certaines personnes anciennement prostituées nous ont dit la honte et le dégoût de soi qu’elles avaient ressentis. Cette proposition de loi fera changer la honte de camp, comme l’ont souhaité certaines associations, et permettra que les personnes prostituées aient des relations plus confiantes avec les autorités policières et judiciaires. Espérons qu’elles reçoivent désormais la protection qu’elles méritent.

La réunion, suspendue à 16 h 35, reprend à 16 h 45

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er bis (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Avec l’amendement n° 1, les travailleurs sociaux seront également formés à l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

L’amendement n° 1 est adopté.

Article 1er ter A (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n° 2 supprime la procédure de domiciliation spécifique dont bénéficieraient les prostituées pour les démarches administratives, qui accroît le risque de stigmatisation.

Mme Laurence Cohen. – Pourquoi cet amendement ? Dès lors que la prostitution est une violence, les personnes qui y sont soumises doivent bénéficier de protections, en particulier de celle fournie par cette procédure de domiciliation auprès d’une association ou d’un avocat qui leur permet de se cacher des réseaux.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Le droit commun s’applique déjà à ces personnes. Les mesures auxquelles vous faites allusion sont prévues par l’article 1er ter.

L’amendement n° 2 est adopté ; en conséquence, l’article 1er ter A nouveau est supprimé.

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Article 1er ter (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’article 1er ter introduit la possibilité pour les personnes prostituées de témoigner anonymement contre leurs clients, alors que ceux-ci ne sont coupables que d’une contravention. Cette disposition présenterait un risque d’inconstitutionnalité ou de contrariété à la jurisprudence de la CEDH, d’où l’amendement n° 3 qui conserve uniquement la possibilité, pour les victimes de la traite ou du proxénétisme, de déclarer leur adresse au domicile d’un avocat ou d’une association d’aide aux personnes prostituées ainsi que de bénéficier d’une identité d’emprunt et des mesures de protection prévues par la commission nationale des « repentis ».

L’amendement n° 3 est adopté.

Article 1er quater (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Imposer au gouvernement l’obligation de fournir chaque année des données dans un domaine où la coopération est encore balbutiante risque d’être contreproductif. L’amendement n° 4 supprime cet article. Un amendement à l’article 18 en reprendra les dispositions afin que ces questions puissent être traitées dans le cadre du rapport plus global qui dressera le bilan de l’application de la proposition de loi deux ans après sa promulgation.

L’amendement n° 4 est adopté ; en conséquence, l’article 1er quater est supprimé.

Article additionnel après l’article 1er quater (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Transposant la mesure 13 du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016, l’amendement n° 5 étend le domaine de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains en général.

MM. Jean-Claude Requier et Michel Bécot. – Cela revient à dire que la prostitution est un travail.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Les inspecteurs du travail contrôlent bien le travail au noir qui, par définition, est illégal.

Mme Maryvonne Blondin. – Il s’agit du code du travail.

Mme Esther Benbassa. – Cela veut dire que c’est un métier.

Mme Catherine Deroche. – L’amendement n’est pas limité à la prostitution.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Cela concerne par exemple les salons de massage et les bars à hôtesses qui abritent parfois la prostitution.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Nous reprenons la mesure 13 du plan de lutte contre la traite, selon laquelle « il convient de modifier la loi afin d’accorder une compétence explicite aux inspecteurs du travail pour constater par procès-verbal les situations illégales de traite des êtres humains, de soumission à un travail ou à des services forcés, d’esclavage ou de pratiques analogues à l’esclavage, dans la mesure où ils sont déjà

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compétents pour constater les infractions pénales de conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité ».

L’amendement n° 5 est adopté.

Article 3

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n° 6 réécrit entièrement l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles, qui définit les missions de l’État auprès des personnes « en danger de prostitution ». Il définit les missions générales d’assistance et de protection de l’État auprès des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. L’instance chargée de suivre l’accompagnement de ces victimes sera présidée par le préfet et composée de quatre collèges de taille équivalente représentant les services de la justice, de l’État, des collectivités territoriales et des associations.

La seconde partie comporte les dispositions relatives à la sortie de la prostitution. Plutôt que de « parcours de sortie de la prostitution », on parlera d’un « projet d’insertion sociale et professionnelle » ; l’autorité administrative étant une notion trop floue, le préfet autorisera l’entrée dans ce projet et son renouvellement ; l’aide financière prévue sera versée aux personnes ne bénéficiant ni du RSA, ni de l’ATA, l’accès aux dispositifs de droit commun restant la priorité ; au moment du renouvellement du projet d’insertion, il sera tenu compte du respect par la personne de ses engagements et des difficultés rencontrées ; enfin, l’agrément, dont les conditions seront définies par décret, sera ouvert à toutes les associations ayant pour objet l’accompagnement des personnes en difficulté, pourvu qu’elles s’engagent à respecter ces conditions.

L’amendement n° 6 est adopté ; l’amendement n° 34 devient sans objet.

Mme Esther Benbassa. – L’abrogation de l’article 42 de la loi sur la sécurité intérieure, combinée à d’autres mesures prévues par le texte, aboutit à conditionner l’assistance à l’arrêt de la prostitution. Les principes de non-discrimination et d’égal accès aux droits doivent ici prévaloir : l’amendement n° 35 supprime, en conséquence, les alinéas 9 à 11 de l’article 3.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Cet amendement est satisfait : il n’est plus question, dans l’amendement de réécriture de l’article 3, de conditionner l’entrée dans le projet d’insertion sociale et professionnelle à l’abandon de la prostitution. Je vous proposerai à l’article 6 de supprimer expressément toute condition d’arrêt de la prostitution pour l’autorisation provisoire de séjour.

L’amendement n° 35 est retiré

Article additionnel après l’article 3

M. Jean-Pierre Godefroy. – L’amendement n° 23 ajoute les personnes engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle ainsi que les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme à la liste des publics prioritaires pour l’attribution des logements sociaux. Leur statut d’anciennes personnes prostituées ne doit pas être un obstacle à cette attribution.

M. Michel Bécot. – Je crains que ce soit un vœu pieux.

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Mme Michelle Meunier, rapporteure. – La liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux, déjà très large, inclut ces publics. Mieux vaut veiller à une bonne application de la loi, afin que les personnes prostituées ne soient pas discriminées dans les procédures d’attribution. Evitons la stigmatisation, et la confusion qui rendrait l’article inapplicable. Pourquoi d’ailleurs ne pas étendre la liste à d’autres catégories ? Je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Pour avoir présidé des commissions d’attribution de logements, je crains que s’il est fait état de la situation de ces personnes, la priorité soit donnée à d’autres.

Mme Catherine Génisson. – Ces personnes ne rentrent pas forcément dans la liste évoquée par notre rapporteure : elles ne sont pas toujours dans des situations de précarité extrême. Il est primordial qu’elles puissent se loger dignement dès lors qu’elles sont engagées dans un projet de réinsertion sociale. Les commissions d’attribution de logement n’ont d’ailleurs pas à faire état publiquement des motifs d’attribution.

L’amendement n° 23 est adopté.

Article 4

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – L’article 4 prévoyant d’affecter au fonds pour la prévention de la prostitution une partie du produit des amendes perçues auprès des clients, les amendements déposés sur cet article seront examinés après les articles 16 et 17, puisqu’il s’agit de mesures de cohérence avec ces articles.

L’article 4 est réservé.

Article 6

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Cet article subordonne l’octroi d’une autorisation provisoire de séjour de six mois non seulement à l’engagement de la personne prostituée dans le parcours de sortie de la prostitution créé par l’article 3, mais aussi à la cessation de son activité de prostitution. Or les deux ne sont pas forcément simultanés, la seconde s’opérant souvent de manière progressive. L’amendement n° 9 supprime donc cette deuxième condition.

L’amendement n° 9 est adopté ; l’amendement n° 21 devient sans objet.

M. Jean-Pierre Godefroy. – La CNCDH recommande dans son avis du 22 mai 2014 que soit délivrée de plein droit à tout étranger à l’égard duquel des éléments concordants laissent présumer qu’il est victime de traite ou d’exploitation une autorisation provisoire de séjour puis une carte de séjour temporaire avec la mention « vie privée et familiale ». Dans cet esprit, l’amendement n° 25 fait de la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour des victimes de la traite et du proxénétisme une garantie et non plus une faculté laissée à l’appréciation du préfet. Afin que les personnes prostituées, qui vivent dans une complète clandestinité, retrouvent leur liberté ainsi que la possibilité de parler et de participer au démantèlement des réseaux criminels, la protection doit leur être assurée.

M. Michel Bécot. – Ne créera-t-on pas ainsi un appel d’air incitant d’autres personnes à venir se prostituer en France ?

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M. Jean-Pierre Godefroy. – Encore faudra-t-il, pour bénéficier de cette protection, s’engager dans un parcours.

M. Michel Bécot. – Comment être sûr qu’elles y resteront ?

M. Jean-Pierre Godefroy. – Sinon, la protection est retirée.

Mme Catherine Génisson. – Nous sommes tous d’accord sur le constat ; au-delà des pétitions de principe, il nous incombe d’apporter à la prostitution des réponses pragmatiques.

M. Christian Cointat . – Je suis d’accord avec cet amendement : à défaut d’un tel permis, ces personnes ne porteront pas plainte. Dès lors qu’elles seront engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, il leur sera difficile de tricher : cela leur coûterait cher.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Modifié par l’amendement n° 9, l’article 6 a atteint un équilibre : si l’amendement n° 21 était trop restrictif, celui-ci, et d’autres à sa suite, tombent dans l’excès inverse en instaurant une compétence liée pour le préfet dans la délivrance et le renouvellement du titre, y compris dans le cas de personnes qui dénoncent leur réseau ou témoignent contre lui dans une procédure pénale.

Il est nécessaire, dès lors que nous supprimons la condition de sortie de la prostitution, que le préfet garde un pouvoir d’appréciation pour l’octroi de l’autorisation provisoire de séjour aux personnes engagées dans le projet d’insertion ; et plus encore en matière de procédure pénale, où existe un risque de dénonciations calomnieuses et de faux témoignages. Mon avis est donc défavorable.

Mme Maryvonne Blondin. – Tout en ayant cosigné cet amendement, je m’interroge sur la compétence du préfet.

M. Christian Cointat . – Mon expérience de représentant des Français établis hors de France me fait préférer le présent au conditionnel : les visas qui peuvent être délivrés ne le sont jamais, parce que l’administration ne veut pas prendre de risque. Il vaut mieux signifier la volonté claire du législateur, quitte à déplaire à l’administration.

L’amendement n° 25 est adopté.

Mme Esther Benbassa. – L’amendement n° 36 refuse que soient traitées différemment les victimes qui continuent l’activité de prostitution et celles qui l’ont cessée et ont déposé plainte contre les réseaux. Dans son avis du 22 mai 2014, la CNCDH recommande qu’un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à tout étranger à l’égard duquel des éléments concordants laissent présumer qu’il est victime de traite ou d’exploitation. La commission rappelait, dans une étude d’octobre 2010, que « subordonner leur délivrance à la cessation d’une activité licite constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie ».

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Il est contre-productif d’écrire que cette condition n’est pas demandée lorsqu’aucun texte ne l’exige. L’article R. 316-4 du code de l’entrée et du séjour prévoit seulement que la personne ne doit pas avoir renoué de lien avec le proxénète qu’elle dénonce.

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L’amendement prévoit ensuite que le titre de séjour soit délivré à la prostituée engagée dans le parcours de sortie sans que le préfet conserve une marge d’appréciation, ce que je désapprouve d’autant plus que nous avons également proposé la suppression de la condition de sortie de la prostitution. Mon avis est défavorable.

Mme Esther Benbassa. – Je suis perplexe : on se priverait d’un moyen d’appréhender les proxénètes.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – La partie de votre amendement relative au début de l’alinéa 5 est satisfaite ; seule reste votre première demande sur la condition de cessation de l’activité de prostitution.

Mme Laurence Cohen. – Cet amendement est intéressant, car certaines personnes prostituées auront besoin de temps pour s’insérer dans un processus de sortie.

M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Ce point est satisfait par l’amendement n° 26.

M. Christian Cointat . – Soyons prudents : la loi n’interdit pas la poursuite de l’activité de prostitution mais, dès lors que nous le soulignons, nous créons un appel d’air qui fera affluer des prostituées. Comme l’a bien dit la rapporteure, il n’est pas opportun d’attirer l’attention sur l’absence de cet interdit.

L’amendement n ° 36 est retiré.

M. Jean-Pierre Godefroy. – L’amendement n° 28 relève de six mois à un an la durée de l’autorisation provisoire de séjour délivrée à l’étranger victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains engagé dans un projet d’insertion sociale et professionnelle. Même si cette autorisation est renouvelable, six mois semblent courts pour envisager une véritable sortie de la prostitution.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Il serait peu cohérent d’accorder un droit de séjour plus long à la prostituée engagée dans le projet d’insertion qu’à celle qui dénonce des faits criminels à ses risques et périls. Avis défavorable.

Mme Muguette Dini. – Ne peut-on régler le problème en portant les deux à un an ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – C’est d’ordre règlementaire. Nous pouvons interroger le Gouvernement…

M. Christian Cointat . – Nous sommes les législateurs, nous n’avons pas d’avis à demander au Gouvernement. Nous savons que six mois sont insuffisants, même si cette durée est plus acceptable politiquement. Prenons nos responsabilités, passons à un an.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Il y aura un débat en séance avec le Gouvernement.

Mme Muguette Dini. – Je demande un sous-amendement de cohérence.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Nous y penserons, c’est promis

L’amendement n ° 28 est adopté.

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M. Jean-Pierre Godefroy. – L’amendement n° 26 complète le précédent et donne satisfaction à Esther Benbassa sur celui qu’elle a retiré.

L’amendement n° 26 est adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy. – La carte de séjour temporaire délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse des infractions de proxénétisme ou de traite des êtres humains sera renouvelée de droit pendant toute la durée de la procédure pénale. L’amendement n° 27 applique le même principe aux personnes engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle tel qu’il est prévu à l’article 3.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – J’y suis défavorable, selon la même logique que précédemment.

L’amendement n° 27 est adopté ; l’amendement n° 37 devient sans objet.

Article 8

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement de simplification rédactionnelle n° 19 tire les conséquences des modifications introduites à l’article 3 de façon à retenir la définition la plus large possible du champ des associations qui pourront bénéficier de l’allocation de logement temporaire.

L’amendement n° 19 est adopté.

Article 9 bis

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Les violences, agressions sexuelles et viols sont des faits d’une extrême gravité ; l’amendement n° 10 refuse cependant qu’ils soient considérés par principe comme plus graves s’ils concernent une personne qui se prostitue. Le droit commun comprend déjà des dispositions protectrices pour les personnes prostituées en situation de vulnérabilité.

L’amendement n° 10 est adopté.

Article 11

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Tout en opérant une simplification rédactionnelle, l’amendement n° 11 refuse que les associations d’utilité publique qui interviennent auprès des personnes en danger de prostitution puissent exercer les droits de la partie civile sans l’accord de la victime. Les associations reconnues d’utilité publique pourraient se porter partie civile dans les affaires de réduction en esclavage, d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution, de travail forcé et de réduction en servitude, même sans l’accord de la victime. Une telle différence de régime entre les associations déclarées depuis cinq ans, qui ne pourront pas intervenir sans l’accord de la victime, et les associations reconnues d’utilité publique n’est pas fondée. Il est préférable dans tous les cas que la victime donne son accord pour être aidée par une association.

M. Jean-Pierre Godefroy. – On sait que ces personnes sont exposées à des représailles ; une association se portant partie civile sans leur accord leur ferait courir un risque qu’elles ne souhaitent pas assumer.

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L’amendement n° 11 est adopté.

Article additionnel après l’article 14

Mme Esther Benbassa. – Il semble indispensable de réformer le repérage et la prise en charge des prostitués mineurs, et d’améliorer la connaissance de ce phénomène inquiétant : c’est le but de l’amendement n° 38. Une étude doit également être menée sur la prostitution des étudiants.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’article 18 prévoit déjà que le sujet de la prostitution des mineurs sera traité dans le rapport qui sera publié deux ans après la promulgation de la loi. En revanche, rien n’existe sur la question de la prostitution des étudiants. Plutôt que d’ajouter une demande de rapport, je vous propose de sous-amender l’amendement de réécriture de l’article 18 que je vous présenterai. Le rapport porterait ainsi sur l’évolution « de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution et des étudiants contraints de s’y livrer ».

M. Jean-Pierre Vial. – Seul le délit de racolage rend possible de répertorier un tel public.

Mme Laurence Cohen. – Internet aussi.

L’amendement n° 38 est retiré.

Intitulé du chapitre II

L’amendement n° 33 est devenu sans objet.

Article 14 ter

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n° 13 réécrit l’article 14 ter. L’accompagnement sanitaire des personnes prostituées ne saurait relever exclusivement de l’État. Quant aux mesures de prévention qui seront mises en place, le terme risques est préférable à celui de dommages, dont le périmètre est plus difficile à interpréter.

L’amendement n° 13 est adopté.

Article 15

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Afin de rendre plus lisibles et plus efficaces les dispositions des articles 15 et 15 bis A, l’amendement n° 14 crée un nouvel article dans le code de l’éducation prévoyant une information sur les « réalités de la prostitution » et sur les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », de manière que soient abordés des sujets plus larges que ceux relatifs à la seule « marchandisation des corps ».

M. Christian Cointat . – Que veut dire exactement « représentation sociale du corps humain » ?

M. Jean-Pierre Michel. – Je suis d’accord avec l’amendement, mais si le texte venait en séance, il conviendrait de préciser que cette information ne doit être dispensée ni par

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des policiers ni par des gendarmes. Celle qu’ils donnent dans les établissements scolaires sur les substances toxiques est une véritable publicité.

Mme Catherine Génisson. – Pourquoi ne pas exiger simplement une formation particulière pour traiter de ces questions ? Je suis moins pessimiste que Jean-Pierre Michel sur les capacités des forces de l’ordre.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », c’est tout ce qui concourt aux clichés sur les rôles des hommes et des femmes.

M. Christian Cointat . – Est-ce une notion reconnue juridiquement ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Ni plus ni moins que « marchandisation des corps ». Les représentations sont par exemple les publicités, les images médiatiques et tout ce qu’elles véhiculent.

Mme Muguette Dini. – Est-on obligé d’écrire « sociales » ?

Mme Catherine Génisson. – « Sociétales » serait mieux, quoiqu’il me semble préférable à moi aussi de supprimer simplement l’adjectif.

M. Christian Cointat . – Si ce n’est pas un terme juridique, vous aurez des questions en séance.

M. Jean-Pierre Godefroy. – L’égalité entre les femmes et les hommes est en jeu ici, ainsi que l’image de la femme. Cette formule, plus large que celle de « marchandisation » nous a paru favoriser une formation plus étendue.

M. Gérard Roche. – Voilà encore le langage ésotérique des législateurs, alors qu’il s’agit de s’adresser à des enfants ou à leurs parents. « Marchandisation » est bien plus compréhensible.

Mme Esther Benbassa. – Je serais d’accord, s’il ne s’agissait que de mes enfants, mais vous vous exposez à une nouvelle polémique, après celle sur les ABCD de l’égalité, dans lesquels il n’y avait cependant pas grand-chose. Si l’on parle maintenant aux parents de « marchandisation des corps » et de « réalités de la prostitution », on est perdus.

M. Jean-Pierre Michel. – L’expression « représentations sociales du corps humain » est trop large. Ces représentations constituent des espèces de prototypes ; il y a par exemple une représentation sociale de la mère de famille, astreinte aux tâches domestiques.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Nous proposons d’écrire : « Une information sur les réalités de la prostitution est dispensée dans les collèges et les lycées par groupes d’âge homogènes. Elle porte également sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. »

M. Gérard Roche. – Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.

L’amendement n° 14 est adopté.

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Article 15 bis A (nouveau)

L’amendement de conséquence n° 15 est adopté et l’article 15 bis A est supprimé.

Article additionnel après l’article 15 bis A (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Les préoccupations exprimées par Hélène Masson-Maret dans son amendement n° 22 me semblent en grande partie satisfaites par le droit existant puisque l’article L. 312-17-1 permet d’ores et déjà d’aborder les questions relatives à la lutte contre les préjugés sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre les violences commises au sein du couple. Mon amendement à l’article 15 prévoit une information sur les réalités de la prostitution ainsi que sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. Enfin, l’article 15 bis précise le contenu de l’éducation sexuelle à l’école. Je vous proposerai un amendement visant à ce que ces séances d’éducation sexuelle présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain.

L’amendement n° 22 n’est pas adopté.

Article 15 bis (nouveau)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n° 16 reformule l’article 15 bis pour bien marquer que l’éducation à la sexualité présente une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribue à l’apprentissage du respect du corps humain.

L’amendement n° 16 est adopté.

Article 16

M. Jean-Pierre Godefroy. – Nous en venons à l’amendement n° 20, qui supprime l’article 16. Nous en avons parlé longuement, je ne refais pas le plaidoyer…

Mme Catherine Génisson. – Nous poursuivons tous le même but, il n’y pas les vertueux d’un côté, les méchants de l’autre. Je réfute la comparaison entre l’interdiction de la prostitution et l’interdiction de la consommation de tabac ou d’alcool.

Mme Maryvonne Blondin. – Je parlais de l’efficacité de la loi.

Mme Catherine Génisson. – On ne peut comparer la consommation du corps humain à celle de ces produits !

M. Christian Cointat . – D’autant plus que ce n’est pas le tabac qui demande à être payé.

Mme Catherine Génisson. – La pénalisation du client, un signal fort ? Je crains qu’elle soit surtout contreproductive : on va jeter ces femmes dans la clandestinité, la prostitution continuera de prospérer sur internet ou dans les salons de massage. Ce n’est pas rendre service à ces femmes qui sont des esclaves modernes. Renforçons plutôt la lutte contre la traite, avec des mesures efficaces comme l’octroi d’autorisations de séjour.

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Mme Esther Benbassa. – Je suis tout à fait d’accord avec Catherine Génisson. La pénalisation serait contreproductive et préjudiciable. Les riches clients y échapperont sans difficulté, et recevront simplement les call girls à l’hôtel.

M. Michel Bécot. – Bien sûr !

Mme Esther Benbassa. – Notre souci doit être de protéger ces femmes qui vont se retrouver dans la clandestinité, face à des clients rendus plus exigeants, qui leur imposeront des rapports non protégés. Les associations auront plus de mal à leur distribuer des moyens de protection, à leur prodiguer aide et conseils. Ces femmes seront isolées et donc fragilisées. Elles disparaitront de notre vue. Comment dès lors les faire adhérer à des projets de réinsertion ? En Suède, la prostitution de rue aurait disparu ? Elle n’a jamais été bien importante, dans un pays où il neige sept mois par an… Ne précarisons pas davantage ces femmes. Ce n’est pas le client que nous pénaliserions, mais elles !

Mme Laurence Cohen. – Il n’y pas ici le camp des bons et le camp des méchants. Cela dit, pénaliser le client ne se fait nullement au détriment de la prévention. Ne caricaturons pas les choses : la Suède mène un combat important contre les réseaux qui sévissent sur internet. La pénalisation du client est un moyen, même s’il n’est pas le plus efficace...

Mme Catherine Génisson. – On va précariser les plus précaires.

Mme Laurence Cohen. – Il est bon de responsabiliser ceux qui ont recours aux actes sexuels tarifés.

Mme Maryvonne Blondin. – Jamais je n’ai comparé le corps de la femme à l’alcool ou au tabac. J’ai simplement rappelé qu’en cas de travail au noir, c’est l’employeur qui est condamné, et qu’il fallait songer à l’efficacité de la loi.

M. Jean-Pierre Godefroy. – Pour étayer mon argumentation, j’aurais pu citer l’avis du Conseil du droit pénal du Danemark, qui a renoncé à la pénalisation du client, tout comme le Parlement écossais. La présidente de la CNCDH, plutôt favorable à la pénalisation il y a un an, a changé d’avis. Enfin, dans un arrêt de 2005, la CEDH a estimé que les relations sexuelles entre adultes sont libres et échappent à l’ingérence des pouvoirs publics du moment qu’aucune contrainte n’est exercée.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Ce texte forme un tout. L’article 13 abroge le délit de racolage, l’article 6 aide les personnes prostituées étrangères, on accompagne les associations. On ne peut se désintéresser du client : la contravention est une partie intégrante de cette proposition de loi.

Les amendements identiques nos 20 et 39 sont adoptés.

En conséquence, l’article 16 est supprimé et l’amendement n° 31 devient sans objet.

Article 17

Les amendements identiques de coordination nos 29 et 40 sont adoptés.

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En conséquence, l’article 17 est supprimé et l’amendement n° 17 devient sans objet.

Chapitre IV

L’amendement n° 30 est adopté. En conséquence le chapitre IV et son intitulé sont supprimées.

Article 4 (précédemment réservé)

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’article 4 crée un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées qui sera notamment chargé du projet d’insertion sociale et professionnelle. L’amendement n° 7 lui affecte l’ensemble des recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes.

L’amendement n° 7 est adopté.

L’amendement n° 8 est devenu sans objet.

L’amendement n° 24 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n°41 prévoit que les ressources du fonds seront complétées par les confiscations opérées sur les personnes coupables de traite des êtres humains.

M. Jean-Pierre Michel. – Très bien.

L’amendement n° 41 est adopté.

Article 18

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – L’amendement n° 18 regroupe toutes les demandes de rapport dans un seul article. Je le rectifie pour demander que le rapport traite des étudiants contraints de se livrer à la prostitution, comme l’a demandé Esther Benbassa. Il faut en outre supprimer le 1°, qui renvoyait à la création de l’infraction de recours à la prostitution.

L’amendement n° 18 rectifié est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. Jean-Pierre Godefroy. – L’amendement n° 32 propose comme intitulé : « proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées ».

Mme Muguette Dini. – Très bien.

M. Christian Cointat . – Très bien.

Mme Catherine Deroche. – Très bien.

L’amendement n° 32 est adopté.

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M. Jean-Pierre Godefroy, président. – Je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. – Avec la suppression de l’article 16, le texte qui sort de la commission spéciale est dénaturé. Néanmoins, il contient de réelles avancées sur l’accompagnement des personnes prostituées et la lutte contre les réseaux. Je m’abstiendrai.

Mme Laurence Cohen. – Même argumentation.

M. Jean-Claude Requier. – Je m’abstiens également.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission spéciale est retracé dans le tableau suivant :

Auteur N° Objet Sort de

l’amendement

Article 1er bis (nouveau) Extension des formations sociales aux professionnels et personnels engagés

dans la prévention de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

1 Extension de la formation des travailleurs sociaux à l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

Adopté

Article 1er ter A (nouveau) Domiciliation des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

2 Suppression. Adopté

Article 1er ter (nouveau) Protection des personnes victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme

ou de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

3 Sécurisation de certaines procédures pénales. Adopté

Article 1er quater (nouveau) Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les actions de coopération internationale

et européenne en matière de lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

4 Suppression. Adopté

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Auteur N° Objet Sort de

l’amendement

Article additionnel après l’article 1er quater (nouveau) Extension du champ de compétence des inspecteurs du travail

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

5 Compétence des inspecteurs du travail pour constater les infractions de traite des êtres humains.

Adopté

Article 3 Création d’un parcours de sortie de la prostitution et codification d’une disposition de la loi n° 2003-239

du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

6 Remplacement du parcours de sortie de la prostitution par un « projet d’insertion sociale et professionnelle » et élargissement de l’agrément à toutes les associations ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté.

Adopté

Mme BENBASSA 34 Remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d’insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

Mme BENBASSA 35 Suppression de l’abrogation de l’article 42 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003.

Retiré

Article additionnel après l’article 3 Publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux

M. GODEFROY 23 Ajout à la liste des publics reconnus prioritaires pour l’attribution de logements sociaux des personnes engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle ainsi que des victimes de la traite ou du proxénétisme.

Adopté

Article 6 Admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

9 Suppression de la condition de sortie de la prostitution.

Adopté

Mme MASSON-MARET

21 Suppression de la nouvelle autorisation provisoire de séjour (APS).

Tombé

M. GODEFROY 25 Automaticité de la délivrance d’un titre de séjour. Adopté

Mme BENBASSA 36 Automaticité de la délivrance de l’APS et suppression de la condition de sortie de la prostitution.

Retiré

M. GODEFROY 28 Passage à un an de l’APS. Adopté

M. GODEFROY 26 Automaticité de la délivrance de l’APS. Adopté

M. GODEFROY 27 Automaticité du renouvellement de l’APS. Adopté

Mme BENBASSA 37 Remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d’insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

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Auteur N° Objet Sort de

l’amendement

Article 8 Extension de l’allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l’accompagnement des

victimes de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

19 Amendement de cohérence avec l’amendement n° 6. Adopté

Article 9 bis (nouveau) Ajout des personnes prostituées à la liste des personnes vulnérables entraînant une aggravation

des sanctions pénales en cas de violences

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

10 Suppression. Adopté

Article 11 Admission des associations dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

11 Suppression de l’expression : « personnes en danger de prostitution ».

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

12 Suppression de la possibilité de se porter partie civile sans l’accord de la victime.

Adopté

Article additionnel après l’article 14

Mme BENBASSA 38

Rapport sur la prostitution des mineurs et sur celle des étudiants.

Adopté sous forme d’un sous-amendement à l’amendement

n° 18

CHAPITRE II PROTECTION DES VICTIMES DE LA PROSTITUTION ET CRÉAT ION D’UN PARCOURS

DE SORTIE DE LA PROSTITUTION

Mme BENBASSA 33 Titre du chapitre II : remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d’insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

Article 14 ter (nouveau) Mise en œuvre de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

13 Modifications rédactionnelles. Adopté

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Auteur N° Objet Sort de

l’amendement

Article 15 Inscription de la lutte contre la marchandisation des corps parmi les thématiques relevant

de l’éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

14 Information sur les réalités de la prostitution dans les collèges et lycées.

Adopté

Article 15 bis A (nouveau) Inscription de l’information sur les réalités de la prostitution parmi les thématiques relevant

de l’éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

15 Suppression. Adopté

Article additionnel après l’article 15 bis A (nouveau)

Mme MASSON-MARET

22 Intégration de : « la prévention de la prostitution », « l’apprentissage du respect mutuel » et « l’acceptation des différences » parmi les sujets devant faire l’objet d’une information dans les établissements scolaires.

Rejeté

Article 15 bis (nouveau) Amélioration de l’information et de l’éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

16 Précisions sur l’éducation sexuelle. Adopté

Article 16 Création d’une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d’amende prévue

pour les contraventions de cinquième classe

M. GODEFROY 20 Suppression. Adopté

Mme BENBASSA 39 Suppression. Adopté

M. GODEFROY 31 Suppression de : « y compris occasionnelle ». Tombé

Article 17 Création d’une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels

M. GODEFROY 29 Suppression. Adopté

Mme BENBASSA 40 Suppression. Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

17 Rédactionnel. Tombé

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Auteur N° Objet Sort de

l’amendement

CHAPITRE IV INTERDICTION DE L’ACHAT D’UN ACTE SEXUEL

M. GODEFROY 30 Suppression du chapitre IV et de son intitulé. Adopté

Article 4 (précédemment réservé) Création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

7 Affectation de l’ensemble des recettes issues de la confiscation des biens et produits des proxénètes.

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure

8 Affectation des amendes contre les clients. Retiré

M. GODEFROY 24 Coordination avec la suppression de l’article 16. Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

41 Affectation des produits et biens prélevés sur les personnes coupables de traite des êtres humains.

Adopté

Article 18 Rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application de la présente proposition de loi

Mme MEUNIER, rapporteure

M. GODEFROY, président

18 Contenu du rapport demandé du Gouvernement. Adopté avec modification

Intitulé de la proposition de loi

M. GODEFROY 32 Changement d’intitulé de la proposition de loi. Adopté

La réunion est levée à 18 h 05

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MISSION COMMUNE D’INFORMATION « NOUVEAU RÔLE ET NOUVELLE STRATÉGIE POUR L’UNION EUROPÉENNE DANS LA

GOUVERNANCE MONDIALE DE L’INTERNET »

Mardi 3 juin 2014

- Présidence de M. Gaëtan Gorce, président -

Audition de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

La réunion est ouverte à 17 heures 05.

M. Gaëtan Gorce, président. – Madame la Ministre, nous vous remercions d’avoir accepté de venir nous donner la perception du gouvernement sur le sujet de la gouvernance de l’Internet, sur lequel notre mission travaille depuis plusieurs mois : nous avons déjà procédé à une soixantaine d’auditions et effectué plusieurs déplacements à Bruxelles, à Berlin et aux États-Unis. Cette question de la gouvernance de l’Internet est très importante, et selon nous, très opportune en raison des interrogations croissantes qu’ont fait naître les révélations de M. Edward Snowden et qui amènent à questionner le rôle des enceintes de gouvernance. Les dernières annonces relatives à l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) conduisent à revoir son rôle avant l’échéance butoir de 2015, date à laquelle expire son engagement envers le gouvernement américain, et nous nous interrogeons sur les chances d’aboutir avant cette date.

Au-delà des affaires de gouvernance proprement dites, le déploiement de l’Internet emporte des enjeux technologiques et économiques mais aussi des enjeux en termes de sécurité et de souveraineté, qui soulèvent la question de la possibilité de contrôler les fournisseurs d’accès à l’Internet mais aussi le matériel souvent fabriqué à l’étranger.

Enfin, nous voudrions aborder avec vous les perspectives en matière de coordination et de coopération entre Européens, et notamment en ce qui concerne le projet de règlement européen relatif à la protection des données.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. – Je vous remercie pour votre invitation à venir m’exprimer devant votre mission qui effectue un travail de fond, déjà très abouti, vu le nombre de personnes que vous avez entendues ou rencontrées. Il me serait très utile de disposer de votre rapport parlementaire, si possible avant le 23 juin, date à laquelle se tient une réunion importante du Comité consultatif gouvernemental de l’ICANN (Governmental Advisory Committee - GAC) à Londres. Ce sera la cinquantième session du GAC et la réforme de l’ICANN sera au programme de la réunion. Nous sommes vraiment au cœur de l’actualité puisqu’aujourd’hui même, 3 juin, est la date butoir fixée pour aboutir à un accord commercial entre les candidats au « .vin » et au « .wine » et les professionnels des secteurs viticole et vinicole. J’ai reçu moi-même ces professionnels la semaine dernière et, ce matin encore, je recevais les parlementaires les plus concernés par ce dossier. J’ai également pu m’entretenir hier, par téléphone, avec Neelie Kroes, Commissaire européen en charge de la stratégie numérique, sur ce sujet, qui sera inscrit à l’ordre du jour du Conseil Télécoms vendredi, à l’initiative de la présidence grecque. Je ne pourrai malheureusement pas y assister,

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retenue par les commémorations du 6 juin 1944, mais la France sera représentée par son représentant permanent à Bruxelles.

Le sujet de la gouvernance de l’Internet est souvent perçu comme obscur et technique, réservé aux experts, les citoyens s’en souciant peu, tant que l’Internet fonctionne. La préoccupation dont je reçois le plus souvent l’écho porte le plus fréquemment sur l’accès à l’Internet sur notre territoire et le débit associé. Je dois reconnaître qu’il y a eu un certain retard dans la conscience politique des enjeux de la gouvernance de l’Internet.

Cela tient sans doute au fait que la délégation des noms de domaine de premier niveau géographiques s’est passée de manière assez consensuelle, même si des voix se sont élevées en 1998 pour critiquer le rattachement de l’ICANN au département du commerce américain. Ce rattachement a été admis au motif que :

– les compétences étaient aux États-Unis,

– la supervision par un état démocratique adhérant à des principes de liberté était acceptable,

– et le système de gouvernance multi-parties prenantes était efficace.

Depuis, deux événements ont bouleversé la donne : la deuxième génération de délégation de noms de domaine génériques a des impacts quantifiables et conséquents en termes commerciaux. Ainsi le vin représente pour nous 13 milliards d’euros d’excédent commercial annuel, ce qui atteste de son importance pour notre économie mais aussi pour la cohésion de nos territoires. Il y a ensuite l’affaire Snowden qui a montré que les États-Unis pouvaient espionner les citoyens, et même les États, ce qui a fait apparaître la vulnérabilité du réseau.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une multiplication de contentieux sur les noms de domaine. Il y a eu le cas du « .patagonia » : la mobilisation de l’Amérique du sud a finalement conduit à une suspension des noms de domaine avec cette extension. Il y a également celui du « .amazon » qui préoccupe l’Amazonie, dont le cacique Raoni Metuktire était d’ailleurs présent aujourd’hui dans l’hémicycle de notre Assemblée nationale.

On peut encore citer les cas du « .hotel » ou du « .spa ». À ce sujet, on peut regretter que le conseil d’administration de l’ICANN ait choisi de prendre une décision contraire aux intérêts de la Belgique, en ne tenant aucun compte de l’accord commercial auquel étaient pourtant parvenus le gouvernement belge et la ville de Spa avec le principal candidat à la délégation.

Il est donc temps d’élaborer une nouvelle stratégie pour la gouvernance de l’Internet, aussi bien au sein de l’Union européenne qu’au niveau mondial. Je parle à dessein de gouvernance plutôt que de régulation, car il faut éviter de caricaturer le débat en le réduisant à l’opposition entre les défenseurs de la liberté – commerciale, d’information ou d’expression – d’un côté et les États souverains de l’autre. La réalité est plus complexe. La question est en fait de savoir si l’Internet est condamné à être un espace de non-droit, dans lequel seuls les acteurs commerciaux définissent les règles, ou s’il est possible d’instaurer un cadre institutionnel de nature à garantir le respect de l’intérêt public. À ce titre, les États ont un rôle essentiel à jouer, dans la mesure où ils sont seuls redevables de l’intérêt public devant le peuple. Cette notion est essentielle.

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Où en est-on aujourd’hui ? À Genève en décembre 2003, puis à Tunis en novembre 2005, dans le cadre du sommet mondial sur la société de l’information, des initiatives avaient été prises pour créer un espace de dialogue. Dix ans plus tard, on constate que ces sujets sont restés l’affaire de spécialistes, liés à un modèle économique visant à la rentabilité. La question de la gouvernance mondiale de l’Internet est donc à nouveau posée. Deux voies sont possibles, celle de la tradition onusienne, avec des organisations comme l’Union internationale des télécommunications (UIT), ou bien celle d’institutions originales.

Lors du sommet de São Paulo en avril dernier, plusieurs États comme l’Iran ou la Chine ont plaidé pour une approche interétatique. À l’inverse, les États-Unis, des représentants du secteur privé et certains acteurs de la société civile promouvaient un modèle multipartite. La France, comme la majorité des pays de l’Union européenne, la Commission européenne, le Brésil et d’autres pays émergents ont quant à eux cherché à dégager une voie différente.

La France exprime au sujet de l’ICANN une position assez stable. Elle demande notamment que les gouvernements aient un rôle spécifique à jouer, déplorant que le conseil d’administration de l’ICANN ne soit pas lié par les décisions du Governmental advisory committee (GAC), qui reste une instance consultative.

Plus largement, elle appelle à une profonde réforme de cette organisation. Elle souhaite une véritable internationalisation de ses structures, qui ne se résume pas à la fin du lien contractuel avec le département du commerce américain, au recrutement d’effectifs plus internationaux ni à la simple ouverture de bureaux de représentation à travers le monde, afin de parvenir à une rupture complète avec le gouvernement américain. Le transfert du siège de l’ICANN dans un autre pays, qui pourrait être européen, serait l’un des moyens d’atteindre cet objectif, l’Europe étant à la fois une garantie pour les libertés et pour la confiance. La France souhaite aussi que les conditions de nomination des membres du conseil d’administration soient revues et que les modalités de recours – aujourd’hui opaques et insatisfaisantes – soient améliorées. Ces recours n’ont d’ailleurs pas de nature vraiment juridictionnelle et n’obéissent à aucune règle de droit. Ainsi, ils ne garantissent pas les droits procéduraux reconnus par des organisations comme le Conseil de l’Europe.

Nous demandons en particulier davantage de transparence dans la prise de décision et des délais plus longs, nécessaires pour que chaque partie intéressée puisse faire valoir ses arguments à propos des décisions revenant au conseil d’administration de l’ICANN.

S’agissant des enseignements à tirer de la réunion de São Paulo, ils sont contrastés. Des grands principes, comme la liberté d’expression, la neutralité de l’Internet, la nécessité de lutter contre la cybercriminalité, ont été réaffirmés. En revanche, le sommet s’est terminé sans qu’une feuille de route claire n’ait été adoptée. Aucun engagement précis n’a été arrêté. Le calendrier des prochaines rencontres n’a pas été déterminé, alors que l’Internet governance forum (IGF) doit se réunir cet automne à Istanbul.

Quelles évolutions possibles s’offrent à nous ? Sur la gouvernance au sens large, depuis 2005, aucune réflexion réellement inclusive, c’est-à-dire qui dépasse le seul sujet de l’ICANN, n’a été menée, qu’il s’agisse du nommage, de l’adressage, de la sécurité, du spam et de la protection de la vie privée. Une grande diversité d’instances se sont pourtant saisies de ces sujets, par exemple, l’Union internationale des télécommunications (UIT) et l’IGF, mais sans remettre en cause le rôle de l’ICANN et sans proposer de solution alternative.

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La France s’intéresse également à des modèles d’organisation mis en œuvre par des instances internationales privées qui accordent un rôle prépondérant aux États. C’est le cas du secteur de l’aviation civile et de la définition des normes dans le secteur bancaire qui articulent les acteurs privés et les États dans une approche multipartite. Un autre exemple pourrait être utilisé en s’inspirant de la régulation en matière de satellites. En tout état de cause, nous demandons une rupture rapide et confirmée du lien avec les juridictions américaines qu’entretient la gouvernance de l’Internet en général et une articulation beaucoup plus précise avec les gouvernements.

Le Président de l’ICANN m’a indiqué qu’il ne fallait pas sous-estimer la décision « .amazon ». C’est la première fois, selon lui, que le board agit en toute indépendance à l’égard du Gouvernement américain, ce qui doit nous amener à ne pas préjuger de la décision qui sera prise sur le « .vin ». J’ai attiré son attention sur ce sujet en lui signifiant que la mobilisation politique ne faiblirait pas ; au point que les élus sont prêts à demander au Gouvernement de boycotter la réunion du 23 juin en cas de décision défavorable aux viticulteurs, qu’ils soient Français, mais aussi Australiens, Chiliens, Argentins ou Américains lorsqu’ils sont dans la Napa Valley. Quelle qu’elle soit, j’ai considéré que cette décision créerait un précédent et que la question de la réforme de l’ICANN demeurerait d’actualité dans tous les cas de figure.

La France n’est pas favorable à ce que l’ICANN soit le réceptacle de débats sur les sujets périphériques, dits « orphelins », comme la cybersécurité, laquelle est par ailleurs traitée dans le cadre d’une directive européenne, la liberté d’information et l’innovation dans le domaine du big data et des objets connectés.

Je suis plutôt favorable à l’idée d’un traité international, même s’il n’existe pas encore d’instance pour l’accueillir. Le sommet de São Paulo était une première pierre posée vers cet objectif. Sur ce point, la France est proche des positions brésiliennes, tout en développant une stratégie de recherche de partenaires en Europe et hors Europe.

Le Gouvernement français est donc conscient des enjeux liés à la réforme de l’ICANN même s’il faut reconnaitre que cette prise de conscience a été tardive.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – Vous évoquez le fait que nous avons fait confiance depuis trop longtemps à l’ICANN, mais aussi à d’autres organismes gestionnaires de l’Internet, dont l’Internet engineering task force (IETF) sur lequel le Gouvernement américain pèse de tout son poids pour s’assurer le contrôle des protocoles techniques.

Les questions de la transparence et de la redevabilité ont très souvent été posées au cours de nos auditions. Les autres États partagent-ils notre préoccupation quant au renforcement de la place des gouvernements au sein de l’ICANN ?

Par ailleurs, j’ai rencontré aux États-Unis des chercheurs qui ont suggéré l’idée de distinguer au sein de l’ICANN la fonction politique chargée de déterminer l’avenir de l’Internet de la fonction administrative dédiée à la délégation individuelle de noms de domaines de premier niveau. Cette orientation est-elle souhaitable ?

Notre mission s’interroge également sur le renforcement du rôle de l’IGF. En ce sens, celui-ci pourrait être transformé en assemblée dotée d’un secrétariat.

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Le projet de traité international rendrait opposable un certain nombre des principes évoqués au sommet du NETmundial de São Paulo. Au-delà, ne conviendrait-il pas de réfléchir à une évolution des statuts de l’ICANN, du droit californien vers le droit suisse si son siège était transféré à Genève ? Le Gouvernement américain a repoussé cette idée mais je souhaite connaître votre position sur ce sujet.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. – Sur la nécessité de rééquilibrer au sein de l’ICANN les règles de fonctionnement entre parties prenantes, le Gouvernement français va adresser un courrier à la Commission européenne pour l’alerter sur le contentieux en cours sur le « .vin ». Il ne s’agit que d’un aspect des problèmes de gouvernance que nous rencontrons au sein de l’ICANN, mais il suffit à motiver une réforme.

Au sommet du NETmundial, j’ai identifié trois États s’opposant fermement à tout rééquilibrage : les États-Unis soutenus par le Royaume-Uni et la Suède. Nous avons réalisé à quel point nos positions divergeaient sur le rôle que doivent jouer les États. Le Gouvernement français ne remet pas en cause l’essence même du système « multistakeholder », qui constitue la base d’un Internet libre et ouvert, mais souhaite que l’acquis communautaire et les législations nationales ne soient pas remis en cause.

Sur ce thème de la gouvernance de l’ICANN, j’ai rencontré le représentant polonais, parfaitement en phase avec nos positions, tout comme le représentant du Brésil. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de rencontrer mon homologue allemand, mais devrais le voir bientôt. Ceci dans le cadre du groupe de travail commun initié par le dernier conseil des ministres franco-allemand, qui sera bien sûr sollicité pour préparer l’arrivée de la future Commission européenne. L’Espagne et l’Italie sont par ailleurs également alignées sur nos positions. Un travail pédagogique ferait prendre conscience aux autres États de l’importance des enjeux, qui les concernent au premier chef.

S’agissant de la séparation des aspects techniques et politiques au sein de l’ICANN, je m’en suis entretenue avec le président de l’ICANN, M. Fadi Chehadé, à São Paulo. Si l’idée est a priori attractive, je ne suis pas pour autant persuadée que l’ICANN doive être le lieu du débat politique. On m’explique que la décision sur le « .amazon » a créé un précédent en ayant permis un affranchissement historique des membres du conseil d’administration, qui ont écouté les représentants élus de certains États, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’associations … Mais quelle légitimité leur permettrait de prendre une décision politique ? Une séparation interne à l’ICANN, pourquoi pas, mais à condition d’une réforme préalable garantissant la transparence et le respect du droit et de l’intérêt général. Cela suppose une refonte d’ensemble de l’institution, qui n’apparaît pas pour l’instant dans ses décisions.

Pour ce qui est du rôle de l’IGF, a été évoqué à l’automne dernier à l’assemblée générale des Nations-Unies l’opportunité d’organiser un évènement célébrant les dix ans du SMSI, initié à Tunis en 2005. Un groupe de travail ad hoc a été créé par le secrétaire général de l’organisation, mais faute de consensus, nous n’avons pas de nouvelles de ses travaux, qui étaient attendus fin mars. À court terme, l’incapacité du forum sur la gouvernance de l’Internet à générer des décisions consensuelles et opérationnelles pose problème. D’autant qu’existe un problème de financement du secrétariat général, qui dépend d’États, mais aussi d’acteurs privés, de plus en plus réticents à mettre la main au portefeuille. Le devenir même de l’instance semble donc mis en cause. Faut-il que notre Gouvernement appuie son renforcement pour qu’elle devienne la future enceinte de concertation sur la gouvernance de

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l’Internet ? Cela ne correspond pas à sa stratégie, même si cette option n’est pas exclue en soi. Il sera très intéressant pour moi d’aller à Istanbul en septembre pour observer de visu l’effectivité de ce cadre institutionnel.

S’agissant de l’IETF, je ne serai pas en mesure de répondre à votre interrogation, à ce stade ; je vous ferai parvenir des éléments à ce sujet. Je tiens cependant à souligner que le nombre très important d’organisations techniques s’occupant de l’Internet pose un problème de cohérence d’ensemble. Ces structures prennent de plus en plus de recul par rapport au fonctionnement de l’ICANN, du fait de l’affaire Snowden, et concentrent leurs interventions sur les aspects techniques qui fondent leur légitimité.

La représentation de la France et de ses intérêts au sein de ces instances est un réel problème, l’impact de leurs décisions allant souvent bien au-delà de simples enjeux formels. C’est vrai, par exemple, pour ce qui est de la négociation des normes de la 5G : notre pays doit être présent, auprès de nos constructeurs et opérateurs, dès la phase amont de définition de ces normes. D’une façon plus générale, la question de leur production est en effet essentielle dans l’économie numérique, notamment dans les négociations de l’accord de partenariat transatlantique.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Les orientations prises à São Paulo sont-elles de nature à rétablir la confiance, d’après vous ? À défaut, comment pourrait-elle l’être ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. - La confiance est une notion centrale de l’Internet, comme l’illustre l’intitulé de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN). Largement entamée depuis l’affaire Snowden, elle concerne tous les acteurs de l’Internet : l’État – susceptible d’être soumis à des cyberattaques ; j’en veux pour preuve la volonté de l’Estonie d’assurer la sauvegarde de ses données en cas d’attaque -, les entreprises – plus réticentes qu’avant à commercer avec des partenaires américains, car craignant d’être soumises à leur droit national – et les utilisateurs. Pour certains analystes, cette question de la confiance conditionne l’avenir même de l’Internet ; à défaut de disparaître, il pourrait se retrouver fragmenté. La confiance peut être restaurée par toute une série de mesures, à prendre à l’échelle européenne a minima ; le Gouvernement travaille d’ailleurs en ce moment sur la cybersécurité et la cybercriminalité.

La confiance concerne également les « géants du Net », les fameux GAFA. Parfaitement conscients d’avoir à prouver leur attachement au respect des données personnelles de leur clientèle, ils multiplient les gestes commerciaux d’affichage en ce sens. Si cela peut rassurer une partie des usagers, on peut également craindre que les règles définies par ces entreprises ne s’imposent au détriment de la loi émanant des représentants parlementaires. La confiance dans ces acteurs, qui sont indispensables à l’innovation, ne sera restaurée que lorsqu’ils respecteront les règles françaises et européennes de la concurrence, et lorsque notre législation protectrice des données personnelles pourra être appliquée sur le territoire de l’usager. Selon un sondage récent, plus de 77 % des Français voient dans l’Internet une menace pour leurs données personnelles. La restauration de la confiance sera donc longue ; pour autant, elle est essentielle car, dans un cadre mieux maîtrisé, l’Internet peut être source d’innovation, de réforme de l’État et des services publics, d’émancipation individuelle et de redéfinition d’un projet de société.

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L’un des éléments de rétablissement de cette confiance sera l’élaboration de normes fiscales applicables aux grandes plateformes numériques. Des travaux en ce sens sont en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et la France y prend sa part. Nous attendons les conclusions du groupe de travail sur les BEPS (base erosion and profit shifting) avec beaucoup d’intérêt. La confiance ne sera restaurée que lorsque nos concitoyens verront ces acteurs contribuer à la solidarité nationale et au paiement de l’impôt au même titre que d’autres multinationales créant de la valeur sur notre territoire. La confiance ne se décrétera pas par une loi ; elle résultera de la mise en œuvre d’un ensemble de mesures déclinées aux niveaux national, européen et international. Je n’ai pas parlé de l’éducation numérique, mais cela aurait été justifié.

M. André Gattolin . – Nous avons appris il y a quelques jours la nomination de M. Henri Verdier au poste d’administrateur général des données publiques, ou chief data officer. Quelles seront exactement ses fonctions, au regard notamment de celles de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Sera-t-il doté de pouvoirs d’investigation ? Je reste surpris par la gestion verticale de ces enjeux ; dans d’autres pays, tels l’Allemagne, ce contrôle est confié au Parlement ou à ses commissions … Ce choix est-il une réelle garantie pour la préservation des droits et libertés de nos concitoyens ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. - Ce chief data officer ne remplacera ni la CNIL, ni le Parlement. Rattaché au Premier ministre, en lien certainement avec les ministères en charge de la réforme de l’État, de l’économie et du numérique, il aura pour tâche d’impulser la politique en matière de données des administrations de l’État. Ne menaçant en rien les libertés publiques, il doit sensibiliser les administrations à l’importance de l’open data et rationaliser l’action publique en ce domaine. Il nous faudra d’ailleurs transposer la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public, ce qui devrait être fait dans le futur projet de loi numérique. L’exemple de l’ouverture par la ville de New York des données publiques sur les immeubles, afin d’identifier les facteurs de risque d’incendie, est particulièrement probant : elle a en effet permis de réduire radicalement le nombre d’incendies et d’orienter préventivement l’action des pompiers. Un autre exemple des apports de l’open data réside dans l’utilisation des données des radars pour analyser les facteurs d’accidents de la route.

L’usage des données publiques doit se faire, en tout état de cause, dans un cadre juridique extrêmement précis et sécurisé. Certains pays sont très avancés en la matière. Notre administration est assise sur un trésor encore sous-utilisé. Cette fonction d’administrateur général des données publiques, qui aura une dimension interministérielle intéressante, devra être assurée avec souplesse et réactivité, un peu comme Etalab, le service chargé de l’ouverture des données publiques au sein du secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP).

Contrairement à ce que l’on peut penser, notre pays est à l’avant-garde de l’open data, puisqu’il se classe à la troisième place au monde pour l’ouverture de ses données. La France a rejoint récemment l’Open Government Partnership (OGP) ; elle a participé pour la première fois à son sommet, qui s’est déroulé à Dublin début mai. Notre pays devra réfléchir à la stratégie qu’il entend suivre au sein de cette organisation, qui est une association de droit privé, amenée à jouer un rôle important dans la réforme de l’État et la transparence de l’action gouvernementale autour de la notion de « redevabilité ». Je me réjouis donc que le Président

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de la République et le Premier ministre se montrent volontaires sur ces sujets, sans pour autant faire preuve de naïveté.

M. Gaëtan Gorce, président. – Merci Madame la Ministre d’avoir pris le temps nécessaire pour répondre à nos questions ; nous savons que vous êtes attendue par nos collègues des commissions des affaires économiques et du développement durable …

Mardi 8 juillet 2014

- Présidence de M. Gaëtan Gorce, président. –

La réunion est ouverte à 16 h 10.

Examen du projet de rapport

M. Gaëtan Gorce, président. – Nous entendrons les questions de Mme Laborde, en réaction au projet de rapport mis en consultation la semaine passée, avant la présentation générale du rapport.

Mme Françoise Laborde. – Il semble que l’ICANN, sous dépendance de l’administration américaine, privilégie les intérêts des sociétés privées américaines qui cherchent à faire du business. Le rapport fait un certain nombre de propositions pour aider les entreprises européennes. Quels partenaires européens seraient prêts à soutenir la France sur ce projet ? D’une manière plus générale, quelle est la stratégie de l’Europe sur la gouvernance mondiale de l’Internet ? Par ailleurs, les pratiques du streaming ou du téléchargement ont un coût pour l’économie culturelle. Comment éviter que les acteurs de la création ne voient leur rémunération diminuer ? Vous préconisez la création d’un système d’exploitation européen. C’est tout à fait souhaitable. Mais comment pourrait-il s’imposer alors que les smartphones sont déjà équipés par défaut d’un OS - Android, IOS ou autres ? Enfin, l’enseignement du numérique est une question qui me tient à cœur. Le rapport s’inscrit dans la lignée du projet d’Axelle Lemaire, en proposant que la programmation informatique soit enseignée à l’école. Sous quelle forme se ferait cet enseignement ? Qui pourrait l’assurer ? Un dernier point m’intéresserait : votre analyse de l’autorisation donnée par l’ICANN à l’ouverture de noms de domaine en « .vin » et « .wine » sans tenir compte de certains enjeux de politique publique de l’Union européenne.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – C’est là tout le problème de l’ICANN.

Mme Françoise Laborde. – Les propositions du rapport, si on les applique, suffiront-elles à contrecarrer la puissance de cette organisation ? Je vous remercie pour ce rapport, remarquable par sa qualité d’information.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – Je tiens à remercier le président pour l’atmosphère conviviale qui a présidé à notre travail, favorisant sa rigueur et sa précision. L’Internet est né aux États-Unis dans les années 60. Il a connu un succès croissant à partir de 1989, date à laquelle le Cern a ouvert au public l’application du World wide web, souvent confondu avec l’Internet lui-même, qui est une interconnexion de réseaux. Un quart de siècle plus tard, 40 % de la population mondiale se connecte à l’Internet pour toutes sortes d’activités. Si l’Internet a pris racine sur les deux rives de l’Atlantique, celui que nous

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« consommons » est largement américain, car l’Europe n’a pas su prendre la mesure des enjeux. Cette technologie jeune constitue un potentiel de transformation exceptionnel dans les pays en développement et va prochainement s’étendre aux objets. Les enjeux politiques de l’Internet ne sont plus un secret depuis les révélations d’Edward Snowden, en 2013, sur l’étendue de la surveillance en ligne. Au vu de l’actualité, je n’ai pu que me féliciter d’avoir convaincu mon groupe politique de lancer cette mission commune d’information, fin 2013. Nous avons ainsi travaillé plus de six mois pour analyser, dans le contexte post-Snowden, le nouveau rôle et la nouvelle stratégie que l'Union européenne pourrait avoir dans la gouvernance mondiale de l'Internet.

L’ Internet governance est une notion ambivalente qui recouvre aussi bien la gouvernance de l’Internet, entendue comme la gestion technique de ce réseau de réseaux, que la gouvernance sur l’Internet, à savoir les moyens de faire respecter certaines règles en ligne, malgré le caractère transnational du réseau. Lors du sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui s’est tenu sous l’égide des Nations unies en 2005, la gouvernance de l’Internet a été définie comme « l’élaboration et l’application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leur rôle respectif, de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et programmes communs, propres à modeler l’évolution et l’utilisation de l’Internet, évolution dans le sens technologique, utilisation au sens des pratiques». Cette définition reflète l’ambivalence de l’Internet dont le fonctionnement repose sur une imbrication de normes issues de la technique comme de la loi, sans organisme de tutelle centralisé. Quel ordonnancement peut-on y donner, dans quelles instances, avec quels instruments ? Comment concilier liberté de navigation et lutte contre la cybercriminalité, protection de la vie privée, encadrement de la marchandisation des données personnelles, protection de la diversité culturelle et de la propriété intellectuelle, protection de l’ordre public et de la sécurité des États ? Comment prévenir le risque d’une fragmentation de l’Internet en blocs régionaux voire nationaux ? Car, si l’Internet bouleverse les souverainetés, c’est aussi cela – le fait qu’il soit un espace partagé – qui fait sa richesse.

Au terme de nos travaux, il nous apparaît, dans un premier temps, que la gouvernance de l’Internet est devenue un nouveau terrain d’affrontement mondial. L’affaire Snowden a fait tomber le mythe originel de l’Internet et révélé sa nature hybride, puisqu’il est aussi un instrument de puissance et le support d’un monde d’hypersurveillance et de vulnérabilité. Le soupçon qui en résulte frappe le système de gouvernance de l’Internet. Notre mission a tenté de décrypter ce système de gouvernance, ce qui constitue une contribution inédite et importante pour le débat public. Elle a constaté que cette gouvernance était encore sous domination américaine, mais que le statu quo était devenu impossible. Une opportunité historique s’offre à l’Europe de garantir un avenir de l’Internet conforme à ses valeurs. Nous avançons 62 propositions pour tenter de saisir cette chance. Elles concernent à la fois le niveau national et européen, et ne sont pas toutes du même ordre, certaines pouvant se traduire dans la loi, d’autres en résolutions, d’autres encore n’étant que de simples recommandations.

Porté par le monde de la recherche avant d’être accaparé par les intérêts militaires et commerciaux américains, l’Internet s’est d’emblée caractérisé par ses dimensions d’horizontalité et d’ouverture. Il est ainsi devenu un instrument technologique accessible par et pour tous. Grâce à l’architecture décentralisée de ce réseau de réseaux, tout utilisateur peut développer des innovations susceptibles de rencontrer un succès mondial. Cela promet des progrès immenses en matière de santé, d’énergie, d’éducation, de transport... Innovation de rupture, l’Internet révolutionne les modèles économiques, mais aussi les relations humaines et la relation de l’être au monde.

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Au-delà de ce mythe originel, l’Internet est un prolongement de la puissance par le droit et l’économie. Avant la généralisation du web, au début des années 90, les États-Unis ont pris des dispositions législatives et fiscales pour acquérir le leadership sur cette technologie. Si bien que, sur les 50 premières entreprises de médias numériques, 36 sont américaines. Dans les années 2000, la Chine a bâti un écosystème d’entreprises numériques importantes, la Russie a suivi. Faute de volonté politique, l’Europe vit sous la domination commerciale des acteurs américains du net. Or, cette domination commerciale est le socle d’une domination juridique : de nombreux noms de domaine ressortent des juridictions américaines, tout comme un certain nombre de litiges relatifs aux conditions générales d’utilisation des plus grandes plateformes. L’Internet évolue également vers une hypercentralisation au profit de grands acteurs privés ; se constituent ainsi des silos verticaux, par exemple dans le mobile, où le terminal, le système d’exploitation et les applications sont vendus d’un seul bloc. Ces grands acteurs défient les États : ils sapent les moyens de l’action publique par l’optimisation fiscale, ils rivalisent avec leurs services publics, ils menacent leurs modèles économique et culturel, ils frappent même monnaie virtuelle – tel le Bitcoin.

L’Europe se trouve largement distancée dans cette redistribution des pouvoirs. Sa place est même en recul : seuls 8 groupes européens figurent dans les 100 premiers groupes high-tech mondiaux, contre 12 il y a deux ans. Quoique dotée d’opérateurs télécoms solides, l’Europe se trouve dépourvue d’acteurs de premier plan aux deux bouts de la chaîne de valeur numérique : les équipementiers d’une part, les fournisseurs de contenus et d’applications, également appelés over the top (OTT), de l’autre. Elle est ainsi menacée de ne plus avoir accès au savoir et à la connaissance que par la médiation d’acteurs non européens.

L’évolution des technologies et des mentalités a transformé la promesse de liberté que constituait l’Internet, en un fantastique outil de surveillance. En facilitant le stockage et le traitement, le big data a incité à une collecte exponentielle de données, notamment personnelles, qui peuvent être exploitées aussi bien par les géants du net que par les services de renseignement. Le système par défaut est devenu la collecte généralisée de données : que devient la présomption d’innocence ? Parallèlement, la dépendance croissante de nos sociétés à l’Internet est devenue facteur de vulnérabilité. Le réseau est le théâtre de véritables attaques qui peuvent provenir d’États, d’organisations ou simplement d’individus : espionnage économique, déstabilisation, sabotage d’infrastructures critiques… Le hacking est une arme et les vulnérabilités informatiques font l’objet d’un marché.

A la veille de l’affaire Snowden, Madeleine Albright confiait à François Delattre, ambassadeur de France à Washington, que la gouvernance de l’Internet était une priorité de la diplomatie américaine. C’est dire combien cette gouvernance constitue un enjeu géopolitique mondial. Aucune autorité centrale ne gouverne l’Internet aujourd’hui. En revanche, une pléthore d’enceintes participe à une forme d’autorégulation du réseau : l’ICANN, organisme de droit californien, mais aussi l’IETF qui s’occupe des standards et de la spécification des protocoles, l’ISOC, le W3C, etc. Si ce système informel a fait la preuve de son efficacité, il est parvenu au terme de l’exploitation qu’on peut en faire.

Cette gouvernance de l’Internet est américaine, de fait. Les géants américains de l’Internet ont naturellement intérêt à être présents dans ces diverses enceintes, qui sont souvent liées aux universités américaines. Aussi, 10 des 13 serveurs racine sont aux États-Unis. Surtout, l’ICANN gère le fichier racine du système des noms de domaine - forme d’annuaire central de l’Internet - en collaboration avec la société américaine VeriSign, sous la supervision du Département du commerce américain, qui doit valider tout changement au fichier. La gestion des noms de domaine, et notamment la création de nouvelles extensions

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génériques, a d’importantes conséquences économiques, voire politiques, comme en témoigne le cas du «.vin » et du « .wine ». En proie aux conflits d’intérêt, l’ICANN fonctionne de manière trop opaque. Elle n’offre pas de droit de recours satisfaisant et ne rend compte qu’au gouvernement américain. Les États ne sont représentés à son conseil d’administration que par une voix consultative, celle du Governmental Advisory Committee. Depuis la création de l’ICANN en 1998, le gouvernement des États-Unis a donc joué le rôle de pourvoyeur de confiance ou de garant du système.

Cette domination américaine sur la gouvernance de l’Internet a été de plus en plus contestée. En 2005, le sommet mondial de la société de l’information, sous les auspices de l’ONU, s’est conclu par l’Agenda de Tunis, qui appelle à la coopération renforcée de tous les acteurs - États, secteur privé, société civile- dans la gouvernance de l’Internet. C’est dans cette perspective qu’a été fondé l’Internet governance forum (IGF), un forum multi-parties prenantes – multistakeholder dans le jargon américain-, qui est onusien mais pas interétatique. Doté d’un rôle consultatif, ce forum affiche un bilan médiocre et se trouve concurrencé par une multitude d’événements traitant de la gouvernance de l’Internet. C’est finalement à l’occasion de la conférence organisée par l’Union internationale des télécoms, à Dubaï, en décembre 2012, que l’opposition s’est cristallisée entre les tenants d’une reprise en main étatique de la gouvernance de l’Internet, et ceux d’une gouvernance multi-acteurs. Dans ce contexte, la parole européenne reste peu audible. Elle souffre d’être seulement portée par la direction générale compétente de la Commission européenne - la DG Connect - sans être assumée par le Conseil européen. Naturellement, tous ceux qui interrogent le statu quo sont présentés par les États-Unis comme des ennemis de la liberté. L’Union européenne, espace de liberté, n’est-elle pas attendue pour explorer une troisième voie, celle de la gouvernance d’un Internet bâti sur des valeurs démocratiques mais reconnaissant le rôle légitime des États ?

À partir de juin 2013, les révélations d’Edward Snowden dévoilent la surveillance de masse exercée en ligne et attestent que les États-Unis ont volontairement affaibli la sécurité sur le net. La confiance dans l’Internet est ébranlée. Les géants du net, qui ont contribué à faire élire Obama, se retournent contre leur gouvernement, car leurs résultats s’en ressentent. Pour Éric Schmidt, le PDG de Google, Snowden est « un traître sur la côte Est, un héros sur la côte Ouest ». À Montevideo, en octobre 2013, les enceintes de gouvernance de l’Internet appellent à une mondialisation de la supervision du fichier racine de l’Internet. Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, convoque une conférence mondiale sur la gouvernance de l’Internet pour avril 2014. En novembre 2013, le Brésil et l’Allemagne font adopter à l’ONU une résolution réaffirmant le droit à la vie privée à l’ère numérique. Les États-Unis, garants de la liberté en ligne, ont perdu leur magistère moral sur l’Internet.

Cette ère de soupçon à l’égard des États-Unis vient accélérer une tendance à la fragmentation de l’Internet, qui est déjà à l’œuvre par stratégie souveraine, surtout dans les États autoritaires, ou par stratégie commerciale des grands acteurs qui évoluent vers des silos. Un Internet fracturé donnerait des moyens de censure supplémentaires à ceux qui contrôleront ces blocs fermés : comment rétablir la confiance des internautes et la sécurité en ligne tout en maintenant l’unicité du réseau ? Le président Obama, dans son discours de janvier 2014 sur l’état de l’Union, n’a pas su répondre. La chancelière allemande a appelé en février 2014 à un Internet européen. Un mois plus tard, le Parlement européen a adopté un rapport très offensif en réaction aux pratiques de surveillance en ligne. C’est finalement le 14 mars, avant la conférence NETmundial au Brésil, que l’administration américaine a fait un pas significatif, en annonçant son intention de lâcher du lest sur la supervision du fichier racine du système des noms de domaine. La conférence NETmundial a rassemblé tous les acteurs les 23 et 24 avril à São Paulo. Elle représente une avancée décisive, en consacrant certains principes et

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valeurs fondamentaux pour l’Internet et sa gouvernance. Elle condamne la surveillance en ligne, sans renoncer à l’unicité et l’ouverture de l’Internet. Mais le rôle des États doit encore être précisé ; la réforme de la gouvernance de l’Internet reste à faire, à commencer par celle de l’ICANN.

Pour garantir un avenir de l’Internet conforme à ses valeurs l’Union européenne devra se poser en médiateur. Elle ne sera crédible dans ce rôle que si elle reprend en main son propre destin numérique. L’Internet est un bien commun, d’un genre inédit, ni public, ni privé. Pour que cette ressource profite à tous, sa gouvernance ne devrait pas être complètement privatisée. Elle doit reposer sur un dialogue entre technique et politique, car l’architecture de l’Internet est en fait politique. Il serait bon que les États membres de l’Union Européenne s’entendent sur un traité international consacrant les principes fondateurs du NETmundial. Ce traité serait ouvert à la signature de tous les États, et pourrait être soumis à une forme de ratification en ligne par les internautes. Sur cette base, nous pourrions faire émerger un réseau d’enceintes pour une gouvernance de l’Internet distribuée et transparente. Il conviendrait aussi de transformer le Forum pour la Gouvernance de l’Internet en Conseil mondial de l’Internet, doté d’un financement propre, et en charge de contrôler la conformité des décisions des enceintes de gouvernance aux principes dégagés au NETmundial. Toutes les enceintes devraient rendre des comptes devant ce Conseil, selon le principe de l’ accountability.

Quant à l’ICANN, elle doit être refondée pour restaurer la confiance. Il s’agirait d’en faire une WICANN (World ICANN), qui serait de droit international ou, de préférence, de droit suisse, sur le modèle du Comité international de la Croix Rouge. Serait mise en place une supervision internationale du fichier racine des noms de domaine en substitution de la supervision américaine. Elle serait assurée par un comité, au sein du Conseil mondial de l’Internet. La WICANN devra également être responsable devant ce Conseil ou, à défaut, devant une assemblée générale interne, qui aurait le pouvoir d’approuver les nominations au conseil d’administration de la WICANN et d’approuver ses comptes. Les États pourraient conserver un rôle consultatif au sein de la WICANN, à condition que soit mis en place un mécanisme de recours indépendant et accessible, permettant la révision d’une décision de la WICANN, voire sa réparation. Une séparation devrait être établie pour distinguer ceux qui élaborent les politiques relatives aux noms de domaine, de ceux qui les attribuent individuellement. Des critères d’indépendance seront à définir pour l’essentiel des membres du board de la WICANN, afin de réduire les possibilités de conflits d’intérêts. Avant tout, nous devrons exiger que le groupe directeur prévu par l’ICANN pour organiser la transition soit composé de membres désignés selon des modalités transparentes et démocratiques. Il devra inclure des représentants de tous les gouvernements et de la communauté académique.

La régulation des acteurs qui font partie de l’écosystème européen du numérique doit se faire offensive pour améliorer la répartition de la valeur au bénéfice des acteurs européens. Le principe de neutralité du net devrait s’appliquer non seulement aux réseaux mais aussi aux services. Parallèlement, la fiscalité européenne doit évoluer pour faire contribuer les fournisseurs de services en ligne aux charges publiques des États européens. Enfin, nous devons inventer de nouvelles modalités pour faire vivre la culture européenne sur l’Internet ; un premier pas serait déjà d’aligner les taux de TVA des biens et services culturels numériques et physiques.

L’Union européenne doit par ailleurs se doter d’un régime exigeant et réaliste de protection des données, à l’ère du cloud et du big data. Nous rentrons des États-Unis avec la conviction que l’approche européenne, qui est assise sur l’affirmation d’un droit fondamental

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à la protection des données personnelles, est valide. Elle peut donner un avantage comparatif à notre industrie, incitée à être plus innovante. Notre régime de protection des données doit être modernisé, notamment par l’adoption rapide de la proposition de règlement européen en cours de négociation. Cela implique aussi d’instaurer un régime de responsabilité pour les responsables de traitement de données. Cette approche européenne doit être promue à l’international. La renégociation du Safe Harbor y contribuera, ce système par lequel les entreprises américaines s’auto-certifient pour assurer leur conformité aux règles européennes de protection des données. Cette négociation devra rester distincte de celle du traité transatlantique, afin que la question fondamentale des données personnelles ne soit pas utilisée comme une monnaie d’échange.

L’Union européenne doit également catalyser son industrie numérique autour d’une ambition affichée. Cela implique de faciliter l’accès au financement des entreprises européennes ; cela appelle aussi à développer des clusters européens du numérique. En matière commerciale, il importe de rendre plus équitables les règles du jeu international au bénéfice des entreprises européennes du numérique. L’Union européenne doit aussi défendre ses valeurs dans la négociation du traité transatlantique : promouvoir son système d’indications géographiques mais aussi veiller à assortir toute libéralisation transatlantique de la circulation des données, d’exceptions au titre de la protection de la vie privée et de la sécurité publique.

Cette ambition industrielle doit permettre à l’Union européenne d’exploiter ses propres données au service du bien commun : le big data doit être promu comme un véritable enjeu industriel. Le développement de l’open data doit être poursuivi, tout en respectant les principes d’anonymat et de non-discrimination. La France et l’Allemagne doivent prendre l’initiative de deux projets industriels concrets et stratégiques pour notre avenir numérique: un système d’exploitation pour mobiles européen et un service de cloud européen sécurisé mais ouvert. Ce cloud se distinguerait par sa fiabilité et sa transparence attestées par un label. Le potentiel européen en matière de sécurité doit par ailleurs être exploité, grâce au développement des compétences en matière de chiffrement. Les extensions en «.fr» et « .eu », qui ressortent des juridictions française et européenne, doivent être promues au titre de la sécurité juridique. Enfin, comme le préconise Louis Pouzin, l’Europe doit préparer sa place dans l’Internet de demain, notamment en étant plus présente dans les grandes instances internationales de standardisation de l’Internet.

L’Union européenne doit promouvoir une appropriation citoyenne de l’Internet. L’Éducation nationale a un rôle à jouer en garantissant la place du numérique au cœur du socle commun des compétences et en formant progressivement l’ensemble des professeurs en fonction. Il faut également renforcer l’encadrement légal des activités de renseignement et en améliorer le contrôle politique : la loi doit étendre le contrôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). À partir de la CNCIS, une nouvelle autorité administrative indépendante – la Commission de contrôle des activités du renseignement – pourrait même être créée, pour autoriser la mise en œuvre des moyens de collecte d’informations, après examen de leur légalité et de leur proportionnalité. Les pouvoirs d’investigation de la Délégation parlementaire au renseignement devraient aussi être renforcés. Enfin, un cadre européen de contrôle des échanges d’informations entre services de renseignement devrait être établi.

En outre, la gouvernance des questions numériques doit être mieux structurée en France et en Europe: au sein du Conseil de l’Union européenne, grâce à une formation dédiée au numérique pour dépasser les cloisonnements administratifs; au sein du Parlement

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européen, grâce à des commissions spéciales pour examiner les textes relatifs à l’Internet ; en France, grâce à la création d’un comité interministériel du numérique auprès du Premier ministre et grâce à la création d’une commission du numérique au Sénat, dont les membres seraient également membres d’une commission permanente législative, comme le sont les membres de la commission des affaires européennes.

De surcroît, le modèle européen de l’Internet doit être promu par une véritable diplomatie numérique s’appuyant sur une doctrine claire et dotée de moyens. C’est précisément le mouvement inverse que je constate : j’ai appris que le Quai d’Orsay venait de décider d’alléger les maigres moyens consacrés à ce sujet. Nous devons dénoncer cet affaiblissement, d’autant que l’action diplomatique que j’appelle de mes vœux devrait s’accompagner d’une politique industrielle européenne ambitieuse et cohérente. Pour promouvoir à travers le monde le respect des valeurs européennes en ligne, cette action diplomatique devrait aussi mettre à profit les instruments préexistants - comme la politique européenne de voisinage, la francophonie, et la Convention 108 du Conseil de l’Europe sur la protection des données personnelles.

La question essentielle que soulève l’avènement de l’ère numérique est celle de l’ambition européenne. Les données sont la ressource de demain, et sont donc au cœur de la stratégie de tous les grands pays du monde qui se projettent comme puissance : est-ce le cas de l’Union européenne? Les prochains mois vont voir se succéder d’importantes réunions internationales, dans le cadre de l’IUT, de l’ICANN ou de l’IGF ; ils seront cruciaux. Le dixième anniversaire du SMSI, que je recommande de célébrer l’an prochain sur le sol européen, peut offrir l’occasion de témoigner en acte de l’implication de l’Europe dans la gouvernance de l’Internet. L’Internet appelle à repenser les relations entre le droit et la technique. Il invite aussi à repenser la souveraineté sous une forme dynamique, non pas autour d’un territoire mais autour de communautés de valeurs.

M. Gaëtan Gorce, président. – Merci pour cet exposé très complet.

Mme Françoise Laborde. – Nous avons évoqué Mme Lemaire, n’oublions pas Mme Fioraso ! Qu’en est-il de l’écart entre l’Europe et les États-Unis en matière d’enseignement supérieur ? Le président Obama a changé beaucoup de choses, notamment dans l’enseignement. En France et en Europe, nous sommes beaucoup plus frileux. J’ai par ailleurs participé à la journée d’information sur le renseignement français qui a été organisée récemment. J’en retiens que la plus grande vigilance s’impose contre l’espionnage économique, les attaques sur Internet… Je me réjouis donc que ce rapport présente des propositions ambitieuses !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – Formons-nous assez d’ingénieurs ? Un passage du rapport est consacré à cette question. Toutes les activités humaines sont désormais concernées par le numérique. Un réel effort de formation d’ingénieurs-programmateurs reste à faire. Il convient aussi de sensibiliser les citoyens dès leur plus jeune âge, à la fois pour protéger leurs données personnelles et pour leur donner des connaissances techniques.

Quel est le degré de prise de conscience en Europe ? Nous voulions enquêter dans les 28 États-membres. Finalement, nous nous sommes concentrés sur neuf pays, pour des raisons budgétaires. Un premier groupe de pays est très aligné sur les États-Unis : Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas et Estonie. L’Italie semble encore peu mobilisée sur ce sujet. Quant à l’Allemagne, sa position n’est pas très claire, nous l’avons bien vu lors de notre rencontre

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avec le représentant du ministre des affaires étrangères. La Belgique, l’Espagne et la Pologne sont de plus en plus préoccupés par ces questions. Mais aucun État membre n’a pris d’initiative politique sur le rôle de l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet. J’ai participé récemment à Athènes à la Conférence des représentants des commissions des affaires européennes des parlements de l’Union européenne : j’ai bien vu que ces thèmes ne suscitaient que peu de réactions, sauf chez les Allemands, les Lituaniens et les Estoniens.

M. Jean Bizet. – Je commence par saluer la qualité de ce rapport d’information, qui fera date. Il ne pouvait en être autrement, étant donné la qualité de la rapporteure et celle du président ! Ces dossiers techniques réclamaient un travail de longue haleine.

Si la France est souvent en avance dans la recherche fondamentale, les applications sont développées par d’autres. Nous avons inventé le Minitel, et Bill Gates en a tiré parti. Il en a été de même des biotechnologies végétales… Le numérique pénètre tous les aspects de l’économie, il est à la source de nombreux gains de productivité et de compétitivité. La mainmise des États-Unis sur la sphère de l’Internet est donc inquiétante. L’Europe doit réagir, cela devra être une des priorités de la nouvelle Commission européenne. L’amende infligée à BNP Paribas montre bien qu’une loi américaine peut devenir mondiale. Veillons à ce qu’un Internet mondial ne devienne pas américain !

L’importance de la protection des données ne saurait être sous-estimée : sans elle, la méfiance qu’inspirera l’Internet empêchera que son formidable potentiel de diffusion de la connaissance et de création de lien social ne soit exploité. L’Europe est consciente de cet enjeu, comme en témoignent plusieurs rapports publiés récemment par la Commission européenne – même si nous avons tendance à être un peu naïfs face à l’espionnage industriel.

Ce rapport comporte nombre de recommandations intéressantes. Je soutiens en particulier celle qui préconise la création au Sénat d’une commission du numérique, si nécessaire en regroupant la commission des affaires économiques et celle du développement durable. Le Sénat a une culture d’avenir ! La prochaine Commission européenne devra prendre rapidement la dimension de ces questions.

Bref, ce rapport arrive à point nommé. Je n’ai qu’un regret : n’avoir pu participer à toutes les étapes de son élaboration.

M. Philippe Leroy. – Je n’ai pas été assidu, mais je lirai attentivement ce rapport fondateur. Etant plutôt un spécialiste des tuyaux, j’estime que les considérations techniques sont indissociables des réflexions sur l’éthique, la gouvernance ou la protection économique : sur Internet, la porosité des tuyaux rend presque impossible le contrôle des données qui y circulent. Lorsqu’il s’agit d’électricité ou d’eau, les techniciens savent régler ce genre de problème. Dans les centres de données, des centaines de personnes surveillent en permanence les variations de débit pour empêcher tout piratage. Des milliards de données bancaires circulent à travers le monde : il importe de veiller à ce que des pirates ne puissent pas s’en emparer. Il est en effet très simple, et très bon marché, de détourner un flux électronique au moyen d’une simple sonde. C’est aussi sans danger, contrairement au piratage de l’électricité ou de l’eau. Inutile de créer une police si l’on ne règle pas ce problème, face auquel même les Américains sont démunis… Il faudra en tous cas, si une commission du numérique est créée, lui adjoindre des spécialistes de la transmission de données.

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Une gouvernance européenne est nécessaire. Les opérateurs n’y sont pas tous favorables, et ils sont nombreux : plusieurs milliers d’acteurs se sont taillé des parts de marché dans ce nouvel écosystème, qui ne sont guère demandeurs de régulation… Les propos de M. Montebourg sur la nécessité de réduire le nombre des opérateurs révèlent bien la grande fragmentation de cette économie, où prospèrent encore, comme dans une sorte de Far West, de nombreux aventuriers. Mme Lemaire m’a semblé très favorable à l’idée que la France a un message à porter à l’Europe et au monde dans ce domaine, où son action pourrait être plus décisive que pour le développement du numérique en France.

M. Gaëtan Gorce, président. – Je vous propose d’adopter le rapport sous le titre suivant : « L’Europe au secours de l’Internet : démocratiser la gouvernance de l’Internet en s’appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne. »

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – « L’Europe au secours de l’Internet » est un impératif qui nous est apparu aux États-Unis…

La mission adopte le rapport d’information ainsi intitulé.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. – J’ai souhaité travailler sur ces questions car, face à un monde en transformation, le rôle des responsables politiques est de poser les questions pertinentes. La science est-elle source de progrès et de développement ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »… Les valeurs européennes, inspirées de la Charte des droits de l’Homme, nous imposent de soulever cette question, sans arrogance, afin d’entretenir une confiance raisonnable en les promesses de l’Internet.

M. Gaëtan Gorce, président. – Merci à tous.

La réunion est levée à 17 h 25.

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PROGRAMME DE TRAVAIL POUR LA SEMAINE DU 14 JUILLET ET A VENIR

Commission des affaires économiques

Mardi 15 juillet 2014

à 17 heures

Salle n° 263

Audition de M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Mercredi 16 juillet 2014

à 9 h 30

Salle n° 263

– Examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi n° 718 (2013–2014), adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, rapporteurs) (deuxième lecture)

Délai limite pour le dépôt des amendements de commission (Ameli commission) : Mardi 15 juillet, à 14 heures

– Désignation des candidats appelés à faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (sous réserve de sa convocation par le Premier ministre)

Vendredi 18 juillet 2014

à 9 h 30

Salle n° 263

– Examen des amendements sur le texte adopté par la commission sur le projet de loi n° 718 (2013–2014) d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, rapporteurs) (deuxième lecture)

à la suspension de la mi-journée

Salle n° 263

- Suite de l’examen des amendements sur le texte adopté par la commission sur le projet de loi n° 718 (2013–2014) d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, rapporteurs) (deuxième lecture)

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Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mardi 15 juillet 2014

à 14 h 30

Salle RD204

- Examen du rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet, Christian Cambon, André Dulait et Jean-Claude Requier, co-rapporteurs du groupe de travail « La France face à l'émergence de l'Asie du Sud-Est ».

Commission des affaires sociales

Mercredi 16 juillet 2014

à 9 h 30

Salle n° 213

- Audition de M. Thierry Breton candidat pressenti pour le poste de directeur général de l’Institut national du cancer (en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique).

- Examen des amendements sur le projet de loi n° 689 (2013-2014) de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale. (M. Yves Daudigny, rapporteur général).

Commission de la culture, de l’éducation et de la communication

Mercredi 16 juillet 2014

à 10 heures

Salle Clemenceau

Ouverte au public et à la presse – Captation vidéo

Table ronde sur la jeunesse, avec la participation de :

- M. Jean-Benoît Dujol, délégué interministériel à la jeunesse ;

- Mme Yaelle Amsellem-Mainguy, chargée d’études et de recherches à l’Institut national de la jeunesse et des politiques de la jeunesse (INJEP) ;

- Mme Delphine Bergère-Ducote, adjointe au chef de bureau des méthodes et de l’action éducative du ministère de la Justice ;

- M. Sylla Kalilou, membre du conseil national de la vie lycéenne, élu de l’académie de Créteil.

à l’issue de la table ronde

Salle Clemenceau

- Examen du rapport de M. Jean-Jacques Lozach et élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 677 (2013-2014) habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant

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du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage (Procédure accélérée)

Délai limite pour le dépôt des amendements de commission (Ameli commission) : Mardi 15 juillet, à 12 heures

Commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire

Mardi 15 juillet 2014

à 14 h 30

Salle n° 67

- Examen, en commun avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, du rapport d’information sur l’application de la loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies Navigables de France (MM. Francis Grignon et Yves Rome, rapporteurs).

à 16 h 30

Salle Clemenceau

Ouverte au public et à la presse – Captation vidéo

- Audition de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires.

Mercredi 16 juillet 2014

à 15 heures

Salle n° 67

– Examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° AN 2046 (XIVe lég.) relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur (sous réserve de son adoption et de sa transmission)(M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur)

Délai limite pour le dépôt des amendements de commission (Ameli commission) : Mardi 15 juillet, à 12 heures

à 16 h 30

Ouverte au public et à la presse

– Audition de M. Pierre Mongin, candidat proposé aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;

– Vote sur la proposition de nomination du président directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP)

En application de l’article 3 de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les délégations de vote ne

sont pas autorisées.

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Commission des finances

Mardi 15 juillet 2014

à 14 h 15

Salle n° 131

Éventuellement, examen des amendements sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013

Mercredi 16 juillet 2014

à 9 h 30

Salle n° 131

- Examen en nouvelle lecture du rapport de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, sous réserve de sa transmission

- Examen en deuxième lecture du rapport de M. Jean Germain, rapporteur, et élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 2093 (AN – XIVème législature) relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public

Délai limite pour le dépôt des amendements de commission (Ameli commission) : Mardi 15 juillet, à 12 heures

- Contrôle budgétaire – communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur le musée national du sport

- Contrôle budgétaire – communication de M. Yvon Collin, rapporteur spécial, sur le contrôle de la politique d’aide publique au développement de la France au Vietnam

Jeudi 17 juillet 2014

à 10 h 30

Salle n° 131

- Examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure, sur le projet de loi n° 706 (2013-2014) autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA »)

- Contrôle budgétaire – communication de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur l’avenir des préfectures

à 14 h 30

Salle n° 131

- Éventuellement, examen des amendements au texte de la commission sur le projet de loi n° 2093 (AN – XIVème législature) relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (deuxième lecture)

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Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale

Mercredi 16 juillet 2014

à 9 h 30

Salle n° 216

- Examen du rapport de Mme Isabelle Lajoux et du texte proposé par la commission sur les propositions de loi n° 2031 et 2032 (A.N., XIVème lég.) relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (sous réserve de leur adoption et de leur transmission par l’Assemblée nationale)

Délai limite pour le dépôt des amendements de commission (Ameli commission) : Mardi 15 juillet, à 12 heures

- Nomination d’un rapporteur et examen du rapport pour avis sur la proposition de résolution n° 578 (2013-2014) présentée par Mme Nathalie Goulet et M. François Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC, tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe ;

- Examen du rapport d’information de MM. Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli sur les « Partenariats public-privé ».

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire

Mercredi 16 juillet 2014

à 14 h 30

Salle 6241 – Assemblée nationale

- Nomination du Bureau.

- Nomination des Rapporteurs.

- Examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

Eventuelles commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF

Mercredi 16 juillet 2014

à 10 heures

Salle 67 – Palais du Luxembourg

- Nomination du Bureau.

- Nomination des Rapporteurs.

- Examen des dispositions du projet de loi et de la proposition de loi organique restant en discussion.

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Commission des affaires européennes

Mardi 15 juillet 2014

à 15 heures

Salle A120

Point d’actualité de M. Jean Bizet sur les questions agricoles :

– labellisation et étiquetage des produits biologiques ;

– clonage animal à des fins alimentaires ;

– état des contentieux sur l’application de la directive « nitrates ».

Commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois

Mardi 15 juillet 2014

à 14 h 30

Salle n° 67

- Examen du rapport d’information de MM. Yves Rome et Francis Grignon, sur la mise en application des dispositions de la loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France – En commun avec la commission du développement durable

- Examen du rapport d’information de MM. Marcel-Pierre Cléach et Jean-Claude Peyronnet, sur la mise en œuvre de la loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure

Mission commune d’information relative à la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises

Mardi 15 juillet 2014

à 11 h 30

Salle n° 213

- Examen du projet de rapport de la mission commune d’information présenté par Mme Michelle Demessine, rapporteure.

Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Jeudi 17 juillet 2014

à 8 h 30

Salle CA 008

- Examen du rapport d’activité 2013-2014 de la Délégation aux droits des femmes.