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COMMERCE, PROPRIETE INTELLECTUELLE ET DEVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE Documents présentés au Dialogue régional de Dakar, organisé les 30 & 31 juillet 2002, par ICTSD, ENDA Tiers Monde et Solagral Sous la direction de: Ricardo Meléndez-Ortiz Christophe Bellmann Anne Chetaille Taoufik Ben Abdallah Coordination de projet: El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane DIEYE Edition et mise en page: Alice Chardonnens

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COMMERCE, PROPRIETE INTELLECTUELLE ET DEVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE

Documents présentés au Dialogue régional de Dakar, organisé les 30 & 31 juillet 2002, par ICTSD, ENDA Tiers Monde et Solagral

Sous la direction de: Ricardo Meléndez-Ortiz

Christophe Bellmann Anne Chetaille Taoufik Ben Abdallah

Coordination de projet: El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane DIEYE

Edition et mise en page:

Alice Chardonnens

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ICTSD, ENDA, Solagral, 2002. Les points de vue exprimés dans cette publication sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux d’ICTSD, d’ENDA ou de Solagral. Imprimé par SADAG Imprimerie, 13 avenue de Verdun, F - Bellegarde-sur-Valserine Cedex. ICTSD Series: Intellectual Property Rights and Sustainable Development N° 3 ISSN : 1684-9825

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ICTSD, Centre International pour le Commerce et le Développement Durable ICTSD a été créé à Genève, en Suisse, en septembre 1996 pour promouvoir le développement durable comme objectif des politiques commerciales au niveau international. Dans la poursuite de cet objectif, il s’attache à promouvoir une approche participative au processus de prise de décision dans la formulation de ces politiques.

Les programmes de l’ICTSD s’efforcent de renforcer l’interaction et la coopération multilatérales entre les décideurs politiques et les acteurs impliqués dans les questions de commerce et de développement durable (gouvernements, organisations intergouvernementales, universités, instituts de recherche, think thank, organisations non gouvernementales, syndicats, secteur privé, etc.). Ils sont articulés autour de trois axes principaux :

la diffusion d’information objective ;

l’organisation de séminaires, dialogues informels, ateliers et symposium, à Genève et ailleurs dans le monde ; un soutien en matière de recherche.

L’ICTSD est une organisation non partisane et ne représente aucun intérêt particulier. Le Centre est financé grâce à des contributions venant de gouvernants, d’agences inter-gouvernementales, d’organisations non gouvernementales et de fondations privées. ICTSD publie notamment « PASSERELLES entre le Commerce et le Développement Durable », « BRIDGES between Trade and Sustainable Development », « BRIDGES Weekly Trade New Digest » et « PUENTES Entre el Comercio y el Desarrollo Sostenible ».

Site Internet : www.ictsd.org Solagral Solagral est une organisation non-gouvernementale française créée en 1980, agissant pour davantage de solidarité dans les régulations internationales en matière d'agriculture, d'environnement et de développement.

Ses principaux domaines d’intervention sont :

agriculture : politiques agricoles au Nord et au Sud, échanges, négociations ; sécurité alimentaire : rôle des échanges internationaux, accès à l’alimentation ; commerce : OMC, intégrations régionales, clause sociale ; environnement : biodiversité, droits de propriété intellectuelle, biosécurité, climat ; coopération : Union européenne/ACP, institutions financières internationales.

Site Internet : www.solagral.org

Environnement et Développement du Tiers Monde (Enda-Tiers Monde) Enda, fondée en 1972 à Dakar comme programme conjoint du Programme des Nations Unies pour l'Environnement, de l'Institut Africain de Développement Economique et de Planification et de l'Organisation Suédoise pour le Développement International, s'est constituée le 27 juin 1978 comme organisation internationale à caractère associatif et à but non lucratif. Enda s'investit avec les groupes de base, à partir de leurs expériences et en fonction de leurs objectifs, dans la recherche et la mise en œuvre d'un développement alternatif.

Site Internet : www.enda.sn

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Avant-Propos

LE CONTEXTE INTERNATIONAL Au lendemain de la Conférence ministérielle de Doha, la mise en œuvre et l’examen de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) restent parmi les questions les plus controversées à l’Organisatin mondiale du commerce (OMC). Les défenseurs de l’Accord soutiennent que le niveau de protection minimum qu’il confère encourage l’innovation, la recherche, le transfert de technologie et l’investissement direct. Pour les pays en développement pourtant, ce régime unifrome calqué sur le modèle des pays industrialisés, s’avère inadapté aux systèmes d’innovation, aux structures de production et plus généralement au niveau de développement industriel de la majorité des pays du Sud qui devront en assumer les coûts avant d’en voir les bénéfices. En assurant une protection élevé des droits de propriété intellectuelle (DPI), les ADPIC renchérissent l’accès aux technologies et limite la marge de manoeuvre des pays en développement de mettre en place certaines politique d’industrialisation, et notamment la possibilité de copier les inventions technologique, comme l’ont fait avant eux de nombreux pays industrialisé et en développement. Du point de vue du développement durable, l’Accord soulève également de nombreuses préocupations, que ce soit en matière de sécurité alimentaire, d’accès aux médicamments, de brevetage du vivant, d’éducation, d’accès aux ressources génétiques et de protection des savoirs traditionels. Ces questions, laissées pour la plupart en suspens, seront discutées intensivement dans le cadre du large cycle de négociations lancé à Doha qui devrait s’achever en 2005. A mesure que ces négociations avancent, un renforcement des positions des pays africains exigera une parfaite compréhension de l’interface entre droits de propriété intellectuelle (DPI) et développement durable ainsi que des stratégies claires, soutenues par des propositions concrètes. Si depuis Seattle leur participation s’est considérablement intensifiée et organisée, les pays africains souffrent encore d’un manque d’analyses empiriques établissant clairement l’impact des DPI sur le développement durable. En outre, ils ne disposent pas de capacités suffisantes pour appréhender la diversité des intérêts et la complexité des problèmes liés aux DPI, qui ne sont abordés que partiellement - et parfois de manière contradictoire - dans les différents instruments internationaux tels que l’Accord sur les ADPIC, la Convention sur la Biodiversité (CDB), la Convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), le Traité international de la FAO sur l’accès aux ressources phytogénétiques, l’Accord de Bangui révisé ou la Loi-modèle de l’OUA.

LE CONCEPT Cet ouvrage est une contribution à la recherche d’un équilibre entre les intérêts privés des innovateurs et investisseurs à qui les DPI confèrent un droit de monopole limité dans le temps sur la commercialisation de leur invention et, d’autre part, les intérêts des consommateurs et de la société au sens large. Si les questions de propriété intellectuelle ont déjà fait couler beaucoup d’encre, en particulier lors de la Conférence ministérielle de l’OMC à Doha, la plupart de la littérature provient encore d’auteurs des pays industrialisés et, le plus souvent anglo-saxons. Le présent ouvrage s’efforce d’aborder cette problématique sous un angle africain. Ici, les auteurs sont fonctionnaires gouvernementaux, négociateurs à l’OMC,

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universitaires ou acteurs de la société civile. Ils apportent tous une perspective et une expertise qui leur est propre et qui reflète la diversité du débat en Afrique de l’Ouest et du Centre. Ainsi, au-delà de la qualité des textes, c’est la richesse des analyses et des points de vues rassemblés dans cet ouvrage qu’il convient de relever. Tous les articles présentés ci-après ont été commandités par l’ICTSD à l’occasion du Dialogue Régional sur le Commerce, la Propriété Intellectuelle et les Ressources Biologiques en Afrique Centrale et Occidentale, tenu à Dakar les 30 et 31 juillet 2002. Ce dialogue, organisé par ICTSD, ENDA Tiers Monde, Solagral et leurs partenaires – Oxfam et le bureau des Quakers auprès des Nations unies (QUNO) – est le dernier d’une série de cinq dialogues régionaux sur cette même problématique.i Il avait pour ambition de renforcer la capacité des pays d’Afrique centrale et occidentale à faire progresser leurs propres objectifs de politiques publiques à travers la mise en œuvre ou le réexamen de l’Accord sur les ADPIC. Plus spécifiquement, le dialogue s’est efforcé de :

Favoriser l’interaction entre les négociateurs africains basés à Genève et une série d’acteurs clés au niveau de la sous-région. Il s’agissait de permettre aux négociateurs de bénéficier d’une vision globale des divers intérêts nationaux et régionaux dans les enceintes multilatérales ;

Permettre aux décideurs politiques et représentants de la société civile de mieux comprendre la dynamique des négociations multilatérales à l’OMC et en particulier le processus de réexamen des Articles 27.3(b) et 71.1 ;

Mobiliser l’expertise des pays de la sous-région pour définir le plus justement possible les stratégies envisageables en matière de DPI et de développement durable et pour renforcer la participation dans les négociations à l’OMC.

Le dialogue s’est déroulé de manière informelle. Il a rassemblé 40 à 45 acteurs clés de la sous-région comprenant à la fois des représentants gouvernementaux (ministères du commerce, de l’environnement, de l’agriculture, de la santé, bureaux de propriété intellectuelle), universitaires, ONG, associations socioprofessionnelles, et le secteur privé. Le souci de diffuser largement dans cet ouvrage les analyses et opinions formulées lors du dialogue, va au-delà d’une contribution purement académique. Il répond à la nécessité de créer, en Afrique, une masse critique d’acteurs suffisamment bien informés pour définir leurs propres intérêts en matière de développement durable et de les défendre au niveau régional et international.

i Les dialogues précédents se sont tenus en Amérique du Sud (Cusco, Pérou), en Amérique centrale (Tikal, Guatemala), en Asie (Rajendrapur, Bengladesh) et Afrique occidentale et australe (Nyeri, Kenya). Ils ont été organisés par ICTSD avec une série de partenaires locaux et en collaboration avec le bureau des Quakers auprès des Nations unies (QUNO). Les conclusions de ces dialogues ainsi que les différentes contributions viennent alimenter un processus de dialogue et d’échange de vues à Genève entre les négociateurs des pays en développement basés auprès de l’OMC. Ce processus, mis en place par QUNO il y a plusieurs années, avec le soutien d’ICTSD, offre une plate-forme informelle à ces négociateurs pour mieux comprendre les enjeux soulevés par les DPI et participer de manière informée aux négociations en cours à l’OMC.

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LA STRUCTURE DE L’OUVRAGE L’ouvrage est divisé en quatre grandes parties. La première partie replace le débat sur le commerce, la propriété intellectuelle et les ressources biologiques en Afrique dans le contexte international. Les auteurs y présentent les différents instruments internationaux pertinents et leurs interactions respectives. Ainsi sont présentés l’Accord sur les ADPIC, la Convention sur la Biodiversité, l’UPOV, le Traité international de la FAO et l’Accord de Bangui révisé. Ce premier chapitre se termine par une présentation et analyse de la Déclaration de Doha concernant l’Accord sur les ADPIC. La deuxième partie est davantage contextuelle. Elle met l’accent sur les relations entre les droits de propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments. Les auteurs y abordent les problèmes liés aux licences obligatoires et aux importations parallèles tout en prenant part au débat animé sur les relations entre la Déclaration de Doha et l’Accord de Bangui révisé. Quant à la troisième partie, Elle porte sur les droits de propriété intellectuelle, l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique. Une étude détaillée y est offerte, relative aux enjeux des DPI sur la recherche agricole et la filière des semences en Afrique, la protection des obtentions végétales dans les pays membres de l’OAPI, et le lien existant entre la sécurité alimentaire, les OGM et les DPI. Enfin, la quatrième partie s’efforce de mettre en lumière l’importance de la diversité biologique, des savoirs traditionnels et des communautés locales en Afrique en insistant sur la nécessité de leur protection. Il importe de préciser que cet ouvrage n’est pas nécessairement conçu pour être lu du début à la fin mais davantage comme une compilation d’articles que le lecteur peut aborder individuellement. Il n’y a donc pas une trame unidirectionnelle et linéaire qui conférerait à l’ensemble une suite cohérente et logique. Chaque article revendique sa part d’autonomie, son orientation particulière. Dans ce contexte, les références régulières à des questions substantielles communes à tous les auteurs ne doivent pas être perçues comme une redondance mais comme des considérations préliminaires nécessaires pour baliser la voie et éclairer l’analyse. Nous tenons à remercier chaleureusement tous les participants au dialogue de Dakar pour le temps qu’ils ont bien voulu consacrer à cette réunion ainsi que pour la qualité de leurs interventions et la richesse des discussions; le Département pour le Développement International (DFID) du Royaume Uni et l’Agence Suédoise pour le Développement International (SIDA) pour leur soutien financier ainsi que toutes les personnes à ICTSD, Solagral et ENDA Tiers Monde sans qui le dialogue de Dakar et cette publication n’auraient jamais vu le jour.

Christophe Bellmann Taoufik Ben Abdallah Anne Chetaille ICTSD ENDA Tiers Monde Solagral

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Table des Matières Introduction ...................................................................................................................... 11 Partie I : Commerce, DPI et ressources biologiques, le contexte international .......... 15 1. Anne CHETAILLE DPI, accès aux ressources génétiques et protection des variétés végétales en

Afrique centrale et occidentale ...................................................................................... 17 2. Kent C. NNADOZIE Convention sur la Biodiversité : Emergence des DPI dans le domaine de

l’accès aux ressources génétiques et du partage des avantages ................................. 57 3. Habib OULD HEMET Mise en œuvre et réexamen de l’Accord sur les ADPIC : les enjeux des

négociations post-Doha pour l’Afrique........................................................................... 69 Partie II : DPI et accès aux médicaments........................................................................ 81 4. Falou SAMB La Déclaration de Doha sur les ADPIC et les médicaments : Quelles leçons

pour le réexamen de l’Accord sur les ADPIC et le processus de négociations à Genève ?....................................................................................................................... 83

5. Rosine JOURDAIN Les DPI et la santé publique dans l’Accord de Bangui révisé : défis majeurs en santé publique pour les pays africains ........................................................................ 103

6. Amadou TANKOANO Les importations parallèles et les licences non volontaires dans le nouveau droit des brevets des Etats membres de l’OAPI ......................................................... 115

Partie III : DPI, agriculture et sécurité alimentaire en Afrique .................................... 125 7. Oumar NIANGADO Enjeux des DPI pour la recherche agricole et la filière des semences en Afrique

de l’ouest et du centre ................................................................................................ 127 8. Jeanne ZOUNDJIHEKPON L’Accord de Bangui révisé et l’annexe X relative à la protection des obtentions

végétales .................................................................................................................... 143 9. Jean-Didier ZONGO Sécurité alimentaire, organismes génétiquement modifiés et DPI ............................. 153

Partie IV : Protection de la diversité biologique et des savoirs traditionnels ........... 161 10. Abou ABASS Les systèmes sui generis : Comment concilier rémunération des innovations,

conservation de la biodiversité, maintien de l’accès aux ressources génétiques et protection des savoirs traditionnels ? ...................................................................... 163

11. J. A. EKPERE Loi-modèle de l’OUA pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et la réglementation de l’accès aux ressources biologiques ............................................................................................... 175

Conclusion ...................................................................................................................... 185 Notes................................................................................................................................ 189 Annexes........................................................................................................................... 197 Acronymes et Abréviations ........................................................................................... 250 Bibliographie................................................................................................................... 252 Participants au Dialogue Régional de Dakar................................................................ 257

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INTRODUCTION

Introduction

Commerce, DPI et ressources biologiques : Entre besoin d’intégration au système commercial international et nécessité de préservation des intérêts spécifiques de l’Afrique Le commerce, la propriété intellectuelle et les ressources biologiques, autour desquels s’est articulé le Dialogue de Dakar, sont en Afrique au centre d’un arsenal juridique diffus et parfois conflictuel. Les principales dispositions invoquées sont consignées dans l’Accord sur les ADPIC, l’Accord de Bangui révisé de 1999, la Loi-modèle de l’OUA, la Déclaration de Doha, la Convention sur la Biodiversité et la Convention de l’UPOV. Pour les pays africains, l’harmonisation de la protection des aspects de droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce n’est ni plus ni moins le résultat d’un rapport de force au profit du monde occidental, qui lui permet d’imposer son mode de protection sous le couvert du prétexte «fallacieux » de promotion des innovations technologiques. Comme le révèle le contexte de la négociation de l’Accord sur les ADPIC, les pays africains ont néanmoins signé cet accord dans l’espoir d’obtenir des concessions de la part des pays industrialisés dans d’autres domaines comme le textile ou l’agriculture. Pourtant, l’Accord sur les ADPIC soulève de nombreux problèmes. L’exemple de la maîtrise des ressources biologiques est édifiant. Les pays en développement représentent 90 % des ressources biologiques du monde. Laisser s’appliquer le système mondialisé de protection de la propriété intellectuelle, sans réglementer l’accès aux ressources génétiques, constitue un véritable danger pour l’Afrique qui serait la cible naturelle de la biopiraterie. Dans ce contexte, l’article 27.3(b) de l’Accord sur les ADPIC est une injonction à tous les pays Membres à reconnaître des DPI sur les obtentions végétales. Or, ceux-ci ne prennent pas en considération les droits des agriculteurs et des communautés locales, pas plus qu’ils n’assurent la protection des savoirs traditionnels. Ces derniers, qui sont hors du champ de l’Accord sur les ADPIC, ne trouvent pas de protection non plus dans l’Accord de Bangui révisé. Les DPI concernent les inventions d’individus, alors que les droits des agriculteurs et ceux liés aux savoirs traditionnels concernent toute une communauté, ce qui pose le problème de l’identification de l’auteur de l’invention mais aussi de sa nouveauté. En outre, le brevet offre une protection limitée dans le temps, alors que la protection des connaissances traditionnelles tendrait plutôt vers la pérennité. C’est à ces diverses insuffisances que cherche à pallier la Loi-modèle de l’OUA sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et sur les règles d’accès aux ressources biologiques. Cette initiative se trouve pourtant directement en concurrence avec l’Accord de Bangui, qui a été en partie révisé pour tenir compte des exigences de l’OMC en matière de protection des obtentions végétales. La Loi-modèle pose également des problèmes de compatibilité avec l’Accord sur les ADPIC, dans la mesure où elle prohibe la brevetabilité du vivant. Mais la Loi-modèle reste un cadre général d’inspiration qui ne peut contrarier la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC. En ce sens, elle est infra conventionnelle.

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Autre défi majeur, la protection de la santé publique. A Doha, les membres de l’OMC ont certes consacré la primauté de la santé publique sur la propriété intellectuelle, du moins en ce qui concerne l’urgence de l’éradication de fléaux comme le sida. Mais la Déclaration de Doha n’a pas force juridique obligatoire. Elle constitue une norme de comportement, ayant une valeur morale déclaratoire qui ne permet pas que sa violation soit sanctionnée juridiquement. Du coup, l’avancée tant invoquée perd de son efficacité. Ainsi, cet acquis glané au niveau multilatéral semble sérieusement compromis au niveau régional. Pour la majorité des observateurs, l’Accord de Bangui révisé, sous l’égide de l’OAPI, anéantit les avantages conférés par la DMD en matière d’accès aux médicaments: les délais sont restreints et l’importation de génériques en dehors de la zone OAPI est interdite. Mais, même si elle semble ramener à la portion congrue les flexibilités et avantages tirés par les pays africains de Doha, ses articles 3 et 17 autorisent sa mise à l’écart en faveur de dispositions de conventions internationales plus favorables en la matière ; ce qui pourrait aboutir à l’application de la Déclaration de Doha avec ses dispositions non contraignantes, mais plus favorables que l’Accord de Bangui révisé. La tentative d’harmonisation de la protection de la propriété intellectuelle pose finalement à l’Afrique une série d’autres problèmes éthiques et économiques étroitement liés. Le développement de certains pays s’est fait, on le sait, sur la base d’un mimétisme technologique. Cette souplesse dans la mise en commun des progrès de l’humanité ne peut plus prospérer sous l’empire de l’Accord sur les ADPIC qui s’évertue à garantir l’équilibre entre la protection du créateur et la jouissance légitime par le plus grand nombre des avancées technologiques. S’il faut encourager l’innovation, il faut le faire pour tous en évitant les « schémas universalisés ». Il faudrait arriver à moduler la protection intellectuelle en fonction du niveau de développement pour que les pays les plus pauvres n’aient pas à supporter les coûts d’une protection plus contraignante qui les empêchera de rattraper les autres. On le voit, les aspects de droit de propriété intellectuelle liés au commerce et aux ressources biologiques constituent des enjeux de taille pour l’Afrique. S’il n’existe pas de solution globale et mutuellement acceptable pour tous les protagonistes, les négociations commerciales actuelles et futures pourraient constituer la trame d’un consensus qui tienne compte des objectifs de développement durable et de l’intensification des échanges de biens et de services sur le continent.

L’Afrique et les négociations commerciales multilatérales : leçons du passé et stratégies pour le futur L’Afrique a une fâcheuse tendance à négocier « à rebours ». Le cycle d’Uruguay n’a pas connu la médiatisation qui accompagne la mise en œuvre des accords de l’OMC. Les enjeux des négociations n’ont été compris qu’au moment où les accords ont acquis une force juridique contraignante qui rend leur révision plus difficile à réaliser. C’est le cas pour les subventions agricoles. La plupart des défenseurs de l’agriculture africaine avancent de façon péremptoire que les subventions américaines et/ou européennes ne sont pas conformes au droit de l’OMC en oubliant que ces entités avaient négocié des seuils élevés de subventions à leur agriculture dans le cadre du cycle d’Uruguay. Les résultats de ces négociations, cristallisés en accords, constituent la base juridique de ce qui peut

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INTRODUCTION

paraître aujourd’hui comme une injustice. Le salut de l’Afrique est d’opérer une rupture de ce qui a constitué à ce jour sa posture favorite: une absence de position de négociation, que ne justifie pas toujours le déficit de moyens humains et matériels. Il faudrait participer au processus de négociation pour espérer l’infléchir en cas de besoin. Le processus de création de la norme juridique, dans les enceintes internationales, se confond avec le processus de négociation. Il offre plus d’opportunité que les périodes de transitions accordées pour leur mise en œuvre. Une attitude plus positive pourrait engendrer une posture de négociation plus conforme à la forte attente des pays africains du système commercial multilatéral. Elle consisterait à sortir de la logique défensive, à renforcer les capacités africaines d’expertise et de proposition et à une mise à profit des espaces formels et informels de négociations. A cet égard, la proposition par le Groupe Africain de solutions liées à l’usage effectif des licences obligatoires est à saluer. Ce document de travail constitue la locomotive des négociations relatives à l’article 6 de la Déclaration de Doha. C’est l’une des rares fois où l’Afrique mène une négociation au lieu de la subir. Par ailleurs, la multiplication des objets des négociations commerciales engendre la complexification du processus de négociation. A l’intérieur d’un Etat et même si les différentes positions sont en principe coordonnées, chaque ministère s’attache à l’un des aspects de la négociation en fonction de son domaine de compétence, sans qu’il ait nécessairement connaissance de tous les aspects de la négociation. Cette accumulation de niveaux complique le jeu et aboutit le plus souvent, pour les pays africains, à des incohérences dans le processus de négociation de la norme commerciale internationale. La mise à contribution des compétences négociatrices diverses gagnerait à être harmonisée. Cette remarque vaut aussi pour le niveau régional. L’élaboration de position commune pour les questions d’intérêt général peut constituer un gage de crédibilité et d’efficacité dans les enceintes des négociations. El Hadji Abdourahmane DIOUF (Sénégal) Coordinateur de projet, ICTSD

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PARTIE I

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CHAPITRE 1

DPI, accès aux ressources génétiques et protection des variétés végétales en Afrique centrale et occidentale. Par Anne CHETAILLE Solagral

PARTIE I

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INTRODUCTION L’essor des biotechnologies dans les années 80 a cristallisé les conflits sur les ressources génétiques. Base de l’agriculture, le patrimoine génétique végétal constitue le premier maillon de la chaîne alimentaire. Depuis des centaines d’années, le libre accès aux ressources phytogénétiques a permis la sélection variétale. Grâce au libre accès, les agriculteurs, les obtenteurs ont pu faire leurs propres semences, les multiplier et les échanger. Par leurs pratiques, ils ont ainsi contribué au brassage génétique. Le libre accès a ainsi joué un rôle important pour la préservation de la diversité génétique agricole, matière première de l’agriculture et pour la sécurité alimentaire. L’Engagement international de la FAO sur les ressources phytogénétiques utiles pour l’agriculture et l’alimentation, signé en 1983 (transformé depuis 2001 en Traité), souligne à ce titre l’importance de la préservation et de l’utilisation durable des ressources génétiques agricoles. Il reconnaît le statut de patrimoine commun de l’humanité pour ces ressources et donc le libre accès : les ressources phytogénétiques ne peuvent faire l’objet d’un monopole ; au contraire elles doivent pouvoir circuler et être utilisées librement afin d’éviter l’érosion de la diversité génétique agricole. En outre, l’Engagement reconnaît le droit des agriculteurs et la contribution ancestrale des communautés locales à la conservation et à l’utilisation durable des ressources phytogénétiques. Avec l’avènement des biotechnologies, les ressources génétiques deviennent le nouvel “ or vert ”. L’essor des biotechnologies va contribuer à la remise en cause du libre accès aux ressources génétiques tel qu’inscrit dans l’Engagement international de la FAO. Grâce aux progrès réalisés en biologie moléculaire, le monde industriel prend conscience de la valeur des gènes, éléments de base de la biodiversité. Les gènes, véritable support d’informations génétiques représentent un “ capital vert ” appréciable pour l’industrie des biotechnologies. Dès lors, les activités de bioprospection se multiplient. On assiste à une vague importante d’innovations biotechnologiques en matière d’agriculture et de santé. Etant donné l’importance des moyens financiers en recherche et développement qu’impliquent les

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innovations biotechnologiques, le recours au brevet, qui apporte une protection forte, se répand. Dans le domaine agricole, les brevets cohabitent avec les certificats d’obtention végétale comme aux Etats-Unis. Cette multiplication de droits pose des problèmes de commerce international. Les Etats-Unis, via le secteur privé, font alors pression pour que les négociations commerciales du GATT, engagées en 1986, incluent un accord sur les droits de propriété intellectuelle (DPI), qui permettrait une harmonisation des régimes de protection des inventions biotechnologiques, en particulier des brevets. Cependant les innovations biotechnologiques restent l’apanage des pays à haute technologie. Les pays en développement (PED), principaux fournisseurs de ressources génétiques, dénoncent les pratiques de biopiratage menées par les pays industrialisés: ceux-ci exploitent les ressources librement sans leur verser de contreparties. Les PED revendiquent le contrôle de l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable des avantagés tirés de l’exploitation des ressources génétiques. Ils utilisent alors les négociations de la Convention sur la Biodiversité (CDB) qui se déroulent fin des années 80 sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement pour défendre le principe de souveraineté nationale. Prenant acte des revendications des PED, la Convention sur la Biodiversité signée en 1992 reconnaît le droit souverain des Etats sur leurs ressources. Le concept de patrimoine commun est abandonné. Afin de rétablir de l’équité entre les pays fournisseurs et utilisateurs de matériel génétique, la Convention sur la Biodiversité prévoit des modalités relatives à l’accès et au partage des avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques. L’accès doit se faire désormais dans le cadre des législations nationales. Les Etats peuvent désormais négocier directement avec les utilisateurs. La Convention reconnaît également l’apport des communautés locales en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité. Leurs pratiques et savoirs traditionnels doivent être préservés. En 1994, la signature de l’Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle (ADPIC) constitue le point de rencontre entre le champ de la biodiversité et celui les droits de propriété intellectuelle. L’article 27.3(b) impose la brevetabilité des micro-organismes et rend optionnelle celle des plantes et des animaux. Il offre néanmoins la possibilité pour les Etats de mettre en place un système sui generis pour la protection des obtentions végétales. Depuis la signature de l’Accord sur les ADPIC, les pays en développement, en particulier les pays africains, ne cessent de souligner l’ambiguïté du langage adopté dans l’article 27.3 (b). Selon ces pays, l’article 27.3 (b) tel que formulé remet en cause les principes et dispositions fondamentales de la Convention sur la Biodiversité et de l’Engagement international de la FAO concernant l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Plus particulièrement, la possibilité de déposer des brevets sur les variétés végétales est préoccupante pour les pays dépendant des ressources génétiques pour leur agriculture et leur alimentation. La généralisation des brevets sur les variétés pourrait remettre en cause le libre accès et la circulation des ressources génétiques au détriment du maintien de la diversité génétique agricole et de la sécurité alimentaire. D’ici 2006, tous les pays, sauf dérogations, devront appliquer l’Accord sur les ADPIC. Pour les pays d’Afrique centrale et occidentale (AOC), la mise en place d’un régime de protection variétale relève d’un défi majeur. En effet, l’agriculture tient une place importante dans leur économie et dans la satisfaction des besoins de subsistance des populations rurales,

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lesquelles contribuent par leurs pratiques et leurs savoirs, à la conservation et à l’utilisation durable des ressources phytogénétiques. L’enjeu est alors d’établir un système de protection variétale qui soit le moins restrictif en termes d’accès aux ressources génétiques. Pour cela, l’établissement d’un système sui generis constitue-t-il une option adéquate ? Si oui, sur quels types de droits pourrait reposer un tel système ? Quelles sont pour l’AOC, les marges de manœuvre pour répondre aux obligations de l’Accord sur les ADPIC tout en assurant le libre accès aux ressources génétiques, la reconnaissance du droit des agriculteurs et des communautés locales, et l’équité dans le partage des avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés ? Les décisions prises lors de la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC en novembre 2001 concernant la poursuite des travaux sur l’examen de l’article 27.3 (b), s’annoncent-elles favorables à l’établissement de modèles sui generis qui seraient fondés sur de tels principes ?

1. PROTECTION DES VARIETES VEGETALES : L’ACCORD SUR LES ADPIC, COMME NOUVEAU GOUVERNAIL ? Le 15 avril 1994, 123 pays signent à Marrakech l’accord de l’Organisation mondiale du commerce. Cet accord constitue un changement profond par rapport au GATT de 1947. Alors que les négociations sous l’égide du GATT concernaient la baisse des tarifs douaniers, le cycle de négociations d’Uruguay (1986-1994) a porté davantage sur les règles et les normes que sur les droits de douane. Ce cycle se distingue également des précédents puisqu’il intègre des domaines jusque là exclus du GATT : l’agriculture, la propriété intellectuelle, les services, les textiles et les vêtements. Enfin, l’accord signé à Marrakech donne naissance le 1er janvier 1995 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui succède au GATT. Dorénavant, les règles du commerce sont négociées au niveau international et couvrent l’ensemble des flux d’échanges : les marchandises, les services et les idées. L’Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle (ADPIC) est donc l’un des trois piliers actuels de l’OMC.

L’ACCORD SUR LES ADPIC DE L’OMC

Genèse de l’Accord sur les ADPIC Un accord sous pression En l’absence de réglementation internationale, certains pays en développement ont cherché à accéder gratuitement à l’innovation scientifique. Dans le cadre de l’Uruguay round (1986-1994), des négociations sur la propriété intellectuelle ont été réclamées en particulier par les Etats-Unis. C’est parce que le GATT (future OMC) à la différence de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle possède des procédures contraignantes de respect des obligations et de règlements des différends qu’elle a été choisie pour la négociation de l’Accord sur les ADPIC. Face aux enjeux commerciaux liés aux DPI, il était important de pouvoir s’assurer de la bonne mise en œuvre de l’accord et de la capacité de sanctionner d’éventuels contrevenants. La justification utilisée pour mettre cette question sur l’agenda du GATT était d’ordre économique : il s’agissait de réduire les distorsions aux échanges causées par l’absence de

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législations nationales sur les DPI. La nécessité d’une harmonisation internationale reposait sur le constat suivant :

L’essor de deux technologies (biotechnologies et technologies de l’information) connaissant de nombreuses applications industrielles et faisant objet de DPI (brevets, copyrights, marques, etc.) : les produits, technologies et services protégés par les DPI, ainsi que les DPI eux-mêmes (licences) représentent une part croissante des exportations des Etats-Unis et de l’Europe ;

La croissance économique des Etats-Unis et de l’Europe dépend du maintien de leur prédominance commerciale et technologique. Or cette prédominance est vulnérable étant donné que ces inventions peuvent être facilement copiées et à un coût marginal très faible (CD, logiciels, semences).

Les pertes croissantes de recettes dues au piratage et aux contrefaçons : en 1988, la Commission des Etats-Unis sur le commerce international estimait entre 40 et 60 milliards de dollars les pertes subies par les entreprises américaines à cause du “ piratage intellectuel ”.

Malgré des divergences, les Etats-Unis ont obtenu le soutien de l’Europe et du Japon. Ils ont également exercé une forte pression auprès des pays en développement. Devant la réticence de certains de ces pays, ils ont été jusqu’à utiliser des mesures de rétorsions unilatérales à l’encontre du Brésil, de l’Inde et de la Corée du Sud. La réticence des pays en développement Les PED étaient défavorables à l’inscription des droits de propriété intellectuelle dans l’agenda du cycle d’Uruguay. Mais leur marge de manœuvre était réduite. Afin de pouvoir négocier des accords dans les textiles et l’agriculture, ils n’avaient d’autres choix que d’accepter ces discussions sur les DPI. En outre, les PED ont été convaincus d’une part que l’intégration des DPI dans un système de protection multilatéral basé sur des règles pouvait offrir une meilleure protection contre des mesures unilatérales, et que d’autre part, les bénéfices découlant d’une intégration accrue dans l’économie mondiale pouvaient être importants. La réticence des pays en développement était justifiée par les coûts potentiels qu’un renforcement des DPI pouvait engendrer :

Dans de nombreux PED, l’absence de brevets a probablement produit des bénéfices nets. Pour les pays disposant de capacités d’innovation limitées et utilisant essentiellement des technologies étrangères, elle a permis aux industries naissantes d’étudier et de copier des produits. Les capacités de production locales ont été développées et l’accès des populations à l’alimentation et à la santé, facilité. Par conséquent, une protection stricte des DPI pouvait remettre en cause cet accès facilité en augmentant les prix sur les produits protégés et en réduisant l’offre ;

Hausse du coût d’accès pour les innovateurs locaux, les technologies clés protégées par des DPI n’étant accessibles uniquement par des accords de licences ;

Difficultés de profiter des avantages des DPI en termes de transfert de technologies, investissement et diffusion de l’information étant donné la faiblesse des capacités d’innovations locales ;

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Pertes en terme d’emploi possibles dans les industries dont l’activité repose sur la copie de produits protégés ;

Enfin, la faiblesse des capacités financières, techniques et institutionnelles de nombreux pays rendait difficile la mise en place rapide d’un système de propriété intellectuelle. Beaucoup craignaient de subir des sanctions commerciales pour non-respect des obligations.

Principe et objectifs: l’esprit de l’Accord sur les ADPIC L’Accord sur les ADPIC oblige les Etats membres de l’OMC à protéger les inventions de produits et de procédés. L’Accord sur les ADPIC ne couvre pas tous les domaines de la propriété intellectuelle : il fixe des normes minimales de protection pour les droits d’auteur, les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques, les dessins et modèles industriels, les brevets, les schémas de configuration de circuits intégrés et les renseignements non divulgués. Selon l’article 7 de l’accord, la protection et le respect des DPI visent à “ contribuer à la promotion de l’innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l’avantage mutuel de ceux qui génèrent les connaissances techniques et de ceux qui les utilisent”. Le renforcement des DPI est supposé, via les canaux de l’innovation et du transfert de technologie, contribuer “ au bien-être social et économique ”. La légitimité économique de l’Accord sur les ADPIC repose ainsi sur l’hypothèse d’un cercle vertueux entre le respect des normes minimales de protection, la promotion de l’innovation, la diffusion des technologies, l’accroissement des investissements directs étrangers et la croissance économique.

Les dispositions de l’accord Les normes L’Accord sur les ADPIC porte sur les deux branches de la propriété intellectuelle, à savoir les droits d’auteur et la propriété industrielle : indications géographiques, marques de fabrique, brevets, secrets commerciaux. Parmi ces DPI, les brevets et les indications géographiques concernent l’agriculture. Pour chacun des domaines qui doivent être protégés, l’accord définit des normes minimales de protection. Il précise les principaux éléments de la protection : l’objet de la protection, les droits conférés et les exceptions admises à ces droits, ainsi que la durée minimale de la protection. L’accord concerne aussi la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans les contrats de licence1. Il s’agit d’éviter un usage abusif des DPI qui pourrait avoir des effets préjudiciables sur le commerce.

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Encadré 1 : Le Brevet

Trois conditions : Nouveauté : une invention doit dépasser l’état actuel de la technique et des connaissances Inventivité : l’invention ne doit pas être évidente pour l’homme de métier Application industrielle : le produit obtenu est de type industriel

Durée : 20ans Portée : il n’est valable que dans les territoires où il a été déposé Garanties : Le monopole d’exploitation donne un droit exclusif temporaire de rémunération et de

protection contre des concurrents susceptibles de copier, fabriquer, utiliser, vendre ou exporter des produits utilisant le même procédé d’innovation.

L’accès et la transmission au public se fait par le dépôt. Passé le délai, le brevet tombe dans le domaine public, et l’invention peut être utilisée par n’importe qui. Les procédures de demande de brevet, d’instruction et de délivrance d’un brevet varient en fonction des pays.

Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire aux tiers l’exploitation ou la copie d’une invention. Le brevet confère un monopole d’exploitation, mais non un droit à l’exploitation. La délivrance d’un brevet ne préjuge pas de la nécessité de respecter des règles éthiques ou sanitaires. Ainsi, une plante transgénique peut être brevetée, sans pouvoir être commercialisée ou diffusée en raison des règles sur la non-dissémination d’OGM dans l’environnement. Autre exemple, la technologie GURT, dit Terminator, fait l’objet de différents brevets, pris par des organismes publics ou privés, mais ce procédé n’a pas franchi les étapes nécessaires à la commercialisation.

Respect des obligations Au-delà des dispositions substantielles, l’accord contient des dispositions axées sur les procédures et mesures correctives afin de faire respecter de manière efficace les DPI. Dans leur législation nationale, les Etats doivent prévoir des procédures pénales et des peines applicables au moins pour les actes délibérés de contrefaçon de marques de fabrique ou de commerce. L’accord prévoit également la création d’un Conseil des ADPIC. Celui-ci est chargé de suivre la mise en œuvre de l’accord et de contrôler que les Etats s’acquittent des obligations en résultant. Enfin, l’accord stipule que les normes établies doivent également respecter les obligations énoncées dans les conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle les plus récentes, à savoir la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (1967), la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1971), la Convention de Rome ou le Traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés.

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Encadré 2 : L’OMPI, plus loin que l’OMC ?

L’OMPI coordonne un ensemble de conventions et de traités dans le but de promouvoir la propriété intellectuelle. Elle travaille actuellement à la mise en place d’un nouveau système mondial de brevet2. Lors de la signature du Traité de droit sur les brevets (Patent Law Treaty) en juin 20003, les pays membres de l’OMPI ont décidé d’avancer sur l’harmonisation des règles de base des brevets. Cette harmonisation devrait être effectuée à travers le Traité de droit positif sur les brevets (Substantive Patent Law Treaty, SPLT). L’OMPI a déposé un document provisoire de ce traité en novembre 2001 et une version révisée en mai 2002. Ce traité pourrait rendre l’Accord de l’OMC sur les ADPIC totalement obsolète. L’accord sur les ADPIC définit des normes minimum pour les législations nationales sur les brevets. Au contraire, le SPLT a pour objectif de renforcer ces normes : il définit un ensemble de règles sur ce qui peut être breveté et sur les conditions de délivrance d’un brevet. Ce projet de texte du SPLT en est à une phase préliminaire de négociation. Le comité qui est chargé de ce projet, concentre actuellement ses travaux sur les critères de brevetabilité et autres questions relatives à la délivrance des brevets. Deux points sont particulièrement conflictuels:

Exclusion de la brevetabilité : l’Accord sur les ADPIC permet aux pays d’interdire la délivrance de brevet si la commercialisation de l’invention va à l’encontre de l’ordre public. En outre, il permet aux Etats d’exclure les plantes et les animaux des brevets. Le Traité de l’OMPI ne fait aucune proposition qui irait dans ce sens. L’OMPI a seulement proposé d’introduire une note de bas de page quelque part pour les pays qui souhaiteraient incorporer les dispositions de l’article 27.3 (b). Soutenus par les représentants industriels (comme l’organisation de l’industrie des biotechnologies), les Etats-Unis sont opposés à toute exception sur la brevetabilité du vivant. Au contraire, l’Europe et les pays en développement souhaiteraient garder ces exceptions offertes par l’Accord sur les ADPIC.

Intégration d’autres conditions de délivrance : les pays en développement, en particulier le Brésil, le Pérou et la République dominicaine, revendiquent que figurent dans la demande de brevet l’origine du matériel génétique et une preuve du consentement du fournisseur pour l’acquisition de ce matériel. Les conflits autour de cette nouvelle condition de délivrance des brevets posent la question de l’articulation d’un système “ mondial ” de brevet avec la Convention Biodiversité : est-ce qu’un tel système pourrait permettre un partage équitable des avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques ?

Au-delà de ces points conflictuels, ce Traité soulève plusieurs interrogations: quel sera le statut du Traité de droit positif sur les brevets par rapport à l’OMC et l’Accord sur les ADPIC ? dans quelle mesure ce Traité tiendra compte des travaux du comité intergouvernemental de l’OMPI sur les ressources génétiques, le savoir traditionnel et le folklore ?

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Un système contraignant Les droits de propriété intellectuelle étant rattachés désormais à l’OMC, un Etat pourra, en cas de conflit sur le respect des obligations, porter plainte à l’Organe de règlement des différends (ORD). Il appartiendra alors à l’ORD de trancher sur le respect des dispositions liées à l’accord ainsi que sur le respect des principes fondamentaux de l’OMC (cf. Encadré 3). Ainsi en 1998, le conflit opposant les Etats-Unis et l’Inde en matière de protection des produits pharmaceutiques et agrochimiques s’est conclu aux torts de l’Inde, dont la législation interdisait le dépôt de brevet pour des substances utilisées pour l’alimentation ou la fabrication de médicaments. C’est parce que l’OMC à la différence de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)4, possède des procédures contraignantes de respect des obligations et de règlement des différends qu’elle a été choisie pour la négociation de l’Accord sur les ADPIC.

Une mise en œuvre échelonnée La mise en œuvre des accords se déroule en trois temps, prévoyant des délais de transposition différents selon le niveau de développement des pays :

Les pays développés ont eu un an après la signature de l’Accord sur les ADPIC pour mettre leur législation en conformité.

Les pays en développement et les économies en transition membres ont bénéficié d’une période de transition de 5 années. Logiquement, depuis le 1er janvier 2000, ils doivent appliquer l’intégralité de l’accord. Au titre de l’article 71.1 qui prévoit une série d’examens de la mise en œuvre de l’accord à compter de l’expiration de la période transitoire et à intervalles réguliers, le Conseil des ADPIC a procédé à un bilan de l’application de l’accord dans les PED. Parmi les pays en développement qui ont en majorité opté pour un système sui generis, il apparaît que 22 ont mis leur législation en conformité avec les règles de l’Accord sur les ADPIC avant le 1er janvier 2000. Il s’agit essentiellement de pays d’Amérique latine. En Afrique, seuls le Maroc, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe ont adapté leur législation. Aujourd’hui, plus de 40 pays en développement ne sont pas en conformité avec l’Accord sur les ADPIC et sont donc une cible potentielle de sanctions commerciales.

Les pays les moins avancés (PMA) appliqueront l’accord au 1er janvier 2006. Sur demande dûment motivée d'un pays moins avancé membre, le Conseil des ADPIC accordera des prorogations de ce délai.

Toutefois, pendant ces périodes transitoires, les obligations d’appliquer les principes généraux de l’accord, de protéger par des brevets les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture et de ne pas diminuer le niveau de protection existant, étaient et sont de rigueur. Cette flexibilité offerte par l’accord via une mise en œuvre échelonnée doit permettre en particulier aux PED et PMA, de se doter d'une base technologique viable, qui tienne compte de leurs contraintes économiques, financières et administratives.

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Encadré 3 : Les principes fondamentaux du GATT et la propriété intellectuelle

Comme les autres accords de l’OMC, il est guidé par les principes fondamentaux du GATT – clause de la nation la plus favorisée et traitement national-. Dans le domaine de la propriété intellectuelle, ces principes signifient qu’un pays n’aurait pas le droit de reconnaître les brevets de ses ressortissants (citoyens ou firmes) sans en faire autant pour les inventions de ses ressortissants étrangers, et que chaque Partie s’engage à accorder aux ressortissants des autres parties un traitement aussi favorable que celui accordé à ses propres ressortissants.

LA PROTECTION DES VARIETES VEGETALES AU SENS DE L’ACCORD SUR LES ADPIC L’Accord sur les ADPIC rencontre plus particulièrement le champ de la diversité biologique au travers de ses dispositions relatives aux brevets de l’article 27. L’Accord sur les ADPIC impose la brevetabilité des micro-organismes et rend optionnelle celle des plantes et des animaux. Tous les Etats ont l’obligation de fournir des titres de propriété intellectuelle sur les variétés végétales, soit par des brevets, soit par un système original efficace adapté à un domaine et à un contexte particulier (appelé “ système sui generis ” dans l’accord) pour protéger les obtentions végétales au niveau national. Bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné comme tel dans l’article 27.3 (b), le système UPOV qui instaure des certificats d’obtentions végétales pour la protection des variétés végétales, est souvent considéré comme système sui generis au sens de l’Accord sur les ADPIC.

Les obligations de l’article 27.3 (b) L’article 27.1 pose les critères généraux de la brevetabilité ; les articles 27.2 et 27.3 (a) donnent des motifs d’exclusion généraux de la brevetabilité et l’article 27.3 (b) prévoit des conditions spéciales s’appliquant aux végétaux, animaux et micro-organismes. L’article 27.3 (b) impose trois types d’obligations aux Etats signataires :

1. Mettre en place une réglementation nationale sur les brevets portant sur les micro-organismes, les procédés micro-biologiques, les procédés non biologiques ;

2. Seules les variétés végétales peuvent faire l’objet d’une protection par brevet, ou par un système sui generis5 efficace ou par la combinaison des deux ;

3. Les végétaux et les animaux, les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux peuvent être exclus des législations nationales.

Ils doivent définir ce qui est protégé et les conditions dans lesquelles la protection est accordée, notamment pour les variétés végétales. Les informations et fragments d’informations portant sur tout type de matériau, quelle que soit la technique employée, doivent ainsi être protégés. Les variétés et les espèces ne sont pas brevetables en tant que telles, mais leurs composants le sont.

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Encadré 4 : La structure de l’Accord sur les ADPIC

Partie I : Dispositions générales et principes fondamentaux (articles 1 à 8) Partie II : Normes concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle (articles 9 à 40) 1. Droit d’auteur 2. Droits connexes 3. Marques de fabrique ou de commerce 4. Indications géographiques 5. Dessins et modèles industriels 6. Brevets 7. Schémas de configuration de circuits intégrés 8. Protection des renseignements non divulgués 9. Contrôle des pratiques anti-concurrentielles dans les licences contractuelles Partie III : Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle (articles 41 à 61) 1. Obligations générales 2. Procédures et mesures correctives civiles et administratives 3. Mesures provisoires 4. Prescriptions spéciales concernant les mesures à la frontière 5. Procédures pénales Partie IV : Acquisition et maintien des droits de propriété intellectuelle et procédures inter partes y relatives (article 62) Partie V : Prévention et règlement des différends (articles 63 et 64) Partie VI : Dispositions transitoires (articles 65 à 67) Partie VII : Dispositions institutionnelles ; dispositions finales (articles 68 à 73)

Encadré 5 : Brevet sur le vivant, questions éthiques et limites techniques

La protection par le système de brevets a été mise en place pour protéger et diffuser l’innovation. En effet, pour déposer un brevet, il est obligatoire de rendre public la description du procédé breveté, ce qui permet à tous d’avoir connaissance de l’innovation. Ainsi, confiant au détenteur du brevet un monopole pendant une durée déterminée, ce système permet de protéger l’innovateur tout en obligeant à la publicité de l’invention. Appliqué au vivant, le brevet pose deux problèmes. Le premier, bien sûr, relève de considérations éthiques : le vivant peut-il faire l’objet d’un monopole, même temporaire ? Peut-il être privatisé, c’est-à-dire non accessible à tous, et profitable uniquement au détenteur du brevet ? Le second problème est posé par la capacité intrinsèque du vivant à se multiplier. Par essence, et c’est même sa différence fondamentale avec les objets inanimés, le vivant, du plus simple au plus évolué, se multiplie. La fonction de reproduction de l’espèce est essentielle. Appliquer une protection intellectuelle stricte au vivant est donc extrêmement difficile, puisque par son pouvoir de reproduction, le matériel vivant breveté s’autocopie, donc “ s’autopirate” (par exemple, comment limiter le flux de gènes des plantes transgéniques qui sont brevetées, vers des espèces sauvages ?). D’autre part, vouloir limiter la multiplication du vivant c’est, contrairement à l’objectif du brevet, freiner sa diffusion.

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Encadré 6 : Article 27, objet brevetable

Article 27.1 : “ Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. ” Article 27.2 : “ Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l'exploitation est interdite par leur législation. ” Article 27.3 (a) : Les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux. Article 27.3 (b) : “ Les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que les procédés non biologiques et micro-biologiques. Toutefois, les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC.”

La Convention de l’UPOV La Convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) a été signée en 1961 et modifiée deux fois, en 1978 et 1991. Cette convention a été initiée par des pays européens qui souhaitaient d’une part, harmoniser les régimes nationaux de protection des obtentions végétales existant dans certains pays depuis 1920 et, d’autre part disposer d’un instrument de protection différent de celui du brevet qui était autorisé depuis 1930 aux Etats-Unis par le Plant Patent Act. L’objectif initial de ce système était de protéger le travail de l'obtenteur, tout en laissant libre l'accès à la variété. La Convention de l’UPOV instaure pour la protection des obtentions végétales, des certificats d’obtention végétales (COV). Dans la version de 1978, une variété peut être protégée par un COV à condition qu’elle soit distincte, homogène et stable. Une fois ces critères pris en compte, une variété reçoit une dénomination qui garantit sa désignation. Le titulaire bénéficie d’un droit d’exploitation exclusif de sa variété. Tout utilisateur doit verser un droit d’utilisation (royalties) à l’obtenteur, à deux exceptions près :

L’utilisation à des fins de recherche : tout sélectionneur peut utiliser librement une variété protégée par un COV pour créer une nouvelle variété, sans verser de royalties.

Le “ privilège de l’agriculteur” : un agriculteur peut utiliser une partie de sa récolte pour réensemencer ses propres champs.

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La durée de protection varie selon les espèces (20 ans pour les espèces annuelles et 25 ans pour les espèces ligneuses). Le COV n’est valable que sur le ou les territoires désignés dans le dossier de demande. Le titulaire du titre a le droit de vendre ce matériel produit, identifié, étiqueté et purifié. En couplant l’approche de qualité (catalogue de certification, organisation des circuits de collecte et de distribution) et les opérations de sélection-traitement des semences, les obtenteurs maîtrisent l’ensemble de la chaîne. Dans la Convention de 1978, le “ privilège de l’agriculteur” était obligatoire ; dans la version de 1991, il devient facultatif (au choix des pays signataires) et doit être exercé “ dans la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ”. Les termes “ intérêts légitimes ” peuvent être interprétés de façon très variable. Ainsi les pays sont libres d’appliquer cette exception. En théorie, le privilège de l’agriculteur permet donc à un agriculteur de faire ses propres semences de ferme sans restriction (la seule obligation étant de ne pas les vendre) . Mais en pratique, lorsque cette exception est appliquée, l’agriculteur doit souvent verser des redevances sur les semences de ferme. La dernière version (1991) introduit un nouveau critère pour qu’une plante puisse bénéficier d’une protection par COV. En plus d’être distincte, stable et homogène, la variété doit être nouvelle6. Cette version conduit également à rémunérer l’obtenteur si sa variété est utilisée pour créer une variété “ essentiellement dérivée ”. Cette notion a été introduite pour faire pendant aux brevets et à l’Accord sur les ADPIC. Elle implique que pour créer une nouvelle variété à partir d’une variété protégée par un COV, un obtenteur doit verser une partie des royalties à l’obtenteur initial. Elle limite le libre accès à la ressource génétique pour la recherche. Plus proches des licences de dépendance qui caractérisent le brevet, ce système répond aux besoins des semenciers positionnés sur le marché mais s’éloigne des besoins des petits et moyens sélectionneurs. Jusqu’à présent, cette disposition n’a jamais été appliquée. Enfin, la Convention de l’UPOV 1991, contrairement aux précédentes versions, permet la double protection. Il légitime ainsi les pratiques des Etats-Unis en matière de protection variétale. En 2002, cinquante pays sont signataires de la Convention de l'UPOV. Il s'agit surtout des pays industrialisés européens et américains et des pays émergents d’Amérique latine tournés vers l’exportation (Argentine, Brésil,…). Parmi ces 50 pays, 19 ont adopté la Convention de l’UPOV 19917. A l'exception du Kenya et de l'Afrique du Sud, du Japon et de la Corée, aucun des pays africains et asiatiques n'y adhèrent. Les partisans de la Convention de l’UPOV voudraient que cette convention formalisée à l’échelle internationale soit explicitement mentionnée comme droit sui generis dans une annexe de l’Accord sur les ADPIC. Pour de nombreux pays, en particulier les pays en développement, la Convention de l'UPOV 1991 n'est pas un système satisfaisant et ne peut être mentionné seul comme modèle de loi sui generis. Car cette convention ne reconnaît que partiellement le rôle d’innovation des agriculteurs dans le domaine de la création variétale et ignore les savoirs des communautés traditionnelles et ancestrales. Les PED tentent d'élaborer une législation mieux adaptée, soit en élargissant les droits de propriété intellectuelle aux communautés, dont les savoirs et les ressources pourraient ainsi être protégés, soit en développant un système intégré de droits allant bien au-delà de la notion de propriété individuelle (cf. la Loi-modèle de l’OUA, partie 2).

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CHAPITRE 1

Systèmes sui generis “ efficaces ”, des critères qui restent à définir Le délai de mise en œuvre accordé par l’Accord sur les ADPIC doit permettre aux pays d’élaborer leur propre législation de protection des variétés, prenant en compte les intérêts nationaux et compatibles avec les exigences internationales. Les pays ont toute latitude pour développer leur propre système du moment que ce système respecte les principes fondamentaux de l’OMC (clause de la nation la plus favorisée et traitement national) et qu’ils sont efficaces. Mais l’Accord sur les ADPIC ne donne aucune indication sur les critères permettant de juger de cette efficacité. Etant donné que l’accord ne donne aucune définition sur ce que recouvre un “ système sui generis efficace ”, de nombreuses interprétations sont possibles. Lors des négociations de l’Accord sur les ADPIC, cet article a fait l’objet de nombreuses controverses tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. C’est pourquoi les négociateurs ont inclus la nécessité de réexaminer cet alinéa quatre ans après la date de l’entrée en vigueur de l’accord, soit en 1999. Dans le cadre du réexamen de l’article, de nombreux pays, essentiellement les pays en développement, souhaitent aborder les dispositions de fond de l’article afin de lever certaines ambiguïtés, notamment en ce qui concerne la protection par système sui generis. Tant que ceux-ci n’auront pas été définis par les Membres de l’OMC, l’incertitude persistera sur la définition devant être retenue, notamment en cas de différends à l’OMC. Dans le débat sur la protection des variétés végétales, la question de la définition d’un modèle sui generis est essentielle. Elle est au cœur des préoccupations des pays en développement, notamment des pays africains (cf. Partie 2). Pour ces pays qui ont des efforts importants à fournir pour mettre en conformité leur législation, et qui présentent des caractéristiques spécifiques en termes de biodiversité agricole et de sécurité alimentaire, la question mérite d’être posée. La clarification des dispositions de l’article 27.3 (b) sur les modèles sui generis (quel système ? quels critères d’efficacité ?) constitue un enjeu important.

LES MODELES SUI GENERIS COMME INSTRUMENT DE CONCILIATION ? L’extension des brevets aux formes du vivant est une question controversée. A travers l’article 27.3 (b), l’Accord sur les ADPIC rend légitimes certaines pratiques existantes en matière de brevets sur les inventions biotechnologiques. Il donne un sérieux avantage aux entreprises américaines qui brevètent des gènes depuis 1980. L’Accord sur les ADPIC constitue un point de convergence des critiques venant de certains pays du Sud et des mouvements de citoyens. Ces critiques concernent les impacts des DPI sur la réalisation des objectifs de la Convention sur la Biodiversité et les impacts des DPI sur l’agriculture et la sécurité alimentaire dans les pays en développement. Les modèles sui generis apparaissent aujourd’hui comme un nouvel outil qui permettrait de concilier la protection variétale et la reconnaissance des droits des communautés locales, en particulier dans leurs relations avec les ressources naturelles. En outre, adaptés aux spécificités de chaque pays, chaque région, ces systèmes permettraient de mieux répondre à des enjeux comme celui de la sécurité alimentaire.

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Les tensions entre l’Accord sur les ADPIC et la Convention sur la Biodiversité La Convention sur la Biodiversité et ses relations avec les DPI principes et objectifs

En juin 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) à Rio de Janeiro, plus de 100 pays signent la Convention sur la Biodiversité (dite aussi Convention sur la diversité biologique) qui entrera en vigueur en 1994. Aujourd’hui, 183 pays, sauf les Etats-Unis, ont ratifié ce premier accord international global sur la diversité biologique. La Convention sur la diversité biologique (CDB) :

Reconnaît le droit souverain des Etats sur leurs ressources : elle ouvre la voie à de nouvelles formes de régulation de la biodiversité.

Elargit le champ des conventions environnementales, jusque là sectorielles, pour englober, selon ses propres termes, “ la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces, entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ”. Cette prise en compte globale de la biodiversité va permettre une approche intégrée de celle-ci en fixant un ensemble de règles pour sa conservation, son utilisation durable et le partage des bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques.

Devient de fait, un instrument de régulation et de gestion de la diversité biologique. Les Etats obtiennent le droit souverain d’exploiter leurs ressources biologiques selon leurs propres politiques environnementales. Cette reconnaissance va leur permettre de réglementer l'accès à leurs ressources, de déterminer l’utilisation de ces ressources et le partage des avantages qui en résultent.

Encadré 7 : les piliers de la Convention sur la Biodiversité

Objectifs (article 1) : la Convention vise à promouvoir “ la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et techniques, et grâce à un financement adéquat ”. Principes (article 3) : la Convention reconnaît que “ les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique de l’environnement et le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres Etats ou dans les régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ”. Champ d’application (article 4) : cet accord s’applique aux éléments et zones de diversité biologique situés dans la limite de la juridiction nationale d’un Etat.

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CHAPITRE 1

Les dispositions de la Convention touchant aux DPI La Convention sur la Biodiversité rencontre le champ des droits de propriété intellectuelle lorsqu’elle pose les principes de la régulation de l’accès aux ressources génétiques (article 15) ainsi que de l’accès préférentiel aux technologies et leur transfert (article 16). Dans l’article 15 sur l’accès aux ressources génétiques, la CDB combine à la fois des dispositions accordant un rôle privilégié à l’Etat dans l’accès aux ressources génétiques et des dispositions de mise en œuvre du partage des avantages. La convention encourage ainsi les Etats à définir des législations nationales en matière d’accès aux ressources et leur permet de négocier directement avec les utilisateurs de celles-ci. Elle ouvre la voie à une régulation bilatérale de l’accès aux ressources génétiques. Les Parties s’engagent alors à définir un type de contrat dans lequel le consentement préalable informé et la reconnaissance mutuelle des termes de l’accord sont les deux principes fondamentaux. Le partage des avantages peut ensuite s’effectuer soit par des transferts financiers dans des cadres contractuels bi- ou multilatéraux entre pays fournisseurs (ou communautés locales) et utilisateurs de ressources (entreprises ou instituts de recherche), soit par un accès préférentiel aux technologies, en particulier aux biotechnologies. Cet accès aux technologies est régulé par l’article 16 de la CDB. C’est une condition essentielle du partage des avantages.

Cependant la Convention sur la Biodiversité n’établit pas de distinction claire entre les ressources génétiques utilisées à des fins pharmaceutiques et celles utilisées à des fins agricoles. Or le type d’utilisation va être un élément déterminant dans le choix des outils à mettre en œuvre en termes d’accès et de partage des avantages. On peut se demander si l’approche bilatérale telle qu’adoptée implicitement par la CDB est pertinente dans le cas d’utilisation agricole comme dans le cas d’utilisation industrielle. Dans ces deux articles, la convention soulève la question du rôle des droits de propriété intellectuelle mais reste ambiguë :

Article 15.7 : La CDB envisage l’utilisation d’instruments juridiques tels que les DPI afin que les bénéfices provenant de la recherche, du développement et de l’exploitation commerciale des ressources génétiques soient partagés de façon équitable avec les pays fournisseurs.

Article 16.2 : Le transfert de technologies doit s’effectuer dans certaines conditions. Il doit aller de pair avec une protection efficace des droits de propriété intellectuelle. Les termes utilisés ici sont les mêmes que ceux utilisés dans l’Accord sur les ADPIC concernant les systèmes sui generis;

Article 16.5 : Les DPI, en particulier les brevets, peuvent avoir des effets sur la mise en œuvre des dispositions liées au transfert de technologies et, de façon plus générale, sur les objectifs de la CDB. Le langage utilisé (“ peuvent ”) ne permet pas de savoir si les DPI peuvent favoriser ou au contraire restreindre les transferts de technologies, qui constituent un aspect clé du partage des avantages.

Article 8 (j) : Les Etats signataires doivent promouvoir les droits des communautés locales et autochtones dont les pratiques et savoirs traditionnels jouent un rôle dans la conservation et l’utilisation durable des ressources biologiques.

Les dispositions de la CDB sur l’accès aux ressources génétiques (article 15) et le transfert de technologies (article 16) visent ainsi à rétablir un certain équilibre entre les pays du Sud riches en biodiversité et les pays du Nord à haute technologie. Parce que ces dispositions

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concernent la régulation de technologies liées à l’utilisation commerciale de la biodiversité, notamment les biotechnologies, elles constituent un autre champ d’interférence avec l’Accord sur les ADPIC, sujet à débats. Les impacts des droits de propriété intellectuelle sur les objectifs de la CDB Les droits de propriété intellectuelle ont été discutés à plusieurs reprises lors des réunions de la Conférence des Parties de la CDB et de ses organes subsidiaires. Jusqu’à présent, aucune décision n’a permis de trancher sur l’impact des DPI sur les objectifs de la convention. La controverse continue… Les DPI, à l’origine de l’érosion de la biodiversité agricole ?

La première question posée concerne les impacts des DPI sur la biodiversité. Pour la protection des variétés végétales, l’Accord sur les ADPIC encourage le recours aux brevets ou aux certificats d’obtention végétale. Or ce type de protection des variétés végétales est fréquemment considéré comme facteur d’appauvrissement de la diversité biologique agricole8. Certains estiment par exemple, que les DPI favorisent la réduction du nombre de variétés cultivées, et donc l’uniformisation des cultures. Le système des DPI incite entre outre les entreprises semencières à centrer leur recherche sur quelques espèces et variétés à haut rendement pouvant être commercialisées le plus largement possible. Cette mutation de l’agriculture a pour conséquence le remplacement des variétés locales traditionnelles par un petit nombre de variétés modernes et donc une réduction de la diversité génétique agricole. Pour être commercialisée, une variété protégée par un COV doit être inscrite à un catalogue des variétés et autorisée. Les entreprises semencières privilégiant la nouveauté, elles ont tendance à ne plus inscrire aux catalogues des variétés qu’elles jugent dépassées. Ainsi serait favorisée une perte du patrimoine génétique. Celle-ci a déjà eu lieu dans les pays développés. Il est parfois difficile, voire impossible, de se procurer des variétés anciennes, mais adaptées à un terroir précis et résistantes à certaines maladies. Les impacts des DPI sur l’agro-biodiversité seraient amplifiés par certaines politiques nationales telles que les subventions, ou encore par les orientations actuelles en matière de recherche agronomique, qui se concentrent sur quelques variétés ou privilégient certains critères de normalisation et certaines méthodes de distribution (fruits et légumes). A cette critique, certains opposent le fait que les DPI constituent de nouvelles incitations économiques pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité : en encourageant le développement de nouvelles technologies de conservation ou en améliorant l’efficience de l’utilisation des sols. Ils ajoutent que la monoculture ne représente pas une menace pour la biodiversité. Un système de monoculture dont les rendements par récolte sont plus élevés que ceux d'un écosystème agricole diversifié, permet de réduire la pression agricole sur d’autres terres riches en biodiversité. Le manque de données scientifiques sur les impacts environnementaux des brevets ou des COV implique qu’on ne peut mesurer le rôle des DPI dans l’érosion de la biodiversité agricole. Des études sont nécessaires pour appréhender les impacts des DPI sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Ces études sont indispensables compte tenu du rôle que jouent les DPI dans le développement des industries concernées par l’agriculture.

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CHAPITRE 1

Encadré 8 : Conservation et utilisation durable de la biodiversité

Si la CDB reconnaît la responsabilité des Etats dans la conservation et l’utilisation durable de leurs ressources, elle définit un ensemble d’obligations dans ce domaine comme le suivi et l’inventaire de la biodiversité, son intégration dans les politiques sectorielles, la réalisation d’études d’impact sur l’environnement et l’élaboration de stratégies ou programmes nationaux sur la biodiversité. Afin de pourvoir à la mise en place de telles mesures, la convention reconnaît le principe de responsabilités communes mais différenciées : les Etats fournissent en fonction de leurs moyens, un appui financier à la réalisation des objectifs de la CDB. Dans l’article 20 relatif aux mécanismes financiers, les Parties s’engagent à “ fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles pour permettre aux Parties qui sont des pays en développement de faire face à la totalité des surcoûts convenus que leur impose la mise en œuvre des mesures par lesquelles ils s’acquittent de la présente Convention ”. Les Etats Parties s’accordent sur la nécessité de mettre en place un fonds spécifique alimenté par des contributions des pays du Nord et destiné exclusivement aux pays en développement. Selon l’article 39, le Fond pour l’environnement mondial (FEM) est désigné comme mécanisme financier pour faciliter l’intégration de la protection de la biodiversité dans les projets de développement.

Encadré 9 : Le cas particulier des semences génétiquement modifiées

Le recours croissant à des semences dépendant directement de l’application de produits agrochimiques (pesticides, herbicides) apparaît comme un autre facteur de perte de biodiversité. Il encouragerait l’utilisation excessive de ces produits. La question est dès lors de savoir si les DPI incitent les entreprises semencières à produire ces “ paquets ” liant semences et produits agrochimiques. Dans le cas des variétés modernes issues de la sélection traditionnelle, les DPI ne peuvent être mis en cause. En effet, le recours à l’utilisation intensive de ces “ paquets ” date de la Révolution verte, voire d’avant dans certains pays. La plupart des variétés associées généralement à la Révolution verte ont été développées par des institutions publiques de sélection sans faire l’objet d’une protection par des DPI. En revanche, dans le cas des semences génétiquement modifiées, le lien avec les DPI apparaît plus fort. Ces dernières années, les entreprises agro-chimiques ont commercialisé de nombreuses variétés de plantes transgéniques conçues pour être tolérantes à des herbicides qu’elles produisent elles-mêmes. Ici, l’herbicide et la semence transgénique tolérante à cet herbicide font tous deux l’objet d’une protection par brevet. Or la culture de telles plantes comporte des risques environnementaux potentiels (flux de gènes de résistance vers d’autres plantes, usage excessif d’herbicides, etc.). De plus, elle nécessite un recours accru aux intrants. En concentrant la recherche sur ces “ paquets ” technologiques associant semences transgéniques et herbicides, les DPI ont ainsi un impact important sur la biodiversité.

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Rôle des DPI sur l’accès et le partage La Convention sur la Biodiversité adopte un langage ambigu concernant le rôle des droits de propriété intellectuelle par rapport à l’accès aux ressources et au partage des avantages résultant de l’utilisation de ces ressources ou des connaissances traditionnelles qui s’y rapportent (article 8 (j)). Face à cette ambiguïté, deux types d’arguments s’affrontent. D’un côté, les DPI ont une influence positive sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Autour des innovations, les DPI permettent de concilier à la fois les intérêts des utilisateurs des ressources génétiques et de leur fournisseur. Les avantages générés par l’exploitation des ressources génétiques peuvent être monétaires (profits résultant de la commercialisation) ou non monétaires (transferts de technologies). Lorsque la demande est suffisante, la commercialisation de produits ou procédés protégés par des DPI peut générer des bénéfices importants, lesquels peuvent être partagés avec les fournisseurs des ressources génétiques (autorité gouvernementale, communauté locale) selon la loi nationale en vigueur sur l’accès et le partage des avantages. Les DPI peuvent en outre favoriser le transfert de technologies et de savoirs : les entreprises sont davantage incitées à transférer leurs technologies dans les pays où la protection de la propriété intellectuelle est forte. Les programmes de recherche conjoints, les joint ventures et les licences sont autant d’outils qui permettent de faciliter le transfert de technologies. D’autres affirment que les DPI de l’Accord sur les ADPIC représentent un frein à la diffusion de l’innovation et au transfert de technologies. Les brevets permettent à leur dépositaire de bénéficier de droits exclusifs sur l’utilisation du produit ou procédé breveté (pendant 20 ans minimum). Toute tierce partie qui souhaiterait exploiter l’invention pendant cette période, doit payer une licence. Dans le cas des innovations biotechnologiques, les coûts souvent prohibitifs de ces licences constituent des freins pour l’accès aux technologies. Certains estiment également que la prolifération de brevets en matière de recherche agronomique bloque plus les innovations qu’elle ne les encourage. L’Accord sur les ADPIC entre en conflit avec le principe de souveraineté des Etats postulé par la CDB. Alors que par ce principe la CDB reconnaît aux pays le droit de contrôler l’accès aux ressources génétiques, l’Accord sur les ADPIC permet que des DPI soient accordés sur des innovations effectuées à partir de ressources génétiques se trouvant sous la juridiction des Etats qui les fournissent. En outre, il ne reconnaît pas les conditions de l’accès aux ressources fixées par la Convention, à savoir que l’accès doit être soumis au consentement préalable en connaissance de cause du pays fournisseur de ces ressources.9 Concernant le partage équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles, aucune disposition de l’Accord sur les ADPIC n’y fait référence. Les DPI ne protègent en fait que les innovations commerciales utiles aux grandes entreprises et non celles qui pourraient servir aux populations locales et indigènes.

Impact des droits de propriété intellectuelle sur la sécurité alimentaire Le brevet et les COV : des outils de protection inadaptés aux spécificités des agricultures du Sud. Les systèmes agraires et semenciers reposent sur des fondements différents dans les pays du Nord et les pays du Sud. L’application à tous les pays de la réglementation internationale en matière de protection des variétés végétales suscite de nombreuses controverses. Les outils de protection développés dans le domaine de l’agriculture, les certificats d’obtention végétale puis les brevets ont plusieurs objectifs : ils visent à rémunérer le travail de l’obtenteur, à

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CHAPITRE 1

limiter la vente non autorisée de semences protégées et à encourager les sélectionneurs à développer de nouvelles variétés en leur garantissant un retour sur investissement. Le régime de la Convention de l’UPOV a été mis au point dans les pays industrialisés où la production agricole est exclusivement commerciale et où les agriculteurs représentent un pourcentage de plus en plus faible de la population. L’extension aux pays du Sud de ce système et de celui des brevets apparaît alors problématique. Les agriculteurs se trouvent généralement dans des communautés villageoises axées sur un marché interne local. La plupart des cultures sont des cultures vivrières locales, peu commercialisées. Les agro-écosystèmes présents dans les PED couvrent tout l’éventail, de la plante sauvage à la plante cultivée. Ils peuvent dans certains cas ne pas répondre aux exigences du COV et du brevet en raison d’un défaut d’homogénéité et de stabilité. De plus, les variétés créées sont généralement issues d’un processus de sélection collectif, dans lequel intervient une pluralité d’acteurs. Les semences sont gardées d’une année sur l’autre et échangées entre agriculteurs au sein de la communauté. Les systèmes actuels de protection des variétés végétales – brevet et COV - paraissent alors trop rigides et homogènes pour prendre en compte la spécificité des agricultures du Sud. Si ces systèmes contribuaient à augmenter la recherche sur les besoins des petits agriculteurs et sur les cultures vivrières ayant une importance locale, leurs impacts sur les systèmes locaux de production agricole pourraient être positifs. Mais ceci n’est qu’une hypothèse d’école. Le patrimoine génétique végétal est le premier maillon de la chaîne alimentaire. Préserver l’autonomie des agriculteurs en semences et en matériel végétal est indispensable pour la sécurité alimentaire, c’est-à-dire l’accès de tous à une alimentation saine et suffisante.

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Encadré 10 : Des variétés alternatives aux hybrides

Le maïs est la principale culture vivrière du Malawi. Jusqu’au début des années 50, date d’introduction des semences hybrides, les paysans n’achetaient pas leurs semences : ils utilisaient les leurs ou les échangeaient avec leurs voisins. L’introduction des hybrides, accompagnée de subventions pour l’achat d’intrants, a incité les petits producteurs pauvres à acheter des semences, sans que cela ne représente une charge trop lourde.

En 1987, le gouvernement, appliquant le programme d’ajustement structurel, a progressivement supprimé les subventions. Les semences hybrides sont alors devenues inaccessibles aux producteurs, et ceux-ci sont revenus à leurs pratiques traditionnelles et aux variétés locales, peu productives. La production de maïs a alors chuté, avec des conséquences sur la sécurité alimentaire du pays et des ménages.

En 1995, un programme semencier a été lancé avec pour objectifs : l’amélioration du rendement ; la possibilité pour les producteurs de faire leurs propres semences.

Pour cela, des variétés de maïs à pollinisation ouverte ont été utilisées, qui, contrairement aux hybrides, permettent la multiplication des semences par les producteurs. Les commerçants ayant des réticences pour vendre de telles variétés, qui permettent aux paysans de ne pas acheter de semences tous les ans, un système alternatif de multiplication et de commercialisation de semences, par des petits producteurs, a été développé en parallèle.

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L’accès aux semences représente donc un enjeu de taille. D’après la FAO, environ 1.5 milliards de personnes vivant dans des familles agricoles s’approvisionnent elles-mêmes en semences. Aujourd’hui, deux types de semences coexistent dans le monde. Les semences dites certifiées, ou commerciales, qui sont produites par des entreprises et vendues aux agriculteurs. Le marché mondial est estimé à 30 milliards de dollars par an (source : Fédération internationale des semences). De nombreux agriculteurs utilisent les semences issues de leur récolte : ce sont les semences de ferme. Celles-ci sont très répandues dans les PED. Ainsi, près de 90% des semences de cultures alimentaires de base utilisées dans les PED sont des semences de ferme (source : FAO). Mais le recours aux semences de ferme est également une pratique courante dans les pays industrialisés grands producteurs de céréales comme la France. Les droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales ont des conséquences en termes d’accès aux semences puisqu’ils restreignent la possibilité pour les agriculteurs de faire leurs propres semences. Les redevances ou royalties versées en contrepartie de l’utilisation d’une variété protégée par un COV ou un brevet, représentent un certain coût économique et peuvent dans certains cas dissuader l’agriculteur de faire ses propres semences. Les brevets et COV remettent ainsi en cause le droit des agriculteurs tel que le reconnaît la FAO (cf. encadré 11). Cependant la protection par les brevets reste la forme de propriété intellectuelle la plus contraignante dans ce domaine : elle interdit le recours aux semences de ferme, car on ne peut reproduire une variété librement (cf. encadré 12).

Encadré 11 : La FAO et le droit des agriculteurs

L’Engagement international (EI) de la FAO, en 1983, constitue le premier accord global de gestion des ressources phytogénétiques agricoles et alimentaires. Sa révision en 1989 reconnaît le droit des agriculteurs et la contribution ancestrale des communautés locales indigènes et des agriculteurs à la conservation et au développement des ressources phytogénétiques. Cette “ dette ” du monde à l’égard des communautés rurales justifie une compensation financière et un transfert de technologie pour leur contribution passée, présente et à venir à la conservation, à l’amélioration et à la mise à disposition des ressources génétiques. Le droit des agriculteurs ne relève pas de la propriété intellectuelle, mais d’un droit général de tous les agriculteurs au sens d’un droit du travailleur. Les semences sont à ceux qui les utilisent et le travail ne confère pas de titre de propriété. Il est compatible avec le libre accès aux ressources et donne la possibilité de éensemencer le grain d’une année sur l’autre - une liberté qui obéit au principe de l’intérêt

général. Transformé en Traité international en 2001, l’Engagement veut garantir "la conse vation re l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture e let t partage juste et équitable les avantages découlant de leur utilisation". A ce jour, le traité de la FAO a été signé par 56 pays. Plus de la moitié des signataires sont des pays en développement.

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CHAPITRE 1

Encadré 12 : Le certificat d’obtention végétale, le brevet et le libre accès

Tout en étant compatible avec le brevet, le certificat d’obtention végétal est fondé sur le principe du libre accès. Il ne s’applique qu’aux variétés végétales et confère un droit exclusif à produire, introduire ou vendre tout ou partie de la plante. Toute variété protégée reste librement utilisable comme source de variation génétique pour la création de nouvelles variétés. Les variétés doivent pouvoir se multiplier sans liens déterministes. La clause du libre accès, connue comme exemption de recherche (art.5.3), stipule que l’autorisation de l’obtenteur n’est pas nécessaire pour l’emploi de la variété en vue de la création d’autres variétés. Cet élément différencie fondamentalement le COV du brevet.

Les systèmes sui generis pour reconnaître de nouveaux droits Les systèmes sui generis se constituent par défaut en tant qu’alternative au brevet. Comme tels, ils sont au croisement des questions de rémunération des innovations (objectif de l’Accord sur les ADPIC), d’accès aux ressources génétiques et de protection des savoirs traditionnels (objectifs de la Convention sur la Biodiversité). Il s’agit d’un cadre de protection des variétés qui tel qu’il est formulé dans l’Accord sur les ADPIC donne une certaine latitude pour la reconnaissance des savoirs et savoir faire existants et pour la mise en place de réglementations les protégeant. Cette flexibilité témoigne de la reconnaissance par les Etats membres de l’OMC de la diversité des situations et donc d’une pluralité de solutions. Pratiquement, la convention Biodiversité inspire l’élaboration de systèmes sui generis, en reconnaissant les droits des communautés autochtones sur leurs ressources génétiques et le savoir-faire de ces communautés (article 8j). Ces systèmes apparaissent particulièrement intéressants pour :

Résoudre les conflits de droits :

Différents types de droits sont en discussion. La Convention sur la Biodiversité cristallise la confrontation des pays en développement et des pays à haute technologie sur les choix nationaux en terme de droits de propriété intellectuelle. Par ailleurs, les relations entre la CDB et l’Accord sur les ADPIC restent à préciser. Comme le suggère l’article 16.5 de la Convention sur la Biodiversité, les DPI, en particulier les brevets et les certificats d’obtention végétale, peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur la réalisation des objectifs de la convention. En postulant un lien entre les DPI et la conservation durable de la biodiversité et d’un autre entre les DPI et le partage des avantages, la CDB a lancé un débat riche en controverses. La mise en place de système sui generis peut permettre de dénouer les tensions entre l’Accord sur les ADPIC et la CDB (cf. ci-dessus) ;

L’établissement de systèmes sui generis offre en effet la possibilité d’établir des outils de protection des variétés végétales qui minimisent les impacts potentiels sur la biodiversité. En ce qui concerne le partage des avantages, les systèmes sui generis présentent également un intérêt puisqu’ils sont adaptés au contexte de chaque pays, de chaque région et permettent de prendre en compte la pluralité des acteurs impliqués dans la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.

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Reconnaître des droits de propriété intellectuelle autres que le brevet : La mise en place de systèmes sui generis peut faciliter l’affirmation d’autres droits tels que le droit des obtenteurs (cf. partie précédente), le droit des agriculteurs et celui des communautés autochtones et locales. La mise en place de systèmes sui generis, différents des DPI classiques pour la protection des variétés végétales (COV et brevets) est importante pour prendre en compte la diversité des situations locales, nationales et/ou régionales en matière d’agriculture. Le type d’outils choisis en matière de protection des variétés végétales sera ainsi déterminant quant à la question de la sécurité alimentaire.

2. LE CONTEXTE ET LES ENJEUX DE LA PROTECTION DES VARIETES VEGETALES EN AFRIQUE CENTRALE ET OCCIDENTALE En Afrique centrale et occidentale, la nécessité de se conformer aux dispositions de l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC s’inscrit dans un contexte particulier : les ressources biologiques fournissent des biens et services essentiels notamment pour l’agriculture et l’alimentation. La mise en place d’un système de protection variétale doit dès lors répondre à un triple objectif : rémunérer le travail de l’obtenteur, préserver la biodiversité, en particulier agricole, et garantir la sécurité alimentaire.

PRESERVER LA BIODIVERSITE AGRICOLE POUR LE DEVELOPPEMENT & LA SECURITE

ALIMENTAIRE

Biodiversité, entre usages traditionnels et usages moderne Les pays d’Afrique centrale et occidentale sont caractérisés par une très grande diversité biologique, c’est-à-dire par une grande diversité des écosystèmes, des espèces et ressources génétiques. Cette diversité connaît aujourd’hui un phénomène d’érosion important : déforestation, érosion des sols, dégradation d’habitats naturels écologiquement riches. La déforestation avec des taux atteignant 1.4% par an, est particulièrement préoccupante dans cette région puisqu’elle est la cause de l’érosion des sols et de la dégradation de la fertilité des terres agricoles. Si les activités humaines sur les milieux peuvent être avoir un impact positif (régénération des milieux par certaines pratiques de gestion traditionnelle locale), elles sont souvent à l’origine de l’appauvrissement des écosystèmes et des ressources qui leur sont liées. Or, outre son rôle écologique, la biodiversité fournit de nombreux “ biens ” et “ services ” économiques et sociaux. Les populations rurales d’Afrique dépendent directement de l’accès aux ressources biologiques et de leur disponibilité pour l’alimentation, les combustibles, la médecine, la sécurité économique, etc. Les ressources de la biodiversité sont utilisées principalement pour l’autosubsistance mais génèrent également la majeure partie de l’emploi et des recettes d’exportation. En Afrique centrale et occidentale, comme dans d’autres régions du Sud, la biodiversité est ancrée dans le mode de vie des populations locales. La préservation et l’utilisation durable de la biodiversité sont intimement liées aux enjeux de développement.

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CHAPITRE 1

Le poids stratégique de l’agriculture L’agriculture constitue la colonne vertébrale de l’économie de nombreux pays en développement. Près des trois quarts de la population des pays en développement en dépendent directement ou indirectement. Dans les pays d’Afrique centrale et occidentale le secteur agricole reste très important dans le tissu social et économique. Il représente environ un tiers du PIB. Les deux tiers environ de la population sont directement dépendants de la production agricole. La population rurale est majoritaire dans tous les pays. Selon les pays, elle représente 50 à 80% de la population.10 Leur système agraire est basé sur une agriculture de subsistance mixte à petite échelle (exploitations de type familial), combinant souvent plusieurs activités (cultures annuelles et pérennes, élevage, cueillette,…). Les systèmes productifs sont orientés vers les marchés essentiellement locaux. Les agriculteurs produisent leurs propres semences et les échangent sur les marchés locaux. La plupart des variétés cultivées sont rustiques et hétérogènes mais elles sont moins stables. Elles résultent d’un processus de sélection collectif et empirique, qui repose sur la transmission des savoirs entre les générations. A travers les échanges de variétés entre les communautés locales, s’opère un brassage génétique important. Les pratiques culturelles et sociales liées à la production et à l’échange de semences de ferme permettent ainsi la conservation de la biodiversité agricole et l’émergence de nouvelles variétés. Les agriculteurs utilisent aussi régulièrement des semences achetées qu’ils réutilisent plusieurs années de suite. Ils n’ont généralement pas les moyens d’acheter des semences tous les ans.

Encadré 13 : La conservation des semences paysannes

Au Niger, sur un terroir déterminé, les paysans utilisent une grande variété de semences de céréales traditionnelles (mil et sorgho). Dans un seul village, les paysans peuvent identifier jusqu’à une dizaine de variétés de mil traditionnel. Les semences apportées de l’extérieur constituent une variété supplémentaire, qui devra trouver sa place parmi les autres. Ces variétés se différencient par leur phénotype (aspect extérieur de la plante) et leur comportement au champ. Deux critères sont particulièrement importants : l’aspect des chandelles et la précocité. Un paysan choisit parmi les variétés disponibles sur le terroir, en fonction des caractéristiques de la parcelle cultivée. Le plus souvent, plusieurs variétés sont associées sur une même parcelle. Cette pratique suppose que lors du battage, les semences des différentes variétés soient séparées. Les semences sont stockées sur épis, et les chandelles sont choisies par le paysan en fonction du remplissage des épis et du phénotype. Les semences sont stockées dans les greniers, isolées du grain destiné à la consommation familiale. L’achat de semences est une situation d’urgence, lorsque trop de semis ont été ratés par exemple. Lorsque le choix des semences est correctement effectué, les variétés conservent leurs caractéristiques pendant au moins 5 ans.

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Le défi de la sécurité alimentaire En Afrique centrale et occidentale la situation de la sécurité alimentaire est déjà préoccupante. La disponibilité en calories est souvent inférieure à 2400 (norme de la FAO), en particulier dans les pays sahéliens. On observe des niveaux assez différents de dépendance alimentaire et de stratégies à l’égard du marché mondial. Les pays côtiers participent seulement pour 38% de la production céréalière mais importent 82% du total des importations céréalières. L’insécurité alimentaire est principalement liée à une faible productivité. Les rendements sont souvent 1000 fois moins élevés que ceux obtenus dans les pays du Nord. Cependant on observe de forts différentiels de productivité selon les pays et au sein de chaque pays (systèmes de production très contrastés suivant les zones agro-écologiques). La faible productivité est liée à des contraintes environnementales mais également à des contraintes socio-économiques (faible taux de capitalisation agraire, instabilité des prix intérieurs et mondiaux, faiblesse des dispositifs de formation, etc.).11 A cette faible productivité, s’ajoute également une tendance lourde à la dégradation de la fertilité. La sécurité alimentaire suppose ainsi l’amélioration de la productivité et de la durabilité des systèmes de culture. L’amélioration des rendements comme le maintien de la diversité génétique sont indispensables pour atteindre ces objectifs de productivité et durabilité. Le choix d’un système de protection des variétés végétales en Afrique centrale et occidentale mérite d’être effectué en tenant compte d’une part de sa capacité à améliorer la rentabilité et la durabilité des cultures et, d’autre part de l’accès aux ressources phytogénétiques et la circulation des semences pour les populations rurales et pour les économies nationales. Etant donné l’importance de l’agriculture dans les économies et l’utilisation privilégiée des semences de ferme, le choix du type de protection des variétés végétales ne sera effectivement pas neutre pour les agriculteurs et pour la sécurité alimentaire. Pour les raisons mentionnées précédemment (effets des DPI sur l’accès aux semences), la possibilité pour les agriculteurs de produire et d’échanger leurs propres semences pourrait être remise en cause par des droits trop restrictifs. Or comme mentionné plus haut, les semences de ferme sont essentielles au maintien de la biodiversité agricole et sont culturellement et socialement ancrées dans les modes de production des agriculteurs. Par conséquent, l’impossibilité d’utiliser librement des semences pourrait menacer à terme la sécurité alimentaire. Il s’agit donc de veiller à ce que ce cercle vertueux ne soit pas brisé par des droits de propriété intellectuelle trop stricts, tout en assurant la productivité, la stabilité, la durabilité des systèmes de culture, ainsi que le libre accès aux ressources génétiques et la circulation des semences.

LA LOI OUA ET L’ACCORD DE BANGUI : DEUX SYSTEMES JURIDIQUES EN CONFRONTATION Dans les pays d’Afrique centrale et occidentale, membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), la situation est particulière. Deux systèmes juridiques se trouvent en concurrence sur la liste des modèles sui generis que l’OMC peut accepter. Le premier est lié à l’accès aux ressources et au partage des avantages : il s’agit de la “ Loi-modèle de l’OUA sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et sur les règles d’accès aux ressources biologiques ”. Elle pose des principes en matière de protection des variétés végétales et de reconnaissance des droits des communautés locales. Le second

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CHAPITRE 1

système est l’Accord de Bangui. Signé en 1977, il a été révisé en 1999 par l’Organisation africaine de propriété intellectuelle (OAPI) pour tenir compte des exigences de l’OMC en matière de protection des obtentions végétales. En Afrique, les avis sont partagés entre ces deux systèmes juridiques. Si la signature de l’Accord de Bangui révisé suscite de nombreuses inquiétudes auprès d’ONG oeuvrant pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, la Loi-modèle de l’Organisation de l’Unité africaine essuie également de nombreuses critiques, qui émanent notamment de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et de l’UPOV. La controverse porte d’un côté sur la capacité de l’Accord de Bangui à répondre aux objectifs de sécurité alimentaire, d’agriculture durable ainsi qu’à la protection de la biodiversité, et de l’autre, sur la compatibilité de la Loi-modèle de l’OUA avec l’Accord sur les ADPIC.

La Loi-modèle OUA : quelle compatibilité avec l’Accord sur les ADPIC ? Soucieux de répondre aux objectifs de la CDB, les pays membres de l’Organisation de l’Unité Africaine soit 53 pays, ont posé en 1998 les bases d’un régime d’accès aux ressources génétiques : “ La législation modèle pour la protection des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et pour les règles d’accès aux ressources biologiques ”. D’après la Loi-modèle OUA, “ il est du devoir de chaque Etat et de son peuple de contrôler l’accès aux ressources biologiques et aux connaissances et technologies des communautés ”. Les principes La Loi-modèle de l’OUA est marquée par la volonté des Etats d’équilibrer les droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs, d’une part, et de refuser la généralisation des brevets sur le vivant, d’autre part. Elle s’inscrit dans la logique de la CDB en réitérant des principes fondamentaux pour les pays africains:

la souveraineté des Etats et le caractère non aliénable des droits des communautés que l’Etat a la responsabilité de protéger ;

l’importance des connaissances traditionnelles et innovations communautaires et la participation effective des communautés impliquées dans la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.

La Loi-modèle tente ainsi de répondre aux préoccupations premières des pays africains qui concernent le partage équitable des avantages ainsi que la préservation des systèmes traditionnels de culture essentiels au maintien de la biodiversité agricole et à la sécurité alimentaire. Les limites La Loi-modèle de l’OUA reste un cadre général plutôt silencieux sur certaines questions telles que la définition des termes utilisés, l’opérationnalité des droits des communautés et la mise en œuvre concrète des dispositions sur le partage des avantages. Elle n’est qu’un modèle : elle pose un ensemble de principes pouvant être repris dans les législations. Pour l’instant, seule la Namibie s’est inspirée de ce modèle.

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Le problème majeur que pose la Loi-modèle de l’OUA est sa compatibilité avec l’Accord sur les ADPIC. L’OMPI a fait part de certaines critiques. En 2001, elle estime que la non reconnaissance de la brevetabilité du vivant, notamment sur les micro-organismes, dans la Loi-modèle de l’ OUA va à l’encontre de l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC. En d’autres termes, si un pays de l’OUA intègre dans sa législation des dispositions sur la non brevetabilité du vivant, cela pourra être jugé non conforme à l’Accord sur les ADPIC. Au-delà de cette critique, se pose finalement la question de l’incitation pour des entreprises étrangères à mener des activités de bioprospection dans des pays qui dans leur législation, interdisent la brevetabilité des micro-organismes et des semences : les entreprises préféreront aller dans des pays où la brevetabilité est permise pour garder la propriété de leurs bénéfices et des revenus de leurs innovations. En outre, la Loi-modèle de l’OUA, dans le souci d’une meilleure prise en compte des intérêts des populations africaines, n’intègre le secteur privé dans aucune de ses dispositions sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages.12 La Loi-modèle de l’OUA a l’avantage de prendre en compte les préoccupations des pays africains concernant la sécurité alimentaire, la préservation de la biodiversité, etc. Mais à l’OMC et dans le contexte de l’harmonisation des droits de propriété intellectuelle au niveau international, cette loi doit faire trouver sa légitimité. Quand bien même elle serait reconnue par l’OMC, ce qui satisferait ses défenseurs, la Loi-modèle de l’OUA risque d’être peu attractive pour les investisseurs. Au-delà de la reconnaissance de cette loi comme modèle sui generis valable au sens de l’Accord sur les ADPIC se pose ainsi la question de la hiérarchie des normes et des préférences nationales dans le contexte de mondialisation.

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CHAPITRE 1

Encadré 14 : La Loi-modèle de l’OUA en bref

L’accès aux ressources et aux connaissances des communautés locales : Cet accès suppose le consentement préalable informé de l’Etat et des communautés locales concernées ainsi qu’une autorisation écrite. Toute demande d’accès doit être adressée à l’autorité nationale compétente qui est l’intermédiaire entre le fournisseur et l’utilisateur de ressources et/ou de connaissances. L’accord d’accès et de partage doit mentionner certaines obligations de la part du collecteur, notamment celle de ne pas déposer de demande de brevet sur une ressource biologique, ni de demande de DPI sur des innovations ou connaissances sans avoir obtenu le consentement préalable informé. Les brevets sur toute forme de vie (micro-organisme, plante, animal, organisme vivant) et sur les procédés biologiques ne sont pas reconnus, contrairement à ce que prévoit l’Accord sur les ADPIC. Les droits des communautés :

Ces droits sont considérés comme inaliénables et collectifs. Les communautés ont plusieurs droits : droit de refuser le consentement et l’accès ; droit de retirer le consentement et de restreindre l’accès ; droit d’utiliser et de partager leurs ressources pour le maintien de leurs modes d’existence ; et droit aux bénéfices (50% des bénéfices tirés de l’utilisation commerciale d’une ressource biologique ou d’une innovation seront perçus par le gouvernement et redistribués aux communautés locales concernées). Les droits intellectuels des communautés devront être reconnus et protégés. Les droits des agriculteurs :

Ces droits, qui sont fondés sur la contribution des communautés agricoles locales à la conservation et à l’utilisation durable des ressources génétiques végétales ou animales, impliquent la reconnaissance et la protection des variétés conformément aux lois coutumières, la protection de leurs connaissances traditionnelles et enfin, le droit de conserver, d’utiliser, de multiplier et de vendre les semences et le matériel de multiplication issus de l’exploitation (pourvu que les semences ou le matériel vendu ne soient pas destinés à un usage commercial). Les droits des sélectionneurs:

Les droits des sélectionneurs sont subordonnés aux droits des agriculteurs. Ils couvrent la protection des variétés pourvu qu’elles soient distinctes, stables et suffisamment homogènes (ou constituent une multilignée bien définie). Les sélectionneurs ont le droit exclusif de produire et de vendre ces variétés. Le système proposé est proche de l’UPOV 1961 puisqu’il intègre l’exemption de la recherche et le privilège de l’agriculteur : une variété protégée peut être utilisée librement pour mener des activités de recherche et de formation ; les agriculteurs peuvent semer le grain récolté et échanger librement entre communautés villageoises.

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L’Accord de Bangui : peut-il répondre à la spécificité des enjeux de préservation de la biodiversité et de la sécurité alimentaire en AOC? L’Accord de Bangui révisé sur la propriété intellectuelle est entré en vigueur le 28 février 2002. Alors que la plupart des pays pouvaient attendre 2006 pour mettre en conformité leur législation avec l’Accord sur les ADPIC, 11 pays parmi les 16 signataires, l’ont déjà ratifié13. Le texte fondamental révisé prévoit à travers une nouvelle annexe (l’annexe 10) de nouvelles dispositions relatives à la protection des obtentions végétales. Ces règles sont similaires à celles de la Convention de l’UPOV de 1991 (cf. Encadré 15).

Encadré 15 : L’Accord de Bangui et les certificats d’obtention végétale

Critères de délivrance du COV (articles 4 à 8) : la variété doit être nouvelle, distincte,

homogène et stable. Etendue des droits conférés par le COV (article 29): une fois les critères précédents pris en

compte, une variété reçoit une dénomination qui garantit sa désignation. Le titulaire du COV dispose alors de droits exclusifs d’exploitation de la variété (production et reproduction, vente, exportations, etc.). Ces droits s’appliquent également aux variétés essentiellement dérivées de la variété protégée.

Exceptions aux droits conférés par le COV (article 30): le système prévoit une exemption pour la recherche. En outre, un agriculteur peut sous réserve du paiement d’une redevance sur la variété initiale utiliser sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction et de multiplication, les semences récoltées de cette variété. Cette exception ne s’applique pas aux espèces fruitières, forestières et ornementales. Le privilège de l’agriculteur reste ainsi soumis à de nombreuses conditions.

Avantages D’après l’UPOV, l’Accord de Bangui révisé sur la protection des obtentions végétales présente plusieurs avantages pour la sécurité alimentaire (par l’augmentation des quantités, de la qualité), pour la promotion d’une agriculture durable (utilisation plus efficace des intrants…) et pour la préservation de la biodiversité (réduction des pressions exercées sur les agroécosystèmes…) (cf. Partie 1, § 3). Limites La Convention de l’UPOV 91 qui sert de base à l’Accord de Bangui révisé comporte des dispositions que les pays de l’OUA refusent (cf. Encadré 16). Cependant la réalité montre que l’Accord de Bangui révisé est loin d’atteindre ces objectifs. D’après des données empiriques (pays africains utilisant des COV), il apparaît que les demandes de COV effectuées concernent davantage les cultures commerciales destinées à l’exportation que les cultures vivrières importantes pour la sécurité alimentaire des pays concernés.14 Comme mentionné précédemment, les critères de délivrance des COV sur l’homogénéité et stabilité tendent à orienter l’amélioration des plantes vers l’agriculture de type industriel. Ces critères ont pour effet d’encourager les sélectionneurs à mettre au point des variétés qui sont majoritairement destinées à des systèmes de monoculture et qui peuvent être commercialisés sur des marchés

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larges (nationaux et à l’exportation). Du fait de leur uniformité génétique et donc de leur plus grande vulnérabilité, ces variétés nécessitent souvent une quantité importante d’intrants. Pendant la période 1977-1997, les factures d’importations de pesticides auraient triplé à la fois pour le Zimbabwe et pour l’Afrique du Sud qui utilisent les COV.15 En Afrique, les impacts des critères de la Convention de l’UPOV sur la durabilité de l’agriculture sont d’autant plus négatifs que les système de recherche agronomique nationaux disposent de peu de moyens pour développer des variétés adaptées aux conditions environnementales et socio-économiques locales (cf. Encadré 17). Encadré 16 : La Convention de l’UPOV 1991,

les points de désaccords exprimés par L’OUA

1. La Convention de l’UPOV 1991 supprime l’interdiction de la double protection (brevet, obtention végétale), ce qui revient à reconnaître l’articulation entre le droit des brevets et le droit d’obtention végétale, considérés jusque là comme plutôt exclusifs l’un de l’autre. Il en résulte que les lois nationales doivent organiser les rapports entre les brevets octroyés aux “ inventeurs ” de gènes insérés dans les variétés végétales et la protection accordée à la variété elle-même.

2. Elle introduit la notion nouvelle de variété essentiellement dérivée. Elle vient limiter le libre accès gratuit à la ressource génétique, qui permettait aux obtenteurs d’utiliser les variétés de leurs concurrents pour en dériver par un travail de sélection une variété nouvelle. La version révisée a pour première conséquence, celle de rémunérer l’obtenteur originaire pour l’utilisation de sa variété aux fins d’en faire une variété considérée comme essentiellement dérivée.

3. Désormais, de nombreuses variétés portent un et maintenant jusqu’à 17 gènes différents, tous brevetables. Il en résulte d’une part que la ressource génétique que constituent ces variétés, parce qu’elle comprend de plus en plus d’éléments brevetés, n’est plus en libre accès aux fins de sélection et que, d’autre part, la question du privilège du fermier, qui permettait à l’agriculteur de semer une partie de sa récolte sans payer de redevance à l’obtenteur, s’est beaucoup durcie.

La Loi-modèle de l’OUA et l’Accord de Bangui révisé répondent ainsi à deux logiques différentes (celle de la CDB pour la première et une logique mixte pour la seconde), mais aussi à deux visions différentes - une vision plutôt africaine prenant en compte les spécificités des agricultures paysannes, et une vision plutôt occidentale qui s’adresse davantage à des agricultures de type industriel.

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Encadré 17 : Nérica, nouveau riz multipliable : le difficile passage de la recherche aux champs

Le NERICA (new rice for Africa), fruit de plusieurs années de recherches publiques, est issu du croisement entre deux espèces de riz. La combinaison entre l’espèce asiatique (Oryza sativa), productive, et l’espèce africaine (Oryza glaberrima), résistante à la sécheresse et aux maladies, a permis d’allier ces deux caractéristiques. Par rapport aux variétés africaines classiques, il est trois fois plus productif, avec un cycle de production plus court (30 à 50 jours de moins). D’autre part, ce nouveau riz, dont 7 variétés différentes ont été sélectionnées, n’est ni un hybride, ni un OGM. Ce qui signifie que les paysans peuvent faire leurs propres semences, sans limitation. Aujourd’hui, l’objectif est de largement diffuser ces nouvelles variétés auprès des paysans d’Afrique de l’Ouest, particulièrement les femmes. Car pour l’instant, cette innovation a beaucoup de mal à franchir le sas des laboratoires. A l’été 2001, seul un millier de paysans ivoiriens cultivaient ce “ riz miracle ” sur…un hectare. Les raisons : le manque de moyens techniques et financiers pour diffuser l’innovation, l’inexistence de relais entre les ministères et les paysans, d’organismes compétents de certification des semences, etc. Cet exemple démontre que la recherche variétale peut mettre au point de nouvelles variétés prometteuses, sans recourir aux OGM, ni avec une protection forte des variétés mais que pour cela, des efforts sont à faire en termes de diffusion de l’innovation, de la recherche aux champs.

LES ENJEUX DES NEGOCIATIONS RELATIVES A L’ACCES AUX RESSOURCES GENETIQUES

ET LA PROTECTION VARIETALE EN AFRIQUE CENTRALE ET OCCIDENTALE Au niveau international, la question du réexamen de l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC est fondamentale pour les pays africains. Comme mentionné précédemment, cet examen qui devait donc être effectué en 1999 par le Conseil des ADPIC, n’a vraiment avancé en raison du désaccord entre les pays sur la portée qu’on doit lui donner. Certains pays, essentiellement les pays développés estiment que l’examen doit se limiter à la mise en œuvre des dispositions. Pour d’autres, en particulier les pays en développement, cet examen doit porter sur la substance : il s’agit de revoir les dispositions de fond pour envisager d’éventuels amendements qui permettraient de clarifier les termes ambigus de l’article 27.3 (b). C’est notamment la position défendue par le Groupe Africain à l’OMC. La question du réexamen de l’article 27.3 (b) continue de faire l’objet de débats au sein du Conseil des ADPIC. Elle a été mise à l’ordre du jour de la Troisième Conférence ministérielle de Seattle dans le cadre de l’Agenda incorporé. Aucune décision sur le réexamen et sur sa portée n’a pu être prise à ce moment là en raison de l’échec de cette conférence. Lors de la dernière Conférence ministérielle qui a eu lieu à Doha (Qatar) en novembre 2001, la question a été à nouveau mise à l’ordre du jour des négociations. Des décisions à Doha concernant la propriété intellectuelle, et plus spécifiquement l’article 27.3 (b) ont été prises.

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CHAPITRE 1

La position africaine sur le réexamen de l’Accord sur les ADPIC Depuis 1999, le Groupe Africain n’a eu cesse d’exprimer au sein du Conseil des ADPIC ses préoccupations sur les dispositions de fond l’article 27.3 (b)16. Soucieux d’une part, de l’équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et la préservation d’intérêts socio-économiques vitaux comme la sécurité alimentaire, la santé et la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques, et d’autre part du partage équitable entre fournisseurs et utilisateurs de ressources naturelles et de technologies, le Groupe Africain estime que l’examen des dispositions de fond de l’article 27.3 (b) devrait apporter des précisions quant à:

La distinction artificielle entre les végétaux et les animaux (qui peuvent être exclus de la brevetabilité) et les micro-organismes (qui ne peuvent pas l’être), ainsi qu’entre les procédés “ essentiellement biologiques ” d’obtention de végétaux ou d’animaux (qui peuvent être exclus) et les procédés micro-biologiques (qui ne peuvent pas l’être) : dans le premier cas, la distinction ne repose sur aucune base scientifique ; dans le second cas, sachant que les procédés “ essentiellement biologiques ” peuvent être exclus de la brevetabilité et que les procédés micro-biologiques sont également des procédés biologiques, la possibilité d’exclure de la brevetabilité devrait être étendue aux procédés micro-biologiques.

La définition de systèmes sui generis pour les variétés végétales : ces systèmes doivent tenir compte des objectifs nationaux des pays africains en matière d’agriculture durable, de sécurité alimentaire, de santé et d’équité des communautés locales qui jouent un rôle fondamental dans la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques. Par conséquent, il est important que les systèmes sui generis protègent le droit des agriculteurs à conserver, échanger et réutiliser les semences, et prévoient une exemption permettant à d’autres obtenteurs d’innover à partir de variétés protégées sans être assujettis à des conditions trop restrictives ou à des redevances prohibitives. Il est également essentiel que ces systèmes prévoient des dispositions pour assurer la protection des savoirs traditionnels et le partage effectif des avantages avec les communautés locales.

La relation entre l’article 27.3 (b) et la Convention sur la diversité biologique et le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques : sachant que de nombreux pays membres de l’OMC, en particulier les pays africains ont souscrit aux obligations internationales de la Convention sur la Biodiversité et du Traité international de la FAO, il est important que l’OMC reconnaisse les principes, les objectifs et les mesures envisagés et proposés dans le cadre de la CDB et du Traité concernant la protection des droits des communautés agricoles locales et la préservation de la biodiversité ainsi que le droit des agriculteurs et la conservation des ressources phytogénétiques.

Ainsi, les revendications du Groupe Africain sont articulées autour du refus de la brevetabilité du vivant, qu’il s’agisse de la brevetabilité des végétaux, des animaux, des microorganismes et leurs parties et de la brevetabilité des procédés naturels d’obtention de végétaux. Concrètement, le Groupe Africain propose d’amender l’article 27.3 (b) de façon à ce que :

La possibilité de breveter le vivant soit supprimée ;

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Toute loi sui generis puisse contenir des dispositions visant à (i) protéger les innovations des communautés agricoles locales conformément à la Convention sur la diversité biologique et au Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques, (ii) préserver les pratiques agricoles traditionnelles, y compris le droit de conserver, d’échanger les semences et de vendre leurs récoltes et (iii) empêcher que les droits ou pratiques concurrentiels ne menacent la souveraineté alimentaire des pays en développement comme l’autorise l’article 31 de l’Accord sur les ADPIC17. Le Groupe Africain propose l’insertion d’une note de bas de page dans ce sens à la fin de la phrase concernant les obtentions végétales. En outre, il rappelle que la Loi-modèle de l’OUA répond à ces différents objectifs.

Les dispositions de cet article s’alignent avec celles de la Convention sur la diversité biologique et le Traité international de la FAO. En outre, l’article 27.3 (b) ne reconnaît pas les conditions sur l’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages fixées par la CDB (consentement préalable informé et reconnaissance mutuelle des termes de l’accord). Des mécanismes doivent être introduits dans l’accord afin de garantir le partage des avantages et l’autorisation d’accès au matériel génétique.

Les résultats de Doha : quelles perspectives ? La quatrième Conférence ministérielle de l’OMC qui a eu lieu à Doha (Qatar) en novembre 2001, a ouvert un nouveau cycle de négociations portant sur toute une gamme de sujets (agriculture, services, questions liées à la mise en œuvre, aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, environnement, accès aux marchés, etc.). Concernant les droits de propriété intellectuelle, les discussions ont été marquées à Doha par une forte mobilisation des pays en développement et de la société civile sur la nécessité d’un rééquilibrage entre les droits privés et les préoccupations d’ordre public liées au développement, à l’environnement, à la santé et à la sécurité alimentaire. A l’issue de la Conférence ministérielle, les pays membres de l’OMC ont pris plusieurs décisions concernant les droits de propriété intellectuelle. La reconnaissance des préoccupations de santé via la déclaration spécifique sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique constitue une avancée certaine par rapport aux questions d’accès aux soins et médicaments pour les pays en développement. Les questions relatives à l'extension de la protection des indications géographiques prévue à l'article 23 à des produits autres que les vins et spiritueux sont mises à l’ordre du jour du Conseil des ADPIC conformément au paragraphe 12 de la Déclaration sur les aspects de mise en oeuvre. Concernant l’examen de l’article 27.3 (b), les pays ont convenu que le Conseil des ADPIC dans le cadre du réexamen de l’article 27.3 (b) étudie en particulier la relation entre les ADPIC et la CBD et les savoirs traditionnels (cf. Annexe 2). Article 27.3 (b) La décision de Doha n’a pas levé l’ambiguïté sur la portée de l’examen de l’article 27.3 (b). De fait, toutes les interprétations de cette décision sont possibles. Quand bien même il n’est pas acquis que le réexamen de l’article 27.3 (b) aboutisse à des changements de fond, la décision de Doha ouvre des perspectives concernant : La relation entre l’Accord sur les ADPIC et la Convention sur la Biodiversité L’examen de la relation entre ces deux accords permet de couvrir plusieurs aspects des revendications du Groupe Africain concernant la conservation et l’utilisation durable des

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CHAPITRE 1

ressources génétiques et les mécanismes d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages. L’intégration du principe du consentement préalable informé et de l’obligation de la divulgation de l’origine du matériel génétique que revendiquent certains, font l’objet de discussions approfondies. Plusieurs propositions, notamment du Brésil, de la Norvège ou du Japon ont été faites à ce sujet lors des réunions du Conseil des ADPIC18. La divulgation de l’origine des ressources génétiques pour toute demande de brevets tend à être considérée comme un mécanisme de partage des avantages. Cependant si elle est pertinente dans le cadre de demande de brevets portant sur des innovations linéaires (produits pharmaceutiques), elle n’a pas forcément de sens pour les innovations non linéaires (amélioration des plantes). En effet, il paraît difficile de pouvoir identifier le pays d’origine dans le cas de la sélection variétale. Dans le cadre des travaux du Conseil des ADPIC, la question de la divulgation de l’origine comme mécanisme de partage devrait être étudiée en tenant compte de la spécificité des innovations dans le domaine agricole. La protection des savoirs traditionnels Ce sujet est intimement lié à la question des modèles sui generis. Etant donné les caractéristiques particulières des savoirs traditionnels (transmission orale, nature évolutive de ces savoirs, etc.), leur protection par des DPI traditionnels s’avère inadaptée. L’OMPI à travers son Comité intergouvernemental sur les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et le folklore mène un travail approfondi sur les contrats d’accès, des options sui generis pour la protection des savoirs traditionnels. Une possibilité pour rééquilibrer l’Accord sur les ADPIC et protéger les systèmes de savoirs traditionnels associés à la conservation et à l’utilisation durable des ressources génétiques, serait d’amender l’article 27.3 (b) dans le sens de la reconnaissance par les membres de l’OMC de l’importance de la mise en place des systèmes sui generis efficaces permettant la protection des savoirs traditionnels. Une telle discussion permettrait au Groupe Africain de rappeler son attachement à la Convention sur la Biodiversité, au Traité international de la FAO. Dans tous les cas, la poursuite des discussions au sein du Conseil des ADPIC sur ces deux sujets sera l’occasion pour le Groupe Africain de souligner à nouveau la pertinence de la Loi-modèle de l’OUA pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et pour les règles d’accès aux ressources génétiques. Indications géographiques La décision concernant l’examen par le Conseil des ADPIC des questions liées à l’extension de la protection des indications géographiques à des produits autres que les vins et spiritueux, peut être interprétée de façon positive. Dans les pays en développement, le recours aux indications géographiques se répand. Selon les termes de l’article 22 de l’Accord sur les ADPIC, les indications géographiques “ servent à identifier un produit comme étant originaire d’un terroir d’un Membre de l’OMC, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être essentiellement à son origine géographique ”. Cette technique de protection peut être utilisée par tous les producteurs dont les produits ont des caractéristiques et une origine désignée (thé Darjeeling, ou thé de Ceylan, par exemple). L’avantage réside dans la simplicité de mise en œuvre et dans la reconnaissance des savoir-faire et des usages ancestraux des producteurs, dont la renommée est établie depuis un certain temps.

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Si certains pays estiment que les indications géographiques peuvent être utiles pour les produits dérivés des savoirs traditionnels, d’autres considèrent que l’extension des indications géographiques pourrait entraîner plus de coûts que de bénéfices (contraintes pour la commercialisation au niveau international, manque d’expérience des PED dans ce domaine, nombre réduit de produits pouvant être concernés, etc.). Lors de la dernière réunion du Conseil des ADPIC, la question des indications géographiques comme outil de protection des savoirs traditionnels a fait l’objet de vifs débats19.

Encadré 18 : Le cas du riz Basmati

Le riz Basmati, cultivé dans la vallée de l’Indus en Inde, est caractérisé et apprécié pour ses long grains. Rice Tec, une entreprise de biotechnologie américaine a déposé un brevet pour deux variétés de riz Basmati cultivées au Texas, sous les marques commerciales de Texmati et Kasmati. Au départ, le gouvernement indien voulait attaquer ce brevet pour utilisation frauduleuse de dénomination géographique. Etant donné que ce riz est cultivé dans d’autres régions, l’Inde a estimé qu’il serait difficile de plaider cette cause. Il a en fait porté plainte contre l’Office américain des brevets, qui a autorisé des brevets sur des lignées de “ riz basmati ”, et contre des programmes de recherche nationaux et internationaux (IRRI) visant à exporter du matériel génétique sans qu’aucun accord ne stipule clairement l’interdiction de revendiquer des droits de propriété intellectuelle, qu’il porte sur le matériel génétique ou sur l’appellation d’origine.

Les cadres multilatéraux de la FAO et de la Convention sue la Biodiversité sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages : En l’absence de législations nationales sur l’accès aux ressources génétiques, des accords bilatéraux de bioprospection dans les pays en développement sont menés sans véritables règles pour encadrer le comportement des utilisateurs de ces ressources, au détriment souvent d’un partage juste et équitable des avantages entre les différentes parties prenantes. Comme mentionné précédemment, l’article 27.3(b) reste muet sur les conditions d’accès aux ressources génétiques. Dans ce contexte, les lignes directrices sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages adoptées par la Sixième Conférence des Parties à la Convention sur la Biodiversité, ainsi que le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques destinées à l’agriculture et à l’alimentation (novembre 2001), sont deux initiatives importantes. En effet, elles constituent une étape décisive dans la construction d’un cadre de régulation multilatéral sur l’accès aux ressources génétiques. Elles viennent renforcer la légitimité des revendications des pays en développement concernant la nécessité de modifier l’article 27.3(b) de façon à intégrer des mécanismes garantissant le partage des avantages et l’autorisation d’accès au matériel génétique. Plus généralement,

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CHAPITRE 1

Ces deux systèmes reposent sur des modalités différentes : Les lignes directrices de la CDB Les lignes directrices de la CDB, de nature volontaire, sont destinées à servir d’appui aux gouvernements pour l’élaboration de législations nationales sur l’accès et le partage des avantages, mais également aux acteurs (fournisseurs et utilisateurs de ressources génétiques) pour leurs accords contractuels. Elles visent à encadrer l’exploitation des ressources génétiques et savoirs traditionnels associés, couverts par la convention, à savoir principalement les ressources utilisées pour la pharmacopée. Elles définissent les rôles et responsabilités des fournisseurs et des utilisateurs de ressources, ainsi que la participation des différents acteurs. Les principes de consentement préalable informé et de reconnaissance mutuelle des termes de l’accord, qui sont au cœur de la Convention sur la Biodiversité, sont soulignés et détaillés dans les lignes directrices. Ces différentes procédures ont pour but d’améliorer les formes de collaboration entre les entreprises privées, les chercheurs et les populations locales lors d’activités de bioprospection. In fine, les lignes directrices sont censées mieux tenir compte des intérêts des acteurs qui ont peu de poids dans la négociation des accords, en particulier ceux des communautés locales et indigènes, et établir plus d’équité et de transparence dans la négociation des accords de bioprospection. Outre l’adoption de ces lignes directrices qui ont été adopté en avril dernier, la COP 6 a pris plusieurs décisions concernant la question des liens entre les droits de propriété intellectuelle dans l’accès aux ressources et le partage des avantages. Ses décisions vont dans le sens, voire au-delà, de plusieurs revendications émises par le Groupe Africain dans le cadre des discussions sur l’examen de l’article 27.3 (b). La COP 6 invite les Parties et gouvernements à mentionner le pays d’origine des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels lors de demande de DPI, lorsque l’innovation qui doit être protégée est basée sur l’utilisation de ces ressources ou savoirs. Elle demande également d’examiner plus en détail le rôle des lois coutumières, dans la protection des ressources génétiques et des savoirs traditionnels, et leur lien avec les DPI, ainsi que la faisabilité d’un système de certification de l’origine, reconnu internationalement, comme garantie du consentement préalable informé et de la reconnaissance mutuelle des termes de l’accord. Elle invite l’OMPI à examiner la question de la divulgation de l’origine des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels liés aux demandes de brevets et à considérer les moyens par lesquels les Parties pourraient protéger les savoirs traditionnels. Le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques utiles à l’agriculture et à l’alimentation A la différence des lignes directrices de la CDB, le Traité international de la FAO définit un système contraignant d’accès aux ressources génétiques aux collections appartenant au domaine public. Parmi les 56 pays signataires, on compte 19 pays africains :

Le traité reconnaît le droit des agriculteurs et leur contribution à la conservation et à la mise en valeur des ressources. Il confère un statut particulier aux ressources génétiques : pour plus de 60 genres de plantes (35 vivrières et 29 fourragères) sélectionnées en fonction de critères de sécurité alimentaire et d’interdépendance, et pour la plupart des collections ex-situ des centres internationaux de recherche agronomique (CIRA) acquises entre 1970 et 1994, l’accès est facilité. Ce système d’accès concerne exclusivement les opérations de recherche, de sélection et de formation dans le domaine de l’agriculture.

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Jusqu’à présent, les droits fondamentaux d’accès facilité aux ressources génétiques ont été gérés de façon informelle : lorsqu’un pays ou un tiers voulait accéder à une ressource génétique détenue dans une banque de gènes, de simples lettres d’accord étaient rédigées. Aujourd’hui, le Traité international de la FAO prévoit un accord type de transfert de matériel pour réguler l’accès aux ressources génétiques. Les détails de sa transposition reste encore à définir.

En déléguant à la FAO la question du partage des bénéfices pour les ressources génétiques agricoles, les gouvernements reconnaissent qu’elles ne peuvent être traitées selon le consentement préalable informé et la clause de la preuve de l’origine des variétés prévus par la Convention sur la Biodiversité (cf. précédemment). Le Traité international de la FAO offre une grande souplesse dans l’accès aux ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation. Si certains pays riches en biodiversité comme le Brésil, cherchent à favoriser un mode d’échange des ressources génétiques proche de la CDB20, les pays africains sont plus attachés au Traité international de la FAO – cadre multilatéral et contraignant - afin de garantir le droit des agriculteurs et la sécurité alimentaire. S’il comporte de nombreux avantages en termes d’accès aux ressources essentielles à l’agriculture à l’alimentation, le Traité international de la FAO a pour défaut de se limiter à quelques ressources génétiques du “ domaine public ”. Des ressources génétiques aussi importantes pour la sécurité alimentaire que la tomate et le soja ont été conservées en accès bilatéral sous contrôle du pays d’origine. Le traité est également ambigu sur la question des droits de propriété intellectuelle. Le principe du partage monétaire des avantages se résume au fait que les inventions couvertes par un brevet, très utilisé aux Etats-Unis, devront contribuer financièrement au fonctionnement du système multilatéral, tandis que les obtentions végétales, plus courantes dans le secteur semencier européen, en sont dispensées.

CONCLUSION La mise en place des obligations de l’Accord sur les ADPIC en matière de protection variétale suscite des inquiétudes : la généralisation des brevets sur le vivant rendue possible par l’article 27.3 (b) risque d’avoir des conséquences graves en terme d’accès aux ressources génétiques et de circulation de ces ressources. En outre, l’article 27.3 (b) ne reconnaît pas les principes de la Convention sur la diversité biologique concernant l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages liés à l’utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés. In fine, c’est le droit des agriculteurs à conserver, multiplier et échanger les semences qui est remis en cause. Depuis la signature de l’Accord sur les ADPIC, le Groupe Africain à l’OMC, ne cesse de faire part de son opposition à la brevetabilité du vivant. L’article 27.3 (b) qui permet la mise en place de systèmes de protection sui generis, lui paraît comme alternative au brevet. Pour l’Afrique de l’Ouest en particulier, un système sui generis permettrait de privilégier des outils de protection variétale adaptés aux systèmes de production agricole traditionnels tout en affirmant le principe du libre accès et d’autres droits tels que le droit des communautés locales et le droit des agriculteurs.

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CHAPITRE 1

La Loi-modèle de l’OUA s’inscrit dans cette démarche. Elle a été élaborée avec la volonté de mieux répondre aux objectifs spécifiques de l’Afrique en terme de préservation de la biodiversité, de protection des savoirs traditionnels et de sécurité alimentaire. Elle reflète les principes fondamentaux de la CDB et du Traité international de la FAO. A la différence de l’Accord de Bangui révisé sur la protection des obtentions végétales qui est proche du système UPOV 91, la Loi-modèle de l’OUA serait mieux adaptée à la spécificité africaine des systèmes de production traditionnels agricoles. L’enjeu repose alors sur la reconnaissance de cette loi par l’OMC comme système sui generis. Mais jusqu’à présent, les discussions du Conseil des ADPIC liés à l’examen de l’article 27.3 (b) n’ont pas permis de lever certaines ambiguïtés des dispositions de l’article, notamment celles liées à la définition d’un système sui generis. Pour le Groupe Africain, cette question du réexamen est particulièrement importante car l’incertitude juridique les décourage d’exploiter cette flexibilité permise par l’Accord sur les ADPIC. Sans lever ces ambiguïtés, les pays africains craignent de recevoir des plaintes par d’autres pays qui seraient portées à l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Au risque d’ouvrir à nouveau des négociations sur cette question qui pourraient conduire à un affaiblissement de cette flexibilité, la clarification des termes leur paraît indispensable. La quatrième Conférence ministérielle de l’OMC invite le Conseil des ADPIC à clarifier dans le cadre de l’examen de l’article 27.3 (b) la relation entre l’Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique ainsi que la protection des savoirs traditionnels, thèmes qui sont transversaux à la question des systèmes sui generis. De fait, la possibilité est offerte d’avancer sur cette question afin de mieux définir les caractéristiques que ces systèmes pourraient revêtir et d’élaborer des outils de protection selon le type d’utilisation agricole ou pharmaceutique des ressources génétiques. Le contexte africain démontre que les mêmes principes concernant l’accès et le partage des avantages ne peuvent être appliqués de façon semblable pour les ressources utilisées pour les produits pharmaceutiques et celles destinées à l’agriculture et à l’alimentation. Si les discussions au sein du Conseil des ADPIC sont essentielles pour les pays africains, d’autres leviers d’action au niveau international sont à prendre en compte dans le cadre de la réflexion sur les systèmes sui generis :

La mise en place des lignes directrices sur l’accès aux ressources et le partage des avantages de la Convention sur la Biodiversité ;

L’entrée en vigueur du Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques. Ces discussions ne doivent pas être dissociées d’une réflexion au niveau régional sur la stratégie de long terme à adopter par rapport aux questions d’accès et de partage des avantages. En particulier, la question se pose pour les pays d’Afrique centrale et occidentale, qui sont membres de l’OUA, de l’intégration du secteur privé dans cette stratégie s’ils veulent donner de la substance à la loi modèle et bénéficier effectivement des avantages issus de l’exploitation de leurs ressources génétiques. En outre, il s’agit de réfléchir aux considérations techniques que supposeraient la mise en oeuvre de la Loi-modèle de l’OUA, notamment à la question des outils de protection selon le type d’utilisation – agricole ou pharmaceutique - des ressources génétiques. Les cadres multilatéraux d’accès aux ressources génétiques proposés par la CDB et la FAO qui viennent en appui aux législations nationales, pourraient permettre de répondre à certains problèmes techniques posés par la Loi-modèle de l’OUA.

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CHAPITRE 1

Communications faites au Conseil des ADPIC sur l’examen de l’article 27.3(b) (citées dans le document) :

Pays date référence Contenu Norvège 29.06.01 IP/C/W/293 Relation Accord sur les ADPIC/CDB ;

Système de partage des avantages ; modèles sui generis ; question de la divulgation de l’origine

Japon 11.12.00 IP/W/C/236 Sui generis et UPOV ; questions éthiques, liens article 27.3b) et développement, définition des micro-organismes, savoirs traditionnels et droit des agriculteurs, etc.

Brésil 24.11.00 IP/C/W/228 Etendue des besoins de clarification ; définition des micro-organismes ; intégration du principe de la divulgation de l’origine, du consentement préalable informé, etc.

Maurice au nom du Groupe Africain

20.09.00 IP/C/W/206 Article 27.3(b) et développement, sui generis, conservation et utilisation durable des ressources génétiques, droit des agriculteurs, etc.

Kenya au nom du Groupe Africain

08.11.99 IP/C/W/163 Clarification de la portée du réexamen, des termes ; ajout d’une note de bas de page sur les sui generis confirmant qu’ils peuvent inclure le droit des agriculteurs, la protection des savoirs traditionnels ; harmonisation de la CDB, de l’Engagement de la FAO et de l’Accord sur les ADPIC, etc.

Kenya, au nom du Groupe Africain

06.08.99 WT/GC/W/302 (préparation de la Conférence ministérielle de 1999)

Le Conseil des ADPIC devrait clarifier la portée de l’examen ; refus de la brevetabilité du vivant, ajout d’une note de bas de page sur les sui generis confirmant qu’ils peuvent inclure le droit des agriculteurs, la protection des savoirs traditionnels, harmonisation de la CDB, de l’Engagement de la FAO et de l’Accord sur les ADPIC, etc.

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CHAPITRE 2

CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE : Emergence des DPI dans le domaine de l’accès aux ressources génétiques et du partage des avantages Par Kent C. NNADOZIE (Nigéria) Consultant

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PARTIE I

1. TENDANCES GLOBALES ACTUELLES Les questions portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique occupent actuellement une place de premier plan dans le débat mondial. Au cœur de ce débat parfois polarisé et à facettes multiples, un point central consiste à comprendre comment les questions traitées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres instances influent sur les objectifs de la Convention sur la diversité biologique (CDB). La situation sur la scène globale, dans ce contexte, est caractérisée par certaines tendances perceptibles : 1. Il y a une convergence croissante entre les questions relatives au commerce, à

l’alimentation et à l’agriculture, à la santé, au transfert de technologie, et à l’allègement de la pauvreté. Ceci peut être attribué en partie aux avancées récentes de la science et de la technologie, ainsi qu’au rôle que les ressources biologiques jouent actuellement en termes économiques et dans les questions de sécurité alimentaire et sanitaire.

2. Les développements de la politique internationale déterminent de plus en plus la politique nationale et les activités de la recherche. Les lois nationales et même locales sont de plus en plus inspirées et déterminées par les accords internationaux, car ces accords fixent les normes, les critères et même les limites des capacités législatives des nations.

3. On observe un tarissement continu du financement et des ressources du secteur public, et par extension, de la recherche d’intérêt général. Ceci est particulièrement critique dans les pays en développement.

4. La situation décrite ci-dessus a pour pendant un accroissement correspondant de l’implication, du poids, et par conséquent de l’influence, du secteur privé dans l’établissement de l’agenda et de la prise de décision au niveau international. Il y a une concentration significative du pouvoir économique entre les mains du secteur privé, à un tel point que certaines entreprises ont un chiffre d’affaire annuel supérieur au PIB cumulé d’un groupe de pays africains.

La question des droits de propriété intellectuelle (DPI) joue un rôle central dans ce débat et oriente les diverses tendances énumérées ci-dessus.

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2. RESSOURCES GENETIQUES : DES ROLES AUX DROITS Il y a un lien direct entre le rôle que jouent les ressources biologiques dans la société et les droits qui découlent de ces ressources ou qui sont revendiqués à leur propos. L’existence même de la société humaine dépend des ressources biologiques. La valeur qui leur est attribuée résulte de leur rôle essentiel dans les domaines de la sécurité alimentaire, de la santé ou de l’économie. Et puisqu’il y a valeur, la question de l’accès et de l’extraction de telles ressources se pose naturellement et, par extension, celle du contrôle de cet accès. Même chez les animaux, il y a concurrence et l’on sait que certaines espèces veillent sur leurs aires d’alimentation, qu’elles défendent férocement contre l’accès non autorisé, parfois jusqu’à la mort. Dans la société humaine, un des moyens d’exercer ce contrôle est la propriété – soit à travers la possession physique soit conférée par la loi. Etant donné le rythme rapide des avancées technologiques dans la génétique et la biologie, il n’est pas surprenant que nous examinions les paramètres juridiques de la propriété et du contrôle de la matière biologique. Reflétant les tendances plus vastes de la mondialisation et de la consolidation des marchés mondiaux, le secteur privé, les gouvernements nationaux et les organisations intergouvernementales sont en train de déployer des efforts concertés pour « harmoniser » la propriété intellectuelle – PI – afin d’assurer un semblant de cohésion dans un domaine sujet à changements.1 Il ne fait aucun doute que l’application des technologies modernes aux bio-matériels a entraîné de nouvelles opportunités économiques, et a ainsi engendré une croissance et une consolidation dans l’industrie des produits bio-industriels. Elle pose également de nouveaux défis pour les régimes de propriété intellectuelle existants. La tendance dans les pays industrialisés, promue par le secteur privé, est à l’expansion du champ et/ou de l’application des brevets et des droits des sélectionneurs de variétés végétales aux bio-matériels. Cependant, il y a un manque évident de preuves empiriques sur les impacts potentiels des régimes de propriété intellectuelle sur la biodiversité, la sécurité alimentaire et le développement.2

3. EVOLUTION DU DROIT ET DES POLITIQUES « Derrière la politique et les profits, il y a une histoire qui démarre avec la chasse et la cueillette il y a 12.000 ans et descend, aujourd’hui, jusqu’à la manipulation génétique. »

FACTEURS CRITIQUES En considérant le développement et l’évolution du droit et des politiques en matière de DPI dans le domaine des ressources génétiques, il convient de noter certains facteurs critiques déterminants, glanés à travers la littérature existante.

En premier premier lieu, les régimes juridiques évoluent dans le temps en réponse à des situations et à des besoins changeants.

En second lieu, les changements dans ce domaine sont souvent stimulés par les percées scientifiques et par les avancées technologiques.

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CHAPITRE 2

En troisième lieu, les régimes juridiques sont souvent le reflet dans le temps du pouvoir de divers acteurs.

Enfin, il y a des relations étroites entre la valeur économique et commerciale d’une ressource et l’attribution et l’affectation de droits juridiques sur cette ressource.

PHASES D’EVOLUTION En réalité, il n’y a pas de phases pouvant être strictement délimitées dans le développement des régimes juridiques de DPI en ce qui concerne les ressources génétiques, même s’il y a certains repères et jalons clés de l’époque préhistorique à nos jours. Toutefois, pour être plus précis, certaines grandes phases ont été délimitées ici.3

Epoque préhistorique – Ere de l’échange La lutte à propos de questions de souveraineté, de contrôle et d’appropriation des ressources génétiques remonte aux temps préhistoriques. En fait, elle est liée à l’existence de l’humanité, au sein de laquelle se joue la connexion rôles-valeur-accès-contrôle-propriété. Cette phase ira de l’époque préhistorique à la période coloniale. On raconte qu’aux environs de 1500 avant Jésus Christ dans un royaume de l’ancienne Egypte la Pharaone Hatshepsout envoya une expédition militaire pour collecter des variétés de semences singulières afin d’enrichir les ressources de son royaume. Le fait symbolique d’une expédition de nature militaire indique soit l’attente d’une résistance face à la collecte, soit une tentative pure et simple d’exercer un contrôle. Durant cette phase, l’accès aux ressources génétiques est essentiellement une question soit de puissance, soit de capacité ou de ressources. Durant l’ère des explorations, période de vaste quête de connaissances, les scientifiques ont entrepris de grandes expéditions pour la collecte de ressources biologiques. Ils pratiquaient le partage et pensaient que l’accès aux ressources devait être libre et sans entrave. De grands échanges ont eu lieu durant cette période, qui ont aidé à définir les régimes alimentaires de certains pays jusqu’à nos jours. Le plus remarquable de ces échanges est ce que l’on appelle le grand échange colombien, qui a introduit la tomate en Italie, a apporté le maïs en Afrique, le blé en Amérique latine et la pomme de terre en Irlande.

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L’époque coloniale peut également être assimilée à cette ère. Mais, une logique et un paradigme totalement différents ont prévalu alors, passant du commerce à la domination et au désir de contrôler les sources de ressources génétiques représentant des matières premières nécessaires aux pays européens. Parmi les moyens de contrôle figuraient l’interdiction juridique pure et simple de cultiver certaines classes de plantes et de récoltes. Ceci était souvent appliqué concrètement par la restriction de l’accès et de la circulation des matériels de dissémination nécessaires (semences). Jusqu’à cette période, le contrôle et la propriété étaient limités aux droits de propriété sur les matériels récoltés. Ils ne s’étendaient pas à l’information contenue dans ces récoltes (matériel génétique). Autrement dit, il n’y avait pas de DPI pouvant être obtenus grâce à des machines et d’autres inventions physiques permettant l’extraction de matériel génétique. Toutefois, les autorités coloniales ont, dans certains cas, revendiqué des droits exclusifs sur la production ou la fourniture d’espèces/variétés particulières – blé, canne à sucre, indigo, opium, etc. Cependant, il n’y avait pas de recours

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quand les matériels étaient sortis en contrebande de la juridiction des autorités ou obtenus par d’autres voies.

Années 60, début des années 70 (famine et révolution verte) Durant cette période, des objectifs de recherche et de conservation ont stimulé les efforts de collecte et d’évaluation des ressources biologiques. Sous l’instigation du secteur public, ce fut également la période de mise en œuvre de la révolution verte, impliquant l’utilisation de variétés à hauts rendements, essentiellement des hybrides, sans recours aux DPI. Le paradigme dominant alors était que les ressources génétiques étaient un Patrimoine Commun de l’humanité. Toutefois, le recours généralisé aux variétés à haut rendement est devenu une menace considérable pour la diversité, base de la production alimentaire et du développement. On vit l’abandon des espèces primitives traditionnelles et, dans certains cas, le début de leur disparition. En réponse à cette tendance, on a établi le réseau mondial des banques de gènes, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Par la suite, des Centres internationaux de recherche agricole furent mis en place de sous les auspices du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Ces centres ont initié des programmes de collecte très dynamiques. Actuellement, ils comptent entre eux près de 600.000 accessions, provenant de différentes parties du monde, essentiellement des pays en développement. En fait, L’Engagement international de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture qui avait été conclu alors déclarait explicitement que ces ressources étaient un Patrimoine Commun de l’humanité.

Années 70 – 90 : Propriété, droits, et équité Avec les formidables avancées technologiques, spécialement dans le domaine de la biotechnologie, et avec l’appréciation de la valeur pécuniaire des ressources génétiques, on a vu des tentatives visant à étendre les DPI aux variétés « améliorées » et à l’information contenue dans les ressources génétiques. Les pays en développement on perçu le clivage entre ce recours aux DPI et le concept de « patrimoine commun ». Ils ont eu une forte réaction et ont contesté le fait que les matériels dont ils sont les dépositaires et qu’ils ont entretenus au cours des millénaires soient librement accessibles, alors même que des restrictions sont appliquées sur les matériels développés à partir de ceux-ci et que les avantages découlant de tels développements ne sont pas partagés de manière équitable. Ceci a mené à la négociation et à l’établissement de la CDB. Toutefois, il y a eu, parallèlement, dans d’autres instances, des événements et des négociations qui ont entraîné l’extension de la propriété intellectuelle à des questions qu’elle ne couvrait pas jusqu’ici. Si des DPI tels que les droits d’auteur, les brevets ou les marques de fabrique existent depuis des siècles, l’extension des DPI à des entités vivantes et aux connaissances/technologies qui y sont associées n’est survenue qu’à une période relativement récente. En 1930, la loi américaine relative aux brevets sur les végétaux (US Plant Patent Act) a été adoptée, accordant des DPI aux variétés végétales reproduites de manière asexuée. Plusieurs autres pays ont par la suite appliqué une forme de protection des variétés végétales, ce jusqu’à la signature en 1961 d’une Convention internationale pour la protection des nouvelles variétés végétales. La majeure partie des signataires étaient des pays industrialisés, qui s’étaient également constitué en l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). La

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CHAPITRE 2

Convention est entrée en vigueur en 1968. Les droits sur les variétés végétales, ou droits du sélectionneur de variétés végétales, confèrent au titulaire du droit des pouvoirs réglementaires limités sur la commercialisation de ‘ses’ variétés. Jusqu’à récemment, la plupart des pays autorisaient les agriculteurs et les autres sélectionneurs à être exemptés de tels droits, tant qu’ils ne se livraient pas à des transactions commerciales sur les produits de marque. Toutefois, un amendement de 1991 à la Convention de l’UPOV a renforcé le caractère monopolistique des droits du sélectionneur, et certains pays ont pratiquement proscrit les exemptions accordées aux agriculteurs et aux sélectionneurs.4 D’un point de vue historique, les variétés végétales avaient été exemptées du régime international de brevets, par égard à la pratique traditionnelle des agriculteurs consistant à conserver et à échanger des semences. Les pays industrialisés débattent toutefois des avantages des droits du sélectionneur de variétés végétales comme étant une forme de monopole pouvant encourager l’activité de sélection végétale. En 1972, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu le brevet demandé par le microbiologiste Ananda Chakrabarty sur une souche bactérienne génétiquement modifiée. Ceci a légitimé le point de vue selon lequel tout ce qui était fait par l’homme et n’était pas trouvé dans la nature était brevetable. Des brevets ont également bientôt été accordés sur des animaux génétiquement modifiés tels que la tristement célèbre ‘onco-souris’ de l’Université d’Harvard (élevée pour la recherche sur le cancer). Enfin, plusieurs demandes de brevets ont été faites, et certaines accordées, sur du matériel génétique humain, notamment du matériel à peine modifié par rapport à son état naturel. Jusqu’à très récemment, ces DPI n’étaient reconnus que dans certains pays et ceux-ci ne pouvaient les appliquer à des pays tiers. Ceci a toutefois changé avec la signature de l’Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui étend à tous les Etats Membres de l’OMC l’obligation de protéger les droits de propriété sur les variétés végétales. De plus cet accord exige de tous les Etats membres qu’ils accordent des brevets sur les micro-organismes et les « procédés micro-biologiques », ainsi qu’une forme « efficace » de DPI sur les variétés végétales, soit par des brevets, soit par une (nouvelle) version sui generis. De nos jours, on observe un élargissement continu de la discussion sur les droits de propriété intellectuelle dans l’enceinte de l’OMC. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), ainsi que d’autres institutions internationales deviennent de plus en plus actives sur le sujet de la connexion ressources génétiques-DPI et de leurs effets les uns sur les autres. En conséquence, il y a aujourd’hui, un dédale global consternant de textes touchant aux DPI. Des discussions sont menées simultanément, sur différentes composantes de l’interface dans nombre d’enceintes différentes : entre autres, la FAO, l’UPOV, la CNUCED, la CDD, l’OMS, des organes régionaux et sous-régionaux…

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4. CDB ET DPI Les principaux objectifs de la CDB sont au nombre de trois : la conservation, l’utilisation durable de la biodiversité, et le partage des avantages découlant de son utilisation. La convention affirme la souveraineté nationale sur les ressources génétiques dans tous les pays parties, et stipule que les lois nationales doivent déterminer l’accès aux ressources génétiques5. Elle appelle également à la reconnaissance et à la protection des connaissances et des pratiques des communautés autochtones et locales en rapport avec cette biodiversité. La CDB comprend deux dispositions intéressantes relatives aux DPI. Premièrement, l’article 16.5 énonce que les Parties contractantes coopéreront pour assurer que les DPI s’exercent « à l’appui et non à l’encontre des objectifs de la CDB ». Ceci est, toutefois, « sans préjudice des législations nationales et du droit international ». Deuxièmement, l’article 22 stipule que les dispositions de la CDB ne modifient en rien les droits et obligations des pays découlant « d’accords internationaux existants, sauf si l’exercice de ces droits ou le respect de ces obligations causent de sérieux dommages à la biodiversité ou constituent une menace pour elle ». En lisant ces dispositions ensemble, et dans l’esprit de la CDB, nombre de personnes ont conclu qu’il y avait là un fondement pour contrer la marche apparemment inexorable des régimes de DPI décrits ci-dessus.6 Survenant presque simultanément avec l’adoption de la CDB, l’Accord sur les ADPIC à été conclu dans le cadre du Cycle d’Uruguay de l’OMC. En raison de ses dispositions, l’Accord sur les ADPIC a eu un impact direct sur les ressources biologiques et a été perçu par beaucoup comme effectivement en conflit avec la CDB, sous certains aspects. L’Accord sur les ADPIC oblige les Etats parties à modifier leurs régimes nationaux de DPI pour répondre à des normes internationales fortement rehaussées, ce qui pourrait avoir des implications significatives pour la biodiversité et les systèmes de connaissances qui y ont associés. De plus, cet accord jouit d’un avantage singulier du processus de l’OMC en ce sens que la mise en conformité est garantie, sous peine de sanctions commerciales contre le membre en faute. La CDB quant à elle, n’a pas de mécanisme contraignant d’exécution.7 Les dispositions les plus cruciales de l’Accord sur les ADPIC, en ce qui concerne les ressources génétiques, figurent à l’article 27. Le paragraphe 1 dispose qu’ « un brevet pourra être obtenu pour toute invention de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques ».8 En réponse, les pays en développement en particulier ont eu à apporter des changements significatifs à leurs lois, en supprimant des exceptions à la brevetabilité pour certaines catégories de produits tels que les produits pharmaceutiques ou les technologies agricoles.9 De façon plus primordiale, l’article 27.3(b) prévoit que les Membres peuvent uniquement exclure de la brevetabilité les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux et d’animaux, autre que les procédés non biologiques et micro-biologiques. Toutefois, les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets ou par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Ces dispositions ont suscité, surtout chez les pays en développement, de grandes préoccupations, et figurent parmi les plus litigieuses actuellement débattues lors des réunions de l’OMC.

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CHAPITRE 2

Au premier plan de ces préoccupations, il y a le fait que ces dispositions nécessitent ou permettent le brevetage des formes de vie. En effet, l’article 27.3(b) de l’Accord sur les ADPIC permet aux pays d’exclure, en tant que tels, les animaux et les végétaux de la brevetabilité. Toutefois, les dispositions ci-dessus ont par elles-mêmes des implications sérieuses, car les pays ne sont plus autorisés à proscrire totalement le brevetage des formes de vie.

En second lieu, il n’y a pas de prescription pour la protection des connaissances ou la reconnaissance de la contribution apportée par les populations autochtones, les communautés locales et les agriculteurs qui souvent fournissent les matériels et l’information de base pour le développement de nouvelles variétés ou de nouveaux produits.

En troisième lieu, il n’y a pas de mécanisme pour le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation ou de l’exploitation des connaissances ou des matériels locaux dans le développement des obtentions ou des nouveaux produits.

En quatrième lieu, il n’y a pas de critère ou d’orientation pour déterminer ce qu’implique « un système sui generis efficace ». On peut mettre en question le niveau de flexibilité autorisé pour élaborer des systèmes sui generis de protection des variétés végétales, car le terme « efficace » peut être interprété par les pays industrialisés pour imposer un régime similaire à la Convention de l’UPOV. En fait, une série d’événements datant de 199910 corroborent que cette interprétation est déjà en train d’être imposée aux pays en développement.11 Par exemple, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), représentant 15 pays francophones, a décidé d’adhérer à la Convention de l’UPOV 1991, dans le cadre de ce que l’on appelle à présent l’Accord de Bangui. Alors qu’en pratique, les membres de l’OAPI n’étaient pas tous tenus d’adopter immédiatement une loi sur la protection des variétés végétales – certains ayant jusqu’en 2006 pour le faire. Et qu’en outre, l’Accord sur les ADPIC prévoit la mise en place d’un système sui generis de protection des variétés végétales, dont la portée et le champ d’application n’avaient pas été examinés de manière adéquate. En conséquence on peut affirmer que la hâte avec laquelle l’Accord de Bangui et ses annexes ont été adoptés atteste de l’influence de certains intérêts, très probablement étrangers – tant officiels que privés.

L’article 27 de l’Accord sur les ADPIC devait être réexaminé en 1999, mais ceci n’a pu se faire, car la tristement célèbre réunion de l’OMC à Seattle, au cours de laquelle il devait être débattu, a échoué. Cet article sera peut-être repris avec d’autres dispositions du reste de l’accord, qui doivent à présent faire l’objet d’un réexamen général.

5. ROLE DES DPI Aucun autre sujet, n’a généré, ces derniers temps, autant de littérature et de controverses que l’interface de la CDB et de l’Accord sur les ADPIC, peut-être parce qu’elle touche à de nombreuses composantes dans pratiquement tous les domaines de l’activité humaine, que ce soit la culture, la santé, l’alimentation et l’agriculture, ou le commerce et le développement. Mais en considérant les contradictions qui se font jour et le profil de plus en plus visible des DPI dans le domaine des ressources génétiques, il serait nécessaire d’examiner brièvement les rôles que les DPI sont censés jouer dans la société.

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Historiquement, les DPI ont été conférés par l’Etat comme moyen d’encourager l’innovation tout en garantissant à la société l’accès aux connaissances et à l’information liées à cette innovation. Tout d’abord sous forme de privilèges dans les temps anciens, ils sont devenus ensuite des droits à part entière (généralement limités dans le temps et dans le champ d’application) et plus récemment, ont été internationalisés. Toutefois, à toutes les périodes et dans les différents stades de développement, la protection des DPI a toujours été perçue non comme une fin en soi, mais comme ayant un rôle fonctionnel à jouer par rapport aux objectifs prioritaires dans d’autres domaines des activités de l’Etat, particulièrement le bien-être économique et social de ses populations. En d’autres termes, les DPI ont été et sont un Outil. Un outil économique utilisé par l’Etat, et où la politique et les objectifs économiques généraux devraient déterminer comment ces droits sont utilisés, spécialement dans le contexte des obligations internationales. C’est dans cette optique que même l’Accord sur les ADPIC reconnaît la nécessité de promouvoir une protection adéquate et efficace des DPI dans le cadre d’une série d’objectifs sociaux et économiques plus larges. L’article 8 énonce : Les Membres pourront, lorsqu’ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition, et pour promouvoir l’intérêt public dans des secteurs d’une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent Accord. Dans ce contexte, des régimes de propriété intellectuelle appropriés en ce qui concerne les ressources génétiques pourraient aider un pays à réaliser ses objectifs de développement, à exploiter ses vastes ressources de manière durable et aussi à renforcer les incitations à la conservation. Malheureusement, les développements récents ne rendent guère cette tâche aisée, spécialement à la lumière des tendances globales examinées plus haut. De ces tendances, l’on peut également tirer les déductions suivantes :

Dans l’état actuel des choses, la complexité et la multiplicité des questions et des processus sont, au mieux, source de confusion. Elles sont devenues extrêmement difficiles à suivre et à comprendre, spécialement pour les pays en développement.

Il y a, à présent, dans les régimes actuels de propriété intellectuelle, des lacunes pratiques et conceptuelles dans le traitement des questions présentant un intérêt pour les pays en développement. Il s’agit, entre autres, des connaissances des communautés autochtones et locales, des droits des agriculteurs et du statut du matériel dans les collections du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI).

Il y a une tendance croissante à la sacralisation des DPI, presque élevés au rang de droits fondamentaux. Ceci a eu une influence considérable sur les priorités de recherche, spécialement dans le secteur public. Dans de nombreux cas, les projets de recherche sont choisis en ayant à l’esprit les DPI, plutôt qu’en se concentrant sur la résolution de problèmes de société. Il semble qu’on se trouve à présent dans une phase qu’on pourrait qualifier de transition des théories des DPI à la théologie des DPI.

Dans ce contexte, l’intégrité de la recherche scientifique en tant que système crédible a systématiquement subi des attaques et semble en conséquence, avoir été affecté de manière significative. Il y a un glissement apparent de la quête objective de vérité, au service du profit. On est arrivé à la situation suivante : « Montrez-moi l’argent, j’obtiendrai les résultats que vous voulez. »

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CHAPITRE 2

Si l’on peut soutenir que les DPI ne sont qu’un outil, la question se pose de savoir si l’outil est approprié pour tous les secteurs et dans toutes les circonstances. Très récemment, à Doha, il a été convenu que des DPI forts ne sont pas appropriés pour le secteur de la santé/secteur pharmaceutique en raison du rôle que joue ce secteur pour le bien-être des citoyens des Etats Membres de l’OMC. On note que les mêmes arguments pourraient également être avancés pour le secteur de l’alimentation et de l’agriculture. Comme un des principaux déterminants des régimes juridiques est le pouvoir et l’importance relative des acteurs en jeu, on peut espérer à l’avenir voir une transition similaire dans ces secteurs.

6. CONTEXTE POLITIQUE Même au cœur d’un environnement global en rapide évolution, la plupart des pays en développement, spécialement en Afrique, sont assaillis par de très graves problèmes, particulièrement en ce qui concerne la formulation et la mise en œuvre des politiques. Parmi les autres problèmes, on peut citer :

Le défaut de capacité juridique, institutionnelle et scientifique ;

Le manque de clarté quant à la portée des mandats des différents départements et agences gouvernementaux ;

L’absence de mécanismes efficaces pour traiter des questions complexes qui chevauchent diverses juridictions ;

Des questions et approches qui ne sont pas suffisamment intégrées ou articulées ;

Une déconnexion totale entre les discussions globales et les questions présentant un intérêt aux niveaux local ou communautaire ;

Une faible participation dans les processus internationaux. Les décideurs qui tentent de mettre au point une bonne politique, cohérente et systématique sur les ressources génétiques sont confrontés à d’innombrables questions connexes en évolution rapide, qui sont débattues parallèlement dans de multiples instances nationales et intergouvernementales. Cerner toutes les questions ayant une pertinence pour la conservation et la gestion des ressources génétiques, puis les intégrer dans une politique cohérente, est une tâche extrêmement complexe.12 Au vu de ces défis, un moyen pour rentabiliser et activer les efforts de politique de réglementation est de se servir d’un cadre de coopération régionale pour coordonner l’élaboration de législations et de politiques.13 Nombre d’arguments ont été avancés pour appuyer l’adoption d’une approche régionale dans la prise en compte de ces questions. Les succès modestes enregistrés par les pays en développement durant la négociation et l’adoption du Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, ainsi que lors de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique sont des indicateurs du type de progrès qui peuvent être réalisés dans l’intégration des questions présentant un intérêt pour les pays en développement dans les processus internationaux de négociation, pour peu que des positions communes soient adoptées sur les questions en cours de discussion.

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En outre, les pays africains peuvent, et devraient recourir aux DPI pour s’atteler aux problèmes émergents – sécurité alimentaire, santé, commerce et développement économique - et garantir que les questions relatives aux ressources génétiques soient pleinement intégrées dans les programmes régionaux – Union Africaine, NEPAD, CMAE, etc. Il devrait y avoir davantage d’efforts visant l’intégration des questions et préoccupations africaines dans les processus globaux où les questions pertinentes sont en cours de discussion – TIRPAA, OMPI, CDB, OMC, etc.

CONCLUSION Qu’il s’agisse de droits des sélectionneurs de variétés végétales, de brevetage des végétaux et des animaux, ou de demandes de monopoles sur des gènes humains, il y a peu de consensus en ce qui concerne les impacts potentiels de la propriété intellectuelle sur la biodiversité, la sécurité alimentaire et le développement. En dépit des efforts concertés visant à harmoniser et rendre cohérente la propriété intellectuelle telle qu’elle s’applique aux bio-matériels au niveau national et régional, elle continue d’être sujette à controverse et se caractérise par la confusion et l’incertitude.14 Les pays africains devraient réfléchir à leurs priorités et travailler à partir de là, dans le contexte de leurs obligations internationales, tout en gardant à l’esprit que le processus de prise de décision doit intégrer à la fois des considérations à court et à long terme.

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CHAPITRE 2

RÉFÉRENCES Biodiversity Action Network 1999. Access to Genetic Resources: An Evaluation of the Development and Implementation of Recent Regulation and Access Agreements; Environmental Policy Studies Working Paper #4 Columbia University, New York. Bragdon Susan and David Downes, 1998. Recent Policy Trends and Developments Related To The Conservation, Use And Development Of Genetic Resources, Issues in Genetic Resources No. 7, June, International Plant Genetic Resources Institute, Rome. Correa, Carlos, 2000. Policy Options for IPR Legislation on Plant Varieties and Impact of Patenting. Document No: GFAR/00/17-04-02, Global Forum for Agricultural Research, (GFAR) May 21 – 23 2000 Dresden, Germany. Kothari, A. and Anuradha, R.V. 1999. Biodiversity and Intellectual Property Rights: Can the Two Co-Exist? 2(2) Journal Of International Wildlife Law & Policy. Nnadozie, K., 2001. “Access to Genetic Resources and Intellectual Property Rights: Regulatory and Policy Framework in Nigeria” in IP in Biodiversity and Agriculture. Perspectives on Intellectual Property Volume 9; Drahos, Peter and Blakeney, Michael (Eds.). Sweet & Maxwell, London. Nnadozie K. 2002. “Plant Genetic Resources in Africa’s Renewal: Policy, Legal and Programmatic Issues under the New Partnership for Africa’s Development” IPGRI, Nairobi.

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CHAPITRE 3

Mise en œuvre et réexamen de l’Accord sur les ADPIC : les enjeux des négociations post-Doha pour l’Afrique Par Habib OULD HEMET (Mauritanie) Premier Conseiller à la Mission permanente de la Mauritanie auprès de l’ONU et des Organisations internationales en Suisse - Genève

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PARTIE I

INTRODUCTION L’Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) constitue, avec les Accords sur les marchandises et l’Accord général sur le commerce des services, un des textes juridiques de base de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les droits de propriété intellectuelle (DPI) concernent de nombreuses questions prioritaires pour les pays africains, notamment dans les domaines de la santé, du transfert de technologie, de l’investissement étranger direct, du commerce ou des ressources biologiques. L’introduction des DPI dans le champ de compétence de l’OMC, en plus d’être une innovation marquante pour le Système commercial multilatéral (SCM), met en place des normes de protection plus élaborées, un mécanisme de règlement des différends entre les pays membres ainsi que des procédures de sanction pour faire respecter ces droits au niveau national. Le système de protection ainsi mis en place reprend les principales Conventions de l’OMPI sur la propriété intellectuelle (Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle, Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques, notamment) en y ajoutant les principaux principes du SCM comme la règle de la Nation la plus favorisée ou le traitement national. Parmi les domaines couverts par l’Accord sur les ADPIC, plusieurs revêtent une importance primordiale pour l’Afrique : exclusions et alternatives aux brevets (article 27.3b), transfert de technologie aux PMA (article 66.2), extension de la protection des indications géographiques (article 23), protection des obtentions végétales (article 27.3b). L’examen de la mise en œuvre de l’Accord au titre de l’article 71.1, prévu tous les deux ans, associé au mandat découlant des paragraphes 17 à 19 de la Déclaration Ministérielle de Doha (DMD), constitue un cadre approprié pour faire émerger les préoccupations de l’Afrique et prendre en compte ses propositions.

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Les liens entre la protection de la propriété intellectuelle et d’autres politiques comme les politiques d’investissement ou le commerce électronique soulignent le caractère horizontal du sujet qui le situe parfois au centre de différentes négociations multilatérales. En examinant les principaux enjeux sous l’angle du développement et en tirant les enseignements de la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC, ce chapitre vise à mettre en perspective les positions de négociation de l’Afrique en vue de peser sur le cours des négociations multilatérales en cours et tirer le meilleur profit des opportunités du système commercial organisé au sein de l’OMC, devenu un pôle structurant des relations internationales.

1. MANDAT DE NEGOCIATION DANS LE PROGRAMME DE DOHA : LES ENJEUX POUR L’AFRIQUE Le mandat de négociation résulte à la fois du Programme incorporé, du Programme de travail en cours, des paragraphes 17 à 19 de la DMD et de la « Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et sur la Santé publique». Des problèmes liés à la mise en œuvre tels que le régime d’épuisement des droits, la définition de l’invention ou les licences obligatoires, qui ne figurent pas au paragraphe 12 de la Déclaration ou qui relèvent de l’article 71.1, sont aussi à prendre en compte pour orienter les négociations en cours.

LA SANTE PUBLIQUE La Conférence Ministérielle a adopté, lors de sa quatrième session, une Déclaration sur la Santé publique et sur l'Accord sur les ADPIC pour aider à faire face aux situations d’urgence sanitaire et lever les obstacles à l’acquisition des médicaments nécessaires à la lutte contre le VIH-SIDA, le paludisme et la tuberculose notamment. La déclaration clarifie certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC en posant des règles de son interprétation au regard des objectifs visés. Toutefois, cette interprétation reste strictement encadrée pour éviter un éventuel détournement des flexibilités accordées. Sur les sept (7) paragraphes de la déclaration, les cinquième et sixième peuvent être considérés comme les plus importants pour l’Afrique. Le cinquième paragraphe clarifie les marges dont disposent les Membres de l’OMC pour octroyer des licences obligatoires, apprécier souverainement les conditions de déclaration d’une situation d’urgence nationale et fixer leur propre régime d’épuisement des droits. Le paragraphe 6 traite du problème central des Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes dans le secteur pharmaceutique ou n'en disposant pas et du droit qui en découle de délivrer des licences obligatoires. Au regard de cette problématique, le mandat de négociation est ainsi libellé : « Nous reconnaissons que les Membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002. »

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CHAPITRE 3

Le problème juridique ainsi posé est de définir les modalités d’extension du champ d’application des licences obligatoires, strictement limité par l’article 31.f de l’accord qui lie leur octroi à des capacités de production préexistantes, et la doctrine de la territorialité en créant un mécanisme d’application approprié.

LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE Les articles 7 et 8 de l’Accord sur les ADPIC, qui définissent les objectifs et les principes de cet Accord, stipulent que la protection et le respect des DPI devraient contribuer à la promotion de l’innovation technologique et au transfert de technologie. Dans l’article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC, il est indiqué que les pays développés Membres offriront des incitations à leurs entreprises et à leurs Institutions afin de promouvoir et d’encourager le transfert de technologie vers les pays en développement pour leur permettre de se doter d’une base technologique solide et viable. La DMD a repris à son compte ces objectifs au niveau du paragraphe 12 sur les « questions et préoccupations liées à la mise en œuvre » et dans son paragraphe 19 où il est donné instruction au « Conseil des ADPIC, dans la poursuite de son programme de travail, de l’examen de la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC au titre de l’article 71.1 » et d’être « guidé par les objectifs et principes énoncés aux articles 7 et 8 de l’Accord » en tenant « pleinement compte de la dimension développement ». Ce mandat peut être considéré comme clair et précis mais il est dénué de prescriptions pratiques et opérationnelles permettant d’appréhender la complexité technique et scientifique du transfert de technologie. En effet, le transfert de technologie est un système complexe qui couvre des éléments comme les DPI, les connaissances techniques spécialisées, les politiques commerciales et technologiques, les flux d’investissement ou les politiques de concurrence.

LES CRITERES DE BREVETABILITE ET LA CONFORMITE AVEC LA CDB L’Accord sur les ADPIC établit des normes minimales de protection des DPI. La règle en matière de brevetabilité, posée par l’article 27.1, est que « les brevets peuvent être obtenus sans discrimination quant aux domaines technologiques » pour toutes les inventions et tous les produits. Cependant, l’article 27.3 (b) introduit une certaine flexibilité et institue, sur la base de critères discutables, des exceptions à la règle de la brevetabilité. Ainsi, exclure de l’obligation de brevetabilité les végétaux et les animaux et l’imposer aux micro-organismes et aux procédés non biologiques et micro-biologiques relève d’une logique pour le moins asymétrique que l’absence de définition dans l’accord de critères de protection ou des domaines technologiques rend encore moins cohérente. L’enjeu devient dès lors de résoudre au préalable les problèmes de définition du brevetage et d’établir ensuite des critères objectifs régissant ce domaine afin de prendre en compte les préoccupations de l’Afrique portant sur les questions techniques afférentes à la protection par des brevets, à la protection des variétés végétales ou éthiques afférentes à la brevetabilité du

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vivant. Dans ce cadre, la révision de l’article 27.3 (b) devrait permettre de mettre en conformité les dispositions de l’Accord sur les ADPIC, qui concède des droits privés de monopole, avec la CDB, qui elle octroie des droits souverains sur les ressources biologiques dans les limites d’un Etat. De plus, l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques de la FAO devrait également pris en compte. Le mandat de négociation relève à la fois de l’article 27.3 (b) lui-même, du paragraphe 12 de la DMD sur les questions de mise en œuvre et du paragraphe 19 de la DMD qui fait référence au programme de travail du Conseil des ADPIC en conformité avec les objectifs définis dans les articles 7 et 8 de l’accord.

LES INDICATIONS GEOGRAPHIQUES L’Accord sur les ADPIC prend en compte certaines indications géographiques qui satisfont certaines conditions en tant que DPI d’un genre particulier. Une protection spéciale plus élevée est reconnue pour les indications géographiques concernant les vins et spiritueux. Ce traitement préférentiel, qui semble s’expliquer par des raisons historiques, est remis en cause par beaucoup de pays, dont certains membres africains, qui demandent que la protection des indications géographiques soit étendue aux produits présentant un intérêt stratégique pour eux, par exemple ceux de l’agriculture ou de l’artisanat. Le mandat de négociation procède à la fois de l’article 23 qui prévoit l’extension de la protection des indications géographiques à des produits autres que les vins et spiritueux et du paragraphe 18 de la DMD qui inclut ce thème dans les questions de mise en œuvre telles que définies au paragraphe 12 de la Déclaration Ministérielle. Toutefois, cette question ne semble pas encore présenter un intérêt stratégique pour l’Afrique et n’a pas fait l’objet de sa part d’une position commune définie dans une proposition de négociation. L’Accord de Bangui est édifiant à cet égard dans la mesure où il n’assure que la protection d’une seule indication géographique.

LA PROTECTION DES SAVOIRS TRADITIONNELS ET DU FOLKLORE L’Accord sur les ADPIC ne traite pas directement de la protection des savoirs traditionnels et du folklore. Toutefois, le lien entre cette question et la protection des DPI peut être établi au regard des objectifs de la Convention sur la diversité biologique, du Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques et de la Loi-modèle de l’OUA protégeant les droits des communautés locales, des agriculteurs et réglementant l’accès aux ressources biologiques. Dans ce cadre, le Groupe Africain a défendu le lien entre l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC et les notions de savoirs traditionnels et de droits des agriculteurs. La protection des savoirs traditionnels et des variétés végétales par des systèmes sui generis et/ou des législations nationales constitue un problème pour les pays africains. Une partie de la solution pourrait résider dans l’orientation définie dans le dernier considérant du préambule de l’Accord sur les ADPIC visant à instituer une coopération entre l’OMC et l’OMPI et d’autres Organisations internationales compétentes.

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CHAPITRE 3

Le mandat de négociation figure au paragraphe 19 de la DMD qui stipule le réexamen de l’article 27.3 (b) ainsi que d’examiner « la relation entre l’Accord sur les ADPIC, la Convention sur la diversité biologique, la protection des savoirs traditionnels et du folklore… ».

L’ASSISTANCE TECHNIQUE L’article 67 de l’Accord sur les ADPIC traite de l’assistance technique et financière à offrir aux pays en voie de développement et aux PMA mais il ne prévoit ni modalités, ni obligations spécifiques. Cette coopération comprendra une assistance en matière d’élaboration des lois et réglementations relatives à la protection des DPI ainsi qu’à la prévention des abus, et un appui pour l’établissement ou le renforcement des bureaux nationaux, y compris la formation du personnel. Dans ce cadre et en rapport avec les questions traitées par le Conseil des ADPIC, le Bureau international de l’OMPI a mené différentes activités concernant les indications géographiques, les savoirs traditionnels et le folklore, et le commerce électronique. La question de la coopération technique est évoquée à plusieurs reprises dans la DMD qui en fait une des priorités du programme de Doha.

2. UN AGENDA POSITIF POUR L’AFRIQUE : DES PROPOSITIONS DE NEGOCIATION Tirant les leçons du Cycle de l’Uruguay où ses capacités de négociation ont été limitées, l’Afrique a adopté, en coordination avec les autres groupes de pays en développement, une nouvelle stratégie pour mieux préserver ses intérêts. En collaboration avec des organismes spécialisés dont notamment la CNUCED, elle a lancé, il y a plusieurs années, un processus d’analyse, de réflexion et de débat portant sur les implications des accords de l’OMC et leurs incidences sur le développement. Ce processus a conduit à l’élaboration d’un « Agenda positif ». Ce travail, initialement destiné à préparer la 3ème Conférence Ministérielle de Seattle (30 Novembre-04 Décembre 1999), a été également mis à profit pour les questions relevant du programme incorporé et de mise en oeuvre ainsi que pour la Conférence Ministérielle de Doha (09-14 Novembre 2001). Il procédait d’une nouvelle approche consistant à quitter une position défensive en adoptant une attitude positive et constructive dans le processus préparatoire et au cours des négociations à travers des propositions précises prenant en compte les intérêts spécifiques des pays africains. L’agenda positif avait pour objectifs de favoriser l’intégration des pays africains dans le système commercial multilatéral et de :

s’acquitter des obligations découlant des accords ;

exploiter les possibilités commerciales ; formuler et appliquer une stratégie de développement dans le cadre de ces accords ; défendre et préserver les droits commerciaux acquis ; définir des objectifs et des propositions pour les prochaines négociations.

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Dans le cadre de ce programme, la question des ADPIC a toujours occupé, au même titre que les services, l’agriculture ou la mise en œuvre, une place de premier plan. Les sujets suivants comptent parmi les priorités.

PROTEGER LA SANTE PUBLIQUE ET ASSURER L’ACCES AUX MEDICAMENTS La relation entre l’Accord sur les ADPIC et la Santé publique s’apprécie, de l’avis de tous les membres de l’OMC, au regard des marges dont doit disposer chaque pays pour prendre les mesures appropriées en vue d’assurer la protection sanitaire de ses habitants ou faire face à une situation d’urgence sanitaire. Tel est l’objet du paragraphe 5 de la « Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique » adoptée le 14 novembre 2001 à Doha. Le paragraphe 6 de cette déclaration traite de la question prioritaire et essentielle des pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes dans le secteur pharmaceutique et ne pouvant pas, de ce fait, profiter pleinement de l’utilisation des licences obligatoires. Conformément aux orientations définies dans cette déclaration, deux (2) projets de décision ont déjà été soumis au Conseil des ADPIC. Le premier porte sur l’extension de la période de transition de 2006 à 2016 en faveur des PMA en application des dispositions du paragraphe 7 de la déclaration (cette décision a été adoptée par le Conseil à sa réunion du 25-27 juin 2002). Le second a également trait au paragraphe 7 mais porte sur la dérogation aux obligations des PMA au titre du paragraphe 9 de l’article 70 de l’Accord sur les ADPIC en ce qui concerne les produits pharmaceutiques en prévoyant un système de « boîte d’enregistrement » et ce jusqu’au 1er Janvier 2016 (cette décision a été adoptée par le Conseil Général à sa réunion du 8-9 Juillet 2002). Ces deux décisions ont été adoptées sur la base du consensus et n’ont pas fait l’objet de divergences notables. Cependant, le problème des pays ayant des capacités de production insuffisantes reste posé au niveau du conseil des ADPIC dans le cadre du mandat clairement circonscrit figurant dans la DMD et demandant qu’une solution soit trouvée avant la fin 2002. A ce sujet, un débat important a été engagé au niveau du Conseil des ADPIC où cinq (5) propositions de négociation ont été soumises dont celle du Groupe Africain, en date du 18 Juin 2002. Cette proposition situe le contexte et les éléments du problème :

Le consensus de Doha demandant d’aménager des flexibilités dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC pour permettre aux Etats membres de faire face aux situations d’urgence sanitaire et d’accéder aux médicaments ;

Prendre en compte la situation particulière des membres ne disposant pas de capacités de fabrication suffisantes et ne pouvant, de ce fait, bénéficier des solutions liées à l’utilisation des licences obligatoires ;

Tenir compte des restrictions imposées par le paragraphe f de l’article 31 de l’Accord en disposant que la production sous licence obligatoire sera « autorisée principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur du Membre ayant autorisé cette production… » ;

Envisager la compensation prévue par l’article 31 de l’Accord sous forme d’une « compensation adéquate » au profit du détenteur de brevet en cas de recours à une

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CHAPITRE 3

licence obligatoire et les voies appropriées pour mobiliser les ressources nécessaires à cet effet.

Sur la base de ces éléments, le Groupe Africain a formulé une proposition précise de solution avec trois options : Option 1 : modifier l’article 31 en supprimant plusieurs de ses dispositions (paragraphes b, c et d) conformément au paragraphe 6 de la déclaration de Doha. Et en conférant à un Membre le droit d’autoriser la production sous licence obligatoire suivant des règles définies tout en préservant les intérêts du détenteur de brevet qui disposera du « droit à une juste compensation » et à une « révision judiciaire par des tribunaux d’archives concernant tous les aspects de la licence obligatoire ». Option 2 : Supprimer le paragraphe f de l’article 31. Option 3 : Amender le paragraphe f de l’article 31 en lui ajoutant la disposition suivante : « Le présent paragraphe ne s’appliquera à aucune Loi, mesure ou réglementation administrative, y compris les licences obligatoires, adoptées pour protéger la santé publique et en particulier pour assurer un accès aux produits pharmaceutiques à des prix abordables ». A l’appui de cet amendement, une interprétation faisant autorité pour la tournure de phrase « principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur » est proposée et les modalités de production pour d’autres Membres sont définies, ainsi que la notification et de partage d’information ; les périodes de transition, les droits exclusifs de commercialisation et les mesures correctives contre les réexportations. Cependant cette proposition ne doit pas faire oublier que les acquis de Doha ne doivent pas seulement être défendus au niveau multilatéral mais aussi au niveau national en tirant profit des flexibilités accordées par le paragraphe 5, s’agissant notamment du régime d’épuisement des droits, de l’octroi des licences obligatoires et, éventuellement, de « licences volontaires ». Le niveau sous-régional est aussi concerné avec le règlement des problèmes posés par l’Accord de Bangui révisé en le mettant en conformité avec les nouveaux droits découlant de Doha. Cette proposition a été accueillie favorablement par les autres Membres, notamment les Communautés européennes, un groupe de pays en développement représenté par le Brésil et les Emirats Arabes Unis et les Etats-Unis d’Amérique. Les Communautés Européennes appuient cette proposition mais assortissent leur soutien de certaines « conditions » visant à éviter un détournement de l’utilisation des licences obligatoires à des fins autres que sanitaires en veillant à ce que les mesures prises soient « raisonnables et proportionnelles ». Cette proposition restreint le bénéfice de la solution aux seuls pays en développement, en particulier les PMA Membres et les pays à faible revenu ne disposant pas de capacité de fabrication autre que celle du détenteur du brevet. Dans ce cas, il appartient à chaque pays de déterminer si sa capacité de fabrication est insuffisante mais en tenant compte d’une liste indicative de critères établie, si possible, par le Conseil des ADPIC. Enfin, les Communautés proposent un mécanisme pour assurer la transparence du système et

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l’implication du détenteur du droit ainsi que l’extension du champ d’application des licences obligatoires pour lever l’obstacle du paragraphe f de l’article 31. Les Etats-Unis d’Amérique soutiennent une position sensiblement similaire en limitant la solution proposée aux « produits pharmaceutiques brevetés nécessaires pour remédier à un problème de santé publique ». Les droits du détenteur devraient être préservés en lui accordant la priorité de faire des offres en cas d’importation ou d’exportation de médicaments dans le cadre du mécanisme proposé et dans le strict respect des dispositions de l’article 31. Le groupe de pays en développement et les Emirats Arabes Unis défendent une position allant dans le sens de celle du Groupe Africain. Le groupe de pays en développement propose une notion élargie des « produits pharmaceutiques » et la non limitation des pays bénéficiaires. Ces pays considèrent qu’il serait « inacceptable d’envisager des sauvegardes ou des conditions qui limiteraient de quelque manière que ce soit les flexibilités ménagées par l’Accord sur les ADPIC ou la Déclaration de Doha », sauf « exceptions limitées » prévues par l’article 30 en vue d’établir des sauvegardes appropriées afin d’assurer une prévisibilité juridique. Enfin, ce groupe estime qu’une interprétation faisant autorité de l’article 30 qui reconnaîtrait aux Membres de l’OMC le droit d’autoriser des tiers à fabriquer, vendre ou exporter des produits brevetés liés à la santé publique sans le consentement du détenteur d’un brevet est la solution la plus efficace. Il est à souligner que malgré l’urgence du problème et le caractère précis et pratique de la proposition Africaine, le Conseil des ADPIC n’a pas encore adopté de décision définitive comme cela a été le cas sur l’extension de la période transitoire et la boîte d’enregistrement. La session informelle organisée les 24 et 25 Juillet 2002, consacrée à l’examen de toutes les propositions, a permis un échange des points de vue entre les Membres et une clarification des arguments défendus par les uns et les autres.

CONCILIER LA PROPRIETE INTELLECTUELLE ET LES IMPERATIFS DE DEVELOPPEMENT Le réexamen de la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC au titre de l’article 71.1, entamé en 2000, ne fait pas l’objet de divergences entre les Membres et concerne plusieurs questions dont celles liées à l’article 27.3 (b). Le mandat figurant au paragraphe 19 de la DMD a conforté cette orientation. La relation entre l’article 27.3 (b) et le développement constitue, pour le Groupe Africain, une préoccupation permanente en « raison des inquiétudes toujours croissantes que suscitent les effets d’expropriation entraînés par l’octroi de brevets biotechnologiques sur les ressources génétique ». A ce titre, ce groupe propose que « l’examen de cet article soit replacé dans le contexte des attentes générales de ses membres en matière de développement socio-économique » et ce au moment où « on n’a pas encore évalué les avantages que promettent la mondialisation et l’adhésion au système commercial multilatéral ainsi que la révolution des biotechnologies, ni la réciprocité des avantages, qui est à la base de l’Accord sur les ADPIC. »

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CHAPITRE 3

Dans le cadre du lien entre l’article 27.3(b) et le développement, trois questions devraient être prises en compte : le rôle des DPI comme des brevets dans le redéploiement des investissements, le transfert de technologie et la recherche-développement dans les pays en développement ; l’équilibre entre la protection des DPI et les intérêts socio-économiques vitaux comme la sécurité alimentaire ou la santé publique ; le partage équitable des avantages découlant des DPI entre producteurs et consommateurs de technologie et de ressources naturelles. La proposition du Groupe Africain traite ensuite des questions techniques afférentes à la protection des brevets et à la protection sui generis des variétés végétales ainsi qu’aux aspects éthiques de la brevetabilité du vivant et à la conservation et l’utilisation durable du matériel génétique. Elle aborde enfin les rapports entre les notions de savoirs traditionnels et de droits des agriculteurs ainsi que leur reconnaissance et leur protection aux niveaux régional et international, notamment par la Convention sur la diversité biologique, l’Engagement international de la FAO et la Loi-modèle de l’OUA. Cette proposition a été diversement accueillie par les autres Membres. Les Etats-Unis d’Amérique, les Communautés européennes, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande n’estiment pas nécessaire de réviser en profondeur l’article 27.3(b) et proposent qu’une éventuelle révision se limite à définir la portée de l’exception et discuter la « création d’un système efficace de protection ». La Norvège a défendu une position équilibrée visant à trouver un accord sur la portée et le sens des termes qui font l’objet du débat sur la brevetabilité tels que les procédés micro-biologiques ou les ressources génétiques.

CONCEVOIR UN MECANISME ADEQUAT POUR LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE Le transfert de technologie constitue l’un des objectifs majeurs figurant aux articles 7 et 8 de l’Accord sur les ADPIC et une préoccupation essentielle des pays en développement et, partant, de l’Afrique. L’article 66.2 fait obligation aux pays développés Membres d’offrir des incitations aux entreprises et institutions sur leur territoire afin de promouvoir et d’encourager le transfert de technologie vers les PMA « pour leur permettre de se doter d’une base technologique solide et viable ». Pour rendre effectives les dispositions de l’article 66.2, les pays africains appartenant au groupe des PMA ainsi que les autres membres de ce groupe ont soumis une proposition visant à mettre en place un mécanisme destiné à assurer la surveillance et la pleine mise en œuvre des obligations en question en accordant à ces pays le droit de déterminer eux-mêmes le type de technologie à transférer, les modes et les modalités de ce transfert en vue de répondre au mieux à leurs besoins. Cette proposition a été bien accueillie par les pays développés Membres et il a été convenu au Conseil des ADPIC que les pays développés présenteront avant la fin de 2002 des rapports détaillés sur leur système d’incitation et son fonctionnement dans la pratique.

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3. LES LEÇONS D’UNE EXPERIENCE DE NEGOCIATION : VERS UNE STRATEGIE POSITIVISTE L’expérience des différents cycles des négociations commerciales multilatérales conforte la thèse généralement admise qui postule que l’inégalité des moyens dont disposent les membres pour défendre leurs intérêts induit, in fine, un déséquilibre dans les résultats obtenus au profit des pays les mieux dotés. A titre d’exemple, le Cycle de l’Uruguay s’est inscrit dans cette logique. Cependant, il a eu le mérite de faire prendre conscience aux pays en développement de la nécessité de mesurer les conséquences de l’absence d’une stratégie de négociation et de mieux s’organiser pour défendre leurs intérêts. Dans cette perspective, le processus préparatoire de la 3ème Conférence Ministérielle de Seattle a marqué une étape importante dans le renforcement des capacités et la formulation d’une stratégie commune de négociation. Cette expérience a été mise à profit par le Groupe Africain dans le processus de réexamen et de négociation de l’Accord sur les ADPIC, s’agissant notamment de la Déclaration sur la Santé publique. A la lumière de cette expérience, les leçons suivantes pourraient présenter un intérêt : L’utilité de sortir d’une logique défensive en adoptant une attitude positive en élaborant des propositions de négociation sur la base des intérêts de l’Afrique. Ces propositions devraient être techniquement et juridiquement argumentées et se focaliser sur les sujets présentant un intérêt stratégique tout en aménageant des marges pour le compromis. Ce travail devrait toujours viser à proposer des solutions pratiques et concrètes aux problèmes posés et s’écarter des grandes déclarations de principe, parfois utiles mais toujours insuffisantes. La nécessité de renforcer les capacités d’expertise et de proposition en créant des espaces d’étude, de débat et de réflexion associant tous les acteurs concernés : hauts fonctionnaires, parlementaires, secteur privé et opérateurs économiques, société civile, institutions universitaires et de recherche…etc. Ce travail devrait être mené au niveau national mais également sur le plan régional et international et impliquer des organismes disposant d’une expertise dans le domaine et défendant des approches en faveur du développement ; La mise à profit des espaces informels de négociation pendant les intersessions en vue de mener l’indispensable travail de consultation, de discussion et de « lobbying » en direction des différents partenaires et auquel ne se prêtent pas les sessions formelles ; Ces leçons enseignent également qu’il faut disposer d’un mandat de négociation précis venant de son Gouvernement ; maintenir une cohésion de groupe à toute épreuve ; maîtriser parfaitement les règles et procédures ; savoir exploiter opportunément les médias et la communication ; et avoir toujours à l’esprit qu’une négociation est fondée, comme la politique, sur un double art : celui du possible et celui du compromis.

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HAPITRE 3 C

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PARTIE II

DDrrooiittss ddee pprroopprriiééttéé iinntteelllleeccttuueellllee eett AAccccèèss aauuxx mmééddiiccaammeennttss

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CHAPITRE 4

La Déclaration de Doha sur les ADPIC et les médicaments : Quelles leçons pour le réexamen de l’Accord sur les ADPIC et le processus de négociations à Genève ? Par Falou SAMB (Sénégal) Conseiller à la Mission Permanente du Sénégal auprès de l’ONU à Genève

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PARTIE II

1. L’HISTORIQUE

LE CONTEXTE INTERNATIONAL Les derniers chiffres révélés par l’ONUSIDA, dans le rapport qu’elle vient de publier en juillet 2002, à Genève, décrivent un tableau alarmant et sombre de la situation de la pandémie du sida en Afrique et dans le monde, dont hélas l’acuité ne cesse que grandir. Quelques chiffres permettent une illustration très claire du « tableau pandémique » : plus de 40 millions de personnes infectées dans le monde, dont plus de 28 millions en Afrique. Pour la première fois, on a mené une étude exhaustive d’impact des effets sur l’économie nationale et la productivité industrielle de certains pays – africains surtout – qui renforce toutes les inquiétudes. La mise au devant de la scène internationale de la problématique des ADPIC et de l’accès aux médicaments résulte d’une conjonction de plusieurs facteurs dont les composantes sont, en particulier :

Le contentieux opposant l’Afrique du Sud et la Coalition de 40 sociétés multinationales pharmaceutiques établies dans ce pays (South African Pharmaceutical Manufacturers Association ), depuis la promulgation, en février 1998, d’une nouvelle loi sur la propriété intellectuelle (the Medecines Related Substances Control Amendement Act de 1997 ) ;

La même situation de tension, qui a également existé entre le Brésil et les Etats Unis d'Amérique, depuis les années 90, avec plus d’acuité en 2001 ;

L’action très décisive des ONG, notamment OXFAM et Médecins Sans Frontières (MSF), une des premières actions concertées sur le plan international entre les Etats et les ONG africaines, pour juguler un fléau, oh ! combien tenace, car tentaculaire ; la réunion conjointe à Oslo (Norvège), en avril 2001, entre l’OMC et l’OMS, sur l’établissement des prix et le financement des médicaments essentiels ; les travaux de la Commission des

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Nations Unies sur les Droits de l’Homme, en avril 2001, au cours de laquelle, le Brésil avait présenté, un projet de résolution sur l’« Accès aux médicaments dans le contexte de pandémies, telles que celle de VIH-sida ». Cette résolution fut unanimement votée par la Commission, avec ce fait notable de l’abstention des Etats-Unis d’Amérique ;

La tenue à Abuja (Nigeria) d’un « Sommet Spécial », le 26 avril 2001, entre l’OMS et l’OUA sur « le Sida, la tuberculose et les autres maladies infectieuses », qui a vu la participation du Secrétaire Général de l’ONU – Kofi Annan – et celle de l’ancien Président des Etats Unis d’Amérique, Monsieur Bill Clinton, sanctionnée par l’adoption de la « Déclaration d’Abuja ».

La Session Spéciale de l’Assemblée Générale de l’ONU sur le Sida, tenue à New-York, du 25 au 27 Juin 2001, qui a décidé de considérer le Sida comme une priorité mondiale. Auparavant, la Résolution 1308 du Conseil de Sécurité de l’ONU, avait reconnu le SIDA comme « une menace potentielle à la Paix et à la Sécurité Internationales » ;

Enfin, les évènements du 11 septembre 2001, qui ont lourdement pesé, non seulement en raison de la nature de la tragédie perpétrée, mais également de la volonté manifestée par les Etats Unis d'Amérique de recourir aux licences obligatoires, afin d’approvisionner le pays en « ciprofloxacine » (Cipro) pour combattre la menace de l’anthrax qui commençait à gagner le pays et le Canada.

Devait alors naître une « campagne » axée sur « la Propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments essentiels », destinée à en clarifier les rapports, dans le cadre de la lutte contre les maladies endémiques, et en particulier, le sida.

LE PROCESSUS PREPARATOIRE DE LA DECLARATION DE DOHA SUR L’ACCORD ADPIC ET LA SANTE PUBLIQUE Le problème juridique qui se posait avant la Conférence ministérielle de l’OMC à Doha était de clarifier le lien entre les dispositions de l’Accord sur les ADPIC qui garantissent le respect des droits de propriété intellectuelle, et les politique d’accès aux médicaments. Il s’agissait notamment de préciser le rôle et l’utilisation d’instruments majeurs tels que les importations parallèles et les licences obligatoires, prévus aux articles 30 et 31(f) de l’Accord sur les ADPIC. La première réunion préparatoire s’est tenue le 20 juin 2001 lors d’une session spéciale du Conseil des ADPIC, entièrement consacrée au thème : « Propriété intellectuelle et accès aux médicaments essentiels », organisée sur l’initiative du Groupe Africain à l’OMC. Avec en toile de fond, le décès, presque en direct à la télévision, du jeune sud-africain Nkosi Johnson devenu martyr mondial ou symbole « vivant » de la lutte contre le sida. Le lancement officiel de la campagne s’est effectué au Conseil des ADPIC, le 19 septembre 2001, avec la présentation par le Groupe Africain, d’une proposition sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique, en vue de son éventuelle adoption lors de la quatrième conférence de l’OMC à Doha. Le coordinateur du Groupe Africain, à cette époque, le Zimbabwé, dont le pays assurait également la présidence du Conseil des ADPIC, en la

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CHAPITRE 4

personne Monsieur l’Ambassadeur Boniface Guwa Chidyausiku, a présenté le texte, qui reçut le soutien de tous les pays en développement. C’est en octobre 2001, lors du Conseil des ADPIC, que l’idée même d’une « Déclaration» a été soumise par le Groupe Africain et acceptée par le reste des membres de l’OMC, ce qui constituait en soi une première victoire. La substance de ce texte intitulé « Déclaration ministérielle sur les ADPIC et la santé publique» a recueilli le soutien de tous les pays en développement et de certains pays développés, particulièrement la Norvège et le Royaume des Pays-Bas, alors que les divergences exprimées provenaient essentiellement des Etats-Unis d’Amérique, de la Suisse, du Japon, et de la Nouvelle Zélande. Il était structuré en trois partie : le titre ; le préambule ; le corps du texte. Les discussions concernant le titre ont porté sur le choix de l’appellation « Déclaration Ministérielle sur l’Accord ADPIC et la Santé Publique » ou « Déclaration Ministérielle sur l’Accord ADPIC et l’accès aux médicaments», selon qu’on voudrait couvrir un champ d’application plus large ou se limiter à la notion étroite de l’accès aux médicaments. Concernant le préambule, le consensus était qu’il devait servir à clarifier l’Accord sur les ADPIC, par rapport aux préoccupations de santé publique, tout en réaffirmant l’attachement des membres à l’Accord sur les ADPIC. Le texte quant à lui devait identifier les points suivants :

La réaffirmation de la relation intrinsèque existant entre l’Accord sur les ADPIC et la santé publique ;

L’énumération claire et précise des dispositions à clarifier, à la lumière des 7 et 8 de l’Accord sur les ADPIC sur ses principes et objectifs ;

La légalité des licences obligatoires, au regard de l’article 31 de l’accord ;

La légalité des importations parallèles, au regard de l’article 6 de l’Accord sur les ADPIC, qui laisse aux pays membres la liberté totale pour déterminer le régime d’épuisement des droits de propriété intellectuelle ;

L’extension des périodes transitoires définies par l’Accord sur les ADPIC ; un consensus s’est vite dégagé pour accorder une extension aux pays en développement et aux PMA, en vertu respectivement des articles 65.4 et 66.1 de l’Accord, mais uniquement pour ce qui concerne les brevets liés à la santé publique.

A signaler la proposition qui avait été émise par les Etats-Unis d’Amérique concernant l’extension des périodes transitoires aux PMA, ainsi que sur la mise en place d’un Moratoire pour les seuls pays d’Afrique sub-saharienne. Cette proposition fut finalement rejetée à Doha par le Groupe Africain, dont les membres ne voulaient pas fissurer la solidarité avec les autres pays en développement. Le Président du Conseil Général de l’OMC pouvait, dès lors, transmettre aux membres de l’OMC la dernière mouture du projet de déclaration séparée sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique.1 C’est cette architecture qui devait servir de cadre à l’adoption de la déclaration séparée sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique, à Doha.

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L’ADOPTION DE LA DECLARATION DE DOHA Le texte qui a finalement été adopté et qui reflète un haut degré de réconciliation des différentes positions peut se résumer ainsi2 :

Le langage « Rien dans l’Accord sur les ADPIC n’empêchera les Membres de l’OMC de prendre des mesures pour protéger la santé publique », a été jugé « extrémiste » par les pays développés et a constitué le nœud gordien ; son dénouement a été décisif à l’adoption de la Déclaration de Doha ;

L’extension du champ d’application des maladies couvertes, par un « retour à la santé publique », qui s’est traduit au Paragraphe 4 de la Déclaration par un double engagement : tout faire pour que l’Accord sur les ADPIC n’empêche pas les pays « de prendre les mesures pour protéger la Santé Publique » et, mieux encore, l’interpréter et le mettre en œuvre de manière à promouvoir l’accès de tous aux médicaments.

Le paragraphe 5 sur la réaffirmation des « flexibilités » inhérentes à l’Accord sur les ADPIC, pour recourir aux importations parallèles et pour édicter des licences obligatoires ;

Le paragraphe 6 sur le renforcement des capacités manufacturières en matière pharmaceutique ;

Le paragraphe 7 sur l’extension de la période transitoire en faveur des PMA.

La première réunion après Doha, du Conseil des ADPIC de l’OMC a eu lieu le 15 janvier 2002, à Genève, à l’effet de discuter des modalités concrètes d’organisation du travail pour la mise en œuvre de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique.

2. LES ENJEUX DES NEGOCIATIONS La première séance informelle du Conseil des ADPIC de l’OMC a eu lieu le 15 janvier 2002, à Genève, pour discuter des modalités concrètes d’organisation du travail pour l’année 2002, en particulier à la lumière de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique.

LE PARAGRAPHE 6 Dans son paragraphe 6, la Déclaration donne instruction au Conseil des ADPIC de « trouver une solution rapide et de faire rapport au Conseil Général avant la fin de 2002 », concernant les « membres de l’OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n’en disposant pas dans le secteur pharmaceutique ». Sur le plan général, les pays en développement, qui ont été les principaux initiateurs de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique, ont voulu trouver une solution

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CHAPITRE 4

basée sur deux alternatives, qui prévoient des possibilités limitées de porter atteinte aux droits conférés par les brevets, à travers les licences obligatoires et les importations parallèles. D’une part, sur la base de l’article 30 de l’Accord sur les ADPIC, qui dispose que « les membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale du brevet …compte tenu des intérêts légitimes des tiers ». Sur cette base, deux voies sont explorées :

Un moratoire sur le règlement des différends pour toutes actions destinées à favoriser l’accès aux médicaments ;

Une dérogation, au titre de l’article IX de l’OMC, similaire à celle obtenue par l’Accord de Cotonou signé entre l’Union Européenne et les pays ACP, lors de la quatrième conférence ministérielle de l’OMC, à Doha (Qatar), en novembre 2001 ;

D’autre part, sur la base de l’article 31 de l’Accord sur les ADPIC, qui prévoit « d’autres utilisations de l’objet du brevet sans l’autorisation du détenteur du droit, y compris l’utilisation par les pouvoirs publics… », mais qui, en son alinéa f, n’autorise cette exploitation que « principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur du membre qui a autorisé cette utilisation », qui limite fortement la réexportation des médicaments fabriqués sous une licence obligatoire. Enfin, il faut signaler que les deux schémas ont en commun de prévoir des mesures de sauvegardes, afin d’éviter des détournements de produits pharmaceutiques vers des destinations autres que celles visées. Plus spécifiquement, le Conseil des ADPIC de l’OMC, en collaboration avec l’ONUDI, l’OMPI et l’OMS ont dressé l’inventaire des capacités industrielles concernées par le paragraphe 6 de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique et la liste des médicaments concernés. Des données concernant les pays membres de l’OAPI figurent dans ces deux documents. Sur un plan spécifique, les PMA ont fait valoir un intérêt particulier dans la mise en œuvre du paragraphe 6, en utilisant de manière opportune le lien établi par la Déclaration Ministérielle de Doha entre l’extension de la période transitoire et la mise en œuvre de l’article 66.2 sur le transfert de technologies. Ce faisant, les PMA seraient en mesure de mettre en place la base technologique viable pour, au moins, fabriquer les médicaments nécessaires à la protection de la santé publique.

LE PARAGRAPHE 7 Concernant le paragraphe 7, qui est une disposition exclusivement prévue pour les PMA, instruction a été donnée au Conseil des ADPIC de « prendre les dispositions nécessaires pour donner effet à l’extension de la période transitoire accordée aux PMA, concernant les Sections 5 et 7 de l’Accord sur les ADPIC, en application de l’article 66.1 de l’Accord sur les ADPIC ».

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Le Secrétariat de l’OMC a soumis un premier projet de décision, lors de la session de mars 2002, conformément aux vœux exprimés par les PMA, afin d’aboutir à une conclusion rapide de ce chapitre, basé essentiellement sur le langage déjà accepté de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique. Pourtant, le texte n’a pu être adopté en première lecture, compte tenu de certains éclaircissements juridiques demandés par les PMA, concernant :

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La définition du champ d’application de l’extension, notamment la question de savoir si les procédés sont aussi couverts ou si la décision ne s’applique qu’aux produits pharmaceutiques?

L’applicabilité des dispositions de l’article 70.8 de l’Accord sur les ADPIC, encore appelées la « boite aux lettres » ( mailbox, en anglais ), qui prévoit le dépôt des brevets, mais en soumet l’applicabilité juridique seulement à la fin de la période d’extension;

L’applicabilité des dispositions de l’article 70.9 de l’Accord sur les ADPIC qui confère des « droits exclusifs de commercialisation » pour tous les produits couverts par la « boite aux lettres ».

LES PROPOSITIONS DE MISE EN OEUVRE DU PARAGRAPHE 6

La communication du Groupe Africain 3 Elle porte sur l’option de la révision de l’article 31, paragraphe (f) de l’Accord sur les ADPIC, suivant trois alternatives :

La faculté pour un pays d’émettre une licence obligatoire, mais en tenant compte des intérêts légitimes du détenteur de brevet, notamment par le biais d’une juste compensation et du maintien du rôle des tribunaux pour tout conflit en la matière ;

La suppression possible de l’article 31, paragraphe f de l’Accord sur les ADPIC ; il s’y ajoute que cette disposition devrait encore être clarifiée sur :

la détermination du « seuil » qui détermine le caractère « principal » d’un approvisionnement : en-dessous de 50% ?, soit 49,99% au plus ? la signification réelle d’un « marché intérieur » : s’agit-il d’une définition purement territoriale ou faudrait-il prendre en compte l’approche régionale ?

La définition du marché intérieur est justement la troisième alternative proposée par le Groupe Africain, qui propose que cette notion recouvre une portée assez large pour couvrir :

jusqu’à 49,99 % d’exportation ; tous les pays parties à une zone de libre-échange, cas similaires à ceux de l’OAPI, l’UEMOA, CEDEAO, SADC, COMESA, COI… ; les pays liés à un système de préférences commerciales, en vertu de la « Clause d’Habilitation » de l’OMC, qui crée, notamment, le système généralisé de préférences (SGP ) ; tous les PMA qui voudraient mettre en application la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé Publique.

Les pays membres de l’OAPI et d’Afrique de l’Ouest satisferaient aux trois derniers critères.

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CHAPITRE 4

Concernant l’OAPI, il reste entendu que l’Accord de Bangui a été notifié à l’OMC sur la base de l’article 4.d de l’Accord sur les ADPIC, ce qui fait, ipso facto, de la « zone OAPI » un marché intérieur commun aux 16 pays membres, au sens de l’article 31.f de l’Accord sur les ADPIC. L’OAPI et l’Union Européenne sont les seules entités à jouir de ce statut juridique au sein de l’OMC en matière de propriété intellectuelle, mais la solution recherchée devrait être plus large pour englober les schémas d’intégration régionale, en Afrique et dans le monde. La Communication du Groupe Africain traite également de détails liés à son application, comme le rôle de l’OMS dans la surveillance multilatérale de cet arrangement, le transfert de technologies, l’extension des périodes transitoires, les mesures de sauvegardes contre les réexportations, l’adoption d’un moratoire sur le règlement des différends, mais dans un cadre global de solutions à court, moyen et longs termes.

La communication de l’Union Européenne 4 Elle a, quant à elle, axé sa proposition sur la reconnaissance des mérites des deux alternatives énoncées par les article 30 et 31.f de l’Accord sur les ADPIC, en insistant tout particulièrement sur les points suivants :

Privilégier l’alternative d’une modification de l’article 31.f, car offrant une solution plus durable et efficace ;

Réserver une attention particulière au mécanisme de révision ou d’amendement prévu à l’article X de l’Accord de Marrakech établissant l’OMC ;

Adopter des mesures de sauvegarde ;

Réaffirmer les dispositions relatives à la protection de détenteurs de brevets – financière, par des compensations justes – et juridiques, par le recours aux tribunaux de droit commun – lesquels mécanismes demeureront applicables pour toutes solutions au paragraphe 6.

La communication des États-Unis d'Amérique 5 Les États-Unis d'Amérique ont présenté une communication qui ne fait pas de propositions proprement dites, mais se borne à réagir à celles déjà faites, en mettant en exergue certaines précautions, l’idée force étant que ce pays est foncièrement opposé à toute idée de « réouvrir » l’Accord sur les ADPIC pour toute modification, car cela outrepasserait le mandat de Doha : La position américaine pourrait se résumer ainsi:

Tenir compte du fait que la solution préconisée vise essentiellement à maintenir le flux d’exportations des pays ayant des capacités de production en médicaments génériques – l’Inde et le Brésil, principalement - vers les autres pays en développement, après 2005, date à laquelle ces deux pays vont devoir appliquer l’Accord sur les ADPIC ;

Exclure, comme corollaire, les pays développés de toute solution, ce que rejettent les pays en développement, pour qui tout pourvoyeur de médicaments doit être le bienvenu sur le marché ;

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Limiter impérativement la liste des maladies visées par la déclaration de Doha, à savoir le sida, le paludisme, la tuberculose et les autres épidémies affectant les pays dépourvus de capacités de production ;

Préconiser une interprétation limitative du champ d’application du paragraphe 6, qui ne doit pas couvrir les procédés ou éléments technologiques médicaux, mais seulement les produits pharmaceutiques, à l’exclusion de toute autre notion ;

Réaffirmer le rôle central du Conseil des ADPIC dans la surveillance multilatérale de toute solution, afin d’en garantir la transparence ;

Prévoir des mesures de sauvegardes.

La communication du Brésil et d’autres pays en développement 6 Quant à elle est basée essentiellement sur l’option de l’article 30 de l’Accord sur les ADPIC, avec les éléments suivants :

L’universalité de toute solution, qui ne doit exclure a priori, aucun pays touché par le phénomène, ni aucun pays ayant des capacités de production à offrir ;

La nécessité d’une déclaration interprétative de l’article 30, qui doit reconnaître que « chaque pays membre a le droit d’autoriser un pays tiers à produire, vendre et exporter des médicaments sans le consentement préalable des détenteurs de brevets, afin de faire face à ses problèmes de santé publique » ;

Le contournement des conditionnalités posées par l’article 31.f concernant la détermination du seuil et de la taille du marché de production, en s’appuyant sur le paragraphe 4 de la Déclaration de Doha ;

L’adoption de mécanismes de sauvegardes, mais dans le souci de ne pas les utiliser pour limiter la portée de toute solution efficace qui sera trouvée au paragraphe 6 ;

L’alternative d’une solution basée sur l’article 31.f, mais en explorant les autres possibilités de l’article 31, comme le paragraphe k, qui permet de ne pas retenir l’article 31.f en cas de pratiques anti-concurrentielles avérées ;

L’étude à faire sur les mécanismes et modalités de rémunération présentes dans toutes les alternatives visées, afin d’en faire un modèle à l’usage des pays qui opteraient pour une des solutions ;

L’application effective du transfert de technologies vers les PMA, conformément à l’article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC.

La communication des Emirats Arabes Unis 7 Elle reprend l’exposé des deux alternatives fondées sur les articles 30 et 31.f de l’Accord sur les ADPIC.

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CHAPITRE 4

LA RECHERCHE DE CONVERGENCES Sur la base de ces diverses communications et dans le souci de respecter le délai de fin 2002 indiqué par les Ministres à Doha, pour trouver une « solution rapide » au paragraphe 6 de la Déclaration de Doha, le Conseil des ADPIC s’est mis à rechercher les points de convergences autour de ces propositions. A cet effet, il a publié un document récent rassemblant les divers éléments dont devrait traiter le projet de décision sur le paragraphe 6. 8 Parmi ceux-ci, relevons notamment :

La nature des mécanismes juridiques pour la mise en œuvre du paragraphe 6 (moratoire, dérogation, amendement ?), étant entendu que chaque option offre des degrés divers de confort et de sécurité juridiques aux pays membres et aux industries pharmaceutiques ;

Le champ d’application du paragraphe 6 doit-il couvrir uniquement les produits pharmaceutiques ou également les technologies y afférents ? A ce stade, un compromis semble se dégager pour inclure également les tests ou « kits » de diagnostic du sida ; pour le reste, il faudra se résoudre à définir la notion de « secteur pharmaceutique » visé au paragraphe 6 ou à faire une nouvelle interprétation de la notion de « santé publique », telle que figurant dans le paragraphe 1 de la Déclaration de Doha ;

L’éligibilité, qui doit être élargie à tous les pays, récipiendaires comme producteurs de médicaments ;

L’établissement de mesures de sauvegarde, en explorant les possibilités existantes dans les articles 28, 31 et 44 de l’Accord sur les ADPIC ;

Les mécanismes de compensation des détenteurs de brevets. Ici, un consensus semble se dégager pour éviter une double rémunération par les pays importateur et exportateur ;

Le transfert de technologies, afin de promouvoir les capacités de production, notamment dans les PMA, au titre de l’article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC ;

La définition de la notion de marché « intérieur » au sens de l’article 31.f ; 9

D’autres notions telles que la période transitoire, les mécanismes d’appels d’offres, la non violation, etc…

Il est à noter que l’idée d’une « troisième voie », qualifiée de « sui generis », entre les article 30 et 31, est de plus en plus suggérée du fait que ces deux dispositions ne sont pas « mutuellement exclusives ». Elle consisterait à rechercher les éléments d’accord et de désaccords, basés sur les préoccupations essentielles exprimées par les pays membres. Certains suggèrent même la rédaction d’un « nouvel article 74 » consacré exclusivement à la santé publique. Concernant le paragraphe 7, portant sur l’extension de la période transitoire en faveur des PMA, le Conseil des ADPIC a, sur la base des éclaircissements juridiques apportés aux PMA et, en consultation avec les pays développés, en particulier les Etats Unis d'Amérique, la Commission Européenne, et la Suisse, abouti à un compromis, objet de deux décisions adoptées lors de la session de juin 2002 :

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la décision d’extension de la période transitoire en faveur des PMA en ce qui concerne les brevets sur les produits pharmaceutiques; 10

le projet de dérogation aux dispositions de l’article 70.9.11 Il faut noter que, d’une part, l’extension relève du Conseil des ADPIC, mais la dérogation est du ressort du Conseil Général, en vertu des dispositions de l’article IX de l’Accord de l’OMC. D’autre part, les PMA ont insisté sur le fait que la revue annuelle prévue par la dérogation, en vertu de l’article IX de l’accord de l’OMC, ne saurait servir de prétexte pour abréger le délai de 2016 en ce qui concerne l’article 70.9, mais elle devait revêtir le caractère d’une simple formalité institutionnelle. Ceci parachève le volet multilatéral de la mise en œuvre du paragraphe 7 de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique mais en même temps ouvre les perspectives de sa mise en œuvre au plan national.

3. L’APRES - DOHA ET L’AFRIQUE, MISE EN ŒUVRE DE LA DECLARATION DE DOHA SUR L’ACCORD SUR LES ADPIC ET LA SANTE PUBLIQUE S’agissant de l’Afrique francophone et en particulier des pays membres de l’OAPI, la mise en œuvre de la Déclaration soulève la question de savoir comment intégrer les acquis de Doha dans l’Accord de Bangui révisé ? Naturellement, il convient de rappeler que l’Accord de Bangui révisé a été négocié et conclu dans un contexte international moins agité sur le plan de la santé publique que celui ayant précédé l’adoption de la Déclaration de Doha. De plus, les motivations essentielles dans l’Accord de Bangui révisé, et c’est légitime, sont plutôt d’ordre économique et financier. Toutefois, l’antériorité de l’Accord de Bangui révisé et le fait qu’il ne soit pas un Accord de Santé Publique ne sauraient servir de prétexte à l’immobilisme, à présent que la Déclaration de Doha est devenue une réalité. Ceci est d’autant plus vrai que l’Accord de Bangui révisé a été adopté en réponse à la signature, au plan international, de l’Accord sur les ADPIC, dont les Sections 5 et 7 correspondent aux Annexes I et VIII, au titre desquelles la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique a prévu un traitement spécial et différencié pour les PMA. Il faut signaler que lors d’une réunion tenue à Genève le 20 février 2002, sur l’initiative du Sénégal, en sa qualité de Président du Conseil d’Administration de l’OAPI, les Représentants des Missions Permanentes des pays membres de l’OAPI ont passé en revue l’ensemble des questions de mise en œuvre de la Déclaration de Doha. Il est ressorti de cette réunion, des propositions pratiques soulignant la nécessité d’introduire dans l’Accord de Bangui révisé, des améliorations au niveau de ses Annexes I et VIII. Sans faire une analyse juridique complète, il nous semble que ces modifications sont nécessaires sur les aspects suivants :

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CHAPITRE 4

La Période Transitoire, en application du paragraphe 7 Signalons qu’en son Article 9, l’Accord de Bangui révisé fixe une durée uniforme de protection des Brevets qui est de 20 ans, alors que douze des Seize Etats membres de l’OAPI se trouvent dans la catégorie des PMA. Il convient, dès lors, de faire jouer le principe de solidarité en faveur des PMA de l’OAPI, afin de bénéficier des acquis issus de Doha, tout en veillant à ne pas porter un préjudice « spécial et anormal » aux quatre autres pays non-PMA. De toutes façons, les non-PMA de la zone OAPI disposent de mécanismes de sécurité déjà incorporés dans l’Accord de Bangui révisé. En effet, le double fait que, d’une part, l’OAPI ait créé la territorialité unique en matière de propriété intellectuelle et que, d’autre part, la liberté d’importation est garantie à chaque pays membre au sein de la zone OAPI aboutit au fait que toute faveur qui serait faite aux PMA serait également accessible aux non-PMA, sur la base des dispositions combinées des articles 4.d de l’Accord sur les ADPIC et 8 de l’Accord de Bangui révisé. Sous ce rapport, on peut affirmer sans ambages que la distinction entre PMA et non-PMA est d’aucun effet au sein de l’OAPI, en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

Les licences obligatoires Les Paragraphes 5b et 6 de la Déclaration de Doha reconnaissent à chaque membre le droit d’accorder des licences obligatoires, d’en déterminer librement les motifs, et reconnaît la possibilité d’importer sous licence obligatoire. L’Article 48 de l’Accord de Bangui révisé semble aller à contre courant dans son esprit comme dans son contenu. En effet, outre le fait que cet article prévoit une procédure judiciaire lourde (ce qui tranche avec l’esprit même de ces instruments, dont la liberté d’usage a été une nouvelle fois réaffirmée par le paragraphe 5b de la Déclaration de Doha), la possibilité de recourir aux licences obligatoires n’est réservée qu’aux personnes qui résident dans l’espace OAPI. Par ailleurs, les dispositions combinées des articles 48(d) et 49.4(a) ne permettent pas l’importation parallèle comme moyen d’exploitation d’une licence obligatoire, alors que l’un des intérêts majeurs des flexibilités recherchées et clarifiées depuis Doha réside dans la possibilité pour tout titulaire d’une licence obligatoire de produire - « exploiter industriellement », selon la terminologie de l’Accord de Bangui - ou d’importer, selon que les pays qui y font recours disposent ou non de capacités manufacturières dans le domaine en cause, situation que vise parfaitement l’article 56.1. En outre, l’article 58 assimile l’importation parallèle à un délit de contrefaçon, punissable de peines pécuniaires et / ou privatives de liberté.

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Les importations parallèles : Force est de constater que là où la Déclaration de Doha offre une totale liberté d’appréciation aux pays pour l’établissement de leur régime d’épuisement des droits – qui détermine la portée des importations parallèles - l’Article 8, paragraphe 1 de l’Accord de Bangui révisé prévoit un régime d’importation parallèle qui se limite à l’espace OAPI, fermant ainsi la porte aux opportunités qui pourraient s’offrir dans ce sens en dehors de la zone OAPI. Ceci restreint grandement la flexibilité reconnue à Doha, mais, surtout, repose sur une hypothèse inadéquate, aux plans juridique et factuel : Sur le plan factuel, il n’est pas démontré qu’un médicament vendu dans le territoire de l’un des pays membres de l’OAPI puisse être moins cher que dans un autre pays membre, de sorte à dégager un « intérêt à importer parallèlement », une marge ou un « différentiel » tel ou un avantage comparatif suffisant pour justifier cette importation parallèle de ce même pays de la zone OAPI. Prenons, à titre d’illustration, le cas des médicaments antirétroviraux, qui sont réputés comme pouvant améliorer la vie et augmenter l’espérance de vie des patients atteints de sida. Une thérapie antirétrovirale dénommée « combivir » (combinaison entre zidovudine et lamivudine ) coûte ( chiffres de juillet 2001 ) : - - - - -

- - -

1,96 dollars américains au Togo ; 1,29$ au Mali ; 1,01 $ au Burkina Faso ; 0,94 $ au Sénégal ; et 0,56 $ en Inde ( chiffre de janvier 2002 ).

Toutes choses égales par ailleurs, il est plus intéressant d’importer ce produit depuis l’Inde, mais l’Accord de Bangui ne l’autorise pas. Or, il a été démontré qu’aux Etats-Unis d'Amérique l’introduction des combinaisons antirétrovirales a abouti à un déclin de plus de 70% du taux de mortalité des patients atteints de sida. Hors OAPI, on peut noter la même tendance : le fluconazole est vendu par Pfizer à :

6,20 $ en Thaïlande ; 8,25 en Afrique du Sud ; 10,50 au Kenya.

D’autres exemples d’écarts très grands existent entre les prix pratiqués par les industries pharmaceutiques, selon qu’elles fabriquent des marques brevetées ou des génériques. Un différentiel pouvant aller jusqu’à 32% peut entre constaté sur les prix pratiqués. Qui plus est, la durée de protection des principaux brevets des médicaments sur le sida – les antirétroviraux – est comprise entre 2010 et 2014 ! Les solutions multilatérales du paragraphe 7 de la déclaration offrent une opportunité de dérogation qu’il serait inconsidéré de ne pas saisir pour les pays membres de l’OAPI, nonobstant leur qualité de PMA ou non. Les données statistiques de 1998 indiquent que la zone a enregistré 34.995 brevets, dont 34.970 par des non-résidents et 25 par des résidents, ce qui démontre clairement que la

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CHAPITRE 4

question qui se pose aux Etats membres est plus une question d’accès que de protection des brevets, d’où l’importance des licences obligatoires et des importations parallèles. De même, selon les renseignements fournis par l’OMC, recueillies dans le rapport mensuel de l’ONUSIDA de janvier 200012, l’OAPI a délivré les brevets suivants : - -

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azithromycine ( Pfizer ), depuis 1987 ; cetriaxone ( Roche ), depuis 1978, qui doit donc être tombé dans le domaine public, depuis 1998 ; ivermectine ( Archifar ), depuis 1974, qui doit donc être tombé dans le domaine public, depuis 1994 ; lamivudine ( IAF Biochem), depuis 1989 ; nevirapine ( Boehringer ), depuis 1989 ; saquinavir ( Roche ), depuis 1989.

La même répartition est également disponible par pays. A la date de juillet 2002, l’OMS estime que, sur 6.000.000 de personnes infectées du sida dans les pays en développement et nécessitant des antirétroviraux, seules 230.000 parmi elles ont accès aux soins et traitements, ce qui laisse plus de 5,7 millions de personnes sans espoir aucun. Sur le plan juridique, le régime de l’OAPI aboutit à créer un seul et même espace juridique, une « territorialité unique » entre les 16 pays membres, donc tout régime d’épuisement des droits de propriété intellectuelle aurait dû logiquement être fondé sur une base régionale, comme le reconnaît, du reste, l’article 4, paragraphe d de l’Accord sur les ADPIC, en vertu duquel l’OAPI et l’Accord de Bangui notifié à l’OMC, disposent d’une « légitimité multilatérale » leur permettant de ne pas appliquer le principe du traitement national ou de la clause de la nation la plus favorisée, dans le domaine de la propriété intellectuelle. Sans exclure la possibilité d’une importation parallèle entre pays membres de l’OAPI, ceux-ci devraient pouvoir disposer de la liberté de procéder à ces mêmes importations venant d’autres sources, ce qui, dans la situation actuelle, cadre mieux avec les réalités du marché international des médicaments. Les données empiriques montrent, en effet, que la possibilité d’utiliser les licences obligatoires – pour importer et / ou pour fabriquer – voire parfois la simple menace de le faire - a été souvent déterminante dans l’abaissement des prix des médicaments brevetés. Par exemple, le prix d’une combinaison entre les médicaments stavudine, lamivudine et nevirapine – ces deux derniers brevetés en zone OAPI – est passé de plus de 10.000 $ à moins de 500$, entre septembre 2000 et août 2001 ! A titre d’exemple, entre juillet 2000 et août 2001, pour une thérapie fondée sur la combinaison entre les médicaments stavudine, lamivudine et nevirapine – ces deux derniers brevetés en zone OAPI – les différences de prix suivantes ont été notées :

en juillet 2000 : médicaments brevetés : 10.439$ contre médicaments génériques du Brésil 2767$ ; en août 2000 : médicaments brevetés : 931$ contre médicaments génériques de l’Inde 800 ;

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en février 2001 : médicaments brevetés : 712$ contre médicaments génériques de l’Inde entre 295$, 289$ et 350$ ;

La Fédération Internationale des Associations de Production Pharmaceutique (IFPMA, en anglais) reconnaît même que les marges bénéficiaires – de gros et de détail – peuvent aller jusqu’à 150 ou 200% dans certains pays en développement. L’OMS estime dans un rapport que dans des pays comme le Cameroun ou le Ghana, la marge bénéficiaire peut couvrir jusqu’à 80% du prix des médicaments.

Fabrication des génériques La possibilité de fabriquer des médicaments génériques est également contrariée par les dispositions de l’article 6, paragraphe 4(a) de l’Annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé, qui assimile à un acte de concurrence déloyale l’exploitation de « données confidentielles » communiquées aux fins de l’obtention d’un brevet. Cette disposition, qui reprend partiellement les règles de l’article 39, paragraphe 3 de l’Accord sur les ADPIC, constitue une barrière significative au renforcement des capacités pharmaceutiques en médicaments génériques et, de manière générale, au transfert de technologies ou à l’accès à l’information technologique. A ce sujet, il est clairement démontré que, sur les 200 médicaments les plus vendus à l’exportation par les Etats-Unis d'Amérique, en 1994, 95% étaient constitués de produits génériques, dont les effets sur la baisse des prix varient de 12 à 68% par rapport aux médicaments brevetés. Qui plus est, l’Annexe VIII est le correspondant de la section 7 de l’Accord sur les ADPIC, au titre de laquelle la Déclaration de Doha a offert aux PMA une extension de la période transitoire jusqu’en 2016. Ce serait une « opportunité perdue » pour nos pays si l’OAPI ne saisissait pas cette formidable opportunité. Le document de l’OMC relatif à l’inventaire des capacités de production industrielle pharmaceutique13 classe les différents pays membres de l’OAPI dans les catégories suivantes :

pays produisant seulement des produits finis : Bénin, Cameroun, Cote d’Ivoire, Mali et Niger ;

pays sans industrie pharmaceutique réelle : Burkina Faso, Congo, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mauritanie, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo.

L’extension de la période transitoire accordée aux PMA pour mettre en œuvre la Section 7 de l’Accord sur les ADPIC – correspondant de l’Annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé – offre non seulement une opportunité de renforcement des capacités pharmaceutiques en médicaments génériques, mais également d’accès à l’information technologique contenue dans les demandes de brevets. Cette information pourrait alors servir soit pour développer des médicaments génériques, soit pour opérer un transfert de technologies appropriées vers les pays membres de l’OAPI.

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CHAPITRE 4

D’autres éléments pourraient également être considérés par l’OAPI, notamment la surveillance des conditions ayant prévalu à leur octroi, la non discrimination, la création d’un « pool » ou centrale d’achat de produits pharmaceutiques… A ce sujet, il faut saluer les efforts déployés par un groupe d’industries pharmaceutiques évoluant dans le domaine des produits génériques et situées en Amérique Latine, qui veulent créer une « Banque Virtuelle Pharmaceutique », qui servirait à informer les gouvernements des prix réels et à accélérer les procédures d’appel d’offres et d’achat. De ce qui précède, il ressort que l’Accord de Bangui révisé contient des engagements qui pourraient être en porte-à-faux avec l’esprit et la lettre de la Déclaration de Doha. Devant une telle situation, deux attitudes sont possibles :

Opter pour le statu quo, en invoquant à cet effet la clause de sauvegarde contenue à l’article 17 de l’Accord de Bangui Révisé et au terme de laquelle la priorité revient aux Accords internationaux, donc à l’Accord sur les ADPIC, en cas de conflit positif de compétence entre ces deux instruments internationaux ;

Ou bien, opter pour une approche plus dynamique et futuriste qui consisterait à soumettre l’Accord de Bangui révisé à un exercice de conformité à la Déclaration de Doha.

Deux arguments au moins militent en faveur d’une telle approche : un argument de droit et un argument de fait. L’argument de droit : le parallélisme des formes voudrait que, de la même manière que l’Accord de Bangui de 1977 a été révisé pour prendre en compte les évolutions contenues dans l’Accord sur les ADPIC, l’Accord de Bangui révisé soit revu dans ses dispositions pertinentes pour prendre en charge la nouveauté que constitue la Déclaration de Doha. L’argument de fait tient à la situation sanitaire dans les pays membres de l’OAPI. Le sida, le paludisme et la tuberculose, maladies qui ont principalement inspiré les initiateurs de la Déclaration de Doha, sont en prévalence particulière dans les pays membres de l’OAPI . Pour prétendre donc à la légitimité nécessaire à son efficacité, l’Accord de Bangui révisé se doit d’être le reflet des réalités de ses signataires, dans le domaine de la santé, qui, en l’espèce, se trouve à la lisière de la propriété intellectuelle. Les données relatives à la zone OAPI, pour l’année 2001, révèlent que, d’une part, les 16 pays membres ont une population totale de 113.337.000 habitants, sur un total de 633.816.000 en Afrique, soit 17,88% et que, d’autre part, la population infectée dans les pays membres est estimée à 3.069.900 sur un total de 28.500.000 pour l’Afrique, soit 10,77%. Il n’y a pas de démonstration plus claire des besoins pressants de notre continent – ce n’est plus un sujet de contestation aujourd’hui – et de la zone OAPI pour agir. Du point de vue institutionnel, la mise en conformité de l’Accord de Bangui révisé pourrait prendre la forme d’une Décision du Conseil d’Administration de l’OAPI. Ceci aurait le double avantage de la rapidité dans la conduite du processus et du confort juridique qui serait accordé aux Etats membres pour mettre en œuvre les flexibilités explicitement reconnues dans la Déclaration de Doha.

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L’OMC le reconnaît, d’ailleurs, qui note que la mise en œuvre des solutions issues de la Déclaration de Doha requiert la prise de mesures juridiques ou autres à prendre au niveau national, avant que les solutions envisagées ne prennent effet dans un pays membre.14 Aux Etats-Unis d'Amérique, pays le plus en vue dans la défense de l’Accord sur les ADPIC et des industries pharmaceutiques de marques, par la voix du Senateur Edward Kennedy et d’autres membres du Congrès américain, le Gouvernement américain a été exhorté à intégrer les « flexibilités » de l’Accord sur les ADPIC, soit celles incorporées dans le texte, soit celles « élaborées par n’importe quel autre déclaration de l’OMC ». L’Inde, en tant que premier pays producteur de médicaments génériques, a déclaré que le gouvernement est prêt à amender sa législation, afin de la rendre compatible à tout arrangement qui sera trouvé sur la mise en œuvre du paragraphe 6, de sorte à lui permettre de pourvoir le marché des pays en développement. La Commission Européenne reconnaît également que les « membres de l’OMC peuvent saisir l’opportunité de cette déclaration … qui est partie intégrante du contexte de l’Accord sur les ADPIC et qui, en accord avec les règles d’interprétation des traités, doit être prise en compte dans l’interprétation de l’Accord sur les ADPIC». Au total, comme cela a été suggéré par certains à l’OMC, la rédaction d’un « nouvel article 74 » consacré exclusivement à la santé publique – qui serait pour l’Accord de Bangui révisé un « nouvel article 70 », ou la mise en conformité avec la Déclaration de Doha décrite plus haut serait une garantie pour l’avenir et un motif supplémentaire de sécurité juridique de la zone OAPI. L’OAPI pourrait également attendre l’issue finale du paragraphe 6 et, de façon globale, intégrer tous les changements qui auront été induits au titre des deux paragraphes 6 et 7 de la Déclaration de Doha. Dans l’intervalle, il serait hautement souhaitable que l’OAPI sollicite une assistance technique très pointue auprès de l’OMC, de l’OMPI, de l’OMS et des experts internationaux et nationaux, afin de trouver une solution définitive, quelle qu’en soit la direction et la teneur. Ce serait œuvre de courage politique, de lucidité intellectuelle et de salut public pour toutes les parties prenantes à ce débat, dont le seul gagnant doit être uniquement et absolument la population des patients, qui ont très certainement besoin de répit !

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CHAPITRE 4

IV. LES LECONS POUR L’AFRIQUE

Sur le plan national

Deux approches sont, au moins, nécessaires : la gestion pluridisciplinaire des questions de propriété intellectuelle, au regard de ses implications éminentes dans le développement économique et social ;

compte tenu de la double période transitoire accordée aux PMA, d’ordre général jusqu’en 2006 et d’ordre particulier jusqu’en 2016, l’assistance technique doit être mise à profit pour, non seulement mettre en conformité l’arsenal législatif et réglementaire, mais, également et surtout, pour trouver les moyens de renforcer les capacités industrielles et techniques requises, avec comme première étape, les réponses au questionnaire de l’OMPI, afin d’ indiquer clairement les domaines où doit porter l’assistance technique destinée à la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC.

La mise en œuvre continue et efficiente de l’assistance technique doit se faire à la lumière des récents développements survenus à Doha, afin mettre l’accent, non seulement sur le respect de l’Accord sur les ADPIC, mais également sur les moyens d’intégrer les flexibilités définies par la Déclaration de Doha. Il s’agit d’opérer un « glissement » notable, d’adopter une « nouvelle culture » dans la délivrance de la coopération technique jusque là menées par l’OMC et l’OMPI. Allant dans ce sens, l’OMPI serait en train de procéder à l’examen et à la publication d’une « loi modèle » qui prendrait en considération les acquis de Doha et qui servirait pour sa nouvelle coopération technique vers les pays en développement, en particulier les PMA.

Sur le plan régional

Il appartient aux organisations régionales – OAPI, ARIPO – mais surtout à l’OAPI de considérer les options pour une intégration des acquis de Doha dans leurs législations propres. A ce sujet, l’admission de l’OAPI au statut d’observateur au Conseil des ADPIC est d’autant plus opportune pour le Sénégal et les pays membres qu’elle permettrait de renforcer sa « dimension multilatérale » , en plus de l’opportunité qui lui serait offerte pour mieux saisir et gérer les enjeux multilatéraux de la propriété intellectuelle.

Sur le plan international

Deux composantes sont à souligner, en fonction des paragraphes 6 et 7.

Concernant le paragraphe 7, il faut souligner que l’adoption des deux décisions du Conseil des ADPIC et du Conseil Général consacrent la fin du volet multilatéral de la mise en œuvre de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la Santé Publique. Il appartient maintenant à chaque PMA d’intégrer ces acquis dans leur arsenal institutionnel propre, en fonction de leurs spécificités propres, comme cela doit être le cas pour les Etats membres de l’OAPI, par exemple.

Concernant la mise en œuvre du paragraphe 6, les membres de l’OMC doivent trouver des solutions avant fin décembre 2002. A cet effet, il faut signaler que les PMA disposent d’une opportunité majeure pour se doter des capacités industrielles, par le biais du

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transfert de technologies et des investissements, à cause d’un environnement plus clarifié et plus stable induit par la mise en œuvre effective du paragraphe 7 de la Déclaration de Doha. Ces pays disposent, en fait, d’un « bonus » par rapport aux pays en développement, qui viendra s’ajouter aux solutions qui seront trouvées pour le paragraphe 6.

La coopération internationale, à travers l’OMC, l’OMPI, l’OMS, la Banque Mondiale, le FMI, la CNUCED, notamment, doit jouer un rôle essentiel, catalyseur, afin de trouver une réponse holistique à ce problème de santé publique, qui est devenu un réel défi au développement, mais également et surtout, une menace à l’existence même de certains pays africains. A cet effet, le sort des « maladies négligées », communément appelées les « enfants pauvres » de la recherche pharmaceutique – à savoir la tuberculose, le paludisme – mérite d’être souligné. En effet, des études ont montré que le coût des recherches de médicaments nouveaux avoisine 802 millions de dollars américains, alors que celui de la tuberculose se situe entre 115 et 240 millions de dollars. Force est cependant de constater que sur les 10 milliards de dollars américains prévus pour le Fonds Global de l’ONU sur le sida, les contributions reçues à ce jour représentent moins d’un million. Faut-il indiquer que les 10.000.000.000 $ ne sont que l’équivalent de 0,036% du PIB des pays développés ! Des études ont démontré que, sur la base d’un coût moyen de traitement de 500$ par patient en Afrique – niveau moyen actuel des médicaments génériques offerts actuellement sur le marché– l’Afrique, à elle seule, aurait un besoin de 7,5 milliards de dollars par an ! Mais l’Afrique ne représente que 1,3% ( soit 5,3 milliards de dollars US ) du marché mondial des médicaments, estimé, en 2002, à 406 milliards de dollars US. Il est clairement établi que les médicaments sont au Nord – qui représente 85,2% du marché mondial - et les maladies au Sud, qui compte plus de 95% des personnes infectées ! C’est le lieu de saluer les initiatives des industries pharmaceutiques de marque tendant à rendre plus accessibles certains aux patients des pays en développement médicaments. Les compagnies concernées incluent : Bristol-Myers Squibb, Glaxo Welcome, Merck, Boehringer-Ingelheim, Roche, Abbott et Pfizer. Les pays bénéficiaires s’élèvent à 72, dont 41 situés en Afrique, qui se trouvent à des stades divers d’avancement, 14 ont signé un accord – dont le Sénégal, l’idée étant d’instaurer une coopération durable, mais également de restaurer un climat de confiance réciproque entre parties prenantes, afin d’atteindre l’objectif majeur qui est de soulager les patients. Il faut cependant procéder à un examen minutieux de ces contrats, afin de veiller à ce qu’ils ne servent point à imposer aux pays récipiendaires des contraintes juridiques qui ne seraient pas en harmonie avec les acquis de Doha, ni même tout simplement avec les dispositions actuelles de l’Accord sur les ADPIC. La coopération Sud-Sud est également prometteuse. Par exemple, Cuba détient plus de 400 brevets en biotechnologies et est même en train de faire des tests de vaccins du sida au Kenya. Ainsi, les programmes d’accès accéléré auxquels participent le Sénégal, le Rwanda et l’Ouganda offrent des prix compris entre 1008$ et 1974$, alors que les industries pharmaceutiques de l’Inde sont en mesure de fournir des médicaments génériques à des coûts compris entre 350 et 600$. Quant aux PMA, ils devraient mettre en œuvre des partenariats industriels entre eux, sur la base des capacités manufacturières existantes, comme au Bengladesh.

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CHAPITRE 4

La société civile pourrait jouer un rôle dans ce combat de l’accès aux médicaments et c’est le lieu de saluer les efforts déployés par des ONG comme Médecins sans Frontières ( MSF ), OXFAM aussi bien dans la « pré - campagne » de Doha que sur le terrain, avant, pendant et après Doha…

Les implications liées au développement économique et social

Il s’agit principalement de renforcer les capacités industrielles et techniques dans le domaine pharmaceutique, en tirant profit des économies d’échelles et de l’harmonisation juridique et institutionnelle offerte par la « zone OAPI », qui, de ce fait, détient un avantage comparatif énorme. Assurément, la mise en œuvre combinée des paragraphes 6 et 7 constitue pour les pays africains et les PMA, le gage d’un environnement propice aux investissements, apte à permettre de trouver, non seulement une « solution rapide », mais également « définitive » à l’accès aux médicaments dans nos pays. A cet égard, la mise en œuvre effective de l’article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC sur le transfert de technologies aux PMA pourrait efficacement également contribuer et jouer un rôle majeur. D’ailleurs, les PMA ont soumis une proposition à la session du Conseil des ADPIC de juin 2002, dans le cadre du mandat de Doha sur les questions de mise en œuvre et vont plus efficacement participer aux travaux du Groupe de Travail sur le Commerce et le Transfert de Technologies, créé lors de la dernière conférence ministérielle de l’OMC à Doha . Les principaux éléments de cette proposition concernent la mise en place d’un format-type de rapport détaillé à fournir par chaque pays développé sur ses efforts de mise en œuvre de l’article 66.2 , la mise en place d’une surveillance multilatérale, exercée par le Conseil des ADPIC, ainsi que l’énoncé, pour la première fois, de sanctions, en cas de non respect, aspect qui a soulevé des réactions véhémentes de la part des pays développés. Une autre voie à explorer, en parallèle ou en complément, serait de profiter de l’existence du « Forum Afrique – Etats-Unis d’Amérique » – organe consultatif de l’AGOA. La dernière possibilité à explorer, non des moindres, réside dans la mise en œuvre du NEPAD, qui se décline en cinq zones géographiques, qui pourraient être autant de « marchés intérieurs » au sens de l’article 31, paragraphe (f) de l’Accord sur les ADPIC. Cette initiative africaine peut se targuer d’un accueil favorable qui lui a jusqu’ici été réservé, la dernière en date étant l’adoption par le G-8 d’un « Plan d’action pour l’Afrique », ce qui place les pays africains dans une situation encore plus attractive pour les investisseurs, en particulier ceux de l’industrie pharmaceutique mondiale, à l’égard desquels les besoins pressants des 28,5 millions de patients africains recensés par le dernier Rapport de l’ONUSIDA doivent certainement constituer un marché plus que « prometteur ». Comme le disait Mme Gro Harlem Bruntland, Directeur Général de l’OMS, lors de la réunion d’avril 2001, en Norvège, « les droits de propriété intellectuelle stimulent le développement de nouveaux médicaments, mais doivent être mis en œuvre de manière impartiale qui préserve la santé publique ». Doha en a davantage clarifié les modalités. Pour les mettre en oeuvre, il faut agir. Maintenant. Vite. Efficacement !

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CHAPITRE 5

Les droits de Propriété intellectuelle et la santé publique dans l’Accord de Bangui révisé : défis majeurs en santé publique pour les pays africains Par Rosine JOURDAIN Médecins Sans Frontières (Burkina Faso)

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PARTIE II

INTRODUCTION Illustrés par l’exemple du Burkina Faso, les pays africains doivent faire face à des défis majeurs en matière de santé publique. Le Burkina Faso occupe parmi les 12 pays de la zone franc le 9ème rang en terme de revenu nominal avec un PIB par habitant de 240 $. Le contexte macro-économique difficile explique en grande partie la forte incidence de la pauvreté qui touche 45 % des ménages et plus particulièrement ceux des zones rurales. Malgré de relatives performances économiques enregistrées au cours de la dernière décennie, la pauvreté ne cesse de progresser. Ainsi, un écart de revenu de 1 à 30 s’observe entre les tranches de population les plus riches et les plus pauvres.

Tableau 1 : Distribution de la population selon le niveau de revenu en FCFA

Quintiles de revenus

Nombre d’individus

Pourcentage Revenu annuel par habitant

Revenu mensuel par habitant

Q1 5 385 903 51% 39 038 3 253 Q2 2 660 398 25% 79 032 6 586 Q3 1 739 423 16% 120 877 10 073 Q4 648 427 6% 324 255 27 021 Q5 162 545 2% 1 293 522 107 794 10 596 696 100% 99 208 8 267 Rapport de mission d’expertise pour la définition d’une politique des prix du médicament – Jean Marc Guimier mai 2002

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Au plan général, la situation sanitaire semble très liée à la réalité socioéconomique du pays : la très forte incidence de la pauvreté liée à un niveau d’alphabétisation très bas explique des indicateurs de santé alarmants :

Tableau 2 : Indicateurs de santé comparés

Burkina Faso Mali Côte d’Ivoire Afrique subsahar

urbain rural ensemble Espérance de vie (1) 50 55 52 46 Mortalité infantile (2) 120 88 91 67 113 105 Mortalité infanto-juvénile (2) 192 138 151 134 250 219 Mortalité maternelle (3) 577 597 822 484 Indice synthétique de fécondité (4)

6,7 5,6 5,6 4,1 7,3 6,8

Prévalence VIH (5) 1,5 10 8 7,2 Malnutrition infantile (5) 36 24 32 32,7 (1) à la naissance en années (2) pour 1000 naissances vivantes (3) pour 100 000 naissances vivantes (4) nombre d’enfants nés vivant par femme (5) pour 100

Source : Santé et pauvreté au Burkina Faso : progresser vers les objectifs internationaux dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté(août 2001) ; Ministère de la santé, cellule technique. De cette situation, il est aisé de retenir comme problèmes sanitaires prioritaires les points suivants :

Morbidité et mortalité générales élevées

Haute prévalence du VIH/SIDA Faible accessibilité géographique et financière des populations aux services de santé Faible qualité des soins de santé Coordination et collaboration intersectorielles insuffisantes Difficulté de gestion des ressources humaines

Cette situation n’est pas nouvelle et les différentes politiques mises en œuvre n’ont pas réussi à inverser les indicateurs dans le bon sens. Pourtant, des solutions simples existent comme l’accès aux traitements entre autres. De façon synthétique, un meilleur accès aux traitements les moins coûteux intéresse et concerne les points 1 à 5 évoqués ci-dessus. S’agissant du SIDA, ONUSIDA estime que sur un total de 40 millions de personnes infectées, 36 millions de personnes vivant dans les pays en voie de développement n’ont pas accès aux antirétroviraux qui pourraient prolonger leur vie. 96% des personnes vivant avec le VIH qui auraient besoin d’un traitement immédiat n’ont pas accès aux antirétroviraux : il s’agit de 5 à 7 millions de personnes. En 2001, le SIDA a tué 3 millions de personnes. Il représente la première cause de décès en Afrique.

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CHAPITRE 5

1. LA REVISION DE L’ACCORD DE BANGUI Préalablement, il est utile de rappeler que personne n’est hostile à une réglementation régissant les accords commerciaux mondiaux mais certaines considérations « humanistes » ou de « bon sens » doivent présider à certaines décisions. La protection d’une vie humaine doit l’emporter sur la protection d’un droit de propriété. Ainsi, dans le domaine de la santé publique, le chapitre sensible est celui des brevets de médicaments. En Afrique de l’Ouest, les brevets de médicaments sont délivrés par un office régional, l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) dont le siège est à Yaoundé au Cameroun. Jusqu’en 1962, les brevets étaient délivrés par l’Institut National Français de la Propriété Industrielle qui servait d’office national pour ces Etats regroupés alors au sein de l’Union Française. Une fois indépendants au début des années 60, les pays africains francophones décident de créer une structure commune qui agirait en tant qu’Office National de la Propriété Industrielle pour chacun d’eux. Ainsi se crée l’OAMPI (Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle) en septembre 1962 par l’Accord de Libreville. Par la suite, l’OAPI a succédé à l’OAMPI avec la signature d’un nouvel accord en 1977, l’Accord de Bangui. L’OAPI regroupe aujourd’hui 16 membres : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, République Centrafricaine, Congo (Brazzaville), Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Parmi ces pays, 4 sont classés dans la catégorie des pays en développement (PED): Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, les autres étant des pays les moins avancés (PMA). La délivrance des brevets dans les pays membres de l’OAPI est donc réglementée par l’Accord de Bangui qui a valeur de loi nationale sur les brevets pour tous les Etats membres. L’OAPI reçoit toutes les demandes de brevet et délivre des brevets régionaux qui produisent automatiquement leurs effets dans les 15 pays membres. Une fois délivrés par l’OAPI, les brevets sont ensuite gérés au niveau national de chaque Etat. Toutes les questions concernant les brevets en vigueur (violation, licences volontaires ou obligatoires) sont réglées par les tribunaux civils de chaque Etat membre. La création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et la signature de l’Accord sur les ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) ont eu pour conséquence la mise en révision en 1999 des accords de Bangui (1977). En effet, les PED membres de l’OAPI devaient se mettre en conformité avec l’Accord sur les ADPIC avant le 1er janvier 2000, à la différence des PMA qui disposaient d’une période transitoire jusqu’en 2006. Conformément à son article 43, l’Accord de Bangui révisé 99 est entré en vigueur deux mois après la signature de deux tiers des Etats membres soit le 28 février 2002. Les annexes 1 à 8 sont entrées en vigueur à la même date par décision du Conseil d’Administration tandis que les annexes 9 et 10 portant sur les schémas de configuration des circuits intégrés et les obtentions végétales entreront en vigueur ultérieurement.

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2. L’ACCORD DE BANGUI INITIAL: 1977 L’Accord de Bangui a introduit la brevetabilité des produits pharmaceutiques. Aucune distinction n’est opérée entre les brevets relatifs aux médicaments et ceux des autres produits. L’Accord de Bangui reflète le souci d’assurer un équilibre entre l’intérêt public et les droits accordés aux titulaires des brevets. Un certain nombre de dispositions mettent l’accent sur la contrepartie nécessaire au monopole conféré par les brevets. La durée des brevets et leur maintien en vigueur dépendent de la façon dont ils sont exploités au niveau local et des avantages qui en résultent pour la population.

Conditions principales pour la délivrance d’un brevet En vertu de l’Accord de Bangui 77 ( art 1.1 ), un brevet peut être délivré pour toute invention d’un produit ou d’un procédé ( pharmaceutique par exemple ), à condition que cette invention soit « nouvelle, ce qui implique une activité inventive et qui soit susceptible d’application industrielle ». Le critère de nouveauté est important. En vertu de l’Accord de Bangui 77, une invention est considérée nouvelle « si elle n’a pas d’antériorité dans l’état de la technique » (art. 2). Cela signifie que cette invention ne doit pas avoir été rendue accessible au public, de quelque manière que ce soit, dans aucun pays du monde, avant le jour du dépôt de la demande de brevet. Il est donc en théorie impossible d’obtenir un brevet pour un médicament déjà commercialisé. Cependant, même si le texte de l’Accord de Bangui exige que l’invention, objet de la demande, soit nouvelle, en pratique l’OAPI délivre les brevets sans procéder à un examen de fond des demandes et sans vérifier la nouveauté, l’inventivité des inventions, en raison d’un manque de ressources humaines et de techniques nécessaires. Cela implique donc que tout brevet délivré par l’OAPI peut être contesté et annulé par les tribunaux civils d’un Etat membre de l’OAPI, s’il est démontré que l’invention brevetée n’était pas vraiment nouvelle ou inventive au moment de la demande.

Durée de protection Conformément à l’art 6, un brevet est délivré pour une période de 10 ans à compter du dépôt de la demande de brevet. Cette durée peut être prolongée, à la demande du titulaire du brevet, de 2 périodes successives de 5 ans. Ce dernier doit alors apporter la preuve à l’OAPI d’une exploitation industrielle locale de l’invention, autrement dit que le produit breveté est fabriqué, ou que le procédé breveté est employé sur le territoire de l’un des Etats membres de l’OAPI, «sauf s’il y a des excuses légitimes au défaut d’une telle exploitation » (art 6.2 et 6.3). L’objectif de cette disposition est de permettre aux brevets de contribuer effectivement au développement industriel des pays de la région et non pas seulement d’accorder un monopole à leurs titulaires.

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CHAPITRE 5

Etendue de la protection et violation des droits des titulaires des brevets Le titulaire d’un brevet a le droit d’interdire à quiconque de « fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, de vendre, d’utiliser » le produit breveté ou le produit issu d’un procédé breveté. S’il s’agit d’un brevet de procédé, le titulaire peut en interdire l’emploi. La réalisation de l’un des actes ci-dessus sans autorisation du titulaire du brevet constitue une violation de ces droits, appelée contrefaçon. Toutefois, le titulaire du brevet doit aussi remplir ses obligations. L’Accord de Bangui 77 précisait que si dans les 5 ans suivant la délivrance du brevet, le titulaire n’a pas exploité ou fait exploiter localement son invention, sans excuses légitimes, « aucune action en contrefaçon » ne serait recevable devant un tribunal (art 58.2). Cette disposition revêt une importance particulière dans le secteur pharmaceutique où l’approvisionnement en médicaments dans la région est souvent réalisé par le biais de l’importation. Il semble donc, que faute d’exploitation locale de l’invention brevetée, le titulaire perdrait ses droits exclusifs sur l’invention brevetée. Il serait alors possible d’importer ces mêmes médicaments fabriqués par d’autres sans encourir de condamnation.

Licences obligatoires Toute personne, domiciliée dans un des Etats membres de l’OAPI, peut demander l’octroi d’une licence obligatoire. Cette demande peut être présentée uniquement après l’expiration d’un délai de 4 ans (date du dépôt du brevet) ou 3 ans (date de délivrance du brevet). De plus, des conditions doivent être remplies :

Le demandeur a préalablement et sans succès demandé d’obtenir une licence contractuelle auprès du titulaire du brevet.

L’invention brevetée n’est pas exploitée industriellement sur le territoire de l’un des Etats membres, ou

L’exploitation locale ne satisfait pas « à des conditions raisonnables de la demande » ou est entravée par l’importation du produit breveté, ou

Le refus du titulaire du brevet d’accorder des licences volontaires constitue un préjudice à « l’établissement et au développement d’activités industrielles ou commerciales » dans le pays (art 44).

Le titulaire peut exploiter lui-même l’invention localement de façon à remédier à la déficience justifiant l’octroi d’une licence obligatoire. Une licence obligatoire ne peut être accordée pour importer un produit breveté. L’exploitation locale d’un brevet jugée insatisfaisante pouvait donc justifier l’octroi d’une licence obligatoire. Cette disposition met en avant le fait qu’un brevet délivré par l’OAPI ne confère pas seulement des droits à son titulaire mais aussi des obligations vis-à-vis de la population et ne peut être un obstacle à l’accès aux produits brevetés.

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Si la licence obligatoire est accordée, le tribunal civil saisi précise également les droits conférés par la licence, le champ d’application et la période pour laquelle elle est accordée. Il faut noter aussi que les décisions relatives aux licences obligatoires n’ont d’effet que sur le territoire de l’Etat où la décision est prononcée.

Licence d’office Les licences d’office sont seulement obtenues par l’Etat « pour l’exploitation d’une invention brevetée d’une importance vitale.. pour la santé publique », alors que les licences obligatoires sont ouvertes à tous. A la demande du Ministre de la Santé, le Ministre chargé de la propriété intellectuelle peut mettre en demeure le titulaire d’un brevet de médicament pour l’exploitation de son invention « de manière à satisfaire aux besoins de la santé publique ». Si cela n’est pas suivi dans un délai de 12 mois, ou si l’exploitation entreprise « porte gravement préjudice à la santé publique », l’Accord de Bangui reconnaît au Gouvernement le droit d’exploiter, ou de faire exploiter, l’invention brevetée. Ces dispositions pouvaient servir de base juridique pour améliorer l’accès à des médicaments vitaux lorsque l’existence d’un brevet constitue le principal obstacle. De plus, l’Accord de Bangui 77 précisait qu’une licence d’office pouvait être obtenue « aux fins d’importation » du produit breveté, ce qui était particulièrement important pour les pays sans industrie pharmaceutique. En conclusion, l’Accord de Bangui 77 reconnaissait les droits des inventeurs et encourageait l’innovation tout en garantissant en même temps, par le biais de certaines dispositions, un certain bénéfice pour les populations.

3. L’ACCORD DE BANGUI REVISE

Les motifs de révision La création de l’OMC et la signature de l’Accord sur les ADPIC ont eu pour conséquence l’obligation pour les pays membres de la zone OAPI de se mettre en conformité avec l’Accord sur les ADPIC avant le 1er janvier 2000 pour les PED, à la différence des PMA qui disposent d’une période transitoire jusqu’en 2006. L’Accord sur les ADPIC établit des règles minimales dans le domaine de la propriété intellectuelle que tous les Etats membres doivent intégrer dans leur législation nationale et respecter. Les principales modifications effectuées portent sur l’extension de la durée des brevets, leur nature et l’annulation de la condition d’exploitation locale.

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CHAPITRE 5

Conditions de délivrance d’un brevet Les critères de nouveauté, d’inventivité et d’application industrielle nécessaires pour la délivrance d’un brevet par l’OAPI restent inchangés, mais l’Accord de Bangui révisé précise qu’un brevet pourra désormais être délivré non seulement pour protéger un produit ou un procédé, mais également pour protéger « l’ utilisation de ceux-ci » (art.2.2). Dans le domaine pharmaceutique, cela veut dire que des brevets pourront être délivrés pour l’usage ou l’indication thérapeutique d’un médicament. Ce type de brevet va constituer une barrière supplémentaire pour l’accès aux médicaments dans les cas où la demande de brevet, par exemple pour des indications différentes, n’est pas effectuée au même moment que le brevet couvrant la molécule de base du médicament. Lorsque le premier brevet protégeant la molécule arrive à expiration, l’utilisation de cette molécule pour certaines indications non brevetées reste interdite jusqu’à expiration du second brevet.

Durée de la protection Conformément à l’Accord sur les ADPIC de l’OMC, l’Accord de Bangui révisé étend la durée des brevets à 20 ans automatiquement, à compter de la date du dépôt de la demande (art.9). Une telle protection n’est donc plus subordonnée à l’exploitation locale de l’invention brevetée. De plus, l’Accord de Bangui révisé précise dans ses mesures transitoires que tout brevet existant le jour de son entrée en vigueur sera maintenu pour une durée de 20 ans à compter du jour de la demande (art.68). Ainsi, les brevets délivrés pour une durée initiale de 10 ans sont automatiquement prolongés en vertu de cette disposition. Exemple : La molécule azytrhomicine, nom commercial Zythromax, a fait l’objet d’un brevet OAPI de 10 ans, délivré à Pfizer en 1988. Le brevet ayant expiré en 1998, le générique fabriqué par Wockhardt a permis de baisser le prix de 2,5 $ à 0,175 $ et soigner 14 fois plus de patients (200 000 patients traités contre le trachome au Mali en 2002 par MSF).

Etendue de la protection La version révisée de l’accord a introduit des limitations aux droits des titulaires de brevets (art.8) : Les importations parallèles Les importations parallèles sont admises uniquement entre pays membres de l’OAPI. Il est possible ainsi d’importer dans un pays membre de l’OAPI un médicament breveté vendu moins cher par le même laboratoire dans un autre pays membre de l’OAPI. Les « actes, relatifs à une invention brevetée, accomplis à des fins expérimentales » ne constituent pas une violation des droits du titulaire du brevet. Les expérimentations effectuées sur des produits brevetés par d’éventuels fabricants de médicaments génériques sont reconnues licites. Licences obligatoires Les conditions pouvant donner lieu à l’octroi d’une licence obligatoire devenue licence non-volontaire dans l’Accord de Bangui révisé 99 demeurent, excepté le fait que l’exploitation de

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l’invention brevetée peut désormais être satisfaite par l’importation. Autrement dit, la non-exploitation locale du produit breveté ne peut plus donner lieu à une licence non volontaire si le marché est couvert par l’importation. En revanche l’obligation d’exploitation industrielle locale demeure pour le bénéficiaire d’une licence non-volontaire. Licences d’office Au terme de l’Accord de Bangui révisé, des licences d’office peuvent être délivrées « lorsque certains brevets d’invention présentent un intérêt vital … pour la santé publique… ou que l’absence ou l’insuffisance de leur exploitation compromet gravement la satisfaction des besoins du pays » (art.56). Cependant, les licences d’office ne bénéficient plus d’un régime spécial et relèvent des mêmes conditions que les licences non volontaires. De telles licences ne peuvent donc n’être accordées qu’aux fins d’exploitation industrielle locale et non aux fins d’importation, ce qui enlève à cette mesure tout son sens pour les pays qui ne possèdent pas de production pharmaceutique.

4. DECLARATION DE DOHA : ECLAIRAGES NOUVEAUX SUR IMPORTATIONS PARALLELES ET LICENCES OBLIGATOIRES Une déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique a été adoptée par la Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce le 14 novembre 2001. Cette dernière reconnaît la gravité des problèmes de santé publique notamment en ce qui concerne ceux posés par la pandémie HIV/SIDA, la tuberculose, la malaria et toutes les autres épidémies. Elle souligne que l’Accord sur les ADPIC n’empêche pas et ne devrait pas empêcher les membres de l’OMC de prendre des mesures pour protéger la santé publique. Mais elle précise que l’Accord sur les ADPIC doit faire partie d’actions plus larges devant remédier à ces problèmes. Elle précise également que chaque Etat membre a le droit de choisir son propre régime d’épuisement des droits (importations parallèles) et peut accorder des licences obligatoires en déterminant librement les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées. Ceci pose un problème au regard de l’Accord de Bangui révisé 99 car les licences d’office relèvent des mêmes conditions que les licences non volontaires, excluant ainsi le recours à l’importation. De même les seules recommandations émises par les conventions internationales dont la déclaration de Doha, ne modifient pas les dispositions de l’Accord de Bangui révisé 99. « En cas de divergence entre les dispositions contenues dans le présent Accord …et les règles contenues dans les conventions internationales…, ces dernières prévalent. » (art.17)

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CHAPITRE 5

PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS L’Accord de Bangui révisé 99 renforce les droits des titulaires des brevets en allongeant la durée de ces derniers, en reconnaissant que l’importation est suffisante pour exploiter un brevet, en posant des conditions plus strictes à l’octroi de licences non volontaires. Ces dispositions ne sont pas propices à encourager les transferts de technologies nécessaires au développement d’une industrie pharmaceutique dans la zone OAPI, et la dépendances des pays membres vis-à-vis des importations de médicaments va s’accroître.

Les recommandations Prendre acte de la nécessité de consulter les ministères de la santé de chaque pays membre de l’OAPI qui sont concrètement au fait des difficultés liées à l’accès aux médicaments. Revoir l’Accord de Bangui révisé au regard des nouvelles orientations internationales notamment en ce qui concerne les importations parallèles (choix du système d’épuisement des droits des brevets) et des mesures spécifiques concernant les licences d’office devant inclure la possibilité d’importation sans obligation de négociations préalables avec les titulaires du brevet. Faire reconnaître officiellement la période transitoire jusqu’en 2016 pour la mise en conformité des pays les moins avancés de la zone OAPI et ce par amendement officiel de l’Accord de Bangui révisé 99. Mettre en œuvre réellement des mesures incitatives en faveur du transfert de technologies pour doter les pays les moins avancés d’une production pharmaceutique. Développer l’information sur les prix des médicaments, et la concurrence des génériques. S’appuyer sur les recommandations du Directeur Général de l’OAPI pour, sans délais, recourir aux importations sous licence non volontaire des médicaments nécessaires aux traitements de milliers de patients comme le font déjà certains pays comme le Cameroun, le Mali, la Côte d’Ivoire.

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ANNEXE : Etude de prix de quelques molécules au Burkina Faso au regard de leur situation règlementaire et de leur disponibilité

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CHAPITRE 6

Les importations parallèles et les licences non volontaires dans le nouveau droit des brevets des Etats membres de l’OAPI Par Amadou TANKOANO (Niger) Professeur à la Faculté des sciences économiques et juridiques de l’Université Abdou MOUMOUNI de Niamey

6

PARTIE II

INTRODUCTION En signant et surtout en ratifiant l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), quinze Etats membres1 de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI)2 ont souscrit à des obligations contenues dans l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC)3 ayant rendu incompatibles de nombreuses dispositions de l’Accord de Bangui avec plusieurs prescriptions de ce traité multilatéral liant tous les Etats membres de l’OMC. Pour se conformer aux nouvelles dispositions de l’Accord sur les ADPIC, les membres de l’OAPI ont procédé à la révision de l’Accord de Bangui. Aux termes de l’article 43 de l’Accord de Bangui révisé4, celui-ci entrera en vigueur deux mois après la ratification par les deux tiers au moins des Etats signataires. Conformément à cette disposition, l’annexe I de l’Accord de Bangui révisé traitant des brevets est entré en vigueur le 28 février 2002. S’agissant de la délivrance des brevets dans les pays membres de l’OAPI, elle est réglementée par l’Accord de Bangui ayant valeur de loi nationale pour tous les seize Etats. L’OAPI reçoit toutes les demandes et délivre des brevets régionaux engendrant automatiquement des effets dans tous les Etats membres. Cependant, les questions en aval relatives à la contrefaçon, aux licences obligatoires et non volontaires sont réglées par les tribunaux civils de chaque pays membre. Néanmoins, les décisions rendues par ceux-ci sur la validité des brevets dans un Etat membre s’imposent à tous les autres membres de l’OAPI, sauf celles qui sont fondées sur l’ordre public et les bonnes mœurs. En ce qui concerne les brevets, on peut retenir deux séries de modifications majeures dans le nouveau traité signé le 24 février 1999 dans la capitale centrafricaine (Accord de Bangui révisé) intéressant l’épuisement des droits et les importations parallèles (I) ainsi que les licences non volontaires (II).

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1. L’EPUISEMENT DES DROITS ET LES IMPORTATIONS PARALLELES L’OAPI a adopté l’épuisement régional5 des droits qui est conforme aux dispositions de l’Accord sur les ADPIC. Cependant, l’épuisement communautaire des droits présente des inconvénients pour rendre les médicaments plus accessibles aux populations.

L’adoption de l’épuisement communautaire des droits Selon l’Accord de Bangui non révisé, le titulaire du brevet avait le droit d’interdire à toute personne de « fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, de vendre et d’utiliser » le produit breveté ou le produit résultant d’un procédé breveté. S’agissant d’un brevet de procédé, le titulaire pouvait en interdire l’emploi. Il résulte de cette disposition de l’Accord de Bangui non révisé que les importations parallèles en dehors des Etats membres de l’OAPI, des produits brevetés ou issus des procédés brevetés semblaient prohiber sur le territoire des pays membres de cette organisation. En effet, dans la pratique, on a relevé que la plupart des brevets délivrés ont été utilisés par leurs titulaires pour maintenir un monopole d’importation de leurs produits brevetés dans les Etats membres de l’OAPI en dépit du fait que l’article 6 de l’Accord de Bangui non révisé subordonnait la prolongation de la durée de la protection d’un brevet à la condition que son titulaire devait prouver que son invention avait fait l’objet d’une exploitation industrielle sur le territoire de l’un des pays membres de l’OAPI. Cette disposition ajoutait que l’importation ne constituait pas une excuse légitime6. Quant à la version de l’Accord de Bangui révisée, elle prévoit des limitations aux droits conférés aux brevetés. Ainsi, la première limitation est formulée comme suit : « les droits découlant du brevet ne s’étendent pas : a) aux actes relatifs aux objets mis dans le commerce d’un Etat membre par le titulaire du brevet ou avec son consentement »7. Ce libellé semble opter pour la notion d’épuisement régional8 autorisant les importations parallèles entre les pays membres de l’OAPI. Autrement dit, on peut importer dans un Etat membre de l’OAPI un médicament breveté qui serait vendu moins cher dans un autre pays membre de l’OAPI. Néanmoins, ce choix en faveur de l’épuisement communautaire des droits habilite le titulaire d’un brevet de s’opposer aux importations parallèles de biens et services protégés provenant de pays non membres de l’OAPI. Bien que conforme à l’article 69 de l’Accord sur les ADPIC, l’adoption de l’épuisement régional présente certains inconvénients pour les Etats membres de l’OAPI.

Les inconvénients de l’adoption de l’épuisement communautaire des droits La déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée par la dernière conférence ministérielle de Doha réaffirme que chaque Etat membre de l’OMC est libre de choisir son propre régime d’épuisement des droits, sous réserve des dispositions en matière

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CHAPITRE 6

de traitement de la nation la plus favorisée et de traitement national des articles 3 et 410 de l’Accord sur les ADPIC. On peut regretter que l’OAPI n’ait pas saisi l’occasion de la révision de l’Accord de Bangui pour adopter le principe de l’épuisement international des droits qui est également compatible avec l’Accord sur les ADPIC. En effet, l’adoption du principe de l’épuisement international11 des droits pourrait procurer comme avantage à chaque Etat membre de l’OAPI de procéder à des importations parallèles de médicaments si ces derniers sont moins dispendieux dans un autre Etat membre de l’OMC. Nous pouvons donner un exemple pour illustrer un inconvénient de l’adoption de l’épuisement communautaire des droits dans la zone OAPI. Le Combivir qui a été créé par la firme pharmaceutique GlaxoSmithkline est une pilule combinant à la fois les deux antirétroviraux AZT et 3TC. Il est vendu à 1.96 dollar américain (US $) au Togo et 0.94 US $ au Sénégal. On s’accorde à reconnaître que ce dernier prix est le plus bas dans les Etats membres de l’OAPI. Par contre en Inde, on peut l’acheter à un coût nettement moindre, à savoir 0.65 US $. Si l’OAPI avait adopté l’épuisement international des droits, le Togo et les autres membres intéressés de cette organisation auraient pu l’importer en provenance de l’Inde afin de le rendre disponible aux patients à un prix plus abordable, c’est-à-dire 45% moins élevé que le Combivir vendu au Sénégal12. En outre, la consécration de l’épuisement international des droits et sa mise en œuvre sont conformes aux prescriptions de l’article XI du GATT qui interdit les restrictions quantitatives entre les pays membres de l’OMC. Au regard de ce qui précède, compte tenu du fait que les Etats membres de l’OAPI ne sont pas de grands producteurs de médicaments, l’adoption de l’épuisement international des droits pourrait favoriser des importations parallèles de médicaments pour les vendre à des prix plus abordables13 aux populations africaines le plus souvent démunies pour enrayer les maladies endémiques en s’inscrivant dans une stratégie plus globale de lutte contre la pauvreté pour un développement humain durable. Enfin, la consécration du principe de l’épuisement international des droits semble plus conforme avec la logique de l’OMC prônant la libéralisation du commerce mondial14 et surtout de son corollaire, à savoir la libre circulation des marchandises. S’agissant d’une autre limitation des droits conférés au titulaire du brevet, l’Accord de Bangui révisé ajoute que « les droits découlant du brevet ne s’étendent pas… aux actes relatifs à une invention brevetée accomplis à des fins expérimentales dans le cadre de la recherche scientifique et technique »15. En d’autres termes, les expérimentations réalisées par d’éventuels fabricants de médicaments génériques pour les vendre après l’extinction du brevet16 ne semblent pas être interdites par l’Accord de Bangui révisé. L’accord de Bangui révisé ne concerne pas seulement la question de l’épuisement des droits et des importations parallèles, il traite également des licences non volontaires.

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2. LES LICENCES NON VOLONTAIRES En se fondant sur les articles 8 et 31 de l’accord sur les ADPIC, le titre IV de l’annexe I de l’OAPI prévoit l’octroi des licences non volontaires pour répondre à l’intérêt général en matière d’exploitation des inventions brevetées, notamment les brevets de médicaments. S’agissant des licences non volontaires, il convient de distinguer, d’une part, les licences d’origine judiciaire et, d’autre part, les licences d’office. Cependant, le recours aux licences non volontaires ne constitue pas une panacée. En effet, en ce qui concerne, les Etats de l’OAPI, sa concrétisation est entravée par des limites importantes.

Les licences d’origine judiciaire Ces licences sont octroyées à la demande de toute personne intéressée par le tribunal civil compétent en matière de brevet. Elles sanctionnent d’une part, le défaut injustifié d’exploitation du brevet et, d’autre part, le refus d’accorder une licence dite de brevet de dépendance. La licence pour défaut d’exploitation Aux termes de l’article 46 de l’Annexe I relatif aux brevets d’invention, toute personne peut, après expiration d’un délai de quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet ou de trois ans à compter de la délivrance du brevet, le délai qui expire le plus tard devant être appliqué, peut obtenir une licence non volontaire si l’une ou plusieurs des conditions ci-après sont remplies :

L’invention brevetée n’est pas exploitée sur le territoire de l’un des Etats membres de l’OAPI, au moment où la requête est présentée ; ou

L’exploitation, sur le territoire susvisé, de l’invention brevetée ne satisfait pas à des conditions raisonnables à la demande du produit protégé ; En raison du refus du titulaire de brevet d’accorder des licences à des conditions et modalités commerciales raisonnables, l’établissement ou le développement d’activités industrielles ou commerciales, sur le territoire susvisé, subissent injustement ou substantiellement un préjudice.

Toutefois, le titulaire d’un brevet qui justifie d’excuses légitimes17 au défaut d’exploitation, n’est pas tenu d’accorder une licence non volontaire. Il importe de rappeler que le nouvel Accord de Bangui révisé a supprimé l’exigence d’une exploitation industrielle locale pour maintenir la protection octroyée au breveté pour se conformer à l’Accord sur les ADPIC qui ne retient pas cette obligation. Autrement dit, l’exploitation de l’invention peut désormais être satisfaite par l’importation. De ce fait, si le marché est suffisamment approvisionné par l’importation, le défaut d’exploitation du produit breveté ne constitue plus une condition pour octroyer une licence non volontaire18.

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CHAPITRE 6

La licence non volontaire pour brevet de dépendance19 La licence de dépendance est destinée à éviter qu’un brevet en position dominante par rapport à un brevet de perfectionnement ne soit utilisé par son détenteur pour empêcher l’exploitation dudit perfectionnement. En effet, si une invention protégée par un brevet ne peut être exploitée sans qu’il soit porté atteinte aux droits attachés à un brevet antérieur dont le titulaire refuse l’autorisation d’utilisation à des conditions et modalités commerciales raisonnables, le détenteur du brevet ultérieur peut obtenir du tribunal une licence non volontaire pour cette utilisation, aux mêmes conditions que celles qui s’appliquent aux licences non volontaires accordées en vertu de l’article 46 ainsi qu’aux conditions additionnelles suivantes20. Tout d’abord, il faut que l’invention revendiquée dans le brevet ultérieur représente un progrès technique important, d’un intérêt économique considérable, par rapport à l’invention revendiquée dans le brevet antérieur. Ensuite, le titulaire du brevet antérieur a droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l’invention revendiquée dans le brevet de dépendance. Enfin, l’utilisation autorisée en rapport avec le brevet antérieur est incessible sauf si le brevet ultérieur est également cédé. La licence pour défaut d’exploitation et la licence de dépendance sont non exclusives. Pourtant, la licence pour défaut d’exploitation et la licence de dépendance ne sont pas les seules licences non volontaires. Il y a également les licences d’office.

Les licences d’office Elles sont au nombre de trois. Elles sont prévues pour satisfaire l’intérêt de la santé publique, celui du développement économique et celui de la défense nationale. Aux termes de l’article 56 de l’Annexe I de l’OAPI, lorsque certains brevets d’invention présentent un intérêt vital pour l’économie du pays, la santé publique ou la défense nationale ou que l’insuffisance de leur exploitation compromet gravement la satisfaction des besoins du pays, ils peuvent être soumis par acte administratif du Ministre compétent de l’Etat membre en cause au régime de la licence non volontaire. Cet acte détermine l’administration ou l’organisme bénéficiaire, les conditions de durée et le champ d’application de la licence non volontaire et le montant des redevances. A défaut d’accord à l’amiable entre le titulaire du brevet et l’administration intéressée sur les conditions susmentionnées, celles-ci sont fixées par le tribunal civil. S’agissant des droits et obligations du bénéficiaire d’une licence non volontaire21, l’octroi d’une licence non volontaire autorise son bénéficiaire à exploiter l’invention brevetée conformément aux conditions fixées dans la décision du tribunal civil ou dans la décision prise sur recours. Le bénéficiaire d’une licence non volontaire est tenu de verser au détenteur du brevet une compensation fixée dans les décisions susvisées. L’octroi de la licence non volontaire n’affecte ni les contrats de licence en vigueur ni les licences non volontaires en vigueur et n’exclut ni la conclusion d’autres contrats de licence ni l’octroi d’autres licences non volontaires. Toutefois, le titulaire du brevet ne peut consentir à d’autres licenciés des conditions plus avantageuses que celles de la licence non volontaire.

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Au titre de la limitation de la licence non volontaire, le bénéficiaire de celle-ci ne peut, sans le consentement du détenteur du brevet, donner à un tiers l’autorisation d’accomplir les actes qu’il est autorisé à accomplir en vertu de ladite licence non volontaire. En dépit de cette limitation, la licence non volontaire peut être transmise avec l’établissement du bénéficiaire de licence ou avec la partie de cet établissement qui exploite l’invention brevetée. Une telle transmission n’est pas valable sans l’autorisation du tribunal civil. Avant d’accorder l’autorisation, le tribunal civil met le titulaire du brevet en mesure de se faire entendre. Le tribunal civil communique l’autorisation à l’OAPI qui l’enregistre et la publie. Toute transmission autorisée a pour effet que le nouveau bénéficiaire de la licence accepte les mêmes obligations que celles qui incombaient à l’ancien bénéficiaire de la licence. En dépit de toutes ces dispositions prévues par le titre IV de l’Annexe I de l’Accord de Bangui révisé pour recourir aux licences non volontaires, force est de reconnaître que la mise en œuvre pratique de ces dispositions rencontre des difficultés considérables.

Les limites au recours aux licences non volontaires La déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique22 adoptée à Doha lors de la quatrième conférence ministérielle proclame la nécessité de protéger la santé publique et de promouvoir l’accès de tous aux médicaments. Cette déclaration qui a été adoptée par la conférence ministérielle de Doha commence par reconnaître la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux PED et PMA, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d’autres épidémies. En second lieu, les Etats membres de l’OMC soulignent que l’accord sur les ADPIC fait partie de l’action nationale et internationale plus large visant à remédier à ces problèmes. Tout en reconnaissant que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour le développement de nouveaux médicaments, ils reconnaissent également les préoccupations concernant ses effets sur les prix. En troisième lieu, la déclaration souligne que l’accord sur les ADPIC n’empêche pas et ne devrait pas empêcher les membres de l’OMC de prendre des mesures pour protéger la santé publique. En conséquence, tout en réitérant leur attachement à l’accord sur les ADPIC, ils réaffirment que cette convention peut et devrait être interprétée et mise en œuvre d’une manière qui appuie le droit des membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments. A ce sujet, la déclaration réaffirme le droit des membres de l’OMC de recourir pleinement aux dispositions23 de l’accord sur les ADPIC ménageant une flexibilité à cet effet. En conséquence et au regard du point précédent, tout en maintenant leurs engagements dans le cadre de l’Accord ADPIC, les Etats membres de l’OMC reconnaissent que ces flexibilités incluent ce qui suit :

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CHAPITRE 6

Dans l’application des règles coutumières d’interprétation du droit international public, chaque disposition de l’Accord sur les ADPIC sera lue à la lumière de l’objet et du but de l’accord tels qu’ils sont exprimés, en particulier, dans ses objectifs24 et principes25.

Chaque Etat membre a le droit d’accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées.

Chaque Membre a le droit de déterminer ce qui constitue une situation d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence, étant entendu que les crises dans le domaine de la santé publique, y compris celles qui sont liées au VIH/SIDA, à la tuberculose et à d’autres épidémies, peuvent représenter une situation d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence.

Au regard de ce qui précède, il ressort que l’OAPI a prévu des dispositions sur lesquelles les Etats membres peuvent se fonder pour accorder des licences obligatoires pour répondre à une situation d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence. Cependant, comme le reconnaît la déclaration de Doha sur l’accord sur les ADPIC et la santé, de nombreux Etats membres de l’OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n’en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l’accord sur les ADPIC. Tel est le cas de la plupart des PMA membres de l’OAPI. C’est la raison pour laquelle la conférence ministérielle a donné pour instruction au conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au conseil général avant la fin de 2002. En d’autres termes, l’utilisation effective des licences non volontaires comme instrument de politique publique exige au préalable, de remplir certaines conditions, notamment une expertise nationale et des ressources financières suffisantes pour fabriquer des médicaments. En effet, en plus de l’insuffisance et de l’absence des capacités nationales de production des médicaments, on s’accorde à reconnaître que ces dispositions relatives aux licences non volontaires sont très complexes. Pour toutes ces raisons, force est de constater que ces dispositions n’ont pas encore été mises en œuvre dans l’un des Etats membres de l’OAPI. Dans cette optique, la déclaration réaffirme l’engagement des pays développés membres d’offrir des incitations à leurs entreprises et institutions pour promouvoir et encourager le transfert de technologie vers les pays les moins avancés membres conformément à l’article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC. En se fondant sur la déclaration de la quatrième conférence ministérielle de Doha préconisant le réexamen de la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC, les pays africains de concert avec les autres PED devraient saisir cette occasion pour proposer, négocier et arrêter d’un commun accord avec les Etats développés les modalités concrètes d’octroi par ceux-ci des incitations aux entreprises et institutions situées sur leur territoire d’ici à la fin de 2002 au plus tard. Ceci afin que les pays développés s’acquittent de leur obligation internationale réitérée par la conférence ministérielle de Doha pour promouvoir et encourager un transfert effectif de technologie au profit des PMA dans le but de les doter concrètement d’une base technologique solide et viable.

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Ainsi, les PMA africains pourraient développer une capacité locale de production et recourir de manière plus effective aux licences non volontaires pour rendre les médicaments plus accessibles aux patients afin de combattre efficacement les maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose, le paludisme et d’autres épidémies26. En plus de l’absence ou de l’insuffisance des capacités nationales de production requises pour rendre les dispositions relatives aux licences non volontaires effectives, il importe de souligner deux autres contraintes qui limitent également le recours aux licences obligatoires, c’est-à-dire l’insuffisance du capital financier national et l’étroitesse des marchés nationaux. En effet, selon l’article 31.f) de l’Accord sur les ADPIC, l’utilisation des licences obligatoires sera autorisée principalement pour l’approvisionnement intérieur du pays membre de l’OMC. Toutefois, il convient de souligner que l’article 31.k)27 de l’Accord sur les ADPIC exempte un membre de l’OMC ayant accordé des licences obligatoires pour remédier aux pratiques anticoncurrentielles de se conformer à l’obligation de l’article 31.f) prescrivant que les licences non volontaires sont autorisées principalement pour l’approvisionnement intérieur du pays membre de l’OMC qui les a accordées. Compte tenu du fait que les licences obligatoires ne peuvent être accordées que pour l’exploitation locale principalement, il sera difficile de les mettre en pratique dans un pays membre pris isolément de l’OAPI. En effet, ces pays pris individuellement constituent des marchés le plus souvent étroits. Ils ne représentent pas une économie d’échelle suffisante pour rentabiliser effectivement les investissements réalisés par les éventuels bénéficiaires de licences non volontaires pour produire localement les médicaments d’autant plus que le pouvoir d’achat des populations de ces Etats est généralement faible. Etant donné que cette restriction imposée par l’article 31.f) de l’Accord sur les ADPIC constitue une entrave supplémentaire à l’accès aux médicaments des populations africaines, il convient de recommander d’amender l’Accord sur les ADPIC pour supprimer cette disposition afin de permettre aux Etats membres de l’OAPI qui ont une capacité insuffisante ou inexistante de production locale de produits pharmaceutiques d’importer des médicaments moins dispendieux qui sont produits grâce à des licences obligatoires accordées par d’autres membres de l’OMC ayant les capacités requises pour fabriquer les médicaments28. Enfin, il convient de souligner que sur proposition du Conseil des ADPIC tenu les 25 au 27 juin 2OO2, le Conseil général exerçant les fonctions de la conférence ministérielle dans l’intervalle entre les réunions a décidé le 8 juillet 2002 qu’il sera dérogé aux obligations des pays les moins avancés membres au titre du paragraphe 9 de l’article 7029 de l’Accord sur les ADPIC en ce qui concerne les produits pharmaceutiques jusqu’au 1er janvier 2016. Notons toutefois que les PMA membres de l’OAPI ne bénéficieront vraisemblablement pas de cette flexibilité dans la mesure où l’Annexe I de Accord de Bangui révisé est déjà entrée en vigueur.

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CHAPITRE 6

CONCLUSION Les développements précédents appellent deux remarques. Tout d’abord, l’adoption du principe de l’épuisement régional des droits par les Etats parties au traité de l’Accord de Bangui révisé est conforme à l’article 6 de l’Accord sur les ADPIC qui autorise les pays membres de l’OMC à choisir entre le principe de l’épuisement national, régional et international des droits. Cependant, il convient de noter que l’adoption de l’épuisement communautaire des droits par l’OAPI constitue une entrave au détriment de ses Etats membres pour importer des médicaments moins onéreux en provenance d’autres pays appartenant à l’OMC. Ensuite, compte tenu de l’absence ou de l’insuffisance des capacités nationales requises de production de produits pharmaceutiques, il est difficile de mettre en œuvre les dispositions relatives aux licences non volontaires prévues par le titre IV de l’annexe I de l’Accord de Bangui révisé. En outre, la restriction imposée par l’article 31.f) de l’Accord sur les ADPIC d’utiliser les licences non volontaires pour approvisionner principalement le marché local réduit la possibilité d’avoir recours à des importations parallèles de médicaments produits par des bénéficiaires de licences obligatoires accordées par d’autres pays membres de l’OMC.

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PARTIE III

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CHAPITRE 7

Enjeux des DPI pour la recherche agricole et la filière des semences en Afrique de l’ouest et du centre Par Oumar NIANGADO (Mali) Délégation du Mali - Fondation Syngenta pour une agriculture durable et Demba Kebe, Coordinateur scientifique Institut d’Economie Rurale

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PARTIE III

INTRODUCTION La signature de l’Accord de Marrakech (Maroc) en avril 1994 est passée inaperçue dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Rares sont les institutions qui en connaissaient le contenu en dehors des services du ministère chargé du commerce. Avec cette signature, est apparu dans le jargon des experts le terme « propriété intellectuelle ». Ce terme qui, auparavant était utilisé dans le cercle des inventeurs et des artistes, a fait son entrée dans le domaine des sciences de la vie. Le terme se rapporte à divers droits accordés aux inventeurs et aux artistes par une autorité étatique pour leur permettre de rester maîtres de leurs idées ou de leurs innovations. Aujourd’hui, on en parle constamment dans le contexte international du commerce, de l’agriculture, de l’industrie et du développement. La course à « l’appropriation » du vivant a débuté en 1980 lorsque la cour suprême des Etats-Unis a autorisé le premier brevet sur un gène. Les résultats des travaux de décryptage du génome font, depuis, l’objet de très nombreux dépôts de brevets et la question de la propriété intellectuelle est devenue un formidable enjeu économique touchant non seulement le domaine de l’agroalimentaire, mais aussi ceux de la médecine et de la pharmacie. Cette revendication de la brevetabilité des gènes représente un véritable choc car, les ressources génétiques qui avaient jusque-là été considérées comme un bien commun de l’humanité librement accessible, et ce tout particulièrement dans le domaine de la sélection végétale, deviennent un enjeu important dans le domaine du commerce. Les connaissances sont aujourd’hui le plus important facteur qui détermine le niveau de vie d’un pays. Ainsi quatre-vingt dix pour cent des activités commerciales de recherche-développement se font dans les pays industrialisés avec une part équivalente des publications scientifiques. L’écart entre le Nord et le Sud, sur le plan des connaissances, va donc s’accroître avec la privatisation des moyens d’acquisition des connaissances. Le renforcement des régimes de propriété intellectuelle et leur extension aux matériels biologiques ouvrent des perspectives pour le Nord, mais créent également des inquiétudes pour les pays en développement. La mondialisation associée aux droits de propriété intellectuelle ne va-t-elle pas hypothéquer la recherche agricole et la filière semencière en Afrique de l’Ouest et du

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Centre ? Dans ce chapitre nous allons passer en revue la situation de l’agriculture en Afrique de l’Ouest et du Centre et celle de la filière semencière. Ensuite nous présenterons les implications des droits de propriété intellectuelle sur la diversité biologique et la recherche agricole.

1. CONTEXTE DE L’AGRICULTURE TRADITIONNELLE L’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) est un important centre de biodiversité. C’est le principal foyer de diversité du riz africain (Oryza glaberrima), du mil, de l’igname (Dioscorea spp), du sorgho (Sorghum bicolor), du niébé (vigna unguiculata), du fonio (Digitaria exilis) etc. Les paysans ont contribué au développement de la diversité au sein de ces différentes espèces. Les ressources génétiques locales constituent une bonne base pour l’amélioration variétale. La longue pratique de la culture et/ou la cohabitation ont abouti à l’obtention d’un nombre important de cultivars locaux adaptés à leur environnement. L’attachement des agriculteurs à ces cultivars, malgré la vulgarisation de nouvelles variétés élites introduites, interpelle chaque sélectionneur sur leur intérêt et pose la question de la gestion continue de cette variabilité génétique. Selon les estimations, 40% de l’économie mondiale est fondée sur des produits et des procédés biologiques. En Afrique en général et tout particulièrement en AOC, zone peu industrialisée, la population dépend de la biodiversité pour 85 à 90 % de leurs besoins de base.

LE CADRE SOCIO-ECONOMIQUE DE PRODUCTION ET DE COMMERCIALISATION La production agricole se fait en Afrique de l’Ouest et du Centre selon un système d’agriculture itinérante. Avec la croissance démographique, on assiste de plus en plus à une sédentarisation. Les cultures suivent une rotation variable selon les zones. Dans ce système, la fertilité des sols s’épuise au bout de 5 à 8 ans. La restauration de la fertilité est obtenue en laissant la terre en jachère pendant une période variant selon la fertilité initiale du sol, la superficie exploitée et la pression démographique. Le système de culture dominant est la culture associée. Très fréquemment, on associe par exemple au mil (Pennisetum glaucum (L.) R. Br.)d’autres espèces comme le niébé (Vigna unguiculata), l’arachide (Arachis), le sorgho (Sorghum bicolor (L) Moench), l’oseille de Guinée( Hibiscus sabdarifa), le sésame ( Sesamum indicum), le maïs ( Zea mays) etc. Cette association peut également être constituée de deux variétés de la même espèce. Au Mali, dans certaines régions, le mil précoce est souvent associé au mil tardif. La pratique de l’association est telle que l’on peut se demander si la culture pure existe. La superficie moyenne par exploitation varie par exemple au Mali entre 5 et 8 ha. Les rendements sont faibles avec une moyenne de 600 à 800 kg/ha pour le mil et le sorgho. Sur le plan spatial, on distingue au Mali deux types de champs. Les « soforos » ou « champs de case », qui sont en général bien fumés (ordures ménagères, fumier de parc, etc.). On y cultive surtout des variétés précoces destinées à la couverture des besoins en période de transition. Dans ce cadre, le maïs précoce occupe une place prépondérante en zone Sud. Les « Koungo foro » ou « champs de brousse » relativement peu fertiles. On y cultive surtout des

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CHAPITRE 7

variétés tardives. Les travaux champêtres occupent une place importante dans le calendrier agricole1. La production de céréales est essentiellement auto-consommée. Un très faible pourcentage est commercialisé. De 1960 à 1994, le prix au producteur du kilo de mil est passé de 5 FCFA à 60 FCFA, alors que le prix du kilo d’engrais complexe pour le coton est passé de 26,5 FCFA à 120 FCFA le kilo. Au cours de la même période, le prix d’un motoculteur est passé de 6500 FCFA à 69 205 FCFA. Dans ces conditions, il ne faut pas demander aux paysans d’intensifier leur système de production. Le seul intrant facilement accessible est la semence. Cette semence est produite au sein de l’exploitation ou provient d’échange avec les voisins. L’intensification par les intrants, les équipements et la semence dans ce cas est une utopie. Nous sommes bien dans une situation ou des gens vivent avec moins de deux dollars par jour. Cette faiblesse du pouvoir d’achat avec comme corollaire un faible niveau d’équipement et pas d’intrants extérieurs est telle, que dans de nombreuses régions, la daba ou l’hilaire reste le seul outil de travail. La lutte contre les adventices se faisant manuellement et difficilement ; ce qui constitue un important goulot d’étranglement dans le calendrier agricole. Les revenus monétaires dégagés de la vente des produits agricoles, de celle des céréales notamment, demeurent faibles et permettent rarement d’entreprendre des investissements agricoles au niveau de l’unité de production agricole. Il n’existe pas de structures adéquates de crédits permettant d’approvisionner en intrants et en équipements et de partager les risques de mauvaises récoltes avec les paysans. Ceux-ci utilisent surtout les ressources du terroir (fumiers et semences) et les outils manuels. Ils cherchent donc à optimiser l’ensemble des ressources locales. Il faut cependant noter qu’avec la croissance démographique, les besoins augmentent et la pression sur les ressources devient plus grande. Dans ce contexte, les systèmes traditionnels deviennent inadéquats et dangereux pour l’environnement si des solutions appropriées ne sont pas proposées. Face à l’environnement défavorable de la zone soudano-sahélienne, les producteurs ont développé différentes stratégies. Toutefois, les risques auxquels sont confrontés les producteurs sont variés et souvent ignorés par les intervenants extérieurs. Les producteurs utilisent différentes stratégies pour réduire leur impact au niveau de leur activité. On peut distinguer entre autres :

la limitation des effets du risque. Dans cette catégorie, il y a les pratiques qui ne mobilisent que des investissements relativement faibles en travail et en capital. Par exemple la culture associée largement répandue s’inscrit dans ce contexte. Face aux incertitudes pluviométriques, les producteurs utilisent la diversité variétale.

le contournement du risque. Cette stratégie porte surtout sur la diversification des activités agricoles ou extra-agricoles. Dans la pratique, on observe que les paysans préfèrent souvent réaliser des combinaisons moins onéreuses.

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LE SYSTEME SEMENCIER EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE La semence est le facteur de production le plus important et l’intrant le moins cher pour les systèmes de production en Afrique subsaharienne. Le système semencier est composé de deux parties qui se superposent dans beaucoup de zones.

Le système formel Dans ce système, mis en place généralement par l’Etat, on peut compter quatre partenaires :

la recherche chargée de la création (prospection, introduction, sélection) et de la production de semences de pré-base ou de base ;

le service semencier national chargé de la production de semencier certifié (R1 et R2) soit en régie2, soit à travers des réseaux de paysans semenciers ;

le contrôle et la certification de la qualité des semences, assurés par un service spécialisé indépendant de la recherche, du service semencier et de la vulgarisation ;

les paysans acheteurs potentiels de semences certifiées Implanté dans presque tous les pays, ce système n’a pas donné satisfaction en général, bien que l’Etat et ses partenaires y aient injecté beaucoup de moyens. Inspiré du modèle occidental de production et de distribution des semences, rares sont les pays où il a bien fonctionné. Plusieurs raisons sont généralement évoquées pour expliquer cette situation: la difficulté d’apprécier l’offre et la demande dans le domaine des semences ; le faible pouvoir d’achat des agriculteurs ; le niveau de rendement des variétés proposées par la recherche ; le manque de personnel qualifié ; le manque de marché pour l’écoulement du surplus de production généré par la semence ou la bonne pluviométrie.

Le système informel On rencontre ce système un peu partout au niveau de la zone. A ce niveau les paysans récoltent dans leurs champs des inflorescences (épis, panicules, gousses) qu’ils conservent comme semence jusqu’au prochain semis. Chaque paysan assure ainsi son approvisionnement en semences avec les semences produites au niveau de son exploitation. C’est seulement en cas de catastrophe (sécheresse, inondation, guerre) que la semence devient un enjeu critique. Il arrive souvent que les paysans échangent entre eux des semences. La semence acquise dans ce contexte est évaluée d’abord sur une petite surface avant qu’on ne l’utilise sur une plus grande surface. Le commerce de semences est très faible. Dans certaines zones, la semence est considérée comme un don de dieu et les paysans disent souvent que sa vente porte malheur. Il n’y a pas de contrôle de qualité ou plutôt «le paysan acquéreur » assure lui-même le contrôle au moment de l’utilisation. Si la semence n’est pas de bonne qualité (germination surtout), le paysan ne demandera plus cette semence. Dans ce système, le paysan accorde peu d’importance à la pureté variétale. Il lui arrive souvent de procéder à des mélanges de différentes variétés voire de différentes espèces. L’homogénéité n’est pas non plus un critère de qualité.

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CHAPITRE 7

Cependant, dans le cadre des filières intégrées (Compagnie cotonnière, arachide) la semence distribuée par la société d’encadrement doit satisfaire aux conditions d’homogénéité et de pureté pour satisfaire les normes établies par les services de réglementation et de contrôle de l’Etat. En fait, c’est la société qui produit, à partir de la semence de base fournie par la recherche les semences certifiées et distribue ces semences avec les autres intrants (engrais et pesticides). C’est elle qui achète dans certains cas toute la production (compagnie cotonnière surtout).

La demande en semence Selon certains auteurs, le système semencier en Afrique de l’Ouest et du Centre a bénéficié de peu d’attention au regard de son importance par rapport aux autres secteurs comme la recherche agricole et la vulgarisation. En ce qui concerne la demande de semence, on note qu’au niveau du Kenya, du Malawi, de Zambie et du Zimbabwe, différentes raisons sont évoquées pour une requête de semences. Mais en Afrique de l’Ouest et du Centre les paysans demandent des semences soit à la suite d’une catastrophe, soit à cause de la faible performance de leur variété, soit pour tester de nouvelles souches d’une semence suite à la publicité ou à une journée porte ouverte de la recherche. A partir des années 80, on assiste à la libéralisation du secteur semencier dans de nombreux pays suite à l’ajustement structurel. Mais le secteur reste encore pour certains pays dans le domaine public. A cause de ces défaillances et de sa trop grande centralisation, ce sont les ONG qui ont pris la relève de l’Etat dans la distribution de semences dans de nombreux pays. On estime à 120 millions de tonnes la quantité de semences utilisées par an. Dans les pays en développement, environ 80 % des semences de cultures vivrières proviennent de la production du paysan. La quantité de semences d’un certain nombre d’espèces utilisées en Afrique figure au tableau 1. La majorité des semences utilisées en Afrique sont produites par les paysans et distribuées selon le système traditionnel. Le paysan est le producteur et l’utilisateur des semences produites. Le marché joue un très faible rôle dans la distribution des semences.

Tableau 1: Consommation annuelle de certaines semences en Afrique

Surface plantée Taux de semis Total Arachide 9,0 80 720

Maïs 25,2 20 504 Riz pluvial 3,1 60 184

Riz de bas-fonds 4,7 20 94 Niébé 7,2 10 72

Sorgho 23,1 5 115 Mil 20,2 4 81

Total 85,5 - 1900

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La participation du secteur privé est très faible. Les raisons évoquées portent sur la faiblesse des prix, auxquelles on pourrait ajouter l’organisation de l’offre. En effet en AOC, comme signalé plus haut, les systèmes de productions sont très diversifiés, on peut même affirmer que chaque terroir possède sa propre gamme de variétés. Cela, associé généralement à la variabilité dans le démarrage de la saison des pluies, fait qu’il peut changer de variétés à tout moment. Il est donc pratiquement impossible de planifier à l’avance la demande de semences. Les nombreuses compagnies privées, très actives dans le domaine des pesticides en Afrique de l’Ouest et du Centre, n’ont généralement pas d’activités dans le domaine des semences. Ces sociétés sont beaucoup plus présentes en Afrique australe et orientale surtout au Zimbabwe et en Afrique du Sud où le système de production/diffusion des hybrides est très bien implanté.

Tableau 2: Source des semence de mil et d’arachide au Niger et au Sénégal (%)

Source Niger Sénégal Mil 1996 1997 1996 1997

-propre production 93 82 66 57 -famille et amis 2 7 0 1 -marché villageois 5 9 31 39 -secteur semencier 0 2 2 3

Arachide 1996 1997 1996 1997 -propre production 89 82 54 36 -famille et amis 3 4 0 1 -marché villageois 8 14 28 38 -secteur semencier 0 0 18 25

Source : WCA-Icrisat Survey 1997

2. LES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE Avant le Cycle d’Uruguay, le GATT traitait principalement du commerce des marchandises et ne s’intéressait pas aux services et à la propriété intellectuelle. Avec la signature des Accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la propriété intellectuelle apparaît plus fréquemment dans le jargon des experts. L’Accord sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) est un des chapitres de l’Accord de Marrakech. Il couvre tous les aspects relatifs aux droits de propriété intellectuelle. L’accord oblige les Etats signataires à protéger les inventions de procédés et de produits. C’est un instrument juridique qui permet de protéger les auteurs, inventeurs, les marques et les dénominations contre l’imitation et la copie.

La protection des variétés végétales est établie par l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC qui en définit les champs d’application. L’Accord sur les ADPIC exige que tous les pays membres permettent l’obtention de brevets pour les inventions, qu’il s’agisse de produits ou de processus, qui interviennent dans les domaines de la technologie. Dans ce contexte les pays en développement doivent adopter pour la première fois une législation sur la propriété intellectuelle (PI) en ce qui concerne les variétés végétales. Ainsi l’article 27.3(b) oblige les Etats membres de l’OMC à adopter un système de brevet et/ou un régime sui generis efficace pour la protection des obtentions variétales.

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CHAPITRE 7

LES DIFFERENTES FORMES DE PROTECTION INTELLECTUELLE L’Accord sur les ADPIC dispose que tous les signataires doivent établir des normes minimales de protection dans un certain nombre de secteurs de la législation sur la propriété intellectuelle. Les Etats membres sont ainsi tenus dans le cadre de l’Article 27.3(b) de protéger les variétés végétales au moyen de brevets et/ou d’un système sui generis efficace. Toutefois l’Accord ne précise pas ce qu’il faut entendre par un « système sui generis ».

Le système de brevet Au titre de l’Accord sur les ADPIC, le brevet protège toute invention concrète réalisée par l’homme à condition que l’invention remplisse trois critères : la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle. Il confère pendant 20 ans un monopole d’exploitation à son titulaire. Dans le cas des brevets américains, les agriculteurs n’ont pas le droit de ressemer ou de vendre à d’autres paysans le grain récolté à partir des semences brevetées, achetées et semées sans la permission des détenteurs de brevets. Par contre le brevet européen reconnaît le « privilège du fermier ». Un tel droit strict sur les semences contraindrait les agriculteurs en AOC à racheter des semences chaque année, puisqu’ils n’auraient pas la possibilité de garder une partie de la récolte pour replanter ou pour y sélectionner de nouvelles souches. Ne pouvant ressemer leurs « semences de ferme », ils seraient plus vulnérables lors d’une mauvaise récolte ou d’une hausse soudaine du prix des semences. En outre, non seulement les semences sont brevetables, mais aussi les procédés. En effet, les firmes font valoir également leurs droits de propriété intellectuelle sur des procédés biotechnologiques, même de base, comme la résistance aux virus, même si ces procédés sont requis pour des travaux sur des plantes comme le mil ou le fonio par exemple. Certaines firmes ont cependant renoncé à exiger des royalties dans les pays en développement où elles ont peu de perspectives commerciales. Des solutions mériteraient d’être trouvées, afin de pallier aux inconvénients liés à l’institution du brevet. La recherche publique pourrait étendre les recherches du privé au bénéfice des populations pauvres en incitant financièrement le partenaire privé à s’engager dans une voie socialement profitable, afin d’en faire profiter les petits agriculteurs gratuitement. Les Centres Internationaux de Recherche Agricole (CIRA) pourraient faciliter de tels arrangements, via par exemple une fondation qui détiendrait ces droits et en assurerait la gestion.

Les systèmes sui generis Sui generis veut dire qu’il s’agit d’un système de droit unique, d’un «genre spécial», destiné à une technologie ou des éléments précis. Le système sui generis doit être efficace et respecter certaines exigences fondamentales pour la protection des variétés des agriculteurs. Il doit permettre aux pays d’adopter, pour la protection des variétés, des règles pour satisfaire aux conditionnalités de l’Accord sur les ADPIC.

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Le modèle UPOV : le Droit d’ obtention végétale ou droit des sélectionneurs Fondée en 1961, l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) est un organe intergouvernemental qui établit les règles internationales en vertu desquelles les pays octroient des droits de propriété intellectuelle à ceux qui mettent au point de nouvelles variétés végétales (particuliers ou institutions). Pour pouvoir bénéficier de la protection une variété doit être nouvelle, distincte, uniforme et stable. La première Convention de l’UPOV a été révisée en 1972, en 1978 et en 1991. Aujourd’hui la vaste majorité des membres adhèrent soit à la convention de 1978 soit à celle de 1991. Dans le passé, l’UPOV n’avait essentiellement comme pays membres que des pays industrialisés. Au cours des dernières années, la situation a commencé à changer. Avec l’adhésion de la Chine, du Kenya, de la Bolivie et de la Slovénie, l’UPOV compte aujourd’hui 44 membres. La Convention de l’UPOV est de plus en plus citée comme le modèle législatif pour les droits des sélectionneurs dans le cadre de l’article 27.3(b) de l’Accord sur les ADPIC. Les responsables de l’UPOV affirment que cette convention constitue le «seul système sui generis» reconnu dans le monde pour la protection des variétés végétales. Par ailleurs, certains membres influents de l’OMC insistent pour que l’on limite l’option sui generis au modèle législatif fourni par l’UPOV. L’Association internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales (ASSINEL) a recommandé que les pays en développement adoptent un système sui generis fondé sur la Convention de l’UPOV de 1991. C’est dans ce contexte qu’en 2000, l’Accord de Bangui consacre cette option pour un certain nombre de pays francophones d’Afrique. Jusqu’en 1991, la Convention de l’UPOV relève d’un droit spécifique différent du droit des brevets. Le Certificat d’Obtention Végétale (COV) est le titre de propriété intellectuelle portant sur une variété végétale qui permet d’interdire à toute personne non autorisée les actes liés à la commercialisation de la variété protégée. Dans le cadre de l’Accord de Bangui, la protection des obtentions végétales est assurée par des COV, qui sont délivrés conformément aux dispositions de la Convention de 1991 de l’UPOV. Selon de nombreuses organisations non gouvernementales, la protection des variétés végétales dans le cadre de la Convention de 1991 de l’UPOV de laquelle découle l’Accord de Bangui ressemble à la protection accordée par les brevets. L’UPOV prétend qu’une solide protection assurée par la propriété intellectuelle est nécessaire pour faire en sorte que les investissements dans la recherche aient un rendement acceptable pour encourager la création variétale. Cela est vrai surtout pour le secteur privé. En Afrique, en général, et tout particulièrement en AOC, la création variétale se fait surtout dans le domaine public. Cette assertion ne paraît donc pas se justifier dans ce contexte. Au contraire, les DPI peuvent constituer des blocages pour les pays en développement, car non seulement la variété aura un COV, mais également dans le cadre de la biotechnologie, le procédé qui a permis son obtention peut faire également l’objet d’un droit de propriété. Un des points de divergence entre les différents protagonistes porte sur le «privilège du paysan ». En effet la Convention de 1991 de l’UPOV veut restreindre le droit d’exemption permettant aux agriculteurs d’utiliser librement les semences conservées à la ferme aux seuls ressemis du producteur. La vente d’une partie de cette semence étant prohibée. Si la Convention de l’UPOV de 1991 renforce effectivement le droit des sélectionneurs, elle laisse

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cependant aux pays membres la possibilité de permettre à leurs agriculteurs le droit de conserver et de replanter des semences protégées. Par conséquent « le privilège des agriculteurs » n’est plus une disposition automatique des règles internationales régissant la protection des variétés en vertu de cette convention. Dans une zone où la majorité de la population a moins d’un dollar par jour, vouloir empêcher ceux-ci de vendre une partie de leur production comme semences n’a pas de sens et n’est pas acceptable dans la mesure où les paysans ne font pas de différence entre la parcelle de production et celle des semences. Il est également illusoire de penser que cette interdiction va encourager le secteur privé national ou international à investir dans le système semencier. A notre avis, les cultures vivrières traditionnelles n’ont pas intéressé le secteur privé dans le passé, il n y a pas de raison que celui-ci s’intéresse à la production de semences au niveau de ce secteur dans le futur. La sécurité semencière est une mission pérenne de l’Etat. Le système a été libéralisé depuis les années 90 et, jusqu’à présent, on ne note aucune participation du privé. Le prix des semences n’est pas suffisamment attrayant. Il appartient donc à l’Etat de garantir l’accès des producteurs aux semences à travers un système décentralisé de production et de distribution où les producteurs organisés joueront un rôle important. Le débat semble trop orienté sur le système semencier des pays industrialisés ou le secteur privé joue un rôle essentiel. On oublie trop souvent qu’au niveau des pays en développement, l’Etat a des institutions de recherche dont la mission est de mettre à la disposition des agriculteurs des semences de qualité. Au niveau de ces programmes, tous les sélectionneurs sont unanimes sur le fait que c’est la sélection participative avec les producteurs qui va améliorer le taux d’adoption des variétés développées. Dans ce contexte, on peut se demander qui devrait être le titulaire du Certificat d’Obtention Végétale si les paysans participent aussi au développement de la variété. Le secteur privé peut cependant jouer un rôle dans le domaine des cultures de rente comme le coton et l’arachide où les critères de choix sont déterminés par l’industrie. Pour les cultures céréalières, il faut mettre en place un système décentralisé de production et de distribution de semences où les organisations paysannes joueraient un très grand rôle dans la diffusion des variétés. La diffusion de semences par le système informel est aussi importante que le système conventionnel. Un régime de DPI pourrait aboutir à un monopole des sélectionneurs. Les producteurs se trouveraient exclus du système et on ne sait pas si le secteur privé prendrait la relève. La Loi-modèle de l’OUA : le droits des communautés et des obtenteurs En mars 1998, le Groupe de travail sur les droits communautaires et l’accès aux ressources biologiques de la Commission scientifique, technique et de la recherche de l’Organisation de l’unité africaine (CSTR/OUA) s’est réuni pour élaborer un projet de modèle de législation sur les droits et l’accès des communautés aux ressources biologiques, destiné à servir de base aux législations nationales ainsi qu’à une convention de portée africaine. Le but visé était de mettre en œuvre, par des moyens adaptés au continent africain, les articles 8(j), 15(1) et 15(2) de la Convention sur la Biodiversité (CDB), le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques, et la prescription des ADPIC en matière de protection des variétés végétales.

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Le document final s’intitule « Législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et pour les règles d’accès aux ressources biologiques ». Le but premier de cette Loi-modèle est de garantir la conservation, l’évaluation et l’utilisation durable des ressources biologiques, ainsi que des savoirs et des technologies traditionnels. Particulièrement ambitieuse dans son approche des savoirs et des pratiques traditionnels, la Loi-modèle a notamment adopté la notion de droits des agriculteurs. En vertu de l’article 26, les droits des agriculteurs incluent le droit : à la protection de leurs connaissances traditionnelles en matière de ressources génétiques, végétales et animales et à la répartition équitable des avantages tirés de l’utilisation de ces ressources. La Loi-modèle leur reconnaît en outre le droit de conserver, utiliser, échanger et vendre les semences des variétés agricoles cultivées sur leurs propres terres; d’utiliser une semence protégée dans le but de développer des variétés agricoles, ainsi que le matériel provenant de banques de gènes ou de centres de ressources phytogénétiques. Finalement, ils se voient octroyés le droit de conserver, utiliser, reproduire et transformer, à titre collectif, les semences de variétés végétales récoltées sur leurs terres. Outre la section relative aux droits des obtenteurs, l’Article 9 stipule que les brevets sur les organismes vivants et les procédés biologiques ne sont pas reconnus et ne peuvent pas être demandés. En outre, aucune autre forme de protection des DPI ne peut être appliquée aux ressources biologiques ni à leurs parties ou dérivés, ou à des innovations, pratiques, savoirs ou technologies communautaires sans le consentement préalable en connaissance de cause de leurs détenteurs originaux.

LES DIFFERENTES IMPLICATIONS DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE Le libre échange de matériels génétiques et des informations qui y ont traits ont beaucoup contribué à la dispersion des espèces. Aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest, l’expansion en Afrique du manguier (Manguifera indica) et du neem ( Azederacta indica) nous montre l’ampleur de ces échanges. La propriété intellectuelle permet-elle d’accroître la biodiversité ? La propriété intellectuelle favorise-t-elle l’innovation et la dissémination des connaissances ? Est-ce un instrument dont on peut se servir pour protéger les connaissances et les ressources biologiques des collectivités locales ? A qui va profiter les DPI en AOC où le système semencier est à construire? Telles sont les questions que l’on entend couramment.

Encadré 1 : Le cas du « Golden rice »

Le droit de propriété sur la variété « Golden ice » est assez illustratif des problèmes soulevés par rles DPI. Cette variété est protégée par environ 70 brevets appartenant à 31 institutions. Chaque propriétaire a des intérêts spécifiques, variables selon le pays et le marché. La situation est encore compliquée par le fait que les différentes composantes de la technologie peuvent être protégées dans certains pays et pas dans d’autres. Il existe un grand fossé entre ceux qui voient dans la PI un système rentable où aussi bien la société que les inventeurs sont gagnants, et ceux qui pensent que ces dispositions monopolistiques vont à l’encontre des besoins de la société.

Source : Kryder, Kowalski et Krattiger, 2002

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CHAPITRE 7

Implications des DPI sur la recherche agricole La recherche agricole a fait son apparition formelle en Afrique subsaharienne francophone avant les indépendances. Mais c’est pendant la seconde guerre mondiale que virent le jour les institutions spécialisées de recherche agricole tropicale qui devaient progressivement quadriller l’ensemble des colonies. Après leur accession à l’indépendance, la plupart des pays s’attachèrent à créer leurs propres institutions spécialisées en recherche agricole selon des modalités et des systèmes propres. Ces institutions sont donc encore en construction dans beaucoup de pays. La recherche agricole en AOC est en grande partie financée par des fonds publics et les résultats sont gratuitement mis à la disposition des producteurs. Aujourd’hui la recherche agricole publique a de moins en moins de financement partout dans le monde. De nombreuses institutions nationales de recherche agricole dans les pays en développement manquent de ressources. Pourtant tous les spécialistes en développement sont unanimes pour dire que la recherche est le moteur du développement. La diminution du financement du secteur public de recherche agricole à fait naître au Nord un nouveau partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Les interactions entre le secteur privé et le secteur public pourraient créer un terrain fertile pour le développement des connaissances et le transfert des technologies à condition que les règles soient bien définies au préalable. La perte potentielle d’intérêt pour le bien public est l’une des principales questions qui se posent aux chercheurs du secteur public. Le rôle de la recherche agricole dans les secteurs public et privé a considérablement évolué au cours des dix dernières années. On a assisté dans l’industrie des sciences de la vie à une fusion de plus en importante des sociétés semencières. Au même moment, de nouvelles règles et de nouveaux acteurs sont en train de se mettre en place. Le rôle de l’Etat est de plus en plus réduit. Cette situation va-t-elle limiter ou accroître le rôle de la société civile et de la souveraineté nationale? Qui va produire des biens publics pour ceux qui n’ont pas accès au marché ? Que la PI stimule la sélection dans le secteur privé ou force la recherche dans le secteur public dont les fonds sont de plus en plus limités, les incidences sont les mêmes : elle centre son attention sur l’agriculture commerciale. Selon la FAO l’humanité se partage un réservoir commun contenant seulement 20 plantes cultivées qui satisfont 90% de nos calories.3 Toutes ces plantes proviennent des pays en développement. La recherche agricole ne pourrait pas garantir la survie à long terme d’une culture si les options de sélection sont réduites par le manque de disponibilité de germplasm cultivé ou sauvage. Les derniers siècles écoulés ont été une sorte de jeu d’échecs botanique durant lequel les aliments de base et les cultures d’exportation à forte valeur ont été positionnés et repositionnés sur le globe en fonction de l’évolution des marchés et des débouchés. Les Centres internationaux du GCRAI gèrent environ 600 000 accessions qui représentent environ 40 % du germplasm entreposé dans le monde. La majeure partie de ce bien commun de l’humanité a été collectée au niveau des pays en développement. Pour régler la question du statut des collections, le GCRAI et la FAO ont signé un Traité International en novembre 2001, traité qui découle de l’Engagement International de la FAO de 1983 et qui place la

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majeure partie des matériels des banques de gènes des centres sous l’autorité de la FAO. Les centres distribuent du germplasm aux sélectionneurs dans le cadre d’un accord de « transfert de matériels » (ATM). Cet accord exige également que le GCRAI interdise aux bénéficiaires désignés de faire une demande de DPI sur ce matériel ou tout renseignement qui s’y rapporte. A une époque où une partie de plus en plus importante des produits de la recherche privée est assujettie à des droits de propriété intellectuelle et où les budgets des centres internationaux et des systèmes nationaux de recherche sont en diminution, l’accord de fiducie entre la FAO et le GCRAI peut-il protéger ces ressources génétiques et faire en sorte qu’elles restent dans le domaine public? Quatre-vingt dix pour cent des activités commerciales de recherche-développement se faisant dans les pays industrialisés avec une part équivalente des publications scientifiques, l’écart entre le Nord et le Sud, sur le plan des connaissances, va donc s’accroître avec la privatisation des moyens d’acquisition des connaissances et de génération de technologie. Le renforcement des régimes de propriété intellectuelle et leur extension aux matériels biologiques ouvre certes des perspectives pour le Nord, mais crée également des inquiétudes pour les pays en développement. Il faut craindre l’installation d’un «apartheid scientifique».4 Les droits de propriété intellectuelle (DPI) renforcés sont des caractéristiques permanentes de la nouvelle économie. Mais ces droits, qui englobent aussi bien des outils de recherche fondamentale que des produits commercialisables, pourraient faire monter le coût de l’acquisition des connaissances et ériger des obstacles à la participation des chercheurs des pays en développement. Ceci pourrait entraîner le ralentissement du rythme général d’innovation et accroître, au niveau des connaissances, l’écart qui sépare les pays industrialisés des pays en développement. Cela pourrait avoir un impact important au niveau de la recherche en limitant les échanges de matériels entre sélectionneur.

Implications des DPI sur la préservation de l’agro-biodiversité La Propriété Intellectuelle (PI) contribue-t-elle à l’érosion génétique ou bien la diversification de la sélection augmente-t-elle la diversité génétique ? Les avis dans ce domaine sont partagés. Quoique les incidences directes de la PI sur l’érosion génétique peuvent être minimes, les effets indirects peuvent être considérables. La PI pourrait stimuler davantage la sélection de plantes commerciales en détournant les efforts vers le développement de variétés des espèces présentant le plus grand potentiel pour le marché, c’est à dire les cultures qui sont largement cultivées sur de grandes superficies et dont les caractéristiques répondent parfaitement aux besoins des agriculteurs commerciaux et aux industries de transformation. Les cultures présentant un potentiel commercial moindre, mais adaptées à des niches écologiques spécifiques ou convenant mieux aux besoins des petits exploitants agricoles, risquent d’être négligées et progressivement abandonnées. Malgré leur importance pour la sécurité alimentaire, les ressources génétiques locales ont été jusqu’à une date récente ignorées par la recherche. En effet les programmes de sélection se sont, au début des années soixante dix, concentrés sur les introductions de matériels génétiques en provenance soit des USA, soit d’Asie. Ceux-ci pour exploiter les progrès déjà

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réalisés. Il a fallu attendre plusieurs années pour que l’on s’aperçoive que ces introductions n’étaient pas conformes au goût des consommateurs et qu’elles n’étaient pas adaptées à la zone. C’est après ces échecs que la communauté scientifique africaine à saisi toute l’importance des variétés locales dans les programmes de sélection. Il est actuellement établi, après 20 ans de discussion sur la biodiversité, que tous les pays du monde sont interdépendants pour ce qui est de l’accès aux ressources génétiques. Il apparaît que même les pays dont les ressources génétiques sont les plus abondantes doivent également importer une partie des ressources génétiques dont ils ont besoin pour leurs aliments de base. Cette réalité souligne donc la nécessité d’une coopération internationale. Pour concrétiser cela, en 1996, la communauté internationale a adopté le Plan d’action mondial de Leipzig qui est le plan directeur pour la gestion et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques. Malheureusement ce plan n’a pas été mis entièrement en œuvre. Il apparaît ainsi qu’il manque une réelle volonté d’établir une politique mondiale cohérente pour la conservation et l’utilisation des ressources génétiques. On reproche également aux DPI d’entraîner une forte érosion des ressources génétiques. Nous pensons plutôt que les DPI risquent d’exclure les agriculteurs et de les limiter à l’utilisation des variétés locales, rustiques certes et productives. Ceci serait probablement bénéfique pour la préservation des ressources génétiques, mais poserait avec acuité le problème de la sécurité alimentaire dans une population avec une forte croissance démographique. La participation des agriculteurs dans les programmes de création variétale, comme nous l’avons dit antérieurement, permettrait de concilier productivité et préservation. Il ne faudrait pas limiter les producteurs à la conservation de la diversité biologique. Au niveau d’une exploitation, il n’y a pas de conservation stricto sensus, on a plutôt affaire à une amélioration constante et progressive du matériel génétique où les flux de gènes entre les variétés ne sont pas négligeables. De part la diversité agro-écologique en Afrique de l’Ouest et du Centre, il serait astucieux d’intégrer le paysan dans l’équipe de sélection où il serait considéré comme un obtenteur au même titre que le sélectionneur. Dans beaucoup de pays, on assiste de plus en plus à la participation des paysans aux activités de création variétale. Ce sont les mesures législatives et réglementaires qui restent à définir (droits, rémunération etc.) Le Fonds Français pour l’Environnement Mondial vient de mettre à la disposition du CIRAD et de ses partenaires, l’Institut d’économie rurale (IER) du Mali et l’INERA du Burkina Faso, un fonds pour le développement participatif de variétés de sorgho productives et adaptées aux conditions paysannes de production. Dans ce projet les paysans jouent un rôle tout aussi important que le sélectionneur. Les droits de propriété appartiennent aux paysans des deux pays et aux trois institutions de recherche. La Convention de l’UPOV de 1991 protège essentiellement les sélectionneurs. Les critères retenus pour le Certificat d’Obtention Végétale (COV) sont ceux de l’agriculture industrielle à savoir uniformité, stabilité et distinction. Cela correspond à la structure des variétés hybrides et des lignées. Sont exclues de ce lot les variétés- populations, les composites, les synthétiques plus généralement utilisés en AOC.

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En Afrique de l’Ouest et du Centre les sélectionneurs du domaine public et ceux du secteur privé ont généralement des objectifs pour le court terme. Ce sont les agriculteurs qui s’occupent de la préservation dynamique des ressources génétiques au niveau de leur exploitation. Il faudrait que cette activité soit reconnue et rémunérée. Contrairement à ce qu’on affirme couramment, les DPI dans ce contexte n’entraîneront pas d’érosion génétique. Les paysans seront obligés de conserver leur semence car ils ne pourront pas, à cause de leur pouvoir d’achat, accéder aux nouvelles obtentions protégées. L’érosion génétique proviendrait de l’élimination des variétés locales au niveau des paysans qui auraient pu acquérir la nouvelle variété. Ainsi l’érosion serait liée aux progrès génétiques. Est-ce mauvais ? Il s’agit de trouver le juste équilibre entre faire bénéficier du progrès et préserver la diversité génétique. Les paysans ont en général toujours su concilier les deux.

CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS En général, les régimes de PI de type occidental favorisent l’uniformité et l’introduction de nouvelles variétés végétales, qui sans qu’on le veuille, supplantent les variétés des agriculteurs et contribuent par conséquent à l’érosion génétique. Les Accords de l’OMC sont sujets à beaucoup de critiques. Il faudrait que les différents protagonistes arrivent à trouver des alternatives aux brevets. Le système sui generis semble tout à fait approprié pour l’adhésion de tous. Cependant avec la signature de l’Accord de Bangui révisé et l’adoption de la Loi-modèle de l’OUA, il faudrait que les Africains coordonnent leur action. On ne peut pas dans une région où la production de semences est assurée à 90 % par les producteurs exclurent ceux-ci de des droits de propriété. La Loi-modèle de l’OUA est arrivée à intégrer autant les préoccupations des sélectionneurs que celles des producteurs. Celle loi est arrivée à intégrer les préoccupations dans les domaines de la Convention sur la Biodiversité et les Accords de l’OMC. Toutes les institutions nationales et internationales ont aujourd’hui, comme objectif majeur, la lutte contre la pauvreté. Dans de nombreux pays, on ne se pose pas la question de savoir comment des personnes qui ont moins d’un dollar par jour vont accéder aux technologies proposées ? Il apparaît que ce sont les services publics qui, pour le moment, sont les mieux placés pour atteindre les objectifs visés. Pour ce faire, il faudrait les renforcer afin d’organiser les populations pour qu’elles puissent mieux utiliser les technologies proposées. Tant que le paysage n’est pas bien organisé, le secteur privé va hésiter à s’investir. Les pays africains ont également intérêt à institutionnaliser l’approche participative de génération de technologie en vue d’intégrer les producteurs dans le dispositif de sélection. Cela réduirait l’importance de la corporation des sélectionneurs. Si la Convention de l’UPOV renforce la position des sélectionneurs, il s’agit bien des sélectionneurs du Nord. On ne peut pas intégrer les sélectionneurs du Sud dans ce dispositif, eu égard au fait qu’ils ne produisent que des biens publics. L’Accord de Bangui ne fait que suivre les mêmes principes. Il faudrait que l’OAPI réexamine sa position en prenant en compte la Loi-modèle africaine.

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Par ailleurs, il est important qu’un « débat citoyen » soit entrepris sur la question pour mieux expliquer la Loi-modèle africaine à la société. Ceci éviterait bien des incompréhensions au niveau de l’administration, où on voit souvent des prises de position différentes entre le ministère en charge du commerce donc des accords de l’OMC et le ministère en charge de l’agriculture et de l’environnement donc de la Convention sur la Biodiversité.

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L’Accord de Bangui révisé et l’annexe X relative à la protection des obtentions végétales Par Jeanne ZOUNDJIHEKPON Chargée de Programme en Afrique francophone, GRAIN-Action Internationale pour les Ressources Génétiques

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PARTIE III

INTRODUCTION Depuis la nuit des temps, les communautés locales utilisent les ressources biologiques pour leurs besoins quotidiens d’alimentation, de médecine traditionnelle, d’habitat, de cosmétique,…. En Afrique, le contrôle social de ces ressources biologiques par les communautés est une réalité multi-séculaire dans les villages. Ainsi, les semences et les plantes médicinales sont échangées entre paysans et guérisseurs traditionnels d’une même communauté et/ou de différentes communautés, la satisfaction des besoins quotidiens de survie étant la première préoccupation. C’est dans ce contexte que l’alimentation de la majorité des populations est assurée par l’agriculture traditionnelle de type familial, malgré les difficultés rencontrées. Ainsi, les semences sont transmises de génération en génération, et échangées entre paysans, parents ou amis, ou vendues sur les marchés locaux. Mais, avec l’agriculture moderne et la colonisation, les produits agricoles africains ont fait leur entrée dans le commerce international. La Convention sur la Biodiversité signée en 1992 par plus de 150 pays et ratifiée aujourd’hui par plus de 170 pays dont la plupart des pays africains, reconnaît le droit de souveraineté de chaque État sur ses ressources biologiques. De plus, cette convention stipule en son article 8, alinéa (j) que chaque Partie contractante: « sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques. » Or, après l’entrée en vigueur de la Convention sur la diversité biologique (CDB), en 1993, la protection des obtentions végétales, partie des ressources biologiques, est devenue, en 1995, une condition préalable pour tout pays qui veut faire partie de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L’Accord de l’OMC sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce (ADPIC) oblige tous les pays membres à reconnaître des droits de propriété intellectuelle sur les obtentions végétales (Article 27.3(b)). Les droits de propriété intellectuelle n’intégrant pas les droits des agriculteurs pourtant reconnus par la FAO, et les droits des communautés locales mis en exergue par l’article 8, alinea (j) de la Convention sur

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la diversité biologique, « la biodiversité et le commerce mondial sont alors en conflit ». L’annexe X relative aux obtentions végétales introduite dans l’Accord de Bangui révisé ne constitue qu’une illustration de ce conflit.

1. LE PRINCIPAL ENJEU DE L’AGROBIODIVERSITE EN AFRIQUE, LA SECURITE ALIMENTAIRE Comme les autres continents du monde, l’Afrique a apporté sa contribution à la naissance de l’agriculture, il y a environ 12 000 ans. Pendant des années, des siècles et des millénaires, les paysans africains ont créé des plantes alimentaires en domestiquant des plantes sauvages mises à leur disposition par la Nature. Ainsi, l’on peut citer plusieurs plantes alimentaires comme l’igname, le mil, le fonio, le sorgho, le palmier à huile, …en Afrique de l’Ouest ; le café, l’igname, …en Afrique Centrale ; le café, le tef, le sorgho,…en Afrique de l’Est ; le palmier dattier, le blé, l’artichaut,… en Afrique du Nord, …. Du fait de ce travail commun, les ressources génétiques sont collectives et appartiennent à tous. Sur tout le continent, l’alimentation étant basée sur l’agriculture traditionnelle de type familial, les plantes cultivées sont échangées entre parents et amis, ou vendus sur les marchés locaux sans idée de monopole qui est derrière les droits de propriété intellectuelle ou les droits sur les obtentions végétales (DOV). Actuellement en Afrique, l’agriculture de subsistance est la plus importante, avec des cultures vivrières spécifiques à chaque région et à chaque pays. Ainsi, l’on rencontre beaucoup plus de petits paysans qui s’adonnent plus aux cultures vivrières qu’aux cultures de rente. Malgré les contraintes naturelles relatives à la sécheresse et les famines sporadiques qui surviennent dans certains pays de la sous-région, les communautés locales exploitent les connaissances traditionnelles pour conduire l’agriculture de subsistance. Le contrôle des semences des cultures vivrières est donc assuré par les communautés locales. Dans plusieurs pays de la sous-région, selon les ethnies et les réalités socioculturelles, la sélection des semences est assurée par le chef de famille, et est parfois associée à des rituels socioculturels ou religieux. Les agriculteurs africains sont donc des sélectionneurs dont le principal objectif est d’assurer la sécurité alimentaire de leur famille. Ainsi, la sélection des variétés traditionnelles est faite sans aucune idée de profit. En juin 1999, dans un aide-mémoire officiel adressé aux gouvernements d’Afrique francophone, l’UPOV a souligné les principaux avantages de l’introduction de lois sur la protection des obtentions végétales en Afrique. Elle soutenait que la protection des obtentions végétales contribue au bien-être de la population en contribuant tout particulièrement à la sécurité alimentaire (par l’augmentation des quantités, de la qualité et de la diversité des denrées alimentaires). Pourtant, aucune disposition du système international des droits sur les obtentions végétales (DOV) n’oriente la sélection des plantes vers la sécurité alimentaire. La réalité en Afrique est que la sécurité alimentaire ne figure que dans les préambules des systèmes de droits sur les obtentions végétales. De plus, les seuls critères pour la protection par les droits sur les obtentions végétales sont la nouveauté, la distinction, l’uniformité et la stabilité de la variété. Le système ne demande même pas que les variétés soient

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« améliorées ». De ce fait, même les « découvertes » peuvent être protégées, sans aucun effort de sélection. Les recherches effectuées en 1999 sur les trois pays africains disposant d’un système national des droits sur les obtentions végétales montrent clairement que ce système ne présente aucune orientation en faveur de « la sécurité alimentaire ». Ainsi au Kenya, pas une seule demande déposée et vérifiée depuis le démarrage de son administration des droits sur les obtentions végétales jusqu’en mai 1999, n’a porté sur une culture importante pour la sécurité alimentaire nationale : 135 DOV ont été déposés sur des cultures industrielles, et un seul sur une culture vivrière, une variété de haricot vert cultivé pour le marché européen. Au Zimbabwe, de 1973 ou la loi sur les droits des sélectionneurs de plantes fut promulguée jusqu’en 1999, 534 demandes ont été déposées sur des cultures industrielles, et 208 sur des cultures vivrières, tandis qu’en Afrique du Sud, sur les 1435 certificats d’obtentions délivrés de 1977 à la fin de 1998, la moitié d’entre eux concernait les cultures industrielles (GRAIN, 1999). Il apparaît donc que le système de protection de l’agro-biodiversité par les droits sur les obtentions végétales conduit les sélectionneurs à orienter leurs travaux davantage vers les cultures industrielles que vers les cultures vivrières.

2. L’ACCORD DE BANGUI REVISE DANS LE CADRE DES ACCORDS DE DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE LIES AU COMMERCE Avec la société industrielle et la logique de profit qui la soutient, des mécanismes ont été développés pour protéger toutes les créations de l’esprit. Ainsi, lorsqu’un individu ou une firme peut justifier qu’il a créé ou inventé quelque chose de nouveau, il lui est accordé le droit de le protéger, pour autant qu’il accepte de se soumettre aux procédures prévues à cet effet. C’est dans ce cadre que des brevets assurent aux créateurs, le droit exclusif d’empêcher d’autres personnes ou d’autres sociétés d’exploiter sa création ou son invention. Cette période qui est généralement de 20 ans, devrait permettre aux créateurs, de récupérer les frais investis, avant que l’invention en question ne tombe dans le domaine public. Il en est ainsi de plusieurs produits et techniques de production. L’Accord de Bangui, loi supranationale de l’Organisation Africaine de Propriété Intellectuelle (OAPI), a été signé en 1977 pour protéger la propriété industrielle dans seize pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre (voir Tableau 1). Pour répondre aux exigences de l’OMC, l’UPOV (Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ont amené l’OAPI à réviser son texte fondamental, en adoptant des règles similaires à celles de l’UPOV, alors que la plupart des pays sont dits Moins Avancés (PMA)1 et pouvaient attendre jusqu’en 2006 pour se conformer aux dispositions de l’OMC. C’est ainsi que l’annexe X a été rajoutée à l’Accord de Bangui. Le système de droit sur les obtentions végétales régi par l’UPOV ne protège que les intérêts des multinationales et des adeptes de l’agriculture industrielle. Or, on l’a vu, en Afrique, l’alimentation de la majorité des populations est assurée par l’agriculture traditionnelle de type familial.

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Tableau 1: Date de ratification ou d’adhésion des pays membres de l’OAPI aux textes internationaux relatifs à la diversité biologique et au commerce

Pays Date de ratification

de la CBD Date d’entrée

à l’OMC

Date de ratification de l’Accord de Bangui

révisé

Bénin Burkina Faso Cameroun République Centrafricaine Congo Côte d’Ivoire Gabon Guinée Bissau Guinée Guinée équatoriale Mali Mauritanie Niger Sénégal Tchad Togo

30 juin 1994 2 septembre 1993 19 octobre 1994 15 mars 1995 1er août 1996 29 novembre 1994 - 27 octobre 1995 7 mai 1993 - 29 mars 1995 16 août 1996 25 juillet 1995 17 octobre 1994 7 juin 1994 4 octobre 1995

22 février 1996 3 juin 1995 13 décembre 1995 31 mai 1995 - - 1er Janvier 1995 31 mai 1995 25 octobre 1995 - 31 mai 1995 31 mai 1995 13 décembre 1996 1er Janvier 1995 19 octobre 1996 31 mai 1995

- 8juin 2001 9 juillet 1999 - - 24 mai 2000 27 décembre 1999 - 13 juillet 2001 23 novembre 2000 19 juin 2000 5 juillet 2001 - 9 mars 2000 24 novembre 2000 29 novembre 2001

Cet accord révisé a été signé en février 1999, par 15 pays francophones d’Afrique (à cette date, la Guinée Equatoriale n’était pas encore membre), en instaurant un régime de propriété intellectuelle sur les semences ou obtentions végétales. Mais, ce qui pose problème, c’est que l’accord a été préparé de 1995 à 1999, sans aucune participation des paysans et des communautés locales qui vont en subir les conséquences. Les paysans en particulier, et les populations en général, n’ont pas été informés, ni par la Direction Générale de l’OAPI, ni par les autorités politiques des 16 pays concernés. Cet accord est entré en vigueur le 28 février 2002. Mais, l’annexe 10 relative aux obtentions végétales, n’est pas entrée en vigueur, sous le prétexte officiel qu’on est en train de prendre certaines dispositions pour son application. Or, en 1999, le Groupe Africain à l’OMC avait fait des propositions pertinentes au Secrétariat de l'Organisation Mondiale du Commerce au titre du réexamen de l’Article 27.3 (b). Après avoir rappelé que des questions relatives à ce même article sont débattues dans d'autres enceintes connexes comme la FAO, et la Convention sur la Diversité Biologique,… les membres du Groupe Africain jugent approprié de reporter la date limite de mise en œuvre jusqu'à l'achèvement de l'examen de fond de l'article 27.3(b). Le délai ménagé pour la mise en œuvre des dispositions devrait être le même que celui prévu aux paragraphes 1 et 2 de l'article 65, à savoir cinq ans à compter de la date à laquelle l'examen aura été achevé. Ce délai est prévu pour permettre aux pays en développement de mettre en place l'infrastructure rendue nécessaire par la mise en œuvre. Il apparaît donc clairement que les pays membres de l'OAPI n’auraient pas dû se précipiter pour réviser l’Accord de Bangui. La hâte avec laquelle l’OMPI et l’UPOV ont poussé l’OAPI à mettre en application l’Accord sur les ADPIC, est d’autant plus sujette à critique, maintenant que les membres de l’OMC ont prorogé les dispositifs de l’Accord sur les produits pharmaceutiques pour les pays les moins avancés jusqu’en 2016 !!!

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A l’instar de la Convention de l’UPOV, le nouvel Accord de Bangui accorde des droits commerciaux exclusifs (monopoles) à ceux qui produisent des variétés végétales qui sont nouvelles, distinctes, uniformes et stables. Les variétés traditionnelles et les connaissances qui y sont rattachées sont laissées de côté. Dès lors, les paysans auront à payer des redevances sur les nouvelles semences et n’auront le droit de garder une partie de leur récolte pour les plantations futures, que sous certaines conditions. Ainsi, cet accord restreint le droit des agriculteurs de sauvegarder des semences, et impose un système de privatisation du vivant. En effet, si l’Accord de Bangui révisé protège les obtentions végétales ou variétés améliorées, il ne protège pas les variétés traditionnelles mises au point par les communautés locales pour deux raisons : les connaissances traditionnelles ne sont pas nouvelles ; leurs auteurs ne sont pas des individus ou des sociétés commerciales. Pourtant, ce sont les variétés traditionnelles qui servent de base à l’amélioration des variétés par voie conventionnelle ou par biotechnologies. L’application de l’Accord de Bangui entraînera de graves conséquences, non seulement pour les générations actuelles, mais également pour les générations futures des seize pays membres de l’OAPI. Au nombre de ces conséquences, dans le domaine agricole, l’on peut citer, entre autres :

l’exposition des agriculteurs à une dépendance totale des multinationales et des instituts étrangers de recherche scientifique. En effet, les paysans et les communautés locales sont interdits de reproduire des semences protégées par des droits de propriété intellectuelle sans licence. Cette situation compromet dangereusement la sécurité alimentaire en Afrique ;

une perte de diversité dans les champs, du fait que l’Accord de Bangui révisé ne protège que les variétés qui sont uniformes ; cela entraîne une grande vulnérabilité pour les producteurs et les consommateurs ;

le pillage des ressources biologiques africaines, car en matière d’accès aux ressources biologiques, les pays africains n’ont pas encore pris les dispositions législatives exigées par la Convention sur la Diversité Biologique, notamment en ce qui concerne « l’accord préalable donné en toute connaissance de cause » (Article 15) et « le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources biologiques ». De ce fait, la collecte des ressources biologiques ou bio-prospection en Afrique par les multinationales et les instituts de recherche étrangers correspond à de la « bio-piraterie ».

Avec l’annexe X de l’Accord de Bangui révisé, les sélectionneurs auront la possibilité d’utiliser les variétés protégées pour la création de nouvelles variétés, mais ils ne peuvent pas exploiter ces nouvelles variétés, si elles sont similaires aux variétés initiales. Les paysans n’auront la possibilité de sauvegarder, d’utiliser et d’échanger (jamais de vendre) les semences récoltées des variétés protégées que si cinq conditions sont remplies :

ils sont propriétaires de leur champ, il ne s’agit pas d’une espèce fruitière, il ne s’agit pas d’une espèce forestière, il ne s’agit pas d’une espèce ornementale, ils ont payé les redevances sur la variété initiale.

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3. LA BIO-PIRATERIE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE L’Accord de Bangui révisé et son annexe X relative à la protection des obtentions végétales constituent une caution officielle accordée au pillage des ressources biologiques africaines, au détriment des agriculteurs et des communautés locales. Comme l’illustrent les exemples dans l’encadré 1 et le tableaux ci-dessous, nombreuses sont les plantes africaines sur lesquelles des brevets sont déposés, avec d’énormes profits financiers, sans qu’aucune disposition de partage des bénéfices, comme le stipule la Convention sur la diversité biologique, ne soit envisagée. Pire, le plus souvent, une fois le brevet déposé, des circuits parallèles d’approvisionnement sont mis en place, grâce au génie génétique. Les plantes transgéniques étant des obtentions végétales, elles sont protégées par l’Accord de Bangui révisé, pendant que les espèces sauvages à partir desquelles elles ont été produites ne le sont pas.

Encadré 1 : Le cas de la thaumatine d’Afrique de l’Ouest

La thaumatine est un édulcorant naturel extrait des fruits de Thaumatococcus daniellii (plante dont les feuilles sont utilisées en Côte d’Ivoire pour emballer l’attiéké) qui pousse dans les forêts d’Afrique de l’Ouest. Les fruits étaient traditionnellement utilisés depuis des siècles comme édulcorant par plusieurs communautés locales. La protéine, qui est 2 000 fois plus sucrée que le sucre ordinaire, a été découverte par des chercheurs de l’Université d’Ifè au Nigéria. Depuis plusieurs années, la thaumatine est commercialisée comme édulcorant à faible teneur en calories, et utilisée par les industries alimentaires et de la confiserie dans plusieurs pays développés. La plante ne fructifiant que dans sa zone d’origine, pendant plusieurs années, la société sucrière britannique Tate and Lyle a importé les fruits du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Libéria et de la Malaisie, en commercialisant le produit sous le nom de Taline. Aux Etats-Unis seulement, le marché des édulcorants à faible teneur en calories s’élèverait à 900 millions de dollars par an. La méthode d’extraction étant coûteuse, le génie génétique a été mis à profit par plusieurs sociétés. Beatrice Foods a alors obtenu un brevet aux Etats-Unis pour le procédé de clonage du gène dans la levure. Selon les estimations, la société pourrait retirer des redevances s’élevant à 25 millions de dollars. Des chercheurs de la société Lucky Biotech Corporation et de l’Université de Californie ont reçu un brevet américain pour tous les fruits, semences et légumes transgéniques renfermant le gène qui produit la thaumatine (Posey et Dutfield, 1997). Ainsi, ces sociétés n’auront plus besoin des fruits d’Afrique de l’Ouest. Le droit de propriété sur la variété « Golden ice » est assez illustratif des problèmes soulevés par rles DPI. Cette variété est protégée par environ 70 brevets appartenant à 31 institutions. Chaque propriétaire a des intérêts spécifiques, variables selon le pays et le marché. La situation est encore compliquée par le fait que les différentes composantes de la technologie peuvent être protégées dans certains pays et pas dans d’autres. Il existe un grand fossé entre ceux qui voient dans la PI un système rentable où aussi bien la société que les inventeurs sont gagnants, et ceux qui pensent que ces dispositions monopolistiques vont à l’encontre des besoins de la société.

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CHAPITRE 8

Tableau 2: Quelques brevets sur la biodiversité d’Afrique de l’Ouest et du Centre

Espèces N° de brevet Nom du détenteur O igine r Utilisation Dioscorea dumetorum Igname jaune

US 5’019’580

Sharma Pharmaceuticals M. Iwu

Afrique de l’Ouest

Traitement du diabète en Afrique de l’Ouest. Le brevet s’applique à l’utilisation de la dioscorétine pour le traitement du diabète.

Thaumatococcus daniellii

US 4’011’206 US 5’464’770

Tate & Lyle (RU) Xoma Corp (USA)

Afrique de l’Ouest

Les chercheurs de l’Université d’Ifè ont été les premiers à identifier son potentiel en tant qu’édulcorant. Depuis lors, le gène a été cloné et utilisé comme édulcorant dans la confiserie. Les populations d’Afrique de l’Ouest n’ont reçu aucune compensation

Pygeum Prunus a icana fr

US 3'856’946 FR 2'605’886

Debat Lab (France)

Forêts montagneuses africaines, surtout en Afrique Centrale

Plante médicinale et l’arbre est utilisé pour la sculpture. Pour le traitement de la prostate, l’on a observé une surexploitation grave dans de nombreuses zones, avec la vente de 150 millions de dollars par an.

Pen adiplandra tB azzeana rBrazzéine

US 5’527’555 US 5’326’580 US 5’346’998 US 5‘741’537

Université de Wisconsin (USA)

Gabon Sert traditionnellement d’édulcorant. Le brevet s’applique au composé protéique édulcorant, au gène de la brazzéine et aux organismes transgéniques exprimant le gène. Ainsi, les pays développés se passeront de la cueillette ou de la culture commerciale de cette plante africaine. Prodigene est en train d’introduire le gène dans le maïs.

Eupenicillium Shearii Champignon

US 5'492’902

Département Américain d’Agriculture. Research Foundation de l’Université de l’Iowa. Biotechnology Research and Development (USA)

Côte d’Ivoire Destiné à servir d’insecticide

Dioscoreophyllum cumminisii

US 3’998’798 JP 5'070’494

Université de Pennsylvanie (USA) et Kirin Brewery Ltd (Japon)

Afrique de l’Ouest

Sert à sucrer des aliments et des boissons depuis des siècles

Source: WYNBERG, 2000, modifié. Privatisation des moyens de survie. La commercialisation de la biodiversité de l’Afrique. Biowatch, Afrique du Sud. Commerce mondial et biodiversité en conflit. N° 5, Mai 2000. GRAIN et Fondation GAIA.

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Encadré 2 : Le cas de la brazzéine d’Afrique Centrale

La brazzéine est une protéine 500 fois plus sucrée que le sucre, dérivée d’une baie originaire du Gabon et d’Afrique Centrale. Contrairement à d’autres produits sucrants, la brazzéine est une substance naturelle qui ne perd pas son goût sucré quand elle est chauffée, ce qui lui confère une place de choix auprès des Industries alimentaires. Cette plante a attiré l’attention d’un chercheur américain qui a observé des animaux et des hommes consommant ces fruits dans leur zone d’origine. Aux Etats-Unis, quatre brevets ont été déposés (Tableau 2), ainsi qu’un brevet européen (684 995) sur l’isolement d’une protéine issue de la baie de Pentadiplandra brazzeana, sur l’établissement de la séquence génétique codant cette protéine et sur les organismes transgéniques. Les travaux ultérieurs ont permis de produire la brazzéine au laboratoire par des plantes transgéniques, supprimant alors l’acquisition des plantes africaines. Le marché mondial des produits édulcorants étant évalué à 100 milliards de dollars par an, l’on imagine l’importance de cette plante. L’Université de Wisconsin a affirmé que la brazzéine est « une invention de l’un de ses chercheurs » et qu’il n’existe pas de projet de partage de bénéfices avec les peuples d’Afrique Centrale qui ont découvert et entretenu cette plante pendant des siècles, voire des millénaires. Actuellement, « Nektar Worldwide et ProdiGene, une branche de Pionner Hi-Bred International, la plus grande société semencière au monde, ont modifié génétiquement du maïs, lequel produit désormais de larges quantités de brazzéine. Ils estiment que la demande future sera satisfaite par un million de tonnes de maïs modifié génétiquement, en lieu et place de tout autre approvisionnement en provenance d’Afrique Centrale » GRAIN, 2000.

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CHAPITRE 8

4. L’ALTERNATIVE, LA LOI-MODELE DE L’OUA POUR LA PROTECTION DES DROITS DES AGRICULTEURS ET DES DROITS DES COMMUNAUTES LOCALES Plusieurs initiatives de la Commission Scientifique, Technique et de Recherche de l’OUA (OUA / CSTR), de l’Administration pour la Protection de l’Environnement et de l’Institut pour le Développement Durable de l’Ethiopie ont permis d’élaborer la Loi-Modèle de l’OUA. L’atelier organisé par la Commission scientifique de l’OUA en avril 1997 sur « les plantes médicinales et la phytothérapie en Afrique : Problèmes politiques relatifs à la propriété, l’accès et la conservation » a recommandé que « l’OUA / CSTR se charge :

D’initier et de coordonner l’élaboration d’un projet de législation modèle relatif à la protection des connaissances traditionnelles sur les plantes médicinales.

D’établir un groupe de travail d’experts pour proposer, coordonner et harmoniser les politiques nationales existantes relatives aux plantes médicinales et favoriser leur utilisation durable par une politique commune.

De favoriser au sein des Etats – membres des politiques de propriété, d’accès, d’utilisation et de conservation des plantes médicinales, établies en concertation avec les autres Etats – membres à l’échelon sous-régional et régional puisque les frontières politiques ne sont pas nécessairement des frontières écologiques.

D’inciter les Etats – membres à étudier les conséquences des Accords sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur le patrimoine en ressources biologiques de l’Afrique et l’application prévue de tous les régimes de droits de propriété intellectuelle qui y sont inclus d’ici 2000 et 2005 respectivement. »2

Dans le respect des dispositions de la Convention sur la diversité biologique et de l’OMC, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) réunie en juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso), a pris la décision de développer une position commune. Dès lors, la Commission Scientifique, Technique et de Recherche de l’Organisation de l’Unité Africaine a élaboré un projet sur « le développement des stratégies communes et des capacités améliorées pour la protection des ressources biologiques en Afrique ». Avec l’appui d’experts juristes de 1998 à 2000, la « législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et pour des règles d’accès aux ressources biologiques » a été adoptée par le Sommet des Chefs d’Etat à Lusaka (Zambie) en juillet 2001. Cette loi a quatre grandes composantes :

L’accès aux ressources biologiques qui nécessite une autorisation et l’accord préalable donné en connaissance de causes par les communautés locales ; le règlement de droits de collecte, le partage des bénéfices sur les produits commercialisés, etc…

Les droits des communautés locales. Ces droits inaliénables et collectifs impliquent le contrôle de l’accès aux ressources et aux connaissances, etc…

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Les droits des agriculteurs. Ces droits impliquent la protection des semences, en accord avec les critères issus des pratiques traditionnelles, le droit de conserver, etc…

Les droits des sélectionneurs.

Ce document de l’OUA/UA devrait servir de modèle à tous les pays africains pour l’élaboration de leur législation nationale relative à l’accès aux ressources biologiques et aux droits des communautés locales.

CONCLUSION La signature et la ratification de l’Accord de Bangui révisé correspondent à une autorisation légale accordée au pillage des ressources biologiques africaines par les Etats membres de l’OAPI. Il est tout de même heureux que jusqu’à ce jour, l’annexe X sur les obtentions végétales ne soit pas encore entrée en vigueur. Les Organisations paysannes et les communautés locales devraient alors se mobiliser, en prenant à témoin le monde entier, actuellement mobilisé pour célébrer le dixième anniversaire de la signature de la Convention sur la diversité biologique. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette convention, et du respect des dispositions de l’OMC (article 27.3(b)), il importe de soutenir l’initiative de l’Organisation de l’Unité Africaine (Union Africaine), de trouver une alternative aux droits de propriété intellectuelle de type brevet ou UPOV, en proposant aux pays africains une « législation modèle pour la Protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs,… ». Toutes les structures nationales et internationales oeuvrant en Afrique dans le domaine de la diversité biologique, de l’alimentation et de l’agriculture devraient aider à faire connaître cette Loi-modèle, et faciliter son intégration dans l’arsenal juridique de chaque pays africain, dans l’intérêt des agriculteurs et des communautés locales africaines. Il est également urgent que le Groupe Africain à l’OMC renouvelle et renforce sa position de 1999 auprès du Conseil des ADPIC où l’article 27.3(b) est toujours sous re-examen. Avec l’expérience en Afrique francophone et dans les pays membres de l’OAPI, où la pression de se conformer à la Convention de l’UPOV sous prétexte des exigences de cet article a réussi, le Groupe Africain devrait demander la suppression de toute référence aux variétés végétales. Autrement dit, tout comme il est inacceptable d’accorder des brevets sur le vivant, première partie de la position du Groupe Africain, il est aussi inacceptable d’imposer des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales – soit par brevet, soit par des droits sur les obtentions végétales (système sui generis). Les variétés et obtentions végétales représentent la base même de la sécurité alimentaire mondiale et doivent être gérées autrement que par des systèmes de monopole.

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CHAPITRE 9

Sécurité alimentaire, Organismes Génétiquement modifiés et DPI Par Pr. Jean-Didier ZONGO (Burkina Faso) Université de Ouagadougou, Burkina Faso

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PARTIE III

INTRODUCTION La sécurité alimentaire est une préoccupation sous tous les cieux. Mais son contenu varie selon les pays. En effet pour les pays développés, la sécurité alimentaire relève plutôt des aspects de qualité de l’aliment. Il s’agit surtout de l’impact des aliments sur la santé des consommateurs. Pour les pays en développement (PED), il s’agit à la fois de problèmes de quantité et de qualité des aliments. Dans ces pays, famine et malnutrition sévissent en même temps. C’est le cas de l’Afrique qui abriterait 40 % des affamés de la terre et dont 50 % de la population souffriraient de malnutrition.1 Les biotechnologies nouvelles, par la production des OGM, pourraient apporter des solutions à ces différents types de problèmes, mais malheureusement, d’énormes inconvénients les accompagnent. Les OGM, Organismes Génétiquement Modifiés, sont des organismes, animaux et végétaux, dont le matériel génétique a été enrichi par l’introduction de gènes étrangers. L’objectif est de leur conférer des caractères nouveaux. C’est le cas du maïs Bt et aussi du coton Bt qui ont reçu chacun un gène prélevé chez la bactérie Bacillus thuringiensis et qui leur confère la capacité de synthétiser la toxine Bt qui les protège contre certains insectes. Les DPI font des biotechnologies et de leur produit les OGM, des moyens pour des multinationales de se faire de l’argent, sur le dos des communautés locales et des populations autochtones qu’ils permettent de spolier. Face à cette situation, quelle attitude les Africains doivent-ils adopter pour défendre efficacement les intérêts actuels et futurs de leurs populations, de leurs pays et pour protéger durablement leur environnement et sa diversité biologique ? C’est l’objet du présent chapitre qui n’a d’autre ambition que de lancer les débats.

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1. OGM ET SECURITE ALIMENTAIRE De toute évidence, les OGM sont un moyen efficace pour accroître la production agricole et pour améliorer la qualité des aliments. En effet, par rapport aux méthodes traditionnelles de création de variétés, les biotechnologies présentent un certain nombre d’avantages au nombre desquels on peut compter le gain de temps et les possibilités nouvelles d’amélioration des conditions d’élevage des animaux, des conditions de culture des plantes et d’amélioration de la qualité des aliments.

Gain de temps Les méthodes traditionnelles de création de nouvelles variétés de plantes et de nouvelles races d’animaux réclament beaucoup de temps pour introduire un caractère donné dans une variété, dans une race. L’hybridation intra- ou interspécifique suivie de la sélection généalogique ou du backcross demande un minimum de sept ans, et la mutagenèse a des résultats plutôt aléatoires. Les biotechnologies modernes, la transgénèse en l’occurrence, permettent d’introduire le gène désiré dans une variété à transformer et d’obtenir directement la variété que l’on veut mettre au point. Ce n’est plus qu’une histoire de semaines. Mieux, ces méthodes permettent de transcender les barrières entre les espèces pour introduire dans une espèce donnée, un gène prélevé dans une autre espèce. Ce qui était difficile, voire impossible avec les méthodes traditionnelles.

Amélioration des conditions d’élevage et de culture La possibilité de créer des OGM permet d’améliorer les conditions d’élevage des animaux en offrant de nouvelles méthodes de lutte contre leurs maladies, notamment par la production d’anticorps ou de vaccins recombinants et par la modification transgénique des lignées. Elle permet également d’améliorer l’alimentation animale par la production de plantes transgéniques plus riches en nutriments. De même, elle permet d’améliorer les conditions de culture des plantes. C’est le cas lorsqu’on améliore la tolérance des variétés aux herbicides comme c’est déjà le cas pour le soja, le maïs, le colza et le coton. C’est aussi le cas lorsqu’on améliore la résistance des plantes aux conditions extrêmes de culture telles que la sécheresse (cas du blé et du maïs), les insectes (pomme de terre, maïs, coton), les maladies (pomme de terre, papayer, courge).

Amélioration de la qualité des aliments La création d’OGM permet également d’améliorer la qualité des aliments en permettant, une modification de leur teneur en nutriments, une réduction de leurs composants allergènes, une meilleure conservation des produits, une amélioration de leurs qualités organoleptiques. A titre d’exemple, citons les cas de la mise au point d’une plante transgénique de colza produisant une huile enrichie en acide oléique et à faible teneur en acide a-linoléique; la pomme de terre transgénique dont la teneur en amidon est plus élevée que la normale et dont la teneur en eau est réduite ; l’élimination des facteurs anti-nutritionnels chez le soja.

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CHAPITRE 9

Les OGM permettraient ainsi de réduire les coûts de production, d’accroître les rendements et d’améliorer la qualité de l’alimentation. Cela est très séduisant pour les pays africains qui, rappelons le, abritent environ 40 % des affamés de la planète et dont 50 % de la population souffrent de malnutrition.2 C’est ce qui permet aux partisans des OGM de dire que « les OGM sont une chance offerte à l’Afrique pour résoudre le problème de la faim », que « les biotechnologies sont une révolution que l’Afrique ne devrait pas rater »,… et de gagner la confiance et le soutien d’instances internationales telles que la FAO et le PNUD, et aussi celle de certains gouvernants. Mais si théoriquement on montre facilement que les OGM peuvent aider l’Afrique, il reste à voir si, dans la pratique, la situation socio-économique des paysans, le contexte international et la réglementation des Droits de Propriété Intellectuelle permettront aux pays africains d’en tirer profit.

2. OGM, DPI ET SECURITE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE La brevetabilité du vivant est un principe admis pour la plupart des textes et accords internationaux (voir encadré 1). Seule la Loi-modèle de l’OUA l’écarte de manière explicite. Or, les variétés locales, les variétés « populations de pays » ne peuvent remplir les conditions de brevetabilité3, alors qu’elles résultent de longues années de sélection conduite de génération en génération par les agriculteurs. On peut donc dire que les DPI encouragent la production des OGM en protégeant les intérêts des obtenteurs. Ils leurs permettent d’accaparer gratuitement les ressources végétales et animales et leur donne le monopole d’exploitation sur les OGM qu’ils peuvent en tirer. En pratique, les obtenteurs d’OGM sont de grandes firmes du Nord. La création d’OGM fait appel a une technologie de pointe qui coûte tellement chère qu’elle est l’apanage des grandes firmes internationales qui ont les moyens financiers nécessaires pour s’y lancer. Il s’agit principalement de Monsanto, Syngenta, Aventis,…. Toutes ces firmes sont de grands holdings financiers qui n’ont d’autres objectifs que de faire des profits. Les entreprises du Sud et même la recherche publique financée par les Etats du Sud n’ont pas les moyens d’entreprendre de telles recherches. Pour longtemps encore, ce seront des puissances financières du Nord, celles qui ont même les moyens d’influencer les institutions internationales et les gouvernants, qui contrôleront ce domaine et ils le feront dans leurs intérêts. Les détenteurs des ressources phytogénétiques (RPG) sont, eux, situés au Sud. Ce sont les communautés locales et les populations autochtones des PED. Selon Envirodev, bien qu’en baisse constante, on estime à l’heure actuelle que 90 % de l’information génétique et des connaissances traditionnelles sur les espèces est localisé dans les PED et environ ¾ des produits pharmaceutiques dérivés des plantes seraient basés sur des connaissances traditionnelles indigènes. 4 Le système de brevets permettra aux obtenteurs d’OGM d’utiliser et de tirer de gros bénéfices de ces RPG sans contrepartie pour les communautés locales. A titre d’exemple, ni l’Etat gabonais, ni les communautés locales gabonaises n’ont reçu quelque chose des 1,4 milliard de

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dollars US que la transaction de l’édulcorant généré, grâce aux connaissances tirées des plantes qu’ils ont découvertes et entretenues. Selon une étude du PNUD, les PED devraient recevoir 5,3 milliards de dollars US s’ils étaient compensés à hauteur de 2% en royalties sur les ventes globales de l’industrie semencière et de 20 % pour les produits pharmaceutiques dérivés des plantes et des savoirs indigènes.5

Encadré 1 : les principaux instruments internationaux régissant les ressources biologiques

L’engagement sur les Ressources Phytogénétiques de la FAO prône un libre accès aux RPG, patrimoine commun à l’humanité. En contrepartie, il accorde aux agriculteurs et à leurs pays d’origine, des compensations financières et des transferts de technologie pour leur contribution à la conservation des RPG.

La Convention de 1991 de l’UPOV (Union internationale pour la Protection des Obtentions Végétales) qui modifie celle de 1978, étend la protection à toutes les espèces végétales supérieures et introduit le principe de dérivation essentielle. Il remet également en cause l’exemp ion de recherche et le privilège du fermier. Cette convention n’a aucune disposition pour treconnaître les contributions des agriculteurs au programmes de sélection des plantes.

L’Accord sur les Aspect de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) étend le brevet au vivant, l’élargissant à la protection des micro-organismes et des processus non biologiques, ainsi qu’à la production de plantes ou d’animaux. Le brevet est accordé sur les critères de nouveauté, d’activité intensive et d’application industrielle. Il accorde le monopole d’exploitation qui confère un monopole de fabrication et de commercialisation pour une durée limitée.

L’Accord de Bangui révisé de l’OAPI dans son article 2 alinéa 1 stipule également que « peut faire l’objet d’un breve d’invention, l’invention nouvelle impliquant une activité intense e t tsusceptible d’application industrielle ».

La Loi-modèle de l’OUA refuse d’admettre la brevetabilité du vivant ou l’appropriation exclusive de toute forme de vie, y compris ses dérivés. Il reconnaît aux communautés le droit de disposer de leurs ressources biologiques et le droit de tirer collectivement avantage de l’utilisation de ces ressources.

La Convention sur la Biodiversité (CDB) reconnaît explicitement l’importance des savoirs traditionnels et les droits des communautés locales et des populations autochtones sur ces savoirs. Elle crée un cadre destiné à leur garantir le partage des avantages découlant de l’appropriation et de l’utilisation de leurs savoirs. Mais elle n’est pas contraignante et ne garantit aux populations locales et autochtones aucun droit sur les savoirs traditionnels.

La main-mise du secteur privé sur la recherche-développement, outre qu’elle réduira l’éventail des solutions pour résoudre les différents problèmes (en écartant notamment celles qui pourraient être trouvées par les petits paysans qui les échangeraient gratuitement entre

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CHAPITRE 9

eux), aura un impact négatif sur la sécurité alimentaire. Elle se concentrera sur des cultures et des innovations rentables, celles qui seront bien vendues dans le Nord. Dans le Sud, la recherche s’intéressera essentiellement aux cultures de rente qui sont les seules capables de rentabiliser les investissements. En fait, les cultures vivrières ont beaucoup de chance d’être délaissées parce que les petits paysans ne seraient probablement pas capables d’en payer les coûts, d’autant plus que les politiques du PAS réduisent considérablement le soutient des Etats dans ce domaine. Compte tenu du faible niveau de sophistication des méthodes de production6 de la plupart des petits paysans africains et des différents aléas climatiques et environnementaux, leur récolte annuelle est assurée grâce à la bonne adaptation et à la grande rusticité des variétés qu’ils cultivent. Or cette bonne adaptation et cette grande rusticité découlent de la grande diversité de leurs caractéristiques génétiques, c’est à dire de leur hétérogénéité intra et inter-variétales. Leur substitution par des variétés génétiquement homogènes, que sont nécessairement les OGM, exposera ces petits paysans à de grands risques qui auront pour conséquence d’accélérer leur paupérisation. Surtout si l’on considère qu’il y’a beaucoup de chances que les OGM soient des variétés performantes, mais qui, pour concrétiser leurs potentialités, exigeront un niveau technologique minimum. Le problème de la vulgarisation des variétés à haute potentialité qui se posait déjà se posera encore avec beaucoup plus d’acuité. En effet, si le problème de la sécurité alimentaire était un problème de variétés performantes, il serait résolu depuis longtemps. La recherche a déjà mis au point de nombreuses variétés performantes qui malheureusement n’arrivent pas à s’imposer chez les agriculteurs. A titre d’exemple, au Burkina Faso, alors que les rendements moyens au niveau paysan sont de l’ordre de 0,8 t/Ha pour le sorgho, l’INERA dispose de 21 variétés améliorées avec des potentialités variant autour de 4 t/Ha. En résumé, en appliquant le système des brevets aux OGM, les DPI vont contribuer à :

rendre les semences inaccessibles aux petits agriculteurs parce que leur coût sera élevé ;

accroître la dépendance des agriculteurs vis à vis des vendeurs de semences ; ils ne pourront plus produire leur propre semence et seront obligés de s’approvisionner annuellement chez les vendeurs de semences ;

accélérer l’érosion de la diversité biologique par l’homogénéisation des variétés végétales et l’expansion de monocultures au détriment des cultures traditionnelles ;

détruire le mécanisme de gestion des RPG que les agriculteurs pratiquent depuis de nombreuses générations et qui leur a permis de conserver leurs variétés caractérisées par une grande diversité intra et inter variétales et qui a permis de préserver et développer la diversité génétique des différentes espèces.

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3. QUELLE STRATEGIE POUR L’AFRIQUE?

Nécessité de s’organiser Le rapport des forces dans les négociations est essentiel. Actuellement, un petit groupe, le « groupe des 4 » ( UE, USA, Japon et Canada), domine les négociations. De nombreux pays en développement éprouvent des difficultés à jouer un rôle effectif et même à participer aux réunions.7 Compte tenu de ce déséquilibre des forces qui est nettement défavorable aux PED et particulièrement à l’Afrique, la nécessité de s’unir est évidente. S’unir et s’organiser pour prendre part à tous les forums et débats pour y défendre des positions communes, celles conformes aux intérêts des communautés locales, des environnements et pour assurer durablement la sécurité alimentaire des populations.

Les positions à défendre Le texte présenté par le groupe des Etats africains sous l’égide de l’OUA est une proposition qu’il faut défendre. En effet cette proposition du Groupe Africain s’oppose explicitement à la brevetabilité du vivant et prend en compte les intérêts des communautés locales en souhaitant que la révision de l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC précise que : les végétaux, animaux, micro organismes et tous les êtres vivants avec leurs éléments constitutifs ne peuvent pas être brevetés et que les procédés naturels qui produisent des végétaux, des animaux, et d’autres organismes vivants ne peuvent pas être brevetés ; les PED peuvent opter pour une législation nationale sui generis qui : protège les innovations des populations autochtones et des communautés agricoles locales ; autorise le maintien des pratiques agricoles traditionnelles y compris le droit de conserver et d’échanger des semences et de vendre leur récolte ; empêche les droits ou les pratiques anticoncurrentielles qui menacent la souveraineté alimentaire des populations dans les pays en développement.

Nécessité de rechercher des solutions mieux adaptées Il reste important de souligner que les OGM ne permettront aux pays africains de résoudre les problèmes de sécurité alimentaire que s’ils sont accompagnés d’une certaine évolution technique des petits paysans. Petits paysans qui constituent encore l’écrasante majorité des producteurs de produits agricoles dans ces pays. C’est dire que l’exploitation efficace des OGM nécessite que des efforts soient faits pour mettre à la disposition des petits paysans les paquets technologiques nécessaires. Or quand on sait que : les OGM présentent un grand danger pour la diversité biologique en menaçant les variétés traditionnelles, en présentant des risques de contaminations susceptibles également de briser l’équilibre dans les écosystèmes et qu’avec les DPI, les communautés locales seront écartées de la gestion des RPG, ce qui contribuera non seulement à l’érosion de la diversité biologique, mais aussi à la désagrégation des relations sociales. Il serait plus indiqué, selon notre point de vue, pendant que les recherches sont menées pour circonscrire les dangers des OGM et pour trouver les moyens de les conjurer, que l’Afrique recherche des solutions mieux adaptées pour résoudre ses problèmes de sécurité alimentaire.

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CHAPITRE 9

Notre région regorge de plantes alimentaires qui sont toujours l’objet de cueillette et sont très largement consommées. De même, beaucoup de plantes alimentaires consommées jadis par nos populations sont aujourd’hui abandonnées. Des études scientifiques devraient être menées sur ces plantes afin de mettre en évidence ce qu’elles peuvent apporter à notre alimentation. Leur domestication ou leur revalorisation constituera alors une voie pour diversifier notre alimentation et pour lui apporter les nutriments qui lui manquent et qu’on nous propose dans les OGM. Par ailleurs, nous devons travailler :

à relever le niveau technique de production de cultures vivrières de nos paysans, en les aidant à acquérir les paquets technologiques qui leur permettent de valoriser leurs variétés ou les variétés améliorées que la recherche a déjà mis au point et en leur assurant un minimum d’encadrement.8 Ceci aboutirait à un accroissement considérable de la production agricole, contribuerait à relever leur niveau de vie et leurs moyens. A ce moment là, ils pourront se lancer dans la culture des OGM (qui auront été sécurisés), en étant sûr de pouvoir s’y lancer confortablement au lieu de s’y précipiter aujourd’hui.

à résoudre le problème de transport et de distribution des produits agricoles. En effet, très souvent, certaines régions sont déficitaires alors que d’autres regorgent d’excédents et sans que les uns puissent profiter des excédents qui sont entassés chez les autres. On dit même que « sur le continent, c’est moins la production des denrées vivrières qui pose un problème que le transport et la distribution ».9

CONCLUSION Si théoriquement les OGM peuvent constituer une solution aux problèmes de sécurité alimentaire en Afrique, dans la pratique, cela n’est pas évident, compte tenu du contexte. De surcroît, les DPI, avec le système des brevets, encouragent la production des OGM et autorisent le pillage des RPG, protègent les intérêts des multinationales au détriment des populations autochtones et des communautés locales. Les pays africains devront donc s’unir et s’organiser pour pouvoir défendre efficacement les droits des communautés locales d’une part et d’autre part, rechercher des voies plus adaptées pour assurer la sécurité alimentaire de leurs populations.

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PARTIE IV

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CHAPITRE 10

Les systèmes sui generis : Comment concilier rémunération des innovations, conservation de la biodiversité, maintien de l’accès aux ressources génétiques et protection des savoirs traditionnels ? Par Abou ABASS (Mauritanie) Allocataire de recherches, CERIC, Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Aix-Marseille III (France)

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PARTIE IV

INTRODUCTION La notion de commerce a connu un élargissement remarquable à l’issue du Cycle d’Uruguay. Le temps n’est plus où il était confiné à l’échange des marchandises. Il englobe désormais plusieurs aspects nouveaux dont les droits de la propriété intellectuelle (DPI). L’Accord sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) se caractérise non seulement par le renforcement de la protection des DPI, mais aussi par l’approfondissement et l’extension de leur champ d’application. Une telle évolution trouve son illustration dans la permission par l’Accord sur les ADPIC de breveter le vivant1. Parmi les facteurs ayant contribué à cette évolution, relevons l’essor du génie génétique. Cette branche scientifique permet de créer un certain nombre d’innovations biotechnologiques qui peuvent donner lieu à différentes applications industrielles, notamment dans les domaines pharmaceutique et agricole. De telles innovations ont pour base les ressources génétiques, issues de la biodiversité. C’est pour cette raison que ces ressources ont désormais acquis une valeur nouvelle, les rendant comparables aux autres ressources naturelles comme le pétrole2. Ce regain d’intérêt pour les ressources génétiques qui coïncide avec la prise de conscience croissante de la dégradation de l’environnement planétaire et le foisonnement consécutif d’instruments de protection environnementale, ont conduit à la signature de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Entrée en vigueur en 1993, la CDB crée un nouveau régime de la biodiversité. La répartition géographique de la biodiversité mondiale se caractérise par la concentration d’une grande partie des ressources génétiques dans les pays en développement (PED), et pour cette raison la CDB est réputée favorable à ces pays car visant à protéger une ressource d’importance pour les pays riches en ressources génétiques. Cela se traduit par le fait qu’un grand nombre des parties à la CDB sont des PED, alors que la plus grande puissance industrielle, les Etats-Unis (E.-U.), n’y adhère pas.

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L’écrasante majorité des DPI sur le vivant sont par contre détenus par des ressortissants de pays développés, 3 pauvres en ressources génétiques. Cet état de choses crée un conflit Nord-Sud aux enjeux différents selon le camp où l’on est situé. Le cas du continent africain illustre cette réalité. Composé d’une cinquantaine de PED, ses forêts et savanes recèlent une partie importante de la biodiversité planétaire, avec de multiples variétés végétales et animales. Les régions d’Afrique occidentale et centrale constituent une zone riche en ressources biologiques, alors qu’une grande partie des pays qui les composent sont de la catégorie des pays moins avancés (PMA) avec un niveau de développement scientifique encore embryonnaire. Dans un tel contexte, les systèmes sui generis alternatifs peuvent contribuer à concilier les intérêts souvent opposés et les enjeux énormes liés à la relation entre le régime des DPI et celui de la biodiversité. Le présent chapitre tentera dans un premier temps de faire ressortir de manière assez schématique les enjeux essentiels en question pour les principaux acteurs en présence (I.). La deuxième partie visera à démontrer l’inadaptation des DPI pour les pays africains (II.). Enfin, la troisième et dernière partie tente de lancer un certain nombre de propositions et recommandations visant à relever les défis que l’Accord sur les ADPIC pose pour les pays africains notamment à la lumière du régime de la biodiversité (III.).

1. LES PAYS AFRICAINS FACE AUX ENJEUX DU RAPPORT CONFLICTUEL ENTRE LES DPI ET LA BIODIVERSITE Pour présenter les principaux enjeux liés au rapport conflictuel entre les DPI et la biodiversité, il convient de les classer en deux catégories, selon qu’ils sont prioritaires pour les détenteurs de DPI ou ceux de ressources génétiques. Dans cette perspective, il apparaît que la rémunération des innovations4 et l’accès aux ressources génétiques constituent clairement des questions prioritaires pour les détenteurs de DPI, alors que la conservation de la biodiversité5 et la protection des savoirs traditionnels semblent être plus prioritaires pour les pays qui en sont détenteurs.

LES PRIORITES DES DETENTEURS DE DPI : DES ENJEUX PRIS EN CONSIDERATION PAR

L’ACCORD SUR LES ADPIC L’Accord sur les ADPIC étant un accord inspiré par les pays développés, les Etats-Unis principalement, ses dispositions reflètent parfaitement les priorités de ces pays.

La rémunération des innovations L’octroi de DPI aux inventeurs vise à les rémunérer pour leurs innovations. Une telle rémunération trouve sa justification dans plusieurs considérations. D’abord celle de la nécessité d’encourager l’innovation jugée bénéfique pour la société : on estime que l’octroi des DPI permet d’encourager les inventeurs et les auteurs à créer davantage, et que plus ils

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CHAPITRE 10

créent, plus leurs inventions une fois entrées dans le domaine public, apporteront de bénéfices à la société.6 Ensuite pour des raisons d’équité, l’auteur d’une invention doit avoir un droit de propriété sur sa création.7 Enfin, cette rémunération permet de financer la recherche ayant permis la réalisation des innovations protégées qui, le plus souvent, demande un coût financier énorme. Etant donné la différence des capacités technologiques entre les différentes régions du monde, l’importance de la rémunération de l’innovation s’avère surtout pertinente pour les pays du Nord, dont les ressortissants en sont les bénéficiaires potentiels. Pour la plupart des pays du Sud, ceux d’Afrique notamment, cette rémunération a surtout pour effet de rendre plus difficile leur accès aux technologies protégées.8 A cela s’ajoutent deux défis supplémentaires pour les pays d’Afrique centrale et occidentale. Le premier est lié à l’étendue même de la notion de l’innovation brevetable. En effet, l’article 27.3 (b) de l’Accord sur les ADPIC, en prescrivant la brevetabilité du vivant, semble ne plus faire la distinction, qui existait traditionnellement dans le droit des brevets, entre les inventions et les découvertes9 les premières étant les seules brevetables. Ceci pourrait encourager l’appropriation de formes de vie par des personnes privées par le simple fait de la découverte par ces personnes de choses qui existaient déjà dans la nature.10 Le second défi réside dans le fait que l’Accord sur les ADPIC ne protège que les connaissances technologiques commercialement utiles pour les grandes compagnies alors qu’il ne le fait pas pour les savoirs traditionnels11 et met ainsi les paysans africains en position de faiblesse12 par rapport aux inventeurs du Nord (voir ci-dessous). Les négociateurs africains devraient tenir compte de ce double standard et tenter d’y remédier.

L’accès aux ressources génétiques A la différence de la question de la rémunération, celle de l’accès n’est pas traitée de manière directe par l’Accord sur les ADPIC. Toutefois, elle n’en demeure pas moins pertinente pour les innovateurs. En effet, le fait que l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC prévoie la brevetabilité du vivant veut dire qu’il permet la protection des DPI obtenus sur les innovations effectuées sur la base de ressources génétiques et de garantir ainsi aux inventeurs la rémunération. Or le fait que la plupart des inventeurs soient ressortissants ou résidents de pays développés et dotés d’une capacité technologique énorme dans le domaine de la biotechnologie, mais pauvres en ressources génétiques, rend l’accès à ces derniers d’une grande importance pour ces inventeurs. Ceci, pour la simple raison que sans accès, il n’y aura pas d’innovation ni de rémunération. Il en va de la viabilité même de l’industrie biotechnologique des pays nantis. Dans ce contexte, le silence de l’Accord sur les ADPIC sur cette question ne veut pas dire une limitation de l’accès mais plutôt une présomption de l’accessibilité des ressources génétiques nécessaires sans difficultés. L’Accord sur les ADPIC oblige les Etats à protéger les DPI sans aucune référence au principe de souveraineté. Les Etats sont, par conséquent, contraints d’accepter la légitimité des dépôts de brevets émanant des firmes privées13. Il est vrai que la CDB traite la question de l’accès en la soumettant au principe de la souveraineté des Etats territorialement compétents, avec comme conséquence que l’accès aux ressources génétiques est soumis au consentement en connaissance de cause du gouvernement de l’Etat détenteur des ressources génétiques. Toutefois, si théoriquement, le principe de

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souveraineté permet aux Etats détenteurs des ressources de limiter l’accès à celles-ci, la CDB ne ferme pas toute possibilité d’accès aux ressources génétiques. Les parties contractantes de la CDB s’engagent à faciliter l’accès à leurs ressources génétiques.14 En plus, le rapport de forces entre les pays du Nord et ceux du Sud, très favorable aux premiers, permet de penser que le régime de la biodiversité ne ferait pas véritablement obstacle à l’accès aux ressources génétiques. Un enjeu de taille que pose l’accès aux ressources génétiques pour les pays africains est d’éviter que l’accès ne devienne une occasion pour utiliser des DPI de manière contraire à leurs intérêts. La CDB prévoit que l’accès aux ressources génétiques doit avoir pour contrepartie le partage des bénéfices découlant de leur utilisation, ainsi que certaines compensations financières ou sous forme de transferts de technologies diverses. Or, les DPI peuvent n’être qu’une nouvelle forme de protectionnisme au profit des firmes du Nord ainsi qu’un instrument de biopiraterie : les brevets sur le vivant permettent d’usurper le savoir indigène dans les innovations occidentales au prix de transformations mineures15. De plus, ils sont susceptibles de rendre plus difficile le transfert des technologies indispensables pour le développement de ces pays, privant ainsi les pays africains des contreparties qu’ils doivent tirer en échange de l’accès à leurs ressources.

LES PRIORITES DES DETENTEURS DE RESSOURCES GENETIQUES : DES ENJEUX A

PRENDRE EN CONSIDERATION PAR L’ACCORD SUR LES ADPIC Les enjeux prioritaires des détenteurs en ressources génétiques, comme la plupart des pays d’Afrique occidentale et centrale, ne reçoivent pas la même attention de la part de l’Accord sur les ADPIC.

La conservation de la biodiversité Une grande partie de la population africaine, qu'elle vive dans les campagnes ou dans les centres urbains, dépend des ressources de la nature pour se nourrir et se soigner. Les États africains détenteurs de ressources biologiques sont reconnus souverains sur les ressources biologiques se trouvant sur leur territoire. La souveraineté doit ainsi leur permettre de conserver cette biodiversité et de maintenir son utilisation durable par les générations présentes et futures. Il s’agit là d’une obligation juridique et morale qui justifie à elle seule leur intérêt dans la conservation de la biodiversité. D'où le but central de la CDB qui est la conservation des ressources génétiques considérées comme une ressource naturelle précieuse, que les détenteurs ont tout intérêt à conserver de manière durable. Le caractère fondamental de la conservation réside en effet dans le fait que sans elle, les deux autres objectifs, à savoir l’utilisation durable et le partage équitable des bénéfices des ressources biologiques, n’ont aucun sens. Les brevets sur le vivant, ont des effets avérés ou supposés nocifs sur la biodiversité et pourraient avoir des répercussions sur la sécurité alimentaire mondiale et africaine en particulier. Tout d’abord, les DPI risquent de conduire à une homogénéisation et à une expansion des monocultures au détriment des cultures traditionnelles,16 dont le rôle dans la

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CHAPITRE 10

conservation est connue. Un tel danger est d’autant plus pertinent pour l’Afrique qu’une grande partie de sa population vit de l’agriculture traditionnelle. De plus, en prévoyant la possibilité de breveter les micro-organismes, l’Accord sur les ADPIC peut encourager leur utilisation notamment dans les domaines de l’agriculture et de l’élevage. Une telle utilisation peut conduire à introduire des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou des organismes vivants modifiés (OVM) dans les différents milieux naturels de la biodiversité. Or l’introduction des ces organismes pourrait conduire à une érosion importante de la biodiversité17. La prévention de tels risques peut être très difficile pour les pays africains compte tenu de l’absence de la capacité technique nécessaire pour les gérer. De telles conséquences vont à l’encontre des prescriptions de la CDB qui s’efforce de gérer les risques associés à la libération et l’utilisation des OVM susceptibles d'influer sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.18

La protection des savoirs traditionnels (ST) Les ST constituent un élément essentiel du régime de la biodiversité de la CDB. En vertu de l’article 8 (j), ils englobent les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui présentent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique que les parties contractantes s’engagent à préserver et à maintenir. Utilisé ici dans un sens général, le terme ‘savoirs traditionnels’ désigne un ensemble de connaissances constituées par un groupe de personnes, une communauté, à travers les générations vivant en contact étroit avec la nature.19 Les ST revêtent une importance particulière dans les pays de l’Afrique centrale et occidentale compte tenu de leur rôle dans la conservation et la protection de la biodiversité mais également du rôle que jouent les méthodes traditionnelles d’agriculture et d’élevage dans la survie des populations, ainsi que dans l’apport en produits alimentaires.20 Les communautés dites autochtones, indigènes ou locales, constituent la majorité de la population africaine. Elles sont inséparables du reste de la population et c’est en leur nom que la souveraineté doit être exercée. L’Accord sur les ADPIC ne reconnaît ni les ST21 ni les droits des agriculteurs qui leurs sont très liés, en particulier le droit de réutiliser les produits d’une récolte pour une récolte ultérieure22. En revanche, l’Accord sur les ADPIC protège les DPI détenus par les grandes entreprises industrielles ou de biotechnologies même dans les régions d’Afrique centrale et occidentale. Cela n’empêche pas que des techniques ou procédés dérivés des ST fassent l’objet d’une protection au profit de firmes sans le consentement des dépositaires d’origine de ces savoirs, alors que la CDB exige leur accord pour toute utilisation allant dans ce sens.23 Plusieurs raisons militent pour que les États africains accordent une protection particulière aux ST. D’abord l’équité, car comment admettre que les systèmes de DPI se justifient par la nécessité de rémunérer les innovations des inventeurs, alors qu’une telle rémunération n’est pas prévue pour les communautés traditionnelles et autochtones sans lesquelles le germoplasme grâce auquel l’innovation est effectuée n’aurait pu exister?24 Ensuite pour la conservation de la biodiversité, la préservation des modes de vie traditionnels, la prévention contre la biopiraterie et la promotion de l’utilisation et du développement de ces connaissances de sorte à garantir leur durabilité, etc.25

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2. L’INADAPTATION DES SYSTEMES DE DPI POUR LES PAYS AFRICAINS Les pratiques de la protection intellectuelle en général, celles applicables au vivant en particulier, ont vu le jour dans les pays industrialisés et n’ont jamais eu la même importance en Afrique. D’ailleurs, même dans les pays industrialisés, la brevetabilité du vivant n’a été acceptée que très récemment, notamment avec l’essor du génie génétique. Bien que les pays africains liés par l’Accord sur les ADPIC soient dans l’obligation de se doter d’une législation de DPI conforme aux standards prévus par cet accord, le respect d’une telle obligation ne va pas sans causer de difficultés. En effet, au vu des enjeux du rapport entre la biodiversité et les DPI, l’inadaptation de ces derniers pour les pays africains résulte, entre autres, de deux facteurs très liés l’un à l’autre. Le premier réside dans une certaine incohérence entre le systèmes de DPI et certains principes de la biodiversité. Le second quant à lui est consécutif à une absence de prise en considération de certaines priorités des pays africains.

L’INCOHERENCE ENTRE LES DPI ET LES PRINCIPES DE LA BIODIVERSITE

Le principe de souveraineté L’un des principes clefs de la CDB est celui du droit souverain que les États ont d’exploiter leurs propres ressources selon leurs politiques environnementales, conformément à la Charte des Nations unies et aux principes de droit international.26 Considérée comme un acquis essentiel pour les pays détenteurs de ressources génétiques, la consécration de ce principe par la CDB intervint suite à une revendication dans ce sens par les PED. Ces derniers ne souhaitaient plus voir le principe de patrimoine commun de l’humanité (PCH) régir l’accès à leurs ressources génétiques. La raison était que les ressortissants des pays riches réclamaient de plus en plus de DPI sur des innovations effectuées sur la base de ressources originaires des PED, ce qui avait comme conséquence de limiter l’accès de ces derniers aux résultats de ces innovations, alors même que les inventeurs avaient bénéficié d’un accès libre ou facilité au matériel génétique primaire. Le principe de souveraineté doit permettre aux pays détenteurs de ressources génétiques de réglementer l’accès à celles-ci, d’où la renaissance du principe consécutif du consentement préalable en connaissance de cause 27 par l’Etat détenteur des ressources comme condition d’accès au matériel génétique. L’Accord sur les ADPIC, quant à lui reconnaît les DPI comme des droits privés28 et prévoit la possibilité pour les détenteurs (…) de jouir des droits de brevets sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d’origine nationale.29 L’Accord sur les ADPIC n’interdit donc pas qu’un brevet soit accordé à des inventions effectuées sur la base de ressources génétiques se trouvant sous la juridiction des États. Il ne se réfère pas au principe de consentement préalable en connaissance de cause. Dans ce sens on peut affirmer non seulement qu’il vient ramener aux PED ce qu’ils avaient voulu éviter par la consécration du principe de souveraineté, mais aussi qu’il vide ce principe de son sens.30 Pour cette raison, l’Accord sur les ADPIC crée les

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conditions pour la confiscation des droits de propriété sur les organismes vivants, les connaissances et les processus en rapport avec l’utilisation de la biodiversité31.

Le principe de partage équitable Le principe de partage équitable est reconnu par la CDB. En vertu de ce principe, les pays développés s’engagent, en contrepartie de leur accès aux ressources génétiques, à développer et effectuer leurs recherches scientifiques avec la pleine participation des pays détenant ces ressources32 et à prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’accès des pays fournisseurs, sur une base juste et équitable, aux avantages découlant de la biotechnologie fondée sur leurs ressources.33 Ces dispositions ainsi que d’autres34 illustrent avant tout le caractère relativement préférentiel de la CDB, qui s’inscrit plutôt dans la logique du droit international de développement. L’Accord sur les ADPIC quant à lui se fonde sur des principes qui sont à l’opposé de cette logique, à savoir ceux de la Nation la plus favorisée (NPF) et du traitement national (TN) qui n’autorisent pas de discrimination fondée sur le niveau de développement. Cette caractéristique de l’Accord sur les ADPIC, ajoutée à la nature des DPI qui sont des droits privés rendent difficile la réalisation du partage équitable ainsi préconisé. La participation pleine et effective des fournisseurs du matériel génétique est susceptible de remettre en question le monopole des détenteurs de DPI, ce qui est en contradiction avec l’Accord sur les ADPIC, qui est par construction nettement en faveur de l’appropriation privée et a été conçu pour protéger les innovations des entreprises des pays développés par rapport à des concurrents des pays émergents.35

L’ABSENCE DE PRISE EN CONSIDERATION DE CERTAINES PRIORITES AFRICAINES Très liés les uns aux autres, les droits des agriculteurs et les ST constituent une priorité pour les populations africaines, aussi bien pour des raisons d’ordre moral et juridique que pour des raisons économiques. L'Accord sur les ADPIC ne les prend toutefois pas en considération.

Les droits des agriculteurs Le concept de droits des agriculteurs a été développé en réaction à l’insistance par les pays développés d’exclure les variétés végétales protégées par des DPI du champ d’application du principe du patrimoine commun de l’humanité. Le concept vise à reconnaître l’énorme contribution des agriculteurs de tous les pays dans la conservation et le développement des ressources génétiques qui constituent la base de l’alimentation et de l’agriculture dans le monde.36 Il s’agit des droits découlant des contributions passées, présentes et futures dans la conservation, l’amélioration et la fourniture des ressources génétiques végétales.37 Le droit qu’ont les agriculteurs à réutiliser une partie de leurs récoltes pour les réensemencer sans restriction est un exemple typique de ces droits. Les droits des agriculteurs sont d’une importance primordiale pour les pays d’Afrique occidentale et centrale, dans la mesure où les petits agriculteurs et les coopératives paysannes constituent les principaux acteurs du secteur semencier. L’Accord sur les ADPIC ne garantit pas ces droits, mais encourage plutôt leur

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non-respect. Pour cette raison, il peut avoir des effets nocifs sur la sécurité alimentaire ainsi que sur la santé des populations africaines, en rendant plus coûteux l’accès aux médicaments et aux semences.

Les DPI, un outil inadapté pour la protection des savoirs traditionnels Comme il a été souligné plus haut, l’Accord sur les ADPIC ne semble pas prendre cette priorité africaine en considération. Pour relever l’absence de prise en considération des ST, il convient de souligner les raisons de l’inadaptation des DPI pour protéger les ST. Elles sont nombreuses ce qui s’explique avant tout par la différence de nature entre l’objet poursuivi par l’ADPIC et celui que vise la protection des savoirs traditionnels dans le sens de l’article 8 (j) de la CDB. Parmi ces raisons relevons les suivantes :

la nature souvent collective et communautaire des droits de propriété s’attachant aux connaissances traditionnelles qui contraste avec les DPI visant à récompenser et à rémunérer les inventions des individus. Par exemple, alors que l’octroi des droits d’auteur présuppose l’existence d’un auteur identifié, le concept d’auteur est problématique dans la plupart des sociétés traditionnelles.38

le caractère limité dans le temps de la plupart des DPI : le brevet offre une protection limitée dans le temps, alors que pour les expressions folkloriques qui constituent des éléments importants de l’identité culturelle des peuples qui en sont les titulaires, il semble plus approprié d’offrir à ces expressions une protection permanente.39 D’ailleurs, ce qui garantit la pérennité des ST en général c’est le système de passage de génération en génération.

le caractère figé des travaux protégés par les DPI s’oppose à celui évolutif des connaissances traditionnelles et autochtones.

la haute technicité qui caractérise certains systèmes de DPI comme le brevet, nécessitant la description par écrit dans un langage scientifique moderne et détaillé, ne semble pas être adaptée pour la protection des ST dont les détenteurs sont presque toujours de tradition orale.

Le coût exorbitant que nécessite le dépôt d’un brevet peut aussi dissuader les détenteurs de ST à utiliser ces techniques.

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CHAPITRE 10

3. PROPOSITIONS EN VUE DE TROUVER DES SYSTEMES SUI GENERIS ADAPTES AUX PAYS AFRICAINS A la veille du début du nouveau cycle de négociations de l’OMC devant aboutir, entre autres, à une révision de certaines dispositions de l’Accord sur les ADPIC il importe que les décideurs africains explorent les pistes susceptibles de leur permettre de remédier, sinon à toutes, du moins à certaines des difficultés que cet accord peut leur causer. Un système sui generis adapté pour les pays africains et leurs populations devrait reconnaître un certain nombre de principes essentiels, et permettre d’apporter certaines limites supplémentaires à la brevetabilité du vivant.

LA RECONNAISSANCE PAR L’ACCORD SUR LES ADPIC DE PRINCIPES ESSENTIELS

Il serait souhaitable que les PED en général et les pays d’Afrique centrale et occidentale en particulier exigent une reconnaissance aussi partielle fût-elle des principes de souveraineté et du partage équitable. Le respect de ces principes permettra de concilier la nécessité non contestée de rémunérer les innovations technologiques, avec le droit inaliénable des pays africains d’utiliser leurs ressources naturelles pour le bien être de leurs populations. Le principe de souveraineté

Il semble qu’une reconnaissance très extensive du principe de souveraineté dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC ne sera ni acceptable ni faisable et ce pour différentes raisons. D’abord parce que cela risque de dépouiller l’accord de certains aspects essentiels de son objet, qui consiste à offrir une protection efficace des DPI privés et peut être de porter atteinte à la rémunération des innovations, une évolution que les pays industrialisés n’accepteront vraisemblablement pas. Ensuite, parce que les pays africains eux-mêmes semblent être allés trop loin pour revenir en arrière. Ces raisons ne doivent toutefois pas servir de prétexte pour baisser les bras, car l’enjeu est très important. Le rôle que joue la biodiversité et les savoirs traditionnels pour les populations de ces pays n’est pas moins important que celui que les DPI jouent pour une partie des populations des pays riches. Autrement dit, le fait que les pays africains adhèrent grosso modo aux instruments de DPI, en dépit de l’absence de tout intérêt direct pour leurs populations dans ce respect, doit leur offrir un argument valable pour rendre plus flexible la position de leurs partenaires des pays riches. Le principe de partage équitable

L’harmonisation de ce principe de la CDB avec l’Accord sur les ADPIC suppose l’ajustement de certains des principes généraux de ce dernier accord, particulièrement celui de la Nation la plus favorisée (NPF), soit en y apportant des exceptions ou d’une autre manière quelconque, de sorte à ce qu’il ne fasse plus obstacle à ce que les fournisseurs de ressources génétiques et les dépositaires des connaissances y afférentes puissent être associés au partage des bénéfices obtenus grâce à des travaux trouvant leur fondement dans leur matériel génétique ou dans les savoirs dont ils sont à l’origine. Le renforcement du principe de Traitement Spécial et Différencié (TSD) tel que préconisé plus haut pourrait rendre cela possible. Un moyen efficace de prendre les priorités mentionnées ainsi que d’autres pourrait être l’extension des limites apportées à la brevetabilité du vivant.

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L’EXTENSION DES LIMITES APPORTEES A LA BREVETABILITE DU VIVANT L’article 27.3 (b), qui préconise la possibilité de protéger le vivant par le brevet ou d’autres systèmes sui generis efficaces ou les deux, apporte quelques exceptions à la brevetabilité du vivant40. Bien que certaines de ces exceptions permettent de prendre en considération des priorités environnementales, elles ne semblent pas suffisantes pour appréhender les priorités africaines en matière de biodiversité dans toute leur ampleur. C’est pourquoi il serait aussi souhaitable que les pays africains revendiquent la prise en compte des autres nécessités suivantes.

La divulgation de l’origine des objets brevetés et la distinction entre les inventions et les découvertes Il s’agit là de deux conditions qui pourraient limiter la biopiraterie et faciliter le partage équitable. L’insertion de la condition de divulguer l’origine des matières, connaissances et procédés constitutifs de l’objet comme exception permettrait aux pays d’origine des ressources génétiques ou de certains procédés et connaissances en lien avec la biodiversité et utilisés, d’exiger le droit au partage équitable, et de limiter ainsi les effets de la bio-piraterie. Plusieurs pays en développement, dont l’Inde et le Brésil, ont déjà soumis plusieurs propositions allant dans ce sens à l’OMC.41 L’importance d’une telle limitation est reconnue même dans certains pays développés. En témoigne par exemple la proposition du Parlement européen de l’inclusion d’une condition allant dans ce sens dans la directive 98/44/CE sur la protection des inventions biotechnologiques, proposition qui a trouvé son expression dans le considérant 27 de ce texte.42 Il est donc très normal que les pays africains, a priori plus concernés, accordent à cette question l’importance méritée.

La protection des droits et savoirs pertinents pour les pays africains Puisque les ST et les droits des agriculteurs sont d’une importance particulière pour les populations africaines, leurs États doivent veiller à ce que ces éléments soient suffisamment pris en considération au niveau multilatéral. Une exception permettant de veiller à ce que le brevetage du vivant ne porte pas atteinte aux droits des agriculteurs serait une proposition intéressante. L’inclusion d’une telle exception permettrait aux agriculteurs de pouvoir utiliser leurs semences librement. La concrétisation d’une telle exception pourrait se faire par l’ajout de dispositions spécifiques et claires allant dans ce sens. De la même façon, l’exclusion de certains types de savoirs traditionnels de la brevetabilité devrait être la conséquence logique de l’inadaptation des DPI, dans la plupart des cas, pour protéger ces savoirs. L’inclusion d’une exception de ce type visera à protéger les détenteurs de ces connaissances de l’appropriation de leur patrimoine culturel ainsi que d’éviter la destruction de leurs activités économiques et de prévenir une certaine dépendance vis-à-vis des firmes étrangères. L’inclusion de cette exception devrait être combinée avec le renvoi à un système sui generis plus approprié que les DPI classiques pour protéger les ST.43 Les États africains et leurs populations ont tout intérêt à inclure ce point dans leur programme de négociation.

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CHAPITRE 10

CONCLUSION La première partie du présent chapitre n’aborde les différents enjeux du rapport entre la biodiversité et les DPI que de manière schématique, laissant de coté par exemple les hypothèses de pays industrialisés détenteurs de ressources génétiques, ou dont certaines populations sont détentrices de ST. Il se contente de tenter de faire ressortir la situation des pays africains face à ces enjeux et d’expliquer pourquoi certains de ces enjeux sont pour eux plus prioritaires que d’autres. On a ainsi pu conclure que l’Accord sur les ADPIC ne prend en considération que les priorités des pays hautement industrialisés, alors qu’il laisse de côté les priorités africaines. C’est partant de cette conclusion générale que la seconde partie tente d’apporter plus d’éclairage sur les éléments concrets à l’origine de l’inadaptation des systèmes de DPI pour les pays africains, afin de pouvoir y remédier plus facilement. La troisième partie s’inspire largement des conclusions de la deuxième pour lancer un certain nombre de propositions. Ces dernières visent à ajuster le régime de l’Accord sur les ADPIC de sorte à ce qu’il puisse intégrer certains éléments prioritaires pour les PED en général, sans pour autant abandonner le principe de protéger les DPI sur les innovations technologiques. Elles s’inspirent de l’idée simple selon laquelle, de la même manière que la piraterie intellectuelle fût l’argument avancé pour le renforcement des DPI réalisé par l’Accord sur les ADPIC, la lutte contre la biopiraterie et autres facteurs comparables devraient être suffisamment pris en considération. Les DPI ne doivent pas mettre en question la sécurité alimentaire et sanitaire des pays africains ni permettre la confiscation de leurs biens culturels. Les propositions ne sont pas exhaustives et pourraient être poursuivies. Ainsi, alors que les deux premières parties posent le problème d’une certaine opposition entre le régime des DPI de l’Accord sur les ADPIC et celui de la biodiversité sous une perspective africaine, la troisième tente d’opérer la conciliation nécessaire sous une même perspective. Si un tel projet de conciliation peut paraître quelque peu incliné dans le sens des pays à faible niveau de développement technique, ceci s’explique par le fait que l’Accord sur les ADPIC ne prend en considération que les priorités occidentales. Mais aussi, parce qu’il nous semble que les négociateurs africains devraient avancer des propositions adéquates, pour lesquelles ils ne sont pas sûrs d’obtenir entièrement gain de cause. Les propositions d’ailleurs ne vont pas aussi loin qu’il peut le sembler, dans la mesure où elles n’écartent pas la brevetabilité du vivant et se contentent de suggérer quelques limitations. Les propositions de systèmes sui generis se placent dans la perspective de l’intégration de ces éléments dans l’Accord sur les ADPIC, ce qui s’explique par un souci d’efficacité, car on constate que cet accord jouit de certaines garanties que la CDB n’a pas : effet direct, système de règlement de différends contraignant...etc. Finalement, l’Accord sur les ADPIC s’applique à certains acteurs ayant choisi de ne pas adhérer à la CDB, comme les E.-U., dont on sait que les firmes sont de grandes détentrices de DPI, notamment sur des objets originaires de la biodiversité.

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CHAPITRE 11

Loi-Modèle de l’OUA pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et la réglementation de l’accès aux ressources biologiques Par Prof. J. A. EKPERE Ancien secrétaire exécutif de la Commission scientifique, technique et de recherche de l’Organisation de l’Unité Africaine, Lagos, Nigeria

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PARTIE IV

INTRODUCTION L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), à présent Union africaine (UA), a participé activement aux négociations du Cycle d’Uruguay, ainsi qu’au Sommet de la Terre de Rio en 1992. Le Sommet de Rio a notamment débouché sur l’Agenda 21 et la Convention sur la diversité biologique (CDB), ceci, avant la conclusion des négociations du Cycle d’Uruguay, en 1994. La plupart des Etats Membres de l’OUA sont signataires de ces différents instruments internationaux. Ils n’ont toutefois pas été en mesure de s’atteler aux procédures de mise en œuvre complexes requises. La Loi-modèle de l’OUA pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et la réglementation de l’accès aux ressources biologiques est un effort visant à aider les Etats Membres à réfléchir, formuler et mettre en œuvre des politiques et des instruments juridiques, compatibles avec leurs objectifs nationaux et leurs aspirations politiques, tout en répondant dans le même temps à leurs obligations internationales. Dans le présent document de synthèse, une tentative sera faite de fournir des informations sur :

La justification de l’initiative de l’OUA et l’esprit de la Loi-modèle;

Les relations entre la loi type et d’autres instruments internationaux tels que : - La Convention sur la diversité biologique (CDB) ; - L’Engagement international sur les ressources phytogénétiques de la FAO ; - L’Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au

commerce (ADPIC) ; - La Convention de l’UPOV – Union pour la protection des obtentions végétales. L’état actuel de la mise en œuvre ; Les problèmes majeurs d’adaptation au droit national ; Les solutions suggérées pour atténuer les contraintes ; et La manière de promouvoir la mise en œuvre.

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1. INITIATIVE DE L’OUA : JUSTIFICATION ET PARTICULARITES La Loi-modèle de l’OUA a été élaborée en réponse directe à la directive donnée par le Conseil des ministres de l’OUA en 1998. Il s’agit d’un effort visant à mettre en place un système « sui generis » de protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et de réglementation de l’accès aux ressources biologiques. Au niveau opérationnel cet effort s’est traduit par un processus de consultation régionale, sous-régionale et nationale des parties prenantes et de débats publics. La législation qui en a résulté a pour objectif d’accorder une attention raisonnée à la conservation de la biodiversité, à l’utilisation durable des ressources biologiques, à la préservation de la sécurité alimentaire, à la protection des droits communautaires (y compris ceux des agriculteurs et des sélectionneurs), et au partage équitable des avantages, ceci conformément aux dispositions de la CDB et au concept de souveraineté nationale. Elle est destinée à fournir aux Etats Membres de l’OUA un cadre pour la formulation de législations nationales qui reflètent les intérêts nationaux et soulignent la nécessité de protéger les obtentions végétales, telle que le stipule l’Accord de l’OMC sur les ADPIC. Le second volet des activités de l’OUA a pour but la coordination d’une Position africaine commune sur l’Accord sur les ADPIC en général, et le réexamen de son article 27.3(b) en particulier. L’accord avait implicitement stipulé un réexamen 5 ans après sa ratification. On sait pertinemment que la majeure partie des pays africains n’étaient pas des participants actifs aux négociations menant à l’accord final, même si, par la suite, ils ont été signataires de l’Accord sur les ADPIC. Une meilleure compréhension de l’accord et de ses contradictions évidentes avec les dispositions pertinentes de la CDB a montré ultérieurement la nécessité d’une position commune. En conséquence, l’initiative de l’OUA a fourni le cadre conceptuel et les preuves empiriques pour la formulation de la Position africaine commune, débattue à maintes reprises lors de :

La réunion du Conseil des ministres de l’OUA à Alger (juillet 1999)

La réunion des ministres du commerce africains à Alger (septembre 1999)

La réunion des ministres du commerce africains au Caire (septembre 2000). L’initiative de l’OUA, dans l’application de la Position africaine commune sur l’Accord sur les ADPIC et sur le réexamen de son article 27.3(b) a été reflétée lors de la communication du Gouvernement du Kenya, au nom de l’Afrique (1999), de la présentation de la SADC (Southern African Development Commission) à l’OMC, et des négociations en cours menées par les Missions permanentes africaines à Genève. L’objectif principal de l’initiative était « d’assurer l’évaluation, la conservation et l’utilisation durable des ressources biologiques, notamment des ressources phytogénétiques (agricoles), ainsi que des connaissances traditionnelles qui y sont associées, afin d’améliorer leur diversité comme moyen de soutenir « les systèmes entretenant la vie ». Cet objectif est formulé en tenant compte de la nécessité de :

Reconnaître, protéger et appuyer le droit inaliénable des communautés locales, notamment des communautés agricoles, sur leurs ressources biologiques, les variétés de cultures, les plantes médicinales, les connaissances, les technologies et les pratiques ;

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CHAPITRE 11

Reconnaître et protéger le droits des sélectionneurs sur les variétés qu’ils ont développées ;

Fournir un système mutuellement acceptable d’accès aux ressources biologiques, aux connaissances, technologies et pratiques communautaires, sans préjudice du consentement préalable en connaissance de cause de l’Etat et de la communauté locale concernée ;

Garantir et promouvoir la fourniture de semences et de plants de bonne qualité aux agriculteurs ; et

Veiller à ce que les ressources phytogénétiques soient utilisées de manière durable et équitable, afin d’assurer la sécurité alimentaire nationale.

La Loi-modèle de l’OUA a été élaborée avec des références spécifiques à la CDB et à l’article 27.3(b) de l’Accord sur les ADPIC. Elle ne prend pas en compte les diverses autres questions litigieuses de l’Accord sur les ADPIC. Elle n’est pas destinée à être une méga-loi, mais contient cependant des principes qui pourraient être appliqués dans la formulation de législations relatives à :

L’accès et le partage des avantages ;

Les législations sui generis sur la protection des obtentions végétales ;

La protection des connaissances traditionnelles et des droits des communautés locales, notamment des agriculteurs.

La Loi-modèle est singulière et particulière par d’autres aspects parce qu’elle prend en compte les questions suivantes dans une approche intégrée :

La sécurité alimentaire en termes d’accès aux plants et à l’alimentation en tous temps, en vue d’une vie saine et active ;

Le droit souverain et inaliénable des Etats sur leurs ressources biologiques, sur l’accès et le partage des avantages ;

Les droits communautaires tels que garantis par l’Etat ;

L’importance des connaissances, technologies, innovations et pratiques communautaires pour les systèmes entretenant la vie de l’humanité ;

La participation à la prise de décision et l’esprit du dialogue dans la gouvernance ;

La réglementation de l’accès aux ressources biologiques telle qu’inscrite dans la CDB ;

Le consentement préalable en connaissance de cause comme condition préalable essentielle pour l’accès ;

Le partage juste et équitable des avantages tel que requis par la CDB. La Loi-modèle est spécifique en ce qu’elle énonce et développe la Position commune africaine stipulant « Pas de brevet sur les formes de vie ». Elle reconnaît le rôle central des femmes dans la conservation de la diversité biologique, ainsi que l’égalité de genre dans la prise de décision.

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2. RELATIONS ENTRE LA LOI-MODELE DE L’OUA ET D’AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX La Loi-modèle de l’OUA peut être qualifiée de document éclectique. Elle a été développée en tenant dûment compte des meilleures pratiques implicites dans d’autres instruments internationaux, mais a été élaborée en gardant à l’esprit l’intérêt majeur de l’Afrique. Comme ceci a été mentionné plus haut, la Loi-modèle a été développée avec en toute connaissance de la CDB et dans l’esprit de sa philosophie et de son objectif général. Elle a donc mis l’accent sur les prescriptions de l’article 8j de la convention. Les artisans de la Loi-modèle étaient pleinement conscients du danger qu’il y avait à mettre en œuvre la plupart des instruments en tant qu’entités distinctes, isolées les unes des autres. En conséquence, bien que la Loi-modèle rejette le concept de protection par des brevets, elle accepte l’idée de protection à travers une option « sui generis ». Vous vous demanderez peut-être quelle est la différence ? Il serait bon d’y réfléchir de manière objective. La Loi-modèle est totalement en désaccord avec le brevetage des formes de vie, mais appuie les droits des sélectionneurs. Il y a des domaines de convergence entre l’Accord sur les ADPIC et la Loi-modèle de l’OUA, mais il y a également plusieurs points de désaccord. Le conflit apparemment irréconciliable entre l’Accord sur les ADPIC et la CDB est typique. La Loi-modèle de l’OUA a été élaborée en prévision de la conclusion et des résultats de l’Engagement international pour les ressources phytogénétiques et l’agriculture de la FAO. Elle intègre donc le concept de droits des agriculteurs qui était alors en cours de discussion et de négociation à la FAO. La Loi-modèle de l’OUA a des relations de renforcement mutuel avec l’Engagement international de la FAO. Elle préconise les droits des agriculteurs comme contrepoids aux droits des sélectionneurs. Les documents de l’UPOV sur la protection des variétés végétales ont été largement consultés dans la conception de la Loi-modèle de l’OUA. Il y a donc des relations substantielles dans les concepts, malgré des différences d’interprétation. Les antécédents historiques de l’évolution de la protection des variétés végétales au cours des différentes périodes, en Europe, avant le premier instrument juridique de 1960, ainsi que l’expérience acquise pour permettre ses deux amendements (1978 et 1991) ont été riches d’enseignements. Toutefois, la Loi-modèle diffère de tout autre instrument international qui ne garantit pas le droit des agriculteurs d’échanger les semences qu’ils ont conservées (un droit fondamental en Afrique). Il y a bien une relation reposant sur la notion de protection. Cependant la Loi-modèle se démarque dans son application de la notion de protection car elle ne se restreint pas à la protection et la rétribution exclusive des droits monopolistiques, mais elle prend également en considération les droits communautaires.

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CHAPITRE 11

3. ETAT ACTUEL DE LA MISE EN ŒUVRE Je suis conscient des progrès substantiels réalisés en Asie et en Amérique du sud, pour élaborer et promulguer des législations appropriées, en conformité avec la CDB et l’Accord sur les ADPIC. La plupart des pays de ces régions ont choisi l’option « sui generis » pour des raisons évidentes. Toutefois, en Afrique, avant l’adoption de la Loi-modèle par les Etats Membres de l’OUA, il y a eu très peu d’efforts dans la formulation de telles législations. L’initiative de l’OUA a été un facteur majeur dans la discussion en cours dans différents parlements nationaux, sur le développement d’instruments juridiques. Le développement de lois nationales reposant sur la Loi-modèle a toutefois été lent. L’idée d’une option « sui generis » a été bien perçue, mais l’adoption de la Loi-modèle a été lente. Une revue des pays africains qui sont en train d’élaborer des législations et d’adopter le cadre juridique type suggère un classement en quatre catégories :

Les pays qui ont plusieurs variantes de « sui generis », renfermant des éléments de la Loi-modèle et qui ont la capacité interne pour leur mise en œuvre. Ce groupe comprend l’Afrique du sud, l’Egypte, la Namibie et le Zimbabwe.

Les pays ayant des législations habilitantes en instance au parlement, par exemple le Kenya, l’Ouganda et le Nigeria.

Les pays d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale francophones (Membres de l’OAPI) qui, à travers la révision et la ratification de l’Accord de Bangui, ont adhéré au « sui generis » du type UPOV.

Les pays n’ayant pas de législation et qui envisagent seulement maintenant la possibilité de développer un système « sui generis » de protection, sur le modèle de la Loi-modèle de l’OUA ou d’autres formes de législation. La majorité des pays africains appartiennent à cette catégorie et sont en train d’envisager sérieusement le recours à la Loi-modèle. Ils subissent des pressions extérieures pour ne pas le faire.

4. PROBLEMES MAJEURS D’ADAPTATION AU DROIT NATIONAL Le concept et la pratique du « sui generis » comme forme de protection dans le nouvel ordre mondial des échanges et du commerce sont nouveaux pour la plupart des Etats africains. Il en résulte que le problème le plus important rencontré dans l’adaptation de la Loi-modèle de l’OUA à la conception et l’application de lois de protection nationales appropriées, est un problème de capacité, de compétences et d’expertise en matière d’élaboration de textes juridiques, ainsi que d’une pleine connaissance de ses implications dans le développement national et la coopération internationale. La plupart des pays ont eu des problèmes pour adapter divers articles de la Loi-modèle aux objectifs prioritaires nationaux et aux principes directeurs de politique et de développement. Il y a des problèmes de définition en matière d’équivalence de termes, de perception et d’interprétation communes des dispositions de la loi. Par exemple, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) est en train de travailler dur pour assurer une meilleure

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compréhension des connaissances traditionnelles et de la meilleure manière de les protéger. Les Etats nations ne sont pas bien informés de l’utilité de la protection des connaissances traditionnelles même si elles reconnaissent maintenant que leurs connaissances traditionnelles ont été détournées. Il y a des problèmes de champ d’application. Certains des arguments sont en faveur de méga-lois pour protéger toutes les composantes des connaissances traditionnelles – allant des variétés végétales et des ressources biologiques aux droits des communautés locales et aux connaissances traditionnelles. D’autres proposent le développement de législations distinctes pour des composantes spécifiques auxquelles des législations « sui generis » sont applicables. Il y a des contraintes en matière de capacité d’exécution (compétences professionnelles / techniques et financement), de clairvoyance du public, de plaidoyer et de participation de la société civile. Il y a également plusieurs contraintes tangibles qui entravent un débat objectif sur la Loi-modèle de l’OUA comme facteur important dans le développement national.

5. SOLUTIONS SUGGEREES POUR ATTENUER LES CONTRAINTES La Loi-modèle de l’OUA comme forme de système « sui generis » de protection peut être efficace si elle est adaptée de manière adéquate au temps et à l’espace spécifique de l’objet à protéger, ainsi qu’à l’environnement socio-économique dans lequel elle doit être mise en application. Mais les contraintes les plus importantes rencontrées actuellement ont trait peut-être à la prise de conscience et à la connaissance de la loi. Le problème de renforcement des capacités peut être atténué à travers la formation spécialisée, l’instauration de la confiance et le dialogue avec les parties prenantes pertinentes. Une planification soigneuse et un travail de plaidoyer considérable sont nécessaires pour expliquer l’essence de la Loi-modèle, non seulement aux législateurs, aux décideurs et aux fonctionnaires, mais aussi aux membres des associations de la société civile, des ONG et au public en général. Les gouvernements nationaux et la communauté internationale devraient apprendre à être plus participatifs, plus patients sur le plan stratégique et plus démocratiques dans leur processus de prise de décision. Ils devraient garantir que ceux qui sont les plus susceptibles d’être affectés par ces impératifs législatifs, non seulement, comprennent les questions en jeu, mais encore aient effectivement voix au chapitre et participent au processus de décision. Il faut une discussion plus large de la loi type aux niveaux national, sous-régional et régional, sur le continent, pour susciter une réaction et gagner l’appui de l’Afrique. Enfin, il faut des études de commission pour mieux comprendre les contraintes à l’application de la Loi-modèle de l’OUA au niveau national, afin de permettre des propositions de solutions plus objectives.

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CHAPITRE 11

6. COMMENT PROMOUVOIR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI-MODELE DE L’OUA C’est un euphémisme de dire que la majeure partie des Africains n’ont pas connaissance de la Loi-modèle de l’OUA. Il va de soi que la promotion de la loi est nécessaire comme condition préalable pour son adaptation et son application effective. La faible connaissance de l’existence de la Loi-modèle est accentuée davantage par le fait que la plupart des Africains ne sont même pas conscients des raisons pour lesquelles elle a été élaborée. Parmi les scientifiques, les fonctionnaires (qui ne sont pas directement engagés dans les négociations) et le grand public il y a une mauvaise connaissance de la protection par les brevets, de l’Accord sur les ADPIC, de l’Agenda 21, de la Convention sur la diversité biologique, du Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques, et de l’Engagement international pour les ressources phytogénétiques de la FAO. En conséquence, il n’y a ni l’envie, ni la motivation de se procurer, de lire et de comprendre la Loi-modèle de l’OUA. Il est donc nécessaire de développer des méthodes novatrices pour promouvoir la loi et diffuser l’information qu’elle renferme. Dans le cadre de cette discussion, je propose les éléments suivants :

La production de masse et la dissémination, gratuite, d’un nombre considérable d’exemplaires de la Loi-modèle, dans tous les pays africains. La seconde édition, de décembre 2001, est actuellement disponible en anglais et en français.

Le document peut également être diffusé sur le site web des organisations et institutions intéressées, afin que les personnes concernées y aient accès et soient en mesure de le télécharger. J’ai appris qu’une version antérieure est en fait sur l’Internet. Je propose que la seconde édition de décembre 2001 remplace les versions antérieures.

Il faudrait organiser des ateliers spéciaux, des conférences et des séminaires de sensibilisation sur la protection des ressources biologiques et des connaissances traditionnelles à l’intention des parties prenantes, en se servant de la Loi-modèle de l’OUA comme moyen d’échange d’information et de dialogue.

Il faudrait utiliser d’autres formes de communication de masse et de méthodes de plaidoyer pour faire connaître et promouvoir la Loi-modèle, par exemple des articles de fond et des débats dans les journaux nationaux, à la radio, à la télévision.

Dans ces efforts, les gouvernements nationaux devraient ouvrir la voie, avec comme appui les activités de la société civile, des ONG et des organisations internationales. Permettez-moi de souligner la contribution de l’ICTSD (International Centre for Trade and Sustainable Development) pour avoir fait la promotion de la Loi-modèle de l’OUA avec vigueur au cours des trois dernières années Je salue leurs efforts et leur engagement.

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CONCLUSION La conclusion des négociations du Cycle d’Uruguay (GATT) et l’établissement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont créé un nouvel ordre dans les relations commerciales et le commerce au niveau international. L’Accord sur les ADPIC a prescrit un nouvel ensemble de règles minimales auxquelles tous les Etats Membres doivent adhérer. Un de ces règles, inscrite dans l’article 23.7(b) de l’Accord sur les ADPIC stipule que les obtentions végétales, les micro-organismes, ainsi que leurs produits et procédés devraient être protégés par des brevets, un système « sui generis », ou une combinaison des deux. Du fait qu’il est litigieux, cet article devait être réexaminé 5 ans et 10 ans après la ratification de l’Accord sur les ADPIC (2000 pour les pays en développement et 2005 pour les pays les moins avancés). Depuis sa ratification, l’Accord sur les ADPIC a été source de controverses – particulièrement en raison de ses prescriptions en matière de droits de propriété intellectuelle. Le processus de réexamen lui-même a fait l’objet de diverses interprétations. Les pays africains, à travers leurs Missions commerciales à Genève, ont avancé, pour le processus de réexamen, des propositions concrètes, sous le nom de « Position africaine commune ». Cette position a été fortement étayée par des idées contenues dans la Loi-modèle. En adoptant la Loi-modèle et en la recommandant comme cadre pour l’élaboration d’une législation compatible avec l’Accord sur les ADPIC au niveau national, les gouvernements africains soutenaient que : 1. Le concept de droits de propriété intellectuelle tel qu’exprimé dans l’Accord sur les

ADPIC est étranger à la perception de la propriété et des droits en Afrique. Il n’est donc pas approprié pour la protection des droits communautaires, des connaissances traditionnelles, de la technologie, des innovations et des pratiques dans le contexte « culturel » africain.

2. L’Afrique est attachée aux concepts de base et aux principes fondamentaux de la CDB, au

droit inaliénable de la communauté locale, au sein de la structure étatique, d’assumer la propriété de ses ressources biologique et d’en réglementer l’accès. L’Accord sur les ADPIC ne reconnaît pas les droits communautaires.

3. Il n’y a ni preuves empiriques, ni expérience pratique que le régime de brevets prescrit

améliorera, en fait, le bien-être économique et allègera la pauvreté en Afrique. 4. L’Afrique craint que la prescription de la protection par des brevets ne lèse les petits

agriculteurs, n’aggrave la situation de la sécurité alimentaire et n’accroisse la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’aide alimentaire et des marchés extérieurs. Ceci en raison de la restriction imposée au libre échange de semences et d’autres plants conservés par les agriculteurs, à travers la propriété monopolistique (l’exclusion) que la protection confère au titulaire du brevet.

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CHAPITRE 11

5. Le fardeau de la dette du continent sera exacerbé à travers le paiement de redevances au Nord, qui détient plus de 90% des brevets sur les intrants agricoles améliorés, y compris les semences et d’autres ressources biologiques reposant sur des innovations.

6. La question en jeu pour le continent est l’appropriation des connaissances, des

innovations, des technologies et des pratiques des communautés locales et de la biodiversité qui y est associée, sans partage équitable des avantages et sans prise en compte de leur utilisation durable.

L’Afrique a donc réagi en élaborant un système de protection alternatif (un système « sui generis ») pour garantir sur le plan juridique les droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs. C’est essentiellement à cette fin que la Loi-modèle de l’OUA a été formulée. Le Groupe Africain à Genève a fait une série de suggestions pour l’agenda du réexamen, la plus significative pour cette discussion étant « Pas de brevet sur les formes de vie ». La position du Groupe Africain n’est pas sans mérite. Elle s’est heurtée à l’opposition sérieuse des entreprises multinationales privilégiées qui, à travers leurs gouvernements, sont en train de faire pression sur les pays en développement afin qu’ils acceptent la position inadmissible selon laquelle tout, de la découverte à l’innovation, est brevetable. A mon sens, si les pays africains mettent en avant des preuves empiriques des effets de la « forme classique de brevets » sur leurs économies fragiles, ils seront en mesure de convaincre leurs partenaires au développement d’accepter la majeure partie de leur position.

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CONCLUSION

Conclusion La question des droits de propriété intellectuelle a été prise en compte dès le début des indépendances dans la plupart des pays d’Afrique francophones par les lois françaises notamment par l’Institut National Français de la Propriété Industrielle (INPI) dans le cadre de l’Union Française. La création d’offices nationaux de propriété industrielle dans ces pays respectifs trouve son fondement juridique dans l’article 19 de la convention de Paris qui dispose que les pays parties se réservent le droit de conclure séparément entre eux, des arrangements particuliers pour la protection de la propriété industrielle, tant que ces arrangements ne contreviennent pas aux dispositions de la dite convention. La création, le 13 septembre 1962 de l’Office africain et malgache de la propriété intellectuelle (OAMPI) par 12 pays francophones pouvait déjà apparaître comme la traduction en acte de la volonté des nouveaux Etats africains d’inscrire l’objectif de maîtrise des questions liées aux droits de propriété intellectuelle au centre de leurs préoccupations. Pourtant, à l’heure où les droits de propriété intellectuelle sont désormais logés au centre de grands enjeux commerciaux et de développement, ces acquis historiques de l’Afrique ne semblent pas permettre au continent de mesurer la portée et les implications présentes et futures des DPI sur son développement économique et social. Le faible intérêt accordé par les autorités publiques africaines à la question de la propriété intellectuelle dans les débats nationaux peut se mesurer à l’aune, d’une part du faible potentiel d’innovation et d’invention du continent, et d’autre part de sa marginalisation dans les transactions mondiales, bien qu’il dispose d’importantes ressources naturelles, et de savoirs traditionnels innombrables. S’il en est ainsi, c’est aussi à cause du fait que la propriété intellectuelle est restée jusqu’à une période relativement récente l’affaire de techniciens et des administrations, sans qu’un débat ouvert n’ait été engagé entre tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux concernés par la définition des droits de propriété intellectuelle et la protection de leurs propres innovations et connaissances. Les défenseurs de l’Accord sur les ADPIC pensent que le niveau de protection minimum conféré par l’accord favorise l’innovation et le transfert technologique tout en accordant une série de « flexibilités » aux pays africains, en particulier en matière d’accès aux médicaments essentiels. En effet, en reconnaissant que « l’accord n’empêche pas et ne devrait pas empêcher les membres de prendre des mesures pour sauvegarder la santé publique », l’Accord sur les ADPIC introduit une souplesse qui inclut la possibilité d’accorder des licences obligatoires ainsi que la liberté d’en déterminer les motifs ; de recourir aux importations parallèles et de différer le délai de mise en œuvre et d’application de ces accords de 2006 au 1er janvier 2016, pour les PMA. Cependant, dans la pratique la plupart des pays africains se verront opposer des restrictions dans la jouissance de ces « avantages » par l’Accord de Bangui révisé, auquel 16 pays dont 11 PMA sont parties, qui les expose à des obligations plus strictes et plus contraignantes que celles prévues dans l’Accord sur les ADPIC de l’OMC. C’est pourquoi, ayant acquis une claire conscience du fait que la mise en œuvre de l’Accord de Bangui révisé dessert les intérêts des pays concernés et de leurs populations, en rendant

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fugaces les avancées obtenues à l’arrachée à Doha, les organisations de la société civile africaine s’interrogent sur les marges de manœuvre dont disposent désormais les pays africains membres de l’OAPI pour accéder aux médicaments lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes graves de santé publique et au-delà, pour la protection de leurs ressources biologiques. Cela étant, la société civile pense qu’il faut procéder à une nouvelle révision de l’Accord de Bangui pour que le texte n’accorde plus la priorité aux détenteurs de droits, mais protège surtout les droits des populations et des producteurs africains. L’Accord sur les ADPIC lui-même est considéré par beaucoup de gouvernements et d’organisations de la société civile comme l’un des accords de l’OMC les plus controversés et le plus dangereux pour les pays en développement, et ce malgré les « flexibilités » évoquées plus haut. Il apparaît comme un instrument au service des intérêts des compagnies multinationales. Vues d’Afrique, la plupart de ses dispositions sont des moyens de protectionnisme servant à perpétuer les monopoles sur la technologie, les semences, les gènes et les médicaments, et vont à l’encontre du principe de libre circulation des idées et des connaissances, mais aussi des droits économiques et sociaux et du droit au développement. De plus, la transposition du système occidental de protection juridique de la propriété intellectuelle au reste du monde a soulevé en Afrique une série de problèmes éthiques, sociaux et culturels dans la mesure où de larges secteurs de la réalité africaine sont encore régis par des modes traditionnels et communautaires de gestion et d’exploitation des ressources biologiques. Dès lors, l’enjeu pour le continent est de s’opposer à tout ce qui peut freiner la consolidation d’une dynamique technologique endogène et qui favorise le piratage, tout en développant un système qui répond aux préoccupations des populations, en refusant la perte de contrôle sur les connaissances traditionnelles et de la maîtrise de leurs ressources bio-génétiques. L’enjeu est aussi de refuser le piratage et de rendre obligatoire le partage des avantages découlant de l’exploitation des ressources locales par les sociétés étrangères détentrices de brevets. Dans le fond, en s’appuyant sur les notions d’innovation, d’incitation à la création et de coûts et avantages, l’Accord sur les ADPIC promeut une certaine vision du développement économique et social qui est celle de l’occident. Ces notions suscitent cependant une série de questionnements :

L’Accord sur les ADPIC repose sur un concept d'innovation uniquement. Il ne reconnaît pas, et promeut encore moins, les procédés et capacités innovatrices qui font la richesse de certaines communautés en Afrique. C’est le cas en particulier des systèmes locaux de gestion et de développement de la biodiversité, auxquels aussi bien la recherche mondiale que les ressources vivrières locales sont intimement liés.

L’Accord sur les ADPIC encourage la consommation passive de technologies étrangères en Afrique, au bénéfice quasi exclusif des entreprises transnationales, qui disposent de l’essentiel des capacités de recherches et des capacités industrielles, agroalimentaires et pharmaceutiques dans le monde. Appliqués à la biodiversité, domaine où le continent est bien pourvu, des systèmes monopolistiques comme les DPI bénéficieront à très peu d'acteurs aux dépends de beaucoup d'autres.

Etant donné les rapports de forces actuels et les préjugées fortement enracinées dans le système des DPI, il est tout simplement incorrect de supposer que le Sud aura plus à

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CONCLUSION

gagner des systèmes forts de protection intellectuelle sous le régime des ADPIC qu'il n'aura à perdre.

Les firmes multinationales, et les pays dont ils sont originaires, tentent, à travers un régime de protection des droits de propriété intellectuelle élaboré sur mesure, de garantir l’accès aux ressources bio-génétiques, de garder les bénéfices de la recherche, et de se constituer des rentes le plus longtemps possible, tout en faisant croire que ce système est dans l’ordre naturel des choses.

A cela vient s’ajouter le contrôle de l’élaboration des normes de production et de consommation. Combinée avec la maîtrise des droits de propriété intellectuelle, ce n’est ni plus ni moins le contrôle, à l’échelle de la planète, de l’essentiel du savoir, des modes de consommation et de production, des marchés, et des ressources naturelles qui est recherché.

C’est en doutant de la capacité de l’Accord sur les ADPIC à prendre en compte équitablement les intérêts actuels et futurs des pays africains en matière de droits de propriété intellectuelle, et en reconnaissant les faibles moyens dont disposent ces Etats pour faire valoir leurs positions sur un sujet aussi crucial, que les organisations de la société civile africaine ont pris la mesure de leur rôle de vigilance et d’alerte. En Afrique de l’Ouest et du Centre, cette prise de conscience s’est traduite par l’engagement des acteurs de la société civile dans les processus en cours pour créer et promouvoir, d’une part, des espaces de rencontre et de dialogue entre tous les acteurs - gouvernementaux, non gouvernementaux, syndicats, universitaires et chercheurs – impliqués dans les négociations sur les droits de propriété intellectuelle, et d’autre part de favoriser la participation de la société civile dans la formulation des positions nationales en développant leurs capacités de recherche et d’analyse. Le dialogue régional de Dakar, dont les actes d’une très grande richesse constituent cet ouvrage conjoint, fait partie des actions menées dans ce sens. Taoufik Ben Abdallah (Tunisie) ENDA Tiers Monde, Dakar, Sénégal

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NOTES

NOTES CHAPITRE 1 1 Lorsque le titulaire d’un droit de propriété (par exemple, un brevet) préfère ne pas commercialiser lui-même le produit protégé, il peut vendre ce droit ou signer un contrat de licence avec une autre société qui se chargera de la commercialisation du produit. Plus le potentiel commercial de l’innovation brevetée est grand, plus la licence coûtera cher à moins que le titulaire du brevet soit un organisme gouvernemental. Ce genre d’accord juridique est notamment répandu dans le domaine des logiciels. Etant donné que les logiciels peuvent être facilement copiés et vendus par d’autres, les sociétés qui les fabriquent préfèrent conclure des contrats de licence avec des tiers. Ces tiers peuvent utiliser et modifier ces logiciels mais la propriété initiale continue d’être détenue par le producteur original. 2 Voir l’article de GRAIN (juillet 2002): “ WIPO moves toward ‘world’ patent system ”, www.grain.org 3 Ce traité harmonise les règles et procédures que les bureaux nationaux des brevets doivent suivre pour délivrer des brevets (comment préparer, classer et gérer les brevets dans les pays signataires). Il n’est pas encore entré en vigueur car les 40 ratifications nécessaires n’ont pas été atteintes. 4 L’OMPI instituée en 1967 par la Convention de Paris, a une fonction administrative (gestion des différentes conventions relatives à la propriété intellectuelle, etc.) et une fonction politique (incitation à promouvoir la protection internationale de la propriété intellectuelle). C’est à ce titre que l’OMPI participe activement aux travaux sur la question de la biodiversité. Depuis octobre 2000, un comité intergouvernemental, chargé d’examiner les questions de droits de propriété intellectuelle relatives aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, s’est constitué. A travers ce comité, l’OMPI a ainsi pris en charge la réflexion sur les modèles sui generis et l’élaboration d’instruments de protection des savoirs traditionnels en anticipant sur les travaux de la Convention sur la Biodiversité. 5 Littéralement, il s’agit d’un système “ de sa propre nature ”, adapté à un domaine et à un contexte particulier. 6 Ces termes sont définis comme suit : - Distinction : la variété doit se distinguer des variétés de la même espèce notoirement connues - Homogénéité : elle ne doit pas donner lieu à des variations secondaires - Stabilité : elle doit se maintenir à chaque cycle de reproduction - Nouveauté : elle ne doit pas avoir été commercialisée sur le territoire de la demande 7 Voir UPOV : http://www.upov.org/eng/ratif/index.htm 8 La diversité biologique agricole résulte d’interactions entre l’environnement, les ressources génétiques et les pratiques traditionnelles de sélection. 9 Voir ABASS, 2002 10 Voir IRAM, 2001 11 Ibid. 12 Voir ABASS, 2002 13 Les pays membres de l’OAPI sont au nombre de 16 : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée, Guinée équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Les pays avant ratifié l’accord révisé sont le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal, le Tchad et le Togo. 14 Voir GRAIN, 1999 15 Ibid.

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16 Voir les communications sur l’examen des dispositions de l’article 27.3 (b) soumises par le Groupe Africain au Conseil des ADPIC (IP/C/W/163, IP/C/W/206) ou au Conseil général (WT/GC/W/302). 17 Cet article concerne les utilisations de l’objet d’un brevet sans l’autorisation du détenteur du droit. D’après cet article, un Membre pourra utiliser un produit breveté sans autorisation “ en cas d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence ”. 18 Voir les communications de la Norvège (référence du document IP/C/W/293), du Japon (IP/C/W/236) et du Brésil (IP/C/W/228). 19 Voir “ WTO members divided over geographical indications ”, Bridges, Vol. 6, n° 25, 3 juillet 2002 : http://www.ictsd.org/weekly/02-07-03/story5.htm ; Pour plus d’informations sur les positions défendues à l’OMC sur ce sujet, voir également le document “Geographical indications : a review of proposals at TRIPs Council”, Rangnekar, D., Draft document, UNCTAD/ICTSD capacity building project on intellectual property rights and sustainable development, juin 2002. Ce document est disponible sur le site de l’ICTSD : http://www.ictsd.org/unctad-ictsd/docs/GI%20paper.pdf 20 Etant donné que les lignes directrices ne sont pour le moment non contraignantes, la négociation bilatérale reste privilégiée.

CHAPITRE 2 1 Voir BRAGDON & DOWNES, 1998 2 ibid. 3 Source, matériel inédit de Cary FOWLER, 2002 4 Voir KOTHARI & ANURADHA, 1999 5 Il convient de noter l’exclusion de certaines catégories de ressources génétiques, à savoir celles qui ont été collectées préalablement à l’entrée en vigueur de la Convention. 6 Voir KOTHARI & ANURADHA, 1999 7 ibid. 8 Les Membres conservent, toutefois, le pouvoir d’ « exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation. » La portée de ce pouvoir, et le sens de termes tels que « moralité » ne sont toutefois pas définis. 9 Voir BRAGDON & DOWNES, 1998 10 notamment des réunions en Afrique (février 1999) et en Asie (mars 1999), organisées par l’UPOV, l’OMC et d’autres agences, 11 Voir KOTHARI & ANURADHA, 1999 12 Voir BRAGDON & DOWNES, 1998 13 Voir NNADOZIE, 2002 14 Voir BRAGDON & DOWNES, 1998

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NOTES

CHAPITRE 4 1 document coté sous JOB(01)/155 du 27 octobre 2001 2 Pour plus de détails, voir le texte de la Déclaration en Annexe 1 3 N° IP / C /W 51 du 24 juin 2002 4 N° IP / C / W 352 du 24 juin 2002 5 N° IP / C / W 340 du 14 mars 2002 6 N° IP / C / W 355 du 24 juin 2002 7 N° IP / C / W 354 du 24 juin 2002 8 N° IP / C / W 363 du 11 juillet 2002 9 voir infra, III Partie 10 Document publié sous la cote JOB (02) / 57 / Rev.1 du 27 juin 2002 11 N° IP / C / W 359 du 28 juin 2002 12 N° IP / C / W du 24 mai 2002 13 N° IP / C / W du 24 mai 2002 14 document publié sous la cote IP / C / W / 363 / Add.1 du 23 juillet 2002

CHAPITRE 6 1 Actuellement, les seize Etats membres de l’OAPI sont les suivants : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Congo (Brazzaville), la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée (Conakry), la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. 2 Les principaux principes régissant le régime régional de protection sont : l’adoption d’une législation uniforme, la création d’un office commun et la centralisation des procédures.

Ainsi, le premier paragraphe de l’article second de l’Accord de Bangui révisé note que l’OAPI est chargée « de mettre en œuvre et d’appliquer les procédures administratives communes découlant d’un régime uniforme de protection de la propriété industrielle ainsi que des stipulations des conventions internationales en ce domaine auxquelles les Etats membres de l’organisation ( Ci-après dénommés « les Etats membres ») ont adhéré et de rendre les services en rapport avec la propriété industrielle ». 3 Pour plus de détails sur cet Accord, voir TANKOANO, 1994, pp.428-470 et C. CORREA, 1998. 4 L’Accord de Bangui révisé et ses dix annexes constituent le code de la propriété intellectuelle des Etats membres de l’OAPI réglementant : les brevets d’invention ( annexe I), les modèles d’utilité ( annexe II), les marques de produits ou de service ( annexe III), les dessins et modèles industriels ( annexe IV), les noms commerciaux (annexe V), les indications géographiques ( annexe VI), la propriété littéraire et artistique ( annexe VII), la protection contre la concurrence déloyale ( annexe VIII), les schémas de configuration (topographie) des circuits intégrés (annexe IX) et la protection des obtentions végétales (annexe X). 5 Voir R. KIMINOU, 2001, pp.18-39. 6 Voir A. TANKOANO, 2001 7 Premier paragraphe de l’article 8 de l’Accord de Bangui révisé (ABR).

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8 Voir dans ce sens, J. SCHMIDT-SZALEWSKI et J.-L. PIERRE, 2001, pp. 76-77. 9 S’agissant de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle, l’article 6 de l’Accord sur les ADPIC dispose:

« Aux fins du règlement des différends dans le cadre du présent accord, sous réserve des dispositions des articles 3 et 4, aucune disposition du présent accord ne sera utilisée pour traiter la question de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle ». 10 Cf. le paragraphe 5 de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée le 14 novembre 2001 par la quatrième conférence ministérielle tenue à Doha (WT/MIN(01)/DEC/W/2). 11 Voir B. BOVAL, 1996, p.140. 12 Voir Les enjeux de la propriété intellectuelle pour les Pays en développement francophones au regard de l’agenda de Doha, rédigé par le Centre international pour le commerce et le développement durable (ICTSD) présenté au Séminaire sur les enjeux du programme de travail adopté à la IVème conférence de l’OMC (Doha) et les priorités d’action pour la francophonie, Mai 2002, p.16. 13 Voir G. VELASQUEZ, 2000, pp. 37-44. 14 Voir dans cette direction, D. CARREAU et P. JUILLARD, 1998, pp. 167-168. 15 Paragraphe premier de l’article 8 de l’Accord de Bangui révisé. 16 Voir dans ce sens, C. M. CORREA, « Développements récents dans le domaine des brevets pharmaceutiques : mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC », Revue internationale de droit économique, Tome XIV, n°1, 2000, p.28. 17 Par exemple, le fait de ne pas obtenir l’autorisation administrative pour la mise sur le marché (AMM) du produit breveté peut constituer une excuse légitime. 18 Voir dans ce sens, F. POLLAUD-DULIAN, 1999, p.243. 19 Voir l’article 46 de l’annexe I de l’OAPI relatif aux brevets d’invention. 20 Voir dans ce sens, l’article 31 L) de l’Accord sur les ADPIC. 21 Voir l’article 50 de l’annexe I de l’OAPI relatif aux brevets d’invention. 22 Voir le paragraphe premier et suivants de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée le 14 novembre 2001 par la quatrième conférence ministérielle tenue à Doha (WT/MIN(01)/DEC/W/2). 23 Voir le premier alinéa de l’article 1 de l’Accord sur les ADPIC. 24 L’article 7 de l’accord sur les ADPIC dispose que « la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l’innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l’avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d’une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d’obligations ». 25 S’agissant des principes, l’article 8 dispose que :

«1. Les membres pourront, lorsqu’ils élaborent ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l’intérêt public dans des secteurs d’une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord.

2. Des mesures appropriées, à condition qu’elles soient compatibles avec les dispositions du présent accord, pourront être nécessaires afin d’éviter l’usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie». 26 Voir dans cette direction, T. KONGOLO, 2001, p. 621 et suiv.

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NOTES

27 En effet, selon l’article 31k) de l’Accord sur les ADPIC, les membres de l’OMC « ne sont pas tenus d’appliquer les conditions énoncées aux alinéas b) et f) dans les cas où une telle utilisation est permise pour remédier à une pratique jugée anticoncurrentielle à l’issue d’une procédure judiciaire ou administrative ». 28 Voir dans cette optique, F.M. ABBOTT, 2002, p.25 et suiv. 29 Cette disposition de l’Accord sur les ADPIC prescrit que « dans les cas où un produit fait l’objet d’une demande de brevet dans un membre conformément au paragraphe 8 a), des droits exclusifs de commercialisation seront accordés, nonobstant les dispositions de la Partie VI, pour une période de cinq ans après l’obtention de l’approbation de la commercialisation dans ce membre ou jusqu’à ce qu’un brevet de produit soit accordé ou refusé dans ce membre, la période la plus courte étant retenue, à condition que, à la suite de l’entré en vigueur de l’Accord sur l’OMC, une demande de brevet ait été déposée et un brevet ait été délivré pour ce produit dans un autre membre et qu’une approbation de commercialisation ait été obtenue dans cet autre membre ».

CHAPITRE 7 1 Le ramassage des pailles ou le dessouchage des nouveaux champs est exécuté à l’approche de l’hivernage. Lors du dessouchage, les paysans laissent dans leurs champs certains arbres utilitaires comme le « karité » (Vitellaria paradoxa), le Balanzan (Acacia albida), le Baobab (Adansonia digitata) et le « néré » (Parkia bigloboza ). Seuls les arbustes sont coupés au ras du sol. Même avec le développement de la culture attelée, les pieds de balanzans, de karités sont laissés sur place. L’agriculteur arrive à s’accommoder de la présence de ces arbres. Très tôt, on a pu mettre en évidence le rôle fertilisant des balanzans. Pour le karité, le baobab et le néré, leur rôle dans l’alimentation humaine était établi depuis fort longtemps. Mais à l’instar des balanzans, leur rôle sur les facteurs pédo-climatiques et les rendements des cultures n’a pas été étudié. 2 Fermes d’Etat, fermes semencières, Centres de multiplication de semences. 3 Voir FAO, 1991 4 Voir SERAGELDIN, 1998

CHAPITRE 8

1 Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, de la République Centrafricaine, de la Guinée, de la Guinée Bissau, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad et du Togo, soit les deux tiers des pays membres de l’OAPI. 2 Voir EKPERE, 2000

CHAPITRE 9 1 Voir NZEKOUE, 2000 2 Ibid. 3 nouveauté, activité intensive et application industrielle 4 http://www.envirodev.org/index.htm 5 Voir Envirodev , « biopiraterie et droits » 6 faiblesse voir absence de l’équipement, faible utilisation des intrants,…

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7 Voir CISSE, 2000 8 Voir ce qui est fait pour les cultures de rentes telles que le coton. 9 Voir NZEKOUE, 2000

CHAPITRE 10 1 L’article 27 de l’ADPIC prévoit l’applicabilité du système de brevet pour protéger les inventions, que ce soit un produit ou un procédé, dans tous les domaines de la technologie ; étend la protection par brevet aux micro-organismes et aux processus non-biologiques, prévoit la possibilité de protéger les végétaux par le brevet ou par un système sui generis efficace ou par une combinaison des deux moyens. 2 Voir S. MALJEAN-DUBOIS, 2000, p. 955. 3 Ces derniers détiendraient environ 80% des brevets accordés dans les PED, d’après R. WYNBERG, « Privatisation des moyens de survie : la commercialisation de la biodiversité de l’Afrique », Commerce Mondiale et Biodiversité en Conflit, no. 5, mars 2000, p. 4.,URL : www.grain.org/fr/publications/num5-fr-p.htm 4 Le terme de rémunération des innovations est utilisé ici dans un sens quelque peu restrictif dans la mesure où il est fait référence uniquement aux innovations découlant de la technologie moderne, et ne concerne pas les innovations de type traditionnel, ce qui est l’acception qui en est faite par l’Accord sur les ADPIC. 5 La conservation de la biodiversité concerne bien sûr directement ou indirectement l’ensemble de la communauté mondiale. Toutefois, dans le contexte restreint de cette communication et pour des raisons de commodité on présume que les Etats détenteurs des ressources génétiques sont plus intéressés par cette question, puisqu’ils sont reconnus souverains sur leur biodiversité. 6 Voir UNCTAD/ICTSD, “Intellectual property Rights and Development”- Policy Discussion Paper, p.12, §29. 7 Ibidem, §30. 8 Voir F.-D. VIVIEN, 1996, p. 37. Selon cet auteur en effet, le développement des biotechnologies renforce la puissance du monde industriel en creusant l’écart technologique avec les pays non industrialisés . 9 Voir C. OH, “Article 27.3(b) of the TRIPS Agreement : Review Options for the South” , Third World Network, Discussion paper, 1999. 10 Ceci peut impliquer le brevetage des ligne cellulaires, des gènes et de génomes dérivés d’organismes naturels dont celui de l’Homme. L’exemple de la collection de lignes cellulaires des peuples indigènes collectées sous le projet Human Genome Diversity Project pour être commercialisées par une firme américaine en violation des droits humains des individus concernés, voir : M.W. HO et T. TRAAVIK, 1999. 11 Voir G. DUTFIELD, « Indeginous people, bioprospecting and TRIPS Agreement : threats and opportunities » , disponible sur le site : http://acts.or.ke, cité par A. ABASS, « La position des pays africains sur la brevetabilité du vivant », in S. MALJEAN_DUBOIS (Ed.), « L’outil économique en droit international et européen de l’environnement », La Documentation française, 2002, p 314. 12 Voir J. MUGABE, 1998, p.8. URL : http://acts.or.ke 13 Voir D.-F. VIVIEN, 1996, p.61. 14 Article 15, para. 2 de la CDB. 15 Selon V. SHIVA, pour qui : les DPI sont des instruments de piraterie à trois niveaux : piraterie des ressources naturelles, piraterie culturelle et intellectuelle et piraterie économique du fait de la destruction des économies locales et nationales en s’impliquant et en prenant la place sur les marchés des petits producteurs, cité in: « Accès aux ressources et rémunération des savoirs » URL :

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NOTES

www.envirodev.org/DPI/acteurstrat/savoirtrad.htm, p.2 ; Dans le même sens le Professeur J. EKPERE considère que les systèmes de DPI existants encouragent la biopiraterie et constituent de ce fait un processus de double vol, en permettant de voler la créativité, les innovations les technologies et les pratiques des communautés locales d’une part ; et en les privant de bénéfices économiques essentiels pour leurs survie, (la traduction est de nous), in J. A. EKPERE, « TRIPs, Biodiversity and Traditional Knowledge : OAU Model Law on Community Rights ans Access to Genetic Ressources », disussion paper presented at the ICTSD Multi-stakeholder dialogue on Trade, Environment and Sustainable Development, Libreville, July 13-14, 2000, p. 3. 16 voir : « Les effets des accords ADPIC sur l’environnement en Afrique », in : ‘Enjeux du débat pour les pays africains’, URL : www.envirodev.org/DPI/acteurstrat/enjeuafrik.htm , disponible au 21/06/2002. 17 D.-F. VIVIEN, 1996, p27. D’abord parce que les OGM/OVM peuvent avoir des effets nocifs à long terme sur la vie, animale, végétale ou humaine, et donc sur la conservation. Ces effets peuvent être consécutifs aux facteurs suivants : les gènes ainsi que les produits génétiques introduits peuvent être nocifs en eux-mêmes ; ils peuvent avoir des effets non-intentionnels inhérents à la technologie génétique ; les interactions entre les gènes extérieurs et les gènes hôtes peuvent aussi être à l’origine d’effets nocifs ; et enfin, les risques découlant de la dispersion de gènes introduits par voie de pollinisation ordinaire croisée ainsi que par un transfert horizontal de gènes, Voir : ISS, « Information on the Hazards of Genetic Engineering Biotechnology, World Scientists' Statement Supplementary », Institute of Science in Society at : http://www.i-sis.dircon.co.uk/ 18 Article 8(g) de la CDB. 19 Définition de l’anthropologue M. JOHNSON, cité par DUTFIELD, « TRIPS related… », op. cit., p.240. La traduction est notre. 20 Voir, J.A. EKPERE, op. cit., p. 9. 21 Ibid. 22 « Les effets des accords ADPIC sur l’environnement en Afrique », in: ‘Enjeux du débat pour les pays africains’, URL : www.envirodev.org/DPI/acteurstrat/enjeuafrik.htm, p.5 ; Voir R. WYNBERG, op. cit. 23 Article 8(J) de la CDB. 24 C. M CORREA, 2001, p. 6. 25 Ibid., pp. 5-8. 26 Articles 3 et 15 de la CDB. 27 Article 15, para. 5 de la CDB. 28 Préambule de l’Accord sur les ADPIC. 29 Article 27, para.1 de l’Accord sur les ADPIC. 30 Voir A. ABASS, op. cit., p. 326. 31 Voir THIRD WORLD NETWORK, “Intellectual property rights, TRIPS Agreement and the CBD”, ‘TWN Statement to the 2nd meeting of the Panel of Experts on Access and Benefit Sharing’, Montreal, 19-22 March 2001. 32 Article 15, para.6 et article 19, para. 1 de la CDB. 33 Article 19, para. 7. 34 Notamment celles de l’article 16 prévoyant la possibilité d’un transfert préférentiel de technologies en faveur des PED. 35 Voir L. TUBIANO (Ed.), 2000, p.169.

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36 Report of the Commission on Genetic Resources for Food and Agriculture, U.N. FAO, 6th Extraordinary Sess., Annex B, art. 10.1 at 7, U.N. Doc. CGRFA-Ex 6/01/REP (2001), available at http://www.fao.org/ag/cgrfa/docsex6.htm, cité par G. DUTFIELD, op.cit., p.265. 37 Selon la résolution 5/89 de la FAO relative aux droits des agriculteurs, Farmers' Rights, FAO Conf. Res. 5/89, 25th Sess., FAO, Nov. 1989, available at http://www.fao.org/ag/cgrfa/IU.html, Ibid. 38 Voir G. DUTFIELD, op. cit., p. 254. 39 Ibid. 40 Le paragraphe 2 de l’article 27 permet d’exclure certaines inventions de la brevetabilité dans les buts de : protéger l’ordre public et la moralité compris comme incluant la protection de la vie et de la santé humaines et animales, la préservation des végétaux et la préservation des atteintes graves à l’environnement. Le paragraphe 3.b du même article exclut les animaux et les végétaux autres que les micro-organismes d’une part, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention des végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et micro-biologiques de la brevetabilité. 41 Voir Anne CHETAILLE dans cet ouvrage 42 Le considérant 27 prévoit que : si une invention porte sur une matière biologique d’origine végétale ou animale ou utilise une telle matière, la demande de brevet devrait, le cas échéant, comporter une information concernant le lieu d’origine de cette matière si celui-ci est connu.. ., cité par E. BROSSET, 2002, p. 343. 43 Il serait souhaitable que ce système sui generis soit assez différent des DPI classiques. Le modèle de législation africaine pourrait être un exemple d’un tel système, ou constituer un bon début dans ce sens.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES Annexe 1: Accord sur les Aspects de Droit de Propriété Intellectuelle qui touchent au

Commerce (ADPIC) – Extraits.................................................................................... 198

Annexe 2: Convention sur la Diversité Biologique (CDB) – Extraits. .......................................... 202

Annexe 3: Déclaration de DOHA : Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce............................................................................................... 205

Annexe 4: Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique. ..................................... 206

Annexe 5: Examen des dispositions de l'article 27.3(b) Communication du Kenya au nom du Groupe Africain............................................... 208

Annexe 6: Proposition relative au paragraphe 6 de la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique. Communication conjointe du Groupe Africain de l'OMC. ........................................................................................................................ 211

Annexe 7 : Organisation de l’unité africaine : Législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locale, des agriculteurs et des obtenteurs et pour les règles d’accès aux ressources biologiques – Extraits........................................... 221

Annexe 8 : Annexe I de l’Accord de Bangui révisé 1999 – Extraits. ............................................. 232

Annexe 9 : Annexe X de l’Accord de Bangui révisé 1999: de la protection des obtentions végétales – Extraits. ................................................................................................... 243

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ANNEXE 1 : ACCORD SUR LES ASPECTS DE DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE QUI TOUCCHENT AU COMMERCE (ADPIC) - EXTRAITS

Article 3 Traitement national 1. Chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection1 de la propriété intellectuelle, sous réserve des exceptions dé jà prévues dans, respectivement, la Convention de Paris (1967), la Convention de Berne (1971), la Convention de Rome ou le Traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés. En ce qui concerne les artistes interprètes ou exécutants, les producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion, cette obligation ne s'applique que pour ce qui est des droits visés par le présent accord. Tout Membre qui se prévaudra des possibilités offertes par l'article 6 de la Convention de Berne (1971) ou par le paragraphe 1 b) de l'article 16 de la Convention de Rome présentera une notification au Conseil des ADPIC, comme il est prévu dans ces dispositions. 2. Les Membres pourront se prévaloir des exceptions autorisées en vertu du paragraphe 1 en ce qui concerne les procédures judiciaires et administratives, y compris l'élection de domicile ou la constitution d'un mandataire dans le ressort d'un Membre, uniquement dans les cas où ces exceptions seront nécessaires pour assurer le respect des lois et réglementations qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord et où de telles pratiques ne seront pas appliquées de façon à constituer une restriction déguisée au commerce.

Article 4 Traitement de la nation la plus favorisée En ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un Membre aux ressortissants de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus aux ressortissants de tous les autres Membres. Sont exemptés de cette obligation tous les avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un Membre:

a) qui découlent d'accords internationaux concernant l'entraide judiciaire ou l'exécution des lois en général et ne se limitent pas en particulier à la protection de la propriété intellectuelle;

b) qui sont accordés conformément aux dispositions de la Convention de Berne (1971) ou de la Convention de Rome qui autorisent que le traitement accordé soit fonction non pas du traitement national mais du traitement accordé dans un autre pays;

c) pour ce qui est des droits des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion qui ne sont pas visés par le présent accord;

d) qui découlent d'accords internationaux se rapportant à la protection de la propriété intellectuelle dont l'entrée en vigueur précède celle de l'Accord sur l'OMC, à condition que ces accords soient

1 Aux fins des articles 3 et 4, la "protection" englobera les questions concernant l'existence, l'acquisition, la portée, le maintien des droits de propriété intellectuelle et les moyens de les faire respecter ainsi que les questions concernant l'exercice des droits de proprié té intellectuelle dont le présent accord traite expressément.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

notifiés au Conseil des ADPIC et ne constituent pas une discrimination arbitraire ou injustifiable à l'égard des ressortissants d'autres Membres.

Article 6 Epuisement Aux fins du règlement des différends dans le cadre du présent accord, sous réserve des dispositions des articles 3 et 4, aucune disposition du présent accord ne sera utilisée pour traiter la question de l'épuisement des droits de propriété intellectuelle.

Article 7 Objectifs La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations.

Article 8 Principes 1. Les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord. 2. Des mesures appropriées, à condition qu'elles soient compatibles avec les dispositions du présent accord, pourront être nécessaires afin d'éviter l'usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de mani ère déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie.

Article 27 Objet brevetable 1. Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procéd é, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle.2 Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l'article 65, du paragraphe 8 de l'article 70 et du paragraphe 3 du présent article, des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale. 2. Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l'exploitation est interdite par leur législation.

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2 Aux fins de cet article, les expressions "activité inventive" et "susceptible d'application industrielle" pourront être considérées par un Membre comme synonymes, respectivement, des termes "non évidente" et "utile".

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3. Les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité:

a) les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux;

b) les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques. Toutefois, les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC.

ARTICLE 30 Exceptions aux droits conférés Les Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers.

Article 31 Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit Dans les cas où la législation d'un Membre permet d'autres utilisations3 de l'objet d'un brevet sans l'autorisation du détenteur du droit, y compris l'utilisation par les pouvoirs publics ou des tiers autorisés par ceux-ci, les dispositions suivantes seront respectées:

a) l'autorisation de cette utilisation sera examinée sur la base des circonstances qui lui sont propres;

b) une telle utilisation pourra n'être permise que si, avant cette utilisation, le candidat utilisateur s'est efforcé d'obtenir l'autorisation du détenteur du droit, suivant des conditions et modalités commerciales raisonnables, et que si ses efforts n'ont pas abouti dans un délai raisonnable. Un Membre pourra déroger à cette prescription dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales. Dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence, le détenteur du droit en sera néanmoins avisé aussitôt qu'il sera raisonnablement possible. En cas d'utilisation publique à des fins non commerciales, lorsque les pouvoirs publics ou l'entreprise contractante, sans faire de recherche de brevet, savent ou ont des raisons démontrables de savoir qu'un brevet valide est ou sera utilisé par les pouvoirs publics ou pour leur compte, le détenteur du droit en sera avisé dans les moindres délais;

c) la portée et la durée d'une telle utilisation seront limitées aux fins auxquelles celle-ci a été autorisée, et dans le cas de la technologie des semi-conducteurs ladite utilisation sera uniquement destinée à des fins publiques non commerciales ou à remédier à une pratique dont il a été déterminé, à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative, qu'elle est anticoncurrentielle;

d) une telle utilisation sera non exclusive; e) une telle utilisation sera incessible, sauf avec la partie de l'entreprise ou du fonds de commerce

qui en a la jouissance;

3 On entend par "autres utilisations" les utilisations autres que celles qui sont autorisées en vertu de l'article 30.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

f) toute utilisation de ce genre sera autorisée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui a autorisé cette utilisation;

g) l'autorisation d'une telle utilisation sera susceptible d'être rapportée, sous réserve que les intérêts

légitimes des personnes ainsi autorisées soient protégés de façon adéquate, si et lorsque les circonstances y ayant conduit cessent d'exister et ne se reproduiront vraisemblablement pas. L'autorité compétente sera habilitée à réexaminer, sur demande motivée, si ces circonstances continuent d'exister;

h) le détenteur du droit recevra une rémunération adéquate selon le cas d'espèce, compte tenu de la valeur économique de l'autorisation;

i) la validité juridique de toute décision concernant l'autorisation d'une telle utilisation pourra faire l'objet d'une révision judiciaire ou autre révision indépendante par une autorité supérieure distincte de ce Membre;

j) toute décision concernant la rémunération prévue en rapport avec une telle utilisation pourra faire l'objet d'une révision judiciaire ou autre révision indépendante par une autorité supérieure distincte de ce Membre;

k) les Membres ne sont pas tenus d'appliquer les conditions énoncées aux alinéas b) et f) dans les cas où une telle utilisation est permise pour remédier à une pratique jugée anticoncurrentielle à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative. La nécessité de corriger les pratiques anticoncurrentielles peut être prise en compte dans la détermination de la rémunération dans de tels cas. Les autorités compétentes seront habilitées à refuser de rapporter l'autorisation si et lorsque les circonstances ayant conduit à cette autorisation risquent de se reproduire;

l) dans les cas où une telle utilisation est autorisée pour permettre l'exploitation d'un brevet (le "second brevet") qui ne peut pas être exploité sans porter atteinte à un autre brevet (le "premier brevet"), les conditions additionnelles suivantes seront d'application: i) l'invention revendiquée dans le second brevet supposera un progrès technique important,

d'un intérêt économique considérable, par rapport à l'invention revendiquée dans le premier brevet;

ii) le titulaire du premier brevet aura droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l'invention revendiquée dans le second brevet; et

iii) l'utilisation autorisée en rapport avec le premier brevet sera incessible sauf si le second brevet est également cédé.

Article 71 Examen et amendements 1. A l'expiration de la période de transition visée au paragraphe 2 de l'article 65, le Conseil des ADPIC examinera la mise en oeuvre du présent accord. Il procédera à un nouvel examen, eu égard à l'expérience acquise au cours de la mise en oeuvre de l'accord, deux ans après cette date et par la suite à intervalles identiques. Le Conseil pourra aussi procéder à des examens en fonction de tout fait nouveau pertinent qui pourrait justifier une modification du présent accord ou un amendement à celui-ci. 2. Les amendements qui auront uniquement pour objet l'adaptation à des niveaux plus élevés de protection des droits de propriété intellectuelle établis et applicables conformément à d'autres accords multilatéraux et qui auront été acceptés dans le cadre de ces accords par tous les Membres de l'OMC pourront être soumis à la Conférence ministérielle pour qu'elle prenne les mesures prévues au paragraphe 6 de l'article X de l'Accord sur l'OMC sur la base d'une proposition du Conseil des ADPIC élaborée par consensus.

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ANNEXE 2 CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE (CDB) – EXTRAITS

Article premier. Objectifs Les objectifs de la présente Convention, dont la réalisation sera conforme à ses dispositions pertinentes, sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat.

Article 3. Principe Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale.

Article 8. Conservation in situ Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra :

a) Etablit un système de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique;

b) Elabore, si nécessaire, des lignes directrices pour le choix, la création et la gestion de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique;

c) Réglemente ou gère les ressources biologiques présentant une importance pour la conservation de la diversité biologique à l'intérieur comme à l'extérieur des zones protégées afin d'assurer leur conservation et leur utilisation durable;

d) Favorise la protection des écosystèmes et des habitats naturels, ainsi que le maintien de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel;

e) Promeut un développement durable et écologiquement rationnel dans les zones adjacentes aux zones protégées en vue de renforcer la protection de ces dernières;

f) Remet en état et restaure les écosystèmes dégradés et favorise la reconstitution des espèces menacées moyennant, entre autres, l'élaboration et l'application de plans ou autres stratégies de gestion;

g) Met en place ou maintient des moyens pour réglementer, gérer ou maîtriser les risques associés à l'utilisation et à la libération d'organismes vivants et modifiés résultant de la biotechnologie qui risquent d'avoir sur l'environnement des impacts défavorables qui pourraient influer sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine;

h) Empêche d'introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces;

i) S'efforce d'instaurer les conditions nécessaires pour assurer la compatibilité entre les utilisations actuelles et la conservation de la diversité biologique et l'utilisation durable de ses éléments constitutifs;

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

j) Sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques;

k) Formule ou maintient en vigueur les dispositions législatives et autres dispositions réglementaires nécessaires pour protéger les espèces et populations menacées;

l) Lorsqu'un effet défavorable important sur la diversité biologique a été déterminé conformément à l'article 7, réglemente ou gère les processus pertinents ainsi que les catégories d'activités;

m) Coopère à l'octroi d'un appui financier et autre pour la conservation in situ visée aux alinéas a) à l) ci-dessus, notamment aux pays en développement.

Article 15. Accès aux ressources génétiques 1. Etant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale.

2. Chaque Partie contractante s'efforce de créer les conditions propres à faciliter l'accès aux ressources génétiques aux fins d'utilisation écologiquement rationnelle par d'autres Parties contractantes et de ne pas imposer de restrictions allant à l'encontre des objectifs de la présente Convention.

3. Aux fins de la présente Convention, on entend par ressources génétiques fournies par une Partie contractante, et dont il est fait mention dans le présent article et aux articles 16 et 19 ci-après, exclusivement les ressources qui sont fournies par des Parties contractantes qui sont des pays d'origine de ces ressources ou par des Parties qui les ont acquises conformément à la présente Convention.

4. L'accès, lorsqu'il est accordé, est régi par des conditions convenues d'un commun accord et est soumis aux dispositions du présent article.

5. L'accès aux ressources génétiques est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la Partie contractante qui fournit lesdites ressources, sauf décision contraire de cette Partie.

6. Chaque Partie contractante s'efforce de développer et d'effectuer des recherches scientifiques fondées sur les ressources génétiques fournies par d'autres Parties contractantes avec la pleine participation de ces Parties et, dans la mesure du possible, sur leur territoire.

7. Chaque Partie contractante prend les mesures législatives, administratives ou de politique générale appropriées, conformément aux articles 16 et 19 et, le cas échéant, par le biais du mécanisme de financement créé en vertu des articles 20 et 21, pour assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l'utilisation commerciale et autre des ressources génétiques avec la Partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s'effectue selon des modalités mutuellement convenues.

Article 16. Accès à la technologie et transfert de technologie 1. Chaque Partie contractante, reconnaissant que la technologie inclut la biotechnologie, et que l'accès à la technologie et le transfert de celle-ci entre Parties contractantes sont des éléments essentiels à la réalisation des objectifs de la présente Convention, s'engage, sous réserve des dispositions du présent article, à assurer et/ou à faciliter à d'autres Parties

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contractantes l'accès aux technologies nécessaires à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique, ou utilisant les ressources génétiques sans causer de dommages sensibles à l'environnement, et le transfert desdites technologies.

2. L'accès à la technologie et le transfert de celle-ci, tels que visés au paragraphe 1 ci-dessus, sont assurés et/ou facilités pour ce qui concerne les pays en développement à des conditions justes et les plus favorables, y compris à des conditions de faveur et préférentielles s'il en est ainsi mutuellement convenu, et selon que de besoin conformément aux mécanismes financiers établis aux termes des articles 20 et 21. Lorsque les technologies font l'objet de brevets et autres droits de propriété intellectuelle, l'accès et le transfert sont assurés selon des modalités qui reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective. L'application du présent paragraphe sera conforme aux dispositions des paragraphes 3, 4 et 5 ci-après.

3. Chaque Partie contractante prend, comme il convient, les mesures législatives, administratives ou de politique générale voulues pour que soit assuré aux Parties contractantes qui fournissent des ressources génétiques, en particulier celles qui sont des pays en développement, l'accès à la technologie utilisant ces ressources et le transfert de ladite technologie selon des modalités mutuellement convenues, y compris à la technologie protégée par des brevets et autres droits de propriété intellectuelle, le cas échéant par le biais des dispositions des articles 20 et 21, dans le respect du droit international et conformément aux paragraphes 4 et 5 ci-après.

4. Chaque Partie contractante prend, comme il convient, les mesures législatives, administratives, ou de politique générale, voulues pour que le secteur privé facilite l'accès à la technologie visée au paragraphe 1 ci-dessus, sa mise au point conjointe et son transfert au bénéfice tant des institutions gouvernementales que du secteur privé des pays en développement et, à cet égard, se conforme aux obligations énoncées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus.

5. Les Parties contractantes, reconnaissant que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle peuvent avoir une influence sur l'application de la Convention, coopèrent à cet égard sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non à l'encontre de ses objectifs.

Article 22. Relations avec d'autres conventions internationales 1. Les dispositions de la présente Convention ne modifient en rien les droits et obligations découlant pour une Partie contractante d'un accord international existant, sauf si l'exercice de ces droits ou le respect de ces obligations causait de sérieux dommages à la diversité biologique ou constituait pour elle une menace. 2. Les Parties contractantes appliquent la présente Convention, en ce qui concerne le milieu marin, conformément aux droits et obligations des Etats découlant du droit de la mer.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE 3

DECLARATION DE DOHA ASPECTS DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE QUI TOUCHENT AU COMMERCE

Article 17 Nous soulignons l'importance que nous attachons à la mise en œuvre et à l'interprétation de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) d'une manière favorable à la santé publique, en promouvant à la fois l'accès aux médicaments existants et la recherche-développement concernant de nouveaux médicaments et, à cet égard, nous adoptons une Déclaration distincte.

Article 18 En vue d'achever les travaux entrepris au Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Conseil des ADPIC) sur la mise en œuvre de l'article 23:4, nous convenons de négocier l'établissement d'un système multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins et spiritueux d'ici à la cinquième session de la Conférence ministérielle. Nous notons que les questions relatives à l'extension de la protection des indications géographiques prévue à l'article 23 à des produits autres que les vins et spiritueux seront traitées au Conseil des ADPIC conformément au paragraphe 12 de la présente déclaration.

Article 19 Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC, dans la poursuite de son programme de travail, y compris au titre du réexamen de l'article 27:3 b), de l'examen de la mise en œuvre de l'Accord sur les ADPIC au titre de l'article 71:1 et des travaux prévus conformément au paragraphe 12 de la présente déclaration, d'examiner, entre autres choses, la relation entre l'Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique, la protection des savoirs traditionnels et du folklore et autres faits nouveaux pertinents relevés par les Membres conformément à l'article 71:1. Dans la réalisation de ces travaux, le Conseil des ADPIC sera guidé par les objectifs et principes énoncés aux articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC et tiendra pleinement compte de la dimension développement.

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ANNEXE 4

DÉCLARATION DE L’OMC SUR L'ACCORD SUR LES ADPIC ET LA SANTÉ PUBLIQUE Déclaration Adoptée le 14 novembre 2001 (WT/MIN(01)/DEC/2) Nous reconnaissons la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et pays les moins avancés, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies.

Nous soulignons qu'il est nécessaire que l'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) fasse partie de l'action nationale et internationale plus large visant à remédier à ces problèmes.

Nous reconnaissons que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour le développement de nouveaux médicaments. Nous reconnaissons aussi les préoccupations concernant ses effets sur les prix.

Nous convenons que l'Accord sur les ADPIC n'empêche pas et ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique. En conséquence, tout en réitérant notre attachement à l'Accord sur les ADPIC, nous affirmons que ledit accord peut et devrait être interprété et mis en œuvre d'une manière qui appuie le droit des Membres de l'OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments.

À ce sujet, nous réaffirmons le droit des Membres de l'OMC de recourir pleinement aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC, qui ménagent une flexibilité à cet effet. En conséquence et compte tenu du paragraphe 4 ci-dessus, tout en maintenant nos engagements dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, nous reconnaissons que ces flexibilités incluent ce qui suit: Dans l'application des règles coutumières d'interprétation du droit international public, chaque disposition de l'Accord sur les ADPIC sera lue à la lumière de l'objet et du but de l'Accord tels qu'ils sont exprimés, en particulier, dans ses objectifs et principes.

Chaque Membre a le droit d'accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées.

Chaque Membre a le droit de déterminer ce qui constitue une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence, étant entendu que les crises dans le domaine de la santé publique, y compris celles qui sont liées au VIH/SIDA, à la tuberculose, au paludisme et à d'autres épidémies, peuvent représenter une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence.

L'effet des dispositions de l'Accord sur les ADPIC qui se rapportent à l'épuisement des droits de propriété intellectuelle est de laisser à chaque Membre la liberté d'établir son propre régime en ce qui concerne cet épuisement sans contestation, sous réserve des dispositions en matière de traitement NPF et de traitement national des articles 3 et 4.

Nous reconnaissons que les Membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

Nous réaffirmons l'engagement des pays développés Membres d'offrir des incitations à leurs entreprises et institutions pour promouvoir et encourager le transfert de technologie vers les pays les moins avancés Membres conformément à l'article 66:2. Nous convenons aussi que les pays les moins avancés Membres ne seront pas obligés, en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, de mettre en œuvre ou d'appliquer les sections 5 et 7 de la Partie II de l'Accord sur les ADPIC ni de faire respecter les droits que prévoient ces sections jusqu'au 1er janvier 2016, sans préjudice du droit des pays les moins avancés Membres de demander d'autres prorogations des périodes de transition ainsi qu'il est prévu à l'article 66:1 de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de prendre les dispositions nécessaires pour donner effet à cela en application de l'article 66:1 de l'Accord sur les ADPIC.

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ANNEXE 5

EXAMEN DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 27.3 (B) Communication du Kenya au nom du Groupe africain4, 8 Novembre 1999, (IP/C/W/163) On trouvera ci-après une partie d'une communication, datée du 29 juillet 1999, que la Mission permanente du Kenya a fait parvenir au Secrétariat.

_______________ L'examen de l'article 27:3 b) est complexe tant en raison de la manière dont il est traité que de sa teneur même. Des questions se posent en ce qui concerne, d'une part, la procédure et l'interprétation de la compétence et du mandat du Conseil pour ce qui est du processus d'examen et, d'autre part, l'examen des dispositions de fond de l'article même. De l'avis du Groupe africain, il faut régler ces questions rapidement afin que des progrès puissent être réalisés compte tenu de la prochaine Conférence ministérielle de Seattle. Première partie – Questions de procédures et d'interprétation

Nature et portée de l'examen La question de l'interprétation de la nature et de la portée de l'examen de l'article 27:3 b) n'a pas encore été réglée. Le débat porte sur la question de savoir si l'alinéa b) de l'article 27:3 prévoit l'examen de la mise en œuvre des dispositions qu'il contient ou l'examen des dispositions de fond de l'article même. Nous sommes d'avis que l'examen prescrit et voulu concerne la teneur de l'alinéa et qu'il n'est pas censé se limiter à la mise en œuvre de cet alinéa. Cela ressort clairement de la dernière phrase de l'article 27:3 b), qui est libellée comme suit: "Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC."

Proposition Il sera nécessaire que les Membres précisent le mandat du Conseil des ADPIC sur ce point. Le Groupe africain croit assurément comprendre que le Conseil a pour mandat de réexaminer les dispositions de fond de l'article 27:3 b). Étant donné qu'aucune disposition ne prévoit l'examen de la mise en œuvre de cet article en particulier (sauf implicitement l'article 71:1, dans le cadre de l'examen global prévu en l'an 2000), les membres du Groupe africain jugent approprié de n'utiliser aucun des renseignements (qui seront) communiqués dans le cadre de l'examen actuel aux fins de l'examen de la mise en œuvre des dispositions de l'article en question. Délai pour la mise en œuvre des dispositions de l'article 27:3 b) L'examen des dispositions de l'article 27:3 b), prévu pour 1999, est en cours depuis le début de l'année. Par ailleurs, l'échéance pour la mise en œuvre des obligations contractées par les pays en développement en vertu de l'Accord sur les ADPIC est le mois de janvier 2000. De fait, il est prévu que l'examen précède la mise en œuvre des obligations auxquelles ont souscrit les pays en développement. Ceux-ci n'ont pas encore acquis suffisamment d'expérience en ce qui concerne l'application de l'Accord et, partant, ils n'ont pas encore eu l'occasion d'effectuer des études visant à en évaluer les incidences.

4 Le présent document reproduit la partie d'une communication distribuée sous couvert du document WT/GC/W/302 du 6 août 1999 qui traite de l'examen des dispositions de l'article 27:3 b). À la réunion du Conseil des ADPIC des 20 et 21 octobre 1999, le représentant du Kenya a demandé que cette partie de la communication soit distribuée également en tant que communication formelle au Conseil des ADPIC.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

En outre, s'il est effectué en 1999, l'examen préjugera de l'issue des débats menés dans d'autres enceintes connexes telles que la Convention sur la diversité biologique, l'UPOV, la FAO, l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques ainsi que l'élaboration, par l'OUA, d'une loi type sur les droits des communautés et le contrôle de l'accès aux ressources biologiques. Ce sont des enceintes importantes qui traitent des questions relatives à l'article 27:3 b) (du point de vue du développement), ce que le Conseil des ADPIC ne peut pas se permettre d'ignorer. Le processus d'examen des dispositions de fond de l'article 27:3 b) pourrait fort bien se prolonger au-delà de l'an 2000 et il pourrait donner lieu à des modifications de ces dispositions. Il serait donc prématuré pour les pays en développement de mettre en œuvre ledit alinéa d'ici à janvier 2000. Proposition Les membres du Groupe africain jugent approprié de reporter la date limite de mise en œuvre jusqu'à l'achèvement de l'examen de fond de l'article 27:3 b). Le délai ménagé pour la mise en œuvre des dispositions devrait être le même que celui prévu aux paragraphes 1 et 2 de l'article 65, à savoir cinq ans à compter de la date à laquelle l'examen aura été achevé. Ce délai est prévu pour permettre aux pays en développement de mettre en place l'infrastructure rendue nécessaire par la mise en œuvre. Deuxième partie – Questions relatives aux dispositions de fond

Distinction artificielle entre les organismes et les procédés biologiques et microbiologiques Les critères/justifications utilisés pour déterminer ce qui, dans ce qui est mentionné à l'article 27:3 b), peut ou ne peut pas être exclu de la brevetabilité manquent de clarté. Cela tient à la distinction artificielle établie entre les végétaux et les animaux (qui peuvent être exclus) et les micro-organismes (qui peuvent ne pas être exclus), ainsi qu'entre les procédés "essentiellement biologiques" d'obtention de végétaux et d'animaux (qui peuvent être exclus) et les procédés microbiologiques. En stipulant que les micro-organismes (qui sont des substances vivantes naturelles) et les procédés microbiologiques (qui sont des procédés naturels) doivent être obligatoirement brevetés, les dispositions de l'article 27:3 enfreignent les principes fondamentaux sur lesquels reposent les lois sur les brevets, à savoir que les substances et les procédés qui existent dans la nature sont des découvertes et non des inventions et, partant, qu'ils ne sont pas brevetables. En outre, en donnant aux Membres la possibilité d'exclure ou non de la brevetabilité les végétaux et les animaux, l'article 27:3 b) permet de breveter des formes de vie. Propositions a) L'examen des dispositions de fond de l'article 27:3 b) devrait apporter des précisions sur les points

suivants: - Pourquoi la possibilité d'exclure de la brevetabilité les végétaux et les animaux ne s'étend-elle

pas aux micro-organismes étant donné que la distinction ne repose sur aucune base scientifique?

- Pourquoi la possibilité d'exclure de la brevetabilité les "procédés essentiellement biologiques" ne s'étend-elle pas aux "procédés microbiologiques" étant donné que ceux-ci sont également des procédés biologiques?

b) Le processus d'examen devrait permettre de préciser que les végétaux et les animaux ainsi que les micro-organismes et tous autres organismes vivants et leurs parties ne peuvent pas être brevetés, et que les procédés naturels d'obtention de végétaux, d'animaux et d'autres organismes vivants ne devraient pas non plus être brevetables.

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Précisions en ce qui concerne la possibilité de prévoir un système sui generis pour les variétés végétales L'article 27:3 b) prévoit la protection des variétés végétales par un brevet, un système sui generis, ou une combinaison des deux. Il faut apporter des précisions en ce qui concerne la mise en œuvre de la disposition relative aux variétés végétales afin de permettre aux pays en développement: - de s'acquitter des obligations internationales qu'ils ont contractées, par exemple en vertu de la

Convention sur la diversité biologique et de l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques de la FAO;

- de répondre à leur besoin de protéger le savoir et les innovations des populations autochtones et des communautés locales en matière d'agriculture et de soins de santé et médicaux. Le règlement de cette question aura une incidence sur la sécurité alimentaire, le bien-être social et économique, et la santé publique des populations des pays en développement. Ces préoccupations revêtent une importance majeure et peuvent être prises en compte conformément aux articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC, lorsque les Membres prennent des mesures pour mettre en œuvre l'Accord;

- de protéger la vie des personnes et des animaux ou de préserver les végétaux, ou d'éviter de porter gravement atteinte à l'environnement. Des exclusions de la brevetabilité à ces fins sont autorisées en vertu de l'article 27:2 de l'Accord sur les ADPIC.

Proposition Après la phrase concernant la protection des variétés végétales dans l'article 27:3 b), il conviendrait d'insérer une note de bas de page indiquant que toute loi sui generis sur la protection des variétés végétales peut contenir des dispositions visant à: i) protéger les innovations des communautés autochtones et des communautés agricoles locales

des pays en développement, conformément à la Convention sur la diversité biologique et à l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques;

ii) préserver les pratiques agricoles traditionnelles, y compris le droit de conserver et d'échanger les semences, ainsi que de vendre leurs récoltes;

iii) empêcher que les droits ou pratiques anticoncurrentiels ne menacent la souveraineté alimentaire des populations des pays en développement, ainsi que l'autorise l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC.

Relation entre l'article 27:3 b) et la Convention sur la diversité biologique et l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques La Convention sur la diversité biologique vise à protéger les droits des populations autochtones et des communautés agricoles locales ainsi qu'à protéger et à promouvoir la diversité biologique. L'Engagement international sur les ressources phytogénétiques (placé sous les auspices de la FAO) vise quant à lui à protéger et à promouvoir les droits des agriculteurs et à conserver les ressources phytogénétiques. Ils constituent l'une et l'autre des obligations internationales auxquelles ont souscrit les États, dont la plupart des Membres de l'OMC. Il est par conséquent impératif que l'article 27:3 b) reconnaisse les principes, les objectifs et les mesures envisagés et proposés dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et de l'Engagement international. En prescrivant ou en permettant la brevetabilité des semences, des végétaux et du matériel génétique et biologique, l'article 27:3 b) risque de conduire à l'appropriation du savoir et des ressources des communautés autochtones et locales. Proposition Le processus d'examen devrait viser à aligner les dispositions de l'article 27:3 b) sur celles de la Convention sur la diversité biologique et de l'Engagement international, lesquelles prennent pleinement en compte la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, la protection des droits et du savoir des communautés autochtones et locales, ainsi que la promotion des droits des agriculteurs.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE 6

PROPOSITION RELATIVE AU PARAGRAPHE 6 DE LA DECLARATION DE DOHA SUR

L'ACCORD SUR LES ADPIC ET LA SANTE PUBLIQUE Communication conjointe du Groupe africain de l'OMC* , 24 juin 2002, IP/C/W/351 La Mission permanente du Kenya, au nom du Groupe africain de l'OMC, a fait parvenir au Secrétariat la communication ci-après, datée du 18 juin 2002, en demandant qu'elle soit distribuée en tant que document du Conseil des ADPIC. Éléments du problème La Conférence ministérielle a adopté, à sa quatrième session, la Déclaration sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique pour contribuer à aider les Membres, et la communauté internationale dans son ensemble, à répondre aux préoccupations suscitées par ce qui est perçu comme le manque de flexibilité et les effets défavorables de l'Accord sur les ADPIC dans le domaine de la santé publique. La Déclaration clarifie certaines des flexibilités ménagées par l'Accord sur les ADPIC, mais elle reconnaît que certaines des flexibilités dont les Membres sont censés disposer peuvent néanmoins être restreintes par les circonstances pratiques et prévoit de nouveaux travaux afin que de meilleures solutions soient trouvées. Un des problèmes particuliers ainsi posés était le suivant: les Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique auraient des difficultés à user effectivement du droit de délivrer des licences obligatoires. Le paragraphe 6 de la Déclaration est libellé comme suit:

6. Nous reconnaissons que les Membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002."

Le problème tel qu'il est reconnu par les Membres, comporte divers éléments, dont les suivants, et à cet égard ces divers éléments donnent une indication des éléments de la solution rapide qui sera adoptée conformément au paragraphe 6:

a) Il se peut que le pays ne dispose pas du savoir-faire ou des compétences techniques au niveau national et n'ait pas le matériel nécessaire pour démarrer la production de certains médicaments dont il a besoin.

b) Dans les cas où ces capacités pourraient être fournies au moyen d'un transfert de technologie ou créées dans le pays, les considérations relatives au rendement de l'investissement ou aux bénéfices de l'investisseur ou du producteur peuvent désavantager les pays dont le marché intérieur est exigu. Dans des conditions de pauvreté, le pouvoir d'achat des pays qui sont confrontés à des crises dans le domaine de la santé publique ou ont un besoin urgent de médicaments et de technologie médicale peut être si faible que les investisseurs ne considèrent

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* La présente proposition est sans préjudice des positions des divers pays, et des propositions additionnelles que le Groupe africain pourrait présenter.

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pas le pays comme un marché suffisant permettant de produire à des niveaux souhaitables ou rentables.

c) Dans les cas où la possibilité d'exporter vers d'autres pays aurait été envisagée pour élargir le marché au-delà du pays de production, l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC restreint cette possibilité en disposant que la production sous licence obligatoire sera "autorisée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui a autorisé cette [production]". Il est donc contraire à l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC que la production sous licence obligatoire soit destinée principalement à l'exportation. Cependant, il se peut que le pays, sur son marché intérieur, n'ait pas du tout besoin du produit pharmaceutique en question ou n'ait pas besoin de quantités supplémentaires.

d) Dans les cas où un pays qui n'est pas confronté à une crise dans le domaine de la santé publique, mais a la capacité de produire et d'exporter des produits pharmaceutiques, aurait aidé des Membres délivrant des licences obligatoires en exportant vers eux les produits, le paragraphe f) de l'article 31 limite néanmoins cette option en disposant explicitement que ce sont les Membres confrontés à une crise dans le domaine de la santé publique qui peuvent délivrer de telles licences, cette disposition découlant de la condition selon laquelle la production sous licence devra être autorisée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui délivre la licence.

e) Ces limitations montrent à quel point le paragraphe f) de l'article 31 peut être loin de répondre aux besoins des Membres face aux crises internationales et nationales dans le domaine de la santé que nous traversons. Ce paragraphe doit être supprimé ou une exception claire à ce paragraphe doit être introduite ou une interprétation faisant autorité adoptée, sans oublier qu'une solution rapide doit être trouvée dans un bref délai.

f) La délivrance de licences obligatoires est un domaine de réflexion et d'action qui à la fois relève de l'Accord sur les ADPIC et va au-delà ou, autrement dit, n'est visé que partiellement par cet accord. Comme la Déclaration le souligne, par exemple, les Membres ont le droit de déterminer les motifs pour lesquels ils délivrent des licences obligatoires et ces motifs ne sont pas énoncés dans l'Accord sur les ADPIC. Cette flexibilité doit être protégée contre les tentatives de définir de manière restrictive la liberté des Membres de déterminer les motifs pour lesquels ils délivrent des licences obligatoires. Une interprétation restrictive priverait cette liberté de tout effet. À cet égard, l'Accord sur les ADPIC ne devrait comprendre aucune disposition pouvant étayer l'interdiction de délivrer des licences obligatoires pour répondre à des besoins en matière de santé publique à l'étranger, et toutes les restrictions restantes devraient être mises en conformité avec la Déclaration sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique.

g) Il existe une disposition prévoyant que le détenteur du brevet recevra une compensation lors de l'octroi ou de la délivrance d'une licence obligatoire, et les pays en développement et pays les moins avancés Membres n'ont généralement pas les ressources nécessaires à cette fin. La disposition de l'article 31 veut que la rémunération soit adéquate.5 Les Membres ont le droit de limiter toutes mesures correctives en rapport avec la délivrance de licences obligatoires à ce droit à une rémunération adéquate, nonobstant les autres dispositions de l'Accord sur les ADPIC concernant les droits des détenteurs de brevets.6 Cette flexibilité importante devra être clairement mise en évidence de la même manière que d'autres aspects le sont dans la Déclaration, afin que les Membres qui en ont besoin puissent, il faut l'espérer, y recourir facilement. Il sera aussi important de mettre en place des mécanismes internationaux pour aider à financer la compensation prescrite pour les licences obligatoires.

5 Article 31 h) de l'Accord sur les ADPIC. 6 Article 44:2 de l'Accord sur les ADPIC.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

Il faudrait veiller à ne pas se prévaloir de l'existence d'autres types de problèmes pour ne pas trouver une solution rapide, telle qu'elle est prévue dans la Déclaration.7 Cette solution est liée à l'esprit et à la lettre de la Déclaration, c'est-à-dire que l'Accord sur les ADPIC devrait appuyer l'adoption de mesures visant à protéger la santé publique, y compris l'accès aux médicaments, et le faire par la manière dont il est interprété, mis en œuvre et appliqué tant à court terme qu'à long terme. Dans le cadre de cet effort, il faut examiner l'ensemble de la Déclaration et l'Accord sur les ADPIC et élaborer une solution sur la base de toutes les dispositions pertinentes et de toutes les flexibilités ménagées mais, surtout, la solution rapide prévue au paragraphe 6 devrait concerner l'absence ou l'insuffisance des capacités locales de fabrication dans le secteur pharmaceutique et non le caractère inadéquat de l'infrastructure, voire la pauvreté. Éléments de la solution prévue au paragraphe 6 Pour essayer de trouver une solution rapide conformément au paragraphe 6 de la Déclaration ministérielle de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique (une solution rapide qui permette aux Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique de recourir de manière effective aux licences obligatoires), il faudrait utiliser pleinement toutes les dispositions pertinentes et toutes les flexibilités prévues par l'Accord sur les ADPIC, comme la Déclaration le prescrit effectivement.8 L'ensemble de ces dispositions - sur les importations parallèles, le transfert de technologie, les licences obligatoires, les exceptions en faveur du public et les périodes de transition prévues pour les pays en développement et les pays les moins avancés Membres - indique clairement que les Membres devraient avoir collectivement le droit d'adopter les lois et de prendre les mesures efficaces qui s'imposent comme des solutions pratiques en l'occurrence pour faire face à la crise internationale dans le domaine de la santé publique que nous traversons. Ces dispositions indiquent qu'une interprétation et une application de l'Accord sur les ADPIC qui appuient l'action des pays dans le contexte de la Déclaration sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique pourraient permettre d'adopter les éléments ci-après d'une solution rapide conformément au paragraphe 6.

a) Les Membres devraient être autorisés à prévoir dans leur législation ou à adopter des mesures aux fins de l'exportation des produits pharmaceutiques nécessaires vers tous pays, en particulier les pays en développement et les pays les moins avancés Membres qui ont besoin d'une aide pour faire face à des préoccupations dans le domaine de la santé publique. Les options qui s'offrent pour donner cette autorisation sont les suivantes: une exception limitée et justifiée aux droits conférés par un brevet au titre de l'article 30, ou un motif pour accorder une licence obligatoire déterminé par un Membre en toute liberté (le motif étant de protéger la santé publique dans un autre pays) ou une mesure prise conformément aux responsabilités des Nations Unies en cas de crise internationale dans le domaine de la santé, telle qu'elle est reconnue par les Nations Unies (Déclaration de l'Assemblée générale des Nations Unies du 27 juin 2001) et l'Organisation mondiale de la santé. De plus, si des délais de grâce sont accordés aux pays confrontés à des préoccupations dans le domaine de la santé publique pour qu'ils ne protégent pas certains brevets pharmaceutiques, les exportations vers ces pays ne seraient pas contraires à l'Accord sur les ADPIC (mais les lois nationales en matière de brevets en vigueur continueraient de s'appliquer).

7 Il a été allégué, par exemple, que le problème de l'accès aux médicaments devait être résolu seulement par l'amélioration de l'infrastructure de distribution du pays et la lutte contre la pauvreté. 8 Les dispositions pertinentes qui peuvent guider les Membres comprennent l'ensemble de la Déclaration, en particulier son paragraphe 4; les articles 6, 7, 8, 27, 28, 30, 31, 66, 65, 70 et 73 de l'Accord sur les ADPIC; et le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends.

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b) Comme il est désormais clairement reconnu, les Membres ont le droit de prendre certaines mesures consistant par exemple à délivrer des licences obligatoires pour des produits pharmaceutiques, et à adopter des régimes appropriés d'épuisement des droits de propriété intellectuelle, y compris d'épuisement au niveau régional et international. À cet égard, l'expression "produits pharmaceutiques" devrait être interprétée au sens large pour être significative plutôt qu'au sens strict, de sorte qu'elle n'englobe qu'un nombre limité de composants de traitement ou de médicaments. L'expression "produits pharmaceutiques" devrait être interprétée de manière à comprendre les médicaments, les procédés techniques et le matériel technique connexes. Les Membres devraient avoir le droit d'importer ou d'accepter ces produits pharmaceutiques, au sens large, provenant des sources les plus abordables, en se fondant soit sur la doctrine de l'épuisement régional ou international des droits de propriété intellectuelle qu'ils ont adoptée, soit sur des licences obligatoires délivrées par d'autres Membres qui exportent certains des produits fabriqués sous licence, soit sur l'importation en provenance de sources autorisées à l'étranger au titre des licences obligatoires qu'ils délivrent.

c) Les Membres peuvent prendre de telles mesures (licences obligatoires, importations parallèles9, autres types d'importation10 et exportation11) lorsque des brevets en vigueur protègent les produits pharmaceutiques concernés de même que lorsque de tels brevets n'existent pas, ou lorsque l'Accord sur les ADPIC ou les dispositions concernant les brevets pharmaceutiques ne sont pas encore entrés en vigueur. La solution devrait consister en une exception à toutes dispositions juridiques qui interdiraient ou restreindraient l'une quelconque de ces mesures, fonctionner comme telle et servir de fondement international à des mesures nationales telles que l'adoption et la publication des décrets nécessaires par les administrations, la formation de coentreprises entre les gouvernements et le secteur privé le cas échéant, et l'établissement au sein des régions d'arrangements appropriés pour l'approvisionnement en produits pharmaceutiques.

d) S'agissant des licences délivrées pour remédier aux pratiques qui restreignent le commerce, à d'autres pratiques abusives et à l'insuffisance de l'approvisionnement en produits pharmaceutiques, les Membres peuvent donner effet aux licences au niveau régional lorsqu'un marché intérieur fait partie intégrante d'un marché régional, par exemple dans le cadre d'une zone de libre-échange, d'une union douanière ou d'arrangements provisoires. À cet égard, certains Membres ont donné des signes indiquant qu'ils étaient prêts à relativiser le principe de la territorialité. Les Membres souhaiteront peut-être faire référence à la note de bas de page 1 de l'article 2 de l'Accord sur les sauvegardes, dans laquelle la branche de production nationale est interprétée comme incluant la combinaison de branches de production au niveau régional lorsque les Membres ont constitué une union douanière. Un résultat positif pour cet exercice au sein du Conseil des ADPIC consisterait à parvenir à une interprétation claire de l'expression "marché intérieur" figurant à l'article 31 f) selon laquelle celle-ci signifierait, dans certaines circonstances, les marchés combinés des Membres qui ont constitué ou sont sur le point de

9 Par exemple l'importation depuis des sources abordables de médicaments qui ont été mis sur le marché avec le consentement (exprès ou implicite) du détenteur du brevet. 10 Par exemple l'importation en provenance d'un pays qui a délivré une licence obligatoire et exporte certains des produits fabriqués sous cette licence ou l'importation en provenance d'un pays qui fabrique des produits pharmaceutiques principalement destinés à l'exportation vers un pays qui a besoin de ces produits, dans des circonstances qui satisfont aux critères de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC (exceptions limitées qui tiennent compte des intérêts légitimes des tiers et ne portent pas atteinte à l'exploitation normale du brevet dans le pays de production). 11 Par exemple l'exportation de certains des produits fabriqués sous licence obligatoire vers tous pays ou, spécifiquement, vers les autres pays participant à la zone de libre-échange, à l'union douanière ou aux arrangements provisoires y relatifs.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

constituer une union douanière ou une zone de libre-échange. Cela permettrait de traiter le problème des marchés intérieurs trop restreints pour permettre une production viable ou l'utilisation de la capacité de production aux niveaux souhaités, et contribuerait aussi à promouvoir les centres d'approvisionnement régionaux pour les produits pharmaceutiques. En outre, la prescription figurant à l'article 31 f) selon laquelle l'approvisionnement doit être principalement destiné au marché intérieur du Membre délivrant la licence obligatoire devrait être interprétée comme signifiant que 49,9 pour cent au maximum de la production peuvent être exportés.

e) Les pays développés Membres, d'une part, et les pays en développement et pays les moins avancés Membres, d'autre part, peuvent adopter des mesures pour constituer des bases technologiques solides dans ces derniers pays, les lois et mesures en question ayant pour effet immédiat de transférer les compétences techniques et les produits techniques nécessaires à l'innovation technologique durable et à la production intérieure durable de produits pharmaceutiques afin de répondre aux besoins des pays en développement Membres et des pays les moins avancés Membres en matière de santé publique. L'un des résultats ou des objectifs pratiques de ces lois et mesures serait l'implantation ou l'établissement d'installations de production au sein des pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas, et en particulier lorsqu'il s'agit de pays en développement ou de pays les moins avancés Membres. À cet égard, la solution rapide que le Conseil des ADPIC est tenu de trouver devrait faire partie intégrante d'une mise en œuvre plus large de l'Accord sur les ADPIC, tenant compte des objectifs et principes fixés aux articles 7 et 8, ainsi qu'à l'article 66:2 qui traite précisément des Membres les moins avancés. Mais ce contexte général ne doit pas faire oublier que le Conseil des ADPIC est tenu de remplir le mandat spécifique qui lui incombe, à savoir trouver une solution rapide au problème particulier de l'insuffisance ou de l'absence de capacité de fabrication dans le secteur pharmaceutique.

f) Les périodes de transition concernant les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture prévues pour les pays en développement Membres devraient être prolongées à l'avance afin d'autoriser et de rendre prévisibles certaines mesures qui peuvent être nécessaires pour faire face aux préoccupations dans le domaine de la santé publique, par exemple lorsque cela permettrait l'exportation de produits pharmaceutiques par ou vers ces pays. À cet égard, la période de transition pour les pays les moins avancés Membres, désormais prolongée jusqu'au 1er janvier 2016, devrait porter sur la prescription figurant aux paragraphes 8 et 9 de l'article 70 en ce qui concerne l'octroi de droits exclusifs de commercialisation, et afin que ces droits s'appliquent par ailleurs comme des brevets de fait ils devraient être clairement délimités ou définis pour que la flexibilité soit mise en évidence.

g) Il faudrait instaurer un moratoire général sur les plaintes contre tout Membre qui prend des mesures pour faire face à la crise internationale dans le domaine de la santé dans des pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas. Ce moratoire serait significatif ou aurait une utilité pratique s'il avait un rapport objectif avec la durée des besoins et des crises dans le domaine de la santé et d'autres épidémies, par exemple les crises liées au VIH/SIDA ou à la prévalence du paludisme et de la tuberculose en Afrique. Il faudrait donc envisager d'appliquer le moratoire aussi longtemps que la communauté internationale devra lutter efficacement contre les maladies, et la détermination en la matière pourrait incomber à l'Organisation mondiale de la santé conformément aux dispositions applicables.

h) À la lumière de la tendance observée dans certains arrangements bilatéraux et plurilatéraux auxquels participent des pays développés et des pays en développement, dans le cadre desquels ces derniers ont parfois abandonné la flexibilité qui leur était due au titre de l'Accord sur les ADPIC, il faudrait qu'il soit clairement reconnu que, dans le cadre de tels arrangements, les Membres devraient éviter de fragmenter le régime multilatéral régissant les droits de propriété intellectuelle prévu par l'Accord sur les ADPIC, respecter la flexibilité ménagée par l'Accord sur les ADPIC et faire en sorte qu'elle soit pleinement utilisée.

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i) L'ensemble de ces options fournirait des éléments de la solution prescrite au paragraphe 6 de la

Déclaration. Les différents éléments correspondraient aux différentes étapes ou aux différents aspects du processus consistant à assurer l'accès aux produits pharmaceutiques. Ainsi, les Membres disposant de capacités de fabrication suffisantes seraient en mesure d'exporter vers les Membres qui ont besoin d'aide pour faire face à des préoccupations dans le domaine de la santé publique (à court terme); les producteurs pourraient implanter des installations de production dans les pays Membres aux capacités de fabrication insuffisantes en étant assurés de pouvoir approvisionner tout le marché régional et, dans une certaine mesure, des pays Membres à l'extérieur des marchés régionaux bénéficiant ainsi d'économies d'échelle dans le cadre de leur production; les pays en développement et les pays les moins avancés Membres dont les périodes de transition pour les produits pharmaceutiques ne sont pas terminées ou ont été prolongées bénéficieraient de l'exception à la protection des droits conférés par les brevets pour les produits pharmaceutiques; les conditions et les pressions inhérentes aux arrangements bilatéraux et plurilatéraux n'empêcheraient pas l'adoption de mesures pour protéger la santé publique garantissant en particulier l'accès aux médicaments; et le moratoire permettrait de prévenir ou de résoudre les différends menaçant des lois ou mesures visées par cette solution.

Annexe: Projet de décision

Décision au titre du paragraphe 6 de la Déclaration ministérielle sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique

Le paragraphe 6 de la Déclaration ministérielle sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001, est libellé comme suit:

6. Nous reconnaissons que les Membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002.

En conséquence, Affirmant que l'existence dans des pays ou régions de problèmes de santé publique ainsi que l'apparition de toutes crises dans le domaine de la santé ou épidémies constitueraient des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence; et Reconnaissant que les crises internationales actuelles dans le domaine de la santé provoquées par certaines maladies constituent un motif pour la délivrance de licences obligatoires ou une utilisation publique à des fins non commerciales, Les Membres conviennent de ce qui suit:

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

[Licences obligatoires] 1. 1) Option 1

L'article 31 de l'Accord sur les ADPIC est modifié comme suit:

Article 31 Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit

Dans les cas où un Membre permet d'autres utilisations de l'objet d'un brevet sans l'autorisation du détenteur du droit, y compris l'utilisation par les pouvoirs publics ou des tiers autorisés par ceux-ci, l'autorisation sera examinée sur la base des circonstances qui lui sont propres et ne sera accordée que conformément aux objectifs et aux principes du présent accord. Dans les cas où une licence obligatoire a été délivrée, il sera toujours tenu compte des intérêts légitimes du titulaire de la licence, y compris lorsqu'il sera examiné si la licence doit être annulée et à quel moment elle doit l'être. La production sous licence obligatoire sera conforme à la licence et aux dispositions de la décision adoptée au titre du paragraphe 6 de la Déclaration sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique. Les Membres feront en sorte que le détenteur du droit ait droit à une juste compensation et à une révision judiciaire par des tribunaux d'archives concernant tous les aspects de la licence obligatoire.

Ou

Option 2

Le paragraphe f) de l'article 31 est supprimé et la numérotation des paragraphes dudit article est modifiée en conséquence.12

Ou

Option 3 La disposition ci-après est ajoutée au paragraphe f) dont elle fera partie. "Le présent paragraphe ne s'appliquera à aucune loi, mesure ou réglementation administrative, y compris les licences obligatoires, adoptée pour protéger la santé publique et en particulier pour assurer un accès aux produits pharmaceutiques à des prix abordables."

2) Les Membres conviennent de faire en sorte que leurs procédures internes en vue de

l'approbation de cet amendement (ou de cette modification) soient achevées le 25 juin 2003.

[Production pour le marché intérieur] 2. Aux fins de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC, on entend par "marché intérieur" du Membre13,

a) le marché intérieur du Membre à condition qu'une part allant jusqu'à 49,9 pour cent de la production sous licence obligatoire puisse être exportée vers des marchés autres que le marché intérieur ou y être consommée;

b) l'ensemble de la zone de libre-échange ou de l'union douanière, y compris les arrangements provisoires y relatifs, dans les cas où le Membre participe à une zone de libre-échange, à une union douanière ou à des arrangements provisoires, au sens de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994;

12 Si cette option est choisie, il faudrait donner une définition du marché intérieur. 13 Cette clause constitue une interprétation faisant autorité du membre de phrase "principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur", qui figure au paragraphe f) de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC.

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COMMERCE, PI & DÉVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE ICTSD, Enda, Solagral 2002

c) tous les territoires pris collectivement des parties à l'arrangement dans les cas où le Membre participe à un arrangement conclu entre pays en développement au sens de la Clause d'habilitation; et

d) tous les pays les moins avancés, dans les cas où le Membre fait partie de ce groupe de pays et où les besoins en matière de santé publique auxquels il s'agit de répondre en vertu de l'autorisation prévue à l'article 31 concernent d'une manière générale les pays les moins avancés dans leur ensemble, par exemple le besoin de technologie médicale et de médicaments essentiels pour le traitement ou l'atténuation des crises liées au VIH/SIDA, au paludisme et à la tuberculose et autres crises dans le domaine de la santé, au sens de la Déclaration ministérielle sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique.

[Production pour d'autres Membres] 3. 1) Tout Membre peut autoriser la production et l'utilisation d'un procédé, en vue de l'exportation

vers un autre Membre, ou sous licences obligatoires délivrées par un autre Membre, dans le cadre de mesures visant à faire face à des préoccupations dans le domaine de la santé publique.

2) Tout Membre peut désigner sur son territoire des lieux ou des entreprises spécifiques ou des quantités spécifiques produites par certaines entreprises en vue de l'exportation vers d'autres Membres ou de l'approvisionnement d'autres Membres pour répondre aux besoins de ces derniers en matière de santé publique.

3) Il est convenu que la production pour d'autres Membres et l'exportation vers d'autres Membres pour répondre aux besoins de ces derniers en matière de santé publique sont autorisées en vertu des articles 7, 8 et 30 de l'Accord sur les ADPIC à titre d'exception aux droits de brevet dans tous les Membres.

[Notification et partage de l'information] 4. Les Membres qui adoptent des lois ou mesures en vue de produire pour l'exportation afin de

répondre aux besoins en matière de santé publique à l'étranger, qui délivrent des licences obligatoires, ou qui ont des préoccupations en matière de santé publique, peuvent les notifier aux autres Membres directement ou par l'intermédiaire du Secrétariat de l'Organisation mondiale du commerce et à toutes organisations internationales compétentes. Il est entendu que le présent paragraphe ne crée pas d'obligation de notification pour les Membres.

[Périodes de transition] 5. 1) Le Conseil des ADPIC est chargé d'accorder les prolongations des périodes de transition

visées à l'article 65:4 de l'Accord aux pays en développement et aux pays les moins avancés Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique.

2) La durée de toutes périodes de transition additionnelles qui seront accordées sera fondée sur des critères objectifs tels que les coûts d'ajustement, les besoins et contraintes en matière de ressources, les niveaux de développement et l'assistance technique pratique et rendue opérationnelle. Les périodes de transition correspondront au laps de temps dont les pays en

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

développement et les pays les moins avancés Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas auront besoin pour se développer afin d'atteindre des niveaux socioéconomiques qui leur permettent de protéger de manière significative et durable la santé publique sur la base des capacités nationales.

[Droits exclusifs de commercialisation] 6. 1) Il est affirmé que tout octroi de droits exclusifs de commercialisation sera soumis aux

conditions suivantes: a) un brevet doit avoir été accordé pour le produit dans un autre pays Membre; b) une approbation de commercialisation doit aussi avoir été accordée pour le produit dans

cet autre Membre; c) l'un et l'autre doivent avoir été accordés après l'entrée en vigueur de l'Accord sur les

ADPIC (1er janvier 1995); d) le Membre dans lequel la demande est en suspens doit avoir accepté d'accorder une

approbation de commercialisation pour le produit faisant l'objet de la demande de brevet en suspens (autrement dit, c'est après que le Membre a accordé une approbation de commercialisation que la question des droits exclusifs de commercialisation se pose);

e) la demande de brevet doit être encore en suspens et il n'a pas encore été décidé d'accorder un brevet ou de refuser ou rejeter la demande; et

f) les droits exclusifs de commercialisation peuvent être accordés uniquement pour une période de cinq ans et les droits doivent prendre fin avant l'expiration de la période de cinq ans soit lorsque le brevet est accordé entre-temps au vu de la demande soit lorsque la demande est traitée et refusée ou rejetée.

2) Les droits exclusifs de commercialisation seront sans préjudice de la délivrance ou du fonctionnement des licences obligatoires au titre de toutes lois sur la propriété intellectuelle en vigueur pendant la période considérée dans les pays en développement et les pays les moins avancés Membres.

3) Il est entendu que les droits exclusifs de commercialisation ne sont pas équivalents aux droits conférés par un brevet et que les Membres ont le droit et la liberté de définir ce qui constitue des droits exclusifs de commercialisation. En particulier, une fois accordés, les droits exclusifs de commercialisation n'empêcheront pas l'importation ou la production dans le pays de tous produits en rapport avec la demande en suspens.

[Mesures correctives contre les réexportations] 7. Les Membres prévoiront ou accorderont aux détenteurs de droits, dans le cadre de leurs lois et

mesures internes, le droit de recourir à des mesures correctives contre les réexportations portant atteinte à ces droits hors du marché intérieur au sens de la présente décision. À cette fin, les producteurs de produits faisant l'objet de licences obligatoires pour répondre à des besoins en matière de santé publique dans certains Membres peuvent étiqueter ces produits aux fins de la consommation sur les marchés intérieurs désignés.

[Partie intégrante de la Déclaration] 8. 1) La présente décision fait partie intégrante de la Déclaration ministérielle sur l'Accord sur les

ADPIC et la santé publique et sera lue conjointement avec cette dernière et avec les

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paragraphes 17 et 19 de la Déclaration ministérielle, adoptée à la quatrième session de la Conférence ministérielle le 14 novembre 2001.

2) Dans ce contexte, a) il est réaffirmé que tous les processus d'interprétation, de mise en œuvre et d'application

de toute disposition de l'Accord sur les ADPIC devraient appuyer la mise en œuvre de solutions rapides qui permettent aux Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique de recourir de manière effective aux licences obligatoires, et faire partie intégrante de cette mise en œuvre au lieu d'y porter atteinte; et

b) dans leurs arrangements bilatéraux, régionaux et autres, les Membres éviteront la fragmentation du régime multilatéral en matière de droits de propriété intellectuelle prévu dans l'Accord sur les ADPIC et respecteront et assureront la pleine utilisation de la flexibilité ménagée par l'Accord sur les ADPIC.

[Rôle du secteur privé] 9. Il est entendu que:

a) le secteur privé a un rôle important à jouer pour l'utilisation efficace des régimes de brevets, surtout dans les pays en développement et les pays les moins avancés Membres;

b) sans préjudice des droits et de la flexibilité dont disposent les Membres au titre de l'Accord sur les ADPIC, la délivrance de licences obligatoires est nécessaire dans les cas où le marché ne répond pas de manière efficace aux préoccupations en matière de politique générale publique et, dans le contexte de la présente décision, en particulier à celles qui concernent la protection de la santé publique; et

c) les détenteurs de brevets ont des obligations envers la société lorsqu'ils exercent leurs droits, pour faire en sorte qu'elle bénéficie des progrès scientifiques et technologiques.

[Moratoire] 10. 1) Les Membres conviennent que les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994,

telles qu'elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends et telles qu'elles sont incorporées dans l'article 64 de l'Accord sur les ADPIC, ne seront pas invoquées à l'égard d'une loi, réglementation ou autre mesure non discriminatoire relative à la propriété intellectuelle adoptée pour faire face à des préoccupations dans le domaine de la santé publique dans les pays Membres ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique.

2) Le moratoire prévu au paragraphe 1) pourra prendre fin moyennant une décision du Conseil des ADPIC en ce qui concerne des maladies et des besoins en matière de santé publique spécifiques lorsque l'Organisation mondiale de la santé déterminera et certifiera formellement, conformément aux dispositions applicables, que la maladie ou le besoin en matière de santé publique a été supprimé.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE 7

ORGANISATION DE L’UNITE AFRICAINE : LEGISLATION MODELE AFRICAINE POUR LA PROTECTION DES DROITS DES COMMUNAUTES LOCALES, DES AGRICULTEURS ET DES OBTENTEURS ET POUR LES REGLES D’ACCES AUX RESSOURCES BIOLOGIQUES - EXTRAITS

TROISIEME PARTIE : ACCES AUX RESSOURCES BIOLOGIQUES 1. L’accès à toute ressource biologique et/ou connaissance ou technologie des communautés locales dans toute partie du pays devra être soumise à une demande en vue d’obtenir le consentement informé préalable et une autorisation écrite. 2. L’accès à toute ressource biologique dans une zone protégée sera soumis à une demande pour obtenir le consentement informé préalable et une autorisation écrite. 3. Toute demande en vue d’obtenir le consentement nécessaire et l’autorisation écrite permettant l’accès à toute ressource biologique, connaissance ou technologie des communautés sera adressée à l’autorité compétente nationale sauf en cas de disposition contraire explicitement prévue par la loi. 4. 1) Pour toute demande d’accès faite conformément à l’article 3 ci-dessus, le demandeur devra

fournir les informations suivantes : i. l’identité du demandeur et les documents attestant de sa capacité juridique à contracter ; ii. les ressources auxquelles il/elle cherche à accéder, notamment les sites où elles seront

collectées, les utilisations présentes et potentielles et la durabilité de ces ressources ainsi que les risques qui peuvent découler d’un tel accès ;

iii. le danger que peut présenter la collecte d’une ressource pour tout élément de la diversité biologique et les risques que peuvent entraîner un tel accès ;

iv. l’objectif de la collecte notamment le type et l’étendue de la recherche, l’utilisation universitaire ou l’exploitation commerciale prévue ;

v. description de la méthode et de l’étendue de la collaboration à l’échelon local et national dans la recherche et le développement de la ressource biologique concernée ;

vi. l’identification de l’institution ou des institutions nationales qui participeront à la recherche et joueront un rôle de surveillance ;

vii. la localisation du site où la recherche et le développement seront effectués ; viii. la destination initiale de la ressource et sa ou ses autres destinations possibles ; ix. les avantages économiques, sociaux, techniques, biotechnologiques, scientifiques,

environnementaux ou autres attendus ou probables pour le pays et les communautés locales fournissant l’accès aux ressources biologiques ainsi que pour collecteur et le ou les pays où il/elle travaille ;

x. les mécanismes et méthodes de partage des bénéfices ; xi. une description de l’innovation, pratique, connaissance ou technologie en rapport avec la

ressource biologique et ; xii. une évaluation de l’impact environnemental et socioéconomique sur au moins les trois

générations suivantes, pour le cas où la collection représente un volume important. 2) Aucune disposition du paragraphe 1 n’empêchera l’autorité compétente nationale de demander

toute information supplémentaire qu’elle jugera nécessaire à l’application de la présente législation.

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5. 1) Tout accès aux ressources biologiques, connaissances ou technologies des communautés locales devra être soumis au consentement informé préalable de : i. l’Etat ; ainsi que ii. des communautés locales concernées, en vérifiant que les femmes sont aussi impliquées

dans la prise de décision. 2) Tout accès obtenu sans le consentement informé préalable de l’Etat et de la ou des communautés

locales concernées entraînera la nullité et fera l’objet de pénalités prévues par la présente législation ou toute autre législation régulant l’accès aux ressources biologiques.

3) L’autorité compétente nationale consultera la ou les communautés locales pour s’assurer que le consentement a été demandé et octroyé. Tout accès accordé sans consultation préalable de la ou des communautés concernées sera considéré illégal et violant le principe incontournable du consentement informé préalable prévu par cet article.

6. 1) L’autorité nationale compétente qui sera saisie d’une demande d’accès, inscrira ou fera inscrire

la dite demande dans un registre public ou au journal officiel ou la fera publier dans un journal raisonnablement accessible au public pour une période de x jours.

2) Toute personne peut consulter le registre public et faire ses commentaires sur la demande. 3) L’autorité compétente nationale devra assurer une diffusion large et optimale des informations

pertinentes vers les communautés concernées et vers toute autre partie intéressée.

7. 1) L’autorisation d’accès sera attribuée par l’autorité compétente nationale ou toute personne dûment autorisée à le faire dans le cadre de la présente législation.

2) Tout accès sera soumis à l’obtention d’un consentement informé préalable écrit, établi entre l’autorité nationale compétente et/ou la ou les communautés locales concernées d’une part et le demandeur ou le collecteur d’autre part.

3) Cet accord sera nul si les signatures nécessaires n’ont pas été obtenues et apposées ou jointes au document.

8. 1) L’accord mentionné à l’article 6 devra faire apparaître les obligations du collecteur.

2) L’accord mentionnera au minimum les obligations suivantes de la part du collecteur : i. respecter les limites qualitatives et quantitatives fixées par l’autorité compétente nationale

sur la ressource biologique que le collecteur peut obtenir et/ou exporter ; ii. s’engager à déposer le double de chaque spécimen de ressource biologique, avec des

informations de terrain complètes, ou l’enregistrement de toute innovation, pratique, connaissance ou technologie ayant été collectée dans une communauté, auprès des agences gouvernementales dûment désignées à cet effet et, le cas échéant, auprès des organisations des communautés locales ;

iii. informer l’autorité compétente nationale et la ou les communautés locales concernées de tous les résultats de recherche et de développement effectués à partir de la ressource ;

iv. ne transférer à un tiers ni la ressource biologique, ni aucun de ses dérivés, ni aucune innovation, pratique, connaissance ou technologie d’une communauté sans l’autorisation de l’autorité compétente nationale et de la ou des communautés concernées ;

v. ne pas déposer de demande de brevet sur une ressource biologique, y compris sur une de ses parties ou dérivés, et ne pas déposer de demande de brevet ou de toute autre protection d’un droit de propriété intellectuelle sur des innovations, pratiques, connaissances ou technologies sans avoir obtenu le consentement informé préalable des premiers détenteurs ;

vi. rétribuer l’Etat et/ou la ou les communautés locales concernées pour leur contribution dans la régénération et la conservation des ressources biologiques et pour le maintien de l’innovation, des pratiques, connaissances ou technologie auxquelles l’accès est sollicité ;

vii. soumettre régulièrement à l’Etat ou à la ou les communautés locales concernées un rapport sur les activités de recherche-développement sur la ressource et, dans le cas où de grandes quantités sont prélevées, un relevé sur l’état écologique du site ; et

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

viii. obéir aux lois en vigueur dans le pays notamment celles qui concernent les contrôles sanitaires, la biosécurité et la protection de l’environnement ainsi que les pratiques culturelles, les valeurs et les coutumes traditionnelles des communautés locales.

3) Tout doit être mis en œuvre pour que la recherche soit effectuée dans le pays de l’entité qui fournit la ressource biologique.

9. 1) Les brevets sur toute forme de vie et sur les procédés biologiques ne sont pas reconnus et ne

peuvent pas faire l’objet d’une demande. 2) Le collecteur ne pourra donc pas déposer de demande de brevet sur des formes de vie et sur des

procédés biologiques aux termes de la présente législation ou de toute autre législation qui réglemente l’accès et l’utilisation des ressources biologiques, des innovations, pratiques, connaissances et technologies des communautés, et qui protège leurs droits.

10. L’Etat d’origine du collecteur fournira à l’autorité compétente nationale la garantie écrite assurant que le collecteur est en conformité avec les dispositions de cette législation et avec les conditions de l’accord. 11. L’autorité compétente nationale devra donner son autorisation d’accès aux ressources biologiques ou aux innovations, pratiques, connaissances ou technologies des communautés concernées, autorisation assortie de toutes les conditions jugées nécessaires. Avant d’autoriser l’accès, l’autorité compétente nationale devra vérifier que toutes les conditions spécifiées dans cette législation ont été remplies.

QUATRIEME PARTIE : DROITS DES COMMUNAUTES 17. L’Etat reconnaît les droits des communautés sur les points suivants :

i. leurs ressources biologiques ; ii. le droit de profiter collectivement de l’utilisation de leurs ressources biologiques ; iii. leurs innovations, pratiques, connaissances et technologies acquises au fil des générations ; iv. le droit de profiter collectivement de l’utilisation de leurs innovations, pratiques, connaissances et

technologies ; v. le droit d’exploiter leurs innovations, pratiques, connaissances et technologies pour la

conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique ; vi. l’exercice de droits collectifs en tant que détentrices et utilisatrices légitimes de leurs ressources

biologiques.

18. L’Etat reconnaît et protège les droits des communautés spécifiés à l’Article 17 tels qu’ils sont inscrits et protégés dans les normes, les pratiques et les lois coutumières existant au sein des communautés locales et autochtones et reconnues d’elles, que ces lois soient écrites ou non. 19. Tout accès à une ressource biologique, une innovation, pratique, connaissance ou technologie devra être soumis au consentement informé préalable (CIP) de la ou des communautés concernées, avec la participation entière et égale des femmes dans la prise de décision. 20. Les communautés locales ont le droit d’interdire tout accès à leurs ressources biologiques, innovations, pratiques, connaissances et technologies si un tel accès doit être octroyé au détriment de l’intégrité de leur patrimoine naturel ou culturel. 21. Les communautés locales ont le droit de retirer leur consentement ou de restreindre des activités découlant de l’accès si ces activités risquent d’être nuisibles à leur vie socio-économique ou à leur patrimoine naturel ou culturel.

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22. 1) Les communautés locales exerceront leurs droits inaliénables à l’accès, l’utilisation, l’échange

ou le partage de leurs ressources biologiques pour le maintien de leurs modes d’existence et dans le respect de leurs pratiques et lois coutumières.

2) Aucune barrière légale n’entravera le système d’échange traditionnel des communautés locales dans l’exercice de leurs droits prévus au paragraphe 1 ci-dessus et des autres droits qui peuvent être inhérents aux pratiques et lois coutumières des communautés locales concernées.

23. 1) L’Etat veillera à ce que cinquante pour cent au moins des bénéfices tirés de l’utilisation

commerciale d’une ressource biologique ou d’une innovation, pratique, connaissance ou technologie d’une communauté soient acheminés vers la ou les communautés locales concernées avec un souci de répartition équitable entre les hommes et les femmes.

2) L’Etat et le collecteur devront conclure un contrat écrit établissant que les bénéfices mentionnés au paragraphe 1 ci-dessus sont générés au profit de la ou des communautés locales concernées ;

3) Tout contrat écrit tel que mentionné ci-dessus devra être conclu entre l’Etat et le collecteur, avec la pleine participation et l’accord de la ou des communautés locales concernées.

24 1) Les droits intellectuels des communautés locales seront reconnus de tout temps et devront être

protégés conformément à la présente législation. 2) Toute innovation, pratique, connaissance ou technologie des communautés ou toute utilisation

particulière d’une ressource biologique ou de toute autre ressource naturelle devra être identifiée, interprétée et constatée par les communautés locales elles-mêmes concernées, selon leurs pratiques et lois coutumières, qu’elles soient écrites ou non écrites.

3) Le non enregistrement de toute innovation, pratique, connaissance ou technologie des communautés ne signifie pas que celle-ci n’est pas protégée par les droits intellectuels communautaires.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

CINQUIEME PARTIE : DROITS DES AGRICULTEURS 25. 1) La reconnaissance des droits des agriculteurs se fonde sur l’énorme contribution des

communautés agricoles locales, en particulier celle des femmes, dans toutes les régions du monde, notamment dans les centres d’origine de la diversité des plantes cultivées et des autres formes d’agro-biodiversité, pour la conservation, le développement et l’utilisation durable des ressources génétiques végétales ou animales qui sont à la base de la sélection pour les productions alimentaire et agricole ; et

2) Pour la pérennité de ces contributions, les droits des agriculteurs doivent être reconnus et protégés.

26. Les variétés des agriculteurs sont reconnues et protégées conformément aux pratiques et lois coutumières en vigueur dans les communautés agricoles locales concernées, qu’elles soient écrites ou non. 27. 1) Les droits des agriculteurs, dans le respect de l’égalité des sexes, comprennent le droit à:

a. la protection de leurs connaissances traditionnelles liées aux ressources génétiques végétales ou animales ;

b. la répartition équitable des bénéfices tirés de l’utilisation des ressources génétiques végétales ou animales ;

c. la participation à la prise de décision, y compris au niveau national, sur les questions liées à la conservation et à l’utilisation durable des ressources génétiques végétales ou animales ;

d. la conservation, l’utilisation, l’échange et la vente de semences et de matériel de multiplication issus de l’exploitation ; et

e. l’utilisation d’une nouvelle variété sélectionnée par un obtenteur et protégée par la présente loi dans la création de variétés locales.

1. Sans préjudice des points c) et d) ci-dessus un agriculteur ne pourra pas vendre des semences ou du matériel de multiplication issus d’une sélection industrielle protégée dans un but commercial.

SEPTIEME PARTIE : LE DROIT D’OBTENTEUR 40. Le droit d’obtenteur découle des efforts et des investissements effectués par des personnes ou des institutions pour élaborer de nouvelles variétés végétales, telles qu’elles sont définies à l’article 41, et constitue la reconnaissance et la récompense économique de ces efforts. 41. Une variété sera considérée comme nouvelle si :

a. elle a une ou plusieurs caractéristiques identifiables qui permettent de la distinguer clairement de toutes les variétés communément reconnues à la date à laquelle la demande de droit d’obtenteur est déposée ;

b. elle est stable dans ses caractéristiques essentielles, c’est-à-dire si après un nombre répété de reproductions ou de multiplications ou, si le demandeur a défini un cycle particulier de reproduction ou de multiplication, à la fin de chaque cycle, ses caractéristiques essentielles restent fidèles à la description ;

c. elle reste, en fonction des ses caractéristiques de reproduction sexuelle ou de reproduction végétative, suffisamment homogène ou constitue une multilignée bien définie.

42. 1) Le droit d’obtenteur sur une nouvelle variété concerne :

a. Le droit exclusif de vendre ou d’accorder une licence pour la vente de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété ;

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b. Le droit exclusif de produire ou d’accorder une licence pour la production de matériel de reproduction ou de multiplication de cette variété destiné à la vente.

2) Le droit d’obtenteur sur une variété végétale est soumis au respect des conditions prévues dans la cinquième partie de la présente législation sur les droits des agriculteurs.

43. 1) Nonobstant l’existence d’un droit d’obtenteur sur une variété végétale, toute personne peut :

a. multiplier, cultiver et utiliser des plantes de cette variété dans un but non commercial ; b. vendre des plants ou matériel de multiplication de cette variété comme produit alimentaire

ou pour tout autre usage que laculture des plants ou la multiplication de cette variété ; c. vendre sur place, c’est-à-dire au champ ou sur tout autre lieu de culture, tout plant ou

matériel de multiplication d’une variété cultivée à cet endroit ; d. utiliser du matériel de reproduction ou de multiplication d’une variété dans le but d’élaborer

une nouvelle variété végétale sauf si la personne fait une utilisation répétée du matériel de reproduction ou de multiplication de la première variété pour la production commerciale d’une autre variété ;

e. cultiver la variété protégée comme produit alimentaire destiné à la consommation personnelle ou à la vente ;

f. utiliser la variété protégée pour mener à bien des activités de sélection, de recherche ou de formation ;

g. obtenir une telle variété protégée dans une banque de gènes ou dans des centres de ressources génétiques végétales.

Les agriculteurs pourront librement conserver, échanger et utiliser une partie des semences d’une première récolte pour ensemencer leurs champs et ainsi produire de nouvelles récoltes en respectant les conditions prévues dans la cinquième partie concernant les droits des agriculteurs de ce présent acte. 44. 1) Conformément au présent acte, un obtenteur d’une nouvelle variété de plante peut faire une

demande auprès de l’autorité compétente nationale pour obtenir un droit d’obtenteur pour cette variété.

2) Un obtenteur d’une nouvelle variété, ou son ayant droit, peut formuler une demande de droit d’obtenteur pour cette variété, que l’obtenteur soit national ou étranger, résident ou non résident et que la variété ait été créée sur place ou à l’étranger.

3) Quand deux personnes ou plus sont en droit d’introduire une demande de droits d’obtenteur pour une nouvelle variété, que ce soit parce qu’ils ont créé la variété végétale conjointement ou indépendamment, ou pour une autre raison, ces personnes ou certaines de ces personnes peuvent faire une demande conjointe.

4) Quand deux personnes ou plus créent une nouvelle variété de plante conjointement, l’un de ces obtenteurs, ou l’ayant droit de l’un de ces obtenteurs, ne pourra pas introduire une demande de droit d’obtenteur pour cette variété si ce n’est conjointement, ou avec l’accord écrit de l’autre personne, ou de chacune des autres personnes en droit d’introduire une telle demande.

5) Dans le cas d’institutions publiques ou privées, la demande peut être introduite au nom de l’institution.

45. 1) Si le gouvernement le juge nécessaire, dans l’intérêt public, le droit d’obtenteur sur une

nouvelle variété peut être soumis à des restrictions. Ces restrictions peuvent être imposées notamment : a. si le détenteur du droit pose des problèmes de pratiques concurrentielles ; b. quand la sécurité alimentaire, nutritionnelle ou la santé sont menacées ; c. en cas d’importation massive de la variété végétale mise en vente ; d. pénurie du matériel de multiplication d’une variété ; et e. dans l’intérêt public, pour des raisons socioéconomiques et pour promouvoir les

technologies autochtones ou autres.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

2) Lorsque des restrictions sont imposées sur le droit d’obtenteur : a. une copie de l’instrument déterminant les conditions de la restriction sera adressée au

détenteur du droit ; b. un avertissement public sera donné ; c. la compensation à accorder au détenteur du droit sera déterminée ; d. le détenteur du droit pourra faire appel du montant de la compensation.

3) En particulier, et sans préjudice des généralités des dispositions ci-dessous, l’autorité gouvernementale compétente pourra transformer les droits exclusifs de l’obtenteur garantis par le présent acte en droits non exclusifs (droit de licence obligatoire).

46. Conformément à cet acte, le droit d’obtenteur sur une variété végétale aura une durée de 20 ans pour les cultures annuelles et de 25 ans dans le cas d’arbres, de vignes et d’autres espèces pérennes à compter du jour où le droit d’obtenteur est reconnu. 47. Au cas où un litige concernant la qualification d’une nouvelle variété végétale conformément aux dispositions du présent acte apparaîtrait, il sera examiné par l’administration représentée par l’autorité compétente nationale, par un tribunal compétent et finalement par la cour de justice. 48. 1) En cas de violation du droit d’obtenteur, une action ou une procédure peut être engagée par

écrit auprès d’un tribunal ou, si les deux parties sont d’accord, soumise à un arbitrage. 2) Le défendeur dans une telle action ou procédure peut en réponse introduire une demande

reconventionnelle pour la révocation du droit d’obtenteur : a. Au motif que la variété végétale n’est pas nouvelle ; b. S’il existe des faits qui auraient entraîné le rejet de la demande de droit d’obtenteur s’ils

avaient été connus auparavant par l’autorité compétente nationale. 3) Au cas où la cour reconnaît le bien fondé de la demande reconventionnelle, le droit d’obtenteur

peut être révoqué. 4) Si, à la suite d’une demande reconventionnelle, le droit d’obtenteur est révoqué, la cour

ordonnera au défendeur d’en informer l’autorité compétente nationale. 49. L’Etat devra désigner ou établir une autorité compétente nationale chargée d’appliquer et d’exécuter les dispositions relatives aux droits d’obtenteur prévues par le présent acte. 50. L’autorité compétente nationale aura pour tâche de :

a. recevoir et examiner les demandes d’enregistrement de droit d’obtenteur ; b. effectuer les examens nécessaires pour tester la variété du demandeur ; c. enregistrer et publier les certificats de droits d’obtenteur ; d. publier les demandes de droits d’obtenteur au journal officiel ; e. examiner toute objection à un droit d’obtenteur f. garder à jour un Registre relatif aux droits d’obtenteur.

51. L’autorité compétente nationale conservera un Registre national des droits d’obtenteur où seront mentionnées les informations requises par le présent acte ou d’autres règlements. 52. Le gouvernement devra désigner le ou les centres de ressources génétiques végétales, qui pourront servir au stockage et à la conservation du matériel génétique comme prévu par le présent acte. 53. 1) Quand une demande de droit d’obtenteur est déposée :

a. la demande est acceptée si l’autorité compétente nationale estime que : i. la demande est en conformité avec les obligations prévues à l’article 29 ; et ii. les taxes prévues ont été payés ; ou

b. la demande est rejetée si l’autorité compétente nationale estime que la demande ne remplit pas les conditions spécifiées.

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2) En cas d’acceptation d’une demande, l’autorité compétente nationale doit en informer par écrit le demandeur dans un délai de 30 jours, et rendre publique cette demande.

3) En cas de rejet l’autorité compétente nationale doit en informer par écrit le demandeur dans un délai de 30 jours, et expliquer les raisons du rejet.

54. 1) Si une demande est acceptée, l’autorité compétente nationale stipulera la quantité de graines ou

de matériel de multiplication que le demandeur doit fournir pour les tests et examens. 2) L’autorité compétente nationale élaborera une procédure d’essais statistiquement valables pour

évaluer l’intérêt de la variété au niveau national. et accès aux ressources biologiques 3) Les qualités économiques, physiologiques, écologiques et nutritives entreront dans les critères

d’évaluation. 4) Les taxes à payer pour le droit d’obtenteur seront fixées au prorata des coûts administratifs et

expérimentaux. 55. Dans le cadre du présent acte, on ne considérera pas qu’une variété végétale étrangère pour laquelle une demande a été acceptée a des caractéristiques particulières sauf si :

a. des essais variétaux statistiquement valables, multi-sites, effectués dans le pays pendant au moins trois cycles de culture ont démontré que la variété possède les caractéristiques spécifiques décrites par le demandeur ; ou

b. une crise exceptionnelle de la production alimentaire l’exige et que l’autorité compétente nationale estime que : i. des essais statistiquement valables effectués à l’étranger ont démontré que la variété possède

ces caractéristiques spécifiques ; et ii. les conditions naturelles au champ du pays où les essais statistiquement valables ont été

effectués ressemblent à celles du pays. 56. 1) Si, lorsque lors de l’examen d’une demande, l’autorité compétente estime qu’il est nécessaire de

procéder à un ou plusieurs essais statistiquement valables, le ou les essais devront être réalisés : a. pour déterminer si la variété végétale est distincte, homogène ou stable ; b. pour déterminer si la variété, si elle était cultivée dans le pays, montrerait les mêmes

caractéristiques de distinction, d’homogénéité et de stabilité ; c. en priant le demandeur de fournir une quantité suffisante de matériel de multiplication de la

variété, semences, graines ou boutures, selon le cas, ainsi que toutes les informations nécessaires à la culture de la variété en condition d’examen.

2) Une fois l’examen d’une variété végétale effectué, le demandeur devra récupérer tout le matériel de reproduction ou de multiplication utilisé pour, ou résultant des essais, dans la mesure où celui-ci est transportable.

57. 1) Une demande peut être retirée à tout moment par le demandeur, avant la publication de la

demande. 2) Si une demande est retirée après sa publication dans le journal officiel, mais avant l’octroi du

droit d’obtenteur, l’autorité compétente nationale devra rendre public le retrait sur le champ. 58. 1) Quand une demande de droit d’obtenteur sur une variété végétale est introduite, le demandeur

sera considéré comme le propriétaire du droit d’obtenteur sur cette variété végétale à compter du moment où la demande est introduite et jusqu’à l’un des deux événements suivants (a. ou b.) : a. lors de l’examen de la demande ; ou b. après expiration du délai prescrit, notifié par l’autorité compétente nationale au demandeur.

2) Des mesures devront être prises pour protéger le matériel génétique des nouvelles variétés testées pour éviter qu’elles servent à d’autres fins que la recherche.

59. 1) Dès la publication officielle d’une demande de droit d’obtenteur pour une variété végétale ou

une variation d’une telle variété, toute personne qui considère que :

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

a. l’intérêt commercial ou public serait menacé par l’attribution de ces droits ; b. la demande ne correspond pas aux critères prévus pour l’attribution du droit d’obtenteur ; peut dans les six mois qui suivent la publication de la demande, ou à tout autre moment avant l’examen de la demande, faire une réclamation écrite auprès de l’autorité compétente nationale en spécifiant bien le motif de la réclamation.

2) Lorsqu’une réclamation est déposée conformément aux dispositions du paragraphe 1, l’autorité compétente nationale devra adresser une copie de cette réclamation au demandeur du droit d’obtenteur.

3) A tout moment, quelqu’un peut vérifier une demande ou une réclamation déposée, et est en droit, à condition de payer les frais prévus, d’obtenir une copie de la demande ou de la réclamation.

60. 1) Conformément à cet article, le droit d’obtenteur relatif à une variété végétale est octroyé si

l’autorité compétente nationale estime que : i. la variété végétale existe réellement ; ii. c’est une variété végétale nouvelle; iii. le demandeur a la capacité juridique de faire la demande ; iv. l’octroi de ce droit au demandeur n’est pas interdit par le présent acte ; v. ce droit n’a pas été octroyé à une autre personne ; vi. aucune demande pour ce droit n’a été retirée ou examinée auparavant ; et vii. toutes les taxes prévues au terme du présent acte ont été payées.

2) Si l’autorité compétente nationale estime que les conditions énoncées au paragraphe 1 ci-dessus n’ont pas été remplies, elle refusera l’octroi du droit d’obtenteur au demandeur.

3) L’autorité compétente nationale ne pourra pas statuer sur une demande de droit d’obtenteur pour une variété végétale avant un délai de six mois, à compter de la publication de la demande au journal officiel ou, si la demande a été assez nettement modifiée d’après l’autorité compétente, une période de six mois à partir du moment de la publication des caractéristiques de la variété, ou de la dernière variation de la dite variété.

4) L’autorité compétente nationale ne pourra pas refuser l’octroi d’un droit d’obtenteur avant d’avoir donné au demandeur, la possibilité de répondre par écrit à l’objection.

5) En cas de réclamation, l’autorité compétente nationale ne pourra pas octroyer de droit d’obtenteur au demandeur sans avoir donné la possibilité au réclamant de d’expliquer par écrit les raisons de sa réclamation.

6) Le droit d’obtenteur doit être octroyé et délivré au demandeur par l’autorité compétente nationale conformément au présent règlement.

7) Le droit d’obtenteur octroyé à plusieurs personnes est octroyé conjointement. 8) Quand le droit d’obtenteur est octroyé à un organisme public ou privé, il est acquis par

l’institution, représentée par une ou plusieurs personnes dûment nommées. 9) En cas de refus, l’autorité compétente nationale devra, dans un délai de trente jours à partir de la

date du refus, en informer par écrit le demandeur en explicitant les motifs du refus.

65. 1) En cas de cession ou de transmission du droit d’obtenteur, l’acquéreur devra dans un délai de trente jours à partir de la date d’acquisition, en informer l’autorité compétente nationale par écrit, donner les modalités d’acquisition, et si l’autorité compétente nationale considère que le droit d’obtenteur a bien été cédé ou transmis, elle devra enregistrer le nom du nouveau propriétaire du droit d’obtenteur.

2) Conformément au paragraphe 1, l’autorité compétente nationale enregistre en tant que titulaire du droit d’obtenteur le nouvel acquéreur ; elle devra, dans un délai de trente jours à compter de la date d’inscription, notifier par écrit l’ancien et le nouveau titulaire pour les informer que la nouvelle inscription est faite.

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3) Si l’autorité compétente nationale ne considère pas que le droit d’obtenteur a été réellement cédé ou transmis à la personne qui a informé l’autorité compétente nationale conformément au paragraphe 1 de la cession ou la transmission du droit d’obtenteur, elle devra : a. adresser une notification écrite au réclamant pour :

i. l’informer que l’autorité compétente nationale a des doutes sur la réalisation de la transaction ; ii. donner les raisons de ses doutes et

b. notifier par écrit le titulaire du droit pour : i. vérifier les informations données par le réclamant ; ii. l’informer que l’autorité nationale compétente a des doutes sur la réalité de la transaction ; et iii. donner les raisons de ses doutes.

4) Une personne qui informe l’autorité compétente nationale conformément au paragraphe 1 qu’un droit d’obtenteur lui a été cédé ou transmis devra informer par écrit à l’autorité nationale compétente, et adresser au greffe toutes les informations nécessaires conformément aux dispositions du présent acte ; et a. quand l’autorité compétente nationale enregistre le nom de cette personne, conformément

aux dispositions du paragraphe 1 et que l’adresse est différente de l’adresse indiquée sur le registre, elle devra procéder à une modification sur le registre pour que l’adresse donnée enregistrée corresponde à l’adresse du greffe concerné ; ou

b. quand l’autorité compétente nationale sur la réalité de la cession ou de la transmission, elle en enverra une notification à la personne visée au paragraphe 3)a. par la poste.

66. 1) Le droit d’obtenteur pour une variété végétale implique que le titulaire respecte les demandes

émises par l’autorité compétente nationale. 2) Quand un droit d’obtenteur est délivré pour une variété végétale, l’autorité compétente nationale

peut informer par écrit le titulaire du droit d’obtenteur qu’il a un délai de 14 jours à partir de la date de la notification, ou tout autre délai autorisé, pour faire livrer à ses propres frais une quantité déterminée de matériel de multiplication à un centre de ressources génétiques végétales et à un herbier.

3) La quantité de matériel de multiplication, ainsi demandée au paragraphe 2, d’une variété devra être suffisante pour permettre la continuité de la variété en cas de pénurie du matériel de multiplication de cette variété.

4) Si le matériel de multiplication est livré dans un centre de ressource génétique, l’autorité compétente nationale fixera, en vertu du paragraphe 1, le centre de ressources génétiques végétales qui devra stocker le matériel de multiplication conformément aux dispositions du paragraphe 6.

5) La livraison et le stockage du matériel de multiplication dans un centre de ressources génétiques n’affectent en rien la propriété du matériel de multiplication, cependant, ce matériel ne sera pas utilisé à d’autres fins que celles spécifiées par le présent acte.

6) Le matériel de multiplication stocké dans un centre de ressources génétiques végétales végétal doit uniquement servir aux objectifs visés par le présent acte.

7) Sans limiter la portée des paragraphes 5 et 6, quand le matériel de multiplication est stocké dans un centre de ressources génétiques végétales, sur décision du gouvernement en vertu de l’article 39 du présent acte, le matériel de multiplication ne fera pas partie de la collection nationale et ne sera pas utilisé pour cette collection, jusqu’à ce que l’autorité nationale ait statué sur la demande de droit d’obtenteur. Une fois qu’une variété est reconnue, le matériel de multiplication peut servir à des recherches ou à un travail de sélection ultérieurs après notification du dépositaire du matériel de multiplication.

67. 1) L’autorité compétente nationale peut révoquer un droit d’obtenteur sur une variété végétale si :

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

a. elle estime que cette variété végétale n’est pas nouvelle ou s’il existe des faits qui, s’ils avaient été connus avant l’octroi du droit d’obtenteur, auraient conduit au rejet de la demande ; ou

b. si le titulaire n’a pas payé les taxes prévues dans un délai de 90 jours après notification de recouvrement.

2) L’autorité nationale compétente peut révoquer un droit d’obtenteur si elle considère que : a. le titulaire n’a pas rempli ses obligations relatives à son droit d’obtenteur ; ou b. une personne à qui un droit d’obtenteur a été cédé ou transmis n’a pas rempli ses obligations

déterminées par le présent acte. 3) Si l’autorité nationale compétente révoque un droit d’obtenteur pour une variété végétale

conformément au présent article, elle devra, dans un délai de sept jours à partir de la révocation, en informer par écrit le titulaire en expliquant les motifs de la révocation.

4) L’autorité compétente nationale ne pourra pas révoquer un droit d’obtenteur en vertu du présent article si elle n’a pas préalablement informé le titulaire ou toute personne à qui elle croit que le droit a été cédé ou transmis, les raisons de la révocation prévue et donné au titulaire ou à toute personne de fonction équivalente la possibilité de répondre par écrit à la révocation prévue.

5) La révocation d’un droit d’obtenteur pour une variété végétale prend effet : a. en vertu du paragraphe 4, à l’expiration du délai pendant lequel une demande peut être

adressée à un tribunal pour un réexamen de la révocation ; ou b. si une telle demande est adressée à un tribunal, au moment où la demande est rejetée ou

finalement examinée par le tribunal. 6) Aucune disposition de cet article ne peut affecter le pouvoir ou le système judiciaire. 7) Toute personne dont les intérêts sont menacés par l’octroi d’un droit d’obtenteur sur une variété

végétale peut demander à l’autorité compétente nationale la révocation du droit d’obtenteur conformément aux présentes dispositions.

8) L’autorité compétente nationale examinera toutes les demandes de révocation d’un droit d’obtenteur. La décision de ne pas révoquer le droit d’obtenteur devra être notifiée au réclamant par écrit dans un délai de 7 jours à partir du moment où la décision est prise, en expliquant les motifs de la décision.

68. 1) Conformément au paragraphe 2 de l’article 34, le titulaire d’un droit d’obtenteur peut à tout

moment, abandonner son droit d’obtenteur après avoir informé l’autorité compétente nationale : celle-ci peut, après avoir rendu publique l’information et donné à toutes les parties intéressées la possibilité de faire une proposition écrite, si elle le juge bon, accepter l’offre et révoquer ce droit.

2) Quand une action ou une procédure relative à un droit d’obtenteur est en suspens devant une cour, l’autorité compétente nationale ne pourra pas accepter une offre d’abandon ni révoquer ce droit d’obtenteur, sauf si cela est expressément autorisé par la cour ou avec le consentement de toutes les parties concernées par l’action ou procédure.

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ANNEXE 8 ANNEXE I DE L’ACCORD DE BANGUI REVISE 1999 - EXTRAITS

DES BREVETS D'INVENTION

TITRE 1 - DISPOSITIONS GENERALES Article premier : Définitions Aux fins de la présente Annexe, Invention. s'entend d'une idée qui permet dans la pratique la solution d'un problème particulier dans le domaine de la technique. Brevet. s'entend du titre délivré pour protéger une invention. Article 2 : Invention brevetable

1) Peut faire l'objet d'un brevet d'invention (ci-après dénommé .brevet). l'invention nouvelle, impliquant une activité inventive et susceptible d'application industrielle.

2) L'invention peut consister en, ou se rapporter à un produit, un procédé, ou à l'utilisation de ceux-ci.

Article 3 : Nouveauté

1) Une invention est nouvelle si elle n'a pas d'antériorité dans l'état de la technique. 2) L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public, quel que soit

le lieu, le moyen ou la manière, avant le jour du dépôt de la demande du brevet ou d'une demande de brevet déposée à l'étranger et dont la priorité a été valablement revendiquée.

3) La nouveauté d'une invention n'est pas mise en échec si, dans les 12 mois précédant le jour visé à l'alinéa 2) précédent, cette invention a fait l'objet d'une divulgation résultant : a) d'un abus manifeste à l'égard du déposant de la demande ou de son prédécesseur en droit ; b) ou du fait que le déposant de la demande ou son prédécesseur en droit l'a exposée dans une

exposition internationale officielle ou officiellement reconnue. Article 4 : Activité inventive Une invention est considérée comme résultant d'une activité inventive si, pour un homme du métier ayant des connaissances et une habileté moyennes, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique à la date du dépôt de la demande de brevet ou bien, si une priorité a été revendiquée, à la date de la priorité valablement revendiquée pour cette demande. Article 5 : Application industrielle Une invention est considérée comme susceptible d'application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie. Le terme industrie doit être compris dans le sens le plus large ; il couvre notamment l'artisanat, l'agriculture, la pêche et les services. Article 6 : Objets non brevetables Ne peuvent être brevetés :

a) l'invention dont l'exploitation est contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, étant entendu que l'exploitation de ladite invention n'est pas considérée comme contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition légale ou réglementaire ;

b) les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ; c) l'invention qui a pour objet des variétés végétales, races animales, procédés essentiellement

biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que procédés microbiologiques et produits obtenus par ces procédés ;

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

d) les plans, principes ou méthodes en vue de faire des affaires, de réaliser des actions purement intellectuelles ou de jouer ;

e) les méthodes de traitement du corps humain ou animal par la chirurgie ou la thérapie ainsi que les méthodes de diagnostic ;

f) les simples présentations d'informations ; g) les programmes d'ordinateurs ; h) les créations de caractère exclusivement ornemental ; i) les oeuvres littéraires, architecturales et artistiques ou toute autre création esthétique.

Article 7 : Droits conférés par le brevet

1) Sous les conditions et dans les limites fixées par la présente Annexe, le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d'exploiter l'invention brevetée.

2) Sous les conditions et dans les limites fixées par la présente Annexe, le titulaire du brevet a le droit d'interdire à toute personne l'exploitation de l'invention brevetée.

3) Aux fins de la présente Annexe, on entend par exploitation d'une invention brevetée l'un quelconque des actes suivants : a) Lorsque le brevet a été délivré pour un produit :

i) fabriquer, importer, offrir en vente, vendre et utiliser le produit ; ii) détenir ce produit aux fins de l'offrir en vente, de le vendre ou de l'utiliser ;

b) Lorsque le brevet a été délivré pour un procédé : i) employer le procédé ; ii) accomplir les actes mentionnés au sous alinéa a) à l'égard d'un produit résultant directement de l'emploi du procédé.

4) Le titulaire a aussi le droit de céder, ou de transmettre par voie successorale le brevet et de conclure des contrats de licence.

5) En sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, le titulaire du brevet a le droit d'engager une procédure judiciaire devant le tribunal du lieu de la contrefaçon contre toute personne qui commet une contrefaçon du brevet accomplissant sans son consentement, l'un des actes mentionnés à l'alinéa 3) ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu'une contrefaçon sera commise.

Article 8 : Limitation des droits conférés par le brevet

1) Les droits découlant du brevet ne s'étendent pas: a) aux actes relatifs à des objets mis dans le commerce sur le territoire d'un Etat membre par le

titulaire du brevet ou avec son consentement, ni b) à l'utilisation d'objets à bord d'aéronefs, de véhicules terrestres ou de navires étrangers qui

pénètrent temporairement ou accidentellement dans l'espace aérien, sur le territoire ou dans les eaux d'un Etat membre ; ni

c) aux actes relatifs à une invention brevetée accomplis à des fins expérimentales dans le cadre de la recherche scientifique et technique ;

d) aux actes effectués par toute personne qui, de bonne foi à la date du dépôt ou, lorsqu'une priorité est revendiquée, à la date de priorité de la demande sur la base de laquelle le brevet est délivré et sur le territoire d'un Etat membre, utilisait l'invention ou faisait des préparatifs effectifs et sérieux pour l'utiliser, dans la mesure où les actes ne diffèrent pas, dans leur nature ou leur finalité, de l'utilisation antérieure effective ou envisagée.

2) Le droit de l'utilisateur visé au sous alinéa 1)d) ne peut être transféré ou dévolu qu'avec l’entreprise ou la société ou la partie de l'entreprise ou de la société dans laquelle ont eu lieu l'utilisation ou les préparatifs en vue de l'utilisation.

Article 9 : Durée de protection Le brevet expire au terme de la 20ème année civile à compter de la date de dépôt de la demande, sous réserve des dispositions de l'article 40.

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SECTION II - DE LA DELIVRANCE DES BREVETS Article 19 : Transmission de la demande de brevet à l'OAPI

1) Aussitôt après l'établissement du procès-verbal de dépôt sur le formulaire prescrit, et dans les cinq jours ouvrables à compter de la date de dépôt, le Ministère chargé de la propriété industrielle transmet à l'Organisation, conformément aux dispositions de l'article 11, le pli remis par le déposant et contenant en double exemplaire, la description de l'invention, la/ou les revendication(s) définissant l'étendue de la protection recherchée, les dessins éventuels nécessaires à l'intelligence de l'invention ainsi que l'abrégé descriptif constituant le résumé de la description, en y joignant un original et une copie du procès-verbal, les pièces constatant le versement des taxes et s'il y a lieu, le pouvoir.

2) L'Organisation ouvre le pli tel que défini à l'alinéa précédent ; elle porte la demande dans le registre des demandes brevets, procède à son examen et à la délivrance du brevet le cas échéant, autant que possible dans l'ordre de réception des demandes.

Article 20 : Examen des demandes

1) Pour toute demande de brevet, il est effectué un examen visant à établir que : a) l'invention qui fait l'objet de la demande de brevet n'est pas exclue, en vertu des dispositions

de l'article 6 de la présente Annexe, de la protection conférée par le brevet ; b) la ou les revendications sont conformes aux dispositions de l'article 14. 1)d)iii) de la

présente Annexe; c) les dispositions de l'article 15 de la présente Annexe sont respectées.

2) Il est également effectué, sous réserve des dispositions de l'alinéa 3) ci-après un rapport de recherche visant à établir que : a) au moment du dépôt de la demande de brevet, une demande de brevet déposée

antérieurement ou bénéficiant d'une priorité antérieure valablement revendiquée et concernant la même invention n'est pas encore en instance de délivrance.

b) l'invention : i) est nouvelle ; ii) résulte d'une activité inventive ; et iii) est susceptible d'application industrielle.

3) Le Conseil d'Administration décide si et dans quelle mesure les dispositions de l'alinéa 2)a) et b) ci-dessus doivent être appliquées ; en particulier, il peut décider si tout ou partie des dispositions susvisées sont applicables à un ou plusieurs domaines techniques dont relèvent les inventions ; il détermine ces domaines par référence à la classification internationale des brevets.

4) Lorsque l'invention concerne l'utilisation d'un micro-organisme, l'Organisation se réserve le droit de réclamer au déposant la présentation d'un échantillon du micro-organisme tel que délivré par l'institution de dépôt ou par l'autorité de dépôt international.

5) Pour les demandes internationales en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, l'Organisation peut se prévaloir des dispositions des articles 20 et 36 dudit Traité relatives respectivement au rapport de recherche internationale et au rapport d'examen préliminaire international.

Article 21 : Modification des revendications de la description des dessins et de l'abrégé

1) Le déposant peut, avant la délivrance, modifier les revendications, la description, les dessins et l'abrégé.

2) Les modifications ne doivent pas aller au-delà de l'exposé de l'invention qui figure dans la demande telle qu'elle a été déposée.

Article 22 : Délivrance

1) Lorsque l'Organisation constate que toutes les conditions requises pour la délivrance du brevet sont remplies et que, le cas échéant, le rapport de recherche visé à l'article 20 a été établi, elle notifie la décision et délivre le brevet demandé. Toutefois, dans tous les cas, la délivrance des

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

brevets est effectuée aux risques et périls des demandeurs et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l'invention, soit de la fidélité ou de l'exactitude de la description.

2) La délivrance du brevet a lieu sur décision du Directeur Général de l'Organisation ou sur décision d'un fonctionnaire de l'Organisation dûment autorisé à le faire par le Directeur général.

3) Les brevets fondés sur les demandes internationales prévues par le Traité de coopération en matière de brevets sont délivrés dans les mêmes formes que celles qui sont prévues au paragraphe précédent avec, toutefois, référence à la publication internationale prévue par ledit Traité.

4) Avant la délivrance, toute demande de brevet ou de certificat d'addition peut être retirée par son auteur. Les pièces déposées ne lui sont restituées que sur sa demande.

Article 23 : Ajournement de la délivrance

1) Nonobstant les dispositions de l'alinéa 1er de l'article précédent, le déposant peut demander que la délivrance ait lieu un an après le jour du dépôt de la demande, si ladite demande renferme une réquisition expresse à cet effet. Celui qui a requis le bénéfice de cette disposition peut y renoncer à tout moment de la période de référence.

2) Il en est de même pour toute demande non accompagnée d'un exemplaire des pièces prévues à l'alinéa 1)d) et 2) de l'article 14).

2) Le bénéfice de la disposition qui précède ne peut être réclamé par ceux qui auraient déjà profité des délais de priorité accordés par des traités internationaux, notamment par l'article 4 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.

Article 24 : Conditions de rejet

1) Toute demande qui a pour objet une invention non susceptible d'être brevetée en vertu de l'article 6 ou qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article 20 est rejetée.

2) Il en est de même pour toute demande non accompagnée d'un exemplaire des pièces prévues à la lettre d) de l'article 14.

3) La demande qui ne satisfait pas à la prescription de l'article 15, peut, dans un délai de six mois à compter de la date de la notification que la demande telle que présentée ne peut être acceptée parce que n'ayant pas un seul objet principal, être divisée en un certain nombre de demandes bénéficiant de la date de la demande initiale.

4) Toute demande dans laquelle n'ont pas été observées les autres prescriptions de l'article 14, à l'exclusion de la disposition de la lettre b) et de celles de l'article 15 est irrégulière. Cette irrégularité est notifiée au demandeur ou à son mandataire, en l'invitant à régulariser les pièces dans le délai de trois mois à compter de la date de la notification. Ce délai peut être augmenté de 30 jours, en cas de nécessité justifiée, sur requête du demandeur ou de son mandataire. La demande ainsi régularisée dans ledit délai conserve la date de la demande initiale.

5) Dans le cas où les pièces régularisées ne sont pas fournies dans le délai imparti, la demande de brevet est rejetée.

6) Aucune demande ne peut être rejetée en vertu des alinéas 1), 2), 3) et 4) du présent article sans donner d'abord au déposant ou à son mandataire l'occasion de corriger ladite demande dans la mesure et selon les procédures prescrites.

Article 25 : Inscription des actes au registre spécial des brevets Sous réserve des dispositions des articles 33 et 35 ci-après, le Conseil d'Administration fixe par voie réglementaire les actes qui doivent être inscrits, sous peine d'inopposabilité aux tiers, au registre spécial des brevets.

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SECTION V: DE LA TRANSMISSION, DE LA CESSION DES BREVETS ET DES LICENCES CONTRACTUELLES Article 33 : Transmission et cession des droits

1) Les droits attachés à une demande de brevet d'invention ou à un brevet sont transmissibles en totalité ou en partie.

2) Les actes comportant, soit transmission de propriété, soit concession de droit d'exploitation ou cession de ce droit, soit gage ou mainlevée de gage relativement à une demande de brevet ou à un brevet, doivent, sous peine de nullité, être constatés par écrit.

Article 34 : Opposabilité aux tiers

1) Les actes mentionnés à l'article précédent ne sont opposables aux tiers que s'ils ont été inscrits au registre spécial des brevets tenu par l'Organisation. Un exemplaire des actes est conservé par l'Organisation.

2) Dans les conditions fixées par voie réglementaire, l'Organisation délivre à tous ceux qui le requièrent une copie des inscriptions portées sur le registre spécial des brevets ainsi que l'état des inscriptions subsistant sur les brevets donnés en gage ou un certificat constatant qu'il n'en existe aucune.

Article 35 : Exploitation de plein droit du brevet et de ses certificats d'addition Ceux qui ont acquis d'un breveté ou de ses ayants droit la faculté d'exploiter l'invention profitent, de plein droit, des certificats d'addition qui seraient ultérieurement délivrés au breveté ou à ses ayants droit. Réciproquement, le breveté ou ses ayants droit profitent des certificats d'addition qui seraient ultérieurement délivrés à ceux qui ont acquis le droit d'exploiter l'invention. Article 36 : Contrat de licence

1) Le titulaire d'un brevet peut, par contrat, concéder à une personne physique ou morale une licence lui permettant d'exploiter l'invention brevetée.

2) La durée de la licence ne peut être supérieure à celle du brevet. 3) Le contrat de licence est établi par écrit et signé par les parties. 4) Le contrat de licence doit être inscrit au registre spécial des brevets. Il n'a d'effet envers les tiers

qu'après inscription au registre susvisé et publication dans les formes prescrites par le règlement d'application de la présente Annexe.

5) La licence est radiée du registre à la requête du titulaire du brevet ou du concessionnaire de la licence sur présentation de la preuve de l'expiration ou de la résolution du contrat de licence.

6) Sauf stipulations contraires du contrat de licence, la concession d'une licence n'exclut pas, pour le concédant, ni la possibilité d'accorder des licences à d'autres personnes sous réserve qu'il en avise le concessionnaire de la licence, ni celle d'exploiter lui-même l'invention brevetée. La concession d'une licence exclusive exclut que le concédant de la licence accorde des licences à d'autres personnes et, en l'absence de stipulations contraires du contrat de licence, qu'il exploite lui-même l'invention brevetée.

Article 37 : Clauses nulles

1) Sont nulles, les clauses contenues dans les contrats de licence ou convenues en relation avec ces contrats pour autant qu'elles imposent au concessionnaire de la licence, sur le plan industriel ou commercial, des limitations ne résultant pas des droits conférés par le brevet ou non nécessaires pour le maintien de ces droits.

2) Ne sont pas considérées comme des limitations visées à l'alinéa 1 précédent : i) les restrictions concernant la mesure, l'étendue ou la durée d'exploitation de l'invention

brevetée ; ii) l'obligation imposée au concessionnaire de la licence de s'abstenir de tout acte susceptible de

porter atteinte à la validité du brevet ;

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

3) Sauf stipulations contraires du contrat de licence, la licence n'est pas cessible des tiers et le concessionnaire de la licence n'est pas autorisé à accorder des sous licences.

Article 38 : Constatation des clauses nulles La constatation des clauses nulles visées à l'article 37 précédent est faite par le tribunal civil à la requête de toute partie intéressée.

TITRE III - DES NULLITES ET DECHEANCES ET DES ACTIONS Y RELATIVES SECTION I - DES NULLITES ET DECHEANCES Article 39 : Nullités

1) Sont nuls, et de nul effet, les brevets délivrés dans les cas suivants : a) si l'invention n'est pas nouvelle, ne comporte pas une activité inventive et si elle n'est pas

susceptible d'application industrielle ; b) lorsque l'invention n'est pas , aux termes de l'article 6, susceptible d'être brevetée, sans

préjudice des peines qui pourraient être courues pour la fabrication ou le débit d'objets prohibés ;

c) lorsque la description jointe au brevet n'est pas conforme aux dispositions de l'article 14d)i) précédent ou si elle n'indique pas, d'une manière complète et loyale, les véritables moyens de l'inventeur.

2) Sont également nuls et de nul effet les certificats comprenant des changements, perfectionnements ou additions qui ne se rattacheraient pas au brevet principal, tels que prévus par la présente Annexe.

3) La nullité peut porter sur tout ou parties des revendications. Article 40 : Déchéances

1) Est déchu de tous ses droits le breveté qui n'a pas acquitté son annuité à la date anniversaire du dépôt de sa demande de brevet.

2) L'intéressé bénéficie toutefois d'un délai de six mois pour effectuer valablement le paiement de son annuité. Dans ce cas, il doit verser, en outre, une taxe supplémentaire.

3) Sont considérés comme valables les versements effectués en complément d'annuités ou de taxes supplémentaires dans le délai de six mois susvisé.

4) Sont également considérés comme valables les versements effectués au titre des annuités et taxes supplémentaires échues et relatives à une demande de brevet résultant soit de la transformation d'une demande de certificat d'addition conformément à l'article 28, soit de la division d'une demande de brevet conformément à l'article 24, alinéa 3), à condition que ces paiements aient lieu dans un délai de six mois à compter de la demande de transformation ou du dépôt des demandes résultant de la division.

Article 41 : Restauration

1) Sans préjudice des dispositions des articles 39 et 40 précédents, lorsque la protection conférée par un brevet n'a pas été renouvelée en raison de circonstances indépendantes de la volonté du titulaire dudit brevet, ce titulaire ou ses ayants droit peuvent, moyennant paiement de la taxe annuelle requise, ainsi que le paiement d'une surtaxe dont le montant est fixé par la voie réglementaire, en demander la restauration, dans un délai de six mois à partir de la date où les circonstances susmentionnées ont cessé d'exister et, au plus tard dans le délai de deux ans à partir de la date où le renouvellement était dû.

2) La demande de restauration du brevet, accompagnée des pièces justifiant du paiement de la taxe et de la surtaxe visées à l'alinéa précédent, est adressée à l'Organisation et contient l'exposé des motifs qui, pour le titulaire ou ses ayants droit, justifie la restauration.

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3) L'Organisation examine les motifs susvisés et restaure le brevet ou rejette la demande si ces motifs ne lui semblent pas fondés.

4) La restauration n'entraîne pas une prolongation de la durée maximale du brevet. Les tiers qui ont commencé d'exploiter l'invention après l'expiration du brevet ont le droit de continuer leur exploitation.

5) La restauration du brevet entraîne également la restauration des certificats d'addition relatifs audit brevet.

6) Les brevets restaurés sont publiés par l'Organisation dans les formes prescrites par le règlement d'application de la présente annexe.

7) Les alinéas 1) à 6) sont applicables lorsque la demande de brevet n'a pas été déposée dans les délais fixés par les conventions internationales.

8) Les décisions de l’Organisation en matière de restauration sont susceptibles de recours devant la Commission Supérieure de Recours dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de leur notification.

Article 42 : Usurpation Quiconque, dans des enseignes, annonces, prospectus, affiches, marques ou estampilles, prend la qualité de breveté sans posséder un brevet délivré conformément au présent Accord et son règlement d'application ou après l'expiration d'un brevet antérieur est puni d'une amende de 1'000’000 à 3'000’000 francs CFA. En cas de récidive, l'amende peut être portée au double.

TITRE IV: DES LICENCES NON VOLONTAIRES Article 46 : Licence non volontaire pour défaut d'exploitation

1) Sur requête de quiconque, présentée après expiration d'un délai de quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet ou de trois ans à compter de la date de la délivrance du brevet, le délai qui expire le plus tard devant être appliqué, une licence non volontaire peut être accordée si l'une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies : a) l'invention brevetée n'est pas exploitée sur le territoire de l'un des Etats membres, au

moment où la requête est présentée ; ou b) l'exploitation, sur le territoire susvisé, de l'invention brevetée ne satisfait pas à des

conditions raisonnables de la demande du produit protégé ; c) en raison du refus du titulaire du brevet d'accorder des licences à des conditions et modalités

commerciales raisonnables, l'établissement ou le développement d'activités industrielles ou commerciales, sur le territoire susvisé, subissent injustement et substantiellement un préjudice.

2) Nonobstant les dispositions du paragraphe 1) précédent, une licence non volontaire ne peut être accordée si le titulaire du brevet justifie d'excuses légitimes du défaut d'exploitation.

Article 47 : Licence non volontaire pour brevet de dépendance Lorsqu'une invention protégée par un brevet ne peut être exploitée sans qu'il soit porté atteinte aux droits attachés à un brevet antérieur dont le titulaire refuse l'autorisation d'utilisation à des conditions et modalités commerciales raisonnables, le titulaire du brevet ultérieur peut obtenir du tribunal une licence non volontaire pour cette utilisation, aux mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux licences non volontaires accordées en vertu de l'article 46 ainsi qu'aux conditions additionnelles suivantes:

a) l'invention revendiquée dans le brevet ultérieur représente un progrès technique important, d'un intérêt économique considérable, par rapport à l'invention revendiquée dans le brevet antérieur,

b) le titulaire du brevet antérieur a droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l'invention revendiquée dans le brevet ultérieur, et

c) l'utilisation autorisée en rapport avec le brevet antérieur est incessible sauf si le brevet ultérieur est également cédé.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

Article 48 : Requête en octroi de licence non volontaire 1) La requête en octroi d'une licence non volontaire est présentée au tribunal civil du domicile du

breveté ou, si celui-ci est domicilié à l'étranger, auprès du tribunal civil du lieu où il a élu domicile ou a constitué mandataire aux fins du dépôt. Seules sont admises les requêtes présentées par des personnes domiciliées sur le territoire de l'un des Etats membres. Le titulaire du brevet ou son mandataire en sera avisé dans les meilleurs délais.

2) La requête doit contenir : a) le nom et l'adresse du requérant ; b) le titre de l'invention brevetée et le numéro du brevet dont la licence non volontaire est

demandée ; c) la preuve que l'exploitation industrielle, sur le territoire susvisé, de l'invention brevetée ne

satisfait pas à des conditions raisonnables de la demande du produit protégé ; d) en cas de licence non volontaire requise en vertu des dispositions de l'article 45 précédent,

une déclaration du requérant, aux termes de laquelle il s'engage à exploiter industriellement, sur l'un des territoires des Etats membres, l'invention brevetée de manière à satisfaire les besoins du marché.

3) La requête doit être accompagnée : a) de la preuve que le requérant s'est préalablement adressé par lettre recommandée au titulaire

du brevet en lui demandant ne licence contractuelle mais qu'il n'a pas pu obtenir de lui une telle licence à des conditions et modalités commerciales raisonnables ainsi que dans un délai raisonnable ;

b) en cas de licence non volontaire requise en vertu des articles 46 ou 47, de la preuve que le requérant est capable d'exploiter industriellement l'invention brevetée.

Article 49 : Octroi de licence non volontaire

1) Le tribunal civil examine si la requête en octroi de la licence non volontaire satisfait aux conditions fixées par l'article 48 précédent. Si ladite demande ne satisfait pas aux conditions précitées, le tribunal la refuse. Avant de refuser la requête, le tribunal informe le requérant du défaut présenté par sa requête en lui permettant d'y apporter la correction nécessaire.

2) Lorsque la requête en octroi de licence non volontaire satisfait aux conditions fixées par l'article 48 précédent, le tribunal civil notifie la requête au titulaire du brevet concerné ainsi qu'à tout bénéficiaire d'une licence dont le nom figure au registre des brevets, en les invitant à présenter, par écrit, dans un délai de trois mois, leurs observations sur ladite requête. Ces observations sont communiquées au requérant. Le tribunal civil notifie également la requête à toute autorité gouvernementale concernée. Le tribunal civil tient une audience sur la requête et sur les observations reçues ; le requérant, le titulaire du brevet, tout bénéficiaire d'une licence dont le nom figure au registre des brevets et toute autorité gouvernementale concernée sont invités à cette audience.

3) Une fois achevée la procédure prescrite au paragraphe 2) précédent, le tribunal civil prend une décision sur la requête, soit en accordant la licence non volontaire soit en la refusant.

4) Si la licence non volontaire est accordée, la décision du tribunal civil fixe : a) le champ d'application de la licence, en précisant notamment les actes visés à l'article premier,

paragraphe 2) de la présente Annexe, auxquels elle s'étend et la période pour laquelle elle est accordée, étant entendu qu'une licence non volontaire accordée en vertu des dispositions des articles 46 ou 47 précédents ne peut s'étendre à l'acte d'importer ;

b) le montant de la compensation due par le bénéficiaire de la licence au titulaire du brevet, en l'absence d'accord entre les parties, cette compensation devant, toutes les circonstances de l'espèce dûment prises en considération, être équitable. Le montant pourra faire l'objet d'une révision judiciaire.

5) La décision du tribunal civil est écrite et motivée. Le tribunal civil communique la décision à l'Organisation qui l'enregistre. Le tribunal civil publie cette décision et la notifie au requérant et au titulaire du brevet. L'Organisation notifie cette décision à tout bénéficiaire d'une licence dont le nom figure au registre spécial des brevets.

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Article 50 : Droits et obligations du bénéficiaire d'une licence non volontaire 1) Après expiration du délai de recours fixé à l'article 52 de la présente annexe ou dès qu'un recours

a été liquidé par le maintien, dans sa totalité ou en partie, de la décision par laquelle le tribunal civil a accordé la licence non volontaire, l'octroi de cette dernière autorise son bénéficiaire à exploiter l'invention brevetée, conformément aux conditions fixées dans la décision du tribunal civil ou dans la décision prise sur recours, et l'oblige à verser la compensation fixée dans les décisions susvisées.

2) L'octroi de la licence non volontaire n'affecte ni les contrats de licence en vigueur ni les licences non volontaires en vigueur et n'exclut ni la conclusion d'autres contrats de licence ni l'octroi d'autres licences non volontaires. Toutefois, le breveté ne peut consentir à d'autres licenciés des conditions plus avantageuses que celles de la licence non volontaire.

Article 51 : Limitation de la licence non volontaire

1) Le bénéficiaire de la licence non volontaire ne peut, sans le consentement du titulaire du brevet, donner à un tiers l'autorisation d'accomplir les actes qu'il est autorisé à accomplir en vertu de ladite licence non volontaire.

2) Nonobstant les dispositions de l'alinéa 1) précédent, la licence non volontaire peut être transmise avec l'établissement du bénéficiaire de la licence ou avec la partie de cet établissement qui exploite l'invention brevetée. Une telle transmission n'est pas valable sans l'autorisation du tribunal civil. Avant d'accorder l'autorisation, le tribunal civil met le titulaire du brevet en mesure de se faire entendre. Le tribunal civil communique l'autorisation à l'Organisation qui l'enregistre et la publie. Toute transmission autorisée a pour effet que le nouveau bénéficiaire de la licence accepte les mêmes obligations que celles qui incombaient à l'ancien bénéficiaire de la licence.

Article 52 : Modification et retrait de la licence non volontaire

1) Sur requête du titulaire du brevet ou du bénéficiaire de la licence non volontaire, le tribunal civil peut modifier la décision d'octroi de la licence non volontaire dans la mesure où des faits nouveaux justifient une telle modification.

2) Sur requête du titulaire du brevet, le tribunal civil retire la licence non volontaire : a) si le motif de son octroi a cessé d'exister ; b) si son bénéficiaire ne respecte pas le champ d'application de l'article 49.4)a) précédent ; c) si son bénéficiaire est en retard dans le versement de la compensation visée à l'article

49.4)b) précédent. 3) Lorsque la licence non volontaire est retirée en vertu de la disposition de l'alinéa 2a) précédent,

un délai raisonnable est accordé au bénéficiaire de la licence non volontaire pour cesser l'exploitation industrielle de l'invention au cas où une cessation immédiate entraînerait pour lui un grave dommage.

4) Les dispositions des articles 48 et 49 de la présente annexe sont applicables à la modification ou au retrait de la licence non volontaire.

Article 53 : Recours

1) Le titulaire du brevet, le bénéficiaire d'une licence dont le nom figure au registre spécial ou toute personne ayant requis l'octroi d'une licence non volontaire peuvent, dans un délai d'un mois, à compter de la publication visée aux articles 49.5), 51.2) ou 52.4) précédents, intenter un recours auprès de la juridiction supérieure compétente, contre une décision prise en vertu des articles 49.3), 51.2) ou 52 précédents.

2) Le recours visé à l’alinéa 1) précédent et attaquant soit l'octroi d'une licence non volontaire, soit l'autorisation de transmettre une licence non volontaire soit la modification ou le retrait d'une licence non volontaire, est suspensif.

3) La décision sur le recours est communiquée à l'Organisation qui l'enregistre et la publie.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

Article 54 : Défense des droits conférés 1) Tout bénéficiaire d'une licence contractuelle ou non volontaire peut, par lettre recommandée,

sommer le titulaire d'un brevet d'introduire les actions judiciaires nécessaires à l'obtention de sanctions civiles ou pénales pour toute violation des droits découlant du brevet, indiquée par ledit bénéficiaire.

2) Si, dans un délai de trois mois suivant la sommation prévue à l'alinéa 1) précédent, le titulaire du brevet refuse ou néglige d'introduire les actions visées audit alinéa précédent, le bénéficiaire de la licence qui a été enregistrée peut les intenter en son propre nom, sans préjudice, pour le titulaire du brevet, de son droit d'intervenir à l'action.

Article 55 : Cessation des obligations du bénéficiaire de la licence non volontaire Toute action en nullité du brevet doit être exercée contre le breveté. Si une décision de justice devenue définitive constate la nullité du brevet, le titulaire de la licence non volontaire est libéré de toutes les obligations résultant de la décision lui accordant la licence non volontaire. Article 56 : Licences d'office

1) Lorsque certains brevets d'invention présentent un intérêt vital pour l'économie du pays, la santé publique ou la défense nationale o que l'absence ou l'insuffisance de leur exploitation compromet gravement la satisfaction des besoins du pays, ils peuvent être soumis par acte administratif du Ministre compétent de l’Etat membre en cause au régime de la licence non volontaire. Ledit acte détermine l'Administration ou l'Organisme bénéficiaire, les conditions de durée et le champ d'application de la licence non volontaire ainsi que le montant des redevances.

2) A défaut d'accord amiable entre le titulaire du brevet et l'Administration intéressée sur les conditions précitées, celles-ci sont fixées par le tribunal civil.

3) Les licences d'office seront sujettes aux mêmes conditions que les licences non volontaires accordées en vertu de l'article 46.

Article 57 : Licences de plein droit

1) Tout titulaire d'un brevet qui n'est pas empêché par les conditions d'une licence enregistrée antérieurement d'accorder des licences ultérieures, peut requérir de l'Organisation que soit inscrite dans le registre en ce qui concerne son brevet, la mention : licences de plein droit. Cette mention est alors inscrite dans le registre, et publication en est faite par l'Organisation, le plus rapidement possible.

2) L'inscription de cette mention dans le registre confère à chacun le droit d'obtenir une licence pour exploiter ledit brevet, et cela à des conditions qui, à défaut d'entente entre les parties en cause, sont fixées par le tribunal civil. En outre, elle entraîne une réduction de la redevance annuelle.

3) Le titulaire du brevet peut, en tout temps, demander à l'Organisation de radier la mention licences de plein droit. Si aucune licence n'est en vigueur, ou si tous les bénéficiaires de licences sont d'accord sur ce point, l'Organisation radie cette mention, après le paiement de l'intégralité des taxes annuelles qui auraient dû être réglées si cette mention n'avait pas été inscrite au registre.

4) Les dispositions de l'article 26.1 de la présente annexe sont applicables également aux licences de plein droit.

5) Le bénéficiaire d'une licence de plein droit ne peut ni la céder ni accorder des sous-licences en vertu de cette licence.

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TITRE V - DE LA CONTREFAÇON, DES POURSUITES ET DES PEINES Article 58 : Délit de contrefaçon Sous réserve des dispositions des articles 8 et 46 à 56, toute atteinte portée aux droits du breveté, soit par l'emploi de moyens faisant l'objet de son brevet, soit par le recel, soit par la vente ou l'exposition en vente ou soit par l'introduction sur le territoire national de l'un des États membres, d’un ou plusieurs objets, constitue le délit de contrefaçon. Ce délit est puni d'une amende 1'000’000 à 3'000’000 francs CFA sans préjudice des réparations civiles

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE 9 ANNEXE X DE L’ACCORD DE BANGUI REVISE 1999 : DE LA PROTECTION DES OBTENTIONS VEGETALES - EXTRAITS

TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES Article premier : Définitions Aux fins de la présente Annexe, on entend par :

a) certificat d'obtention végétale, le titre délivré pour protéger une nouvelle variété végétale ; b) variété végétale, l’ensemble végétal d'un taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu'il

réponde ou non pleinement aux conditions pour la délivrance d'un certificat d’obtention végétale, peut être : i) défini par l'expression des caractères résultant d'un certain génotype ou d'une certaine

combinaison de génotypes ; ii) distingué de tout autre ensemble végétal par l'expression d'au moins un desdits caractères ;

et iii) considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme

c) taxon botanique, l’unité de la classification botanique, plus particulièrement du genre et de l'espèce

d) variété protégée, la variété faisant l'objet d'un certificat d'obtention végétale ; e) variété essentiellement dérivée, la variété qui :

i) est principalement dérivée d'une autre variété variété initiale, ou d'une variété qui est elle-même principalement dérivée de la variété initiale, tout en conservant les expressions des caractères essentiels qui résultent du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale

ii) se distingue nettement de la variété initiale et ; iii) sauf en ce qui concerne les différences résultant de la dérivation, est conforme à la variété

initiale dans l'expression des caractères essentiels qui résultent du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale. Les variétés essentiellement dérivées peuvent être obtenues, par exemple, par sélection d'un mutant naturel ou induit ou d'un variant somaclonal, sélection d'un individu variant parmi les plantes de la variété initiale, rétrocroisement ou transformation par génie génétique ;

f) obtenteur, la personne qui a découvert et mis au point une variété. Le terme n'inclut pas une personne qui a redéveloppé ou redécouvert une variété dont l'existence est publiquement connue ou un sujet d'une connaissance ordinaire ;

g) matériel en relation avec une variété : i) le matériel de reproduction ou de multiplication végétative, sous quelque forme que ce soit ; ii) du produit de la récolte, y compris les plantes entières et les parties de plantes ; et iii) du produit fabriqué directement à partir de la récolte.

Article 2 : Certificat d'obtention végétale

1) L'obtention d'une variété végétale nouvelle donne à l'obtenteur droit à un titre de protection appelé certificat d'obtention végétale.

2) La protection d'une obtention végétale s'acquiert par l'enregistrement. 3) Le certificat d'obtention végétale n'est accordé que pour une seule variété.

Article 3 : Taxons botaniques susceptibles d'être protégés Sont protégés par la présente Annexe, tous les taxons botaniques, à l’exception des espèces sauvages, c'est à-dire des espèces qui n'ont pas été plantées ou améliorées par l'homme.

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TITRE II - CONDITIONS DE LA DELIVRANCE DU CERTIFICAT D'OBTENTION VEGETALE Article 4 : Critères de protection d'une variété végétale Pour bénéficier de la protection conférée par la présente Annexe, la variété doit être :

a) nouvelle ; b) distincte ; c) homogène ; d) stable ; et, e) faire l'objet d'une dénomination établie conformément aux dispositions de l'article 23.

Article 5 : Nouveauté

1) Une variété est nouvelle si, à la date de dépôt de la demande ou, le cas échéant, à la date de priorité, du matériel de reproduction ou de multiplication ou un produit de récolte de la variété n'a pas été vendu ou remis à des tiers d'une autre manière, par l'obtenteur ou son ayant droit ou ayant cause, ou avec le consentement de l'obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, aux fins de l'exploitation de la variété : a) sur les territoires des Etats membres de l'Organisation, depuis plus d'un an ; et b) sur les territoires des Etats non membres, depuis plus de :

i) six ans, dans le cas des arbres et de la vigne ; ou, ii) quatre ans dans le cas des autres espèces.

2) La nouveauté ne se perd pas par une vente ou une remise à des tiers : a) qui est le résultat d'un abus commis au détriment de l'obtenteur ou de son ayant droit ou

ayant cause ; b) qui s'inscrit dans le cadre d'un accord de transfert du droit sur la variété ; c) qui s'inscrit dans le cadre d'un accord en vertu duquel un tiers a augmenté, pour le compte de

l'obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, les stocks de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété en cause, à condition que les stocks multipliés soient retournés sous le contrôle de l'obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, et à condition que lesdits stocks ne soient pas utilisés pour produire une autre variété ;

d) qui s'inscrit dans le cadre d'un accord en vertu duquel un tiers a effectué des essais en plein champ ou en laboratoire ou des essais de transformation sur une petite échelle pour évaluer la variété ;

e) qui s'inscrit dans le cadre de l'accomplissement d'une obligation juridique ou réglementaire notamment en ce qui concerne la sécurité biologique ou l'inscription des variétés à un catalogue officiel des variétés admises à la commercialisation ; ou,

f) qui a pour objet un produit de récolte constituant un produit secondaire ou excédentaire obtenu dans le cadre de la création de la variété ou des activités mentionnées aux points c) à e) du présent alinéa, à condition que ce produit soit vendu ou remis de manière anonyme (sans identification de la variété) à des fins de consommation.

2) Lorsque la production d'une variété exige l'emploi répété d'une ou de plusieurs autres variétés, la vente ou la remise à des tiers de matériel de reproduction ou de multiplication ou du produit de récolte de cette variété sont des faits pertinents pour la nouveauté de l'autre ou des autres variétés.

Article 6 : Distinction

1) Une variété est distincte si elle se distingue nettement de toute autre variété dont l'existence, à la date de dépôt de la demande ou, le cas échéant, à la date de priorité, est notoirement connue.

2) Le dépôt, dans tout pays, d'une demande de certificat d'obtention végétale ou d'inscription à un catalogue des variétés admises à la commercialisation est réputé rendre la variété faisant l'objet de la demande notoirement connue à partir de la date de la demande, si celle-ci aboutit à la délivrance du certificat d'obtention végétale ou à l'inscription au catalogue, selon le cas.

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

3) La notoriété de l'existence d'une autre variété peut être établie par diverses références telles que : a) exploitation de la variété déjà en cours ; b) inscription de la variété dans un registre de variétés tenu par une association professionnelle

reconnue ; ou c) présence de la variété dans une collection de référence.

Article 7 : Homogénéité Une variété est homogène si elle est suffisamment uniforme dans ses caractères pertinents, sous réserve de la variation prévisible compte tenu des particularités de sa reproduction sexuée ou de sa multiplication végétative. Article 8 : Stabilité Une variété est stable si ses caractères pertinents restent inchangés à la suite de ses reproductions ou multiplications successives, ou, en cas de cycle particulier de reproductions ou de multiplications, à la fin de chaque cycle. Article 9 : Droit au certificat d'obtention végétale

1) Le droit au certificat d'obtention végétale appartient à l'obtenteur. 2) Si plusieurs personnes ont obtenu une variété en commun, le droit au certificat d'obtention

végétale leur appartient en commun. 3) Le droit au certificat d'obtention végétale peut être cédé ou transmis par voie successorale. 4) L'obtenteur est mentionné comme tel dans le certificat d'obtention végétale. 5) a) Le déposant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme titulaire du droit au certificat

d'obtention végétale. b) Lorsqu'une personne n'ayant pas droit au certificat d'obtention végétale a déposé une

demande, l'ayant droit peut intenter une action en cession de la demande ou, s'il est déjà délivré, du certificat d'obtention végétale. L'action en cession se prescrit cinq ans à compter de la date de la publication de la délivrance du certificat d'obtention végétale. L'action dirigée contre un défendeur de mauvaise foi n'est liée à aucun délai.

Article 10 : Variétés végétales obtenues par des salariés

1) Sous réserve des dispositions légales régissant le contrat de louage d'ouvrage ou de travail et sauf stipulations contractuelles contraires, le droit au certificat d'obtention végétale pour une variété obtenue en exécution dudit contrat appartient au maître de l'ouvrage ou à l'employeur.

2) La même disposition s'applique lorsqu'un employé n'est pas tenu par son contrat de travail d'exercer une activité inventive, mais a obtenu la variété en utilisant des données ou des moyens que son emploi a mis à sa disposition.

3) Dans le cas visé à l’alinéa 2) précédent, l'employé qui a obtenu la variété a droit à une rémunération tenant compte de l'importance de la variété, rémunération qui est à défaut d'entente entre les parties, fixée par le tribunal. Dans le cas visé à l'alinéa 1) précédent, l'employé précité a le même droit si l'importance de l'invention est très exceptionnelle.

4) Les dispositions du présent article sont également applicables aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et de toute autre personne morale de droit public sauf dispositions particulières contraires.

5) Au cas où l'employeur renonce expressément au droit au certificat d'obtention végétale, le droit appartient à l'obtenteur salarié.

6) Les dispositions de l'alinéa 3) précédent sont d'ordre public. Article 11 : Traitement national Les étrangers peuvent également obtenir des certificats d'obtention végétale dans les conditions fixées par la présente Annexe.

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TITRE V - DROITS CONFERES PAR LE CERTIFICAT D'OBTENTION VEGETALE Article 28 : Généralités

1) Sous les conditions et dans les limites fixées par la présente Annexe, le certificat d'obtention végétale confère à son titulaire, le droit exclusif d'exploiter la variété faisant l'objet du certificat.

2) Sous les conditions et dans les limites fixées par la présente Annexe, le certificat d'obtention végétale confère aussi à son titulaire, le droit d'interdire à toute personne l'exploitation de la variété faisant l'objet du certificat.

3) Le titulaire du certificat d'obtention végétale a également le droit de céder ou de transmettre par voie successorale, le certificat et de conclure des contrats de licence.

4) Sous réserve de l'article 36, le titulaire du certificat d'obtention végétale a le droit, en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, d'engager une procédure judiciaire contre toute personne qui commet une violation des droits qui lui sont conférés par le certificat d'obtention végétale en accomplissant, sans son consentement, l'un des actes mentionnés à l'article 29.1), ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu'une violation sera commise.

5) Le titulaire du certificat d'obtention végétale a également le droit, en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, d'engager une procédure judiciaire contre toute personne qui utilise une désignation en violation de l'article 23.4), ou omet d'utiliser une dénomination variétale en violation de l'article 23.5).

Article 29 : Etendue des droits conférés par le certificat d'obtention végétale

1) Sous réserve des articles 30 et 31, on entend par exploitation, aux fins du présent titre, l'un quelconque des actes suivants accomplis à l'égard du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée: a) la production ou la reproduction ; b) le conditionnement aux fins de la reproduction ou de la multiplication ; c) l'offre à la vente ; d) la vente ou toute autre forme de commercialisation ; e) l'exportation ; f) l'importation ; g) la détention à l'une des fins mentionnées aux points a) à f) ci-dessus.

2) Sous réserve des articles 30 et 31, on entend aussi par exploitation, aux fins du présent titre, les actes mentionnés aux points a) à g) de l'alinéa 1) accomplis à l'égard du produit de la récolte, y compris des plantes entières et des parties de plantes, obtenu par utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée, à moins que le titulaire ait raisonnablement pu exercer ses droits en relation avec ledit matériel de reproduction ou de multiplication.

3) Sous réserve des articles 30 et 31, on entend également par exploitation, aux fins du présent titre, les actes mentionnés aux points a) à g) de l'alinéa 1) accomplis à l'égard des produits fabriqués directement à partir d'un produit de récolte de la variété protégée couvert par les dispositions de l'alinéa 2) par utilisation non autorisée dudit produit de récolte, à moins que le titulaire ait raisonnablement pu exercer ses droits en relation avec ledit produit de récolte.

4) Les dispositions des alinéas 1) à 3) s'appliquent également : a) aux variétés essentiellement dérivées de la variété protégée, lorsque celle-ci n'est pas elle-

même une variété essentiellement dérivée ; b) aux variétés qui ne se distinguent pas nettement de la variété protégée conformément à

l'article 6 ; et c) aux variétés dont la production nécessite l'emploi répété de la variété protégée.

Article 30 : Exceptions aux droits conférés par le certificat d'obtention végétale Les droits conférés par le certificat d'obtention végétale ne s'étendent pas :

a) aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales ;

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

b) aux actes accomplis à titre expérimental ou de recherche ; c) aux actes accomplis aux fins de la création de nouvelles variétés ainsi que, à moins que les

dispositions de l'article 29.4) ne soient applicables, aux actes mentionnés à l'article 29.1) à 3) accomplis avec de telles variétés ;

d) à l'utilisation par un agriculteur sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction ou de multiplication, du produit de la récolte qu'il a obtenu par la mise en culture, sur sa propre exploitation, d'une variété protégée ou d'une variété visée à l'article 29.4)a) ou b); cette exception ne s'applique pas aux plantes fruitières, forestières et ornementales ; et

e) aux actes accomplis par tout tiers de bonne foi avant le dépôt de la demande de certificat d'obtention végétale.

Article 31 : Epuisement des droits conférés par le certificat d'obtention végétale Les droits conférés par le certificat d'obtention végétale ne s'étendent pas aux actes concernant du matériel de la variété protégée ou d'une variété visée à l'article 29.4) qui a été vendu ou commercialisé d'une autre manière sur le territoire des Etats membres par le titulaire ou avec son consentement, ou du matériel dérivé dudit matériel, à moins que ces actes :

a) impliquent une nouvelle reproduction ou multiplication de la variété en cause; ou b) impliquent une exportation de matériel de la variété permettant de reproduire la variété vers un

pays qui ne protège pas les variétés du genre végétal ou de l'espèce végétale dont la variété fait partie, sauf si le matériel exporté est destiné à la consommation.

Article 32 : Réglementation économique Les droits conférés par le certificat d'obtention végétale sont indépendants des mesures adoptées par les Etats membres en vue de réglementer sur leur territoire la production, le contrôle et la commercialisation du matériel des variétés, ou l'importation et l'exportation de ce matériel. Article 33 : Durée du certificat d'obtention végétale maintien en vigueur des droits

1) Sous réserve des dispositions de l'alinéa 2) ci-après, le certificat d'obtention végétale s'éteint 25 ans après la date de sa délivrance.

2) Afin de maintenir en vigueur le certificat d'obtention végétale, une taxe annuelle doit être payée d'avance à l'Organisation pour chaque année, la première un an après la date de délivrance du certificat. Un délai de grâce de six mois est accordé pour le paiement de la taxe annuelle après l'échéance, moyennant le paiement de la surtaxe prescrite. Si une taxe annuelle n'est pas acquittée conformément aux dispositions du présent alinéa, le titulaire du certificat d'obtention végétale est déchu de ses droits.

Article 34 : Protection provisoire Le déposant jouit de l'intégralité des droits prévus par le présent titre dès le dépôt de la demande sous réserve que les actions en dommages-intérêts ne peuvent être intentées, pour le dommage causé par la faute du défendeur depuis la publication de la demande, qu'une fois le certificat d'obtention végétale délivré. Article 35 : Restauration

1) Sans préjudice des dispositions de l'article 33.2) précédent, lorsque la protection conférée par le certificat d'obtention végétale n'a pas été renouvelée en raison des circonstances indépendantes de la volonté du titulaire, celui-ci peut, moyennant paiement de la taxe annuelle requise ainsi que d'une taxe de restauration, en demander la restauration, dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle les circonstances ont cessé d'exister et, au plus tard dans le délai de deux ans à partir de la date où le renouvellement était dû.

2) La demande de restauration du certificat d'obtention végétale, accompagnée des pièces justificatives du paiement des taxes visées à l'alinéa précédent, est adressée à l'Organisation et contient l'exposé des motifs qui, pour le titulaire ou ses ayants droit, justifie la restauration.

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3) L'Organisation examine les motifs susvisés et restaure le certificat d'obtention végétale, ou rejette la demande si ces motifs ne lui semblent pas fondés.

4) La restauration n'entraîne pas une prolongation de la durée du certificat d'obtention végétale. Les tiers qui ont commencé à exploiter la variété avant la restauration du certificat ont le droit de mener leur exploitation à son terme.

5) Les certificats d'obtention végétale restaurés sont publiés par l'Organisation dans les formes prescrites par le Règlement d'application.

6) Les décisions de l’Organisation en matière de restauration sont susceptibles de recours devant la Commissions Supérieure de Recours dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de leur notification.

Article 36 : Exploitation par les pouvoirs publics ou par un tiers autorisé par ceux-ci

1) a) le Gouvernement peut décider que la variété sera exploitée sans le consentement du titulaire du certificat d'obtention végétale par un service de l’Etat ou par un tiers désigné par le Gouvernement lorsque : i) l'intérêt public, en particulier l'approvisionnement de l’Etat membre en cause en denrées alimentaires ou la santé publique, l'exige ; ou ii) un organe judiciaire ou administratif a jugé que la manière dont le titulaire du certificat d'obtention végétale ou son preneur de licence exploite la variété est anticoncurrentielle, et que le gouvernement est convaincu que l'exploitation de la variété en application du présent article permettra de remédier à cette pratique.

b) L'exploitation de la variété en application du présent article est subordonnée au paiement d'une rémunération équitable au titulaire du certificat d'obtention végétale.

c) Le Gouvernement ne prend la décision susvisée que si les conditions suivantes sont remplies: i) le titulaire du certificat d'obtention végétale a été mis en demeure de remédier à la situation et n'a pas pris les mesures nécessaires dans le délai imparti ; ii) le service de l’Etat ou le tiers désigné est en mesure d'exploiter la variété avec compétence et professionnalisme ; iii) trois années se sont écoulées entre la date de la délivrance du certificat d'obtention végétale et la date de la décision.

d) En prenant la décision susvisée, le Gouvernement définit, les modalités de l'exploitation de la variété par le service de l’Etat ou le tiers désigné, notamment les actes d'exploitation autorisés, la durée de l'autorisation, et le montant et le mode de paiement de la rémunération due au titulaire du certificat d'obtention végétale.

2) Le Gouvernement peut exiger du titulaire du certificat d'obtention végétale qu'il mette à la disposition du service de l’Etat ou du tiers désigné, contre paiement d'une rémunération adéquate, la quantité de matériel de reproduction ou de multiplication nécessaire à une mise en raisonnable de l'autorisation d'exploitation.

3) a) Le Gouvernement peut, à la demande du titulaire du certificat d'obtention végétale, du service de l’Etat ou du tiers désigné, modifier les conditions de l'autorisation d'exploiter la variété dans la mesure où un changement de circonstances justifie une telle modification ;

b) Le Gouvernement met fin à l'autorisation d'exploiter la variété avant terme, la demande du titulaire du certificat d'obtention végétale, si le service de l’Etat ou le tiers désigné enfreint les modalités définies par le gouvernement ou n'exploite pas la variété avec compétence et professionnalisme ;

c) Le gouvernement peut proroger l'autorisation d'exploiter la variété, après avoir entendu les parties, s'il est convaincu, sur la base d'un nouvel examen, que les circonstances qui l'ont amené à prendre la décision initiale perdurent.

4) L’autorisation d'exploiter la variété accordée à un tiers ne peut être transférée qu'avec l'entreprise ou le fonds de commerce de cette personne ou avec la partie de l'entreprise ou du fonds de commerce dans le cadre de laquelle la variété est exploitée.

5) L'autorisation n'exclut pas :

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

a) l'exploitation de la variété par le titulaire du certificat d'obtention végétale ; ni b) la conclusion de contrats de licence par le titulaire.

6) L'exploitation de la variété par le service de l’Etat ou le tiers désigné aura exclusivement pour objet l'approvisionnement du marché intérieur de l’Etat membre. Les parties seront entendues avant qu'une décision soit prise en vertu du présent article. Celle-ci pourra faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative compétente.

TITRE VI - OBLIGATIONS DU TITULAIRE DU CERTIFICAT D'OBTENTION VEGETALE Article 37 : Maintien de la variété

1) Le titulaire du certificat d'obtention végétale est tenu de maintenir la variété protégée à ses frais ou, le cas échéant, ses constituants héréditaires pendant toute la durée de validité du certificat.

2) Sur demande de l'Organisation, il est tenu de présenter à toute autorité désignée par celle-ci, dans le délai imparti et à ses frais, les renseignements, documents ou matériel jugés nécessaires au contrôle du maintien de la variété.

Article 38 : Fourniture d'échantillons

1) Le titulaire du certificat d'obtention végétale est tenu de fournir à ses frais à toute autorité désignée par le Directeur Général, dans le délai imparti, des échantillons appropriés de la variété protégée ou, le cas échéant, de ses constituants héréditaires aux fins : a) de la constitution ou du renouvellement de l'échantillon officiel de la variété ; ou b) de la conduite de l'examen comparatif des variétés aux fins de la protection.

2) Le titulaire du certificat d'obtention végétale peut être requis d'assurer lui-même la pérennité de l'échantillon officiel.

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ACRONYMES ET ABREVIATIONS ADPIC Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce

AGOA Loi sur la Croissance et les Possibilités Economiques en Afrique AOC Afrique de l’Ouest et du Centre

ARIPO Organisation Régionale de la Propriété Industrielle de l'Afrique

ASSINSEL Association Internationale des Sélectionneurs pour la Protection des Obtentions Végétales

CDB Convention sur la Biodiversité

CDD Commission du Développement Durable

CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CIRAD Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

CMAE Conference Ministerielle Africaine sur l'Environment

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

COI Commission de l’Océan Indien

COMESA Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale

COV Certificat d’Obtention Végétale

DMD Déclaration Ministérielle de Doha

DOV Droits sur les Obtentions Végétales

DPI Droits de Propriété Intellectuelle

EDJA Edition Juridique Africaine

FAO Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture

GATT General Agreement on Tariffs and Trade

GCRAI Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale

ICTSD Centre International pour le Commerce et le Développement Durable

IER l’Institut d’Economie Rurale du Mali

IFPMA Fédération Internationale de l’Industrie du Médicament

INERA Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles

NEPAD Nouveau Partenariat pour le Développement Africain

NPF Clause de la Nation la Plus Favorisée

OAPI Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle

OGM Organismes Génétiquement Modifiés

OMC Organisation Mondiale du Commerce

OMPI Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

OMS Organisation Mondiale de Santé

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

ORD Organe de Règlement des Différends de l’OMC

OUA Organisation de l’unité Africaine

OVM Organismes Vivants Modifiés

PAS Programme d’Ajustement Structurel

PCH Patrimoine Commun de l’Humanité

PED Pays En Développement

PI Propriété Intellectuelle

PMA Pays les Moins Avancés

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

RPG Ressources PhytoGénétiques

SADC Communauté de Développement de l'Afrique Australe

SCM Système Commercial Multilatéral

ST Savoirs Traditionnels

TIRPAA Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l'Alimentation et l'Agriculture

TN Traitement National

TSD Traitement Spécial et Différencié

UAM Union Africaine et Malgache

UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africains

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

UPOV Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales

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COMMERCE, PI & DÉVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE ICTSD, Enda, Solagral 2002

ICTSD, Les enjeux de la propriété intellectuelle pour les Pays en développement francophones au regard de l’agenda de Doha, Séminaire sur les enjeux du programme de travail adopté à la IVème conférence de l’OMC (Doha) et les priorités d’action pour la francophonie, Mai 2002 ICTSD, Intellectual property Rights and Development, Draft document, UNCTAD/ICTSD capacity building project on intellectual property rights and sustainable development, 2002. IRAM, Etude de la définition des grandes orientations de la politique agricole de l’UEMOA, Vol.1, Rapport définitif, 2001. ISS, Information on the Hazards of Genetic Engineering Biotechnology, World Scientists' Statement Supplementary, Institute of Science in Society at : http://www.i-sis.dircon.co.uk/ KIMINOU R., De l’épuisement des droits de propriété industrielle de l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle), in Revue du droit de la propriété intellectuelle, N°121, mars 2001 KONGOLO T., Public interest versus the pharmaceutical industry’s monopoly in South Africa, in The Journal of world intellectual property, Vol. 4, N°5, sept. 2001 KOTHARI A. et ANURADH R.V., Biodiversity and Intellectual Property Rights: Can the Two Co-Exist? , 2(2) Journal Of International Wildlife Law & Policy, 1999 KOURESSY M., NIANGADO O., VAKSMANN M.,et REYNIERS F-N., Etude de la variabilité phénologique des mils du Mali et de son utilisation pour l’amélioration variétale, in « Le futur des céréales photopériodiques pour une production durable en Afrique tropicale semi-aride », Actes du séminaire international, du 27-30 avril 1998, Florence, Italie, Ed. CeSIA, Florence, Italie, CIRAD, Montpellier, France, 1998 KRYDER R. D., KOWALASKI S.P. et KRATTIGER A.F., The Intellectualand Technical Property components of Pro-vitamin-A Rice (Golden Rice): A preliminary freedom to operate review, ISAAA Briefs N°20, ISAAA, Ithaca, NY, 2000 LESKIEN D. et FLITNER, M., Intellectual property rights and plant genetic resources : options for a sui generis system, Issues in genetic resources N°6, IPGRI, juin 1997 LOUETTE D., Study of maize varieties and seeds sources in traditional community in Mexico, in Actes du Colloques: « Gestion des ressources génétiques des plantes en Afrique des Savanes », Bamako, Mali, 24-28 février 1997 MALJEAN-DUBOIS S., Biodiversité, biotechnologies, biosécurité : le droit international désarticulé , in JDI, N° 4, 2000 MATLON P.J., Analyse critique des objectifs, méthodes et progrès accomplis à ce jour dans l’amélioration du sorgho et du mil : une étude de cas de l’ICRISAT/Burkina-Faso. in « Technologies approrpiées pour les paysans des zones semi-arides de l’Afrique de l’Ouest » H.W.Ohms et J.G. Nagy (eds), Université de Purdue, Indiana, Etats-Unis, 1985 MUGABE J., Intellectual property protection and traditional knowledge : an exploration in international policy discourse, paper prepared by WIPO, Geneva, Switzerland, dec.1998, disponible sur le site : http://acts.or.ke

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

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COMMERCE, PI & DÉVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE ICTSD, Enda, Solagral 2002

SOLAGRAL, Les agricultures du Sud et l’OMC , 11 fiches pour comprendre, anticiper, débattre, Dossier pédagogique, mars 2001 SOLAGRAL, Biodiversité : savoirs protégés, savoirs partagés, 6 fiches pour comprendre, anticiper, débattre, Dossier pédagogique, avril 2002 SOLAGRAL, Génomique, les risques de l’appropriation du vivant, Courrier de la Planète, N°57, 2000 TANKOANO A., La mise en conformité du droit des brevets de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) avec les prescriptions de l’accord ADPIC , Revue trimestrielle de droit commercial et économique, N°3, juillet-septembre 2001 TANKOANO A., L’Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, Droit et pratique du commerce international (DPCI), Tome 20, N°3, 1994 TANSEY G., Commerce, propriété intellectuelle, alimentation et diversité biologique, Document de discussion écrit pour le Comité Quaker, 1999 THIRD WORLD NETWORK, Intellectual property rights, TRIPS Agreement and the CBD, in « TWN Statement to the 2nd meeting of the Panel of Experts on Access and Benefit Sharing », Montreal, 19-22 March 2001 TROUCHE G., CHANTEREAU J. et ZONGO J-D, Variétés traditionnelles et variétés améliorées de sorgho dans la zone sahélienne, in « Le futur des céréales photopériodiques pour une production durable en Afrique tropicale semi-aride », Actes du séminaire international, du 27-30 avril 1998, Florence, Italie, Ed. CeSIA, Florence, Italie, CIRAD, Montpellier, France, 1998 TUBIANO L. (Ed.), Environnement et développement, l’enjeu pour la France (rapport du premier Ministre), La Documentation française, Paris, 2000 VAKSMANN M., TRAORE S.B. et NIANGADO O., Le photopériodisme des sorghos africains, Agriculture et développement 9, 1996 VELASQUEZ G., Médicaments essentiels et mondialisation , in Revue internationale de droit économique, Tome XIV, N° 1, 2000 VIVIEN F.-D., Les enjeux de la biodiversité, Economica, 1996 WYNBERG R., Privatisation des moyens de survie : la commercialisation de la biodiversité de l’Afrique, Commerce Mondiale et Biodiversité en Conflit, N°5, GRAIN, mars 2000, disponible sur le site : www.grain.org/fr/publications/num5-fr-p.htm

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

PARTICIPANTS AU DIALOGUE RÉGIONAL DE DAKAR, SÉNÉGAL Organisé par ENDA Tiers-Monde, ICTSD et Solagral 30 & 31 Juillet 2002

Bénin M. Antoine Sileté AGBADOME Directeur du Commerce Extérieur, Ministère du Commerce de l'Artisanat et du Tourisme M. Aurélien C. ATIDEGLA GRAPAD M. Toussaint HINVI Président, Bénin Nature M. Charles NOUATIN La Fédération des Unions de Producteurs du Bénin (FUPRO/BENIN) M. Godefroy Macaire CHABI Radio Nationale du Bénin

Burkina Faso M. Henry COMPAORE Social Alert, Burkina Faso Mme Rosine JOURDAIN Chef de Mission, Médecins Sans Frontières Prof. Jean-Didier ZONGO Professeur Université de Ouagadougou Faculté des Sciences et Techniques M. Brahim OUEDRAOGO Inter Press Service (IPS)

Cameroun Mme Elvire BELEOKEN EDUC Actions Mme Madeleine Ngo LOUGA Health and Environment Program

M. Fosi Mbantenkhu MARY Head of Biodiversity Unit, Ministère de l'Environnement et des Forêts (MINET)

Côte d’Ivoire M. Yao Abraham GADJI Chef de la Cellule juridique, Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie M. Soro NAGOLO Direction de l'Office Ivoirien de la Propriété Industrielle

Guinée M. Fofana BAKARY Directeur Exécutif CECIDE

Kenya M. Justin RAKOTOARISAONA Secrétaire Général de l'AFSTA (African Seed Trade Association)

Mali M. Mamadou TRAORE Division de la propriété industrielle M. Oumar NIANGADO Délégué de la Fondation Syngenta pour une Agriculture Durable M. Sidi COULIBALY Directeur des Informations et des Programmes de Radio KLEDU

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COMMERCE, PI & DÉVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE ICTSD, Enda, Solagral 2002

Mauritanie M. Abou ABASS CERIC, Université d’Aix en Provence M. Aly FALL Université de Nouakchott M. Mohamed Y. O. BOUMEDIANA Directeur-Adjoint de l'Industrie

Niger Prof. Amadou TANKOANO Professeur, Faculté des Sciences Economiques et Juridiques, Université Abdou Moumouni

Nigeria M. Mathew P.O. DORE Focal Point, Biodiversity/Biosafety Federal Ministry of Environment Prof. Johnson EKPERE Private International Consultant, University of Ibadan M. Kent NDADOZIE Consultant

Sénégal Prof. Ibrahima CAMARA Faculté des sciences juridiques et politiques Université Cheikh Anta Diop M. Doudou SAGNA Chef du service de la propriété industrielle et de la technologie, Ministère de l'Artisanat et de l'Industrie M. Jean Pierre MENDY Ministère des PME et du Commerce M. Abdoulaye DIOP Direction Sécurité Publique, Ministère de l'Intérieur

M. Prosper HOUER PROMETRA International Mme Aïcha TALL Ministère de la Justice Mme Mariama Dramé LEYE Ministère du Commerce Mme Marième MBENGUE Journaliste à l'INFO 7 M. Bacary DABO Journaliste à Sud Quotidien

Togo M. Koffi Edinam DANSTEY Ingénieur agronome, Point focal national Biodiversité/Biosécurité, Ministère de l'environnement et des ressources forestières M. Agbényo DZOGBEDO Programme Biodiversité/OGM LES AMIS DE LA TERRE

OAPI M. Maurice BATANGA OAPI

UEMOA M. Jean-Luc SENOU Directeur du Commerce et de la Concurrence, UEMOA

Missions Permanentes à Genève M. A.M. ABUBAKAR Counsellor, Permanent Mission of Nigeria M. Kouakou Adrien KOUADIO Conseille économique et commercial Mission Permanente de la Côte d'Ivoire M. Eloï LAOUROU Deuxième Conseiller, Mission du Bénin

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ANNEXES & BIBLIOGRAPHIE

M. Habib OULD HEMETH Premier Conseiller, Mission Permanente de la Mauritanie M. Raphaël OWONA ETENDE Premier Secrétaire, Mission Permanente du Cameroun M. Falou SAMB Deuxième Conseiller, Mission Permanente du Sénégal

Observateurs M. Geoff TANSEY Bureau des Quakers auprès des Nations unies M. Jonathan HEPBURN Bureau des Quakers auprès des Nations unies M. Michel GRESSOT Département Fédéral des Affaires Etrangères, Direction de la coopération et du développement, Suisse

Organisateurs Mme Nadine KEIM Présidente, ICTSD M. Ricardo MELENDEZ ORTIZ Directeur exécutif, ICTSD

M. Christophe BELLMANN Directeur, ICTSD M. El Hadji Abdourahmane DIOUF ICTSD Mme Marie CHAMAY ICTSD M. Taoufik BEN ABDALLAH ENDA Tiers-Monde M. Cheikh Tidiane DIEYE ENDA Tiers-Monde Mme Awa DIONE ENDA Tiers-Monde Mme Seynabou MBODJI ENDA Tiers-Monde M. Alioune DIALLO ENDA Tiers-Monde M. Mamadou Racine BA ENDA Tiers-Monde Mme Anne CHETAILLE Solagral, France Mme Sally BADEN Economic Justice Policy Adviser, Oxfam GB, West Africa regional programme

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