commerce équitable et collectivité territoriale

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Savoirs communs n° 4 Collectivités territoriales & commerce équitable Agence Française de Développement & Plate-Forme pour le Commerce Equitable

description

document de préentation de l'impact et des enjeux du ce liés au collectivité locales

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Savoirs communs n°4

Collectivitésterritoriales & commerce équitable

Agence Française de Développement& Plate-Forme pour le Commerce Equitable

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Savoirs communs

Dans le cadre de son deuxième Projet d’orientation

stratégique, l’Agence Française de Développement

s’engage dans un programme de coopération

renforcée avec la société civile et les collectivités

locales françaises.

La série Savoirs communs a pour objectif de faire

vivre une dynamique d’échange et de capitalisation

autour des pratiques respectives de l’AFD et de

ces acteurs dans une perspective d’apprentissage

et d’enrichissement commun.

Conception et réalisation : Robert de La Rochefoucauld, Julie MaisonhauteRéalisation graphique : Agence le troisième pôlewww.letroisiemepole.comJuin 2008

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Collectivités territoriales &

commerce équitable

Deux études illustrant la place du commerce équitable dans l’action internationale des collectivités locales

L’étude «Coopération décentralisée & commerce équitable»a été réalisée par

YANNICK LECHEVALLIER et EVE DERRIENNIC (Agence COOP DEC Conseil)et par VINCENT DAVID (Relations d’utilité publique)

L’étude «Migrants & commerce équitable»a été réalisée par

NADIA BENTALEB (Migrations & Développement)

Sous la conduite de :

Pour l’Agence Française de Développement (AFD) :M. PHILIPPE CHEDANNE, Responsable de la Division dialogue institutionnel

M. GUILLAUME CRUSE, Chargé des questions de migrationsM. ROBERT DE LA ROCHEFOUCAULD, Chargé des relations avec les collectivités territoriales

Pour la Plate-Forme pour le Commerce Equitable (PFCE) :M. GEORGES D’ANDLAU, Président

M. FRÉDÉRIC DE SOUSA SANTOS, CoordinateurMME JULIE MAISONHAUTE, Chargée de projet

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Colloque Commerce Equitable & Territoires __________________________________________________________________________ 4

Introduction _____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ 6

1. COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE ET COMMERCE ÉQUITABLE,ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES ___________________________________________________________________________________________________________ 8

1. Diversité des engagements des collectivités locales en faveur du commerce équitable _____________________________________________________________________________________________________________ 12

Types d’intervention des collectivités locales _______________________________________________________________________________________________ 15

Modalités d’actions des collectivités locales ________________________________________________________________________________________________ 18

2. Faciliter le rapprochement entre coopération décentralisée et commerce équitable __________________________________________________________________________________________________________________________________ 30

Positionnement des collectivités à l’international ______________________________________________________________________________________ 30

Des périmètres d’engagement différents _____________________________________________________________________________________________________ 34

3. Dépasser les difficultés rencontrées dans les initiatives engagées ____________________________________________ 42

Les difficultés rencontrées par les acteurs ____________________________________________________________________________________________________ 42

Les contraintes des différents acteurs ___________________________________________________________________________________________________________ 46

4. Conclusions et perspectives ________________________________________________________________________________________________________________________ 52

Une meilleure connaissance mutuelle ___________________________________________________________________________________________________________ 52

Un renforcement de la transversalité au sein des services d’une collectivité locale ______________________________ 52

Un engagement progressif dans le commerce équitable ___________________________________________________________________________ 54

Se donner les moyens de ses ambitions ________________________________________________________________________________________________________ 54

Mettre en avant l’intérêt du commerce équitable pour le territoire _______________________________________________________ 54

Cibler l’action de la collectivité française sur le renforcement des capacités de la collectivité partenaire _____________________________________________________________________________________________________ 56

Table des matières

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2. COLLECTIVITÉS LOCALES, MIGRANTS ET COMMERCE ÉQUITABLE,PISTES DE RÉFLEXIONS POUR UNE MEILLEURE ARTICULATION ______________________________________ 58

1. Commerce équitable, migrants et collectivités locales : des clés pour comprendre ___________ 60

Migrations et développement local : partir des pratiques des migrants _________________________________________________ 62

Migrants et co-développement _____________________________________________________________________________________________________________________ 62

Economie solidaire et commerce équitable : principes de base ________________________________________________________________ 63

Pourquoi pose-t-on la question de l’implication des migrants dans le commerce équitable ? ___________ 63

2. Visions d’acteurs, regards croisés _____________________________________________________________________________________________________________ 66

Les expériences avancées de coopération entre collectivités locales et collectifs de migrants en Seine Saint-Denis : Montreuil, Stains et le Conseil Général de Seine Saint-Denis ___________________________ 66

De nombreuses initiatives individuelles de commerce équitable ici en soutien aux producteurs, là-bas principalement en Afrique sub-saharienne _______________________________ 71

Les migrants acteurs clés de l’émergence du commerce équitable, au niveau des initiatives individuelles ou des projets collectifs _________________________________________________________________ 75

3. Pistes de réflexion ___________________________________________________________________________________________________________________________________________ 84

Tisser des liens entre les pratiques solidaires des migrants et les principes d’action du commerce équitable ________________________________________________________________________________________ 84

Reconnaître la pertinence du commerce équitable comme moyen d’action pour les migrants souhaitant participer au développement de leur région d’origine __________________________ 85

Définir de manière réaliste les rôles que peuvent jouer les migrants dans le mouvement du commerce équitable _______________________________________________________________________________________________ 86

Créer les conditions pour que les migrants puissent s’impliquer de manière structurée et systématique dans le mouvement du commerce équitable ______________________________________________ 87

Reconnaître les limites de la collaboration entre les migrants et les Organisations de commerce équitable (OCE) et entre les migrants et les collectivités locales ____________________________________ 88

Définir les apports concrets des migrants pour les organisations de commerce équitable et pour les projets de coopération décentralisée dans le domaine de l’économie solidaire ________________ 89

Créer les conditions pour une meilleure articulation entre les collectivités locales, les organisations de commerce équitable et les migrants sur des projets d’économie solidaire, dans le cadre de la coopération décentralisée ______________________________________________________ 91

Développer un partenariat entre les migrants et les organisations de commerce équitable du Sud ______________________________________________________________________________________________________________________ 92

Le tourisme solidaire comme laboratoire innovant pour des projets d’économie solidaire impliquant les migrants et les collectivités locales, en articulation avec les projets de commerce équitable ___________________________________________________________________________________________________________________________________ 92

Créer une articulation entre l’Aide Publique au Développement et les acteursconcernés par la thématique « commerce équitable et migrants » _________________________________________________________ 95

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Colloque Commerce Equitable & Territoires

Les deux études présentées dans ce document ont été réalisées à l’occasion ducolloque « Commerce Equitable & Territoires » qui s’est tenu le 18 décembre 2007à Angers.

Ce colloque, organisé par la Plate-Forme pour le Commerce Equitable et le GroupeSOS, visait à identifier et renforcer les cadres de collaboration entre collectivitésterritoriales, acteurs du commerce équitable, réseaux du développement et de l’économie sociale et solidaire.

Plusieurs partenaires ont contribué à l’organisation de cet événement :

La Plate-Forme pour le Commerce Equitable, collectif des acteurs français de commerce équitable, dont la mission principale est de développer le dialogueavec les institutions ;

Le Groupe SOS, groupe de l’économie sociale et solidaire, ayant mis en placeplusieurs entreprises d’importation et de distribution de produits du commerceéquitable ;

L’Agence Française de Développement, principal acteur de l’aide publique au développement française ;

Le Crédit Coopératif, banque accompagnant l’économie sociale et solidaire et de nombreuses structures de commerce équitable en France ;

L’Association des Régions de France et plusieurs collectivités territoriales,Région Pays de la Loire, Ville d’Angers et Ville de Nantes, manifestant l’intérêtd’élus locaux et de leurs équipes au développement du commerce équitable surles territoires en France comme au Sud.

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Les villes d’Angers et de Nantes ont souhaité être des partenaires actifs du colloque« Commerce Equitable et Territoires » dans la mesure où elles sont engagées dansl’appui à l’émergence du commerce équitable et plus largement de l’économiesociale et solidaire sous toutes ses formes. Cet appui se veut concerté notamment à travers la création du réseau Grand Ouest d’achat public responsable maisconcerne également l’aide aux initiatives privées. Dans l’objectif de faire levier surle développement de cette filière de distribution, des opérations de sensibilisationau commerce équitable de grande ampleur ont été organisées depuis 5 ans lors des fêtes de Noël. Cette présence active et dans la durée a abouti à la création dumagasin Terre et Terroirs rassemblant agriculture durable et produits du commerceéquitable sur une surface pérenne de 300 m2, prélude à la création d’une chaîne de boutiques du même format sur le territoire français.

Le colloque a à la fois abordé les thématiques du développement du secteur en France et dans les pays du Sud, à travers quatre thématiques :

Achats publics & commerce équitable : Comment développer l’insertion de produitsissus du commerce équitable dans la commande publique ?

Economie sociale et solidaire & commerce équitable : Comment les collectivitésterritoriales peuvent-elles accompagner le développement du commerce équitable au seinde l’économie sociale et solidaire ?

Coopération décentralisée & commerce équitable : Comment le commerce équitablepeut-il s’intégrer dans les programmes de coopération décentralisée des collectivitésterritoriales ?

Migrants & commerce équitable : Comment les collectivités territoriales peuvent-ellesaccompagner les projets des migrants ici et là-bas ?

Seules ces deux dernières thématiques font l’objet de cette publication.L’ensemble des documents est accessible sur www.commercequitable.org

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Introduction

Lors du Sommet Mondial sur le Développement Durable (Johannesburg, 2002),les collectivités locales françaises se sont engagées, dans une déclaration commune,à assumer un rôle de premier plan dans la promotion du développement durable.

Dans ce cadre, les collectivités locales sont porteuses d’une réflexion sur l’organi-sation d’un développement économique responsable, qui permette de respecterla dignité humaine, de créer du lien social et de respecter l’environnement.

Les collectivités territoriales ont développé depuis de nombreuses années uneprésence à l’international, que ce soit à travers leurs jumelages devenus pournombre d’entre-elles des partenariats de coopération décentralisée avec descollectivités locales des pays en voie de développement, la présence des entreprisesdu territoire à l’international (exportation, implantation dans les pays émergents,développement d’activités à partir d’importations) ou les ponts établis par leshabitants du territoire issus des diasporas avec leurs régions d’origine. Ces différentsniveaux d’intervention invitent les collectivités territoriales à articuler échangesinternationaux et développement local harmonieux, en France, comme au Sud.

1 Nous utilisons ici le terme commerce équitable tel que défini par ses fédérations internationales, à savoir :« un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grandeéquité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant des droits aux producteurs et aux travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations de commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s'engagent activement à soutenir les producteurs,à sensibiliser l'opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerceinternational conventionnel.»

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Le commerce équitable1 propose à ce titre une réflexion et un mode d’action quifait écho à cet engagement des collectivités territoriales. En effet, le commerceéquitable propose à la fois une réflexion à caractère politique sur les échangesinternationaux et une construction technique d’une chaîne de partage de la valeurajoutée sociale, environnementale et technique. Il articule ainsi les responsabilitésindividuelles (consommateurs, acteurs économiques) et collectives, à un niveaulocal (collectivités en charge de l’organisation des territoires) et plus global(institutions internationales).

L’Agence Française de Développement souhaite accompagner les collectivitésterritoriales dans leurs actions de coopération décentralisée, pour une meilleurearticulation entre aide publique au développement et action internationale des collectivités. A ce titre, plusieurs partenariats ont été établis entre l’AFD et des collectivités territoriales françaises.

Par ailleurs, l’AFD soutient divers projets autour de la thématique « Commerce & Développement ».

Le commerce équitable apparaît à ce titre, un champ pertinent d’expérimentationdes relations entre deux collectivités partenaires, les acteurs des deux territoires etnotamment les populations migrantes ayant des liens avec chacun des territoireset les outils de l’aide publique au développement.

L’Agence Française du Développement et la Plate-Forme pour le CommerceEquitable ont souhaité étudier plus précisément les pratiques existantes en lamatière et explorer le champ des possibles à travers les deux études présentées ici.

Jean-Michel Severino Georges d’AndlauDirecteur Général de l’AFD Président de la PFCE

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Coopération décentralisée et commerce équitable, état des lieux et perspectives

YANNICK LECHEVALLIER

EVE DERRIENNIC

Agence COOP DEC Conseil

VINCENT DAVID

Relations d’utilité publique

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Les premières initiatives de commerce équitable en France datent des années 70, et sont conco-mitantes des premiers jumelages de coopération. Dès 1971, suite à l’arrivée de dix millions deréfugiés bengalis en Inde, l’Abbé Pierre lance un appel aux 36 000 maires de France pour concluredes « jumelages – coopération » avec les camps de réfugiés bengalis. Toutefois, en raison notammentdes compétences communales limitées de l’époque, cette initiative sera principalement portéepar le mouvement associatif, avec un faible investissement des élus. Cela donnera naissance àl’UCOJUCO (Union des Comités de Jumelage Coopération), devenue par la suite l’UCODEP (Uniondes Comités pour le Développement), avant de fusionner avec d’autres associations pour fonderPeuples Solidaires.

Cet élan de solidarité avec le Bangladesh sera à l’origine de la création de la première boutiqued’Artisans du Monde à Paris, en 1974.

Après l’appel de l’Abbé Pierre en 1971, il a fallu attendre la fin des années 1990 pour que les collectivités locales soient à nouveau interpellées sur le thème du commerce équitable.

Ainsi le Collectif « De l’éthique sur l'étiquette », créé en 1995 et regroupant une quarantaine d’organisations (syndicats, associations de consommateurs, associations d’éducation populaireet associations de solidarité internationale) lance la campagne « Pour l’école, consommons éthique »en 2000 et « Achats publics : achats éthiques ? » en 2001, à l’occasion des élections municipales.2

C’est sans doute ces campagnes qui ont permis de commencer à sensibiliser les élus locaux, enl’occurrence ceux des villes, à l’enjeu des achats éthiques.

Certaines collectivités pionnières, comme le Conseil régional Nord-Pas de Calais, avaient néanmoinsdéjà pris des engagements en faveur des achats éthiques, dès mai 1999.

2 «Le Collectif a effectué plusieurs campagnes pour que les députés et les élus locaux s’engagent en faveur des achats éthiques. Début 2002, le nombre de collectivitéslocales engagées en faveur du commerce éthique était de 213 communes et d’un conseil régional. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres. Au-delà des déclarations de principe, comme la signature d’une motion par le conseil municipal, une dizaine de villes seulement se sont pour l’instant activement impliqué dans la défense et la promotion du commerce éthique. » – Evaluation du collectif “De l’éthique sur l’étiquette” (France),

Elisabeth Paquot, Véronique Verrière, Hervé Murat (EUROPACT), juillet 2003. – F3E - http://f3e.asso.fr/articlecomplet.php3?id_article=83

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En mars 2002, dans la continuité de ce travail et avec un souci de collaboration, l’association MaxHavelaar France (qui avait participé au travail de lobbying sur le Code des marchés publics avec leCollectif « De l'éthique sur l'étiquette ») lance une campagne d’interpellation à destination, malgréson titre, de l’ensemble des collectivités locales françaises, intitulée « 500 villes s’engagent pour lecommerce équitable ».

Ainsi, en 2004, c’est plus de 240 collectivités locales qui sont impliquées plus ou moins fortementdans le réseau du Collectif. A la même époque, ce sont plus de 150 collectivités locales qui ont signéla campagne de Max Havelaar France.

Cités Unies France (CUF) crée en 2004, à la demande de ses collectivités territoriales adhérentes,et en partenariat avec le Collectif « De l'éthique sur l'étiquette », un groupe thématique intitulé« Achats publics éthiques », en lien avec la thématique « coopération décentralisée et développe-ment durable » déjà existante à CUF. L’idée de ces collectivités locales était d’explorer les possi-bilités juridiques et politiques, offertes par la réforme de 2001 du Code des marchés publics,d’agir par le biais des achats publics en faveur des droits de l’Homme au travail dans le monde.

Le commerce équitable est ici présenté, pour les collectivités, comme un complément de leurengagement en faveur des droits de l’Homme (engagement dont la première traduction est leurcoopération internationale).

Désormais, il existe plusieurs réseaux régionaux de collectivités locales3 qui se rassemblent pourrédiger des guides d’achats éthiques à destination des acheteurs publics et inciter les fournisseursà proposer des produits équitables. L’association Les Eco-maires qui rassemble des centaines demaires engagés en faveur du développement durable et Cités Unies France ont fédéré l’ensemblede ces réseaux régionaux. Ceci a abouti notamment le 11 septembre 2007 à l’organisation desPremières assises de la commande publique et du développement durable.

3 Nord-Pas de Calais, Ile-de-France, Rhône-Alpes, Bourgogne, Lorraine, Alsace, Aquitaine, PACA et le «Réseau Grand Ouest commande publique et développement durable» constitué des régions Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Limousin.

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1.1

Si les acteurs du commerce équitable ontsurtout appréhendé leur relation avec lescollectivités locales via les achats publics éthi-ques et la sensibilisation des habitants, cer-taines collectivités ont néanmoins essayé defaire le lien entre leurs actions de coopéra-tion décentralisée4 et le soutien à des démar-ches de commerce équitable.

Les actions de coopération décentraliséesont diverses et multiples. La CNCD5 recensequelques 6 200 accords. Une grande majo-rité de ces accords de coopération concer-nent des collectivités de pays développés.Plusieurs informations peuvent être tiréesde ce recensement :

La thématique du « développement éco-nomique » n’est pas une priorité dans le cadredes coopérations avec les pays du Sud, quis’orientent le plus souvent vers l’accès à des

infrastructures de base ou, désormais, vers lerenforcement institutionnel.

La base de données de la CNCD classe lesaccords de coopération par pays et régions,mais tente aussi de proposer un classementpar « domaine d’activité ». Aujourd’hui lesprojets liés au commerce équitable peuventêtre classés dans les domaines « agriculture »,« entreprises et autres services », « industriesmanufacturières » ou encore « politique com-merciale et réglementation ». Il pourrait êtreintéressant que le commerce équitable fassepartie des items proposés.

Pour les quelques actions identifiables, lescollectivités sont souvent positionnées surle renforcement local des structures privées,principalement dans le domaine de l’artisanatou de l’agriculture (équipement, formationou microcrédit).

Diversité des engagements des collectivités locales en faveur du commerce équitable

4 La coopérationdécentralisée peut êtredéfinie comme les relationsde coopération entre unecollectivité locale françaiseet une autorité localeétrangère.

5 Commission Nationale deCoopération Décentralisée.Ce recensement est actuelle-ment en cours de mise à jour.

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Ces premières informations on été complé-tées par des contacts avec des collectivitéslocales et des opérateurs qui ont permisd’identifier une série d’initiatives essayant delier coopération décentralisée et commerceéquitable.

Les projets de coopération décentraliséeintégrant une composante « commerceéquitable » ont été étudiés afin de précisercomment l’idée du projet était apparue(volonté politique, hasard, sollicitation dupartenaire, d’une association ou d’un autreacteur local) et comment celui-ci avait étémis en œuvre.

Plus largement, des projets de coopérationidentifiés comme intervenant dans le secteuréconomique et participant à un commerce plusresponsable, mais qui n’ont pas été spécifique-ment pensés dans une démarche de « com-merce équitable », ont également été étudiés.

A partir des différents exemples de projetsétudiés, il ressort que les collectivités localesqui mettent en place ou appuient des projetsde commerce équitable peuvent agir à troisniveaux différents : l’appui à la structurationde la production, l’appui au développementde la demande, et la mise en réseaux des différents acteurs.

Ce sont des jumelages-coopé-rations avec le Bengladeshmis en place sur l’appel de l’Abbé Pierre qui sont à l’origine de la première boutique Artisans du Monde.

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Collectivités locales

Demande :Acheteurs du Sud

Intermédiaires : Acteurs du commerce

Offre : Producteurs

Demande :Acheteurs du Nord

Collectivités localesAppui

au renforcement de la maitrise d’ouvrage

Sensibilisation des acheteurs

potentiels, achat direct

par la collectivité

Sensibilisation des acheteurs

potentiels, achat direct

par la collectivité

Mise en relation

Mise en relation

Mise en relation

Mise en relation

Appui à la structuration de filières, renforcement

des coopératives…

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6 Le Réseau Grand Ouest(RGO) commande publiqueet développement durableest une association quiregroupe une quarantainede collectivités territorialeset établissements publics decoopération intercommunaledes régions Basse-Normandie,Bretagne, Pays de la Loire,Poitou-Charentes et Limousin.

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TYPES D’INTERVENTIONDES COLLECTIVITÉS LOCALES

Appui à la structuration de la productionCertaines collectivités françaises mettent enœuvre des coopérations visant à aider direc-tement la structuration de filières de pro-duction. Ces projets de coopération décen-tralisée se concrétisent par la formation desproducteurs, l’amélioration des processusde production et de transformation, ladiversification des produits transformés,et la structuration de coopératives :

Ainsi, le Conseil régional d’Ile-de-France etle Conseil régional du Nord-Pas de Calais sou-tiennent ensemble le développement d’unefilière de fonio (« couscous malien ») enappuyant la formation de producteurs dansla région de Kayes, en mettant en place lesconditions d’une certification biologique etéquitable, et en facilitant la transformationet la commercialisation au Mali, mais aussien France via l’entreprise de commerce équi-table Ethiquable. (voir encadré n°1)

Dans le cadre du tourisme durable ou soli-daire, les collectivités locales s’appuient toutd’abord sur leur expérience d’aménagementdu territoire en France (tourisme rural, aideà la transformation des établissements, …)pour appuyer les acteurs de leur territoire

partenaire dans la création d’une offre d’ac-cueil, la conception de circuit, l’ingénierietouristique initiale.

Au-delà de la production en elle-même, lacollectivité française pourra orienter sonaction sur l’appui à la structuration et le ren-forcement des compétences de la collectivitépartenaire en matière de développementéconomique. C’est le cas par exemple de lacoopération entre les villes de Mantes la Jolieet Rabat, qui vise à structurer et rendre fonc-tionnel le service de l’animation économi-que de la municipalité de Rabat.

Appui au développement de la demandeLes collectivités peuvent également jouer unrôle important pour augmenter la demandede produits issus du commerce équitable.

Le Conseil régional de Bretagne, dans le cadred’un projet global, travaille à la structura-tion de la demande en coton bio et équi-table sur son territoire, à travers :

la constitution d’un réseau d’industriels enBretagne qui s’engagent à se fournir en cotonbio et à « pratiquer le commerce équitable » ;

la promotion d’une commande publiqueresponsable (vêtements de travail et tee-shirtspromotionnels), en relation avec le RGO6 ;

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ENCADRÉ N°1CONSEILS RÉGIONAUX D’ILE DE FRANCE

ET DU NORD-PAS DE CALAIS – RÉGION DE KAYES (MALI)

7 Association Française des Volontaires du Progrès.

Historique

Afin d’éviter les bouleversements sociaux etenvironnementaux induits par l’installation denouvelles entreprises minières dans le Cerclede Kéniéba de la région de Kayes, un projet dedéveloppement du fonio pour la consommationlocale, la consommation urbaine et le com-merce équitable a été mis en place en 2006grâce à un partenariat entre le Conseil régionald’Ile-de-France, le Conseil régional du Nord-Pas deCalais, l’Assemblée régionale de Kayes et les asso-ciations l’AFVP 7, le Damier Mali, le Damier France.

Cadre d’action

Pour cela, il a été décidé de construire uneunité de transformation à Kayes financée surfonds privés. L’entreprise Ethiquable commer-cialise le fonio en France dans le respect descritères du commerce équitable.

L’objectif de ce projet est de pérenniser la filière de production, transformation etcommercialisation ; de stimuler l’organisationlocale des producteurs ; de mettre en place lesconditions de certification en agriculture bio-logique et en commerce équitable ; et d’enca-drer la transformation et la commercialisation.

Le financement d’un coordinateur à mi-temps,d’un animateur, d’un volontaire et de missionsponctuelles d’experts du Nord et du Sud apermis de former les organisations paysannes

et le personnel de l’unité de transformation, etde mettre en place des outils de gestion et unprotocole de qualité.

Rôle de la collectivité

Les deux conseils régionaux ont financé le pro-jet à hauteur de 35 % chacun.

Blocages rencontrés / Limites

Le rôle des deux conseils régionaux est essen-tiel pour la réussite du projet mais se limite àun appui financier. Il n’y a pas de véritableappui à la maîtrise d’ouvrage de la collectivitépartenaire en termes de développement éco-nomique.

Conclusion

L’intérêt de ce projet est notamment le travailen commun des régions Ile de France et Nord-Pas de Calais qui ont su mutualiser leurs moyenspour un même projet de coopération avecl’Assemblée régionale de Kayes.

Il est également intéressant de voir qu’une en-treprise de commerce équitable ayant fait sespreuves a été étroitement associée au projet.

La bonne articulation entre les financeurs, lesopérateurs de terrain, et les bénéficiaires a ainsipermis que le consommateur français puissedésormais acheter du fonio équitable.

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la promotion du coton bio et équitableauprès des organisations de l’économiesociale et solidaire et des entreprises enga-gées dans des démarches de responsabilitésociale et environnementale ;

la promotion auprès de filières sportives. En dehors de la promotion des achats éthiquesauprès des différents acteurs du territoire,les collectivités participent généralement

elles-mêmes à cet effort en se fournissanten produits équitables venus de leurs zonesde coopération décentralisée ou au-delà.

La collectivité peut également participer à lasensibilisation en soutenant la phase pilote duprojet comme c’est souvent le cas dans lesdémarches de tourisme solidaire : après avoirpermis la conception des circuits touristiqueset renforcé les possibilités d’accueil, les col-

Productrices de fonio,Mali, Région de Kayes.

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lectivités financent le premier «voyage-test »et appuient les acteurs pour la communicationautour du projet afin de les aider à trouver lestouristes pour ces premiers voyages-tests8.

Mise en réseau des acteursLes collectivités jouent un rôle primordialdans la mise en relation entre les acteurs, soitau Nord, soit au Sud :

Par la connaissance de leur territoire, maiségalement par les évènements qu’ellesorganisent (« Quinzaine du commerce équi-table », salons du commerce équitable…),elles peuvent faciliter la rencontre entreproducteurs et acheteurs de produits issusdu commerce équitable. Au-delà de ces ren-contres ponctuelles (qui relèvent aussi del’appui au développement de la demande),les collectivités facilitent par leur démarche,l’implantation d’acteurs du commerceéquitable sur leur territoire :

ainsi le projet de la Communauté Urbaine deDunkerque, en Palestine, a permis tout d’abordd’avoir un lien entre les services de l’ESS9 etle réseau Artisans du Monde. La collectivité aalors facilité l’implantation d’un point de venteArtisans du Monde sur son territoire.

Si l’implication d’une collectivité dans le sec-teur économique est très encadrée, celle-cipeut par contre intervenir très largement,

par ses relations et son réseau, pour mobili-ser des acteurs du commerce équitable etles inciter à développer des projets précisé-ment dans leurs zones de coopération décen-tralisée.

C’est le cas de la Communauté Urbaine deDunkerque qui, pour le développement éco-nomique de la mairie de Gaza, son partenairepalestinien, a mobilisé un acteur local profes-sionnel, l’Organisation Non Gouvernemen-tale et laïque PARC (Palestinian AgriculturalRelief Committees), pour un projet d’agri-culture urbaine.

MODALITÉS D’ACTIONSDES COLLECTIVITÉS LOCALES

La collectivité peut apporter un appui essen-tiel pour faciliter l’action des acteurs du com-merce équitable et accompagner le dévelop-pement d’un commerce plus responsable.Pour ces différents types d’appui, les collecti-vités peuvent passer par des modalités d’actiondiverses.

Facilitation financièreLa collectivité peut financer ou cofinancerdes acteurs du commerce équitable.

Si la collectivité souhaite financer des actionsde commerce équitable, mais sans idée pré-cise de projet, elle a la possibilité de lancer

8 Comme ce fut le cas de laCommunauté d’aggloméra-tion du Sud-Est toulousain(Sicoval) avec la communautérurale de Labé en Guinée, et de la Ville de Saint-Denisavec la commune de Tiznitau Maroc.

9 Economie Sociale et Solidaire.

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10 UEMOA : UnionEconomique et MonétaireOuest Africaine

un appel à projets en fixant uniquement lesgrandes lignes des actions qu’elle souhaitefinancer, et en laissant une grande marge demanœuvre aux porteurs de projets.

C’est notamment dans cet espace que sedéveloppent des relations telles que l’appuiau coton équitable par la région Bretagne :

A partir d’une orientation politique et stra-tégique claire (augmenter le volume de cotonbio et équitable produit pour son marchérégional, par le soutien à des initiatives issuesde l’espace régional de l’UEMOA10) la Régionrecherche des partenaires qu’elle soutiendrapar une subvention. Ainsi l’ONG Helvetasau Mali propose un appui particulier pourune population déterminée de producteurs.Ce projet participant à l’objectif de la régionBretagne (sans que celle-ci prenne directe-ment part au pilotage), peut recevoir unesubvention régionale.

Au-delà, si la collectivité a une idée précised’actions, elle rédigera des termes de réfé-rence précis et passera une commande à unprestataire (association ou entreprise). Ceprestataire peut être issu du commerce équi-table et trouver dans ce cadre une modalitéde financement de son activité. Toutefois, ilrépondra en premier lieu au cahier des char-ges de la collectivité (avec les contraintes quipeuvent en découler). Il vérifiera donc, pour

éviter tout conflit d’orientation, que ce cahierdes charges est en cohérence avec ses posi-tions statutaires.

Facilitation institutionnelleDe part ses relations avec sa collectivité par-tenaire, la collectivité française bénéficied’une relation institutionnelle durable qu’ellepeut mettre à profit pour mettre en relationles acteurs de son territoire avec ceux du ter-ritoire partenaire. Chacune des collectivitéspeut identifier les acteurs de son territoire(producteurs, distributeurs, acheteurs poten-tiels…) et offrir un cadre institutionnel pourleur rencontre (voir encadré n°3).

Toutefois, cette mise en relation dépend éga-lement grandement des capacités institu-tionnelles au Sud qui sont encore limitéesdans certaines des collectivités partenaires(moyens humains tant en nombre qu’encompétences).

Facilitation techniqueLa collectivité peut apporter un appui tech-nique aux acteurs du commerce équitablequi peuvent avoir besoin de compétencesspécifiques disponibles au sein de la collec-tivité ou d’organismes satellites ou partenai-res qu’elle peut mobiliser (CCI, Chambred’Agriculture, agence de développement éco-nomique, Groupe d’Action Locale (GAL) misen place dans le cadre de programme Leader…)

Page 22: commerce équitable et collectivité territoriale

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Historique

Le Conseil régional Rhône-Alpes s’est fortementengagé sur le commerce équitable, notammenten votant un plan de développement en 2004.

Cadre d’action

Le plan régional souhaite mettre en place uneaide régionale au commerce équitable contri-buant :

ENCADRÉ N°2CONSEIL RÉGIONAL DE RHÔNE-ALPES :

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L’action du Conseil Régionalse traduit par un appui aux producteurs afin qu’ils puissent répondreaux cahiers des charges du commerce équitable.

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- à la prise en compte, dans le cadre des coo-pérations décentralisées Nord-Sud existantes,des opérations de commerce équitable, notam-ment dans les coopérations au Burkina Faso,au Sénégal et à Madagascar.

- au soutien de projets pilotes ;

- au soutien des collectivités territoriales deRhône-Alpes et de leurs réseaux par une aidetechnique et/ou juridique destinée à la miseen place de leurs démarches de commerceéquitable ;

- à la prise en compte, dans le cadre des politi-ques régionales, des projets de développe-ment d’entreprises de commerce équitable ;

- à la mise en œuvre d’outils régionaux struc-turants ;

- à la diffusion de l’éducation au commerceéquitable dans les établissements scolaires et àl’inscription du commerce équitable dans lesactions de sensibilisation au développementdurable déclinées dans le cadre du dispositifrégional « Objectif Terre ». Les crédits corres-pondants seront prélevés sur la ligne budgé-taire « Aide au développement, solidarité etfrancophonie ».

Rôle de la collectivité

Sur les zones de coopération, l’action du Conseilrégional se traduit par un appui aux producteursafin qu’ils atteignent les normes obligatoirespour être labellisé « commerce équitable ».

Dans les différentes actions menées, le Conseilrégional s’appuie sur des opérateurs, parexemple ATB au Burkina Faso dans le cadred‘un projet de mangue équitable ; ARDEARpour le projet à Madagascar.

Blocages rencontrés / Limites

L’objectif des projets soutenus dans le cadrede la coopération décentralisée n’est pas enpremier lieu le commerce équitable.

L’objectif visé des coopérations est, dans unpremier temps, l’autosuffisance alimentaire, ledéveloppement des producteurs. La vente àl’export dans le cadre du commerce équitableest envisagée en cas de surplus de production.

Les projets sont confrontés à différentes diffi-cultés de ce fait : rôle mal défini de la structured’appui au commerce équitable, attentes despartenaires et des producteurs, …

Par ailleurs, chacun des projets liés au commerceéquitable est mis en place par un opérateur.Aucun chargé de mission n’est spécifiquementresponsable de cette thématique au sein duConseil régional, ce qui limite l’appropriationdu projet par le service « coopération décen-tralisée ».

Conclusion

Le Conseil régional à travers son plan régional dedéveloppement du commerce équitable a mon-tré une volonté politique forte d’agir à la fois :

- sur l’offre (appui aux producteurs dans lesdifférents projets de coopération décentralisée),

- sur la demande (sensibilisation d’acheteurspotentiels publics et privés)

- et sur la structuration économique du secteur« commerce équitable » en Rhône-Alpes dansle cadre de sa politique plus générale en faveurdu développement des entreprises.

Sur chacune des actions la Région a su mobi-liser les compétences nécessaires, en interneou en en externe à la collectivité.

Page 24: commerce équitable et collectivité territoriale

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Historique

Depuis 1996, la Communauté Urbain de Dun-kerque mène un partenariat avec la municipa-lité de Gaza. Cette coopération est concentréesur le quartier Esat Al Nasser de Gaza et s’ins-crit depuis 2003, dans le réseau « Eurogaza »

qui rassemble plusieurs villes européennesengagées dans une coopération avec Gaza.

L’intervention de chacune des villes européennesa été orientée en fonction de ses savoir-faire etil a été décidé que la CUD se concentrerait no-tamment sur le thème de l’agriculture urbaine.

ENCADRÉ N°3COMMUNAUTÉ URBAINE DE DUNKERQUE (CUD) –

GAZA (TERRITOIRES PALESTINIENS)

La Communauté Urbaine de Dunkerque a favorisé la commercialisation de l’huile d’olive palestiniennesur son territoire.

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Cadre d’action

Dans le cadre de leur coopération, la CUD et la ville de Gaza ont décidé de développerl’agriculture urbaine dans le but de favoriserl’accès à l’emploi et le développement d’acti-vités génératrices de revenus.

Lors d’une mission à Gaza en Décembre 2003,la CUD est entrée en contact avec l’ONG PARC(Palestinian Agricultural Relief Committees), quitravaille avec la population palestinienne audéveloppement de l’agriculture en milieu urbain.Certains des produits de PARC sont vendus enEurope dans les réseaux du commerce équitable.

En parallèle la CUD travaille en lien étroit avecl’AFEJI (Association des Flandres pour l’Edu-cation, la Formation des Jeunes et l’Insertionsociale), association support d’une action« Jardins de Cocagne » (jardins maraîchers bio-logiques à vocation d'insertion sociale et pro-fessionnelle – action développée dans le cadredu réseau national des « Jardins de Cocagne »).

L’idée est apparue de développer un projet« miroir » d’insertion et d’agriculture urbaine,à Dunkerque et à Gaza.

L’ONG PARC étant habituée à travailler avecSolidar’ Monde, cela a par ailleurs permis à laCUD de rentrer en contact au niveau local avecArtisans du Monde.

La coopération CU Dunkerque-Municipalitéde Gaza mobilise donc de nombreux partenai-res, à Dunkerque comme à Gaza :

AFEJI (Association des Flandres pour l’Education,la Formation des Jeunes et l’Insertion sociale)– Jardins de Cocagne, Artisans Du Monde, PARC(Palestinian Agricultural Relief Committees).

Rôle de la collectivité

Dans le cadre de ce qui était prévu initiale-ment, la ville de Gaza devait développer unpartenariat avec l’ONG PARC, notamment parla mise à disposition de terrains, pour dévelop-per la production bio et équitable, notammentl’huile d’olive. Mais la situation dans la bandede Gaza depuis Mai 2005 (dernière missionsur place) rend le développement de cetteambition impossible pour le moment.

La CUD a cependant poursuivi ces actions loca-les, dans l’esprit du projet, en favorisant le déve-loppement de la vente des produits PARC surDunkerque (par le biais du réseau des adhérentsau Jardin de Cocagne, et en aidant Artisans duMonde à ouvrir une boutique sur Dunkerque.

Le rôle des collectivités consiste notamment àmettre en contact les acteurs des deux terri-toires afin que leurs projets « miroirs » s’enri-chissent chacun de l’expérience de l’autre.

Blocages rencontrés / Limites du projet

Les problèmes qui se sont posés sont principa-lement liés à la situation en Palestine.

Le projet a été lancé en 2005 et la situation àGaza depuis cette date a rendu le déroulementdu projet très difficile.

Conclusion

Les collectivités se sont appuyées sur des rela-tions et des projets existants déjà et ont cher-ché à donner plus d’envergure à ces projets, àla fois du côté de la production et du côté dela demande.

Page 26: commerce équitable et collectivité territoriale

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HistoriqueLe Département de la Seine-Saint-Denis est encoopération avec la Ville de Figuig11 suite à unpremier contact en 1999 et un déplacement àFiguig en février 2000 et la signature d’un pro-tocole de coopération décentralisée le 6 juin2000. La Ville de Figuig est une oasis située dansla Région de l’Oriental, à la frontière maroco-algérienne, à 400 km d’Oujda. Le choix de cettecollectivité est lié, d’une part à une présenceimportante de la communauté marocaine en Seine-Saint-Denis et plus particulièrementde personnes originaires de Figuig, à Stains,Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois, La Courneuve etBobigny, et d’autre part à l’intérêt du Dépar-tement pour des échanges d’expériences avecune collectivité où l’implication de la popula-tion dans la conduite des projets locaux estexceptionnelle.Parmi les différents axes de coopération,l’identification de projets d'infrastructures etd'équipements culturels, sanitaires, touristiqueset de projets de nature à favoriser le dévelop-pement local, notamment au plan économique,est prioritaire.Parallèlement, le Conseil général est très impli-qué dans le soutien aux acteurs du commerceéquitable sur son territoire. En effet, au-delàd’un effort de développement de l’achatpublic de produits équitables, il est partenaired’Equitexpo – Salon international pour uncommerce équitable qui s’est tenu pour la pre-mière fois en 2005, dans le département.

Cadre d’actionLe Conseil général est en partenariat étroit avecl’association de commerce équitable Minga(association rassemblant plusieurs petitesentreprises proposant des produits équitables)présente sur son territoire. Ainsi, plusieursactions ont pu être menées avec ces structuresspécialisées : - Le Conseil général a cofinancé avec la Ville deFiguig une première étude de faisabilité pour lamise en place de deux « filières » équitables (unealimentaire – dattes, une artisanale – tissage). Laconstruction de ces deux filières est cofinancéespar ces deux collectivités locales et mise enœuvre par l’association Minga et l’entreprise decommerce équitable Andines. D’autres partena-riats sont actuellement recherchés.- Du 26 septembre au 02 octobre 2006, unedélégation de la municipalité de Figuig a étéinvitée à venir en France, dans le cadre de lacoopération décentralisée avec la Ville deStains. Les artisans (forgerons traditionnels)de Figuig sont venus montrer la production du“briquet mérovingien” dans le cadre de lapolitique de la valorisation de l'artisanat deFiguig. Cette démarche a été soutenue par laCommunauté d'agglomération de Plaine com-mune et menée en partenariat avec l'associa-tion “Franciade, le goût de la connaissance12 ”qui produit et commercialise des produitsdérivés issus du patrimoine archéologique duterritoire local. L’idée est de générer ainsi unedémarche de commerce équitable en valori-

ENCADRÉ N°4CONSEIL GÉNÉRAL DE SEINE-SAINT-DENIS – VILLE DE FIGUIG (MAROC)

11 Pour information :http://www.ville-figuig.info/html/Partenariats_coop-decentr.html

12 FRANCIADE – Le goûtde la Connaissance 4 bis rueR. Vachette 93200 St Denis01 48 26 25 79http://w3.univ-tlse2.fr/cerises/download/down/bonnes%20pratiques.pdf

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Le Conseil Général de SeineSaint-Denis et la Ville de Figuigcherchent à développer unefilière de commerce équitabledes produits de tissage.

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sant l’artisanat de Figuig auprès des habitantsde Seine-Saint-Denis. En 2005 à l’occasion du 1er salon Equitexpo, leConseil général a financé et organisé la venuede représentants de la Municipalité de Figuigafin de les mettre en relation avec des acteursdu commerce équitable en Seine-Saint-Denis.A l’occasion du 2e salon, ce sont des produc-teurs qui ont été accueillis.

Rôle de la collectivitéLe rôle des collectivités locales (au Nord et auSud) est ici d’identifier une possibilité de déve-loppement économique, de mettre en relationles producteurs et les opérateurs du commerceéquitable (organisations d’appui, importa-teurs, distributeurs), de soutenir les études defaisabilité et d’accompagner la constructiondes deux filières identifiées. Cette mise en rela-tion fait l’objet d’un cofinancement de la partdes collectivités pour prendre en charge lescoûts d’études de faisabilité et une part de laconstruction des deux filières.

En dehors du cofinancement, les deux collecti-vités s’impliqueront en achetant une partie de la production pour leur usage interne (il n’existe pas de chiffre précis pour l’instant,car l’approvisionnement des deux collectivitésfait actuellement l’objet d’une étude de faisa-bilité). Elles aideront à la promotion de ladémarche. Les deux collectivités recherchentégalement d’autres partenaires financierspour donner une autre ampleur au projet quine concerne pour l’instant que deux filières.

ConclusionCe projet s’appuie sur le rôle d’animation duterritoire des deux collectivités et offre uncadre institutionnel pour la rencontre desacteurs du commerce équitable des deux terri-toires. Au-delà de la mise en relation desacteurs, les collectivités financent le projetpilote et s’engagent à se fournir en produitséquitables. Il devrait permettre également uneimplication des originaires de Figuig en France.

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HistoriqueDepuis une vingtaine d’années maintenant, ledépartement de l’Hérault s’est attaché, avecsuccès, à développer sur son territoire desdémarches de développement local du type« démarches de pays ». Elles visent à initier, pourdes territoires infra-départementaux ou infra-régionaux, des processus de développement

globaux et intégrés, basés sur les principes dudéveloppement durable. La coopération entre le département de l’Héraultet le Gouvernorat tunisien de Médenine a étéinitiée en 1995. Dans le cadre de cette coo-pération décentralisée, le Conseil général del’Hérault s’est engagé sur un projet similairede développement touristique.

ENCADRÉ N°5CONSEIL GÉNÉRAL DE L’HÉRAULT – GOUVERNORAT DE MÉDENINE (TUNISIE)

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Développement de circuits de tourismealternatif à Médenine.

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L’objectif principal de l’opération IRZOD(Innovation rurale en zone difficile) de BéniKhedache est de constituer une opérationpilote de développement rural intégré enTunisie, permettant d’éviter l’exode des popu-lations (notamment des jeunes), d’apporterune économie complémentaire, de protégerl’environnement et le patrimoine, de respecterles personnes et leur culture. Elle concerneune zone rurale de 30 000 habitants, semi-montagneuse, située au sud de la chaîne desMatmata en Tunisie du Sud.

Cadre d’actionL’opération IRZOD consiste à promouvoir ledéveloppement rural intégré sur la base dequatre axes principaux :- Tourisme alternatif (culturel, patrimonial, et solidaire) se traduisant par l'organisation de circuits13. Le Projet est en même temps le“facilitateur” de la mise en place des infra-structures nécessaires (signalisation, pointsd'accueil, maisons d'hôte). - Artisanat de textile à partir de la fabricationet de la valorisation de vêtements locaux iden-titaires.- Promotion de produits locaux agricoles etd'élevage identitaires (figues sèches et fromagede chèvre, plantes médicinales et aromatiques).- Gestion intégrée de l'eau, notamment surquatre sites prioritaires. L’objectif final du Projet IRZOD est bienl’émergence de nouvelles activités, initiées etgérées par les familles de Béni Kheddache etleur permettant d’améliorer leurs revenus etleurs conditions de vie. Ce programme a tou-

tefois d’abord été pensé en termes de tou-risme rural, de développement durable, maispas de tourisme solidaire spécifiquement.

Rôle de la collectivitéSi ce projet est ancré dans une coopérationdécentralisée, les compétences nécessairesimposent la mobilisation d’expertise externe. Ainsi, le projet a été élaboré par quatre institu-tions :- Institut Agronomique Méditerranéen deMontpellier, qui a joué un rôle prépondérantdans le projet,- Institut des Régions Arides de Médenine,- Groupe Action locale LEADER 34 (animé et géré par le Conseil Général de l’Hérault),- Association pour le Développement Durablede Béni Kheddache.Les deux collectivités pilotent le projet et l’in-tervention de ces différents acteurs.Les appuis de ce projet sont : - Le Commissariat Régional au DéveloppementAgricole (CRDA) de Médenine.- L’OFFICE de Développement du Sud (ODS).- Le Commissariat Régional du Tourisme duSud-Est.- La Direction Régionale de l’Equipement et del’Habitat.- Le Commissariat Régional de l’Artisanat.

ConclusionCe projet a su mobiliser les compétences dedifférents acteurs locaux français et tunisienset s’intégrer pleinement au contexte institu-tionnel tunisien.

13 3 types de circuits (un jour, trois jours et 7 jours)destinés respectivement à trois types de publics,touristes de passage (un jour),familles tunisiennes souhaitantdécouvrir leur propre pays(3 jours) et touristes étrangers- notamment français -adeptes d'un tourismealternatif (7 jours)

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La coopération décentralisée peut permettre de développer des structures d’accueil touristique.

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Le nombre limité de projets faisant le lienentre coopération décentralisée et com-merce équitable peut s’expliquer par unedifférence de positionnement des collecti-vités locales quand elles agissent sur un voletsolidarité internationale et sur un volet déve-loppement économique.

Pour comprendre cette différence, il semblenécessaire de rappeler le positionnement etl’histoire des collectivités à l’international.

POSITIONNEMENT DESCOLLECTIVITÉS À L’INTERNATIONAL

Fondements de la coopérationdécentralisée

1) Historique de l’action extérieure des collectivités localesL’action extérieure des collectivités localestrouve son origine dans les jumelages, dits « jumelages de paix » ou « jumelages-réconciliation », qui sont mis en place, enFrance, suite à la Seconde Guerre mondiale.Ces coopérations sont entre pays « dévelop-pés » et mises en œuvre par des associationset comités de jumelages, à une époque où

les communes ont peu de compétencesdévolues. Les jumelages représentent la majo-rité des coopérations.

Parallèlement, dans les années 60-70 se déve-loppent les jumelages caritatifs ou « jumela-ges –coopérations », suite au mouvementde décolonisation et à la médiatisation de lasituation de famine dans le « tiers-monde ».Ces jumelages se développent particulière-ment en direction des pays sahéliens avecune volonté de solidarité.

Ces coopérations représentent environ 15 %des quelques 6 200 accords de coopération.La mise en œuvre de ces jumelages débutetout d’abord par l’intermédiaire d’associa-tions locales. Cette coopération est ensuiteintégrée, au fil des décentralisations, au seindes collectivités locales (tant en France quedans les pays du Sud – principalement enAfrique de l’Ouest).

2) Les principes de l’action extérieure des collectivités locales en2007Les valeurs qui sous-tendent aujourd’hui l’ac-tion extérieure des collectivités locales com-binent ainsi ces trois sources d’engagement :

Faciliter le rapprochement entre coopérationdécentralisée et commerce équitable

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Page 33: commerce équitable et collectivité territoriale

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une « diplomatie des peuples»14, une diplo-matie des villes par une action pour la pro-motion de la paix / compréhension mutuelle : Ü Structurés autour de l’action de fédéra-tions internationales telle que Cités et gouver-nements locaux unis (CGLU) les engagementsportent sur les questions d’organisation et dereconnaissance des pouvoirs locaux et moinssur les questions d’ordre économique15.

un acte de solidarité : la collectivité fran-çaise assume une responsabilité dans le déve-loppement humain au niveau mondial, enparticipant au développement des collecti-vités locales partenaires. Ü Nombre de collectivités ont encore, vis-à-vis du Sud, une vision centrée sur les pratiquesd’ONG des années 1970/80. C'est-à-direqu’il y a peu de collectivités agissant au Nordet au Sud de manière liée, et que l’engage-

ment, au Sud, est pensé majoritairement entermes d’investissement sur les biens publicset collectifs et sur le renforcement des capa-cités des pouvoirs locaux (même si ceux-cisont limités dans les faits). Le développementéconomique peut être considéré comme unmoyen de renforcement des autorités locales,mais apparaît rarement prioritaire.

une coopération au service du territoire :l’action internationale s’inscrit dans la poli-tique globale de la collectivité, elle participeau renforcement de son territoire, à partird’un « intérêt local » plus ou moins défini16.Ü Le discours sur l’économique est ici cen-tré principalement sur le développementéconomique des entreprises du Nord et nondu Sud. La vision classique des règles com-merciales habituelles et de la compétitivitén’y est, dans ce cas, pas remise en question.

La coopération décentraliséeest souvent pensée en termesd’investissements dans les biens publics.

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14 Bernard Stasi – ancienPrésident de Cités UniesFrance – pour présenter lescoopérations développéesdans les années 70-80 avec des communes situéesau-delà du Rideau de fer.

15 La déclaration de trèsnombreuses collectivitéscomme «territoire horsAGCS» est toutefois unepiste qui reste à explorer.

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L’analyse des engagements dans l’action inter-nationale, notamment des régions, permetde mettre en évidence deux situations :

Soit la coopération internationale est struc-turée comme acte de solidarité : elle reposealors principalement sur le soutien aux acteursassociatifs et impliquent peu les expertisesterritoriales de la collectivité française etencore moins son tissu économique ;

Soit l’action internationale est organiséeau service du rayonnement du territoire etde son développement, notamment écono-mique. Elle se concentre alors sur des zonesà forte croissance, sans prendre en compte leschamps du commerce équitable. Si certainescollectivités appuient la prise en compte dela Responsabilité Sociale de leurs Entreprises(RSE) sur leur territoire, ceci reste cloisonnéau territoire : le soutien aux relations écono-miques internationales apparaît le plus sou-vent centré sur les critères habituels (aug-mentation du chiffre d’affaires et de l’emploi).

Pour faciliter le rapprochement avec la coopé-ration décentralisée, les acteurs du commerceéquitable doivent mieux appréhender les moti-vations d’une collectivité locale s’engageant àl’international et ne pas seulement les solli-citer pour un financement. Les collectivitéslocales peuvent financer un projet de com-merce équitable. Mais si le projet n’a pas voca-

tion à s’intégrer pleinement dans sa politiqueinternationale cela restera de l’ordre du « coupde pouce », comme pour tout autre projet desolidarité internationale.

Les collectivités voient actuellement le com-merce équitable principalement comme un« acte de solidarité », mais pas ou peu comme«une coopération au service de leur territoire».Pour que les actions liant coopération décentra-lisée et commerce équitable se développent, ilfaudrait que les collectivités locales perçoiventégalement ce que le commerce équitable peutapporter à leur territoire, non seulement caril participe à la création d’emploi17, mais égale-ment parce qu’il peut être une réelle oppor-tunité pour des industriels positionnés sur lehaut de gamme18.

Les actions des collectivités en faveur du développement économique de leur partenaireSi elles ne sont pas majoritaires dans l’actioninternationale, on trouve néanmoins certainsexemples d’actions de coopération décentra-lisée visant le développement économiquede la collectivité partenaire, sans toutefoisque cela soit lié au développement de filièresde commerce équitable.

Les premiers éléments d’analyse de l’étudedu HCCI sur « la dimension économique de lacoopération décentralisée » permettent de sou-

16 Au plan économique, la Délégation pour l’actionextérieure des collectivitéslocales (DAECL) dans leGuide de la Coopérationdécentralisée décrit l’actioninternationale comme une«opportunité économique»mais principalement pour le territoire français : «L’objectif économique est undes éléments constitutifs de lamotivation des collectivitésterritoriales, tant dans le cadredes échanges entre paysdéveloppés qu’en direction duSud. Parfois, le développementd’échanges économiquesconstitue l’objectif principal desprojets de coopération qui vontcomporter un volet sur cettethématique : développement de relations entre entreprises,coopération technologique,ouverture de bureaux à l’étranger,recherche d’investisseurs, etc. (…)Il arrive que des actions decoopération aient des retombéesd’ordre économique alors mêmequ’elles n’avaient pas été conçuesdans cet objectif. C’est le cas parexemple, lorsqu’il y a fournituresde biens d’équipements produitspar des entreprises locales oulorsque, grâce aux relationsétablies entre collectivités, leséchanges entre acteurs écono-miques se trouvent facilités.»

17 Exemple d’Ethiquable,SCOP qui importe desproduits équitables et crééde l’emploi localement.

18 Voir à ce sujet le projetde la Région Bretagne avecles industriels bretons dutextile (Armor Lux…).

Page 35: commerce équitable et collectivité territoriale

33

ligner certaines caractéristiques des actionsmises en place par les collectivités locales19 :

La dimension formation, souvent en liaisonavec des universités ou des établissementsde formation solides, est présentée demanière quasi systématique.

La valorisation des compétences, plus large-ment, est un thème fort, en particulier lesactions de conseil et d’accompagnement.Ces actions de valorisation des compétencesde la part des régions ou départements s’opè-rent souvent via les organes consulaires (CCI,Chambres de Métiers), ou par l’intermédiairedes Universités, Grandes écoles, IUT, dontle rôle apparaît déterminant.

Le compagnonnage industriel prend égale-ment une place importante.

La participation des collectivités territorialesà des pôles de compétences et à des incuba-teurs d’entreprises, constitue également unaxe intéressant.

Des projets de plus en plus nombreux sontmenés dans le domaine du tourisme solidaire. Les actions mises en œuvre par les collecti-vités dans le champ du développement éco-nomique et étudiées dans l’enquête du HCCIs’inscrivent rarement dans le champ du com-merce équitable.

Cela s’explique notamment car ces actionsde développement économique s’oriententle plus souvent vers des pays à fort potentiel,principalement la Chine et le Brésil, et sur dessecteurs industriels non concernés par lecommerce équitable (industrie de plaisance,industrie automobile, biotechnologie…).

Dans ce cas les collectivités peuvent éventuel-lement être plus facilement sensibles à la néces-sité de favoriser la Responsabilité Sociale desEntreprises, qui est peut être une notion mieuxconnue des services « Développement écono-mique » et qui peut être un premier pas versun commerce plus responsable.

Les actions mises en œuvre dans ces projets dedéveloppement économique peuvent le plussouvent être transposées à des projets mis enplace dans le champ du commerce équitable. Ilpeut donc être intéressant pour les services « Coo-pération décentralisée » de s’inspirer de ces pro-jets (qui sont rarement gérés par leur service,mais plus souvent par les services « Développe-ment économique »20) afin de voir quels typesd’actions peuvent être transposées dans desprojets favorisant le commerce équitable.

Une mauvaise appréhension desprincipes du commerce équitableLa plupart des collectivités locales interrogéespour cette étude nous ont indiqué que, si lesvaleurs du commerce équitable sont intéres-

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19 HCCI, « Liens entrecoopération décentralisée etdéveloppement économique »,2007.

20 Voir plus loin.

Page 36: commerce équitable et collectivité territoriale

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santes, le questionnement qu’elles induisentne leur apparaît pas comme pertinent vis-à-vis de la situation rencontrée sur les territoi-res au Sud ou des demandes des partenaires :

Soit les besoins sont dans un premiertemps liés à la sécurité et l’autosuffisance ali-mentaire. Ils concernent donc des « circuitscourts » de productions et de commerce.Ainsi, dans l’étude du HCCI sur la coopéra-tion économique, il est noté : Ü « L’importance de la dimension rurale dans lacoopération décentralisée ressort nettement (descas étudiés). Les actions concernent la valorisationde filière sur le territoire local. »

Or le commerce équitable peut égalementconcerner des circuits courts et est mêmeappelé à se développer dans ce cadre-là étantdonné l’importance de développer dans lesprochaines années le commerce Sud-Sud etles filières courtes locales, notamment enraison de la hausse du prix des carburants etdes coûts environnementaux liés au transport.

Soit pour les démarches de plus large enver-gure, les principes du commerce équitablesont pour les collectivités locales synonymesde contraintes qui ne peuvent être imposéesdans un développement économique balbu-tiant. Il apparaît nécessaire aux collectivitéslocales d’assurer une possibilité de réaliser deséchanges avant d’imposer des principes de« commerce équitable » dans ces échanges.

Cette perception des normes du commerceéquitable se base uniquement sur des a prioricar les différentes collectivités interrogéesne se sont pas renseignées précisément poursavoir quelles étaient les normes à respecterpour une labellisation « commerce équitable ».

Ces freins mis en avant par les collectivitésrésultent d’une connaissance approximativedu commerce équitable. Il apparaît nécessairede développer une information ciblée et pré-cise auprès des collectivités sur le commerceéquitable afin qu’elles perçoivent mieux lespossibilités qu’elles ont de favoriser un com-merce responsable dans le cadre de leurs pro-jets de coopération décentralisée.

DES PÉRIMÈTRESD’ENGAGEMENT DIFFÉRENTS

Alors que commerce équitable et coopéra-tion décentralisée solidaire partagent desfinalités communes (améliorer la situationdes populations en difficultés au Sud), lesdifficultés de rapprochement constatées nousobligent à préciser les périmètres d’engage-ment des deux groupes d’acteurs.

On constate en effet des différences impor-tantes :

sur les zones géographiques d’engagementen termes de solidarité

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sur les échelles d’intervention

sur les liens entre actions internationaleset développement économique

Des zones géographiques différentesIl apparaît intéressant de comparer les paysoù sont fabriqués des produits du commerceéquitable et ceux où sont présentes les collec-tivités françaises à travers leurs accords decoopération décentralisée. Cela permet devérifier l’existence, ou non, d’une correspon-dance géographique entre zones d’actionsdes acteurs du commerce équitable et de lacoopération décentralisée.

Pour cela, nous nous sommes appuyés surles données disponibles :

la liste des pays dans lesquels des coopéra-tives de commerce équitable sont certifiéespar Flo Cert concernant les produits suivants :café, thé, banane, chocolat, jus de fruit, sucre,miel, riz, coton.

la liste des pays dont sont issus les produitsd’artisanat importés par Solidar’Monde

la base de données du Ministère des Affairesétrangères et européennes sur les accords decoopération décentralisée21.

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Les pays dont sont issus les produits du commerceéquitable ne correspondentpas toujours aux zones decoopération décentralisée.

21 Cette base de donnéesest en train d’être remise àjour actuellement, le nombred’accords listés correspond à un nombre d’accords decoopération « déclarés » et non à des accords decoopérations reconnuscomme « actifs ».

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Ces données ne sont pas exhaustivespuisqu’elles s’appuient uniquement sur l’étudedes données de Flo Cert et de Solidar’Monde,mais permettent néanmoins de faire appa-raître des tendances fortes.

On note, de manière générale, une faiblecorrespondance géographique sur les pro-duits les plus « classiques » du commerceéquitable, notamment le thé, le café et lechocolat.

La correspondance la plus forte semble seretrouver sur les pays producteurs de coton

équitable. Néanmoins la correspondance auniveau national ne signifie pas une réelle cor-respondance au niveau local. Par exemple auMali, la région de Sikasso produit 2/3 de laproduction nationale de coton, or la coopé-ration décentralisée française est principa-lement présente dans la région de Kayes oùle coton n’est pas cultivé.

La correspondance la plus forte porte sur lespays dont est issu l’artisanat équitable22, etoù sont fortement présentes les collectivitésfrançaises, notamment le Maroc, Madagascaret le Niger.

22 Notamment celui vendupar Solidar’Monde.

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Des opportunités de collaboration entreacteurs du commerceéquitable et collectivitésterritoriales pour le ren-forcement de l’artisanatet des petits commerces.

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Les zones d’actions géographiques ne repré-sentent pas une opportunité suffisante pourmobiliser les collectivités sur le champ du com-merce équitable.Un effort est donc nécessaire pour :- que les collectivités engagent de nouvellescoopérations dans les pays où les acteurs ducommerce équitable sont présents (AmériqueLatine principalement) ;- ou bien qu’elles participent à développer lecommerce équitable dans leurs zones de coo-pération décentralisée.Sur les zones de coopération actuelles, on voitque l’artisanat peut être une réelle opportu-nité, ainsi que le coton. Le tourisme solidairepeut également faire l’objet de projets de coo-pération décentralisée, puisqu’il peut, a priori,être développé dans la plupart des zones aveclesquelles coopèrent les collectivités localesfrançaises.

Des échelles d’intervention différentes

La coopération décentralisée est cibléeDans les démarches de commerce équita-ble, les coopératives de producteurs peu-vent regrouper de quelques dizaines de pro-ducteurs à des dizaines de milliers deproducteurs. Le plus souvent, les coopérati-ves vendent leur production aux conditionsdu commerce équitable à plusieurs acheteurs

venus d’Europe, d’Amérique du Nord et depays de l’Océan Pacifique (Japon, Australie,Nouvelle-Zélande).

Contrairement à ces échanges entre produc-teurs du commerce équitable et consomma-teurs du monde entier, la coopération décen-tralisée est très ciblée. Comme il a été rappelédans la « Déclaration de Guatemala » lors de laIIe Conférence annuelle de l’Observatoire de laCoopération Décentralisée UE-AL réunie auGuatemala en mai 2007 :

« La coopération décentralisée a cependant deslimites. Ce n’est pas la forme de coopération laplus efficace pour aborder de vastes problèmes,de nature structurelle et qui se posent au niveaunational – comme la pauvreté –, qui nécessitent degrandes mobilisations de volonté et de ressources.La coopération décentralisée doit donc trouver saplace dans les schémas de la coopération inter-nationale sous une forme qui mette en valeur saspécificité. »

Ainsi la coopération décentralisée apparaîtcomme une relation bilatérale entre deuxterritoires quand le commerce équitablegénère des flux d’un groupe de territoiresproducteurs vers un groupe de pays consom-mateurs, bénéficiant des opportunités deregroupement23.

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23 Ce frein peut êtredépassé par des regroupe-ments de collectivités autourde projets commun, commec’est le cas entre les régionsNord-Pas de Calais et Ile-de-France.

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Il peut par ailleurs être déstabilisant pour desproducteurs de n’exporter que vers une zoneciblée car cela peut entrainer à terme unesituation malsaine de dépendance. La relationde coopération décentralisée peut être uti-lisée au départ pour aider des producteursà développer leurs exportations, mais ne doitpas être un obstacle à une diversificationminimale des débouchées.

Solidarité et mondialisation économique :des enjeux non reliésForce est de constater que dans leurs prati-ques d’appui au développement économique,les collectivités ne remettent que peu en causeles orientations du commerce international.

Une différence de champs d’action apparaîtentre :

l’objectif de l’action internationale des col-lectivités locales dans le secteur économi-que qui apparaît comme principalement unenjeu de développement local « ici » et d’in-sertion de leurs entreprises (en associationavec celles de leurs partenaires quand c’estpossible), par une meilleure compétitivité,dans une économie mondialisée24.

l’objectif du commerce équitable qui estpensé comme une remise en cause des ter-mes mondiaux du commerce.

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Collectivité B Collectivité D

Acheteur A Acheteur B Acheteur C

Importateur / Diffuseur

Acheteur D Acheteur E

Producteur A Producteur B Producteur C Producteur D

24 Voir à ce sujet lesdifférents rapports desConseils Economiques etSociaux Régionaux (CESR).

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25 BRIC - Brésil, Russie,Inde et Chine.

26 http://www.erai.org/fr/front/index.php

27 www.orne-export.com

Des actions internationales enmatière de développement écono-mique plutôt orientées vers les paysà forts potentiels Les liens qui sont faits au sein des collectivi-tés locales entre développement économi-que et relations internationales répondentà deux enjeux majeurs pour les territoires :

Le premier est celui de la promotion du territoire à l’étranger, dans le cadre d’uneconcurrence croissante des territoires.L’objectif est d’être capable de faire iden-tifier son territoire auprès des décideursétrangers, comme leur étant favorable, dansle cadre de la compétition économique mondiale.

Le deuxième enjeu concerne l’export enaidant le tissu économique local à dévelop-per des marchés à l’étranger (cet appuiconcerne en particulier les PME).Les expertises développées par les collecti-vités (principalement les Régions) le sontalors vers les pays à fort potentiels (mem-bres de l’OCDE ou pays émergents – BRIC25).

Le discours vis-à-vis du développementéconomique internationalPour l’agence Erai en charge du développe-ment international pour le Conseil régionalRhône-Alpes, les objectifs sont les suivants :ERAI, créée en 1987 à l'initiative du Conseil régio-

nal Rhône-Alpes, a pour principale mission d'ai-der les entreprises de la région à mieux exporteret de promouvoir les compétences et savoir-fairerhônalpins au niveau international.26

Orne export, structure dépendante du Conseilgénéral de l’Orne, a un objectif d’intégration desPME du département dans la mondialisation :Dans une période de mondialisation effrénée, lesentreprises doivent s’adapter pour rester compé-titives et faire face à la concurrence en mettant touten œuvre pour profiter de nouvelles opportunités.C’est avec ce double objectif que le Conseil géné-ral de l’Orne lance le Plan d’Accès à la Mondia-lisation. Une série d’initiatives innovantes pouraider les entreprises ornaises à observer les évo-lutions de leur environnement professionnel, às’adapter aux évolutions économiques et à mettreen place de nouveaux outils de prospection. (…)L’objectif est d’accompagner très concrètementles PME départementales dans une nouvelle dyna-mique d’ouverture internationale27.

Pour Aquitaine International, l’agence du Conseilrégional Aquitaine, il s’agit d’« entreprendrele monde ».

Dans le cadre de leur aide, les collectivitéslocales françaises ne remettent pas en causeles principes du commerce et de la concur-rence, mais essayent d’apporter un maximumd’appui à leur collectivité partenaire pour sefondre dans cet environnement.

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Un rapprochement difficile avec la solidarité internationaleDans une étude sur l’impact internationalde la coopération décentralisée du Conseilrégional Ile-de- France, le CESR28 Ile-de-Francesouligne « qu'il n'y a pas de contradiction pour unePME du Nord à participer au développement duSud et à y trouver son propre intérêt économique.Il n'y a donc pas lieu d'opposer une coopérationdésintéressée et de solidarité internationale à unecoopération utile et rentable. La coopération doitêtre un vecteur de développement pour les deuxpartenaires, soit en favorisant des échanges directsavec d'autres pays développés, soit en favorisantdes échanges de savoir-faire contre une ouverturedes marchés au profit des PME franciliennes. »Toutefois, la mobilisation des échanges de PMEapparaît majoritairement aux acteurs rencon-trés comme très délicate en ce qui concerneles territoires de coopération au Sud.

Ainsi, dans un autre rapport, plus récent29, leCESR d’Ile-de-France étudie, au nom de lacommission de l’action européenne et inter-nationale, « le développement de la coopérationdécentralisée de la région Ile-de-France avec leBrésil, la Russie, l’Inde et la Chine (groupe BRIC)ainsi qu’avec le Mexique ».

Alors que la Région Ile-de-France est très enga-gée dans les problématiques d’économiesociale et solidaire et d’achats durables, les

rapports potentiels avec les BRIC sont uni-quement présentés sous l’angle de « poten-tiel économique et commercial ». Le rapportalerte toutefois dans sa conclusion sur unepossible contradiction dans les relations éco-nomiques avec ces zones, sans apporter réel-lement de réponse :

« Le comportement environnemental des entre-prises des pays des BRIC peut être souvent encontradiction avec la volonté de la Région Ile-de-France de s’inscrire dans une démarche d’écoré-gion. Aussi les différentes manières de résoudrecette contradiction représentent en soi un vérita-ble enjeu pour la Région Ile-de-France, dans lecontexte de sa volonté de développer ses relationsavec ces grands pays émergents.30 » Mais au-delà de cette « mise en garde », un intérêt fort pour tisser des relations éco-nomiques peut être identifié, passant parl’ensemble de pratiques habituelles (salons,études de marché…).

Les principales expertises territoriales en termede développement économique restent concen-trées sur les indicateurs classiques de retourssur investissement (parts des entreprises àl’export, nombre d’emplois créés,…) et ne sem-blent pas concentrées sur les problématiquesde coopération avec les territoires du Sud quiapparaissent, en dehors des BRIC, commemoins « prometteurs ».

28 Conseil Economique et Social Régional

29 CESR d’Ile de France,Développement de lacoopération décentralisée de la région Ile-de-France avecle Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine (groupement BRIC),présenté le 17 octobre 2007.

30 Ibid, p.76.

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Les difficultés rencontrées parles collectivités territorialespeuvent être dépassées.

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Lorsque des collectivités s’engagent dans unsoutien important à une initiative de com-merce équitable dans le cadre de leur coo-pération décentralisée, celles-ci rencontrentdifférentes difficultés qui ont plusieurs origines :

un éclatement des compétences de coopé-ration internationale et de développementéconomique

un encadrement des aides publiques àl’économie à maîtriser.

Par ailleurs, chaque partie (coopérationdécentralisée et commerce équitable) a descontraintes communes à dépasser.

LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉESPAR LES ACTEURS

Différentes contraintes sont formulées par les porteurs de projets. L’étude récente duHCCI31 nous renseigne à ce sujet. A la ques-tion des faiblesses et difficultés de dévelop-pement économique, les exemples suivantssont cités32 :

« Les besoins primaires de la population sontencore trop nombreux à satisfaire (ex. : accès àl’eau) et freinent donc le développement écono-mique. » (Conseil général de Charente-Maritimesur sa coopération avec la Guinée.)

« Les compétences et politiques communaleset intercommunales en matière d'appui au déve-loppement économique local doivent encore êtreapprofondies, mieux planifiées et animées (connais-sance des circuits et réseaux économiques locaux,mobilisation, concertation et contractualisationentre acteurs publics et privés à l'échelle du dépar-tement des Collines. » (Conseil régional Picardiesur sa coopération avec le Benin).

« Principale difficulté : pénétration du tissu économique local, peu organisé et assez opaque. »(Ville de Chinon sur sa coopération avec le Laos).

« Les élus et techniciens des deux collectivités ontcompris que “la relation commerciale et indus-trielle suppose de réelles compétences techniques”qu'un département n'a pas. Reste à inventer le“bon registre”. Le manque de crédibilité qui endécoule entraîne une non-implication de la CCI 22

Dépasser les difficultés rencontrées dans les initiatives engagées

1.3

31 HCCI, op.cit.

32 http://www.hcci.gouv.fr/participer/decentralise/upload/questionnaire-fiche-deux.pdf

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La filière coton permetde concilier un engage-ment international de la Région Bretagneauprès de l’UMOA et la valorisation d’entreprises de textilede son territoir.

– les professionnels de l'animation économiquen'étant pas intéressés par les caractéristiques dugouvernorat de Gabès, ils auraient préféré le Nordou le Centre de la Tunisie. » (Conseil général deCôtes d’Armor sur sa coopération avec laTunisie).

Ces difficultés rencontrées traduisent, au-delàde la priorité accordée à l’autosuffisance etaux besoins de base :

une organisation éclatée entre coopérationsolidaire et développement économique.

la nécessité de préciser l’encadrement juri-dique des collectivités en termes d’actionéconomique.

Une organisation éclatée entre coopération solidaire et développement économiqueL’expertise sur la coopération internationaledes collectivités locales est la plupart dutemps découplée de l’action économique.Ceci rend délicate la mobilisation des exper-tises croisées qui seraient nécessaires à lamise en place de projets de grandes ampleurs.

Une séparation des services en charge de la coopération et du développementéconomiqueLes engagements des collectivités locales àl’international sont souvent séparés entre lasolidarité internationale (au profit principa-lement des acteurs du Sud) et le dévelop-

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pement international de la collectivité (penséau profit des acteurs du Nord).

Ainsi, de nombreuses collectivités localespossèdent plusieurs services « Relations inter-nationales » :

l’un en charge du développement écono-mique, centré sur des relations avec les paysdéveloppés ou émergents (telle la Chine),

l’autre en charge des questions de solida-rité internationale.Si une même direction chapeaute l’ensembledes relations internationales, une séparationentre les relations européennes et la solidaritéinternationale sera souvent constatée dansle fonctionnement interne de la direction.

Une séparation entre élus en charge de la coopération décentralisée et élus en charge du commerce équitableou de l’économie sociale et solidaireSi on peut noter les convergences existan-tes entre la coopération décentralisée et lesagendas 21 des collectivités locales entreassociations représentatives (CUF, Comité 21,Les Eco-maires, AMF, AMGVF…), elle n’est pasforcément effective entre les élus et les ser-vices chargés des relations internationales,ceux chargés de l’environnement et ceux

chargés de l’économie solidaire au sein descollectivités locales.

Découlant d’une approche du commerceéquitable par le volet des achats publics éthi-ques, le commerce équitable est majoritai-rement géré par les élus et services de l’éco-nomie sociale et solidaire et non par ceuxdes relations internationales et de la coopé-ration décentralisée.

Ainsi, les répartitions des délégations dansces collectivités le confirment :

Ü POUR NANTES

Jean-Philippe Magnen, conseiller muni-cipal délégué au commerce équitable àNantes, chargé de l'économie sociale et soli-daire à Nantes métropole.

Michel Marjolet, conseiller municipal encharge de la solidarité internationale pour laVille de Nantes.

Ü POUR LE CONSEIL RÉGIONAL

D’ILE-DE-FRANCE

Francine Bavay, 2e Vice-Présidente char-gée du Développement Social, de l'EconomieSociale et Solidaire, de la Santé et du Handicap.

Janine Haddad – 15e Vice Présidente char-gée des Actions Internationales et des AffairesEuropéennes

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Quelques collectivités affichent des cohé-rences entre les deux thématiques :

Ü POUR LE CONSEIL RÉGIONAL

DE RHÔNE-ALPES

Jean-Philippe Bayon, Vice-Président délégué à la coopération décentralisée et aucommerce équitable

Ü POUR LE CONSEIL RÉGIONAL

NORD-PAS DE CALAIS

Ginette Verbrugghe, relations internatio-nales, partenariats associatifs et économiesolidaire

Mais dans ces cas, aucun service spécifiquen’est en charge du domaine, ne permettantpas de traduire, de manière rapide et de façonimportante, ces engagements.

Cette séparation des responsabilités ne permetpas un approfondissement suffisant des rela-tions entre commerce équitable et coopéra-tion décentralisée. Il apparaît donc importantde renforcer la transversalité au sein des col-lectivités sur ce sujet, tant au niveau des élusque des services, par exemple en mettant enplace un cadre de concertation entre les ser-vices chargés du développement économiqueet de la coopération décentralisée.

L’encadrement juridique à maîtriserQuel que soit l’axe choisi – développementéconomique de son territoire ou action desolidarité –, les projets de coopération inter-nationale sont aujourd’hui principalementliés aux compétences que doivent assumerles collectivités locales.

Une compétence économique principalement dévolue à la RégionLe développement économique est le domained’intervention principal de la Région, qui a été confirmé par la loi du 13 août 2004. Si toutes les collectivités interviennent éco-nomiquement, c’est désormais la Région qui“coordonne sur son territoire les actions de dévelop-pement économique des collectivités territorialeset de leurs groupements”.

L’action économique de la Région comprendentre autres :

la définition du régime des aides écono-miques aux entreprises et la décision de leur octroi, depuis la loi du 13 août 2004(aides économiques et aides à l’immobilier, cf. ci-dessous). Par ailleurs, les communes,leurs groupements et les départements peu-vent désormais mettre en œuvre leurs pro-pres régimes d’aides économiques avec l’ac-cord de la Région ; 3.

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depuis la loi du 13 août 2004, l’élaborationd’un schéma régional de développementéconomique, après concertation avec lesdépartements, les communes et leurs grou-pements, à titre expérimental et pour cinqans, afin de coordonner les actions de déve-loppement économique, promouvoir undéveloppement économique équilibré de larégion et développer l’attractivité de son ter-ritoire.

Si le développement économique est un sec-teur clef de la région, les autres niveaux decollectivités y sont également fort présents.Ainsi en 2004, les six milliards d’euros d’aideséconomiques accordées par les collectivitéslocales provenaient à 39% des régions, à 33 %des communes et de leurs groupements et à28 % des départements.

Toutefois, ce sont majoritairement les régionsqui disposent d’organismes compétents dans lesdifférents appuis aux filières et aux entreprises.Ceci explique l’engagement de ces collectivitésde manière plus pertinente dans les structura-tions de filière.

Aides possibles aux entreprisesSi les aides publiques dans le secteur écono-mique sont très encadrées juridiquement(voir encadré n°6), les collectivités locales ontnéanmoins d’autres leviers d’interventionqui permettent de créer un environnement

favorable pour le développement économi-que de leur territoire ou d’un secteur parti-culier (organisation de salon, promotion duterritoire, réalisation d’infrastructures néces-saires au développement d’une zone parti-culière…). C’est dans le cadre de ces aidesmoins « formelles » que l’action internatio-nale des collectivités locales peut parfoisjouer son rôle.

Pour favoriser le commerce équitable, les col-lectivités locales doivent avant tout s’appuyersur leur rôle d’animateur du territoire, sur leuraction structurante au niveau de l’économielocale.

C’est également en renforçant ces capacitésde maîtrise d’ouvrage en matière de dévelop-pement économique de leur collectivité par-tenaire que les collectivités françaises peuventfavoriser le commerce équitable.

LES CONTRAINTESDES DIFFÉRENTS ACTEURS

Les moyens d’action internationaledes collectivités localesLa coopération décentralisée est d’abord unecoopération entre deux autorités locales. Lesoutien à des acteurs économiques locaux,dans le cadre d’une coopération décentrali-sée, doit donc recevoir l’aval et le soutien del’autorité locale partenaire. Elle doit par ail-

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leurs entrer dans le cadre de ses compéten-ces. Les collectivités locales ne sont donc pascensées intervenir directement auprès desacteurs économiques, cible première desopérateurs intervenants pour le commerceéquitable.

Il apparaît que dans la plupart des projetsétudiés, le rôle de la collectivité a consisté àimpulser des projets ayant trait au commerceéquitable ou à faciliter leur mise en œuvre.Mais ces projets ont été mis en œuvre pard’autres acteurs, des entreprises ou des asso-ciations travaillant dans ce secteur, non parles collectivités directement.

L’appui des deux collectivités partenairespasse donc en majeure partie par :

la mise en réseau d’acteurs issus des deuxcollectivités,

le financement d’études de faisabilité,

un accompagnement pour la mise enœuvre du projet pilote (cofinancement, com-munication…).

Au-delà de ce principe de mise en contactdes expertises au sein des territoires, des rela-tions peuvent être développées afin de renfor-cer les capacités de la collectivité partenaireen vue de son développement économique.

Ceci entre dans le champ précis de la rela-tion d’institution à institution et du renforce-ment des capacités institutionnelles. La collectivité française est toutefois rapide-ment confrontée aux difficultés d’obtenirune évolution tangible à court terme. Sansces résultats, l’effort de la collectivité parte-naire peut être trop important à soutenir.

En effet, il est à noter que, si le secteur del’appui économique est déjà complexe enFrance, cette complexité s’accroît sur des ter-rains d’actions totalement différents struc-turellement et culturellement. Cette com-plexité décourage certaines collectivités quise rabattent alors sur des interventions plus« classiques ».

L’inadéquation des contraintes du commerce équitable aux collectivités locales L’obtention de résultats tangibles par la collec-tivité nécessite une montée en puissance parpalier du projet. Or, les partenaires « commerceéquitable » sont pris dans des contrainteséconomiques qui sont parfois inadaptées audéroulement du projet. Certaines initiativesont ainsi été bloquées ou retardées :

Une région a pu mettre en place le déve-loppement d’une production dans une col-lectivité partenaire et souhaiter diffuser lesproduits en partenariat avec des ONG régio-

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Les régimes d’aides mis en placepar les régions doivent respecterles règles communautaires rela-tives aux aides publiques auxentreprises issues des articles 87et 88 du traité instituant laCommunauté européenne.

Les aides sont incompatiblesavec le marché intérieur et doncinterdites dans quatre cas.

D’après l’article 87 du Traité ins-tituant la Communauté euro-péenne, tout avantage accordépar l’Etat ou au moyen de res-sources de l’Etat est considérécomme une aide d’Etat et, à cetitre, est incompatible avec lemarché intérieur lorsque :

- il confère un avantage écono-mique à son bénéficiaire,

- il est octroyé de manière sélec-tive à certaines entreprises, oucertaines productions,

- il risque de fausser la concur-rence,

- il affecte les échanges entreEtats-membres.

ENCADRÉ N°6AIDE AUX ENTREPRISES, UNE LIBERTÉ ENCADRÉE

PAR LE RESPECT DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET DU DROIT INTERNE©

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La notion d’aide inclut les aides octroyées par lescollectivités territoriales et concerne aussi bienles aides directes qu’indirectes (voir plus loin).

Il existe des dérogations au principe d’interdic-tion :

- les aides automatiquement compatibles :. aides à caractère social octroyées aux consom-mateurs ;

. aides destinées à remédier aux dommagescausés par les calamités naturelles ou d’autresévènements extraordinaires.

- les aides potentiellement compatibles :. aides destinées à favoriser le développementéconomique de certaines régions dans lesquel-les le niveau de vie est anormalement bas.

. aides destinées à promouvoir la réalisationd’un projet important d’intérêt européen ouà remédier à une perturbation grave de l’éco-nomie d’un Etat membre

. aides destinées à promouvoir la culture et laconservation du patrimoine.

La collectivité doit également respecter lesrègles de droit interne :

Elles sont fixées par la loi du 7 janvier 1982,modifiée à plusieurs reprises, en particulier parla loi du 27 février 2002 relative à la démocra-tie de proximité et la loi du 13 août 2004 rela-tive aux libertés et responsabilités locales. La loidu 13 août 2004 supprime la distinction entre

aides directes et aides indirectes, et opère unenouvelle distinction entre aides économiqueset aides à l’immobilier d’entreprises.

Le régime juridique des interventions écono-miques des collectivités territoriales peut doncse décomposer en quatre catégories d’aides :

- Les aides économiques (anciennes aidesdirectes) dont le régime est fixé à l’articleL.1511-2 du CGCT . aides en faveur des PME, aides à la formation,aides à l’emploi… (= subventions)

- Les aides à l’immobilier (anciennes aides indi-rectes) prévues par l’article L.1511-3 du CGCT . Subventions pour la location, l’acquisition oula construction, sous leur propre maîtrised’ouvrage, de bâtiments ;

. Subventions favorisant la réutilisation, aprèsrénovation de bâtiments existants ;

. Avances remboursables pour le financementd’un projet immobilier ;

. Rabais sur le prix de vente, de location ou delocation-vente de terrains nus ou aménagésou de bâtiments neufs ou rénovés.

- Les aides conventionnelles définies à l’articleL.1511-5 du CGCT

- Les dispositifs d’ingénierie financière : fondsde prêt, fonds de garantie, fonds de capitalinvestissement, fonds d’investissement deproximité, prévus par les articles L.4211-1,L.4253-1 et L.4253-3 du CGCT.

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50

nales, dans le réseau régional d’une fédéra-tion. Les représentants en région de cettefédération n’ont pu jouer leur rôle de diffu-seur, car les produits ne répondaient pas auxcritères de leur centrale d’achat nationale(notamment de pouvoir être diffusé natio-nalement). Celle-ci ne les a donc pas auto-risés à diffuser les produits issus d’une coo-pération décentralisée locale.

La mise en œuvre est difficile, car il fautpouvoir disposer, dans le cadre d’une com-mande publique, de moyens de productionsuffisants et faire émerger de nouveaux pro-

duits pour répondre aux besoins des collec-tivités locales de taille parfois conséquente.Hors dans de nombreux cas, il semble que lesproduits ne sont pas encore présentés avecune qualité homogène, et en quantité suffi-sante.

Ces exemples traduisent à ce jour un fosséinterculturel entre les opérateurs privés ducommerce équitable et les agents et élus descollectivités locales souhaitant engager leurcoopération décentralisée sur ce champ. Ellesrelèvent notamment des oppositions entrepratiques publiques et privées.

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Des partenariats avec les collectivités territoriales pour favoriser le changementd’échelle du commerce équitable.

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Au vu, d'une part de l’analyse des projetsinitiés et des points de blocage identifiés, et d'autre part des entretiens réalisés avec les acteurs du commerce équitable et les res-ponsables de collectivités locales, plusieurspistes de recommandations apparaissent.

UNE MEILLEURE CONNAISSANCEMUTUELLE

Pour faciliter le rapprochement avec la coo-pération décentralisée, les acteurs du com-merce équitable doivent mieux appréhen-der les motivations d’une collectivité locales’engageant à l’international et ne pas seu-lement les solliciter pour un financement.

De leur côté, les collectivités locales sont frei-nées par des a priori sur le commerce équita-ble, notamment sur la complexité des normesà respecter pour être labellisé « équitable ».Pour la plupart d’entres elles, le commerceéquitable ne concerne que du commerceSud-Nord et ne prend pas en compte les« circuits courts » ou le commerce Sud-Sud.

Il apparaît nécessaire de développer destemps d’échanges entre acteurs de la coopé-

ration décentralisée et du commerce équi-table et une information ciblée et préciseauprès des collectivités sur le commerce équi-table afin qu’elles perçoivent mieux les pos-sibilités qu’elles ont de favoriser un com-merce responsable dans le cadre de leursprojets de coopération décentralisée.

Un projet liant coopération décentralisée etcommerce équitable sera d’autant plus aboutisi des acteurs du commerce équitable (asso-ciations et entreprises), qui connaissent lesenjeux de terrain et les contraintes commer-ciales, sont associés au départ.

UN RENFORCEMENTDE LA TRANSVERSALITÉ AU SEINDES SERVICES D’UNE COLLECTIVITÉLOCALE

Dans la mesure où il est compliqué de réus-sir un projet de coopération décentralisée, a fortiori s’il s’agit de faciliter un développe-ment économique local au Sud, il est certainqu’y ajouter des critères de commerce équi-table complexifie énormément le projet. Eneffet, non seulement les critères du com-merce équitable sont nombreux, mais en

Conclusions et perspectives1.4

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53

Favoriser une meilleureconnaissance mutuelle.

plus les acteurs en ont des conceptions dif-férentes.

Une collectivité locale désireuse de s’enga-ger dans un tel projet doit donc prendre letemps d’analyser l’ensemble des paramètreséconomiques, sociaux, environnementauxet juridiques nécessaires à sa réussite.

Ce travail préalable doit permettre d’identi-fier les différentes compétences qui devrontêtre mobilisées ensemble.

En effet, le commerce équitable étant àla frontière de l’économie solidaire, desrelations internationales, et du dévelop-pement économique, il implique une col-laboration au sein de la collectivité locale.

Les actions mises en œuvre par les services« développement économique » peuvent leplus souvent servir d’inspiration pour les pro-jets mis en œuvre dans le secteur du com-merce équitable. Les services « coopérationdécentralisée » doivent donc mobiliser lescompétences disponibles au sein de ces ser-vices ou de leurs partenaires (CCI, Chambresd’agriculture,…).

La transversalité n’est ici qu’un moyen puis-que l’enjeu est d’intégrer, au niveau politi-que, la question de l’équité dans le com-merce dans la stratégie de coopérationdécentralisée. La collectivité locale du Nordne devant pas être maître d’œuvre, mais plu-tôt « chef d’orchestre » d’une diversité decompétences en son sein et dans la collec-tivité locale partenaire du Sud.

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UN ENGAGEMENT PROGRESSIFDANS LE COMMERCE ÉQUITABLE

Si la « révolution » du commerce équitableapparaît un saut trop complexe, une straté-gie d’insertion de l’équité dans les rela-tions commerciales par une méthode despetits pas, peut produire des effets impor-tants. L’enjeu est ici de porter une attentionsystématique dans les projets de développe-ment économique à la manière d’y inclurecertains points liés aux valeurs du commerceéquitable.

De multiples espaces de coopération per-mettent alors de pointer ces valeurs d’équité :

les échanges de présents dans les relationsprotocolaires ;

la composition des délégations économi-ques, avec une présence systématique d’unopérateur inscrit dans la démarche du com-merce équitable ;

l’insertion d’un volet d’échanges entre lesinstances de structuration de l’économie(chambres consulaires, coopératives, …) dansles programmes de coopération ;

une mixité dans les délégations liées audéveloppement économique, intégrant« développement économique », « relations

internationales », et « économie sociale etsolidaire » pour renforcer la transversalité.

SE DONNER LES MOYENSDE SES AMBITIONS

Le développement économique internatio-nal est un champ professionnel en dévelop-pement important dans les collectivités. Ilnous semble essentiel d’affecter des moyensd’expertises similaires dès qu’un projetlié au commerce équitable apparaît. Lesacteurs pourront s’inspirer de leur démarched’achats publics éthiques ou de développe-ment durable local pour saisir l’intérêt de l’af-fectation de moyens humains et financiers.

METTRE EN AVANT L’INTÉRÊTDU COMMERCE ÉQUITABLEPOUR LE TERRITOIRE

De nombreuses initiatives semblent en diffi-culté aujourd’hui du fait d’un déficit d’ana-lyses initiales. La complexité des démarchesn’est pas connue et certaines coopérationsse sont engagées dans un domaine qu’ellesabandonnent ensuite par un manque demoyens ou de compétences.

Par ailleurs, les enjeux économiques locauxne sont pas cernés précisément. Quand nom-bre d’acteurs du commerce équitable en fontla promotion pour des raisons de principes,

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55

l’obligation de résultats pour les élus néces-site un certain pragmatisme qui ne les incitepas à s’engager fortement dans cette voie.

Il apparaît aujourd’hui important de renfor-cer la capitalisation sur ce champ. Ceci sup-pose :

de spécifier les démarches de coopérationpour assurer leur professionnalisation ;

de décrire les retombées en termes d’em-ploi et de niveau de vie, par la productiond’indicateurs, notamment au Nord pour ren-forcer la communication et l’intérêt.

En effet les collectivités voient actuellementle commerce équitable principalementcomme un « acte de solidarité », mais pas oupeu comme « une coopération au service deleur territoire ». Pour que les actions liant

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Aller au-delà des actionsde visibilité du commerceéquitable.

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coopération décentralisée et commerce équi-table se développent, il est indispensableque les collectivités locales perçoiventégalement ce que le commerce équitablepeut apporter à leur territoire et à leurtissu économique.

CIBLER L’ACTION DE LA COLLECTIVITÉFRANÇAISE SUR LE RENFORCEMENTDES CAPACITÉS DE LA COLLECTIVITÉPARTENAIRE

Pour favoriser le commerce équitable, lescollectivités locales doivent avant tout s’ap-puyer sur leur rôle d’animateur du terri-toire, sur leur action structurante au niveaude l’économie locale.

C’est également en renforçant les capa-cités de maîtrise d’ouvrage en matière de développement économique de leurcollectivité partenaire que les collectivitésfrançaises peuvent favoriser le commerceéquitable.

Elles ne doivent pas chercher à appuyer direc-tement des producteurs au Sud mais ciblerleur action sur l’appui institutionnel à leurcollectivité partenaire, comme elles le font surd’autres secteurs où elles interviennent dansle cadre de la coopération décentralisée.

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Au Maroc, les migrants participentà valoriser les produits du terroircomme le safran.

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Collectivités locales, migrants et commerce équitable, pistes de réflexions pour une meilleure articulation

Etude menée sous la direction de

NADIA BENTALEB,directrice de l’ONG « Migrations & Développement »

avec la collaboration de

YANN POUGET et ELODIE BARITAUX

Migrations & Développement tient à remercier l’ensemble des personnes et desorganisations (en particulier Artisans du Monde, le GISEE et le FORIM) qui ont étéimpliquées dans le cadre de cette étude, ainsi que les nombreuses personnes qui ontrépondu à notre enquête.

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La présente réflexion part du double constatsuivant : 1/ la thématique « migrations etdéveloppement » revêt une importance crois-sante dans la réflexion sur les politiques publi-ques d’aide au développement et 2/ l’im-plication des migrants dans la démarche ducommerce équitable reste encore marginale.

Les politiques de co-développement cher-chent à accompagner les pratiques desmigrants qui agissent, depuis l’Europe, commeagents de développement local de leur sociétéd’origine dans une démarche citoyenne etsolidaire. Au sein de ces pratiques, certainsmigrants pourraient devenir des partenairesprivilégiés du commerce équitable, du fait deleur implication dans leur société d’accueilau Nord et dans leur communauté d’origineau Sud. De même, les collectivités locales,dans le cadre de partenariats de coopérationdécentralisée, pourraient jouer un rôle d’ac-compagnateur-clé dans la mise en place deprojets de commerce équitable.

Peut-on envisager la mise en œuvre de par-tenariats entre organisations de commerceéquitable, migrants et collectivités locales

sur des projets de commerce équitable dansune optique de développement local ? Nouscherchons à répondre en analysant les regardscroisés que portent les différents acteurs surcette question ainsi que les initiatives signi-ficatives déjà existantes dans ce domaine.

L’étude porte donc sur l’implication demigrants dans des initiatives de commerceéquitable pour le développement de leurrégion d’origine. Cependant, nous devonsgarder à l’esprit que les migrants ne sont niplus “entrepreneurs” que la moyenne deshabitants du pays d’accueil, ni plus concer-nés par le commerce équitable. Les prati-ques analysées ici ne sont donc pas généra-lisables à l’ensemble des migrants.

Nous avons souhaité élargir cette étude auxinitiatives existantes dans le domaine du tou-risme solidaire, qui partage les mêmes prin-cipes de base que le commerce équitable :recréer du lien social entre les individus dansles échanges marchands et replacer l’êtrehumain au cœur de l’économie, en mettanten avant les valeurs de solidarité et d’équitédans l’échange. La thématique « commerce

Commerce équitable, migrants et collectivités locales : des clés pour comprendre

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Préparation du fonioau Mali, zone deforte émigration vers la France.

équitable et migrants » pourrait donc s’élar-gir à l’implication des migrants dans des ini-tiatives d’économie solidaire pour le dévelop-pement de leur région d’origine.

Elaborée à partir de quelques études de cas,ce document ne prétend pas être une ana-lyse exhaustive de la question de l’implicationdes migrants dans l’économie solidaire. Il viseà amorcer la réflexion sur le thème de l’ar-ticulation entre les acteurs concernés par lathématique « commerce équitable, migrantset collectivités locales ».

Le document est concentré sur un nombrelimité de pays : ont été choisis des pays endéveloppement qui possèdent à la fois descommunautés de migrants anciennes et bienstructurées en France et qui font partie deszones d’intervention de l’Agence Françaisede Développement. Cela nous a amené àsélectionner cinq ensembles géographiques :l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest,l’Afrique Centrale, l’Afrique Australe et l’Asiedu Sud Est. A l’exception du cas de l’Afriquede l’Ouest, où plusieurs initiatives venant dedivers pays ont été étudiées, nous nous som-

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mes concentrés sur un pays par ensemblegéographique : Maroc pour l’Afrique du Nord,Cameroun pour l’Afrique Centrale, Madagascarpour l’Afrique Australe et Laos pour l’Asie duSud Est.

Le seul pays dans lequel nous nous sommesrendus pour enquêter est le Maroc. L’enquêtea été menée de septembre à novembre 2007,en France et au Maroc. Nous avons égale-ment consulté des chercheurs spécialisésdans le domaine des migrations et du déve-loppement.

Avant de poursuivre, il apparait nécessairede mieux cerner les termes qui seront utili-sés dans le cours du document.

MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENTLOCAL : PARTIR DES PRATIQUESDES MIGRANTS

Le thème « migrations et développementlocal » a fait l’objet depuis quelques annéesd’une forte attention de tous les acteurs dudéveloppement, chercheurs, décideurs poli-tiques et responsables associatifs. Depuistoujours, la plupart des migrants ont donnéau lien qui les relie à leur région d’origine laforme de soutien financier, soutiens indivi-duels à la famille restée au pays, investisse-ment personnel, mais aussi soutien à des pro-jets collectifs dans la localité d’origine. Ce

sont ces pratiques qui ont servi de base àl’étude ici présentée.

Pour autant, tous les migrants ne mènentpas des actions de développement solidaireavec leur région d’origine. Ne sont analyséesici que les initiatives qui répondent explici-tement ou implicitement à des critères desolidarité et d’équité.

MIGRANTS ET CO-DÉVELOPPEMENT

Nous adoptons une définition simple et prag-matique de ces deux termes clés, partant despratiques des migrants et du respect dumigrant en tant qu’individu libre de ses choix.Tout d’abord, nous utilisons le terme demigrant dans une acception positive etcitoyenne, non dans une logique discrimi-natoire et réductrice. Selon la définition del’Unesco, « le migrant peut être compriscomme toute personne qui vit de façon tem-poraire ou permanente dans un pays danslequel il n’est pas né et qui a acquis d’impor-tants liens sociaux avec ce pays ». Nous adop-terons cette définition en mettant l’accent surl’implication citoyenne des migrants dansleurs divers espaces de vie, ici et là-bas.

Dans cet esprit, nous définissons le co-déve-loppement comme l’ensemble des politiquespubliques qui visent à soutenir les pratiquesque les migrants engagent pour le dévelop-

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pement de leur pays ou région d’origine.Nous retiendrons dans cette étude la défini-tion large du co-développement du ComitéEuropéen sur les Migrations au Conseil del’Europe : « Le co-développement est définicomme toute action de développementsocial, économique, culturel et politiqueappuyé sur une collaboration entre lesmigrants, leurs organisations et leurs parte-naires, publics et privés, à la fois dans les paysd’origine et de destination, dans un cadrede référence partagé ».

ECONOMIE SOLIDAIRE ET COMMERCEÉQUITABLE : PRINCIPES DE BASE

Nous retiendrons donc ici deux principes debase de l’économie solidaire : recréer du liensocial dans les échanges marchands en intro-duisant notamment des rapports de récipro-cité entre les individus, et agir pour le déve-loppement local dans une logique deproximité entre les individus, les organisa-tions privés et les organismes publics. Cesdeux principes (création de lien social etproximité) se retrouvent réunis dans ladémarche du commerce équitable autourde la notion d’équité dans l’échange mar-chand. L’économie solidaire comprend aussil’insertion par l’activité économique, qui est,là encore, un des objectifs fondamentaux ducommerce équitable : permettre à des popu-lations de s’insérer dans l’économie de mar-

ché en obtenant une rémunération justepour un travail de qualité.

Les migrants font souvent de l’économiesolidaire ou du commerce équitable « sansle savoir » et il est intéressant de confronterleurs pratiques solidaires aux principes debase du commerce équitable.

POURQUOI POSE-T-ON LA QUESTIONDE L’IMPLICATION DES MIGRANTSDANS LE COMMERCE ÉQUITABLE ?

Les pratiques économiques ou commercia-les solidaires, qu’elles viennent de migrants,d’organisation de commerce équitable ou

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Une association de migrants impliquée dansla sensibilisation au commerce équitable.

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de collectivités locales, permettent deconnecter les petits producteurs à l’écono-mie de marché ou de fournir des biens publics(infrastructures, écoles, centres de santé)dans des territoires souvent délaissés parl’Etat ou en marge des circuits commerciauxet financiers qui permettent la création derichesses. En ce sens, les migrants impliquésdans le développement de leur région d’ori-gine, les organisations de commerce équita-ble et les collectivités locales peuvent par-tager des objectifs communs et collaborerdans leurs stratégies de développement

autour des principes de base de l’économiesolidaire. C’est précisément pour cela qu’ilnous semble pertinent de poser la questionde l’implication des migrants dans le com-merce équitable.

De plus, par leurs parcours de vie et leurvolonté d’agir pour le développement deleur région d’origine, certains migrants pour-raient devenir des partenaires privilégiés ducommerce équitable. Cependant, cette ques-tion n’est pas évidente et demande uneréflexion approfondie.

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Quels rôles les migrants peuvent-ilsjouer pour favoriser le développementd’un commerce plus équitable ?

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On présentera d’abord des expériencesimpliquant les acteurs à partir des collecti-vités locales (2.1.), à partir d’initiatives indi-viduelles de migrants (2.2.) puis d’initiativescollectives (2.3.).

LES EXPÉRIENCES AVANCÉES DECOOPÉRATION ENTRE COLLECTIVITÉSLOCALES ET COLLECTIFS DE MIGRANTSEN SEINE SAINT-DENIS

C’est en Seine Saint-Denis que nous avonstrouvé les expériences les plus avancées decollaboration entre associations de migrantset collectivités locales.

Il y a d’abord la collaboration ancienne dela mairie de Montreuil avec les associationsde Maliens, dans le cadre de sa coopérationdécentralisée avec le cercle de Yélimané auMali. Les Maliens de Montreuil, dont le nom-bre est estimé entre 6 000 et 10 000, sontoriginaires à 80 % de cette région. La muni-cipalité collabore avec la communautémalienne de Montreuil depuis 1985 pourmettre en place des projets de développe-ment local. La mairie de Montreuil travailleen particulier avec les migrants de l’ADCYF :Association pour le Développement du

Cercle de Yélimané en France. Bien qu’ellene porte pas directement sur des questionsde commerce équitable pour le moment,cette coopération implique les migrants dansdes projets de développement durable visantà l’autosuffisance alimentaire de cette région.Les migrants participent notamment au PADDY(Programme d’Appui au DéveloppementDurable de Yélimané), en participant aufinancement des projets et aux processus dedécision. Dans ce cadre, une réflexion estmenée sur les filières agricoles telles que lesproduits maraîchers.

Un autre exemple intéressant est celui dela collaboration entre la Fédération desFiguiguis (du nom des habitants de Figuig,une oasis de l’Est du Maroc) et le ConseilGénéral de Seine Saint-Denis. La Fédérationdes Figuiguis a été créée en 2001, dans le butd’impliquer les migrants originaires de Figuigdans des actions de développement local etde jouer un rôle d’interpellation et de miseen relation du Conseil Général de Seine SaintDenis avec les autorités locales à Figuig. Dansle cadre de cette coopération, la Fédérationdes Figuiguis et le Conseil Général ont notam-ment mis en œuvre un projet d’envoi de busscolaires et de matériel pour les écoles de

Visions d’acteurs, regards croisés2.2

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La Fédération des Figuiguissouhaite créer une boutiqueen Seine Saint-Denis pourcommercialiser les dattes et tapis de Figuig.

Figuig. De plus, par le biais de la structureVia le Monde, le Conseil Général va organi-ser prochainement une formation pour lesmembres de la Fédération des Figuiguis, dansle domaine de la gestion associative et dudéveloppement local.

Surtout, le Conseil Général de Seine Saint-Denis est impliqué dans un projet de miseen place de filières de commerce équitableà Figuig, en partenariat avec l’organisationde commerce équitable Andines et la muni-cipalité de Figuig. Ce projet a vu le jour suiteà un engagement du département de réali-ser des achats éthiques sur son propre ter-ritoire. C’est ainsi que le département a pris

contact avec l’association Andines de la pla-teforme MINGA, et que le projet de com-merce équitable avec Figuig a été pensé etmûri. Ce projet consiste en la création dedeux filières professionnelles de commerceéquitable : une de dattes et l’autre de tis-sage. Le financement des filières est pris encharge en partie par le CG93 et la durée demise en place de ces filières est de trois ans.Pour le moment, le projet est dans sa phasede démarrage. Une étude a été financéeentièrement par le CG93. La Fédération desFiguiguis souhaite créer une boutique decommerce équitable afin de promouvoir etde commercialiser les dattes et tapis de Figuigen Seine Saint-Denis. 2.

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La ville de Stains a développé unaccord de coopération décentraliséeavec la ville de Figuig, dans le cadreduquel s’inscrit également la promo-tion du commerce équitable. Danscette coopération entre Stains etFiguig, les Figuiguis de Stains ontjoué un rôle essentiel d’interpellationet de mise en relation des acteurslocaux.

Dans le cadre de son partenariat decoopération décentralisée avec laprovince de Haï Duong au Vietnam,le CG93 collabore étroitement avecles migrants de l’Union Générale desVietnamiens de France : les migrantsont été sollicités sur un projet d’as-sainissement pour jouer un rôle depasserelle avec les populations loca-les. Ils réalisent un travail de commu-nication, d’information et de sensibi-lisation que le CG93 ne parvient pasà faire seul car les codes de penséesdes populations locales sont très dif-férents. Les migrants donnent alorsles clés d’entrée dans un univers trèséloigné de celui qui prévaut enEurope. Ils permettent à des person-nes de deux univers différents de secomprendre pour réaliser un projetensemble.

ENCADRÉ N°7 2 EXEMPLES D’EXPÉRIENCE DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

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Les migrants vietnamiensvivant en Seine Saint-Denisjouent un rôle de passerelleavec les populations locales.

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L’implication des migrants dans le cadre de projets de tourisme solidaireIl existe plusieurs exemples d’implication demigrants dans des projets de tourisme soli-daire en partenariat avec des collectivitéslocales dans le cadre d’accords de coopéra-tion décentralisée.

L’exemple le plus abouti est le projetd’échanges solidaires que l’association franco-berbère Asays organise chaque année dansla région de Tiznit dans le Sud Marocain,avec l’aide de la ville de Saint-Denis dans lecadre de la coopération décentralisée entreces deux villes. Ces voyages solidaires se fontégalement en partenariat avec l’associationMigrations & Développement, elle-mêmeimpliquée dans un projet de tourisme ruralsolidaire dans les provinces du Sud Marocain.L’association Asays33 est une association dejeunes franco-berbères qui œuvre pour lapromotion de la culture berbère en France,dans une démarche citoyenne et solidaire.Dans ce cadre, elle a monté l’opération« Partir utile, revenir solidaire», qui permetchaque année à des groupes de touristesfrançais et marocains issus de la migrationde partir dans une démarche de tourismesolidaire dans la région de Tiznit, dont sontoriginaires la plupart des membres de l’asso-ciation. La ville de Saint-Denis a choisi de

soutenir cette opération d’Asays à traversune subvention et le recrutement d’une sta-giaire pour aider à la mise en place du pro-jet. En effet, l’axe de travail de la coopéra-tion entre les villes de Tiznit et Saint-Denisest « la valorisation du patrimoine ». Cetteinitiative favorise le dialogue culturel et lapromotion de la diversité à Saint Denis. C’estpour cette raison que la ville de Saint Denisa décidé d’appuyer l’association Asays dansl’organisation de ces voyages solidaires dansla région de Tiznit.

On peut aussi citer la ville de Lille qui sou-haite mettre en place un projet de tourismesolidaire dans le cadre de son accord de coo-pération décentralisée avec la ville d’Oujda.La ville de Lille souhaite impliquer les migrantsdans ce projet de tourisme solidaire, en lesfaisant participer à la sensibilisation des tou-ristes avant le départ, à l’organisation de voya-ges pilotes et au repérage des destinationset partenaires locaux. Une mission d’identi-fication des potentialités touristiques a déjàété envoyée à Oujda avec la participation decertains migrants originaires de la région. Ilest également important de relever que dansle comité de pilotage qui a participé au lan-cement de la coopération décentralisée avecOujda, des migrants oujdis étaient présentset ont joué un rôle important dans la miseen relation des acteurs locaux.

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Il y a aussi l’exemple du projet de tourismeurbain solidaire à Marrakech, conçu par lajeune juriste franco-marocaine Alima ElBajnouni, dans le cadre de la coopérationdécentralisée entre les villes de Marseille etMarrakech. Dans le cadre de ce travail d’ac-compagnement et de structuration des initia-tives de la société civile, Alima El Bajnouni a éla-boré ce projet de tourisme urbain solidaire,afin de permettre aux jeunes de quartiers mar-ginalisés de la ville de participer à la dynami-que économique générée par le tourisme.Alima El Bajnouni est assistante technique auProgramme d’Appui à la Décentralisation auMaroc (PAD)34 et directrice de l’associationB.A. Balex35, qui travaille au renforcement descapacités des associations en matière juridi-que en France. Son projet a pour ambitiond’articuler l’activité de Tourisme Solidaire chezl’habitant à des microentreprises dans ledomaine de l’artisanat, qui permettraient àdes jeunes de profiter de l’activité touristiquede manière durable. La coopération décen-tralisée joue ici un rôle fondamental puisqu’ellepermet de mettre en contact les associationslocales avec les partenaires institutionnels etd’apporter des financements pour accompa-gner les futurs projets des jeunes de ces quar-tiers. Ce projet, qui entre dans le cadre duProgramme Concerté Maroc36, devrait s’arti-culer aux activités de tourisme rural solidairede Migrations &Développement, dont nousparlerons plus tard.

Enfin, nous avons relevé l’exemple de laville de Romans, qui a associé la commu-nauté arménienne à un projet de tourismesolidaire avec l’Arménie.

Nous verrons plus loin les leçons que nouspouvons tirer de ces exemples pour l’impli-cation des migrants dans des projets d’éco-nomie solidaire en partenariat avec les col-lectivités locales.

L’appui des collectivités locales aux jeunes experts formés en Francedans le domaine du développementlocalNous avons relevé deux exemples intéres-sants de collectivités locales ayant appuyé laformation d’un jeune expert impliqué dansune initiative de tourisme rural solidaire pourle développement de sa région d’origine.

Il y a tout d’abord l’exemple de LhouMarghine, directeur de l’association SENS(Solidarité Echange Nord Sud), qui a béné-ficié du soutien de la Région Aquitaine pourréaliser une licence professionnelle d’accom-pagnement et coordination de projets desolidarité internationale et développementdurable à Bordeaux. Dans le cadre de cettelicence, il a réalisé un stage avec l’associationMigrations & Développement, avec qui ils’est engagé dans la construction d’uneauberge de Tourisme Rural Solidaire dans sa

34 Programme d'appui à ladécentralisation au Maroc :www.padmaroc.org/

35 www.babalex.org/

36 Programme departenariat entre acteurs des sociétés civiles françaiseet marocaine. www.pcm.ma/

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région d’origine, la vallée d’Imilchil dans leHaut Atlas. Il a par ailleurs monté son asso-ciation d’échanges solidaires et de commerceéquitable, avec l’appui du Conseil Régionald’Aquitaine et de la Chambre Régionaled’Economie Sociale et Solidaire. L’action deLhou Marghine pour le développement desa région d’origine, à travers le tourisme ruralsolidaire et le commerce équitable, rejointle partenariat de coopération décentraliséeentre la région Aquitaine et la région SoussMassa Drâa au Maroc. En effet, ce partena-riat porte précisément sur le développementrural et le tourisme équitable.

De la même manière, le Conseil Générald’Auvergne soutient un étudiant Malien quitravaille sur un projet de tourisme rural soli-daire dans sa région d’origine, dans le cadrede son master en Développement Territorialà l’université d’Auvergne. Là encore, cetteinitiative rejoint le projet de coopérationdécentralisée entre la région Auvergne et larégion de Tombouctou au Mali, dans ledomaine du tourisme équitable.

Dans les deux cas, une région appuie un jeuneexpert qui travaille dans le domaine du tou-risme rural solidaire, en parallèle à un parte-nariat de coopération décentralisée dans cemême domaine, avec la région d’origine dece jeune.

DE NOMBREUSES INITIATIVESINDIVIDUELLES DE COMMERCEÉQUITABLE ICI EN SOUTIEN AUXPRODUCTEURS LÀ-BAS PRINCIPALE-MENT EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

Il existe de nombreuses initiatives individuel-les de commerce équitable, qui soutiennentdes producteurs dans des pays du Sud. Nousne proposons ici qu’un bref aperçu de cetype d’initiatives, à travers trois profils d’en-trepreneurs sociaux qui œuvrent au déve-loppement de leur région d’origine par lebiais du commerce équitable. Ces initiativesont en commun la création d’une boutiquede commerce équitable pour aider à la valo-risation du travail de petits producteurs deleurs régions d’origine. Il serait intéressantde poursuivre des recherches pour identifierl’ensemble des migrants africains porteursde projets similaires.

Une insuffisante structuration des actions portées par les migrantsDenise Nogara, migrante d’origine camerou-naise, a créé l’association FDRC : Femmespour le Développement Rural au Cameroun(FDRC) dans le but de lutter contre l’encla-vement des zones rurales au Cameroun parla création d’activités génératrices de reve-nus pour les femmes et leurs familles. MmeNogara cherche à impliquer d’autres migrantscamerounais en les sensibilisant à la question 2.

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Hadiza Mahamane (Association ARAHpour le Niger, Toulouse), migrante originairede la région de Maradi au Niger et résidant àToulouse, est la fondatrice de l’associationARAH qui agit sur deux espaces à fois : untravail socio-culturel et éducatif dans lesquartiers sensibles de Toulouse et un travaild’aide au développement au Niger.

Dans son travail d’aide au développement auNiger, l’association ARAH pour le Niger aouvert en mars 2007 une boutique de com-merce équitable à Toulouse qui commercialiseles produits artisanaux de la coopérative deMaradi et de sept groupements familiaux de la région de Maradi au Niger. L’associationARAH a signé un contrat d’exclusivité de cinq

ENCADRÉ N°83 EXEMPLES D’EXPÉRIENCE INDIVIDUELLE

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ans avec la coopérative de Maradi dans le cadred’un projet financé par le Luxembourg pourvaloriser l’artisanat du Niger et organiser lesartisans en coopératives tout en les aidant àmieux commercialiser leurs produits.L’association ARAH a également élaboré unprojet de tourisme solidaire avec hébergementchez l’habitant dans la région de Maradi. Le projet est en phase de démarrage.

Oumie Yanssané (Guinée – Bébés enVadrouille, Paris), d’origine Guinéenne, estla fondatrice de l’association Bébés enVadrouille, membre de la plateforme MINGA.

Dans les années 80, elle s’est formée aux tech-niques du commerce international entre lescôtes d'Afrique de l'Ouest et la France. En 1994,elle part au Rwanda, où elle est la plus jeunelogisticienne de Médecins Sans Frontières. Deretour en France elle travaille pour l'associa-tion « Les amis des enfants du monde » où elleassiste des familles françaises dans leur procé-dure d'adoption. Mme Yanssané possèdeaujourd’hui une boutique de commerce équi-table dans le 4ème arrondissement de Paris.Bébés en vadrouille est une SARL qui vend audétail depuis 2001 des articles pour bébésissus du commerce équitable et écologique.Elle a reçu un accompagnement de l’IRFEDEurope pour monter ce projet. Depuis six ansMme Yanssané fait face à une forte demandede produits à caractère écologique comme lescouches lavables pour bébé. Elle travaille aussià l’international sur le textile avec des collec-tions conçues à la main importées du Pérou,

du Guatemala et du Togo et parfois revenduesdans d’autres boutiques. Oumie Yanssané nefait partie d’aucune association de migrants.

Marie Odile Boua (Côte d’Ivoire – KaribouAfrica, Lille), originaire de Côte d’Ivoire, aouvert un magasin d’artisanat africain en1990, avant de créer l’association KaribouAfrica en 1995 avec d’autres femmes origi-naires d’Afrique de l’Ouest.

Dès le départ, l’idée de Karibou Africa étaitd’encourager des petits artisans d’Afrique del’Ouest à faire un travail de qualité et à valori-ser ainsi leurs savoirs faire à travers une rému-nération qui leur permette de vivre digne-ment. Mme Boua gère aujourd’hui une bouti-que de commerce équitable à Lille, et organisedes expositions trimestrielles de produits del’artisanat ouest africain depuis 1995. Elle tra-vaille avec des petites coopératives en Côted’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali, qui pro-duisent des bijoux, des tissus, des objets enbois et de décoration, dans une démarche dequalité. Toute la transformation des produitsse fait sur place. Quinze bénévoles, en majo-rité originaires d’Afrique de l’Ouest, travaillentpour Karibou Africa. Marie Odile Boua par-vient aujourd’hui à se rémunérer pour vivre decette activité. Elle organise également depuis2004, le Festival « Senteurs, saveurs d’ici etd’ailleurs » à Lille, dans le cadre duquel elle faitvenir des coopératives agricoles d’Afrique del’Ouest. A présent, Mme Boua cherche à diffu-ser son expérience auprès d’autres migrantsd’Afrique de l’Ouest.

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du commerce équitable mais finalement, elleremarque que peu de camerounais s’y inté-ressent. Selon Mme Nogara, les migrantscamerounais sont difficiles à mobiliser car ilssont trop préoccupés par leur propre surviepour s’impliquer dans des activités associa-tives. Les travailleurs de l’ancienne généra-tion, qui arrivent maintenant à la retraite,étaient plus mobilisés pour leurs villages d’ori-gine. Mais à présent, il y a une majorité dejeunes qui ont une mentalité plus individua-liste. De plus, selon Mme Nogara, il n’existepas de réseau d’associations camerounaisesbien structuré en France, ce qui rend difficileles rencontres entre les porteurs de projets.Les associations camerounaises travaillentsurtout dans le domaine de l’eau et des infra-structures. FDRC est la seule association came-rounaise en France qui fait du commerce équi-table et du tourisme rural solidaire.

Ces observations de Mme Nogara sontconfirmées par Alain Kenfack, du Conseil desCamerounais d’Europe. De plus, le conceptde commerce équitable lui semble loin despréoccupations quotidiennes des migrantscamerounais.

Il semble donc que le réseau des migrantscamerounais en France ne soit pas suffisam-ment structuré pour prétendre à une impli-cation collective dans le domaine du com-merce équitable.

Dans le pays d’origine, un tissu associatif local dense mais peuconnecté aux communautés demigrants camerounais en Europe.Au Cameroun, selon Mme Nogara, il existeun vaste réseau d’associations villageoises :elle a déjà contacté plus de 400 associationslocales. Il y a donc un tissu associatif localdense, surtout les associations de femmes.Mais la limite des voyages empêche FDRCde répondre à toutes leurs attentes.

Ainsi, selon Mme Nogara, le Cameroun estprêt à développer le commerce équitablemais il faudrait mieux structurer les liens entrela communauté camerounaise en Europe etla société civile locale. M. Kenfack expliqueque jusqu’ici, la culture étatique camerou-naise a empêché la création de réseaux entreles migrants et la société civile locale. C’estpour cela selon lui, que les expériences decommerce équitable menées par desCamerounais en Europe ou au Camerounsont toujours des phénomènes isolés et lefait d’individus.

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LES MIGRANTS ACTEURS CLÉSDE L’ÉMERGENCE DU COMMERCEÉQUITABLE, AU NIVEAUDES INITIATIVES INDIVIDUELLESOU DES PROJETS COLLECTIFS.

Le cas du MarocNous détaillons au Maroc des initiatives d’in-vestissements communautaires collectifs por-tés par l’ONG Migrations &Développement(M&D) dans les provinces du Sud Marocain.M&D a inclus l’activité de Tourisme RuralSolidaire comme activité génératrice de reve-nus dans sa vision de développement localintégré, aux cotés du soutien aux coopéra-tives de safran et huiles d’argan, de vente detapis, etc. M&D s’est lancé dans le TourismeRural Solidaire avec un projet pilote de co-développement, où vingt migrants ont investidans des auberges situées dans leurs villagesd’origine, soutenus par une subvention dela Commission Européenne et de l’AFD etl’accompagnement de M&D et de l’Agencede Développement Social marocaine. Pources migrants, la volonté de participer à unedynamique de développement local et derevalorisation des ressources locales dansleur région d’origine est souvent la motiva-tion première. Ce type d’investissementscommunautaires s’appuie sur un tissu asso-ciatif local dynamique dans les régions d’ori-gine des migrants et sur un réseau capablede les rassembler en France ou en Europe.

Les initiatives collectives plus systématiques et structuréescomme celles de Migrations &Développement et de la Fédérationdes Figuiguis, s’appuient sur un tissuassociatif local dynamique au Marocet un réseau de migrants bien structuré en FranceComme nous l’avons mentionné plus haut,les initiatives des migrants pour le dévelop-pement de leur région d’origine, que ce soitavec M&D ou la Fédération des Figuiguis,s’appuient sur une dynamique associativelocale au Maroc et un réseau bien structuré 2.

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en France. En effet, les migrants qui investis-sent dans des projets communautaires s’ap-puient souvent au Sud sur une associationlocale dynamique capable de mettre en placedes projets pour le développement du vil-lage. Au Nord, la mise en réseaux de cesmigrants permet la réalisation de projets quidépassent le cadre villageois, comme le pro-jet de Tourisme Rural Solidaire de M&D quise déploie dans plusieurs Provinces du Sudmarocain. Par exemple, l’association Azizalregroupe des migrants de la zone d’AgadirMeloul dans la région de Taliouine au Marocet possède une antenne en France àPerpignan, qui permet à ces migrants de seréunir régulièrement pour discuter de pro-jets communs. Parmi eux, trois migrants ontinvesti dans une auberge dans le cadre duprojet de Tourisme Rural Solidaire de M&D. Ces conditions ne sont présentes que danscertaines régions au Maroc, souvent desrégions de forte émigration délaissées parl’Etat, ce qui est le cas des zones berbèresdu Sud où travaille M&D. En comparaison,dans le Rif, des associations d’EconomieSociale et Solidaire comme CECODEL :Centre d’Etudes Coopératives pour leDéveloppement Local, qui soutiennent aussides petites coopératives agricoles, ne par-viennent pas à travailler avec les migrants carles structures traditionnelles d’entraide com-munautaire n’existent plus depuis longtempsdans cette région. Sans ce terreau d’associa-

tions locales dynamiques et cette logiqued’entraide communautaire au sein des asso-ciations de migrants il ne peut y avoir d’ac-tions collectives structurées de la part descommunautés de migrants. A ce jour, la seuleaction d’envergure dans le domaine des inves-tissements communautaires de migrants pourle développement local est celle de M&D.

En l’absence de réseau en Europe et de dyna-mique associative locale au niveau régionalau Maroc, les migrants développent des ini-tiatives isolées, pour venir en aide matériel-lement à leurs villages, dans les régions lesplus pauvres. Selon la Fondation Hassan IIpour les Marocains résidant à l’étranger, cesinitiatives sont nombreuses mais elles ne sontpas structurées comme celles de Migrations& Développement qui s’inscrivent dans lecadre d’une stratégie de développementrural intégré, au niveau régional.

Depuis longtemps, les migrants en milieu rural font de l’EconomieSociale et Solidaire sans le savoir…La plupart des migrants issus du milieu ruralau Maroc ont un niveau d’instruction limitéet ne maîtrisent pas le concept de commerceéquitable, qui est un concept pensé et conçuau Nord et qui ne correspond pas forcémentà la réalité quotidienne des villageois au Maroc.Cependant, sans connaître les principes debase de l’économie solidaire, ces migrants

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aident souvent leurs villages de manière spon-tanée, dans une logique d’entraide commu-nautaire, en apportant un soutien matérielaux communautés dont ils sont originaires.Ainsi, les pratiques économiques des migrantsdans leurs villages d’origine correspondentsouvent aux critères de l’économie solidaireet sont fondées sur le maintien d’un lien socialfort. C’est à partir de ces pratiques solidairesque Migrations & Développement a mis enplace sa stratégie de développement ruralintégré dans le Sud marocain.

Les pratiques économiques solidairesdes migrants se font au niveau villageois mais le cadre d’action pertinent pour les impliquer dansle développement local est le cadrerégionalNous avons pu observer qu’au Maroc, lesinvestissements des migrants se font la plu-part du temps au niveau du village : la soli-darité des migrants s’arrête bien souvent aucadre villageois voire même familial. Le pointfort de Migrations &Développement est des’être basé sur ces solidarités familiales etvillageoises pour réaliser des projets plus lar-ges, au niveau inter-villageois voire régional,comme le projet de Tourisme Rural Solidaire.A ce propos, M. Ftouh, directeur du pôle dePromotion Economique de la FondationHassan II pour les Marocains Résidents àl’Etranger (MRE), affirme que le niveau d’in-

tervention pertinent pour permettre auxmigrants de participer au développementlocal est le niveau régional. Le projet deTourisme Rural Solidaire de M&D est un despremiers projets faisant intervenir les migrantsdans une action de développement quidépasse le cadre villageois, et qui est en mêmetemps articulé avec les différentes activitésgénératrices de revenus dans les différents vil-lages concernés par son action.

De manière similaire, la ville de Figuig estdivisée en sept ksars (village fortifié), aux-quels les migrants restent très attachés : lasolidarité des migrants va avant tout à leurksar d’origine. Ainsi, la Fédération desFiguiguis en France a pour objectif de cana-liser cette solidarité communautaire desmigrants des différents ksars, pour réaliserdes projets qui bénéficieront à l’ensembledes habitants de Figuig. Cela implique,comme dans le cas de M&D, de dépasser lalogique communautaire villageoise pour pas-ser à une coopération inter-villageoise.

Les populations bénéficiaires attendent des exemples réussis de commercialisationPour réellement se lancer dans le commerceéquitable, les producteurs locaux ont besoind’exemples réussis de commercialisation carau départ, ils ne croient pas à la possibilité decommercialiser leurs produits locaux tradi- 2.

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tionnels. D’où l’importance des projets pilo-tes, comme le projet de Tourisme RuralSolidaire mis en œuvre par Migrations &Développement dans le Sud Marocain. A cepropos, on peut relever l’exemple très révé-lateur de l’auberge de Tagmoute, dans lazone d’Assays près du mont Siroua. Cetteauberge fait partie du projet de tourismerural solidaire de Migrations & Dévelop-pement et a été financée par un migrant ori-ginaire du village, résidant à Paris. Au départ,les villageois ne croyaient pas que cette zonemontagneuse pauvre pourrait attirer des tou-ristes et que cela permettrait de commer-cialiser des produits locaux. Puis l’aubergede Tagmoute a commencé à recevoir desgroupes de touristes qui ont acheté des pro-duits et ont permis de générer des revenuspour l’ensemble des villageois. Depuis, legérant de l’auberge reçoit régulièrement deshabitants des villages voisins, qui viennent serenseigner pour savoir comment à leur tourcréer une auberge, faire venir des touristeset leur vendre des produits locaux. Le gérantde l’auberge de Tagmoute a alors organisé desformations pour les autres villages, dans ledomaine du développement local et du tou-risme solidaire. La demande de formationest venue spontanément, suite à un exempleréussi de commercialisation, qui a joué unrôle d’incitation pour les autres villages.

Les migrants et la consommation de produits issus du commerce équitable avec leur région d’origineLe président de l’AMAPPE, M. Ait Haddout,a relevé que les migrants représentent unepart importante des ventes de la boutique de commerce équitable de l’AMAPPE àChefchaouen (Nord du Maroc). En effet,beaucoup de migrants achètent des produitsalimentaires et cosmétiques pour leur retouren France après les vacances d’été. Cela peutreprésenter un créneau intéressant pour lacommercialisation des produits commerceéquitable du Maroc. De même, AbderrahmaneBen Keroum, secrétaire général de laFédération des Figuiguis, affirme que lesmigrants de Figuig sont fortement intéresséspar la consommation de produits commerceéquitable provenant de leur région d’origine.L’idée de la Fédération des Figuiguis de créerune boutique commerce équitable en Franceest d’amener les migrants à consommer desproduits issus du commerce équitable avecleur région d’origine. Elle permettrait éga-lement la sensibilisation des migrants à lathématique du commerce équitable pour ledéveloppement de leur région d’origine.

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Le Tourisme Rural est un créneaunovateur auquel de nombreuxmigrants s’intéressent, alors que lescoopératives de production restentun phénomène marginal pour lesinvestissements des migrantsSelon M. Ftouh de la Fondation Hassan II, trèspeu de migrants marocains investissent dansdes coopératives en milieu rural, car c’est uninvestissement très risqué et complexe à causede sa dimension collective. En revanche, deplus en plus de migrants investissent dans letourisme rural, notamment par la restaura-tion d’édifices anciens, dans un souci de valori-sation du patrimoine architectural et culturellocal. Cette volonté de revaloriser le patrimoineest présente chez de nombreux investisseursdu projet de Tourisme Rural Solidaire deMigrations &Développement, surtout dansla région de Ouarzazate, où ont été restau-rées des maisons anciennes (ksar, zaouia),pour en faire des auberges. De même pourdes migrants de Figuig.

Ainsi, le Tourisme Rural est un créneau inté-ressant pour les investissements des migrantsen milieu rural. En effet, les migrants y voientsouvent un investissement rentable dans lecourt terme. De plus, ils possèdent souventles savoirs faire pour réaliser la constructiond’auberges ou la rénovation d’édifices anciensdans la tradition locale du pisé. Ils jouent égale-ment le rôle de passerelle entre les villageois

et les touristes, du fait de leur expériencedans les deux pays. Dans le projet de TourismeRural Solidaire de Migrations & Dévelop-pement, on remarque que dans les villagesoù l’on trouve de nombreux migrants, lesvillageois connaissent bien les codes deconduite des Européens et appréhendentavec confiance la venue des touristes. Le rôlede sensibilisation des migrants est ici trèsimportant. 2.

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Le tourisme permet aux migrants de réaliserdes investissements rentables à court terme.

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Un exemple d’initiative collective dansle domaine du commerce équitable enAfrique de l’Ouest : le Conseil Supé-rieur des Guinéens de France (CSGF)Les associations guinéennes en Francemènent beaucoup d’actions de solidaritéenvers la Guinée mais seul le CSGF s’impli-que dans le commerce équitable depuis qua-tre ans, et commercialise savons, huile depalme, beurre de karité, mangue séchée…

Au cours de visites sur le terrain, les mem-bres du CSGF ont évalué les besoins essen-tiels des petits producteurs : amélioration desinfrastructures, formation et professionnali-sation des coopératives locales, et globale-ment, le besoin d’un travail de fond pourstructurer l’offre des petits producteurs pourpouvoir faire face à la demande sur le mar-ché européen. Ils réalisent aussi une sensibi-lisation au commerce équitable en Guinéelors de leurs voyages. Le CGSF a égalementéchangé des informations avec des partenai-res Maliens et Burkinabés sur la question ducommerce équitable en Afrique de l’Ouest.

De plus, le CSGF a eu l’initiative de chercherdes partenariats avec les collectivités localesen Guinée pour identifier les produits pharesdans chaque région. En effet, les membresdu CSGF sont originaires des différentesrégions de Guinée donc chacun cherche àcontacter le maire de sa localité pour créer

des partenariats et impliquer les collectivi-tés locales dans une stratégie de valorisationdes produits locaux des différentes régions,en vue de bâtir une stratégie nationale decommerce équitable.

Le CSGF souhaite également articuler ce pro-jet de commerce équitable avec le tourismesolidaire, toujours dans cette optique de valo-risation des différents produits des terroirssur l’ensemble du territoire national.

Actuellement, le CSGF en est à la phase deréflexion et de positionnement pour le lance-ment des premiers projets pilotes dans le do-maine du commerce équitable. La difficultéprincipale rencontrée par le CSGF est d’appren-dre à mettre en place des filières de commerceéquitable professionnelles : financement, respect des normes, emballage et condition-nement, acheminement, commercialisation,trouver les débouchés, etc. Ainsi, le CSGFdemande explicitement une formation com-plète pour devenir une organisation compé-tente dans la mise en place de telles filières.

L’exemple d’un organisme d’appui auxmigrants spécialisé dans le montagede projets de commerce équitable :l’association Espace AfriqueEspace Afrique est une association spéciali-sée dans l’appui aux migrants africains por-teurs de projets dans le domaine du com-

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merce équitable. Elle a été créée le 18 Juin2005 par Kalil Kouyate, qui a travaillé commeconsultant sur des projets de développementen Afrique de l’Ouest pendant dix ans, ense spécialisant sur l’aide aux producteurs enmatière de commercialisation. Espace Afriqueest pour M. Kouyate la suite logique à cetteactivité professionnelle. Originaire de GuinéeConakry, il a vécu dix ans au Burkina Fasodans le cadre de ses expériences profession-nelles. C’est un homme de terrain, qui sou-haite appliquer son expérience profession-nelle pour servir les petits producteursafricains dans une démarche équitable.

Selon M. Kouyaté, beaucoup de « petits »produits alimentaires peu connus en Europepeuvent faire vivre de nombreuses famillesen Afrique. Le but d’Espace Afrique est depromouvoir ces produits dans une démar-che équitable, en se différenciant des pro-duits classiques du commerce équitable,comme le riz et le café. Ainsi, Espace Afriquetente de promouvoir des produits innovantscomme les confitures de mangue ou d’ana-nas, le sirop de mangue ou de gingembre, lamangue séchée, les spaghettis de fonio ou demaïs, etc. Ainsi, Kalil Kouyate a ouvert uneboutique de commerce équitable à Lyonentre 2005 et 2006 pour tester la réactiondes consommateurs français aux produits ducommerce équitable provenant du BurkinaFaso, du Mali, de la Guinée et du Niger.

Espace Afrique travaille exclusivement avec desgroupements ou des associations de femmesqui réalisent sur la place la transformationde ces produits agroalimentaires. Pour menerà bien ces activités de transformation, il estnécessaire de réaliser des transferts de tech-nologie : c’est un des axes d’interventionessentiels d’Espace Afrique. Pour cela, EspaceAfrique est en relation avec des lycées tech-niques en France pour obtenir de la docu-mentation et diffuser les normes pour lacommercialisation des produits issus du com-merce équitable en Afrique. Concrètement,Espace Afrique a pour objectifs d’identifierles produits porteurs, de trouver des groupe-ments de femmes ou des partenaires locauxcapables de réaliser ces produits, de réaliserdes transferts de technologie et de matièrepremière pour permettre les transformationsdes produits agricoles locaux, de rechercherdes partenaires pour la commercialisationde ces produits CE sur le marché européenet d’identifier les besoins en matériel de cesassociations de femmes ou de petits produc-teurs locaux.

En 2008, la région Rhônes Alpes va réaliserun projet d’appui à des groupements de fem-mes au Burkina Faso dans le domaine de latransformation de céréales et Espace Afriqueapportera son aide en matière de formation,d’accompagnement et d’expertise pour lacréation de filières de commerce équitable. 2.

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ENCADRÉ N°9ESPACE AFRIQUE : PROMOTION DU COMMERCE ÉQUITABLE

Par Kalil Kouyaté, fondateur d’Espace Afrique

Une vision du commerce équitable quicible les producteurs les plus vulnérablesDes produits moins connus que le café, lecacao ou le coton permettent à des dizainesde millions de petits producteurs africainsde survivre. Identifier ces produits et lesinsérer dans les circuits du commerce équita-ble est un moyen d’affranchir de la pauvretéles petits producteurs des zones rurales eturbaines.

La démarche méthodologique- Identification de partenaires africains(petits producteurs agricoles, associations,petites unités artisanales) et mise en placede contrats basés sur le respect des princi-pes du commerce équitable.- Appui diversifié aux producteurs africainsà travers des structures locales partenaires(formation aux techniques de commerciali-sation, recherche des crédits, formation auxtechnologies de transformation…)

M. Kouyate reste ouvert à toutes les propo-sitions de migrants qui souhaitent monterdes projets de commerce équitable avec leurrégion d’origine. Il reçoit d’ailleurs de nom-

breuses demandes de la part de migrants ou d’associations de migrants en régionRhône-Alpes.

Aider à la commercia-lisation des produits.

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- Promotion commerciale des produits enFrance à travers des actions de sensibilisation(animations à thème, contes et autres specta-cles, diffusion d’outils pédagogiques, exposi-tions, dégustation de produits etc..)- Recherche en France et en Europe de clientspour les produits africains et leur mise encontact direct avec les producteurs africains.- Recherche de partenaires techniques pour lesproducteurs africains (transfert de technologies,mise de produits aux normes européennes etc.)

Les produits suivis par Espace Afrique Sirops (gingembre, tamarin, ananas, mangueetc..), Confitures (mangue, ananas, papaye,goyave, orange, banane etc..), Boissons (bissap,kinkéliba, citronnelle, acacia, tamarin, gingem-bre etc..), Céréales (fonio précuit, spaghetti de fonio, spaghetti de maïs, spaghetti de mil,pop sorgho, vermicelles de riz etc..), Manguesséchées, Vinaigre (mangue, ananas, litchi,banane), Savons à base de karité, Crèmesdiverses à base de karité.Ces produits, en général, sont naturels (sansadditifs chimiques), ils sont sains (contrôled’hygiène et de qualité assuré au niveau de laproduction) et solidaires et équitables (résul-tat du travail de petits producteurs qui respec-tent l’environnement et les droits sociaux destravailleurs)Dans ses actions de promotion de commerceéquitable, le principal partenaire de EspaceAfrique est Afrique Verte, une ONG françaisede solidarité internationale qui intervientdepuis 1990 auprès des producteurs africainsdans le but d’assurer leur sécurité alimentaire.

Le comité local Rhône-Alpes de Afrique Vertetravaille étroitement avec Espace Afrique.(www.afriqueverte.org)

ESPACE AFRIQUE, c’est aussi une structured’appui-conseil pour le développement ducommerce avec l’AfriqueEn se basant sur une équipe composéed’Européens possédant une solide expérience deterrain en Afrique et des ressources humaineslocales compétentes, « Espace Afrique » offreses services aux associations ou entreprisesdésireuses de tenter l’expérience africaine.- Prospection de marchés pour la vente desproduits en Afrique- Prospection de marchés pour l’achat de pro-duits tropicaux- Recherche de partenaires en Afrique - Mise en relation avec les institutions localesd’appui au commerce (Chambre de commerce,Ministère du Commerce etc..)- Aide à l’obtention des agréments administratifs

Les pays où intervient « Espace Afrique » : Lazone d’intervention actuelle couvre le BurkinaFaso, la Guinée-Conakry, le Mali et le Niger.D’autre part « Espace Afrique » est membre duConseil d’Administration du Cosim-Rhone-Alpes et du CADR (Collectif des Association deDéveloppement du Rhône-Alpes). De nom-breuses associations appartenant à ces deuxcollectifs réalisent en Afrique ou ailleurs (Haitipar exemple) des activités d’appui à la produc-tion et à la commercialisation qui pourraientêtre valorisées dans les circuits du commerceéquitable.

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Dans cette dernière partie, sont tirés quelquesenseignements des expériences présentées.

TISSER DES LIENS ENTRE LES PRATIQUESSOLIDAIRES DES MIGRANTS ET LES PRINCIPESD’ACTION DU COMMERCE ÉQUITABLE

Nous avons vu que les logiques de créationde lien et de solidarité que l’on trouve dansle commerce équitable peuvent rejoindre leslogiques de solidarité qui existent dans denombreuses communautés dont sont issuesles migrants. De plus, certaines pratiquescommerciales de migrants répondent expli-citement à un souci d’équité mais se font demanière informelle. En ce sens, ces pratiquespeuvent trouver un écho dans les principes debase de l’économie solidaire et du commerceéquitable. Concrètement, le rapprochemententre migrants et organisations de commerceéquitable peut permettre une plus grandeformalisation de ces pratiques, dans un soucide transparence et d’une meilleure visibilitéauprès des consommateurs européens. Celapermettrait d’amplifier l’impact des actionsde solidarité des migrants envers leurs régionsd’origine.

Comme pour toute population, la solidaritén’est pas une valeur systématique chez lesmigrants. Il convient de souligner que le soucide rentabilité peut être une motivation essen-tielle à prendre en compte dans la mise enplace de projets de commerce équitable avecdes investisseurs migrants.

Cependant, les migrants restent éloignés duconcept de commerce équitable tel queconçu par les organisations du Nord, car sou-vent perçu comme un concept de pays richeen décalage avec les difficultés et les besoinsquotidiens des populations locales et desmigrants eux-mêmes. Cependant, un effortde sensibilisation pourrait permettre auxmigrants de se réapproprier ce concept entant que mode d’action pertinent pour ledéveloppement de leur région d’origine. Unetelle réappropriation du commerce équita-ble par les migrants permettrait de varier lespoints de vue et les pratiques dans cedomaine, aussi bien au Nord qu’au Sud.

Pistes de réflexion2.3

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Favoriser la transformationdes produits au Sud.

RECONNAÎTRE LA PERTINENCEDU COMMERCE ÉQUITABLE COMMEMOYEN D’ACTION POUR LES MIGRANTSSOUHAITANT PARTICIPER AU DÉVELOP-PEMENT DE LEUR RÉGION D’ORIGINE

Les communautés dont sont originaires laplupart des migrants sont prises souvent dansdes logiques de survie au quotidien, ce quiamène les migrants à leur fournir une assis-tance matérielle destinée à satisfaire leursbesoins les plus urgents. Le commerce équi-table, en fournissant des débouchés régu-liers et une rémunération juste aux petitsproducteurs, est une solution intéressantepour sortir de cette logique et peut permet-tre aux migrants d’investir dans des activitésgénératrices de revenus dans leurs commu-nautés d’origine, dans une démarche durabled’autonomisation de ces populations.

De plus, le commerce équitable, en favorisantla transformation des produits sur place, permet aux migrants de valoriser leurs savoirsfaire dans un processus d’innovation et detransferts de technologie vers leurs commu-nautés d’origine.

Enfin, dans un registre plus symbolique, lecommerce équitable peut contribuer à don-ner au Nord une plus grande visibilité et unereconnaissance publique au migrant en tantqu’acteur de développement dans ses deuxespaces de vie.

Le commerce équitable apparaît donc à plusieurs égards comme un moyen d’actionpertinent pour les migrants souhaitant participer au développement de leur régiond’origine.

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DÉFINIR DE MANIÈRE RÉALISTE LES RÔLESQUE PEUVENT JOUER LES MIGRANTSDANS LE MOUVEMENT DU COMMERCEÉQUITABLE

Cependant, certains rôles que l’on pourraitprêter aux migrants dans le commerce équi-table semblent irréalistes. Il s’agit d’abord dulien entre le commerce équitable et lesréseaux de commercialisation des migrantsqui fonctionnent la plupart du temps selondes règles différentes. De plus, les migrantsmanquent souvent des compétences tech-

niques pour mettre en place des filières decommerce équitable. Cependant, il est pos-sible de concevoir des formations techni-ques spécialisées pour les porteurs de pro-jets de commerce équitable en partenariatavec les organismes d’appui aux migrants,les organisations de commerce équitableet les collectivités locales. Enfin, il sembleque les migrants ne représentent pas undébouché particulier pour la consomma-tion des produits issus du commerce équi-table avec leurs régions d’origine. En effet,le prix de ces produits est en général trop

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Réunion de concertationde la Mairie de Montreuilavec ses partenairesmaliens et vietnamiens.

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élevé et les migrants préfèrent souvent seles procurer directement lors de leurs séjoursdans leur région d’origine ou par le biais deproches.

En revanche, il semble que les migrants soientcapables de jouer des rôles plus réalistes dansle commerce équitable : un rôle d’expertisepour identifier et valoriser certains produitslocaux peu connus en Europe, un rôle demise en relation des petits producteurs locauxavec les acteurs du commerce équitable, unrôle de médiateur culturel dans le but derecréer du lien social entre les citoyens dunord et du sud, un rôle d’identification desbesoins des populations locales et des petitsproducteurs, un rôle de soutien dans l’orga-nisation et l’autonomisation des petites struc-tures de production locales ou encore unrôle de diffusion des principes d’action ducommerce équitable auprès des autresmigrants porteurs de projets de développe-ment local. Enfin, les jeunes experts ou tra-vailleurs qualifiés issus des migrations peuventjouer un rôle moteur dans des projets decommerce équitable avec leurs pays d’ori-gine, en utilisant leurs compétences et leurssavoirs faire dans des projets innovants.

Ainsi, il est important de définir clairement lesrôles précis que peuvent jouer les migrantsdans le commerce équitable, afin de faciliterleur implication dans ce secteur d’activité.

CRÉER LES CONDITIONS POUR QUELES MIGRANTS PUISSENT S’IMPLIQUER DEMANIÈRE STRUCTURÉE ET SYSTÉMATIQUEDANS LE MOUVEMENT DU COMMERCEÉQUITABLE

Tout d’abord, pour que les migrants origi-naires d’une région donnée s’impliquent demanière plus forte dans des initiatives d’éco-nomie solidaire pour le développement deleur région d’origine, il semble important quesoient remplies deux conditions : l’existenced’un réseau de migrants bien structuré auNord et un tissu associatif local dynamiqueau Sud. Comme corollaire à ces conditions,il est essentiel d’avoir une ouverture au Sudpermettant un certain développement de lasociété civile dans les régions d’origine deces migrants.

Au-delà du dynamisme des communautésde migrants et de la société civile dans leursrégions d’origine, il semble primordial deréaliser un effort de sensibilisation et d’in-formation pour que les migrants individuelsou membres d’associations puissent identi-fier le commerce équitable comme un moded’action pertinent pour le développementde leur région d’origine. Il est important éga-lement de mettre en place des structuresd’accompagnement à la fois en Europe etdans les pays du Sud, qui soient capablesd’aligner les pratiques solidaires des migrants

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avec des stratégies de développement localou régional. De même, la mise en relationdes migrants avec les acteurs du commerceéquitable au Nord et les structures de pro-duction locale au Sud est un élément essen-tiel de cet effort d’accompagnement. Enfin,il est important de s’appuyer sur des projetspilotes et des exemples de commercialisa-tion réussis pour inciter les migrants à s’im-pliquer dans le commerce équitable. Leséchanges de pratiques entre les migrants ouassociations de migrants déjà impliqués dansce domaine sont ici essentiels.

Des organismes d’appui aux migrants spécia-lisés, comme Espace Afrique, pourraient jouerun rôle clé dans cet effort d’accompagne-ment. De même, on peut envisager une col-laboration entre les opérateurs d’appui deréférence en France comme le GRDR (GRDR,Groupe de recherches et de réalisations pourle développement rural), le PMIE ou l’IRFEDavec des Organisations de CommerceEquitable (OCE) désireuses d’apporter leurexpertise à des migrants souhaitant investirdans le domaine du commerce équitable avecleur région d’origine. Les collectivités locales,avec leurs capacités à mobiliser des finance-ments et surtout de par leur proximité avecla société civile, peuvent puissamment parti-ciper à l’accompagnement des migrants sou-haitant s’impliquer dans des projets de com-merce équitable avec leur région d’origine.

Ainsi, les migrants pourraient devenir des acteurs clés du commerce équitable, enl’intégrant comme un mode d’action perti-nent pour le développement de leur régiond’origine.

RECONNAÎTRE LES LIMITES DE LA COLLA-BORATION ENTRE LES MIGRANTS ET LESORGANISATIONS DE COMMERCE ÉQUI-TABLE (OCE) ET ENTRE LES MIGRANTSET LES COLLECTIVITÉS LOCALES

Avant même d’envisager une collaborationentre les migrants et les OCE ou entre lesmigrants et les collectivités locales, il convientde délimiter clairement les contours de cetype de collaboration.

Les OCE, malgré quelques rapprochementsponctuels, n’identifient pas à ce stade lesmigrants comme des partenaires privilégiésde leur action. La première limite d’un éven-tuel partenariat entre migrants et OCE etque les migrants manquent souvent de com-pétences techniques pour mettre en placedes projets de commerce équitable. Mais ilarrive que certains migrants porteurs de pro-jets allient compétences techniques adéqua-tes et connaissance du terrain.

Une deuxième limite d’une collaborationentre commerce équitable et migrants estl’incompatibilité entre les règles du com-

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merce équitable et les règles souvent infor-melles des réseaux de commercialisation demigrants. Ainsi, il est difficile d’établir un pontentre le commerce équitable et les pratiquescommerciales au sein des réseaux demigrants. Cependant, dans le cas où ces pra-tiques répondent à des critères d’équité etde solidarité, il est possible de concevoir uneformalisation de ces règles. Cela permettraitde donner plus d’ampleur et de visibilité auxpratiques commerciales solidaires de certainsmigrants.

Les collectivités locales abordent ces ques-tions sous l’angle citoyen. Cela n’empêchepas de reconnaître les besoins d’accompa-gnement spécifiques que peuvent avoir lesporteurs de projets migrants. En outre, lescollectivités locales préfèrent travailler direc-

tement avec des professionnels du secteuréquitable, ce qui n’empêche aucunementque les migrants viennent en appui de ce tra-vail professionnel.

Une fois ces limites établies, nous pouvonsdéfinir clairement les rôles que peuvent jouerles migrants dans des partenariats avec lesOCE et les collectivités locales.

DÉFINIR LES APPORTS CONCRETS DESMIGRANTS POUR LES ORGANISATIONSDE COMMERCE ÉQUITABLE ET POURLES PROJETS DE COOPÉRATIONDÉCENTRALISÉE DANS LE DOMAINEDE L’ÉCONOMIE SOLIDAIRE

Pour créer des partenariats efficaces et dura-bles entre les migrants et les organisations

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de commerce équitable ou les collectivitéslocales, il convient d’identifier clairement les rôles qu’ils pourraient jouer dans de telspartenariats.

Pour les organisations de commerce équita-ble comme pour les collectivités locales, lerôle d’ambassadeurs et de médiateurs cul-turels est un rôle primordial pour les migrants.En effet, dans un domaine où l’on chercheà recréer du lien et à replacer l’humain aucentre des rapports marchands, il est impor-tant d’établir de véritables échanges entreles consommateurs au Nord et les petits pro-ducteurs au Sud. Les migrants, de par leursparcours de vie, peuvent contribuer à jeterdes ponts entre plusieurs cultures. Pour lesOCE, ce rôle est très important pour la sen-sibilisation, l’information et la promotion ducommerce équitable. Pour les collectivitéslocales, il est parfois indispensable d’avoirdes médiateurs culturels pour mettre en placedes projets de coopération décentralisée.

Les migrants peuvent également jouer un rôled’expertise dans la valorisation de produitsspécifiques à leurs régions d’origine. De même,ils peuvent contribuer à l’identification despotentialités touristiques de leurs régions dansle cadre de projet de tourisme solidaire.

De par leur connaissance du terrain et de sesacteurs, les migrants peuvent également aiderà la mise en relation des OCE ou des collec-tivités locales avec les petits producteurs oules acteurs associatifs locaux pertinents.Souvent même, les migrants aident à la miseen place des accords de coopération décen-tralisée.

Les migrants peuvent également jouer unrôle intéressant de diffusion des principesdu commerce équitable au Nord et dans leurscommunautés villageoises au Sud. Cela per-mettrait d’enraciner le commerce équitabledans des zones jusqu’ici peu impliquées dansle mouvement du commerce équitable. Làencore, de par leurs parcours de vie, lesmigrants peuvent aider les OCE et les col-lectivités locales qui souhaitent mener cetteaction de diffusion des principes du com-merce équitable auprès des populations lesplus défavorisées et les moins éclairées surla question.

Enfin, dans le cadre de programmes d’échan-ges, les étudiants et jeunes experts peuventenrichir considérablement les projets d’éco-nomie solidaires menés dans le cadre de lacoopération décentralisée.

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CRÉER LES CONDITIONS POURUNE MEILLEURE ARTICULATIONENTRE LES COLLECTIVITÉS LOCALES, LES ORGANISATIONS DE COMMERCEÉQUITABLE ET LES MIGRANTS SURDES PROJETS D’ÉCONOMIE SOLIDAIRE,DANS LE CADRE DE LA COOPÉRATIONDÉCENTRALISÉE

Dans l’optique d’une implication des migrantsau mouvement du commerce équitable, ilest important de créer les conditions d’undialogue entre migrants, organisations decommerce équitable et collectivités locales.Pour cela, il est important que les migrantssoient intégrés à la vie politique et associa-tive locale et puissent faire entendre leur voixdans le cadre de la démocratie locale. C’estnotamment le rôle de certains conseils muni-cipaux de solidarité et de coopération enCatalogne, auxquels participent des ONGde solidarité internationale et des associa-tions de migrants.

Il est également essentiel de créer une inter-face de dialogue entre les migrants, les col-lectivités locales et les OCE. Des structurescomme Via le Monde en Seine Saint Denispourraient jouer ce rôle. Le but est de créerun mécanisme de coopération efficace pour

impliquer les migrants dans des projets decommerce équitable, dans les rôles que nousavons tenté de définir dans la section pré-cédente. De telles interfaces de dialoguespermettront de trouver de manière concer-tée la forme la plus appropriée de collabo-ration entre les collectivités locales, les OCEet les migrants. De même, les collectivitéslocales attendent que les migrants formu-lent des demandes bien précises quand àleurs besoins d’accompagnement. C’est làencore à travers un mécanisme de coopéra-tion efficace que les migrants pourront for-muler leurs demandes et les collectivités loca-les y répondre, éventuellement en partenariatavec des OCE. Enfin, ces interfaces de dialo-gue permettent aux différents acteurs demieux se connaître et d’apprendre à travail-ler ensemble, chacun dans son domaine decompétences et selon ses capacités.

Enfin, pour que cette collaboration entre lesmigrants, les OCE et les collectivités localessoit efficace, il est essentiel de former lesassociations de migrants au travail associatifet au développement local. Cela permettraitnotamment d’homogénéiser en partie lesméthodes de travail des différents acteurset d’améliorer la connaissance mutuelle deces acteurs.

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DÉVELOPPER UN PARTENARIAT ENTRELES MIGRANTS ET LES ORGANISATIONSDE COMMERCE ÉQUITABLE DU SUD

Il serait intéressant de développer un parte-nariat entre les migrants et les OCE du Sud,car ces dernières pourraient plus facilementmontrer aux migrants les opportunités d’in-vestissement et de consommation dans lecommerce équitable dans leurs pays d’ori-gine. Les OCE du Sud pourraient égalementparticiper à un effort de sensibilisation, d’in-formation et de mise en relation desmigrants souhaitant s’impliquer dans le déve-loppement local par le biais de projets d’éco-nomie solidaire. En effet, par leur fineconnaissance du terrain et des structures deproduction locales, les OCE du Sud pour-raient mettre en relation les investisseursmigrants et les jeunes experts avec les peti-tes structures de production locales. De plus,une telle coopération favoriserait une réap-propriation du commerce équitable par lesacteurs du Sud.

Les OCE du Sud peuvent également contri-buer au développement d’un commerceéquitable Sud-Sud, notamment à traversl’échange de bonnes pratiques et le déve-loppement de réseaux de commercialisationSud-Sud. Des échanges de pratiques entreles migrants impliqués dans le mouvement

du commerce équitable depuis l’Europeseraient intéressants pour aider à la coopé-ration Sud-Sud dans ce domaine.

LE TOURISME SOLIDAIRE COMME LABO-RATOIRE INNOVANT POUR DES PROJETSD’ÉCONOMIE SOLIDAIRE IMPLIQUANTLES MIGRANTS ET LES COLLECTIVITÉSLOCALES, EN ARTICULATION AVECLES PROJETS DE COMMERCE ÉQUITABLE

Le Tourisme Solidaire peut constituer unlevier de développement local pour les popu-lations exclues de l’économie de marché. Ilpermet à ces populations locales de trouverdes débouchés pour des produits agricoleset artisanaux, tout en bénéficiant des retom-bées du tourisme en fournissant l’essentieldes prestations à un prix jugé équitable. Ilest important de souligner que le tourismesolidaire peut s’articuler avec des projets decommerce équitable, dans une logique dedéveloppement local durable et maîtrisé parles populations.

De plus, le tourisme solidaire peut être unvecteur d’échanges et d’ouverture culturellepour les populations concernées, que ce soitles touristes ou les communautés qui lesreçoivent. Les migrants ont un rôle essentielà jouer par rapport à ces deux fonctions dutourisme solidaire.

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Le rôle central des migrants dans les pro-jets de tourisme solidaire. Tout d’abord, lesmigrants peuvent jouer un rôle d’expertisedans la valorisation du patrimoine local, ens’appuyant sur leur connaissance du terrainet sur leurs expériences de vie, qui leurs ontpermis de prendre conscience de la valeurtouristique de certaines ressources locales.Ensuite, les migrants sont souvent en mesurede mettre à disposition des logements pourles touristes, voire de valoriser l’habitat localen restaurant des édifices anciens pour enfaire des auberges ou des chambres d’hôtes.Enfin, et c’est là où les migrants deviennentréellement indispensables, les voyages soli-daires sont fondés sur les notions d’échangeculturel mutuellement enrichissant et de par-tage entre les touristes et les populationsqui les reçoivent. Cet échange ne peut sefaire réellement qu’en présence d’un média-teur culturel, qui connaît bien les codes depensées des différentes populations impli-quées. Les migrants sont évidemment lesmieux placés pour jouer ce rôle de média-teurs culturels, puisqu’ils connaissent à la foisla culture européenne et celle de leur régiond’origine.

On retrouve donc ces rôles de valorisationdes ressources locales, de mise en relationavec les acteurs locaux et de médiateur cul-turel que peuvent jouer les migrants dans

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Les migrants sont des médiateurs culturelsqui peuvent valoriser les savoir-faire et ressources locales.

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les projets de commerce équitable. Le tou-risme solidaire peut donc se révéler commeun excellent laboratoire pour impliquer lesmigrants dans des projets d’économie soli-daire au niveau local. Là encore il est impor-tant de faire intervenir des professionnels dutourisme pour proposer une offre de qualité,mais les migrants peuvent tout à fait rece-voir une formation spécifique dans cedomaine, comme nous l’avons proposé pourle commerce équitable.

L’intérêt du tourisme solidaire pour lesmigrants investisseurs et les jeunes Européensd’origine étrangère. Le tourisme solidaire estun des seuls investissements à la fois renta-ble et sûr pour les migrants en milieu rural.En effet, il permet de dégager des revenustout en investissant dans un logement au casoù l’affaire ne fonctionne pas. C’est donc àla fois un levier de développement local pourles populations locales, un investissementimmobilier relativement sûr pour les migrantset une source de revenus pour eux et leurscommunautés familiales ou villageoises. Letourisme rural solidaire est donc un domaineoù les migrants peuvent faire acte de solida-rité pour leur communauté d’origine, touten assurant des revenus pour eux-mêmes etleurs familles.

Pour les jeunes Européens d’origine étran-gère, le tourisme solidaire est un moyen de

renouer avec leurs origines et la culture deleurs parents, dans une démarche citoyenneet solidaire.

Le tourisme solidaire comme moyen d’ac-tion privilégié pour les collectivités locales,en partenariat avec les migrants. Plusieurscollectivités locales françaises se sont déjàengagées dans des projets de tourisme soli-daire dans le cadre de la coopération décen-tralisée. C’est en effet un moyen pertinentpour favoriser l’échange culturel et l’ouver-ture dans une démarche solidaire, en parte-nariat avec des citoyens d’origine étrangère.C’est également un levier de développementlocal qui s’insère parfaitement dans les objec-tifs de la coopération décentralisée. Surtout,le tourisme solidaire permet d’instaurer unecollaboration entre les collectivités localeset les migrants, qui sont, comme nous l’avonsexpliqué, des partenaires clés dans ce typede projets. L’implication des migrants dansdes projets de tourisme solidaire avec les col-lectivités locales permet à la fois de mettreen avant leurs rôles de valorisation du patri-moine local et de médiateurs culturels, et depromouvoir la diversité culturelle sur les ter-ritoires. Là encore, le tourisme solidaire peutêtre considéré comme un laboratoire inno-vant pour tester de nouvelles formes de col-laboration entre les migrants et les collecti-vités locales sur des projets d’économiesolidaire.

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CRÉER UNE ARTICULATION ENTREL’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENTET LES ACTEURS CONCERNÉS PAR LATHÉMATIQUE « COMMERCE ÉQUITABLEET MIGRANTS »

Mettre en place un mécanisme de finan-cement inspiré du programme « Trois pourUn » au Mexique. On pourrait concevoir undispositif concernant les projets d’économiesolidaire portés par des migrants individuelsou des associations de migrants, où chaqueeuro investi par un migrant serait abondépar une subvention d’Aide Publique au

Développement et une autre par lesCollectivités locales (on aurait dans ce casun dispositif « Deux pour Un »). L’accompa-gnement serait assuré par les associations demigrants et les OCE. Au confluent entre troisgrands sujets, la migration, le développe-ment et le commerce équitable, cette initia-tive permettrait d’avoir une collaborationtriangulaire entre l’Etat, les Collectivités loca-les et la Société Civile, sur des projets d’éco-nomie solidaire portés par des migrants dési-reux d’agir pour le développement de leurrégion d’origine.

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L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (AFD)

L’Agence Française de Développement (AFD) est l’opérateur pivot de l’aidepublique au développement française. A ce titre, l’Agence contribue à laréduction de la pauvreté, à la croissance économique et à la préservation de l’environnement.

L’Agence finance des projets portés par les pouvoirs publics locaux, les entreprises publiques ou le secteur privé et associatif.

L’Afrique subsaharienne est une priorité pour l’Agence qui finance la région à hauteur d’1,1 milliard d’euros.

En 2007, les engagements du Groupe (AFD et Proparco, sa filiale spécialiséedans le financement et la promotion du secteur privé) ont été au total de 2,8 milliards dans les pays en développement. Ces financements ontconcerné la scolarisation de 5,8 millions d’enfants, la facilitation des soins de 2,2 millions de malades, l’amélioration des conditions de logement de715 000 personnes et l’approvisionnement en eau potable de 4 millions.

Les projets d’efficacité énergétique sur la même année représentent une économie de 2,7 millions de tonnes de CO2 par an.

www.afd.fr

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LA PLATE-FORME POUR LE COMMERCE EQUITABLE

(PFCE)

Créée en 1997, la Plate-Forme pour le Commerce Equitable est un collectifnational regroupant une quarantaine d’Organisations du CommerceEquitable, qui réalisent environ 80% du commerce équitable en France.

La PFCE regroupe des organisations d’appui au Sud, des importateurs, des réseaux de distribution spécialisés, des associations porteuses de systèmesde garantie, des structures de solidarité internationale et des opérateurs detourisme équitable.

Les membres de la PFCE, à travers la charte qu’ils ont défini, se fixent pourobjectifs de parvenir à garantir l’autonomie et la dignité des producteurs du Sud et de plaider en faveur d’un changement dans les règles du commerceinternational conventionnel.

Les missions de la PFCE sont l’appui à la mise en place de Systèmes de Garantie,la promotion du commerce équitable auprès de cibles institutionnelles, la communication commerciale sur les acteurs et les produits du commerceéquitable et enfin la production et la diffusion de connaissances sur le secteur.

www.commercequitable.org

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La collection Savoirs communs

Déjà parus :

N°1 - Extrême pauvreté et développementAgence Française de développement & ATD Quart Monde

N°2 - Humanitaires et développeurs : comment agirensemble en sortie de crise et de conflitAgence Française de développement & Groupe URD

N°3 - Enseignement des partenariats AFD / Collectivités territoriales françaisesAgence Française de développement & Cités Unies France

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Photo de couverture : Paul Kabré

Ouagadougou (Burkina Faso) : Scène de marché

AFD

5, rue Roland Barthes - 75598 Paris Cedex 12 - France

Tél. : + 33 1 53 44 31 31 / Fax : + 33 1 44 87 99 39 / www.afd.fr

PFCE

PLATE-FORME POUR LE COMMERCE EQUITABLE

61, rue de la Chapelle - Boîte n° 4 - 75018 Paris

Tél : (33) 1 42 09 05 53 / www.commercequitable.org

Page 102: commerce équitable et collectivité territoriale

Cette publication a été imprimée dans le respect de l’environnement avec des encres végétales et sur papier FSC (gestion durable des forêts).

Page 103: commerce équitable et collectivité territoriale

Cette publication a été réalisée à l’occasion du colloque « Commerce Equitable & Territoires »

organisé par :

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