Commentaires de clichés, histoire de l'estampe

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Johanna DANIEL – Correction, commentaires de clichés – TP Estampe, Ecole du Louvre Année 2014-2015

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Johanna DANIEL – Correction, commentaires de clichés – TP Estampe, Ecole du Louvre Année 2014-2015

CARTEL o La nativité o Anonyme, style d’Ypres o Paris, fin XVe (dernière décennie) o 22 cm x 16,8 cm o coloriée au pochoir o exemplaire montré : BNF, département des estampes

DESCRIPTION o L’estampe figure une nativité. Au premier plan, la Vierge, monumentale et Joseph

encadrent l’enfant Jésus, placé au centre de l’image. o Au second plan l’âne et le boeuf o L’arrière-plan de la composition est occupé par l’architecture o Traits simples et synthétiques o Les ombres sont marquées par une série de petites hachures parallèles. o L’estampe est coloriée dans les tons ocres et rouges. Posées au pochoir. o texte gravé sur la matrice : prière

ANALYSE o sujet religieux, comme 90% des estampes du XVe conservées

Elles servent dans les nouvelles pratiques religieuses, devotio moderna : nouveau besoin d’images, contexte religieux qui évolue, dévotion privée et individuelle

Imagerie évolue : Vie du Christ, Vierge comme mère.

Images qui peuvent avoir un rôle prophylactique o tirées en grands nombre, largement diffusées

pour cette estampe, 11 sont connues, ce qui est beaucoup : laisse penser que cette image a été abondamment diffusée.

certaines collées au dos de couverture de livre ou de coffrets. 8 sont encore collées sur les coffrets.

Coloriage au pochoir et non à la main (en aplats, pas rigoureux, teintes rouges) -> production peu onéreuse.

o À rattacher au style de Jean d’Ypres

Production d’estampes dans un style homogène qu’on rattache à Jean d’Ypres, artiste d’une famille originaire de Tournais

Jean D’Ypres donnait des modèles pour le vitrail, l’estampe, l’enluminure. Entre 1490/1508

Cette estampe appartient à un corpus d’une cinquantaine d’estampes dans le style d’Ypres.

Ces estampes sont plus ou moins fidèles au style de Jean d’Ypres : s’appuient sur ses modèles en les schématisant parfois

On ne sait pas bien quelle relation entre les graveurs et l’atelier de Jean d’Ypres. Manque de documentation sur les structures des premiers ateliers parisiens. Probablement une reproduction opportuniste de la part des imagiers.

L’estampe en feuille. Xylographie -> offre une importante capacité de tirage (jusqu’à plusieurs dizaines de milliers). Permet une diffusion du style. Perte importante avec le temps. Peu collectionnées. Utilisées.

L’estampe, une xylographie coloriée au pochoir, figure la Nativité. Réalisée par un graveur anonyme dans le style d’Ypres, elle a été produite à Paris durant la dernière décennie du XVe siècle. Cette feuille, un des 11 exemplaires connus, mesure 22 x 16 centimètres. Cet exemplaire est conservé à la BnF. Au premier plan, la Vierge et Joseph, monumentaux, encadrent l’Enfant Jésus, placé au centre de l’image. À gauche est figurée l’étable, tandis qu’au second plan, l’âne et le bœuf complètent le groupe de la Nativité. À l’arrière-plan, une accumulation de bâtiments médiévaux évoque Bethléem. Les traits sont simples et synthétiques. L’image, coloriée au pochoir dans des tons rouges et ocres, est accompagnée de trois lignes de texte en latin, gravées dans la matrice. Un double trait encadre le tout. Cette image est caractéristique de la production d’estampes de la fin du XVe siècle. Comme 90 % des feuilles connues du XVe siècle, elle présente une iconographie religieuse. Le développement de la xylographie, au cours de ce siècle, répond à un besoin nouveau et massif d’images, dans un contexte religieux qui évolue. Le fidèle, encouragé à une pratique individuelle de la prière, use dans sa dévotion de supports : livres d’heures, petits reliquaires ou simples estampes en feuilles répondent à ce besoin. De telles images étaient tirées en grand nombre : la technique de la xylographie permettait d’imprimer jusqu’à plusieurs milliers d’exemplaires d’une même matrice. Destinées à un usage courant, ces estampes ont souvent disparu. Onze exemplaires de cette Nativité sont connus, ce qui est remarquable et témoigne d’une diffusion importante de cette image. Le coloriage au pochoir, peu rigoureux, indique une production courante et peu onéreuse. Les rares témoignages de l’estampe du XVe siècle qui nous sont parvenus proviennent souvent de livres ou de coffrets dans lesquels ces images étaient collées. Huit des exemplaires de la Nativité se trouvent encore dans des coffrets dits « à estampes », où elles pouvaient tenir un rôle prophylactique. L’exemplaire de la BnF ornait également un coffret, dont il a été décollé au XIXe siècle. L’usage des coffrets à estampe est mal connu : probablement s’agissait-il de petits retables privés, dont certains présentent une cache où pouvait se placer une relique. Cette Nativité, produite par un graveur parisien anonyme, peut être rattachée au style de Jean d’Ypres. L’atelier de ce dernier, originaire d’une famille de Tournais, a produit de nombreux modèles pour le vitrail, l’enluminure et l’estampe entre 1490 et 1508. Un corpus d’une cinquantaine d’estampes décline son style et ses modèles avec plus ou moins de fidélité, ce qui laisse deviner le succès considérable qu’eut Jean d’Ypres à Paris à la fin du XVe siècle. L’estampe, par son caractère multiple, a participé à cette diffusion large de son style.

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CARTEL o Anonyme, Allemagne du Sud o Xylographie coloriée à la main o 1420 o 25 x 18 cm o Un exemplaire conservé à la BnF. Collection Hennin

DESCRIPTION o Iconographie : le Christ en prière la nuit sur le Mont des Oliviers, juste avant son

arrestation o Personnages monumentaux : trois apôtres endormis, Christ priants o Décor réduit à l’extrême : quelques arbres et la silhouette d’une montagne pour évoquer

le jardin des Oliviers o Facture schématique, réduite à l’essentielle. Couleurs ocre

ANALYSE o Sujet religieux, comme 90 % des estampes incunables conservées.

Le christ au jardin des Oliviers, nouveau Testament.

Débuts de l’estampe, l’imagerie religieuse est dominante : besoin nouveau d’images, auquel répond la xylographie.

Pourquoi un besoin nouveau d’image ? Évolution de la dévotion, qui s’individualise. Le fidèle prie en s’appuyant sur des supports (petits retables, images pieuses, livres d’heures).

Recherche d’une identification aux souffrances du Christ o Facture soignée, typique du style des estampes produites en Allemagne du sud

Économie de moyens : on ne figure que les contours, lignes souples, coloriage la main. Ici coloriage qui conférait du volume et de la profondeur

Style typique des débuts de l’estampe en Allemagne du Sud. Boucles. 1420.

Associé aux monastères qui diffuse ces images

Lien avec l’enluminure o Un des rares témoignages des débuts de l’estampe

Si la xylographie permet une diffusion en masse, peu nous sont parvenues

Pour la période 1400-1440, seules 70 estampes identifiées, dont 7 connues en 2 exemplaires.

Estampes utilitaires : supports de prière, collées sur les murs ou des objets. Détruites par l’usage

Celle-ci vient de la collection Hennin o En conclusion, ouvrir sur d’autres estampes (facultatif)

Soit une estampe de facture similaire (même date, même région, coloriage semblable)

Soit une estampe de même sujet (Christ au mont des oliviers, dans un coffret à estampe, 1490 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6939682d )

Cette estampe, qui figure le Christ priant dans le jardin des Oliviers, est une xylographie coloriée à la main. Gravée par une main anonyme, cette estampe a été produite dans le sud de l’Allemagne autour de 1420. Elle mesure 25 centimètres sur 18 centimètres. L’exemplaire présenté, conservé à la Bibliothèque nationale de France, provient de la collection de Michel Hennin (1777-1863).

L’estampe représente le Christ en prière dans le jardin des Oliviers, la nuit précédant son arrestation. Figuré de façon monumentale, il occupe la partie droite de la composition. Au-dessus de lui, dans l’angle supérieur, la main de Dieu apparaît pour le bénir. À gauche, les trois apôtres qui l’accompagnent sont endormis. Le décor est réduit à sa plus simple expression : il se compose d’une barrière végétale tressée, qui délimite jardin, de la silhouette d’un relief et de quelques arbres qui évoquent le mont des Oliviers. Le contexte nocturne est indiqué par l’aplat noir qui occupe tout l’espace du ciel. Les traits sont schématiques, mais souples. L’estampe est coloriée à la main avec soin dans des tons ocres.

Comme 90 % des incunables de la xylographie, cette estampe présente un sujet religieux. Au XVe siècle, l’estampe offre une solution technique à un besoin nouveau d’images, suscité par une évolution des pratiques religieuses. La devotio moderna repose sur une pratique individualisée de la prière, dans laquelle l’image sert de support méditatif. Les scènes de la vie du Christ et en particulier la Passion figurent parmi les iconographies les plus prisées : elles facilitent la compassion du fidèle aux souffrances du Christ.

La facture soignée, la souplesse des traits et l’économie de moyens permettent de dater cette estampe de 1420 et d’identifier une production du Sud de l’Allemagne. Cette région, aux monastères très actifs, est aujourd’hui reconnue comme le berceau de l’image imprimée en Europe. Cette estampe, qui montre des liens évidents avec l’enluminure, est typique de cette production.

Bien que la technique de la xylographie permette de tirer une matrice à plusieurs milliers d’exemplaires, peu de témoignages des débuts de l’estampe nous sont parvenus. Ainsi, cette estampe figure parmi les 70 images identifiées pour la période 1400-1440. Sept d’entre elles sont connues en deux exemplaires. La disparition de la quasi-totalité de ces images s’explique par leur caractère utilitaire : support de prière, elles étaient jetées une fois usées. Celles qui nous sont parvenues ont survécu parce que collées dans des livres ou dans des coffrets. L’exemplaire ici considéré provient de la collection de Michel Hennin (1777-1863) qui a intégré le département des estampes dans les années 1830/40, soit 30 ans avant les premières études sérieuses sur les origines de l’estampe.

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CARTEL o Théodore Géricault (1791 – 1824) o Lithographie o 28 x 45 cm o 1818/19 o Exemplaire conservé à l’École des Beaux-Arts

DESCRIPTION o Combat de boxe entre deux personnages monumentaux figurés au premier plan o Un homme blanc et un homme noir = jeu d’opposition o Leur position forme un chiasme o Modelé sculptural /silhouette fortement détaillée o Ils se détachent sur un fond esquissé dans l’ombre : public + ciel

ANALYSE o Un chef d’œuvre

Composition équilibrée, jeu de chiasme qui accentue le dynamisme et le caractère dramatique

Une observation de la musculature extraordinaire o Un simple combat de boxe ?

La boxe, un sport anglais

L’estampe sportive, à la mode en Angleterre.

Pratiquée dans les ateliers de peintres comme pratique de camaraderie masculine

On peut en faire une lecture politique :

en faveur du libéralisme et contre l’esclavagisme : l’homme noir et l’homme blanc sont à égalité.

Cette lecture politique est fréquente dans les œuvres de Géricault. Choisi des sujets de l’histoire moderne/scènes anecdotique, dont on peut faire une lecture politique à demi-mot.

o Géricault élève la lithographie comme un médium artistique

Géricault, maitre de l’estampe romantique

Impose la toute nouvelle technique de la lithographie comme un moyen d’expression à part entière.

A produit une centaine de litho

Est le premier à utiliser simultanément la plume et le crayon

Le noir et blanc de l’estampe comme moyen de mener une recherche sur la couleur.

« Les boxeurs » est une lithographie réalisée par Théodore Géricault (1791-1824) en 1818. Elle mesure 28 centimètres par 45 centimètres. Un exemplaire est conservé à l’École des Beaux-Arts

L’estampe figure un combat de boxe entre deux personnages, représentés au premier plan. Monumentaux, ils occupent toute la hauteur de la composition et s’opposent dans un chiasme très équilibré. L’un est noir, l’autre blanc. Leur musculature est précisément détaillée et se détache clairement du fond par un effet de lumière maîtrisé. Le combat est observé par un public masculin nombreux, figuré de façon plus allusive au second plan. Les figures sont tracées à l’encre et au crayon lithographique. Des traits croisés modèlent les volumes.

Cette estampe est considérée comme le chef-d’œuvre de Géricault lithographe. Elle présente une composition parfaitement maîtrisée et équilibrée : l’affrontement entre les deux combattants est accentué par l’effet de chiasme de leur position et par le jeu d’opposition entre la couleur de leur peau et celle de leur pantalon (l’homme noir porte un bas blanc, tandis que l’homme blanc est vêtu d’un pantalon rayé sombre). L’équilibre de la composition est renforcé par la distance entre le premier plan, baigné d’une lumière crue qui souligne les corps et le second plan, où la foule de spectateurs, esquissée, émerge de l’ombre. Dans cette œuvre Géricault démontre son talent pour figurer les corps, notamment à travers la description précise qu’il offre du modelé des musculatures.

La boxe est alors à la mode en Angleterre. En France, ce sport demeure plus confidentiel, bien qu’il s’inscrive dans les pratiques de camaraderie masculine de certains ateliers de peinture. Géricault, qui séjourne en Angleterre autour de 1818, a assisté à des combats de boxe, qu’il a croqués (carnet conservé à Chicago). Il serait cependant réducteur de ne voir dans cette estampe qu’un combat de boxe. Comme souvent dans les œuvres de Géricault, il est possible d’en faire une lecture symbolique et politique. L’homme noir et l’homme blanc figurent à égalité dans le combat, ce qui témoignerait de l’engagement de Géricault contre l’esclavagisme et en faveur du libéralisme.

Par cette œuvre, Géricault élève la toute jeune technique de la lithographie au rang de médium artistique. Maître de l’estampe romantique, Géricault a réalisé une centaine de lithographies. Contrairement à beaucoup de ces contemporains, il ne s’est pas contenté de voir dans cette technique un moyen de diffuser à bas coûts ses œuvres picturales : il s’est emparé des spécificités de la lithographie pour développer une véritable recherche plastique, que poursuivra Delacroix. Par exemple, dans cette estampe, Géricault est le premier à mêler le crayon et la plume lithographique. Chez Géricault comme chez Delacroix, le noir et blanc de l’estampe devient un moyen alternatif à la peinture pour mener une recherche sur la couleur.

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CARTEL o Charles Meryon o Le stryge o 1853. Suite de 6 eaux-fortes sur Paris, imprimée chez Delatre. o 3 état sur 5 o Conservé à la BnF

DESCRIPTION o Paysage urbain : Paris ancien o Premier plan : figure du stryge, accoudé à la balustrade o Vue précise et topographique de Paris o Présence de la tour Saint Jacques, monumentale o Vol de corbeaux o Forme ovale, deux vers pour lettre o Écriture fouillée et précise.

ANALYSE o Paris qui s’en va, un sujet à la mode

Grands travaux haussmanniens, prise de conscience du patrimoine

Traité en eau-forte et en photographie.

Le stryge a été photographié par Charles Nègre o Une recomposition du paysage bien qu’extrêmement réaliste dans le relevé

Tour Saint Jacques et Montmartre dans le même cadre, monumentalisation de la tour.

Relevé à la chambre claire. o Des éléments inquiétants, ici figurés par les corbeaux et la figure du stryge. Motifs qui

reviennent souvent dans ses compositions.

Parler de ses troubles psycho. o Une figure singulière : renouveau de l’eau-forte

Meryon, uniquement aquafortiste

Annonce le renouveau de l’eau-forte.

Mais artiste singulier et incompris

Admiré par Baudelaire et Hugo

Intitulée « Le stryge », cette eau-forte est l’œuvre de Charles Meryon (1821-1868). Publiée en 1853, elle mesure 17 cm sur 13 et appartient à une suite de six eaux-fortes sur Paris, imprimée chez Delatre, dont elle est la première planche. L’exemplaire étudié est un tirage du 3

e état (sur 5). Il est

accompagné d’une lettre en vers et de la signature « CM ». Cet exemplaire est conservé à la Bibliothèque Nationale de France.

L’estampe figure une vue de la rive droite de Paris prise depuis l’une des tours de Notre Dame. Un stryge occupe le premier plan de la composition. Cette figure célèbre, qui donne son titre à l’estampe, surplombe le tissu urbain parisien, représenté avec précision et au milieu duquel se détache la Tour Saint Jacques. Le ciel est animé d’un vol de corbeaux, dont certains s’échappent du cadre ovale de la composition. La facture est soignée et l’écriture à l’eau-forte très fouillée et précise. L’image est accompagnée d’une lettre en vers : « Insatiable vampire, l’éternelle Luxure / Sur la Grande Cité convoite sa pâture » suivie des initiales « CM ».

Cette eau-forte, issue d’une suite, s’inscrit dans le goût de son époque pour le « Paris qui s’en va ». À partir de 1850, se développe une mode des vues topographiques figurant les anciens quartiers de la capitale, dont l’avenir est condamné par les travaux du baron Haussmann. Les aquafortistes (Meryon, Bracquemond, Martial Potemont) et les photographes (Charles Nègre, Marville…) immortalisent dans de petites vues pittoresques les bâtiments et îlots promis à la démolition. Dans cette estampe, Meryon figure le célèbre stryge imaginé par Viollet-Le-Duc pour les tours de Notre Dame, que Charles Nègre photographiera la même année.

La facture est extrêmement précise et le paysage très détaillé. Meryon travaillait à partir de relevé qu’il réalisait en plein air, à l’aide d’une camera lucida. Mais si le rendu est réaliste, le paysage n’en est pas moins recomposé. Comme il a l’habitude de le faire dans ses vues de Paris, Meryon a agencé les éléments architecturaux de façon à en accroitre la monumentalité. Ainsi, dans cette vue, la perspective a été bousculée de façon à mettre en avant la Tour Saint Jacques et à faire entrer dans le cadre la butte Montmartre.

Meryon réalisait souvent de nombreux états d’une même estampe. Dans les états intermédiaires, il ajoutait souvent des figures monstrueuses et fantastiques, qui disparaissaient au moment du tirage définitif. Ce n’est pas le cas ici, bien que le stryge et le vol de corbeaux confèrent à la scène une teinte inquiétante, à mettre en relation avec la lettre « Insatiable vampire, l’éternelle Luxure / Sur la Grande Cité convoite sa pâture ». Meryon, atteint de troubles psychiques, était obnubilé par la morale, et les débordements fantastiques ou allégoriques de ses œuvres ont souvent été associés à sa maladie.

Charles Meryon figure comme un précurseur du renouveau de l’eau-forte dans la seconde moitié du siècle. Premier artiste de l’époque à n’être que graveur original (il avait dû renoncer à la peinture en raison de son daltonisme), il annonce le retour en grâce de l’eau-forte. Admiré par Baudelaire et Victor Hugo, dont les écrits semblent faire écho à ces estampes, Charles décédera dans la plus grande misère, avec la réputation d’avoir été un artiste maudit et incompris.