Comment nourrir un milliard...

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Comment nourrir un milliard d’indiens?

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Comment nourrir un milliard d’indiens?

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Le pays a atteint l'autosuffisance alimentaire

mais le système montre ses limites

Même si l'Inde apparaît comme un géant économique en puissance, manifestement doué pour les services et les technologies informatiques, elle reste un pays

essentiellement agricole qui compte quelque 500 millions de paysans. Modernisation réussie, mais fragilité sociale et crise écologique : telle est l'équation actuelle de l'agriculture indienne.

C'est d'abord l'étonnant succès de la « révolution verte » qui marque le visage d'un pays à qui l'on prédisait la famine dans les années 1960, et qui exporte aujourd'hui ses céréales. Ce succès a été obtenu malgré une croissance démographique soutenue. La « révolution verte », consistant à adopter de nouvelles variétés de riz et de blé plus productives et à recourir à de fortes doses d'engrais, a été lancée dans les années 1960, quand le gouvernement a pris conscience de sa dépendance à l'égard de l'aide alimentaire provenant des Etats-Unis. La « révolution », surtout concentrée dans les plaines du nord-ouest du pays, a permis à l'Inde d'atteindre l'autosuffisance alimentaire dès la fin des années 1970. A l'été 2003, les stocks de céréales se montaient ainsi à quelque 30 millions de tonnes (Mt), pour une production de 78 Mt de riz et de 69 Mt de blé.

Mais les limites de ce succès sont aujourd'hui visibles. D'une part, les céréales ont été privilégiées au détriment des fruits, légumes et oléoprotéagineux, pour lesquels le pays est lourdement déficitaire. « 60 % des gens n'ont pas une ration suffisante en protéines », dit Bruno Dorin, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et spécialiste de l'agriculture indienne.

D'autre part, l'inégalité se creuse entre les couches sociales depuis une dizaine d'années, inégalité dont les paysans pauvres sont les premières victimes. « L'Inde est un des rares pays à avoir eu une vraie politique de l'emploi pendant plusieurs décennies, dit Bruno Dorin. On ne visait pas la croissance la plus élevée, mais une croissance bien répartie dans la population. Mais, depuis la politique d'ajustement structurel engagée dans les années 1990, ce souci d'équité est moins grand. »

Cela se traduit par une régression : selon le rapport sur la faim dans le monde de novembre 2003 de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « l'Inde a amorcé un retour en arrière. Après avoir diminué de 20 millions entre 1990-1992 et 1995-1997, le nombre de personnes sous-alimentées y a augmenté de 19 millions au cours des quatre années suivantes. » On recense ainsi 214 millions de personnes sous-alimentées.

Le troisième facteur de crise est la dégradation des conditions écologiques, et notamment de la disponibilité en eau : les nappes phréatiques se vident rapidement, épuisées par des pompes à eau qui consomment 31 % de l'électricité du pays. Le principal défi agronomique est là, selon M. S. Swaminathan, un des pères de la « révolution verte ». Le 6 janvier, devant le Congrès de la science indienne, il lançait l'alerte : « Dans les quinze à vingt prochaines années, la région Pendjab-Haryana [coeur de la « révolution verte »] va devenir une zone d'insécurité alimentaire. Cela est dû largement à des raisons écologiques. » Et de regretter « l'abus de pesticides, la diminution des nappes phréatiques, la pollution et la monoculture ».La capacité de se plier à ces contraintes écologiques est une des clés de l'avenir. Mais le pays hésite entre la modernité technologique et le maintien d'une petite paysannerie : « Quand j'ai rencontré le président de la République, en avril dernier, dit Bertrand Hervieu, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), la discussion que nous avons eue a tourné autour de cette question : comment développer une agriculture moderne avec des paysans nombreux ? »

L'attitude à l'égard des OGM illustre ce dilemme : s'ils semblent devoir apporter un réel bénéfice dans la culture du coton en diminuant la consommation de pesticides, le gouvernement reste prudent à l'égard de leur adoption dans les cultures alimentaires. Les enjeux de propriété intellectuelle attachés aux OGM sont aussi très sensibles, dans un pays qui abrite une très riche biodiversité. Même parmi les scientifiques, l'unanimité est loin de se faire : « Une partie des chercheurs, surtout les généticiens, sont très favorables aux OGM, dit Moumita Bandyopadhyay, chercheuse indienne temporairement en France. Mais beaucoup d'autres, surtout les agronomes, y sont opposés. »

KEMPF Hervé Le Monde , 2 mars 2004

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Les espaces de la révolution verte en Inde

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D’après FAO

D’après FAO

Source: Documentation Photographique n°860

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Vague de suicides et crise de l’agriculture

Dans un hôpital de Nallamada, dans l’Andhra Pradesh (au sud), ce paysan qui a frôlé la mort s’en prend à ses amis les plus

proches , qui lui ont sauvé la vie alors qu’il a tenté de mettre fin à ses jours. L’ayant trouvé peu après qu’il eut ingéré des pesticides, ceux-ci l’ont amené d’urgence à l’hôpital. « Mais, plaidons nous, ces amis vous ont sauvés la vie. Votre famille leur doit énormément. « « Vous n’y êtes pas, » rétorque t’-il d’un ton brusque « J’ai essayé de me tuer parce que je ne pouvais pas rembourser une dette de 100 000 roupies *environ 1750 euros+. Les créanciers me harcelaient. J’ai accumulé cette date en autre ans, et quatre jours dans cet hôpital vont me coûter la moitié de cette somme. Comment vais-je payer? D’où va venir l’argent? Ces imbéciles auraient dû me laisser mourir. »

L’endettement des paysans a quasiment doublé ces dix dernières années*…+ Selon les chiffres de la NSSO (organisme gouvernemental lié au ministère des statistiques et l’institut d’enquête le plus important en Inde) , le pourcentage des foyers paysans endettés est passé de 26% en 1993 à 48% en 2003. Depuis, les choses ne font que s’aggraver . Dans l’Etat de l’Andhra Pradesh, ou nous avons assisté à ce drame, les foyers de cultivateurs endettés atteignaient 84% en 2003. Et ce sont là des chiffres officiels largement sous –estimés.

L’augmentation de cette dette est allée de pair avec la multiplication des suicides de paysans. *…+ Le premier ministre Mammohan Singh, a reconnu pour la première fois , le 15 aout 2006, que l’agriculture indienne subissait une crise grave. *…+ Qu’est ce qui est allé de travers? Pratiquement tout, pour le petit paysan marginal ou sans terre comme le sont la majorité des exploitants agricoles indiens. *…+le resserrement du crédit et l’explosion des coûts des intrants se sont accompagnés d’autres chocs, tel l’effondrement des prix de vente des productions. . Des millions de petits cultivateurs indiens, possédant tout au plus un hectare , se sont retrouvés emportés par l’instabilité des prix mondiaux, sans aucun filet de secours. Car, pour obéir aux nouvelles règles du jeu , l’Etat a démantelé les modestes protections qui pouvaient exister. Dans le même temps, il encourageait les paysans à abandonner les cultures vivrières en faveur des « cultures de rente » (crash crops). Un retour au vieux modèle de « la croissance tirée par les exportations ». Un cultivateur du Kerala, par exemple, dépensait 7000 roupies pour cultiver un demi-hectare de rizière. On l’a persuadé d’abandonner le riz pour la vanille : il a dépensé presque 20 fois plus . Les prêts sont plus importants, les taux d’intérêt bien plus forts et les riques bien plus grands. D’autant qu’il n’existe pas de marché intérieur de la vanille en Inde . Mais on a attiré les cultivateurs dans le piège de cette production en faisant miroiter au départ des prix faramineux. Certains ont gagné jusqu’à 4500 roupies (environ 78 euros) par kilo en 2003. Actuellement, ces mêmes agriculteurs obtiennent 86 roupies (1,5 euros) pur un kilo de vanille . On ne compte plus ceux qui ont fait faillite et mis fin à leurs jours. Leurs enfants ont abandonné l’école .leurs familles ont connu d’indicibles épreuves.

Palagumni Sainath, Réveil de l’Inde, Manière de voir n°94 Aout Septembre 2007

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.introduction de variétés à haut rendement . mécanisation

.engrais/pesticides . irrigation

.soutien de l’état Révolution Verte

Fin des famines

récurrentes

Autosuffisance alimentaire

20 % de la population

toujours sous alimentée

Insuffisance des apports

protéiniques car les céréales ont été privilégiées

Inégalités accentuées depuis la libéralisation

des années 90: -endettement

-fragilité des petites agricultures exposées

aux cours internationaux.

SITUATION: L’Inde, nourrir plus d’un milliard d’hommes.

NOURRIR LES HOMMES

Dégradations de l’environnement: -diminution de la nappe phréatique

-pollutions de l’eau -épuisement des sols

(monoculture) -OGM?

Pourquoi les progrès de l’agriculture sont-ils insuffisants pour

fournir une alimentation correcte

à tous les êtres humains?

Comment nourrir la planète tout en privilégiant une

agriculture durable?