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1 Établissement : Lycée Stephen LIEGEARD, à BROCHON. COMMENT IMPLIQUER LES ÉLÈVES DANS LE PROCESSUS D’APPRENTISSAGE ? LA MOTIVATION EN QUESTION. LOMBARD FABIEN Discipline:histoire-géographie Dirigé par Annie COMPOS ANNEE 2002-2003 N° du dossier : 0002143J

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Établissement :Lycée Stephen LIEGEARD, à BROCHON.

COMMENT IMPLIQUER LES ÉLÈVES DANS LEPROCESSUS D’APPRENTISSAGE ?LA MOTIVATION EN QUESTION.

LOMBARD FABIEN

Discipline:histoire-géographie Dirigé par Annie COMPOS

ANNEE 2002-2003 N° du dossier : 0002143J

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Sommaire :

Introduction …………………………………………………………………………………………………p.3 à 4

I- La motivation, gage d’une scolarité heureuse………p.5 à 14

1- Qu’est-ce que la motivation ? ……………………………………………p.5 à 8

2- Les causes de la démotivation ……………………………………………p.8 à 13

3- Les comportements comme traduction d’une ………………p.13 à 14 démotivation

II- Les stratégies mises en œuvre pour lutter……………p.15 à 26 contre la démotivation scolaire

1- Motiver par la nouveauté …………………………………………………………p.16 à 211

2- Motiver par la découverte ………………………………………………………p.18 à 21

3- L’implication par le sens ………………………………………………………p.21 à 24

4- L’implication par l’action ……………………………………………………p.24 à 26

III- Réussites et échecs, analyse d’une pratique……p.26 à 38

1- Les limites de l’implication par la nouveauté …p.27 à 30

2- L’implication par la découverte, source …………………p.30 à 35 constante de motivation

3- Le sens et l’action, les plus grands …………………………p.35 à 38 moteurs de la motivation ?

Conclusion ………………………………………………………………………………………………………p. 39 à 40

ANNEXES ………………………………………………………………………………………………………………p. 41 à 49

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INTRODUCTION

Au mois de septembre 2002, je me suis retrouvé devant uneclasse de seconde, composée de trente-cinq élèves auxpersonnalités très différentes.Certes, ce n’était pas la première fois que j’étais placédans cette situation si particulière. En effet, lors de mesétudes universitaires, j’ai eu l’occasion de tenir le rôlede tuteur pour des étudiants de première et de deuxièmeannée.Mais du fait de notre proximité d’âge et de mon statutd’étudiant, mes rapports avec ces derniers, et mesinterventions étaient tout à fait différents.

Désormais, pour mes élèves de seconde, j’étais un prof,un adulte incarnant une autorité, qu’ils devaient respecter,et un savoir, qu’ils devaient assimiler. Vision qui m’aparfois déboussolée et à laquelle il n’est pas toujours aiséde se conformer.

Toutefois, j’ai rapidement pris mes marques dansl’établissement où j’enseignais : Le lycée Stephen LIEGEARD,à BROCHON. Accueillant près de 800 élèves et disposant d’uninternat de jeunes filles, celui-ci « recrute » ses élèvesdans les villages environnants et dans la banlieue del’agglomération dijonnaise, en particulier la zone deChenôve, qui abrite des couches sociales défavorisés,souvent d’origine étrangère, mais aussi des familles issuesde la classe moyenne, voire de la classe moyenne supérieure,pour reprendre une expression chère à Max WEBER1. Il est essentiel de connaître le profil del’établissement dans lequel on évolue. En effet, celui-cinous renseigne sur les élèves que l’on a en face de nous,sur leur milieu, sur leur quotidien. En résumé, cela revientà se demander à quel niveau de la pyramide de Maslow2 ils sesituent ?Ainsi, dans ma classe, deux élèves, dont les parents sont auchômage, mangeaient le midi à la cantine grâce au fond desoutien de l’établissement. Ces détails ne sont pas anodins,car ils nous permettent d’approcher une réalité sociale qui,pour la plupart des jeunes professeurs, nous est inconnue,et d’aborder le problème de la motivation scolaire sous unautre angle. Les attentes sociales ici ne sont pas les mêmesqu’au lycée Carnot, établissement de centre ville, par

1 Max WEBER, Economie et société, Le Cerf, Paris, 1996 (1ère éd. 1922).2 La motivation, Les cahiers pédagogiques, spécial n°300, janvier 1999.

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exemple, qui accueille une population généralement plusfavorisée, qui possède déjà une culture scolaire.

Par conséquent, dès les premières séances, l’attitude etle vécu de certains de mes élèves, m’ont incité à me penchersur le problème pédagogique motivation / démotivation.C’était un élément que j’avais ignoré jusqu’à ma formation àl’I.U.F.M. En effet, « le drame des professeurs » est qu’ilssont, pour une très grande majorité d’entre eux, d’anciensbons élèves, motivés par les apprentissages dispensés àl’école. Reconnaître que certains élèves n’étaient pasmotivés par ma matière n’a donc pas été facile, mais enplus, j’ai du essayer de comprendre ce phénomène, quim’était totalement étranger, et mettre en œuvre desstratégies de combat, le mot n’est pas trop fort, contre ladémotivation.Les formations, les lectures d’ouvrages spécialisés et lesdiscussions avec mes collègues m’ont permis de beaucoupprogresser sur la question, et surtout m’ont montré que jen’étais pas seul à devoir faire face à ce problème et quedes outils pédagogiques existaient.

Ainsi, dans ce mémoire, j’essaierai, tout d’abord, dedéfinir ce qu’est la motivation, et de montrer quelles ontété mes pistes de réflexion théoriques sur le sujet.Par la suite, je présenterai les stratégies que j’ai choiside développer dans mes cours pour impliquer les élèves dansle processus d’apprentissage. Enfin, j’analyserai mapratique, afin de voir où sont mes réussites, mes échecs, etde les comprendre pour évidemment m’améliorer, ce qui est ledéfi que doivent relever quotidiennement les enseignants.

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Première partie :

La motivation, gage d’une scolarité heureuse

Le décalage existant entre un réel potentiel chez laplupart des élèves de cette classe et des résultats restantinsuffisants pour un certain nombre d’entre eux, m’a toutnaturellement amené sur la piste de la motivation et de soncontraire, la démotivation.D’après mes observations, les difficultés de compréhensionet d’analyse de certains élèves ne pouvaient expliquer àelles seules, cette absence d’intérêt qui se manifesteparfois pendant les cours, toutes disciplines confondues.À mon sens, ces élèves, qui peuvent parfois faire preuved’une finesse de réflexion déconcertante, refusaient toutsimplement d’exploiter leurs capacités dans le contexte del’école.Au risque de paraître cavalier, je dirais qu’ilsappliquaient, inconsciemment ou non, l’art de vivreshadokien, selon lequel les capacités intellectuelles nesont mobilisées que pour des futilités. Ainsi, l’analyse des ressorts de la motivation et parvoie de conséquence des causes de la démotivation et de sesmanifestations étaient une étape essentielle à l’élaborationd’un véritable travail pédagogique sur le sujet, puisqu’ellem’a permis d’obtenir des réponses à mes interrogations etdonc d’agir plus efficacement au sein de ma classe.

1- Qu’est-ce que la motivation ? C’est l’ensemble des mécanismes biologiques etpsychologiques qui permettent le déclenchement de l’action,l’orientation. Les spécialistes de la question sont à peu prèsd’accord pour distinguer deux types de motivation : Lamotivation intrinsèque et la motivation extrinsèque3.

a) Motivation intrinsèque et extrinsèque:

Ces deux grands types de motivation se distinguent par lesmécanismes auxquels elles font appel.Quand on parle de motivation intrinsèque, on fait référenceà une curiosité naturelle. Vouloir apprendre, être curieuxde découvrir le monde qui nous entoure, est une sorte dedisposition que chacun possède à l’état de nature.Lespsychanalystes ont échafaudés diverses théories, afind’expliquer cette motivation4.

3 B. ANDRÉ, Motiver pour enseigner, analyse transactionnelle et pédagogie, Hachette, Paris, 1998.4 C. DELANNOY et J. LEVINE, La motivation, Hachette, Paris, 1997.

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Il semblerait que cette envie de connaître et d’apprendreapparaisse vers l’âge de sept ans chez la plupart desenfants.Selon A. RAULT5, c’est à ce stade de leur développement queceux-ci ont dépassé et mis en réserve dans leur subconscientles conflits oedipiens et disposent alors d’une énergienouvelle pour s’intéresser à l’école : « La sublimation despulsions prégénitales permet habituellement cet intérêt pourl’acquisition des connaissances. L’enfant en phase delatence est alors avant tout un écolier ». Ainsi, il existe chez l’enfant une forme de motivationnaturelle qui fait partie de sa maturation psychiqueordinaire. Ce moteur interne, selon l’expression de B.PROT6,engagerait donc naturellement tout individu dans unedynamique d’apprentissage. Par ailleurs, c’est cettemotivation qui permet d’avoir les meilleures répercussionspour l’élève et la classe, car elle vient de lui-même.Toutefois, force est de constater que celle-ci sembleparfois totalement absente chez certains élèves. Commentfaire alors ?

Une seconde source de motivation peut être utilisée, ils’agit de la motivation extrinsèque. Celle-ci est liée à desfacteurs externes, à l’environnement dans lequel évoluel’élève. Dans ce cas, c’est l’ensemble des élémentsextérieurs qui jouent un rôle moteur et incite l’enfant àapprendre.Ces stimuli peuvent être aussi bien positifs que négatifs,c’est ce que l’on a l’habitude d’appeler le système du« bâton et de la carotte ».L’espoir de réussir, d’avoir de bons résultats, l’envie derépondre aux attentes de ses parents, la volonté d’atteindreun objectif pour vivre sa passion… sont autant de stimuliexternes positifs, qui poussent l’élève à s’impliqueractivement dans le processus d’apprentissage.La crainte des sanctions, la peur du bâton peuvent parfois,quand elles ne bloquent pas l’enfant, jouer dans le mêmesens, mais on parlera alors de stimuli négatifs et il estsouhaitable de ne pas les employer de manière constante.

La motivation est donc un état dynamique complexe, quimet en jeu une série de facteurs relevant à la fois dufonctionnement propre à l’individu et de l’environnementimmédiat de ce dernier.Cet effort de définition nous conduitainsi à nous interroger sur les mécanismes de la motivationet par voie de conséquence de la démotivation7.

5 C. DELANNOY et J. LEVINE, op. cit.6 A. LIEURY et F. FENOUILLET, Motivation et réussite scolaire, Dunod, Paris, 1996.7 B. ANDRÉ, op. cit.

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b) Perception de soi et perception de sonenvironnement :

Pour déterminer les mécanismes de la motivation, il peutêtre intéressant de partir de la définition qu’en donne R.VIAU8 dans son ouvrage sur « La motivation en contextescolaire » : « C’est un état dynamique qui a ses originesdans la perception qu’un élève a de lui-même et de sonenvironnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’yengager et à persévérer dans son accomplissement afind’atteindre un but. »Cette définition est particulièrement pertinente, car ellemet en relief trois dimensions fondamentales de lamotivation :

- Tout d’abord, c’est un état dynamique, dans la mesureoù il peut varier dans le temps et en fonction desdisciplines étudiés.

- Cette motivation se mesure au choix, à l’engagementet à la persévérance de l’élève.

- Enfin, elle dépend à la fois de la perception quel’élève a de lui-même et de la perception de sonenvironnement9.

C’est à partir de ces éléments que les spécialistes de laquestion ont élaboré un schéma de synthèse regroupant lesdifférents facteurs rentrant en jeu dans le mécanisme de lamotivation et de la démotivation :

8 F. RAYNAL et A. RIEUNIER, Pédagogie : dictionnaire des concepts clés, E.S.F., éditeur, Paris, 2001.9 Expérience de Munn.

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Ces travaux ont servi de base de réflexion et decompréhension sur les causes de la démotivation, et m’ontpermis par la suite de mieux appréhender la réalitéquotidienne vécue par mes élèves.

2) Les causes de la démotivation :

Comme l’illustre le schéma ci-dessus, la démotivationne peut trouver d’explications sans prendre en compte unedouble dimension : la perception de soi et la perception deson environnement. De cette double perception dépendent lescomportements des élèves.Par conséquent, ce sont ces deuxprincipales pistes qui vont être successivement analyséesici.Mais, une remarque préliminaire s’impose : ce travailsuccinct n’a pas la prétention de démêler l’ensemble descauses qui sont à l’origine de la démotivation, car lesfacteurs mis en jeu dans un tel processus s’entremêlent demanière bien trop complexe pour être traités dans le cadrede ce mémoire. Par ailleurs, il serait illusoire d’espéreraboutir à des explications définitives applicables à chaqueindividu, tant sont complexes les modes de fonctionnementhumains. Restons humbles, et essayons simplement de mettreen évidence un certain nombre d’éléments qui peuvent nousaider à mieux comprendre ce phénomène de la démotivation.

a) La perception de soi :

Motivation

Perception de soi Perception du système scolaire

L’école etses buts

Evaluationsreçues

Position devie

Conception del’intelligence

Perception de sonefficacité

Sens etexigences

Activités proposées

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Chaque élève a forcément une image de lui-même et de ceuxqui l’entourent10. Cette perception de soi joue un rôleprimordial, voire capital pour certains spécialistes11, dansla motivation et la démotivation sur trois modesdifférents :

- La perception de son efficacité- La conception de l’intelligence- La position de vie

La perception de son efficacité :

Selon B. ANDRÉ, c’est « la perception qu’a l’élève decontrôler les raisons de ses réussites comme de seséchecs ».Pour de nombreux élèves, l’impression que les échecs et lesréussites échappent à leur contrôle et ont des causesaléatoires (chance/malchance, épreuve trop longue, tropdifficile…) peut être à l’origine d’un processus dedémotivation. Il est en effet difficile de maintenir untravail sérieux quand les résultats apparaissentindépendants des efforts fournis. Pourquoi travailler sil’on obtient les mêmes résultats que celui qui n’a rienfait ? L’élève rentre alors dans une spirale de renoncementvis—vis de l’effort. Pour éviter cela, il est absolumentessentiel que l’élève soit directement impliqué dansl’élaboration de son savoir et dans le processusd’apprentissage, pour qu’il ait l’impression de posséder, demaîtriser, d’avoir une prise sur ce qu’on lui apporte.Toutefois, aussi intéressante que soit cette piste, elle nepermet pas de comprendre toutes les situations. Trèssouvent, selon mes observations, les élèves perçoivent trèsbien la relation entre les efforts fournis et les résultats,et ont tout à fait conscience que les insuffisances ont unrapport direct avec le manque de travail.Il faut donc faireappel également à la conception de l’intelligence chezl’élève.

La conception de l’intelligence :

Deux types de conception de l’intelligence existent.Soit, comme le pense J. TARDIF12, « l’intelligence est uneentité stable, fixe, qui ne peut évoluer dans le temps.C’est une composante de la personne qui est inaltérable ».Soit au contraire l’intelligence est perçue comme mobile etévolutive.

10 Ceci est d’ailleurs vrai à tous les âges et dans toutes les situations.11 F. RAYNAL et A. RIEUNIER, op. cit.12 La motivation, Les cahiers pédagogiques, op. cit.

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Je réfute avec vigueur cette première théorie, car ellepousse insidieusement à nier la capacité d’améliorationinhérente à tout être humain.En effet, si un élève adoptel’idée que l’on naît intelligent ou non, et que sesrésultats scolaires apparaissent insuffisants, alors lesconclusions qu’il peut en tirer sont désastreuses et peuventêtre à l’origine de la démotivation. Persuadé de ne paspouvoir évoluer, il ne fournira désormais que peu d’efforts.Tout ceci renvoie plus profondément à ce que l’on appelleles positions de vie.

Les positions de vie :

Certains chercheurs13, ont émis l’hypothèse que, trèstôt, le jeune enfant structure inconsciemment sa perceptionde soi et des autres, sous la forme de ce qu’ils ont appeléles positions de vie, qui sont au nombre de quatre :

- Je suis O.K., tu es O.K. (+/+)- Je suis O.K., tu n’es pas O.K. (+/-)- Je ne suis pas O.K., tu es O.K. (-/+)- Je ne suis pas O.K., tu n’es pas O.K. (-/-)

Cette manière de se considérer et de considérer les autresn’est pas forcément constante dans le temps et suit lescirconstances ou personnes rencontrées. Mais stressée,chaque personne revient généralement à sa position de base,et agit, pense, ressent les évènements en confirmation de saposition de vie.La position de vie de l’élève va jouer ungrand rôle dans son intérêt pour l’étude, sa persistancedans l’apprentissage et sa faculté à dépasser lesdifficultés rencontrées. Devant un problème où la réponsen’est pas immédiate, ou devant un échec, même mineur, voiciquelles pourraient être ses différentes réflexions :

13 B. ANDRÉ, op. cit.

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La position de vie de l’élève sera décisive, notammentlorsqu’il recevra les évaluations des tests effectués. Ladifficulté à distinguer les messages reçus portant sur cequ’il a fait, de ceux portant sur ce qu’il est, a tendance àle ramener à une position -/- ou -/+. A ce stade, il risqued’investir beaucoup d’énergie à maintenir une estime de soisuffisants, plutôt que d’analyser la situation en terme destratégies à acquérir ou à changer14.Par ailleurs, pour certains, l’échec scolaire peut devenirune manière d’exister, de manifester leur existence. Dans cecas là, motiver l’élève semble quasiment impossible. Cependant, l’analyse de la perception de soi ne peut àelle seule nous permettre de comprendre les mécanismes de ladémotivation. Celle-ci se lit aussi à travers la perceptiondu système scolaire.

b) La perception du système scolaire :

L’image que le système scolaire renvoie parfois peut être entotal décalage avec les attentes de certains élèves etexplique en partie la démotivation. Les comportementsdifficiles sont souvent en effet la résultante de deuxchoses :

- La difficulté pour certains élèves de donner du sensà leur présence à l’école, à ce qu’ils y apprennent.

14 La motivation, les cahiers pédagogiques, op. cit.

Position de vie Dialogue intérieur

Je suis O.K., tu es O.K.Qu’est-ce que je n’ai pas

compris ? Quelle questionpuis-je poser ?

Je ne suis pas O.K., tu esO.K.

Je n’y arriverai jamais. Qu’est-ce que le prof va penser demoi ?

Je suis O.K., tu n’es pasO.K.

C’était vraiment trop dur ceprofesseur est nul.

Je ne suis pas O.K., tu n’espas O.K.

Quel système pourri !

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- L’impossibilité de se sentir exister en tant quemembre d’une collectivité qui a des valeurs, desrègles de vie et des exigences.

Les comportements sont alors l’expression d’une formed’inadaptation, qui n’est en aucun cas le fait exclusif del’élève. Affirmer cela, c’est poser l’hypothèse que lemilieu est aussi inadapté au sujet, que le sujet l’est aumilieu. Analyser la perception que l’élève a du systèmescolaire, c’est essayer de comprendre pourquoi laproposition scolaire n’a pas toujours d’impact sur desesprits pourtant en éveil. Qu’est-ce qui crée la distanceentre l’élève et le système dans lequel il s’inscrit ?

- Le décalage entre culture scolaire et culture juvénile :

« Cet enfant n’en fait qu’à sa tête. Nous voulons qu’il enfasse à la nôtre » écrivait J. PRÉVERT15. Cette courte phrasemet en valeur le fossé qui peut exister entre les valeursque l’école cherche à transmettre et celles adoptées par lesélèves.Il existe, en effet, une contradiction majeure entre uneinstitution qui conserve un projet d’autorité et une sociétéaux valeurs tellement multiples, qu’elles en sontinsaisissables, et qui s’éloignent souvent de l’idéed’accomplissement par le travail. Cette contradiction estparticulièrement nette quand l’on considère la générationque l’on retrouve dans nos classes : la génération« zapping ». Elle n’est pas habituée à être active, maisplutôt à attendre passivement, comme des consommateurs nonavertis. Or la classe n’est pas un libre service, mais unlieu qui exige effort et attention. « La classe est le seulendroit où ils sont aujourd’hui obligés de rester au moinsune heure sans zapper16 ».Ces élèves, qui ressentent durement l’obligation qui leurest faite de rester sans bouger la journée entière, peuventen venir à rejeter un système qui les emprisonne, lesretient et cela d’autant plus qu’ils ne comprennent pas laraison de leur présence.

- Une perception faussée des buts proposés parl’école :

C’est un élément important de la démotivation. L’école estcensée être un lieu où l’on apprend, or, elle est souventconsidérée comme un lieu où l’on évalue, sélectionne etsanctionne. La plupart des élèves ont du mal à considérerautrement que quantitativement la valeur de leur travail :

15 J. PRÉVERT, Paroles, Laffont, Paris, 1946.16 La motivation, Les cahiers pédagogiques, op. cit.

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ce qui compte, c’est la note. L’apprentissage n’a pasd’autres fonctions pour eux (on retrouve ici les concepts demotivation intrinsèque et extrinsèque). Il y a doncconfusion entre les objectifs réels de l’école (dispenserdes savoirs, construire des citoyens actifs…) et lesbénéfices indirects (bonnes notes…).Ceci peut donner lieu à des frustrations et desincompréhensions responsables du sentiment de l’inutilité,ce que traduisent certains comportements.

- L’absence de sens :

Tous les savoirs dispensés à l’école sont supposés être dessavoirs nécessaires.Or, une partie non négligeable desélèves ne perçoit pas toujours l’utilité des connaissancesque les professeurs leur apportent. « Les objetsd’enseignement sont des objets étranges, qui leur restentétrangers ». Heureux, ou sourd, l’enseignant qui n’a jamaisentendu le fameux : « A quoi ça sert ? On s’en servirajamais dans notre vie de tous les jours17 ».Comme l’écrit M.DELEVAY18 :

« Le savoir leur apparaît souvent déconnecté de son usage, coupémême de la pensée, parce que non relié à un usage opérationnel. Onapprend, pensent-ils, pour apprendre, pas forcément pour faire oupour analyser une réalité avec ce que l’on sait. Le savoir n’estni un opérateur, ni un analyseur. Comme de surcroît, dans unejournée se succèdent, en fonction des disciplines enseignées, dessavoirs divers rarement liés entre eux, la connaissance leurapparaît comme autant de pièces d’un puzzle que l’on présenteraiten vrac sans jamais avoir à composer une maquette avec. L’écolepasse en revue des savoirs démontés que les élèves ont peufréquemment à utiliser pour construire des cohérences. Les savoirsne sont pas vécus au futur. »

Le sens n’est donc pas contenu dans le savoir. Ce sont lesélèves qui, avec l’aide du professeur, l’investissent d’unsens. Sans ce travail, ce qui est fait en cours apparaîtcomme inutile. Dans ces conditions, comment les motiver ?Le sens donné par l’élève à sa présence à l’école est unparamètre essentiel de la motivation.Si ces questions restent sans réponses, cela se traduitsouvent par des problèmes comportementaux.

17 La motivation, Les cahiers pédagogiques, op. cit.18 A. LIEURY et F. FENOUILLET, op. cit.

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3) Les comportements comme traduction d’unedémotivation :

Par le comportement, les élèves vont exprimer lamanière dont ils se représentent leur personne et le systèmescolaire. La manière d’être devient vraiment révélatriced’un mal-être lorsque les comportements prennent uncaractère répétitif et que les moyens coercitifs sontinefficaces. Cela met en évidence le fait que l’élèvefonctionne selon une logique qui lui est propre et dont ilnous faut comprendre les règles. L’analyse des causes de ladémotivation nous a permis de comprendre certaines attitudesobservées chez des élèves (le manque de concentration,l’agitation permanente) qui ont été reliées à différentsparamètres (appartenance à la génération zapping, décalageentre culture juvénile et culture scolaire, incompréhensiondu pourquoi de leur présence à l’école).Cette agitation, cette difficulté à rester en places’accompagnent d’une accumulation d’énergie qui peut parfoisse décharger brusquement par la violence. Pour B. ANDRÉ19,agitation, violences répétitives sont des comportementspassifs : « Ils englobent tout ce que la personne fait pouréviter de résoudre les problèmes qui se posent à elle. » Ilstraduisent un refus de s’engager dans les activitésproposées et manifeste donc une démotivation. Cette attitudede refus demande d’ailleurs beaucoup d’énergie.Paradoxalement, on peut dire que celui qui s’engage dans ladémotivation est motivé dans son choix, car apprendre est unbesoin humain fondamental. C’est comme si ces élèvess’engageaient dans une grève du savoir.

Par conséquent, motiver ne signifie pas insuffler del’énergie, car elle est déjà là, mais réorienter celle-ci,la canaliser en agissant sur les différents paramètresintervenant dans la démotivation. Le professeur doits’efforcer de proposer un environnement adéquat, qui aiderales élèves à changer leur perception.C’est un travail de très longue haleine que l’on ne peutmener seul. Ainsi, dans l’établissement où j’enseigne, uneréflexion sur le sujet, conduite par Marina JOVIGNOT,formatrice I.U.F.M, a été menée avec les autres stagiaires,au nombre de 13, et nos conseillers pédagogiquesrespectifs20.Les problèmes signalés précédemment ont été soulevés et despropositions de réponses ont été esquissées, qui m’ontpermis d’améliorer mon enseignement, du moins je l’espère,comme je l’explique dans la suite de ce mémoire.

19 B. ANDRÉ, op. cit.20 Voir annexes p.

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Deuxième partie :

Les stratégies mises en œuvre pour luttercontre la démotivation scolaire

Les lectures de travaux de spécialistes traitant de laquestion, les tables rondes organisées dans l’établissementdans lequel j’exerce21, ainsi que les formations dispenséesau sein de l’I.U.F.M., m’ont permis d’acquérir une basethéorique plus solide. Cette étape était nécessaire àl’aboutissement de ma réflexion. Alors que trop souvent onreproche à cette institution de dispenser des savoirsabstraits, celle-ci m’a au contraire incité à prendre encompte une dimension de mon métier d’enseignant que je nesoupçonnais pas au départ, et à questionner sans cesse mapratique. Cet effort de réflexion pédagogique, parfoisdifficile, car nouveau (ces problèmes n’ont jamais étéabordés dans le cadre de nos études universitaires), trouvedonc une application concrète dans mon métier de professeur. En effet, sans cela, je n’aurais pas su quellesstratégies mettre en œuvre pour éveiller la curiosité de mesélèves, c’est-à-dire pour les motiver.J’en ai distingué quatre au cours de mes premiers mois depratique :

- L’implication par la nouveauté- L’implication par la découverte- L’implication par le sens- L’implication par l’action concrète

Ce sont ces quatre principes pédagogiques que je vaisprésenter dans cette seconde partie : Pourquoi les avoirchoisi ? En quoi peuvent-ils m’aider à combattre ladémotivation scolaire chez certains élèves ? Comment lesappliquer dans ma classe au quotidien ?Je détaillerai donc ici la mise en œuvre de ces stratégiespédagogiques.

21 Voir annexe 1 p.39.

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1- Motiver par la nouveauté :

Cette génération d’élèves qui arrive au collège commeau lycée est la génération « zapping22 ». Elle prend tout,rapidement, et jette dès que cela commence à l’ennuyer. Ilfaut constamment les motiver par des activités nouvelles, oudu moins leur donner l’illusion d’un changement permanent,même si ce sont les mêmes objectifs notionnels, de savoir etde savoir-faire qui sont mis en œuvre tout au long del’année.Un de mes défauts principaux au début a été le recoursconstant au texte. Mes études universitaires m’ont, eneffet, inculqué une véritable culture du texte, et pluslargement de la chose écrite. Ainsi, malgré la diversité dessources que l’historien peut exploiter pour mieux connaîtrele passé, le document écrit reste extrêmement privilégié parl’institution universitaire. Ceci m’a d’ailleurs étéreproché, à juste titre, lors de la visite de JacquesTHIVILLIERS : je devais absolument varier les supportsdocumentaires utilisés en classe. Ceci pour deux raisonsprincipalement : - Conserver l’attention de mes élèves, et par voie deconséquence les intéresser.

- Leur donner l’impression de nouveauté, afin qu’ils nepensent pas qu’en histoire-géographie, l’on faitconstamment les mêmes choses.

Combattre l’ennui, c’est combattre la démotivation,puisqu’un élève qui ne s’intéresse plus au cours et un élèvequi perd sa motivation première à l’égard desapprentissages23.Certes, comme le stage sur la dynamisation et l’animation dela classe me l’a appris, la classe ne peut et ne doit pasdevenir pour autant une succursale de Las Vegas avecpaillettes et casino. Enseigner ce n’est pas amuser, loin delà. Cette vision serait trop réductrice. Toutefois, il faut apporter cette sensation denouveauté. Comment ?

Pour résoudre ce problème, je me suis détaché tout aulong de l’année du texte, afin de privilégier d’autressources et de travailler autrement.Ainsi, comme je l’explique dans mon analyse de leçon sur laMéditerranée au XIIème siècle24, sans cesse, les textes ontété croisés avec des documents de nature diverse :

- Iconographie

22 La motivation, Les cahiers pédagogiques, op. cit.23 A. LIEURY et F. FENOUILLET, op. cit.24 Voir analyse de leçon.

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- Photographie- Carte de la Méditerranée- Lecture d’Amin MAALOUF25 par l’enseignant, afin de

raconter l’Orient.

C’est une astuce pour attiser la curiosité si fugace desélèves que l’on en face de soi. Ces pratiques ont étéconstamment employées lors des différentes séquences, aussibien en géographie qu’en histoire. Je dois là reconnaîtreque ce travail était plus facile à faire, pour moi, engéographie, matière pour laquelle j’utilise d’instincts desdocuments multiples, que pour l’histoire. Par exemple, lors de la séquence sur les dynamiquesurbaines, j’ai proposé à mes élèves des photos aériennes devilles (Chicago, Londres26) sur laquelle figuraient desnuméros, non légendés, que j’avais placé, puis les planssimplifiés de ces mêmes villes avec une légende. Les élèvesdevaient alors retrouver à quel élément du tissu urbain lenuméro faisait référence. Cette méthode permettait detravailler le repérage spatial, ce que l’on fait toujours engéographie, de confronter deux types de documents différentsafin d’en tirer les informations nécessaires, ce quiimpliquait donc également un travail de tri, dont lamaîtrise est très utile pour la réalisation des synthèses.En ce qui concerne les savoirs, les élèves apprenaient ainsià différencier divers types d’espaces urbains (ville nordaméricaine, ville européenne…) par une autre voie que celledu cours traditionnel. Cette façon de procéder les motive,car elle les éloigne de leurs habitudes. Toutefois, je nesais pas combien de temps cette activité peut garderl’attrait de la nouveauté pour eux. Il est évident que sicette méthode est répétée trop souvent, la motivationintrinsèque liée à la curiosité naturelle pour la nouveautédisparaît chez la plupart d’entre eux. Une autre voie seraexplorée en avril, celle des T.I.C.E.27, mais ne l’ayant pasexpérimentée, je ne peux en parler davantage dans le cadrede ce mémoire.

En histoire, je me suis particulièrement intéressé à laséquence sur les débuts de la révolution. Comment exploiterl’enthousiasme des élèves pour cette période ? Commentéviter l’effet soufflé28 ?C’est un chapitre qui, à l’instar de celui sur l’humanismeet la Renaissance, autorise une utilisation privilégiée del’image sous toutes ces formes.En conséquence, au lieu de se pencher longuement sur destextes d’un abord parfois difficile, l’étude d’une gravure, 25 A. MAALOUF, Les croisades vues par les Arabes, J’ai lu, Paris, 1985.26 Voir annexe 2 p.40.27 Voir le manuel de géographie de seconde, éditions Belin, p. 198 à 199.28 P. BOUCHARD, Innovation à l’école, de la maternelle au lycée, Autrement, Paris, 2001.

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d’un dessin pouvait permettre de dégager autant de choses, àcondition, bien évidemment, que les connaissances des élèves(prérequis, culture personnelle…) ne soient pas totalementincohérentes et confuses. Seule la pratique au quotidien devotre classe peut vous renseigner à ce sujet. Ainsi, au lieud’une étude rébarbative des cahiers de doléances, je leur aifait étudier une caricature de 178929 représentant un paysan(le tiers état) portant sur son dos un noble et unecclésiastique. C’est seulement après ce travail, quequelques extraits des cahiers de doléances ont été mis enrelation avec cette gravure.De même, afin de poursuivre l’apprentissage de l’étudecomparative de documents30, j’ai proposé aux élèves l’étuded’un article de journal révolutionnaire relatant la prise dela Bastille31. Cet extrait avait été rédigé pour encenser lepetit peuple de Paris et mettre en exergue son courageextraordinaire, « face à un danger redoutable ». Cetévènement était ainsi déjà façonné par les hommes del’époque à des fins politiques. Puis je leur ai demandé decomparer cette description à la scène de la prise de cetteforteresse dans le film « Les années Lumières », qui, elle,est tout à fait remarquable d’un point de vue historique.Les élèves ont alors pu réaliser que la Bastille ne fut pasprise à l’issue d’une longue bataille, mais que l’importancede cet évènement tenait essentiellement à son caractèresymbolique, d’ailleurs largement exploité par lesrévolutionnaires, comme l’illustrait l’extrait de journal.La comparaison entre un texte et un extrait de film estalors un exercice nouveau pour eux. Par ailleurs, c’estaussi un excellent moyen de désacraliser l’écrit, notammenten leur montrant que l’article n’est qu’un texte depropagande, alors qu’habituellement l’on fait le travailinverse. C’est également l’occasion de les mettre en gardesur la manière d’écrire l’histoire et de réfléchir aucontenu de leur programme d’histoire et de géographie. Cetexercice sur le développement de l’esprit critique, déjàabordé lors de la séquence sur la Méditerranée, se poursuitdonc ici. Mais, bien que l’enthousiasme des élèves pour cetype d’activité soit incontestable, malheureusement, fautede temps, un professeur ne peut l’utiliser trèsrégulièrement.

Voici donc les expériences pédagogiques tentées pourstimuler la motivation intrinsèque des élèves :l’implication par la nouveauté. Ceci est d’ailleurs trèsétroitement lié à l’implication par la découverte que nousallons étudier maintenant.

29 Voir annexe 3 p.41.30 Voir analyse de leçon.31 Voir manuel d’histoire, éditions Nathan 2001, document 3 p.177.

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2- Motiver par la découverte :

A première vue, celle-ci se confond avec l’implicationpar la nouveauté. En réalité, il n’en est rien.Ce que j’entends par cette formulation un peu absconse carlapidaire, c’est, tout simplement, l’exploitation de lacapacité, dont disposent tous les élèves, pour découvrir pareux-mêmes les savoirs qu’on souhaite leur inculquer, et lesrendre acteur de leurs apprentissages, ce qui est un moyensupplémentaire à la disposition de l’enseignant pour lesmotiver. En effet, s’il existe une chose qui peut anéantirla motivation intrinsèque de ces enfants, encore jeunes,c’est bien le cours magistral, sans interactions, où leprofesseur dispense ses connaissances à un public dont leseul rôle est d’écouter et de prendre des notes.À aucun moment, il n’est fait ici appel à la curiosité del’élève, à sa capacité à découvrir par lui-même et àconstruire ses propres connaissances. Dans ce type de cours,l’enseignement s’apparente à ce que les élèves nomment, demanière triviale, un « bourrage de crâne ».Ce n’est pas un problème facile à résoudre, d’autant plusque je n’ai pas réussi à trouver d’ouvrages pouvant répondreà mes interrogations. Pourtant, si l’on désire que nosapprentissages soient transmis de façon efficace au plusgrand nombre, il est essentiel que les élèves en soient lesacteurs principaux. Comme le disait Mao : « Donner unpoisson à un malheureux, il mangera bien un jour. Apprenezlui à pécher, il aura à manger pour toute sa vie ». Certesla référence est discutable, néanmoins elle a le mérite desoulever un problème important auquel l’enseignement doitabsolument répondre : Comment impliquer nos élèves dansl’élaboration de leurs savoirs ?

La réponse est peut-être plus aisée à apporter engéographie qu’en histoire.En effet, grâce aux études de cas majeures et mineures, lesélèves découvrent par eux-mêmes, à condition d’être guidéspar le professeur, les savoirs et les notions que l’on veutleur inculquer. L’enseignant intervient de manière plusdirigiste seulement dans la phase de généralisation, plusrapide, qui est l’occasion de clarifier certains points etde relativiser certains aspects de la question grâce à uneapproche plus globale du problème (la lecture multiscalaireest d’ailleurs encouragée par les instructions officielles). Tel fut le cas, par exemple, dans le chapitre sur« Nourrir les hommes ». Les élèves ont pu dégager les enjeux

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de cette question grâce à une étude de cas sur l’Inde32, quienvisageait tous les aspects du sujet. Ici, les élèvesconstruisaient leur savoir. Ainsi leur réflexion s’estorganisée autour de trois thèmes, traités chacun en uneheure33 :

- La situation démographique de l’Inde et le problèmealimentaire.

- La révolution verte, solution d’avenir.- Les limites de la Révolution verte (partie qui permet

de relativiser la précédente).

Á chaque fois, un ensemble de documents, que les élèvesavaient lu au préalable chez eux, leur permettait de dégagereux-mêmes un fil directeur, un aspect de la question. Puisleur réflexion s’enrichissait avec l’étude du second et dudernier thème. Par étape, ils parvinrent donc à élaborer unevision complexe de cette question. Évidemment, j’ai duintervenir pour clarifier certains éléments lors de la miseen commun, mais les élèves construisirent une démarcheintellectuelle personnelle.De même, lorsque j’ai abordé, dans le cadre du chapitre« L’eau entre abondance et rareté », le problème des zoneshydroconflictuelles, j’ai proposé aux élèves un travail surle cas du Proche-Orient, plus précisément sur la gestion desdeux grands fleuves de la région, le Tigre et l’Euphrate,par la Turquie34.Cet exercice leur permettait de découvrir par eux-mêmes lesenjeux géopolitiques liés à l’eau dans cette partie dumonde. Ainsi, cette méthode évite le cours magistral etincite l’élève à construire son savoir en observant le mondequi l’entoure, attitude qu’il doit conserver adulte s’ilveut être un citoyen actif, capable d’assumer pleinement seschoix, ce qui rejoint parfaitement les ambitions duprogramme d’éducation civique, juridique et sociale aulycée35.Tout ceci fonctionne un peu comme une chasse au trésor dontle but serait, non pas la découverte d’un coffre d’or, maisla connaissance.

En revanche, cette façon de procéder est beaucoup plusdélicate en histoire. Je n’ai pas du tout été convaincu parl’étude de cas dans cette matière. Pour l’avoir tentée surle chapitre traitant de la naissance et de la diffusion duchristianisme, je pense qu’elle ne peut être envisagéequ’avec une classe qui possède au préalable un bon niveau deculture générale, ce qui n’était pas le cas de mes élèves. 32 Voir annexe 4 p.42.33 Voir annexe 4 p.42.34 Voir annexe 5 p.43.35 Voir I.O.

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Comment alors les rendre découvreurs de leur savoir ? J’ai essayé une voie non conventionnelle lorsque j’aiabordé la séquence sur la Renaissance. Comment faire ensorte qu’ils réalisent, seuls, l’originalité de ce moment del’histoire dans le domaine des arts et éviter lesempiternel : « C’est beau ! C’est moche ! ». Justement, jesuis parti de ces remarques superficielles et je leur aidemandé de faire un travail préparatoire à la maison. Lesconsignes étaient simples :

- Choisissez deux œuvres (peintures, sculptures…), dansce chapitre, que vous aimez et deux que vous n’aimezpas.Expliquez-moi vos choix.

- Rédigez rapidement une biographie des artistes choisis.

Les résultats ont été à la hauteur de mes espérances. Eneffet, la plupart des élèves ont choisi des œuvresemblématiques de la Renaissance36 (la sélection préalableopérée dans leur manuel n’y est pas étrangère), et ont, sanss’en rendre compte le plus souvent, dégagé, dans leursjustifications, ce qui fait toute l’originalité de cettepériode au point de vue artistique (nouvelle place del’homme, souci du détail, perspective). Par la suite, je mesuis servi abondamment de leurs travaux lorsque j’ai traitéde l’esthétique nouvelle de la Renaissance, et certains ontretrouvé les éléments qu’ils avaient soulignés dans leursdevoirs.

Mais travailler sur la nouveauté, sur la découverte nerésout pas entièrement le problème. Si l’on veut quel’intérêt de l’enfant perdure au-delà des premières minutesdu cours, un aspect très important ne doit pas être négligé,celui du sens de notre enseignement.

3- L’implication par le sens :

« Donner un sens au monde, voilà le premier devoirde tout bon pédagogue et voilà ce que nous aident à faireles mathématiques37 », disait Pythagore à ces disciples.Ce vieil adage pythagoricien n’est pas exclusif, et peutparfaitement s’appliquer à d’autres domaines du savoir, enparticulier l’histoire et la géographie.

36 Voir annexe 6 p.44.37 D. GUEDJ, Le théorème du perroquet, Seuil, Paris, 1998.

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En effet, l’implication par la nouveauté et par ladécouverte ne peuvent conserver leur efficacité, si l’élèvene perçoit pas l’intérêt, le sens de ce qu’il apprend enclasse. Il est absolument primordial de faire comprendre àl’enfant que ce qu’il est en train de faire a une incidenceconcrète sur sa vie de citoyen, si ce n’est dans sa vie detous les jours. La pression de la demande sociale aujourd’hui surl’école est plus forte que jamais. Le souhait premier desparents est que le savoir soit dispensé dans un but d’abordutilitaire. L’idée d’une acquisition de la connaissance pourelle-même, par plaisir simple et gratuit, détachée de toutecontingence matérielle, est de plus en plus fortementrejetée par notre société.L’angoisse face au chômage, particulièrement sensible chezles enfants issus de milieux défavorisés, et les modèlesmatérialistes de réussite sociale qui leur sont présentés demanière insistante à la télévision, pousse cette générationà chercher obligatoirement une finalité matérielle, c’est-à-dire économique, à l’enseignement qu’on leur dispense.Certains ne perçoivent ainsi l’utilité du savoir qu’enfonction de leur plan de carrière ou à travers le prisme desnotes. Un jour, un de mes élèves, que je reprenais parcequ’il n’écoutait pas, m’a demandé : « A quoi ça va meservir ? De toute façon, je veux faire prof de sport ! ».Question qui m’a désarçonné. Je croyais, assez naïvement,que mes élèves avaient perçu l’intérêt de ce que nous étionsen train d’étudier. Or, apparemment, tel n’était pas le cas.Je commençais alors à comprendre la cause du manqued’enthousiasme dont faisait preuve cet élève.Effectivement, comment motiver quelqu’un à faire ou àapprendre quelque chose, si cela n’a aucun sens pour lui.

En conséquence, je me suis attaché par la suite àtoujours démarrer une séquence en demandant à mes élèvesquel intérêt cela pouvait avoir pour eux, et cela afinqu’ils sachent que ce savoir était porteur de sens.Pour ce faire, je les invite par mes questions ou mesremarques à faire le lien avec l’actualité.Par exemple, avant de me lancer dans le chapitre sur lanaissance et la diffusion du christianisme, je leur aidemandé de répondre à cette question simple : « D’aprèsvous, que reste t-il du christianisme aujourd’hui enFrance ? ».Les résultats ont été surprenants, pour ne pas direstupéfiants38. Les élèves, dans la très grande majorité descas, étaient incapables de me citer plus de deux élémentssatisfaisants. L’intérêt de cette démarche est double. Elleme permet, d’une part, de prendre conscience de leurs

38 Voir annexe 7 p.45.

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lacunes en matière religieuse, et surtout d’autre part, dem’apercevoir que pour eux l’étude du christianisme n’a aucunsens. Pourquoi se pencher sur cette religion, alors que pluspersonne ne va à l’église ?Je leur ai montré alors ce que notre société conservait duchristianisme. Notamment au travers d’un module sur la viede Jésus39, l’occasion s’est présentée de faire un parallèleentre certains épisodes de sa vie et les vacances dont ilsprofitaient (Pâques…). Ainsi, j’ai tenté de leur montrerqu’étudier cette religion, c’était s’intéresser auxfondements de la société dans laquelle ils vivent.

Les effets positifs de cette expérience m’ont incité àpersévérer dans cette voie. Pour la séquence suivante sur laMéditerranée au XIIème siècle, j’ai construit l’ensemble demon cours autour d’un fil directeur lié à l’actualité, plusspécifiquement aux problèmes au Proche-Orient40. Á l’issued’une discussion introductive avec mes élèves, il a étédécidé de poser l’idée suivante : La Méditerranée, espace deruptures, espace de contacts.Tout au long de cette séquence, des liens constants ont étéfaits avec le monde d’aujourd’hui. Les élèves ont ainsi puse rendre compte que se pencher sur la Méditerranée auXIIème siècle, c’est essayer de comprendre la complexité dumonde du XXIème siècle, puisque :

- c’est comprendre les bases historiques du problème dustatut de Jérusalem

- c’est penser les rapports entre les trois monothéismes- c’est s’interroger sur le terrorisme

Faire comprendre cela aux enfants, c’est éveiller leurintérêt, et donc les motiver pour l’étude de cette question.

Le même travail doit être réalisé en géographie. Certes,c’est une science qui, au lycée, s’inscrit dans le présent,mais cela ne lui confère pas d’emblée du sens. Pour un élèvede seconde, l’intérêt d’étudier le problème de lanourriture, des dynamiques urbaines, n’est pas toujours trèsclair. A nous de leur rappeler que nous vivons dans un« global village », dans un système complexe d’interactionspermanentes, et qu’un problème qui se pose à un bout de laplanète aura des répercussions sur notre quotidien, autravers de l’immigration par exemple, ou des retombéesécologiques. Généralement, les élèves le perçoivent mieuxqu’en histoire, et acquièrent rapidement une vision mondialedes sujets.

39 Voir le manuel d’histoire Nathan (2001), p.48-49.40 Voir analyse de leçon.

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Toutefois, ceci n’est pas suffisant pour faire d’euxdes citoyens du monde, pensant et agissant, capable de semotiver pour une cause. C’est pour cette raison qu’avec leprofesseur principal de ma classe, Maria-Dolorès PALLARESqui enseigne l’espagnol, nous avons décidé de monter unprojet humanitaire pour aider l’Argentine.

4- L’implication par l’action :

Les instructions officielles mettent en avant l’idée de faire de nos élèves des citoyens du monde. Objectifambitieux qu’il n’est pas toujours aisé de réaliser.Or, cette année, une opportunité nous a été offerte demettre en œuvre un tel projet. Le lycée dans lequel j’exerceaccueille chaque année plusieurs assistants étrangers. En2002-2003, un Allemand, deux Américains et une Argentine ontainsi exercé à Liégeard.L’assistante argentine, Victoria, a abordé au mois denovembre, avec les élèves de la classe de seconde dont jesuis le professeur d’histoire-géographie, la situation trèsdifficile que connaît son pays depuis le début de la criseéconomique en décembre 2001. Les élèves se sont montrésparticulièrement attentifs et intéressés par le sujet. Ilsn’ont pas hésité à poser, à Mme PALLARES et à moi-même,toute une série de questions, auxquelles ils nous étaientimpossible de répondre. Nous avons alors décidé de nousdocumenter et nous avons découvert la gravité de lasituation : pénuries de nourriture, enfants mourant defaim41…Nous avons également interrogé Victoria sur la viequotidienne des Argentins. Là, elle nous a appris que saville natale, TUCUMAN, située au nord du pays, étaitparticulièrement touchée, puis nous a ramené des articlesextraits de la presse locale.Après avoir fait le point sur la situation, Mme PALLARES aeu l’idée de profiter de la motivation de la classe pourélaborer un projet d’aide humanitaire impliquant directementnos élèves, mais également toutes les autres bonnes volontésde l’établissement.C’est de cette manière que le projet TUCUMAN a vu le jour.La première étape a consisté à répondre aux interrogationsdes élèves. Leur professeur d’économie leur a, par exemple,expliqué les mécanismes d’une crise économique, puis s’estattardée plus spécifiquement sur celle que connaîtl’Argentine. En espagnol, ils ont lu des articles de

41 Voir annexe 8 p.46.

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quotidiens hispanophones traitant du sujet. Quant à moi,j’ai dans le cadre de deux heures réservées habituellementau soutien, fait un rapide résumé de l’histoire de ce pays.Mais, j’ai pu également de nouveau parler de ce problème encours, dans le cadre de la séquence sur l’eau. En effet, ladernière partie intitulée : « l’eau, une ressource àpréserver », m’a permis de travailler sur le cas argentin42.Avec les élèves, nous avons fait un point sur ladistribution d’eau potable dans le grand Buenos Aires avantla crise. Nous nous sommes aperçus alors, que la situationsanitaire d’une grande partie de la population des « villasmiserias » (bidonvilles argentins) était en train des’améliorer, et que de grands projets d’assainissement deseaux étaient mis en œuvre.Puis, nous avons essayé de voir ce qu’il en était depuisdécembre 2001. Là, nous nous sommes rendus compte que lesefforts réalisés jusqu’ici avaient été anéantis, et que lesgrands projets, notamment ceux de la Lyonnaise des Eaux,avaient été abandonnés, car ils n’apparaissaient plus commerentable, l’Argentine étant devenue insolvable.Les élèves furent encore plus déterminés dans leur action.Ainsi, pour récolter de l’argent destiné à la croix rouge,ils mirent en vente à l’approche des fêtes de fin d’annéeplusieurs centaines de cartes postales. Cette opérationrapporta près de six cents euros de bénéfices nets43. Cegeste a d’ailleurs été salué par la presse de TUCUMAN.L’action se poursuit encore et le dynamisme des élèves n’estpas retombé, ce qui montre bien qu’ils peuvent s’investiravec toute leur énergie dans l’école, quand ils sontmotivés.Trois actions sont encore prévues :

- La visite de la mère de Victoria, professeurd’université, qui fera une conférence sur le quotidienen Argentine depuis la crise.

- La vente de petites poupées porte-bonheur fabriquées auGuatemala selon les normes du commerce équitable.

- La réalisation d’affiches par les élèves pour mobiliserencore plus de monde.

En ce qui concerne le cours d’histoire-géographie, MmePALLARES a enregistré un reportage sur le sujet, et m’aconfié la cassette, dont je vais exploiter le contenu enavril, dans le cadre d’un module, quand je traiterai de laséquence sur « les sociétés face aux risques ».Grâce à la possibilité d’action qui leur a été offerte44, lesélèves ont compris deux choses essentielles. La première est

42 Voir annexe 8 p.46.43 Voir annexe 8 p.46.44 Voir motivation extrinsèque, première partie du mémoire.

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qu’ils ont le pouvoir de changer le monde dans lequel ilsvivent, ce qui est une invitation à l’action. La deuxièmeest qu’ils ne sont pas simplement des Français, ou desEuropéens, mais « les citoyens d’un monde aux dimensionsdésormais humaines». Ce qui se passe ailleurs les concerneaussi.

TROISIÉME PARTIE :

RÉUSSITES ET ÉCHECS, ANALYSE D’UNE PRATIQUE.

Il est absolument nécessaire qu’un professeurs’interroge sur sa pratique et qu’il réponde pour ce faire àquatre questions différentes45 :

- Pourquoi cela a-t-il fonctionné ?- Pourquoi cela a-t-il échoué ?- Pourquoi cela a-t-il marché avec certains et pas avec

les autres ?- Comment dois-je faire pour éviter de nouveau ces

problèmes ?

Ainsi, après avoir décidé de mettre en œuvre desstratégies pédagogiques pour lutter contre la démotivation,je les ai bien évidemment appliquées dans mes cours. Cecim’a permis de m’apercevoir que ce que j’avais prévu, ne seproduisait pas toujours. A de nombreuses reprises, j’ai doncété désagréablement surpris. Mais heureusement pour monmoral, le décalage par rapport à mes attentes s’est avéréaussi, certaines fois, particulièrement positif.Je me suis donc attaché à comprendre mes échecs et messuccès, et cela dans l’optique de motiver plus efficacementmes élèves et de m’améliorer dans la conduite de ma classe.

45 La motivation, Les cahiers pédagogiques, op.cit.

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Ainsi, dans la partie qui suit, j’analyserai lesdifférents aspects des méthodes utilisées, les échecs et lesréussites qu’elles m’ont fait connaître, et j’essaierai,dans la mesure du possible, d’apporter des réponses auxproblèmes posés.

1- Les limites de l’implication par la nouveauté :

a) Certes, des réussites…:

La recherche constante de la nouveauté est-elle unesolution à long terme ?Comme nous le savons tous, les élèves, particulièrement ceuxde collège, réagissent très positivement à la nouveauté.Les tâches leur apparaissent très rapidement répétitives.Ainsi, comme je l’ai expliqué précédemment, j’ai utilisécette façon de procéder dans les diverses séquences, aussibien en histoire qu’en géographie.

Pour reprendre l’exemple de la séquence intitulée : « Dynamiques urbaines et environnement urbain », le travailde localisation, de repérage et d’identification des espacesnumérotés a été source de motivation pour les élèves. Pursproduits de la civilisation de l’image, ces derniers ontressenti le cours sur la structure des espaces urbains demanière ludique. Une élève, Chloé P., m’a alors dit lorsqueje circulais dans les rangs pour les aider et vérifier laqualité du travail : « C’est bien la première fois que jem’intéresse autant à la géo ! ». Phrase à double tranchant.D’un côté, elle indique que cette méthode a bien fonctionnéavec ma classe, ce qui n’aurait peut-être pas été le casailleurs, mais elle souligne également le fait qued’ordinaire l’ennui est de mise en géographie pour elle, cequi n’est pas très réjouissant pour le professeur que jesuis. Toutefois, pour cette séance la classe a fait preuved’une motivation soutenue, ce qui a rendu les conditions detravail encore plus agréable que d’habitude. Certainsélèves, pas uniquement les plus brillants, ont même parfoisdevancé mes espérances, en faisant d’eux-mêmes desparallèles avec l’apparence des villes européennes,notamment DIJON, qui leur est plus familière. Comment expliquer cette réussite ? Il est difficile derépondre à cette question. A mon humble avis, deux facteurssont à prendre en compte ici :

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- Le travail a été réalisé à partir d’images et non detextes. Détail qui n’est pas à négliger, surtoutlorsque l’on sait à quel point la maîtrise du françaisà l’oral comme à l’écrit leur pose problème.

- Le sujet traité n’est pas entièrement neuf pour eux.Ils ont déjà eu l’occasion dans leur scolarité(collège), de se pencher sur cette question et sontcapables de réutiliser, à plus ou moins bon escient,les connaissances acquises alors (centre ville,C.B.D.…).

Tous ces éléments extérieurs ont ainsi renforcé l’attraitde la nouveauté dont était porteur cet exercice.

En histoire également cette stratégie a parfois bienfonctionné. Encore une fois, l’image a été de nouveausollicitée. On pourrait alors me reprocher d’utiliser lesmêmes astuces qu’en géographie. Mais en fait, il n’en estrien, car les documents exploités et la manière de lesaborder étaient complètement différents. IL s’agissait d’unecaricature et d’un extrait du film « Les années Lumières »46.En ce qui concerne la caricature, son utilisation estintervenue dans la séquence sur « La crise de l’AncienRégime », dans la dernière leçon consacrée à la montée descontestations dans les années 1780.Les élèves avaient une photocopie de cette gravure et unquestionnaire à leur disposition47. Le document étaitrétroprojeté sur un fond blanc, afin qu’ils puisent voir lesdétails, ils avaient également l’autorisation de se déplacerpour l’observer de plus près. Les réponses aux questionsdevaient être écrites au tableau par les élèves au fur et àmesure. Encore une fois, la motivation a été forte. Ceci nes’explique pas à mon avis par la seule apparence denouveauté de l’exercice, mais par l’originalité desconsignes de travail et à la possibilité de se déplacer dansun cours d’histoire-géographie. Ceci fut possible dans maclasse, car il n’y a aucun problème de discipline.De même lors de la leçon intitulée, « 1789, année 0 », j’aieu recours à une vidéo. Après avoir analyser un article dejournal révolutionnaire relatant la prise de la Bastille48,les élèves étaient confrontés à un extrait de film,irréprochable sur le plan historique. Pour une fois on leurmontrait qu’un texte pouvait falsifier la vérité et qu’uneimage, elle, pouvait exprimer la réalité des évènements,démarche intellectuelle qu’ils ont plutôt l’habitude defaire dans l’autre sens. Le succès de cette séance tientsans nul doute à l’utilisation de la vidéo et au fait quec’était la première fois que je l’utilisais en cours.

46 Voir annexes 3 p.41.47 Voir annexe 3 p.41.48 Voir manuel d’histoire Nathan (2001), p.177.

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Toutefois, cette méthode a ses limites.

b) … mais des limites certaines :

Il est bien évident que cette stratégie ne résout pastous les problèmes. Elle a ses limites.La première d’entre-elles est intrinsèque au concept même denouveauté. En effet, celui-ci se définit de la façonsuivante : « Est nouveau, ce qui existe, ce qui est apparudepuis peu49 ».En conséquence, dès qu’un objet, une méthode est utilisé unefois, pour les élèves, le caractère de nouveauté disparaîtet avec lui toutes les attentes du professeur. Or,l’enseignant ne peut renouveler sans cesse toute sapédagogie, ses manières d’aborder un sujet. Il ne peut pascompter constamment sur l’effet nouveauté pour stimuler lamotivation intrinsèque de ces élèves. Deux raisons à cela : - Un enseignant qui dispense dix-huit heures de coursdépense beaucoup d’énergie pour exercer convenablement sonmétier. Faute de temps, il ne peut pas toujours changer sesapproches d’une leçon sur l’autre. - Le professeur est chargé de faire passer des savoirs,mais aussi des savoir-faire, que les élèves doiventmaîtriser à la fin de l’année. Cela suppose la répétitionrégulière d’exercices plus ou moins semblables. L’élève peutavoir l’impression de refaire à chaque fois la même chose(ex : présentation de documents …), mais en réalité ilprogresse dans la maîtrise d’un savoir-faire. Il est commeun musicien qui répète continuellement ses gammes, afin depouvoir jouer parfaitement les morceaux qu’on lui propose.

Cette méthode de l’implication par la nouveauté ne peut doncêtre efficace que sur la courte durée, ce dont j’ai faitl’expérience.En effet, voyant que la séance sur Chicago et Londress’était très bien déroulée, j’ai décidé d’approfondir lethème des structures urbaines en appliquant la même méthodeà l’étude de Shanghai50. Cette fois, les élèves se sontmontrés nettement moins enthousiastes que la première fois,et Julien C., m’a même dit : « Mais monsieur ! On l’a déjàfait hier ! ». Cette remarque est tout à fait révélatrice del’état d’esprit de la plupart des élèves de la classe à cemoment là. Ce qui avait si bien fonctionné la veille, ne lesintéressait plus. Attitude typique de la génération

49 F. RAYNAL et A. RIEUNIER, op. cit.50 Voir annexe 2 p.40.

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« zapping », qui a l’impression de perdre son temps dèsqu’elle met en œuvre les mêmes techniques.Voilà la limite principale de cette méthode, mais ce n’estpas la seule.

Si l’on veut « faire appel à l’effet nouveauté51 », ilne suffit pas d’élaborer une approche différente, innovantepour que cela marche. Il est absolument nécessaire que lesprérequis des élèves soient solides, sinon la machine nepourra être lancée efficacement.Il en fut ainsi lors de la séquence sur la Méditerranée auXIIème siècle, et plus spécifiquement dans le cadre de laleçon sur la chrétienté latine et la chrétienté orthodoxe.Je voulais construire mon cours principalement autour desenluminures52 et des représentations du pouvoir : l’unereprésentait une scène d’hommage, l’autre l’empereur deConstantinople assis au côté du patriarche de la cité.Les élèves, guidés par mes questions, devaient dégager lesgrands traits caractéristiques de ces deux civilisations. Jeme suis fourvoyé. En réalité, leurs souvenirs concernant lasociété médiévale, qu’ils ont pourtant étudiée au collège,étaient flous, doux euphémisme. Quant à leurs connaissancesde l’empire byzantin, elles étaient quasiment inexistantes,puisque les trois quarts de la classe étaient incapables deme dire quelle religion était pratiquée dans cette partie dumonde au XIIème siècle. Ainsi, le travail sur lesenluminures était impossible à cause de leur absence deconnaissances sur le sujet. Heureusement, j’avais prévu, aucas où, de leur distribuer certains textes afin qu’ils nesoient pas complètement perdus. Mais, faute d’avoir vérifierau préalable leurs connaissances sur ce thème, la stratégiede la nouveauté que j’avais élaborée est complètement tombéeà l’eau, ce qui m’a contraint à revenir à un cours plustraditionnel, dans lequel le questionnement des textesconstitue la base de la leçon.

A elle seule, cette méthode ne permet pas de motiverdurablement les élèves. Elle doit être mise en œuvre aveccelles vues précédemment, mais elles aussi ont leurslimites.

2) L’implication par la découverte, source constante demotivation ?

51 P. BOUCHARD, op.cit.52 Voir le manuel Nathan (2001), p.77 et p.80.

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a) Des réussites indiscutables … :

Lors de la séquence sur l’humanisme et la Renaissance,j’ai tenté un pari risqué : Faire en sorte que mes élèvesdécouvrent par eux-mêmes toute l’originalité de cettepériode du point de vue artistique. En quoi la Renaissanceest-elle un tournant dans l’histoire de nos sociétésoccidentales ?Question à laquelle il difficile de répondre quand vosconnaissances sur la période sont quasi inexistantes, commec’est le cas pour une bonne partie des élèves. Ainsi je leur ai donné, avant d’aborder ce chapitre, unpetit travail à faire53.Comme je l’ai signalé rapidement auparavant, les résultatsont dépassés mes attentes. Le devoir a été fait avecénormément de sérieux par les élèves à une exception près.La moitié des travaux représentait une copie double environ,alors qu’aucune consigne n’avait été donnée quant à lalongueur de ces derniers. Ceci est déjà une preuve del’intérêt des élèves pour cette activité, d’ailleursnouvelle pour eux. Pour la première fois, on leur demandaitd’exprimer leurs sentiments, leur subjectivité sur desoeuvres d’art, sans les lancer d’emblée au travers de textesou de représentations parfois déroutantes, dans l’étude dece moment si particulier dans l’histoire de l’art dessociétés occidentales.Mais le plus intéressant fut sans conteste les choixartistiques des élèves et leurs justifications. Dans lacatégorie des œuvres appréciées, j’ai pu retrouver lesgrandes réalisations emblématiques de la période, dont voiciquelques exemples :

- L’école d’Athènes, par Raphaël.- La création de l’homme, par Michel-Ange (panneau du

plafond de la chapelle Sixtine).- Le triomphe du Printemps, par Botticelli.- La Vierge à la chaise, par Raphaël.

Certes, ces choix ont été guidés plus ou moins par leurmanuel, qui est le résultat d’un travail de sélectionpréalable. Néanmoins, ils permettent de voir que l’œil desélèves est celui de jeunes du XXème siècle, c’est-à-direéduquer à l’esthétique moderne, ce qui ne doit pas être iciconfondu avec l’esthétique artistique contemporaine.Les élèves ont été sensibles aux œuvres qui leur étaient lesplus proches, les plus familières, ce qui n’est pas trèssurprenant. Peu d’entre eux ont en effet l’habitude d’allerdans des musées et de contempler des réalisations répondant

53 Voir annexe 6 p.44.

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à d’autres normes que celles qu’ils connaissent. Autreélément particulièrement intéressant dévoilé par cetravail : la vision originale des élèves musulmans. Jen’avais pas du tout pensé à cela, mais il est vrai que nousaccueillons dans nos classes des élèves issus del’immigration maghrébine, voire immigrés eux-mêmes, quibaignent, certes dans la culture française, mais égalementdans celle de leurs parents. Or, la civilisation arabo-islamique n’a pas du tout le même rapport à l’image que lanôtre, et n’applique pas les mêmes critères que nous pourjuger de la qualité esthétique d’une œuvre.Ainsi, j’ai été surpris par certaines remarques, notamment àpropos de La création de l’homme, par Michel-Ange :

« Je n’aime pas la façon dont le peintre a représenté lacréation de l’homme et comment il a représenté Allah (Dieu).Je nesais pas comment le peintre peut dessiner le visage d’Allah (Dieu)alors qu’aucun mortel n’a pu le voir54 ».

En quatre lignes, cet élève, né au Maroc, révèle toute laforce de sa culture d’origine. Il réfute l’idée que l’onpuisse représenter Dieu, et encore plus Dieu sous des traitssi humains et dans une telle proximité avec sa création, cequi constitue pourtant l’essence même de cette œuvre,emblématique de la Renaissance. A contrario, les élèves deculture française ont, eux, utilisés les mêmes arguments,mais dans le but inverse, c’est-à-dire pour dire qu’ilsappréciaient le travail de Michel-ange, comme l’illustreparfaitement le devoir d’une élève, Sarah P. :

« J’aime beaucoup ce panneau (…). Dieu est réalisé avec une tellesimplicité ! On dirait un être humain comme nous sans artifices(…). C’est la simplicité de cette œuvre qui fait toute sabeauté55. »

Il était amusant de voir les différences de perception dubeau chez les élèves, et la manière dont les originesculturelles jouaient sur celle-ci, ce à quoi je n’avais pasdu tout pensé.

Par ailleurs, dans leurs justifications, les élèvesmettaient en avant, sans s’en rendre compte, toutes lesinnovations artistiques de la Renaissance : nouvelle placede l’homme, nouvelle vision de Dieu, nouvelles techniques(perspective, utilisation de la géométrie …), attentionportée aux détails, etc …

54 Voir annexe 6 p.44.55 Voir annexe 6 p.44.

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Ainsi, dans sa copie, Perrine G.56, justifie son choix dutriptyque du Jardin des délices de Jérôme BOSCH de manièrepertinente :

« J’aime ce tableau car il me semble « vivant » : les personnagesme donnent l’impression d’être animés (un d’entre eux monte surune échelle au premier plan, un autre saute dans un feu audeuxième plan …). Le fond noir fait ressortir des objets qui meparaissent incohérent (…) les objets ne sont pas définis (…).L’originalité et l’imagination du peintre sont lescaractéristiques que j’aime le plus dans ce tableau. »

De même, Soufiane N.57 relève l’héritage culturel auquel laRenaissance s’abreuve lorsqu’il explique pourquoi il estsensible au tableau de Raphaël, « L’école d’Athènes » :

« (…) elle représente clairement l’humanisme et la Renaissanceavec tout les personnages clés, Platon (…) Aristote etc… »

Même quand il s’agissait de justifier leur rejet d’uneœuvre, ils soulignaient certains aspects typiques de laRenaissance. Tel est le cas d’Angéligue B.58 :

« Cette toile est très sombre, même s’il y a un réel travailminutieux du peintre qui a réalisé de jolies nuances (…) Le visagede Charles Quint est impassible, aucune expression, aucuneémotion, il semble mort. »

Ainsi, ce devoir a été pris beaucoup plus au sérieux que jene m’y attendais par l’ensemble de la classe. Les élèves,indépendamment de leur niveau scolaire, ont su dégager dansleurs explications les fondements de l’esthétique nouvellede la Renaissance.Mais encore fallait-il qu’ils en soient conscients.

b) … mais inconscientes :

La grande majorité des élèves n’ont pas réalisé laportée de leurs travaux. Pour eux, ce devoir étaitintéressant, tout simplement parce que je leur demandaisjuste, en apparence, d’exprimer leurs goûts sur des œuvresde la fin du XVIème siècle, sans faire appel à desconnaissances historiques, toujours fastidieuses à maîtriserpour eux.Ceci présente certes un avantage, celui de stimuler leurenthousiasme. Toutefois, je désirais non seulement qu’ils

56 Voir annexe 6 p.44.57 Voir annexe 6 p.44.58 Voir annexe 6 p.44.

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dégagent les grandes caractéristiques de la Renaissance,mais aussi qu’ils en prennent conscience. Or, en ce quiconcerne ce point, je fus plutôt déçu. En effet, afind’exploiter ces travaux, j’avais prévu une leçon sur lanouvelle esthétique de la Renaissance. Cette séance s’estdéroulée autour de l’étude d’une comparaison de tableaux59

traitant du même sujet, mais d’époques différentes. Lesélèves avaient un questionnaire à leurs dispositions etj’espérais qu’ils se serviraient naturellement de leursdevoirs pour répondre et ainsi s’apercevoir qu’ils avaientdéjà dégagés tous ces éléments.Malheureusement, à part chez certains des très bons élèves,ce ne fut pas le cas. Dans leur immense majorité, Ils nefurent pas vraiment capables de faire le lien avec ce qu’ilsvenaient de faire à la maison, et c’est moi qui ait du lestirer pour qu’ils prennent conscience de l’intérêt de leursdevoirs pour le cours que nous étions en train de réaliser.J’ai alors construit sans cesse des passerelles entre laleçon et leurs travaux, et leur ait expliqué le lien avecl’humanisme. Ils avaient déjà découvert ce que je leurdemandais, mais ne le savaient pas, comme dans la parabolehassidique du pauvre qui meurt de faim, alors qu’il estassis sur un trésor60.D’ailleurs, ce problème se retrouve parfaitement dans lacourte évaluation réalisée juste après la comparaison desdeux œuvres. Ils devaient confronter une œuvre de Cimabue etune œuvre de Raphaël. La dernière question, la plusintéressante, les obligeait à mettre en relation ces diverséléments vus en cours. Ils ont été capables de bien comparerles deux œuvres, de voir leurs spécificités, mais les liensavec ce qui avait été étudié précédemment étaient exprimésde manière confuse.Deux exemples de copies d’élèves, aux résultatssatisfaisants habituellement, suffisent à illustrer mespropos61. Celles-ci ne sont pas parvenues à établir des liensclairs entre leurs travaux, ce qui avait été vu en cours etl’interrogation qui demandait, peu ou proue, de reprendreles mêmes éléments.Ce travail les a motivés, et pourtant l’évaluation a déçumes attentes. Comment l’expliquer ?J’estime après coup que je n’aurais peut-être pas du leslancer, sans connaissances, sur le devoir à faire à lamaison. Ainsi, j’aurais pu leur demander de souligner ce quidans leurs justifications relevait des apports de laRenaissance. Question simple, qui aurait certainement permisaux élèves de mieux faire le lien avec la leçon consacrée àcette nouvelle esthétique. Je ne me suis pas assez mis au

59 Voir annexe 6 p.44.60 B. WERBER, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, Albin Michel, Paris, 2000.61 Voir annexe 6 p.44.

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niveau de mes élèves, ce qui fut à l’origine d’un décalageentre mes exigences et leurs capacités. Cette erreurd’appréciation est d’autant plus regrettable, que ce travailde découverte a véritablement suscité leur enthousiasme.

Heureusement, d’autres stratégies sont venues suppléerà ces manques.

3) Le sens et l’action, les plus grands moteurs de lamotivation ?

a) « I did it, because i knew why I did it 62 » :

Voilà ce que répondait Churchill lorsqu’on luidemandait pourquoi il avait engagé son pays dans unerésistance aussi acharnée en 1940, alors qu’il était isoléen Europe.Il connaissait le sens de son combat.

Nos élèves sont souvent dans la situation inverse. Ceci estparticulièrement sensible en histoire, beaucoup plus qu’engéographie, discipline qui s’inscrit dans le mondecontemporain dans les programmes de collège et de lycée. Ilsne savent pas vraiment ce qu’ils font en classe, et neperçoivent pas l’utilité des savoirs enseignés pour leur viefuture.C’est une chose que l’on ne peut pas leur reprocher. Commentun adolescent de quinze-seize ans peut-il d’emblée sentir ceque va lui apporter, par exemple, l’étude du statut decitoyen à Athènes au Vème siècle av.J.C. ?Si le professeur ne le lui explique pas, l’élève ne peut ledeviner seul, faute de connaissances et d’une certainematurité intellectuelle.Mon souci premier a donc toujours été de donner du sens àmes cours afin d’attiser leur curiosité et de les motiver.Ainsi, lors d’une leçon sur intitulée « Le régime politiqueathénien, une démocratie ? », l’étude d’un extrait dediscours de Périclès63 m’a permis d’entamer une réflexion surla démagogie de l’orateur, qui s’est ensuite élargie grâce àun parallèle avec notre démocratie. Les élèves pouvaientalors se rendre compte que travailler sur la démocratieathénienne du Vème siècle permettait également des’interroger sur nos sociétés modernes. Ils étaient

62 W. CHURCHILL, Mémoires de guerre, Grasset, Paris, 1982 ( 3ème éd.).63 Voir le manuel d’histoire Nathan, p.19.

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d’ailleurs invités à réutiliser cette notion dansl’évaluation sommative qui a eu lieu à la fin de laséquence64, ce qu’ils ont très bien fait dans l’ensemble.De même, avant de débuter le chapitre sur le christianisme,qui généralement ne transporte pas nos élèves de joie, jeleur ai demandé ce qu’il restait aujourd’hui de cettereligion dans notre société. Dans 70% des cas65, la réponsepeut se résumer par quatre lettres : RIEN.Peu avaient conscience d’être les héritiers d’unecivilisation judéo-chrétienne et de baigner encore danscette culture, tellement leurs lacunes dans ce domaineétaient énormes.Ainsi, le cours d’introduction a été l’occasion de rappelercet héritage : églises, fêtes religieuses correspondant àdes vacances scolaires, calendrier … Les élèves ont alorssaisi l’intérêt de la question. Pourtant, il serait naïf decroire que cela suffise à les motiver durablement sur unsujet qui ne leur semble pas d’actualité.Puisqu’ils necroient pas en Dieu, pourquoi s’intéresser encore à cethéritage ? Dans ces conditions, la motivation par le senss’essouffle vite.En revanche, lorsque le chapitre peut être lié à un sujetbrûlant d’actualité, l’enthousiasme des élèves perdure.C’est ce que j’ai pu constater lors de la séquence sur laMéditerranée au XIIème siècle. Comme je le montre dansl’analyse de leçon66, ce thème a été construit autour de laquestion des contacts et des ruptures, suite à une réflexionsur la situation au Proche-Orient et au conflit israélo-palestinien. Ce fil directeur particulier a permisd’éveiller l’intérêt de la classe de manière durable. Maiscela n’est pas possible avec tous les chapitres proposés enseconde.Par exemple, il est délicat de procéder ainsi pour« Humanisme et Renaissance ». Comment montrer que durantcette période se construit l’homme moderne ? Problèmed’autant plus difficile à résoudre qu’il ne se pose pas àtous de la même façon. Prenons le cas des élèves d’originenon européenne. En quoi sont-ils héritiers, même s’ilsvivent en France, de cette pensée occidentale ?Donner du sens est un excellent moyen de motiver sa classe.Mais deux problèmes se sont donc posés à l’enseignant que jesuis :

- Il est délicat de le mettre en œuvre dans toutes lesséquences.

- L’hétérogénéité des classes. Effectivement, pour quecette stratégie soit efficace, elle doit toucher

64 Voir annexe 9 p.47.65 Voir annexe 7p.45.66 Voir analyse de leçon.

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l’ensemble des élèves. Or, la diversité socioculturellede nos élèves est un obstacle à la mise en place decette méthode. Donner du sens n’implique pas les mêmeschoses suivant le profil de sa classe, puisque tous neréagiront pas de la même façon.

Il est donc nécessaire parfois de renforcer les effetspositifs de cette méthode. C’est dans cette optiqueparticulière que j’ai inséré le projet d’aide humanitairepour l’Argentine. Les instructions officielles insistent surl’idée que le programme de géographie doit favoriser lanaissance d’une citoyenneté du monde. Le sens de cetenseignement est donc clair. Pour le rendre concret auxélèves, l’implication dans le projet TUCUMAN a été uneaubaine formidable que je ne pouvais manquer.Sans l’aide et l’expérience précieuse de Mme PALLARES,celui-ci n’aurait certainement pas vu le jour ou n’auraitpas connu un tel succès auprès des élèves. Ceux-ci ont pu sesentir citoyen du monde, car ils participaient à uneopération qui les reliait directement aux problèmes vécuspar un pays situés sur un autre continent. Ils sont devenusacteurs de leur environnement et non plus simplesspectateurs. Tout ceci a donné une résonance singulière auxcours de géographie, dans lesquels on invite les élèves às’inscrire pleinement dans ce « global village ».De plus, cela a motivé mêmes ceux qui d’habitude sont assezrécalcitrants vis-à-vis des activités scolaires. Chacun,selon ses compétences et ses envies, a apporté sa pierre àl’édifice : les élèves ayant des facilités en dessin ontcréés des affiches67, d’autres ont vendu des cartes de vœux …Qui plus est, ce projet oblige tous les élèves à travaillerensemble, dans un même but. Ce système renforce sansconteste la cohésion d’un groupe et surtout permet decombattre efficacement la démotivation, car tous sont làpour se soutenir mutuellement.

Toutefois, quelques bémols sont à noter. Certainsélèves ont été un peu à l’écart du projet. Il s’agit de ceuxqui font de l’allemand. Au nombre de quatre dans ma classe,ces derniers n’ont pas pu participer à toutes les activitésdéveloppées dans le cadre de ce projet. En effet, MmePALLARES, pivot central de cette action, professeurprincipal de ma classe, enseigne l’espagnol. En conséquence,ces cours sur l’Argentine n’ont pu bénéficier aux élèvesgermanophones, qui ont du se satisfaire du travail réaliséen économie et en histoire. Deuxième chose à relever, ceprojet a pu être réalisé parce que l’ambiance entre lesélèves est excellente, et que cette classe est soudée ? Sanscette donnée de départ, totalement indépendante de la

67 Voir annexe 8 p.46.

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volonté des professeurs, cela n’aurait évidemment pasmarché, car nous n’aurions pas pu les faire travaillerensemble.Par ailleurs, l’administration de l’établissement aégalement joué un grand rôle. Le soutien sans faille del’équipe de direction, encouragée elle-même par le rectoratet le ministère de l’éducation, nous a permis de mener àbien cette expérience.Ainsi, je dois reconnaître que si cela a si bien fonctionné,c’est, certes grâce à la motivation de l’équipe enseignante,mais aussi et surtout pour des raisons extérieures, surlesquelles il est difficile d’avoir prise lorsque vous êtessimple professeur. Dans un autre établissement, avec uneautre classe, cela n’aurait peut-être pas abouti à desrésultats aussi positifs.

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Conclusion

Se poser la question de la motivation et de ladémotivation de nos élèves est primordiale. En effet, commenous venons de le voir, cela pousse l’enseignant, nonseulement, à approfondir un certain nombre de thèmes(question du sens, de l’action…), mais également às’interroger sur l’un des piliers majeurs de la pédagogiemoderne, qui place l’élève au cœur du processusd’apprentissage.Cette réflexion, sur un sujet que j’avais jusque là plus oumoins ignoré, m’a personnellement beaucoup appris tant surle plan humain, que sur le plan professionnel. Grâce à ce travail, j’ai pu mieux comprendre les élèvesque j’avais en face de moi, en particulier ce quiapparaissaient, dès le début, comme les moins motivés, pourne pas dire comme les plus démotivés. Comme je l’ai signaléauparavant, ce n’est pas une sinécure, mais Si l’enseignantparvient à saisir la manière dont ils se perçoivent et lafaçon dont ils abordent nos cours, il est beaucoup plus aisépour le professeur, de comprendre et de distinguer ce quiest source de motivation, de ce qui ne l’est pas, et deconstruire ses cours en conséquence. C’est également unmoyen très efficace pour se rapprocher de ses élèves etétablir une relation de confiance. L’affectivité, dont jen’ai pas parlé ici faute de temps, est aussi un puissantélément de motivation, surtout chez les élèvesd’aujourd’hui, souvent issus de familles dans lesquelles ledialogue avec les adultes est réduit à sa plus simpleexpression. Mais ce mémoire m’a surtout permis de m’enrichir auniveau professionnel. Quand vous vous posez la question dela motivation de vos élèves, vous êtes amenés à constammentvous remettre en cause. Exercice salutaire s’il en est, car,comme l’écrivait Descartes : « toute certitude est uneprison et le doute est le sel de l’esprit ».C’est un exercice fatigant et parfois déplaisant pour leprofesseur, obligé de reconnaître ses manques. Mais ilpermet, petit à petit d’améliorer sa pratique et surtout demieux construire les cours en fonction des élèves que l’on aen face de soi. Sans ce questionnement permanent, sans lesremarques constructives et pertinentes de ma conseillèrepédagogique, ainsi que les discussions avec mes collèguesdes autres disciplines, je n’aurais certainement pas étécapable d’appréhender toutes les subtilités du métier deprofesseur, ni de cerner les aspects essentiels de ce sujet,qui reste encore largement à explorer tant il est riche etqu’il touche aux fondements mêmes de notre profession.

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Néanmoins, certains problèmes, auxquels tous les enseignantssont confrontés, demeurent :

- Comment, concrètement (traces écrites), évaluer lamotivation ?- Comment faire pour motiver un public de plus en plushétérogène ?

Ces deux questions, me semble-t-il, posent certains desprincipaux défis que l’enseignant d’aujourd’hui doit essayerde relever, afin de continuer à transmettre son savoir demanière efficace et de perpétuer la mission d’intégration del’école, ce qui est semble presque être une gageure dans uneépoque marquée par le repli identitaire et lecommunautarisme.La tâche qui nous incombe est donc immense : il nous fautmotiver nos élèves, afin d’en faire des citoyens actifs,ouverts sur le monde, et capable de maîtriserl’environnement dans lequel ils sont appelés à évoluer.

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ANNEXES