Comment faire vivre la laïcité à l’école · plus que d’autres à construire l’esprit...

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C Naudin 21/05/16 1 Synthèse de l’intervention du mercredi 11 mai Réseau Branly - Châtellerault « Comment faire vivre la laïcité à l’école ? » Le Livret laïcité précise que « la laïcité se vit dans le quotidien des classes, des écoles, des établissements ». L’impératif est en effet la cohérence, cohérence entre le discours porté par l’Institution sur les valeurs de la République et les pratiques au quotidien dans les établissements scolaires. Cohérence au sein de l’équipe Comme le rappelait Vincent Peillon, alors ministre de l’Education Nationale, dans l’introduction à l’ouvrage « Pédagogie de la laïcité » dirigé par Abdenour Bidar, « la cohésion des équipes, leur capacité à produire en direction des élèves et de leurs familles un discours explicite, raisonné et c’est fondamental – commun, est indispensable. » S’approprier la Charte de la laïcité à l’école La Charte de la laïcité à l'École a été élaborée notamment à l'intention des personnels pour expliciter le sens et les enjeux du principe de laïcité, sa solidarité avec la liberté, l'égalité et la fraternité, dans la République et dans le cadre de l'Ecole. Une lecture partagée des articles de la Charte, en conseils des maîtres pour le 1 er degré ou en conseil d’enseignement (ou conseil pédagogique) pour le 2 d degré, constitue l’occasion de clarifier les représentations de chacun en différenciant ce qui relève de l’opinion personnelle (la place des religions dans la société notamment) et ce qui relève de la laïcité comme principe juridique (rappelé dans la Charte) que les personnels, comme agents de l’Etat, doivent porter collectivement, appliquer et faire appliquer. Anticiper en équipe les situations délicates et réagir ensemble En fonction du contexte particulier de l’établissement scolaire, il convient d’apporter une réponse cohérente portée par l’ensemble de l’équipe. Il n’existe pas de réponse règlementaire à toutes les situations que peut rencontrer une école, un collège ou un lycée. Ainsi, des enseignant.e.s du réseau Branly ont soulevé la question de la « tension » qui pouvait exister au moment du Ramadan : certains élèves expliquent par exemple « Nous, on ne viendra pas au collège pendant le ramadan, car M. X boit de l'eau en bouteille pendant ses cours, et nous on ne peut pas regarder ça, sinon ça va nous donner soif ». La loi exige la présence de ces élèves dans l’établissement, y compris pendant le Ramadan : la circulaire d’application de la loi de 2004 rappelle que « les convictions religieuses ne sauraient (…) être opposées à l’obligation d’assiduité » même si « des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au B.O. ». Pour autant, faut-il que les enseignant.e.s adoptent une attitude particulière pour tenir compte du fait qu’un nombre plus ou moins important de leurs élèves suivent le saoum (jeûne). A cette question, aucun texte réglementaire n’apporte de réponse. Bien entendu, comme pour la question du menu alternatif à la viande de porc en matière de restauration scolaire, l’école de la République doit permettre la liberté de conscience et non encourager l’obéissance à une loi religieuse. Mais, peut-on occulter le fait que, pendant cette période, certains élèves jeûnent ? Est-ce encourager l’obéissance à une loi religieuse que de le prendre en considération ? Clémentine Vivarelli, sociologue ayant scruté les « pratiques laïques en milieu scolaire », souligne la multiplicité des réactions face à cette question : - Tel professeur d’EPS pour qui il est légitime d’adapter ses exigences pendant la période de ramadan, tient compte de l’état physique des élèves qui le pratique et permet aux élèves de repasser des évaluations ultérieurement ; - Des enseignants veillent pendant la période de ramadan à ne pas manger ou boire pendant le cours, à ne pas tenter les élèves, à s’assurer qu’il ne fait pas trop chaud dans la salle de classe, etc. ;

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Synthèse de l’intervention du mercredi 11 mai Réseau Branly - Châtellerault

« Comment faire vivre la laïcité à l’école ? » Le Livret laïcité précise que « la laïcité se vit dans le quotidien des classes, des écoles, des établissements ». L’impératif est en effet la cohérence, cohérence entre le discours porté par l’Institution sur les valeurs de la République et les pratiques au quotidien dans les établissements scolaires.

Cohérence au sein de l’équipe Comme le rappelait Vincent Peillon, alors ministre de l’Education Nationale, dans l’introduction à l’ouvrage « Pédagogie de la laïcité » dirigé par Abdenour Bidar, « la cohésion des équipes, leur capacité à produire en direction des élèves et de leurs familles un discours explicite, raisonné et – c’est fondamental – commun, est indispensable. »

S’approprier la Charte de la laïcité à l’école La Charte de la laïcité à l'École a été élaborée notamment à l'intention des personnels pour expliciter le sens et les enjeux du principe de laïcité, sa solidarité avec la liberté, l'égalité et la fraternité, dans la République et dans le cadre de l'Ecole. Une lecture partagée des articles de la Charte, en conseils des maîtres pour le 1er degré ou en conseil d’enseignement (ou conseil pédagogique) pour le 2d degré, constitue l’occasion de clarifier les représentations de chacun en différenciant ce qui relève de l’opinion personnelle (la place des religions dans la société notamment) et ce qui relève de la laïcité comme principe juridique (rappelé dans la Charte) que les personnels, comme agents de l’Etat, doivent porter collectivement, appliquer et faire appliquer.

Anticiper en équipe les situations délicates et réagir ensemble En fonction du contexte particulier de l’établissement scolaire, il convient d’apporter une réponse cohérente portée par l’ensemble de l’équipe. Il n’existe pas de réponse règlementaire à toutes les situations que peut rencontrer une école, un collège ou un lycée. Ainsi, des enseignant.e.s du réseau Branly ont soulevé la question de la « tension » qui pouvait exister au moment du Ramadan : certains élèves expliquent par exemple « Nous, on ne viendra pas au collège pendant le ramadan, car M. X boit de l'eau en bouteille pendant ses cours, et nous on ne peut pas regarder ça, sinon ça va nous donner soif ». La loi exige la présence de ces élèves dans l’établissement, y compris pendant le Ramadan : la circulaire d’application de la loi de 2004 rappelle que « les convictions religieuses ne sauraient (…) être opposées à l’obligation d’assiduité » même si « des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au B.O. ». Pour autant, faut-il que les enseignant.e.s adoptent une attitude particulière pour tenir compte du fait qu’un nombre plus ou moins important de leurs élèves suivent le saoum (jeûne). A cette question, aucun texte réglementaire n’apporte de réponse. Bien entendu, comme pour la question du menu alternatif à la viande de porc en matière de restauration scolaire, l’école de la République doit permettre la liberté de conscience et non encourager l’obéissance à une loi religieuse. Mais, peut-on occulter le fait que, pendant cette période, certains élèves jeûnent ? Est-ce encourager l’obéissance à une loi religieuse que de le prendre en considération ? Clémentine Vivarelli, sociologue ayant scruté les « pratiques laïques en milieu scolaire », souligne la multiplicité des réactions face à cette question :

- Tel professeur d’EPS pour qui il est légitime d’adapter ses exigences pendant la période de ramadan, tient compte de l’état physique des élèves qui le pratique et permet aux élèves de repasser des évaluations ultérieurement ;

- Des enseignants veillent pendant la période de ramadan à ne pas manger ou boire pendant le cours, à ne pas tenter les élèves, à s’assurer qu’il ne fait pas trop chaud dans la salle de classe, etc. ;

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- Ou à contrario un chef d’établissement refuse de décaler le cross scolaire qui intervient pendant ramadan, car il estime que l’école publique laïque ne doit pas tenir compte de la pratique religieuse des élèves dans l’organisation de ses activités et que c’est aux usagers de se soumettre aux exigences de participation aux activités scolaires.

Face à ces situations, la « bonne » attitude à adopter ne se décrète pas. Elle doit se construire en équipe à partir des textes règlementaires mais surtout être portée par chacun des membres de l’établissement.

Porter la laïcité auprès des familles et des partenaires

Pour certaines familles, la laïcité est perçue comme une opinion parmi d’autres, une opinion contraire à leurs propres convictions, une opinion que l’école serait chargée d’imposer à leurs enfants. Un patient travail d’explication est donc nécessaire pour faire évoluer ces représentations. La Charte de la laïcité peut constituer un outil pertinent pour mener ce travail. Le sens de la signature de la Charte nécessite d’être explicitée : il ne s’agit pas de signer pour adhérer (peut-on ne pas adhérer à la loi ?) mais de signer pour attester d’une prise de connaissance du document.

Cohérence entre les pratiques et les valeurs Henri Pena-Ruiz définit la laïcité comme un principe juridique permettant de conjuguer

- La liberté de conscience - L’égalité des droits - L’orientation exclusive de l’action de l’Etat vers l’intérêt commun.

Liberté de conscience

Comment permettons-nous aux élèves de jouir de leur liberté de conscience ? Comment contribuons-nous en particulier à construire leur esprit critique ?

Ces questions interrogent à la fois le contenu et la forme de l’enseignement dispensé dans nos établissements.

Contenu de l’enseignement

Le 3ème domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture concerne « la formation de la personne et du citoyen ». En effet, « l'École a une responsabilité particulière dans la formation de l'élève en tant que personne et futur citoyen. Dans une démarche de coéducation, elle ne se substitue pas aux familles, mais elle a pour tâche de transmettre aux jeunes les valeurs fondamentales et les principes inscrits dans la Constitution de notre pays. Elle permet à l'élève d'acquérir la capacité à juger par lui-même, en même temps que le sentiment d'appartenance à la société. Ce faisant, elle permet à l'élève de développer dans les situations concrètes de la vie scolaire son aptitude à vivre de manière autonome, à participer activement à l'amélioration de la vie commune et à préparer son engagement en tant que citoyen. » Ce domaine se décline en 4 axes :

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Le nouvel Enseignement Moral et Civique constitue l’espace privilégié (mais non exclusif) pour la « formation de la personne et du citoyen ». Contrairement à l’Instruction civique, avec l’EMC, il s’agit non seulement d’acquérir des connaissances mais aussi d’expérimenter pour apprendre. Le programme d’EMC comporte 4 dimensions :

Forme de l’enseignement

L’article 6 de la Charte de la laïcité précise que l’école « offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté ». Ces « conditions » sont de l’ordre du contenu des enseignements dispensés mais aussi de la forme que ces enseignements peuvent revêtir.

On peut en effet légitimement s’interroger pour savoir si certaines modalités d’enseignement peuvent concourir plus que d’autres à construire l’esprit critique des élèves. « La démarche didactique et pédagogique de

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l’enseignant vise la réflexion des élèves. Pour qu’ils soient actifs, il s’agit de faire réfléchir et non seulement de faire appliquer. Pour cela, l’équipe enseignante doit penser la cohérence de ses pratiques » (document d’accompagnement de l’EMC)

Démarche d’investigation

La démarche d’investigation, développée en didactique des sciences notamment dans le cadre de « La main à la pâte », en mettant l’enfant au cœur des apprentissages, offre de multiples occasions aux élèves d’interroger le réel en utilisant les outils de la science, sans pour autant rabattre de l’exigence de transmettre des savoirs.

Construction de concepts De nombreuses séquences, à l’école comme au collège, ont pour objectif la construction de concept, et ce dans la plupart des disciplines. Des scénarios différents sont envisageables. On peut légitimement s’interroger sur celui qui permet non seulement de transmettre un savoir mais aussi de placer chaque élève dans une posture de questionnement, susceptible de développer son esprit critique. Donner la définition du « concept » en listant ses caractéristiques :

Construire le concept en en identifiant les caractéristiques par comparaison et tri :

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Construire progressivement le concept en formulant des hypothèses (et en les testant) à partir d’exemples OUI et d’exemples NON :

« On va faire un jeu où il s’agit de trouver l’idée que j’ai en tête. Pour vous aider, je vais donner des exemples de mon idée. Deux sortes d’exemples : on va les appeler les « exemples oui » et les « exemples non ». A chaque fois que vous voyez un « exemple oui », vous pouvez être sûrs qu’il contient toutes les caractéristiques essentielles de mon idée. A chaque fois, toutes les caractéristiques, toutes les conditions nécessaires pour que l’exemple soit un « exemple oui » sont présentes. Votre tâche consiste à chercher tout ce que les « exemples oui » ont en commun, tout ce qui revient à chaque fois dans tous les « exemples oui ». Pour que ce soit plus facile, vous avez aussi des « exemples non ». Le premier exemple négatif ne contient aucune caractéristique de mon idée. Ensuite, au fur et à mesure qu’on progresse, vous allez trouver certaines caractéristiques présentes aussi du côté « non », mais jamais toutes

à la fois. Rappelez-vous, pour que ce soit un exemple « oui » il faut que toutes les caractéristiques essentielles soient présentes en même temps. Dès que vous pensez avoir trouvé quelque chose, vous pouvez le dire et je le marquerai ici sur le tableau. N’ayez pas peur de vous tromper ; si c’est le cas vous pourrez le vérifier au prochain exemple et rayer ce qui n’est plus valable. On va mettre des « exemples oui » de ce côté-ci et les « exemples non » de ce côté-là. D’accord ? Tout le monde a bien compris ? »

A partir du questionnement, d’abord individuel pour collectif, des exemples OUI et des exemples NON, chaque élève va identifier les caractéristiques essentielles du concept visé. Description complète d’une séance utilisant des exemples OUI et des exemples NON Cette démarche peut être utilisée dans de nombreuses disciplines (cf. annexe)

Recommandations du CSP

Le Conseil Supérieur des Programmes, dans ses recommandations sur le Parcours citoyen, donne des indications sur les modalités d’enseignement permettant l’apprentissage de la citoyenneté.

– l'engagement dans des projets, disciplinaires ou interdisciplinaires, permettant de donner plus de sens aux apprentissages

– l’ouverture interculturelle pour que chacun s’enrichisse de la culture des autres – le développement de l’esprit critique, de la rigueur et de la recherche de vérité dans tous les champs du

savoir – l’entrainement au débat, à la controverse et à l'argumentation – la maitrise et la mise en œuvre des langages dans des contextes et des situations de communication

variés – le développement d’une pratique responsable du numérique, de l’internet et des réseaux sociaux

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Démarches en EMC Dans les documents d’accompagnement des programmes d’EMC, plusieurs pratiques pédagogiques et activités sont mises en avant :

• Le débat réglé ou argumenté • Les dilemmes moraux • La discussion à visée philosophique • La méthode de clarification des valeurs • Les conseils d'élèves • La technique des messages clairs

Des exemples de séquences, pour l’école et pour le collège, sont également proposés :

- Pour le cycle 2 - Pour le cycle 3 - Pour le cycle 4.

Chaque type de pratique pédagogique est également décrite :

• Le débat réglé ou argumenté Recherche de la question qui doit permettre la controverse Recherche et élaboration de l’argumentaire Définition et distribution des rôles Bilan réflexif

• Les dilemmes moraux

Présentation du contexte Découverte du dilemme moral à partir d’un court texte Vérification de la compréhension par tous les élèves Ouverture de la discussion Débat Elargissement éventuel

• La discussion à visée philosophique

Explorer des idées : d’où je sais ce que je sais ?, est-ce vrai seulement parce que c’est mon père qui le dit ?

Confronter ses idées Structurer ses idées : par une recherche commune de sens. C’est structurer la pensée pour

passer du particulier au général

• Les conseils d'élèves

Vidéo de présentation

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• La technique des messages clairs

Vidéo de présentation de la démarche

A noter que sur le réseau Branly, plusieurs enseignant.e.s du 1er degré ont déjà mis en œuvre les conseils de classe et la technique des messages clairs.

Egalité des droits

Comment contribuons-nous à une réelle égalité face au droit à l’éducation? Comment luttons-nous contre les discriminations ?

Définition

Discrimination =

actes – procédures – processus – dispositifs de

sélection – distinction – traitement différencié mettant en œuvre un critère prohibé

ou ayant pour effet le désavantage d’un groupe définissable par un de ces critères

20 critères reconnus par la loi

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L’association ATD Quart monde milite actuellement pour qu’un 21ème critère, l’origine sociale, soit inscrit dans la loi. On pourrait également s’interroger sur la pertinence d’y inscrire la « connivence scolaire ».

La discrimination est un délit

Conséquences des discriminations Pour la société

- Permanence et légitimation de situation d’inégalités - Consolidation des préjugés - Recul de l’état de droit - Perte de confiance dans la justice - Perte de crédibilité des institutions et des politiques publiques - Légitimation de la violence …

Pour les discriminé.e.s

- Maintien dans des positions subalternes - Mobilités forcées - Souffrance voire suicide - Autolimitation des ambitions - Résignation à subir la violence - Perte de confiance en soi - Agressivité … - (Sur)mobilisation scolaire ou politique - Identification ethnique ou religieuse …

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Discriminations à l’école

PISA 2003 et 2012

« Si l’on veut agir pour lutter contre les discrimination et les prévenir, il s’agit de travailler « avec le droit » pour lui emprunter une manière de regarder les inégalités comme le produit d’actions, de procédés, de processus, de dispositifs (même si à strictement parler elle échappent pour une large part au droit). Le droit nous invite à un travail réflexif pour prendre conscience et analyser la façon dont fonctionnent nos institutions et donc nous travaillons ou agissant en produisant ou reproduisant des inégalités ». « La discrimination est au cœur des pratiques professionnelles et du fonctionnement des institutions, sans pour autant qu’il y ait volonté consciente de discriminer. » « La plupart du temps, les professionnels font ce qu’ils pensent être le mieux, en fonction des cadres de contraintes qui sont les leurs » « Interroger la discrimination, ce n’est pas mettre en accusation ou culpabiliser ceux qui travaillent, c’est au contraire nous inciter tous à assumer nos responsabilités ici et maintenant et à agir pour réaliser concrètement l’égalité »

Les vecteurs de discrimination à l’école Des différenciations passives1 L’enseignement, mais aussi la relation aux familles, présupposent souvent de tous ce qui n’est maîtrisé que par quelques-uns.

1 Cf « La discrimination à l’école : de quoi parle-t-on ? » du Réseau national de lutte contre les discriminations à

l’école

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Activité de remise en ordre d’étiquettes pour reproduire une phrase modèle dans un atelier « en autonomie » en maternelle. Pour la maîtresse, c’est une activité de pré-lecture. Les élèves ne font pas la même chose en fonction de ce qu’ils ont compris qu’il fallait faire : L’élève 1 découpe toutes les étiquettes et les empile. Elle essaie ensuite de positionner les étiquettes pour reconstituer le « puzzle » en copiant éventuellement sur les voisins. Elle appelle ensuite la maîtresse pour valider avant de coller. Elle enlève ensuite toutes les étiquettes pour mettre la colle. L’élève 2 choisit une première étiquette à découper en continuant d’observer la phrase modèle. Elle la positionne puis passe à une seconde étiquette (le deuxième mot de la phrase modèle)… Elle appelle la maîtresse qui valide. Elle prend alors la première étiquette et pose un point de colle avant de la reposer à sa place et ainsi de suite pour toutes les étiquettes. Pour la maîtresse comme pour l’élève 2, la tâche est globale et en lien avec la « lecture » de la phrase modèle. Pour l’élève 1, cette activité est une succession de tâches (découper, refaire le puzzle, appeler la maîtresse, coller) sans lien entre elles. Cette perception peut être renforcée par l’intervention de l’ATSEM qui va scinder la consigne en tâches élémentaires pour « aider » l’élève 1 qui est « en difficulté ». Activité en CM2 – classer des mots en [té] et en [tié] dans un tableau Pour l’enseignant, cette activité vise à dégager les règles d’orthographe sur les mots en [té] et en [tié]. Le passage de l’activité à la règle n’est pas anodin. Il s’agit d’une dénivellation de l’activité : l’enseignant passe rapidement d’une activité et une autre, la première n’étant que support et prétexte à la seconde, sans beaucoup de précaution, sans désigner qu’il s’agit d’une autre activité qui prend l’activité précédente comme objet de réflexion (secondarisation). Ce passage-là est souvent peu explicité ; on présuppose qu’il va de soi pour tous les élèves. Mais ce n’est pas le cas pour tous. Certains, d’ailleurs, font remarquer qu’ « on n’a pas tout classé ! ». Pour l’enseignant.e qui veut tirer une règle, le fait de ne pas avoir tout classé n’est pas un problème. Mais pour certains élèves, si. Ils restent ainsi centrés sur la tâche de la première activité. Ils ne perçoivent pas que cette activité n’est qu’une activité prétexte.

La croyance en « l’équivalent-travail » « Les professionnels de l’école ont tendance à communiquer envers les élèves et leur famille en faisant comme si la quantité de travail fournie amenait forcément en soi de la réussite dans les apprentissages, et réciproquement comme si les mauvais résultats scolaires s’expliquaient par le manque de travail de l’élève (remarque qu’on retrouve un nombre incalculable de fois dans les appréciations des bulletins scolaires). On a une norme «visible» concernant le travail, qui masque une norme «invisible» sur ce qui réellement permet un travail scolaire efficace (comprendre, mettre en relation avec d’autres savoirs, etc.). Le caractère invisible et implicite de ces normes fait qu'elles ne sont ni discutées ni travaillées avec les élèves et les parents, de sorte que seuls ceux qui partagent l'implicite s'en sortent. »

Des différenciations actives « A l’école, toutes les situations où des professionnels différencient leur enseignement, établissent un jugement ou une évaluation sur un enfant, sanctionnent des comportements, organisent des groupes, décident des passages, des redoublements ou de l'orientation vers les dispositifs de remédiation, proposent des orientations, mais aussi toutes les situations où ces professionnels sont en interaction avec les parents, sont potentiellement discriminatoires. Ce sont en effet des formes de tri ou de sélection, donc il s'agit de se demander quels en sont les motifs et quels en sont les effets. Cela ne veut pas dire bien entendu qu’il ne faut pas évaluer, organiser des groupes ou avoir des pratiques différenciées : cela signifie que toutes ces actions professionnelles risquent d’être orientées notamment par des préjugés relatifs aux catégories sociales telles que la classe sociale, le sexe, la religion, la race ou l’ethnie supposée, voire la situation familiale... Ce risque est accru quand les professionnels n’ont pas pris conscience qu’ils sont traversés par les préjugés que véhicule l’ensemble de la société concernant ces catégories. Il ne suffit pas de ne pas penser à ces critères pour ne pas les mettre en œuvre à son insu. De nombreux travaux montrent que ces stéréotypes et ces représentations sociales peuvent en réalité

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influer sur les attentes à l'égard des élèves et des familles, sur les façons de construire les classes, de noter les élèves, de les orienter, etc » La discrimination systémique

C’est un processus qui met en jeu un système d’acteurs dans lequel personne ne manifeste directement d’intention discriminatoire, mais dont le résultat sera de produire une situation de discrimination.

Les éléments qui favorisent la discrimination - Une ségrégation spatiale qui se traduit par une ségrégation spatiale scolaire - Une mise en concurrence entre les établissements - Un mode de recrutement et d’affectation fondé sur l’ancienneté - Un mode de travail qui isole - Des lacunes de la formation initiale - Un mécanisme d’orientation qui fait de l’école un vaste système de tri social

- Une externalisation du travail personnel - Une pédagogie invisible - Une utilisation de l’écrit différenciatrice - Un système d’évaluation qui sanctionne l’échec et renvoie l’élève à la responsabilité de cet échec - Une centration différenciée sur les problèmes de comportements

Comment agir ? • Se questionner collectivement sur les pratiques susceptibles d’être discriminatoires :

• Quel accompagnement du travail personnel ? • Comment expliciter la différence entre « faire » et « apprendre » ? • Expliciter l’utilisation de l’écrit : écrit pour garder trace, écrit pour communiquer, écrit pour

élaborer sa pensée • Comment évaluer sans discriminer ? …

• Passer d’une logique des publics (à qui l’on renvoie les causes et la responsabilité des échecs) à une

logique des institutions qui se questionnent sur ce qui dans leur fonctionnement construit les catégories d’élèves et les inégalités entre elles

Intérêt commun

Comment faisons-nous communauté à l’école ?

L111-1 du Code de l’éducation « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l'éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. »

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Rapport de P-Y Cusset sur les pratiques pédagogiques efficaces « Pour que l’enseignement soit efficace, il faut que les élèves ne soient pas passifs, qu’ils soient réellement engagés dans l’apprentissage. Cela peut être obtenu de différentes manières, mais l’une d’entre elles, l’apprentissage coopératif entre pairs, fait preuve d’une efficacité au-dessus de la moyenne. »

La coopération permet de faire communauté ; c’est non seulement un impératif institutionnel mais aussi une démarche pédagogique efficace.

Cohérence dans le temps

- Un parcours explicite - Un parcours qui propose des situations d’apprentissage (approche par compétences, tâches

complexes) - Un parcours qui prend en compte ce que fait l’élève en dehors de l’école - Un parcours qui fait l’objet d’une évaluation (Folios) - Un parcours qui relève de la responsabilité de toute la communauté éducative - Un parcours qui engage tous les enseignements (EMC et EMI comme fils directeurs) - Un parcours jalonné d’événements - Un parcours en lien avec les autres parcours éducatifs (PEAC, Parcours Avenir, Parcours éducatif de

santé)

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exercent des responsabilités

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Le parcours citoyen peut s’appuyer sur les semaines et journées de mobilisation citoyenne qui jalonnent le calendrier scolaire :

Pour aller plus loin :

- La présentation du Parcours citoyen dans le dossier de presse sur la rentrée 2015 du MEN

- Les recommandations du CSP sur le Parcours citoyen

- Le site de l’Académie de Grenoble

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Des ressources

Autour de la Charte de la laïcité à l’école

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Annexe 1

Exemples de séquences utilisant des exemples OUI et des exemples NON Géographie « identifier les caractéristiques d’une zone touristique (par exemple une station balnéaire ou une station de sports d’hiver)

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En grammaire