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COMMANDOS ET MAQUIS SERVICE ACTION EN INDOCHINE

GCMA Tonkin 1951-1954

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DU MÊME AUTEUR

C h e z le m ê m e é d i t e u r

1ER BATAILLON DE CHOC 1ER BATAILLON DE CHOC EN INDOCHINE BÉRETS ROUGES EN INDOCHINE

LA IRE ARMÉE, RHIN ET DANUBE ( a l b u m ) LE GRAND COMMANDO, L'ÎLE D'ELBE LE BATAILLON DES RÉPROUVÉS

A u x édi t ions C r é p i n - L e b l o n d

SERVICES SPÉCIAUX EN INDOCHINE ( a l b u m )

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RAYMOND MUELLE

COMMANDOS ET MAQUIS SERVICE ACTION EN INDOCHINE

GCMA Tonkin 1951-1954

Collection « Documents » dirigée par Jeannine Balland

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DANS LA MÊME COLLECTION

Médecins à Diên Bien Phu, Pierre Accoce. La Bataille des convois de Mourmansk, Jean-Jacques Antier. La Bataille de Malte, Jean-Jacques Antier. Pearl Harbor, Jean-Jacques Antier. Le Drame de Mers el-Kébir, Jean-Jacques Antier. La Flotte se saborde (Toulon 1942), Jean-Jacques Antier. La Légion au combat (tome 1), Erwan Bergot. La Légion au combat (tome 2), Erwan Bergot. Bataillon Bigeard, Erwan Bergot. Les 170 Jours de Diên Biên Phu, Erwan Bergot. La Guerre des appelés en Algérie (tome 1), Erwan Bergot. La Guerre des appelés en Algérie (tome 2), Erwan Bergot. La 2' D.B., Erwan Bergot. La Coloniale, du Rif au Tchad, Erwan Bergot. Bataillon de Corée, Erwan Bergot. 1 l' Choc, Erwan Bergot. La Bataille de Dong Khê, Erwan Bergot. Bir Hakeim, Erwan Bergot. « Opération Daguet », Erwan Bergot en collaboration avec Alain Gandy. Commando Bergerol, Henri de Brancion. Diên Biên Phu, artilleurs dans la fournaise, Henri de Brancion. L'Odyssée de la Colonne Alessandri, Yves Bréhèret. Indochine 1946 Retour de Chine, Yves Bréhèret. Normandie-Niémen, Yves Courrière. Les Hélicos du Djebel, Marc Flament. La Grande Aventure du r RE.G., Alain Gandy. Spahis, Alain Gandy. La Jeunesse et la Résistance, réseau Orion, Alain Gandy. Les Corps francs 1939-1940, Patrick de Gmeline. Les Commandos paras de l'air, Patrick de Gmeline. La Bataille des Ardennes, Michel Hérubel. La Bataille de Midway. Michel Hérubel. La Bataille de Guadalcanal, Michel Hérubel. La Bataille d'Arnhem, Michel Hérubel. Les Panzers de la Garde Noire, Jean Mabire. Les Paras du Matin rouge, Jean Mabire. Commando de chasse, Jean Mabire. La Crète, tombeau des paras allemands, Jean Mabire. Les Chasseurs alpins, Jean Mabire. La Bataille des Alpes 44-45 (tome 1), Jean Mabire. La Bataille des Alpes 44-45 (tome 2), Jean Mabire. Légion Wallonie (tome 1), Jean Mabire. Division Wallonie (tome 2), Jean Mabire. La Saga de Narvik, Jean Mabire. Les Diables Verts de Cassino, Jean Mabire. La Nuit des Paras, juin 1944, Jean Mabire. Le 1" Bataillon de Choc, Raymond Muelle. Le 1" Bataillon de Choc en Indochine, Raymond Muelle. Le Grand Commando, l'île d'Elbe, Raymond Muelle. Le Bataillon des Réprouvés, Raymond Muelle. Les Chevaliers de la Coloniale (1916 Douaumont, 1991 l'Irak), Henry Noullet. Les Marines à Khé Sanh, François d'Orcival, Jacques-François de Chaunac. Bataillon R.A.S. (Algérie), Jean Pouget. La Légion saute sur Kolwezi, Pierre Sergent. 2' RE.P., Pierre Sergent. La Bataille du Vercors, Pierre Vial.

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les . copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

@ Presses de la Cité, 1993 ISBN 2-258-03173-7

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Cet ouvrage, pâle reflet de leurs exploits, est dédié à ceux du GCMA, cadres européens et autochtones, partisans et paysans de la Haute Région, Thaïs, Nungs, Nhangs, Thos, Mans, Méos indomptables, atrocement sacri- fiés à ceux qui, aux marches de l'Indochine, sont morts en combattant pour la liberté, aux blessés dévorés par la jungle, aux prisonniers torturés dans les camps, broyés par le monstre communiste, à ceux qu'une France lointaine et décadente a trahis et abandon- nés sans vergogne.

A tous ceux dont les âmes errantes ne cessent de hanter nos mémoires.

Raymond Muelle

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Introduction

L'année 1950 a été particulièrement rude pour le Corps Expé- ditionnaire en Indochine. Le Viêt-minh a engagé au Tonkin des actions très dures en Haute Région puis en Moyenne Région et au Laos. A l'automne le repli de Cao Bang a provoqué le désastre de la RC4, l'abandon de Lang Son et de toute la zone frontière; à la même époque, le Viêt-minh a attaqué de nouveau à l'est de Lao Kay. Le commandement a abandonné les positions françaises de la rive gauche du fleuve Rouge, la région de Hoa Binh, le Delta est pourri par la guérilla. L'évacuation d'Hanoï est envisagée. Fin décembre 1950, puis en mars 1951, le Viêt-minh lance deux puissantes offensives contre la face nord du Delta. Ces attaques échouent car en décembre 1950, le général de Lattre a pris le commandement. L'année 1951 sera celle d'un sursaut, d'un chan- gement de conception et de méthodes dans la conduite du conflit. C'est à ce moment que le GCMA entre en scène.

Ses missions le conduisent à intervenir auprès des minorités ethniques du Tonkin. Ces dernières, malgré leurs différences et leurs divergences, ont un point commun, la haine de l'Annamite. Celui-ci peuple le Delta mais les régions montagneuses qui l'entourent sont occupées par des populations de races différentes. Submergés par les migrations venues du nord, les éléments abori- gènes ont pratiquement disparu. Les Thaïs représentent le peuple- ment le plus important; l'ancienneté de leur établissement, leur organisation de type féodal, leur civilisation leur ont permis d'occuper la première place dans les structures administratives et sociales. Ils constituent trois groupes principaux localisés dans les régions déterminées (Thaïs blancs, rouges, noirs, suivant leur cos-

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tume traditionnel). D'autres ethnies de la zone montagneuse peuvent leur être rattachées: Nungs, Thos, Muongs, Nhangs... Alors que les Thaïs habitent les vallées, les Mans occupent les pentes du relief, leur migration est plus récente, ce sont des agri- culteurs relativement peu évolués. L'apparition des Méos 1 date seulement de la fin du XIXesiècle. D'origine incertaine (Tibet? Sibérie?), ils ont peu de points communs avec leurs voisins. Ils vivent en clans indépendants, au-dessus de 1 200 mètres d'alti- tude, cultivent le maïs et le pavot. C'est une population rude et guerrière; la présence française a permis de calmer leurs querelles, parfois sanglantes, avec les Thaïs.

L'Administration française, utilisant les Annamites comme auxiliaires, a peu œuvré pour les montagnards, ce qui n'a fait qu'accentuer la xénophobie des autochtones. Ceux-ci, par contre, ont, la plupart du temps, fait preuve d'un grand loyalisme vis-à- vis de l'armée française. En 1946, ils ont largement participé à ses côtés à la reconquête du territoire occupé par le Viêt-minh.

En 1948, la création d'une « Fédération thaï » a conforté, pour ces populations, l'espoir d'une indépendance dans la mouvance militaire française.

1. Méos ou Hmongs.

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Les Précurseurs Au commencement était l'Action

A Sin Ma Kay il bruine depuis deux jours. Un crachin glacial et pénétrant pèse sur la vallée étroite, dissimulant les sommets qui l'enserrent dans une ouate grise, épaisse, vaguement mou- vante, assourdissant les bruits. L'avant-veille, le 23 septembre 1950, deux compagnies du 2e Bataillon étranger de parachu- tistes ont été larguées à proximité du village. Le saut a été acro- batique; les appareils venus d'Hanoï ont dû faire plusieurs pas- sages au-dessus d'un terrain exigu et pentu difficilement repéré entre les bancs de nuages accrochés sur le relief. Depuis, le ciel s'est refermé sur ce secteur de la Haute Région tonkinoise.

La petite agglomération construite le long d'une piste boueuse est emplie d'un grouillement d'hommes en armes, soldats et partisans, mêlés à une population civile silencieuse, comme résignée. Les Viets ne sont pas loin; de la vallée du fleuve Rouge à la frontière de Chine deux régiments régu- liers, le 148 et le 165, avancent, marée inexorable et dévasta- trice, sur les talons des unités qui retraitent à grand-peine vers l'ouest. Le commandement français a donné l'ordre de repli sur Lao Kay; prévenus trop tard ou simplement engourdis par la routine les postes militaires tombent les uns après les autres.

Il y a dix jours Hoang Su Phi signalait la présence d'uni- tés ennemies importantes dans son secteur; le capitaine de Bazin et ses supplétifs ont ramené population et partisans à Sin Ma Kay après un extraordinaire détour en Chine. Vieux routier de la frontière, l'officier a su conduire avec les auto-

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rités communistes locales d'étranges mais efficaces négocia- tions.

Dans le même temps Pa Kha et son réseau défensif tentaient d'endiguer le flot assaillant. Les Marocains du 3/IV R T M 1 réa- gissant médiocrement à la menace d'encerclement, les para- chutistes ont reçu pour mission de les aider à entrouvrir une porte étroite vers la liberté. Une partie d'entre eux est allée jusqu'à Pa Kha bousculer l'adversaire. Harassés mais satisfaits ces hommes rentrent maintenant de leur expédition, en bons ouvriers. Ils ont bien fait le travail, la horde des tirailleurs est là, avec eux, pour le moment tirée d'affaire. La guerre repren- dra bientôt, demain sans doute, mais chez les légionnaires on pense qu'à chaque jour suffit sa peine. Les Marocains se ras- semblent autour des feux comme des chiens mouillés, les flammes ont des reflets clairs sur les armes et donnent aux visages creux et barbus des airs patibulaires. Sous le ciel bas, la fin d'après-midi a déjà pris des allures de crépuscule. Indiffé- rents à la brume qui se transforme en pluie et transperce leurs minces vestes de coton, les partisans passent près des soldats sans paraître les voir, comme si leur détachement manifestait quelque reproche pour le combat perdu.

Le capitaine Dussert, commandant les parachutistes, regagne la maison de torchis qui, au centre du village, abrite son PC sommaire. Dans la pièce basse et à peine éclairée, les écouteurs sur les oreilles, l 'opérateur radio rêvasse devant son poste muet, le légionnaire préposé à la mise en œuvre de la génératrice nettoie sans conviction son PM avec des gestes machinaux. Sur la table bancale, principal meuble de l'endroit, le lieutenant Cavasse a étalé sa carte ; il lève la tête à l'entrée du capitaine. Celui-ci secoue bruyamment la toile de tente qu'il porte en poncho et grogne :

- Il y a huit jours, nous étions à Saïgon avec un temps de rêve... Je croyais connaître l 'Indochine où je traîne mes guêtres depuis bientôt quatre ans de la baie d'Along à Camau en pas- sant par l 'Annam et le Cambodge, mais cette Haute Région ne ressemble à aucun des territoires fréquentés jusqu'à présent. Tout est étrange ici : le paysage qu'on peut à peine deviner, le temps avec cette apparence de fin du monde, ces hommes qui

1. 3/IV RTM : 3e bataillon du 4e Régiment de tirailleurs marocains (voir liste des sigles et abréviations).

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n e r e s s e m b l e n t à p e r s o n n e . J ' a i l ' i m p r e s s i o n d ' a v o i r a t t e r r i s u r

u n e a u t r e p l a n è t e ; il y a c e c a p i t a i n e e n c h a p e a u d e f e u t r e , c a i a o e t c a i q u a r t 1 n o i r s , q u i r a m è n e d e s p o p u l a t i o n s à t r a v e r s l a

C h i n e c o m m u n i s t e . C e t t e g u e r r e e s t é t r a n g e , u n e g u e r r e d e

p a u v r e s , s a n s m o y e n s e t s u r t o u t s a n s v o l o n t é d e v a i n c r e , u n e g u e r r e p e r d u e d ' a v a n c e .

L e l i e u t e n a n t C a v a s s e s o u r i t u n p e u :

- M o n c a p i t a i n e , j ' a i s a n s d o u t e à p e u p r è s l a m ê m e e x p é - r i e n c e q u e v o u s d e l ' I n d o c h i n e , m a i s j ' a i l ' a v a n t a g e d e

c o n n a î t r e le p a y s T h a ï ; v o u s v e r r e z , q u a n d l e s o l e i l s e r a r e v e n u , c e p a y s d u b o u t d u m o n d e e s t e f f e c t i v e m e n t à n u l

a u t r e p a r e i l ; il es t p a r t i c u l i è r e m e n t a t t a c h a n t . Q u a n t a u c a p i - t a i n e d e B a z i n , il es t c e r t e s h o r s d u c o m m u n p o u r n o u s , m a i s

ic i , p o u r les T h a ï s , l e s M é o s e t l e s N u n g s , q u i l ' a p p e l l e n t

« ô n g » c ' e s t - à - d i r e M o n s i e u r d e B a z i n , il f a i t p a r t i e d e la l é g e n d e l o c a l e .

L e p e t i t l i e u t e n a n t P i e r r e C a v a s s e s ' e s t p r é s e n t é a u c a p i t a i n e d e s p a r a c h u t i s t e s p e u d e t e m p s a v a n t l ' e m b a r q u e m e n t d e s c o m p a g n i e s s u r l e t e r r a i n d ' a v i a t i o n d e G i a L a m .

« L i e u t e n a n t C a v a s s e , d e l ' E M O 2, je v i e n s a v e c vous . . . J e

c o n n a i s u n p e u le c o i n o ù v o u s a l l ez s a u t e r . »

D u s s e r t , p r é o c c u p é p a r l e s c e n t p r o b l è m e s p o s é s p a r le d é p a r t d e sa t r o u p e , n ' a p a s f a i t d e c o m m e n t a i r e s n i p o s é d e q u e s t i o n s . A p r è s u n e b r è v e p o i g n é e d e m a i n , l e l i e u t e n a n t a

t o u r n é l e s t a l o n s e t , s a n s c é r é m o n i e , e n v ie i l h a b i t u é , s ' e s t

é q u i p é d e ses d e u x p a r a c h u t e s e t a p r i s p l a c e d a n s u n s t i c k e n c o u r s d e c o n s t i t u t i o n .

A S i n M a K a y il e s t c h e z l u i o u p r e s q u e ; c ' e s t l u i q u i a é t a b l i l e d o s s i e r t e c h n i q u e d e la z o n e d e s a u t u t i l i s é e p a r l e s l é g i o n -

n a i r e s , si p e u c o n f o r m e a u x n o r m e s a c a d é m i q u e s p r e s c r i t e s p a r l e c o m m a n d e m e n t d e s T A P e n m é t r o p o l e .

L o r s q u e P i e r r e C a v a s s e a d é b a r q u é à S a ï g o n e n j u i l l e t 1 9 4 9

a v e c d ' a u t r e s a n c i e n s d u B a t a i l l o n d e c h o c v o l o n t a i r e s p o u r u n d e u x i è m e s é j o u r e n I n d o c h i n e , le c o l o n e l C h a v a t t e , c o m m a n - d a n t d e s T A P I 3 les a c o n v o q u é s à s o n P C d e G i a D i n h .

1. Cai ao: veste; cai quart: pantalon. 2. EMO : État-major opérationnel. 3. TAPI : Troupes aéroportées d'Indochine.

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- V o u s i r e z a u T o n k i n , c ' e s t l à q u e s e j o u e l a p a r t i e e s s e n -

t i e l l e . L e s p a r a c h u t i s t e s n ' y c o n n a i s s e n t p a s d e r é p i t , i l s s o n t d e v e n u s l e r e c o u r s d u c o m m a n d e m e n t d a n s t o u t e s l e s s i t u a -

t i o n s d i f f i c i l e s . C e r t e s n o u s c o n n a i s s o n s à p e u p r è s t o u s l e s

p o i n t s n é v r a l g i q u e s d u t e r r i t o i r e m a i s , p o u r u n e p l u s g r a n d e

e f f i c a c i t é , p o u r p o u v o i r i n t e r v e n i r s a n s d é l a i , il n o u s f a u t d i s -

p o s e r d ' u n r é p e r t o i r e , d ' u n c a t a l o g u e d e s p o i n t s s e n s i b l e s

c o m p o r t a n t l e s é l é m e n t s i n t é r e s s a n t s e n c a s d ' o p é r a t i o n : l e s

z o n e s d e s a u t , l e s i t i n é r a i r e s , l e s r e n s e i g n e m e n t s s u r l ' i n f r a -

s t r u c t u r e e n n e m i e , s u r l e s p o p u l a t i o n s ; si p o s s i b l e , n o u s d e v o n s

y d i s p o s e r d e g u i d e s e t d ' a g e n t s . . .

L e c o l o n e l e s t m a s s i f , i m p r e s s i o n n a n t d e c a l m e e t d e d é t e r -

m i n a t i o n , o n l e d i t p e u e n c l i n à l ' h u m o u r , e x i g e a n t ; il sa i t d e

q u o i il p a r l e e t , m a n i f e s t e m e n t , s a i t c e q u ' i l v e u t .

- J u s q u ' à m a i n t e n a n t l e s p r é p a r a t i o n s d e s i n t e r v e n t i o n s

a é r o p o r t é e s o n t t r è s s o u v e n t , à c a u s e d e l ' u r g e n c e , l a i s s é u n e

t r o p g r a n d e m a r g e à l ' i m p r o v i s a t i o n . O u e l l e s o n t f a i t l ' o b j e t d e

n o m b r e u s e s r e c o n n a i s s a n c e s a é r i e n n e s q u i a l e r t e n t l ' e n n e m i ,

o u d ' e n q u ê t e s d i v e r s e s n é c e s s i t a n t d e s d é l a i s e t n u i s a n t à l a c o n s e r v a t i o n d u s e c r e t .

S a l o n g u e c a r r i è r e c o l o n i a l e i n d o c h i n o i s e e t s o n p o s t e d e

c h e f d ' é t a t - m a j o r d u g é n é r a l A l e s s a n d r i p e n d a n t l a r e t r a i t e d e

m a r s 1 9 4 5 e n o n t f a i t u n e x c e l l e n t s p é c i a l i s t e d u pays . D e p l u s ,

il a l o n g u e m e n t p e n s é l ' e m p l o i d e s p a r a c h u t i s t e s . I l a r é o r g a -

n i s é l e s T A P d ' u n e p o i g n e s o l i d e , r é g l e m e n t a n t , c o d i f i a n t ,

e x c l u a n t t o u t e f a n t a i s i e d a n g e r e u s e d u c o m p o r t e m e n t d e c e s

c o m b a t t a n t s q u i s e f l a t t e n t d ' ê t r e d i f f é r e n t s d e s a u t r e s . D e p u i s

p l u s d ' u n a n , p a t i e m m e n t , i l t e n t e d ' i m p o s e r à u n c o m m a n d e -

m e n t s a n s i m a g i n a t i o n d e s c o n c e p t i o n s g u e r r i è r e s r a t i o n n e l l e s e t a u d a c i e u s e s .

S e s i n t e r l o c u t e u r s n e d e m a n d a n t a p p a r e m m e n t q u ' à s e la i s -

s e r c o n v a i n c r e , il p o u r s u i t :

- D a n s c e t t e i n t e n t i o n , j ' a i c r é é les É t a t s - m a j o r s o p é r a t i o n -

n e l s a é r o p o r t é s ; il f a u t q u e les p a r a c h u t i s t e s , t o u t e n c o u r a n t

m o i n s d e r i s q u e s , s o i e n t e n c o r e p l u s e f f i c a c e s . L e c h e f d e

b a t a i l l o n E d m o n d G r a l l q u i c o m m a n d a i t l e se B P C s e r a r e s -

p o n s a b l e d e c e s E M O . V o u s a l l e z m e t t r e s u r p i e d l ' E M O -

N O R D ; à H a n o ï l e c o l o n e l d e P o n t b r i a n d , l e p a t r o n d e s p a r a -

c h u t i s t e s , v o u s a t t e n d .

« N o u s d e v o n s m e n e r u n e g u e r r e d i f f é r e n t e d e c e l l e e n t a m é e

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e n 1946. V o u s d e v e z ê t r e p a r m i l e s a r t i s a n s d e c e c h a n g e m e n t

q u i n o u s p e r m e t t r a p e u t - ê t r e d e g a r d e r l ' I n d o c h i n e . J e c o n n a i s

b i e n v o s é t a t s d e s e r v i c e p a r t i c u l i è r e m e n t b r i l l a n t s e t v o s c a r a c -

t è r e s p e u p o r t é s v e r s l e c o n v e n t i o n n e l , c e l a d e v r a i t v o u s a i d e r à c o n v a i n c r e e t m ê m e à v a i n c r e l e s r é t i c e n c e s , l ' i n e r t i e i n t e l l e c - t u e l l e d e s c o m m a n d e m e n t s l o c a u x .

A i n s i , d e p u i s l ' a u t o m n e 1 9 4 9 d e s o f f i c i e r s i s o l é s o u d i r i g e a n t

d e p e t i t e s é q u i p e s s o n t s u r l a b r è c h e , a c c o m p l i s s a n t u n t r a v a i l

é n o r m e e t s o u v e n t p l e i n d e r i s q u e s . L e s h o m m e s d u l i e u t e n a n t - c o l o n e l G r a l l s e s o n t p a r t a g é l e s

t e r r i t o i r e s à p r o s p e c t e r . I l s p a r t i c i p e n t à t o u t e s l e s o p é r a t i o n s

a é r o p o r t é e s e t à l a p l u p a r t d e s g r a n d e s o p é r a t i o n s t e r r e s t r e s

m e n é e s a u T o n k i n ; l e u r s d o s s i e r s d e r e n s e i g n e m e n t s , l e u r

c o n n a i s s a n c e d u t e r r a i n se r é v è l e n t v i t e p r é c i e u x p o u r l a

c o n c e p t i o n e t l ' e x é c u t i o n d e s p r e m i è r e s . D ' a b o r d é t o n n é s p a r

l e u r p r é s e n c e e t l e u r s p r é o c c u p a t i o n s i n s o l i t e s , l e s b a t a i l l o n s

p a r a s l e s o n t v i t e a d o p t é s ; n ' a p p a r t i e n n e n t - i l s p a s t o u s a u

m ê m e c l a n ? L e s é q u i p e s n e c e s s e n t d e q u a d r i l l e r l e t e r r a i n p a r d e s r e c o n n a i s s a n c e s t e r r e s t r e s o u a é r i e n n e s . D e s a u t o c h t o n e s

o n t p u ê t r e e x p é d i é s a u C e n t r e d e p e r f e c t i o n n e m e n t

c o m m a n d o d u C a p - S a i n t - J a c q u e s ; là , le c o l o n e l C h a v a t t e a

e n t r e p r i s d ' e n f a i r e d e s a g e n t s d e r e n s e i g n e m e n t s , d e s s a b o -

t e u r s , d e s r a d i o s c l a n d e s t i n s .

L e l i e u t e n a n t C a v a s s e s ' e s t v u a t t r i b u e r l e p a y s T h a ï p o u r

t e r r a i n d e p r o s p e c t i o n . I l n e sa i t p a s c o m b i e n c e s d e r n i e r s m o i s

r e p r é s e n t e n t d ' h e u r e s d e vo l a v e c l e s S i e b e l d e r e c o n n a i s s a n c e ,

les M o r a n e d e l i a i s o n , l e s J U 52 o u l e s D a k o t a d e s p a r a c h u -

t a g e s . A v e c s o n o m b r e f i d è l e , l e c a p o r a l - c h e f J o u a n n e t e a u , i ls o n t p o u s s é s o u v e n t l e s c o l i s d e r a v i t a i l l e m e n t a u - d e s s u s d e s

p o s t e s i s o l é s a v a n t d e s a u t e r , p a r f o i s s u r d e s t e r r a i n s i n c o n n u s .

I l s r e n t r a i e n t à H a n o ï é p u i s é s , sa t i s fa i t s . P e n d a n t p l u s i e u r s

j o u r s , f o u r b u m a i s é m e r v e i l l é , l e c a p o r a l - c h e f r e b a t t a i t l e s

o r e i l l e s d e ses c a m a r a d e s d e r é c i t s d e l o n g u e s m a r c h e s s u r d e s

p i s t e s i n c e r t a i n e s à t r a v e r s f o r ê t s e t m o n t a g n e s , d ' h i s t o i r e s d e

p i r o g u e s i n s t a b l e s , d e p e t i t s c h e v a u x p o i l u s , d e r i v i è r e s a u x

n o m s é t r a n g e s r e s s e m b l a n t à d e s c h a n t s : N a m C a y , N a m S u ,

N a m L u , d e m o n t a g n e s e t d e v i l l a g e s a u x n o m s d e c y m b a l e s

e n t r e c h o q u é e s : T s i n h H o , C h i e n g N e u a , P h o n g T h o . . . E t

J o u a n n e t e a u d e r a c o n t e r l e s g u i d e s a u x v i s a g e s i m p a s s i b l e s , a u x l o u r d s b i j o u x d ' a r g e n t , q u i l e s c o n d u i s a i e n t c h e z l e s

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peuples inconnus, les Nhangs, les Hunnis venus du Tibet igno- rant l'existence des Français. Le caporal-chef n'est pourtant pas à Sin Ma Kay. Il ne pourra pas raconter cette dernière aventure.

Maintenant, il fait nuit, une obscurité de poix à peine trou- blée par les feux des Marocains. Légionnaires et partisans sont invisibles; ils dorment peut-être, mais la plupart veillent quel- que part sur les crêtes embrumées. Près du PC un groupe de bérets verts s'affaire en vain, tentant d'incendier les parachutes mouillés.

Le capitaine Dussert voit dans le sacrifice des précieuses voi- lures un signe évident de débâcle prochaine; le lieutenant Cavasse disparaît dans le village pour de mystérieux rendez- vous.

La flamme capricieuse d'une vieille lampe à pétrole fumeuse et nauséabonde dissipe mal la pénombre, laissant dans l'obscurité les angles de la pièce. A l'entrée de Cavasse le silence n'a été rompu que par le gargouillement de la pipe à eau d'un fumeur invisible et, pendant un long moment, l'offi- cier a vainement tenté d'imaginer les intentions de ses inter- locuteurs.

- M. Lo Wen Teu que j'ai rencontré à Laï Chau, auprès du président Deo Van Long, m'a conseillé de prendre contact avec vous à Pha Long.

Les noms prononcés par Cavasse semblent retenir l'attention des quatre ou cinq Asiatiques qui l'observent. Si Deo Van Long est une espèce d'entité lointaine, le potentat local, chef tradi- tionnel des Thaïs pour lesquels les Méos éprouvent une sympa- thie fort nuancée, Lo Wen Teu est un personnage important, non seulement pour l'ethnie méo à laquelle il appartient, mais aussi pour les Thaïs qui constituent la classe dirigeante du pays. Son autorité politique et sa place dans les structures administratives largement antérieures à l'arrivée des Japonais ont été confirmées en 1947 dès le retour des Français; résistant efficace à l'ordre nippon il est devenu l'adjoint du gouverneur provincial. Un courant de sympathie s'est spontanément établi entre le petit lieutenant passionné et celui qui représente les

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Hmongs, ce qu'il traduit par : « des hommes pas comme les autres ».

Cavasse poursuit : - Lo Wen Teu m'a dit : « Il faut voir Chau Quang Lo, Tong

Doan 1 de Pha Long. Nous sommes du même village et mêmes parents; il faut voir aussi Hang Txao Lung qui commande au nord du Song Chay.

- C'est moi, Chau Quang Lo, et, lui, c'est Hang Txao Lung. Le ton du personnage qui s'est levé est interrogatif, sans

amabilité excessive. Chau Quang Lo est connu à l'est du fleuve Rouge. Sa répu-

tation guerrière n'est plus à faire, son autorité incontestée. Pour le moment, vêtu d'un vieux treillis de l'armée, il regarde en face l'officier. Les deux hommes sont à peu près de la même taille, un peu au-dessous de la moyenne, mais ils donnent tous les deux une impression de force et de souplesse. Le visage du Méo est immobile, sans expression; les traits accentués par la mauvaise lumière sont impressionnants; il est borgne depuis longtemps. Lo Wen Teu a raconté à Cavasse comment il l'est devenu.

- A peine adolescent, au cours d'une chasse à l'ours, le fusil à silex fabriqué par le forgeron du village, cadeau de son frère aîné, lui a éclaté au visage. Chau Quang Lo a perdu l'œil droit, mais, malgré son horrible blessure, la légende veut qu'il ait tué la bête avec son couteau.

Selon la coutume, Chau Quang Lo est un personnage important de son clan, un peu par hérédité ce qui lui confère plus de devoirs que d'avantages, mais surtout parce qu'il est sûrement intelligent, plus fort, plus brave, et qu'il est, malgré son infirmité, le meilleur tireur parmi les guerriers. S'il commande en titre la compagnie de partisans de Pha Long, son autorité s'étend beaucoup plus loin, sur d'autres sommets et d'autres vallées.

Tout de suite, le lieutenant Cavasse a senti que le borgne est le personnage principal de la réunion. La connaissance appro- fondie du pays qu'il hante depuis des mois comme son instinct ont fourni à l'officier les données essentielles concernant la situation et les hommes du pays Thaï; il connaît toute la complexité politique et humaine de cette région au relief diffi-

1. Chef des partisans militaires.

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cile et aux ethnies enchevêtrées dont il a découvert l'histoire avec passion. Cette nuit, il ne sera question que de la guerre contre le Viêt-minh. Le courage physique est ici une vertu, surtout quand il sert la justice. C'est pourquoi les chefs de postes français de la région frontière sont devenus des person- nages de légende auxquels la population se réfère continuelle- ment. Ces hommes ont su faire régner la paix entre les Thaïs et les Méos, écarter les périls chinois. Cavasse est bien persuadé que les Méos ne se battront pas tant pour l'amour de la France que pour la liberté que ses représentants peuvent leur apporter.

Les Méos détestent les Thaïs qu'ils accusent de les exploiter ; les Thaïs rêvent souvent d'une autonomie à laquelle pourraient se joindre ceux de Chine, du Laos et peut-être de Thaïlande. Le rêve de liberté des uns, le désir de grandeur des autres s'effacent devant leur haine commune des Annamites, une haine farouche, quasi ancestrale, bien antérieure à l'apparition des théories d'Hô Chi Minh. Pour ces ressemblances et ces dif- férences, les hommes du pays Thaï se battent aux côtés des Français.

Les interlocuteurs du lieutenant parachutiste sont tout à fait conscients de la tragédie déjà entamée et ne paraissent guère entretenir d'illusions.

Cavasse annonce : - Les troupes vont se replier jusqu'à Lao Kay; puis, après

une hésitation : - il est probable que même Lao Kay sera aban- donné. Je ne sais rien d'une possibilité du retour des Français à l'est du fleuve Rouge.

L'œil unique du Chau Quang Lo n'a pas cillé. C'est lui qui prend la parole ; quoique un peu approximatif son français est parfaitement compréhensible :

- Ce n'est pas la première fois que les Français se retirent, que les mauvais génies prennent le pas sur les bons. L'inverse peut aussi se produire; nous, nous sommes des Hmongs, la guerre ne nous effraie pas.

L'officier se remémore ce qu'il sait de ce peuple étrange. Leurs premières vagues sont arrivées au xixe siècle en Haute Région tonkinoise et au Laos, bien après les Thaïs Nungs. Ceux-ci se réfèrent à l'empire de Nan Chao qui existait en Chine du Ille au XIe siècle, couvrant les quatre provinces du Sud, et au roi Nung Tri Cao qui mit en péril le maître de Can- ton avant de mourir, vaincu, près de Cao Bang.

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Les Hmongs viennent du centre de la Chine, étape d'une lointaine migration puisque la tradition orale leur donne pour origine un pays de glace, où le jour et la nuit durent six mois. Leur réputation est bien établie. Ils sont turbulents, batailleurs, insouciants, braves et facilement cruels. Ils vivent sur les som- mets, encore plus hauts que les Mans qui, eux, se prétendent les fils de P'An Hou, un chien légendaire qui épousa la fille de l'empereur. Les Méos cultivent le maïs et le pavot, ils ne des- cendent dans les vallées qu'en acheteurs sans manières ou même en pillards sans vergogne. Ce sont des guerriers et des chasseurs solides et redoutables. Avant l'arrivée des Japonais, on disait qu'avec les fusils fabriqués par leurs forgerons un peu sorciers, ils ne craignaient ni l'ours, ni la panthère, ni d'ailleurs les gardes-frontières, qu'ils soient chinois ou annamites.

Le borgne poursuit : - Quand les Japonais sont venus, avec le capitaine Cuq et

même après son départ en Chine avec ses soldats, nous leur avons tenu tête, nous les Méos, les Mans et les Nungs.

« Après, les Chinois et les nationalistes annamites du VNQDD 1 sont arrivés. Nous en sommes venus à bout, ainsi que des pirates qui semaient le désordre. Avec Ly Seo Nung, en attendant le retour des Français, nous avons ramené la paix et la prospérité et, lorsque les Français l'ont décidé, avec Ly Seo Nung nous avons chassé les Viets.

Les quelques phrases prononcées par le chef méo résument avec une extrême simplicité plusieurs années de combats diffi- ciles dans ce secteur frontalier. Le capitaine Cuq, officier colo- nial, seigneur de la frontière pour la région Muong Khuong Pha Long depuis plusieurs années, avait su organiser avec la participation active des populations une résistance efficace à l'occupant japonais avant de lui causer des pertes sérieuses et de réussir à replier en Chine son unité de tirailleurs tonkinois. Ainsi, avant le 9 mars 1945, les Méos de Lo Wen Teu et de Chau Quang Lo apportaient leur adhésion totale à l'action menée par l'officier français. Les Nungs, sous l'influence de Ly Seo Nung, fils de notable de Muong Khuong, sous-officier à la compagnie Cuq et agent de renseignements exemplaire, en faisaient autant.

Cuq et ses tirailleurs étant retenus en Chine par la discipline

1. Parti nationaliste vietnamien.

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e t l e s a l é a s d e l a p o l i t i q u e , L y S e o N u n g , r e n t r é c l a n d e s t i n e -

m e n t a u p a y s , a v a i t s u r e p r e n d r e , a v e c l e c o n c o u r s d e C h a u

Q u a n g L o e t d e s a u t r e s c h e f s l o c a u x , l e c o n t r ô l e d e l a r é g i o n a b a n d o n n é e p l u s i e u r s m o i s a u p a r a v a n t . S e u l s , i ls é t a i e n t v e n u s

à b o u t d e s C h i n o i s , d e s p i r a t e s , d e s n a t i o n a l i s t e s v i e t n a m i e n s

p u i s d e s V i e t m i n h , a l o r s q u e l e s p r e m i e r s é l é m e n t s r é g u l i e r s d u

C o r p s e x p é d i t i o n n a i r e o c c u p a i e n t à p e i n e L a o K a y l e 25 o c t o -

b r e 1947 . S i t o u t e la H a u t e R é g i o n n ' a v a i t p a s é t é c o m p l è t e -

m e n t d é b a r r a s s é e d e s c o m m u n i s t e s à c e t t e é p o q u e , c e n ' é t a i t

p a s i m p u t a b l e à l a v o l o n t é e t a u c o u r a g e d e s m o n t a g n a r d s , m a i s s e u l e m e n t a u x i n s u f f i s a n c e s d i v e r s e s d u c o m m a n d e m e n t f r a n -

ça i s .

C h a u Q u a n g L o s e m b l e q u ê t e r l ' a p p r o b a t i o n d e s e s c o m p a - g n o n s ; i ls a c q u i e s c e n t d ' u n m u r m u r e e t d e h o c h e m e n t s d e t ê t e .

- L ' a n d e r n i e r , l e s V i e t s s o n t r e v e n u s , e n l e v a n t P h o L u s u r

l e f l e u v e R o u g e , m e n a ç a n t L a o K a y e t H o a n g S u P h i . Q u a n d

l e s p a r a c h u t i s t e s s o n t v e n u s , l e s V i e t s s o n t r e t o u r n é s c h e z e u x . C a v a s s e s e c o u e l a t ê t e e t i n s i s t e :

- C e t t e fo i s , je n e sa i s p a s si l e s p a r a c h u t i s t e s r e v i e n d r o n t , i ls

o n t b e a u c o u p à f a i r e a i l l e u r s . . . L e s c iv i l s e t l e s b l e s s é s v o n t p a r -

t i r d è s m a i n t e n a n t , l e s s o l d a t s p a r t i r o n t e n f i n d e n u i t .

L e c h e f b o r g n e h a u s s e l e s é p a u l e s :

- J e v o u s c o n d u i r a i j u s q u ' à M u o n g K h u o n g , m ê m e j u s q u ' à

L a o K a y , m a i s m o i je m e b a t t r a i ici . J e r e s t e r a i ic i . D e p u i s

l o n g t e m p s , a v e c L y S e o N u n g , n o u s a v o n s e n v i s a g é u n e

p a r e i l l e é v e n t u a l i t é . N o u s a v o n s p r é p a r é n o t r e p e u p l e e t c o n s t i -

t u é q u e l q u e s r é s e r v e s s e c r è t e s . N o s h o m m e s s a v e n t v i v r e d e

p e u . S ' i l l e f a u t , n o u s b r û l e r o n s n o s v i l l a g e s , n o u s v i v r o n s d a n s

l e s g r o t t e s d e l a m o n t a g n e . L a f o r ê t n o u s f o u r n i r a d u g i b i e r ,

d e s f r u i t s , d e s r a c i n e s . . . C e l a d u r e r a b i e n j u s q u ' à l ' é t é .

- J e n e p e u x r i e n p r é v o i r q u a n t à n o t r e r e t o u r , m a i s u n s o u -

t i e n , u n r a v i t a i l l e m e n t p a r p a r a c h u t a g e s o n t s a n s d o u t e p o s - s ib les . il f a u d r a i t p r é v o i r u n e l i a i s o n r a d i o . . .

- J ' a i c o n f i a n c e d a n s l e s p a r a c h u t i s t e s , r é t o r q u e C h a u

Q u a n g L o . J e les a i v u s c o m b a t t r e , c e s o n t d e b o n s g u e r r i e r s , m a i s , a j o u t e - t - i l a p r è s u n m o m e n t , e u x a u s s i d o i v e n t o b é i r a u x o r d r e s d ' H a n o ï .

L ' a t m o s p h è r e e s t o p p r e s s a n t e d a n s l a p i è c e o b s c u r e ; l e s c i g a - r e t t e s d e C a v a s s e n e p a r v i e n n e n t p a s à l ' e m p o r t e r s u r l a p u a n - t e u r d e l a l a m p e q u i c h a r b o n n e .

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D e h o r s , d a n s u n p i é t i n e m e n t c o n f u s , l ' e x o d e se m e t e n m a r c h e . A m i - v o i x l e p e t i t l i e u t e n a n t e t l e M é o b o r g n e p o u r -

s u i v e n t e n s e m b l e d e s p r o j e t s a u x a l l u r e s d e c h i m è r e s .

A p r è s S i n M a K a y , il f a u t f r a n c h i r le S o n g C h a y , t o r r e n t

p u i s s a n t , i m p é t u e u x ; e n p a s s e d e d e v e n i r u n g r a n d f l e u v e , il r o u l e a u f o n d d e g o r g e s p r o f o n d e s e n v a h i e s p a r u n e v é g é t a t i o n

l u x u r i a n t e . A L a H e u , le b a c e s t r u s t i q u e , s i m p l e r a d e a u d e

b a m b o u s g r o s s i è r e m e n t a s s e m b l é s , r e l i é à u n c â b l e m é t a l l i q u e

t e n d u t r è s h a u t e n t r e l e s b e r g e s e s c a r p é e s .

L a t r a v e r s é e es t l o n g u e e t d i f f i c i l e . L o i n d e r r i è r e la l o n g u e

f i l e d e c ivi ls , d e s u p p l é t i f s t h a ï s , d e M a r o c a i n s e t d e l é g i o n -

n a i r e s , d e s d é t o n a t i o n s s p o r a d i q u e s r o u l e n t , r é p e r c u t é e s p a r

l ' é c h o ; d e s p a r t i s a n s m é o s h a r c è l e n t s a n s d o u t e l e s a v a n t -

g a r d e s d e l ' e n n e m i . D ' a u t r e s , i n v i s i b l e s , v e i l l e n t d e p a r t e t d ' a u t r e d e l a c o l o n n e v u l n é r a b l e .

P e u a p r è s m i d i , d e s o b u s d e m o r t i e r s é c l a t e n t à p r o x i m i t é d u

b a c . L e s V i e t s se r a p p r o c h e n t ; p l u s i e u r s t i r a i l l e u r s n o r d -

a f r i c a i n s t r o p p r e s s é s se j e t t e n t à l ' e a u e t se n o i e n t d a n s l e s t o u r -

b i l l o n s f u r i e u x . L e s l é g i o n n a i r e s t r a v e r s e n t l e s d e r n i e r s e t

m a r q u e n t u n t e m p s d ' a r r ê t ; p e u t - ê t r e f a u d r a - t - i l se b a t t r e , l e s

h o m m e s d u c a p i t a i n e D u s s e r t n e d e m a n d e n t p a s m i e u x .

L a c o l o n n e a p r i s d e s a l l u r e s d e m i g r a t i o n , h o r d e p r i m i t i v e

d ' h o m m e s d e g u e r r e s i l e n c i e u x m ê l é s a u x f e m m e s e t a u x

e n f a n t s . D e s p a r t i s a n s s o n t b a r d é s d ' a r m e s d i v e r s e s , q u e l q u e s

c h e v a u x s o n t c h a r g é s d ' i m p e d i m e n t a h é t é r o c l i t e s . L e s C h i n o i s ,

v ê t u s d e c o t o n b l e u , se s o n t r e g r o u p é s . C e s o n t p r e s q u e t o u s

d e s c o m m e r ç a n t s ; d e p u i s t o u j o u r s , i ls f o n t l e s f r a i s d e c e s v a - e t -

v i e n t t u r b u l e n t s . Q u e l q u e s f e m m e s , a u x p i e d s m u t i l é s s u i v a n t

la c o u t u m e a n c i e n n e , e n v e l o p p é e s d a n s d e g r a n d s m a n t e a u x ,

s o n t m a l a d r o i t e m e n t j u c h é e s s u r d e p e t i t s c h e v a u x p o i l u s . L e s e n f a n t s r i e u r s a u x v i s a g e s d e l u n e e t a u x f e s s e s n u e s d a n s l e u r s

p a n t a l o n s s a n s f o n d , m a r c h e n t s a n s c r a i n t e e n t r e l e s j a m b e s d e s a n i m a u x .

D e s é c l a i r e u r s m é o s , r e c o n n a i s s a b l e s à l e u r s c o l l i e r s d ' a r g e n t

s u r l e u r s t u n i q u e s n o i r e s o u b l e u e s t r e m p é e s d e p l u i e ,

r e j o i g n e n t les l é g i o n n a i r e s q u i o n t r e p r i s l e u r m a r c h e , p u i s d i s -

p a r a i s s e n t . D e t e m p s e n t e m p s , a u b o r d d e l a p i s t e , l ' u n d ' e u x

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s u r g i t d ' u n a m a s d e r o c h e r s o u d ' u n b u i s s o n r u i s s e l a n t d e

b r o u i l l a r d , a c c r o u p i , c o m m e a b s e n t , l e f u s i l e n t r a v e r s d e s

c u i s s e s . I l a t t e n d le p a s s a g e d e l ' u n d e s s i e n s ; i ls p a r l e n t à m i -

v o i x , s a n s g e s t e s i n u t i l e s . P a r f o i s , c ' e s t u n p a y s a n , u n v i e u x s a n s

a r m e , a p p u y é c o n t r e u n a r b r e , q u i é c h a n g e q u e l q u e s m o t s a v e c

l e s g u e r r i e r s e n m a r c h e . L e b r o u i l l a r d l ' e f f a c e v i t e a u x y e u x d e

l ' a r r i è r e - g a r d e .

J u s q u ' à P h a L o n g l e t r a j e t se d é r o u l e s a n s a c c r o c m a i s l e c i e l

r e s t e ba s , a u r a s d u sol . D e p u i s p l u s i e u r s j o u r s l a m é t é o i n t e r d i t

l e s p a r a c h u t a g e s , le m a n q u e d e r a v i t a i l l e m e n t é p r o u v e l e s

E u r o p é e n s . L o r s q u ' i l s e n t e n d e n t l e b o u r d o n n e m e n t d e l ' a v i o n

i n v i s i b l e q u i l e s c h e r c h e e n v a i n , l e u r s e s t o m a c s se r é v o l t e n t u n

p e u p l u s .

L e s h a b i t a n t s d e P h a L o n g d o n n e n t c e q u ' i l s o n t : u n p e u d e

s e m o u l e d e m a ï s , d e s c i g a r e t t e s c h i n o i s e s , o n t u e u n b u f f l e .

C h a u Q u a n g L o p r é s e n t e sa f a m i l l e a u l i e u t e n a n t C a v a s s e ,

s i g n e d e l ' a l l i a n c e , d e la c o n f i a n c e .

U n d e s f i l s d u b o r g n e , q u i d o i t a v o i r s e p t a n s , e s t a r m é d ' u n

f u s i l , d e u x f o i s p l u s g r a n d q u e l u i , s a n s d o u t e u n d e s v i e u x

l e b e l d e l a G a r d e i n d o c h i n o i s e . A u d é p a r t d u c o u p , l e r e c u l l e

f a i t t o m b e r s u r l e s f e s s e s m a i s il a a t t e i n t l a c i b l e d é s i g n é e p a r

s o n p è r e q u i , a t t e n d r i , s o u r i t d e s o n œ i l u n i q u e . L e s l é g i o n -

n a i r e s se t a i s e n t , i m p r e s s i o n n é s p a r c e g r a n d d i a b l e q u i , s ' i l n e

p o r t e p a s d e c o l l i e r d ' a r g e n t , a r b o r e u n e c r o i x d e g u e r r e p e n - d a n t e s u r sa v e s t e d e t r e i l l i s u s é e .

D e P h a L o n g à M u o n g K h u o n g l a p i s t e e s t e n c o r e s û r e . Si

P h a L o n g s u r t o u t p e u p l é d e M é o s e s t l e f i e f i n c o n t e s t é d e

C h a u Q u a n g L o , M u o n g K h u o n g , h a b i t é p a r u n e m a j o r i t é d e

N u n g s , e s t c e l u i d e L y S e o N u n g . L e s d e u x v i l l a g e s , a n c i e n s

p o s t e s f r o n t i è r e s t e n u s p a r d e s o f f i c i e r s c o l o n i a u x , o n t é t é p r o -

f o n d é m e n t m a r q u é s p a r l e s p e r s o n n a l i t é s s u c c e s s i v e s d e s

h o m m e s q u i e n o n t a s s u r é l e c o m m a n d e m e n t .

D e p u i s d e u x a n s l e s F r a n ç a i s o n t a t t r i b u é à L y S e o N u n g l e s

g a l o n s d e l i e u t e n a n t s u p p l é t i f e t l e c o m m a n d e m e n t d e d e u x

c o m p a g n i e s d e p a r t i s a n s ; l ' a u t o r i t é m i l i t a i r e , s e l o n ses u s a g e s ,

n ' a p a s f a i t p r e u v e d ' u n e g é n é r e u s e r e c o n n a i s s a n c e e n v e r s

l ' i n t é r e s s é . I l a c e p e n d a n t é t é n o m m é s o u s - l i e u t e n a n t d ' a c t i v é

e n d é b u t d e l ' a n n é e . L y S e o N u n g q u i a d e p e u d é p a s s é la t r e n -

t a i n e e s t n é à M u o n g K h u o n g ; f i l s d e n o t a b l e , il e s t a l l é à

l ' é c o l e d e Y e n B a y q u i a v a i t p o u r a m b i t i o n d e f o r m e r l e s é l i t e s

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d e s p o p u l a t i o n s m o n t a g n a r d e s . A t t i r é p a r l e m é t i e r d e s a r m e s ,

p l e i n d ' a d m i r a t i o n p o u r l e l i e u t e n a n t F o u r n i e r c o m m a n d a n t l a

p e t i t e g a r n i s o n d e P h a L o n g , i l s ' e s t e n g a g é a u 1er R é g i m e n t d e t i r a i l l e u r s t o n k i n o i s . S e s c h e f s , r a p i d e m e n t , o n t e n v i s a g é p o u r

l u i u n a v e n i r d ' o f f i c i e r . N ' é t a i t - i l p a s u n a t h l è t e i n f a t i g a b l e ,

s o u p l e e t m i n c e , a u x r é f l e x e s r a p i d e s , u n g r a d é i n t e l l i g e n t e t

d i s c i p l i n é p o s s é d a n t s u r l e s s o l d a t s u n i n d é n i a b l e a s c e n d a n t ?

D e p l u s , il p a r l a i t b i e n l e f r a n ç a i s , l e v i e t n a m i e n , les d i a l e c t e s

d e la f r o n t i è r e , l e t h a ï e t l e c h i n o i s . L e s é v é n e m e n t s d e 1 9 4 0 e t l e u r s r é p e r c u s s i o n s e n I n d o c h i n e

e n o n t d é c i d é a u t r e m e n t e t l e s e r g e n t - c h e f L y S e o N u n g s e r -

v a n t à M u o n g K h u o n g s o u s les o r d r e s d u c a p i t a i n e C u q e s t

d e v e n u l a c h e v i l l e o u v r i è r e d e la r é s i s t a n c e a u x J a p o n a i s p o u r

l a r é g i o n . I l s ' e s t r é v é l é u n a g e n t d e r e n s e i g n e m e n t s p a r t i - c u l i è r e m e n t d o u é . O r g a n i s a t e u r d e r é s e a u x d ' a c t i o n , d ' a u t o -

d é f e n s e s , p o u r v o y e u r d ' a r m e s a c h e t é e s a u x s o l d a t s c h i n o i s , il a f a c i l i t é l e s c o n t a c t s a v e c l e s s e r v i c e s s e c r e t s a l l i é s j u s q u ' a u r e p l i e n C h i n e .

E n s e p t e m b r e 1945 , il es t r e n t r é c l a n d e s t i n e m e n t a u p a y s e t ,

a u s s i t ô t , a a f f i r m é s o n a u t o r i t é s u r la r é g i o n , r a l l i a n t l e s N u n g s ,

l e s M a n s e t l es M é o s d e s o n a m i C h a u Q u a n g L o . I l e s t p a r -

v e n u à m e t t r e h o r s d ' é t a t d e n u i r e les b a n d e s d e p i r a t e s l o c a u x ,

à l i m i t e r l e s e x i g e n c e s d e l ' o c c u p a n t c h i n o i s e t , a u d é p a r t d e

c e l u i - c i a é l i m i n é r a d i c a l e m e n t l e s p a r t i s a n s d u V N Q D D

n a t i o n a l i s t e , i n s t a l l é s p a r les t r o u p e s d u K o u o - m i n - t a n g .

S o u t e n u p a r L o W e n T e u e t C h a u Q u a n g L o , il a g a r d é d e s

d i s t a n c e s p r u d e n t e s a v e c le V i ê t - m i n h d o n t il s ' e s t d é b a r r a s s é

p a r l e s a r m e s à l a f i n d e 1 9 4 7 l o r s q u ' i l e n a r e ç u l ' o r d r e d u

c o m m a n d e m e n t f r a n ç a i s . A v e c l e u r s s e u l s m o y e n s , s o u t e n u s

p a r l e s p o p u l a t i o n s , L y S e o N u n g e t C h a u Q u a n g L o o n t l i b é r é

u n v a s t e t e r r i t o i r e s u r la r i v e g a u c h e d u f l e u v e R o u g e p e r m e t -

t a n t a u C E F E O d e s 'y r é t a b l i r e t d e t e n i r l e p a y s a v e c d e t r è s f a i b l e s e f f e c t i f s .

D e p u i s , d a n s t o u t e s les c i r c o n s t a n c e s , m a l g r é l ' i n g r a t i t u d e d e

l ' a d m i n i s t r a t i o n d e l ' A r m é e à s o n é g a r d , L y S e o N u n g s ' e s t

t o u j o u r s m o n t r é d ' u n e p a r f a i t e l o y a u t é ; s e s c a p a c i t é s , l ' a m p l e u r

d e s o n r ô l e a u r a i e n t l o g i q u e m e n t d û l u i v a l o i r l ' o c t r o i d ' u n e

p l u s g r a n d e c o n s i d é r a t i o n e t d e p l u s g r a n d e s r e s p o n s a b i l i t é s .

L e s l é g i o n n a i r e s n ' a t t e i g n e n t m ê m e p a s L a o K a y . I l s s o n t d i r i g é s d ' u r g e n c e s u r l e t e r r a i n d ' a v i a t i o n d ' o ù u n e r o t a t i o n

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d ' a p p a r e i l s l e s e m p o r t e v e r s d ' a u t r e s c o m b a t s m a l e n g a g é s .

D a n s la v i l l e , l e c o l o n e l C o s t e , r e s p o n s a b l e d e l a z o n e a u t o -

n o m e d u N o r d - O u e s t , c o n f i r m e s a n s p é r i p h r a s e s l e s m a u v a i s e s

n o u v e l l e s : d e t r è s d u r e s o p é r a t i o n s s o n t e n c o u r s e n M o y e n n e

R é g i o n p o u r l ' é v a c u a t i o n d e C a o B a n g . L ' o r d r e e s t d o n n é , f o r -

m e l , d ' é v a c u e r l e s p o s t e s d e l a r i v e g a u c h e d u f l e u v e R o u g e e t

m ê m e L a o K a y . L y S e o N u n g , a v e c ses c o m p a g n i e s d e s u p p l é -

t i f s , p a r t i c i p e r a à l a c o u v e r t u r e d u r e p l i e n t e n a n t l e s e c t e u r d e

B a n L a o , a u n o r d - e s t . I l n e p o u r r a p a s p a r t i c i p e r à l a d é f e n s e

d e s o n p a y s n a t a l . D i s c i p l i n é , l a m o r t d a n s l ' â m e , il s e p r é p a r e à o b é i r .

A u x a r g u m e n t s d u c o l o n e l C o s t e c o m m a n d a n t l a Z A N O l,

C h a u Q u a n g L o s e c o u e l a t ê t e s a n s r é p o n d r e . I l e s t p r e s s é d e

r e t o u r n e r v e r s l ' e s t p o u r r e t r o u v e r s o n p e u p l e e t l ' e m m e n e r a u

c o m b a t , il n e t i e n t p a s à s ' a t t a r d e r e n l a m e n t a t i o n s o u à

e n t e n d r e d e v a g u e s p r o m e s s e s . L a g u e r r e n ' a t t e n d p a s , e t c e t t e

g u e r r e il v a d e v o i r la m e n e r s e u l ; l e p e t i t l i e u t e n a n t p a r a c h u -

t i s t e d ' H a n o ï l ' a i d e r a p e u t - ê t r e .

L e d e r n i e r t r i m e s t r e d e 1 9 5 0 a m è n e a u T o n k i n u n e è r e d e

d é s a s t r e s m i l i t a i r e s . L ' i n c a p a c i t é d u c o m m a n d e m e n t d o n t

l ' a f f o l e m e n t c o n f i n e à l a p a n i q u e , u n e p a n i q u e c o n t a g i e u s e , n e

p e r m e t p a s d ' e s p é r e r u n r e d r e s s e m e n t d e l a s i t u a t i o n . L e b i l a n

e s t s é v è r e : e n o c t o b r e s u r la R C 4 , 4 8 0 0 t u é s o u d i s p a r u s ,

10 0 0 0 a r m e s p e r d u e s , l ' a b a n d o n p r é c i p i t é e t i n j u s t i f i é d e L a n g

S o n . L e c l i m a t p o l i t i q u e à P a r i s n ' a m é l i o r e p a s le m o r a l d e

c e u x q u i v i v e n t la c r i s e s u r l e t e r r a i n . L e 19 o c t o b r e , M e n d è s

F r a n c e d é c l a r e à l ' A s s e m b l é e n a t i o n a l e à p r o p o s d e l ' a c t i o n

m e n é e p a r l a F r a n c e e n I n d o c h i n e :

« E l l e r e p o s e à l a f o i s s u r u n e f f o r t m i l i t a i r e , q u i e s t i n s u f f i -

s a n t e t i m p u i s s a n t à a s s u r e r u n e s o l u t i o n d e f o r c e , e t s u r u n e

p o l i t i q u e i n s u f f i s a n t e e t i m p u i s s a n t e p o u r n o u s a s s u r e r l ' a d h é -

s i o n d e s p o p u l a t i o n s . » C o m m e n t o b t e n i r l ' a d h é s i o n d e s p o p u l a t i o n s , a l o r s q u ' a u

d é b u t d e n o v e m b r e l ' é v a c u a t i o n d e H o a B i n h l i v r e à l ' e n n e m i

l e s p o p u l a t i o n s m u o n g s , q u e l e s u n i t é s r é g u l i è r e s v i e t s

1. Zone autonome du Nord-Ouest.

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m e n a c e n t H a n o ï et q u e les a r m é e s de M a o T s é - t o u n g sont à la f ront iè re ?

A la m ê m e é p o q u e le R é g i m e n t v i e t m i n h 165 en lève les défenses ex té r ieures de L a o Kay, L y Seo N u n g est sérieuse- m e n t blessé à Ban Lao. L e co lonel Coste repl ie ses t r oupes en di rec t ion de L a ï C h a u . A u nord , l ' e n n e m i s ' e m p a r e de P h o n g T h o , il n ' a p lus devan t lui, à l 'ouest , q u e les fragi les mi l ices thaïs de D e o V a n L o n g , p rés iden t de la F é d é r a t i o n thaï , et les uni tés au mora l incer ta in d u co lonel Coste.

A l'est d u f leuve R o u g e reste C h a u Q u a n g Lo. L e l i eu t enan t Cavasse et L o W e n T e u , celui-ci r é fug ié à

H a n o ï avec que lques notables méos, n ' o n t pas oubl ié les pro- messes faites à P h a L o n g et ne p e r d e n t pas l 'espoir d ' u n redres- s e m e n t de la s i tuat ion.

Dès la fin d é c e m b r e 1950, les messages de la radio e n n e m i e , in terceptés et déchif f rés , fon t état de l ' insécur i té qu i r ègne en t re le f leuve R o u g e et la r ivière Cla i re et de difficiles négo- ciat ions m e n é e s avec les popu la t ions locales.

L o W e n T e u sent là u n e p reuve des activités de C h a u Q u a n g L o :

- S'il a accepté de négoc ie r avec les c o m m u n i s t e s , c 'est seu- l e m e n t p o u r gagne r du t e m p s ; il sait que les Viets on t besoin de sécur i té p o u r p ro téger leurs axes de rav i ta i l lement , qu ' i l s veulent , au mo ins dans u n p r e m i e r t emps , ob ten i r ce qu ' i l s sou- ha i t en t par la persuasion. Q u a n d ils seront p lus forts v i end ron t la force et la cont ra in te .

D e p u i s H a n o ï en proie à toutes les craintes , inséparables , l 'officier et le M é o prof i t en t de toutes les occas ions p o u r survo- ler la rég ion r é c e m m e n t a b a n d o n n é e . A P h a L o n g , lors des survols, la popu la t ion fait toujours de g rands gestes a m i c a u x e n di rec t ion de l 'avion.

- Si les bo-dois 1 o u m ê m e s e u l e m e n t les can-bo2 occupa i en t le village, es t ime L o W e n T e u , les paysans ne p o u r r a i e n t pas se r eg roupe r ainsi et n o u s saluer. Je suis sûr q u e C h a u Q u a n g L o n 'es t pas loin.

Con f i an t dans le j u g e m e n t de son c o m p a g n o n et dans sa p ropre impress ion , le l i eu t enan t Cavasse déc ide de p r e n d r e le r isque de p a r a c h u t e r u n poste radio et q u e l q u e s a r m e s au cours

1. Soldats réguliers de l'Armée populaire vietminh. 2. Cadres vietminh chargés de la sûreté et de la propagande.

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du prochain survol. Le poste, un SCR 536 plus très neuf, est un instrument de faible portée, comme le reste du chargement il a été mendié auprès d'unités amies sans alerter la hiérarchie. Le lieutenant commente son initiative en ricanant, sans trop de conviction pourtant :

- Si les Viets récupèrent cet envoi, après nos pertes de la RC4 et ce que le colonel Constans a abandonné à Lang Son, qui pourrait m'en tenir rigueur?

Le parachutage se déroule sans difficulté ; les colis sont bien ramassés par les paysans qui gesticulent comme des fous.

Une dizaine de jours plus tard, le vieux JU 52 ronronne au- dessus de Pha Long. A terre les hommes en bleu sont là, mais le poste parachuté reste muet aux appels de Cavasse. Lo Wen Teu essaie à son tour, parlant dans sa langue. C'est Chau Quang Lo en personne qui répond. Il s'assure, par des ques- tions précises, de l'identité de son interlocuteur.

- J'ai bien cru reconnaître ta voix, mais je voulais être sûr, les Vietminh sont malins.

- Le borgne est méfiant, sourit Cavasse, il n'a pas tort. Le chef méo réclame un poste radio plus puissant, afin de

pouvoir correspondre avec Hanoï. Il veut aussi des armes et des munitions car tous les Méos et les Nungs souhaitent se battre; certains ont d'ailleurs déjà commencé. Il n'y a pas d'excitation, même pas d'étonnement dans la voix de Chau Quang Lo, tout juste un certain contentement, comme si l'intervention dont il bénéficie était seulement la suite logique de conversations antérieures.

- Les hommes sont difficiles à retenir à cause de l'attitude des Viets. Ceux-ci n'ont que mépris pour nous, réclamant du ravitaillement, des coolies, des hommes pour leur armée, vou- lant que nous livrions nos armes. Je discute avec leurs chefs comme je le faisais avec les Japonais mais je ne pourrai pas continuer longtemps. Ils passeront à l'action un jour ou l'autre et je n'ai pas assez de moyens pour les prendre de vitesse.

A Hanoï, depuis Noël, l'arrivée du général de Lattre a pro- voqué dans les états-majors et les services une crainte différente mais presque aussi forte que celle causée par les Viets. Per- sonne ne sait comment Cavasse a pu se procurer un poste radio 694 auprès de la Direction des transmissions, particulièrement formaliste en temps normal.

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Le lieutenant reste discret sur les procédés employés pour obtenir un tel appareil habituellement utilisé à l'échelon du bataillon ou du secteur. Il le fait parvenir à la guérilla avec un lot d'armes sur la provenance duquel il est évasif.

Dès janvier, les accrochages se multiplient à l'est de Lao Kay; à Hanoï où les secrets durent peu, le lieutenant Cavasse ne se sent guère soutenu dans la conduite de son aventure. Certes, depuis Saïgon, le colonel Grall, son chef direct, lui fait confiance et, une fois pour toutes, lui a donné sa bénédiction ; Grall est un battant, certains disent une sorte de condottiere, ouvert aux initiatives originales. Sa réputation de chef de bande plutôt hors normes ne facilite pas toujours ses rapports avec sa hiérarchie.

Au Tonkin les autorités ignorent ou font semblant. Mais le colonel de Rocquigny, commandant les TAP, est fort peu enthousiaste, conseillant fermement à Cavasse de ne pas perdre son temps à gaspiller un potentiel aérien précieux.

- Ces histoires rocambolesques de guérilla et de maquis sur les arrières de l'ennemi n'entrent pas dans nos prévisions, ni dans vos attributions, vos conceptions farfelues et vos combines pour vous procurer du matériel vont nous attirer des ennuis.

Le colonel, petit de taille et de physique ingrat n'est pas d'un caractère facile. Figure des campagnes d'Italie et de la Libéra- tion, il y a acquis, à la tête de ses tirailleurs algériens, une solide réputation de baroudeur mais sa formation et ses expé- riences antérieures ne l'ont pas orienté vers des formes de combat non conventionnelles.

Cavasse fait le gros dos et, bien décidé à poursuivre, décide de tenter sa chance auprès du colonel Coste, installé désormais à Laï Chau. Le responsable de la ZANO devrait être le premier intéressé à une formule d'intervention supplémentaire dans le secteur qu'il a dû abandonner quelques semaines auparavant. Au cours d'une escale à Laï Chau, Cavasse tente de le convaincre mais échoue.

L'attitude négative de son supérieur ne le surprend guère; au cours de ses périgrinations en pays Thaï, il l'a déjà rencontré plusieurs fois. Se référant volontiers à son expérience colo- niale, le colonel est facilement péremptoire. Il ressemble à bon nombre d'officiers supérieurs auxquels les cadres de l'EMO ont eu affaire au cours de leurs reconnaissances, militaires coura-

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geux mais pas toujours imaginatifs, soucieux de leur carrière et jaloux de leurs prérogatives.

- Cavasse! La frontière est toute proche, vos parachutages seront la source de problèmes avec les Chinois. Nous avons déjà 30 000 ou 40 000 nationalistes réfugiés au Tonkin ! Vous me voyez avec un incident diplomatique sur les bras, tout ça pour quelques centaines de paysans incontrôlables!

Le petit lieutenant sent la moutarde lui monter au nez mais il se calme. De taille un peu au-dessous de la moyenne, il s'est engagé dans les chasseurs alpins, il y a conquis ses premiers grades et en a gardé une forme physique surprenante. Mince et svelte à quarante ans, cet ancien sous-officier en paraît dix de moins. Sa culture générale et ses capacités intellectuelles et militaires lui ont valu d'occuper des emplois de confiance et d'effectuer d'instructifs passages dans les états-majors où il a acquis de sérieuses connaissances sur la psychologie de ses supérieurs. Il a gagné ses galons d'officier aux commandos du colonel Gambiez avant de découvrir l'Indochine au cours d'un premier séjour au Bataillon de choc.

Son expérience lui a été utile. Il entretient de bonnes rela- tions avec Deo Van Long dont les milices constituent une part non négligeable dans la défense du pays Thaï. Le colonel Coste doit en tenir compte, d'autant que le président de la Fédération thaï possède des relations et même un poids poli- tique à Hanoï où le général de Lattre prend efficacement la situation en main. Exigeant, ennemi de la routine, le nouveau commandant en chef a peu le souci de la carrière de ses subor- donnés.

Quelques jours plus tard, éclairé par des voies mystérieuses ou par de saines réflexions, le colonel Coste accepte d'accompagner Cavasse et Lo Wen Teu dans une de leurs mis- sions aériennes. Tout en professant nombre de restrictions et en multipliant les précautions à prendre dans l'action, il en revient persuadé de l'existence et de l'intérêt éventuel de la guérilla de Chau Quang Lo. Celui-ci reçoit ainsi un brevet d'existence officieuse qui va faciliter son avenir immédiat.

Dès les premiers jours de février 1951, les Méos fêtent leur nouvel an. Exaspéré par l'attitude des montagnards et leur hos-