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CFS:2008/2 Août 2008 Le tirage du présent document est limité pour réduire au maximum l'impact des méthodes de travail de la FAO sur l'environnement et contribuer à la neutralité climatique. Les délégués et observateurs sont priés d'apporter leur exemplaire personnel en séance et de ne pas demander de copies supplémentaires. La plupart des documents de réunion de la FAO sont disponibles sur l'Internet, à l'adresse www.fao.org W/K3175/F F COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE Trente-quatrième session Rome, 14 -17 octobre 2008 Point II de l’ordre du jour ÉVALUATION DE LA SITUATION MONDIALE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE NUTRITION Table des matières Paragraphes I. INTRODUCTION 1 - 6 II. DÉCOMPTE DES PERSONNES SOUFFRANT DE LA FAIM: TENDANCES À LONG TERME 7 - 14 III. LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES: SES EFFETS ET LES RÉPONSES DES POUVOIRS PUBLICS 15 - 41 A. LES FACTEURS DE LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES 15 - 21 B. LES IMPACTS À L’ÉCHELON MONDIAL ET RÉGIONAL 22 - 25 C. LES FOYERS DE FAMINE 26 - 30 D. IMPACT SUR LES MÉNAGES 31 - 36

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CFS:2008/2 Août 2008

Le tirage du présent document est limité pour réduire au maximum l'impact des méthodes de travail de la FAO sur l'environnement et contribuer à la neutralité climatique. Les délégués et observateurs sont priés d'apporter leur

exemplaire personnel en séance et de ne pas demander de copies supplémentaires. La plupart des documents de réunion de la FAO sont disponibles sur l'Internet, à l'adresse www.fao.org

W/K3175/F

F

COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Trente-quatrième session

Rome, 14 -17 octobre 2008

Point II de l’ordre du jour

ÉVALUATION DE LA SITUATION MONDIALE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE NUTRITION

Table des matières

Paragraphes

I. INTRODUCTION 1 - 6

II. DÉCOMPTE DES PERSONNES SOUFFRANT DE LA FAIM: TENDANCES À LONG TERME 7 - 14

III. LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES: SES EFFETS ET LES RÉPONSES DES POUVOIRS PUBLICS 15 - 41

A. LES FACTEURS DE LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES 15 - 21

B. LES IMPACTS À L’ÉCHELON MONDIAL ET RÉGIONAL 22 - 25

C. LES FOYERS DE FAMINE 26 - 30

D. IMPACT SUR LES MÉNAGES 31 - 36

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E. STRATÉGIES DE SURVIE DES MÉNAGES ET IMPACT NUTRITIONNEL 37 - 41

IV. LES ACTIONS ENGAGÉES ET LA VOIE À SUIVRE 42 - 63

A. CE QUI SE FAIT DÉJÀ 42 - 44

B. LA VOIE À SUIVRE: UNE APPROCHE SUR DEUX FRONTS POUR GARANTIR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET RÉDUIRE LA PAUVRETÉ 45 - 56

Promouvoir la petite agriculture pour réduire la pauvreté 47 - 52 Garantir aux populations pauvres et vulnérables un accès à la nourriture 53 - 56

C. ACTIONS ET RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FAIM ET L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE 57 - 63

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I. INTRODUCTION

1. Le rapport d’évaluation de cette année, préparé pour la trente-quatrième session du CSA, appelle l’attention du Comité sur l’augmentation du nombre de personnes qui souffrent de la faim1. Les tendances à long terme de la faim dans le monde montrent qu’en 2003-05, avant même que les effets négatifs du renchérissement des produits alimentaires se soient fait sentir, il y avait dans le monde six millions de personnes souffrant de manière chronique de la faim de plus qu’en 1990-92 (848 millions en 2003-05, contre 842 millions en 1990-92), la période de référence pour le Sommet mondial de l’alimentation et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

2. La hausse des prix des denrées, en particulier après 2006, a aggravé l’insécurité alimentaire. D’après les estimations provisoires de la FAO, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde en 2007 a augmenté de 75 millions par rapport la période 2003-05, principalement en raison du renchérissement des produits alimentaires. L’effectif mondial de sous-alimentés en 2007 est donc estimé à 923 millions de personnes.

3. Les préoccupations suscitées au niveau mondial par les effets de la flambée des cours des produits alimentaires et du pétrole sur les pauvres et les personnes souffrant de la faim a fait voler en éclats le sentiment d’autosatisfaction qui s’était installé du fait que pendant plusieurs années, les prix des produits alimentaires de base étaient restés faibles. Du 3 au 5 juin de cette année, des Chefs d’État et de Gouvernement, des ministres et des représentants de 180 pays et de l’Union européenne (UE) se sont réunis à Rome pour réaffirmer leur engagement de réduire la faim. Au Sommet du G8 tenu au Japon en juillet, des Chefs d’État des principales nations industrialisées, rejoints par plusieurs autres dirigeants mondiaux, se sont déclarés déterminés à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour inverser l’évolution préoccupante de la faim dans le monde, dans le cadre d’une action concertée. Ils ont pris l’engagement, au nom de leurs gouvernements, d’accroître l’aide et l’investissement dans le secteur agricole et de renforcer de façon significative leur appui aux initiatives de pays en développement.

4. Le présent document souligne que, bien que la situation d’insécurité alimentaire dans le monde soit préoccupante, elle peut être inversée en réaffirmant l’engagement de réduire la faim. Avant la flambée des prix des produits alimentaires et du pétrole, quelques sous-régions et un certain nombre de pays avaient accompli des progrès significatifs vers cet objectif. Cela démontre que de bonnes politiques peuvent créer les conditions requises pour faire face aux défis persistants de la faim.

5. Un consensus se dessine entre les parties prenantes autour d’un cadre d’action commun reposant sur une stratégie de lutte contre la pauvreté et la faim, menée sur deux fronts. Cette stratégie combine des filets de sécurité et des programmes de protection sociale soigneusement ciblés pour protéger les groupes de population les plus vulnérables contre les menaces immédiates, avec des mesures visant à permettre aux petits exploitants agricoles d’accroître leur production de manière durable. Cette stratégie nécessitera des investissements et des interventions bien ciblées pour accroître la dotation en actifs des petits exploitants agricoles, faciliter leur accès aux intrants et aux marchés et renforcer leur capacité à gérer les risques.

1 Ce document se fonde principalement sur une version préliminaire du rapport sur l’État de l’insécurité alimentaire dans le monde 2008 (SOFI) qui sera mis en circulation en décembre 2008. Nous attirons l’attention des Membres sur le fait que les paramètres clés utilisés par la FAO pour estimer la sous-alimentation ont récemment été modifiés. En particulier, les estimations de la faim se fondent sur de nouvelles statistiques de population de la Division de la population des Nations Unies et sur les nouveaux besoins énergétiques humains établis en 2004 par la FAO, l’Université des Nations Unies (UNU) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La FAO utilise ces deux paramètres pour dériver des besoins énergétiques alimentaires minimaux (BEAM) par habitant, relatifs à une année et à un pays spécifiques. Les paramètres révisés ont été appliqués à la période de référence 1990-92 et à toutes les années successives pour lesquelles la FAO a produit des estimations de la sous-alimentation. Il s’ensuit que les statistiques relatives à la sous-alimentation et les progrès et les reculs enregistrés par rapport aux objectifs de réduction de la faim fixés par le Sommet mondial de l’alimentation (SMA) et les Objectifs du millénaire pour le développement ont évolué tout au long de la période considérée.

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6. Le présent rapport est articulé autour de quatre sections. La Section II rend compte des progrès accomplis pour réduire durablement la faim, et plus spécifiquement des progrès vers la réalisation des objectifs fixés par le SMA et les OMD. Les facteurs de la hausse des prix des denrées et leurs effets aux niveaux mondial, national, familial et individuel sont analysés dans la Section III et la Section IV présente une vue d’ensemble des actions engagées jusqu’à présent et propose d’autres mesures pour réduire l’incidence de la faim.

II. DÉCOMPTE DES PERSONNES SOUFFRANT DE LA FAIM: TENDANCES À LONG TERME

7. Les dernières estimations de la FAO montrent qu’avant la récente poussée des prix alimentaires, des tendances à long terme alarmantes à une augmentation de la faim étaient déjà apparentes. La FAO estime qu’il y avait dans le monde 848 millions de personnes souffrant de manière chronique de la faim en 2003-05, soit six millions de plus que l’effectif de près de 842 millions de personnes enregistré en 1990-92, période de référence du Sommet mondial de l’alimentation par rapport à laquelle les progrès sont mesurés (Figure 1). Comme le nombre de sous-alimentés chroniques est aujourd’hui plus élevé que durant la période de référence, il sera plus difficile d’atteindre l’objectif fixé par le Sommet mondial de l’alimentation, à savoir réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d’ici à 2015 (Figure 2).

8. L’augmentation de la sous-alimentation depuis la période de référence du SMA (1990-92) a principalement été le fait de l’Afrique subsaharienne, où le nombre absolu (indicateur du SMA) de personnes souffrant de la faim s’est accru de 43 millions, passant de 169 millions à 212 millions. Pourtant, près des trois quarts de cette augmentation a concerné la République démocratique du Congo, où le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 11 millions en 1990-92 à 43 millions en 2003-05, à cause du conflit généralisé et persistant.

Source:

FIGURE 1: Évolution de la sous-alimentation dans le monde, 2003-05/ 1990-92

Pays développés 16 millions (2%)

Amér.latine & Caraïbes

45 millions (5%)

Proche-Orient Afrique du N

33 millions (4%)

Afrique subsaharienne 212 millions (25%)

Asie et Pacifique (Chine et Inde excl.)

189 millions (22%)

Chine 123 millions (14%)

Inde 231 million (28%)

2003-05

Monde = 848 millions

Pays développés 19 millions (2%)

Amér.latine & Caraïbes

53 millions (6%)

Proche-Orient Afrique du Nord 19 millions (2%)

1990-92

Monde= 842 millions

Afrique subsaharienne 169 millions (20%)

Asie et Pacifique (Chine et Inde excl) 198 millions (23%)

Chine 178 millions (21%)

Inde 207 millions (26%)

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9. Les progrès accomplis dans la réduction de la prévalence de la faim (indicateur OMD) (Figure 3) sont mitigés. Entre 1990-92 et 2003-05, la proportion de personnes sous-alimentées en Afrique subsaharienne a fléchi de 34 à 30 pour cent, soit une baisse totale de la prévalence de 12 pour cent, contre 19 pour cent au niveau mondial. Des réductions notables de la prévalence de la faim ont été obtenues au Congo, en Éthiopie, au Ghana (pays qui a déjà atteint les objectifs du SMA et des OMD), au Mozambique et au Nigeria. Cette tendance à la baisse a été inversée, principalement sous l’effet des prix alimentaires élevés (voir section suivante).

10. Dans la Région Asie et Pacifique, les progrès ont été modestes en pourcentage, puisque la prévalence de la faim a été réduite de 20 à 16 pour cent, et modérés en valeur absolue, puisque le nombre de personnes souffrant de la faim a été abaissé de 582 millions à 542 millions. La région abrite plus de la moitié de la population mondiale et près des deux tiers des personnes sous-alimentées dans le monde. L’Asie du Sud-Est a continué à progresser dans la réduction tant de la prévalence que du nombre de personnes sous-alimentées, mais ces avancées ont été largement neutralisées par des reculs ailleurs, principalement en Inde.

11. Du fait de leur taille, la Chine et l’Inde abritent à elles seules 42 pour cent des personnes souffrant de manière chronique de la faim, dans le monde en développement. En Inde, malgré une croissance économique rapide, le nombre de personnes sous-alimentées s’est accru de plus de 20 millions depuis la période de référence. Cette hausse s’explique en partie par une augmentation de l’espérance de vie, passée dans ce pays de 59 à 63 ans depuis 1990-92, qui a eu un impact important sur la structure globale de la population, de sorte qu’en 2003-05, les besoins énergétiques minimums ont cru plus rapidement que les disponibilités énergétiques alimentaires. Le Chine a continué à enregistrer une baisse régulière de la sous-alimentation, puisque le nombre de sous-alimentés est tombé de 178 millions à 123 millions entre 1990-92 et 2003-05, soit une baisse de 31 pour cent.

12. Les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord ont des niveaux de sous-alimentation qui sont parmi les plus bas du monde en développement, néanmoins le nombre de sous-alimentés dans cette région est en hausse depuis 1990-92. Au Proche-Orient, l’effectif total de personnes sous-alimentées a pratiquement doublé, passant de 15 millions en 1990-92 à 28 millions en 2003-05, en raison essentiellement des guerres et des conflits en Afghanistan et Iraq, où les nombres de personnes sous-alimentées ont respectivement augmenté de 4,9 et de 4,1 millions. Ces nombres ont également augmenté au Yémen, où une personne sur trois (soit 6,5 millions de personnes) souffre de façon chronique de la faim. En Afrique du Nord, la FAO estime que la prévalence de la sous-alimentation est demeurée pratiquement inchangée, à environ 3 pour cent, malgré une légère augmentation en valeur absolue. Malgré la prévalence relativement faible de la sous-alimentation dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, la tendance négative vers une augmentation de la faim doit être inversée. L’atteinte de l’objectif du SMA suppose de réduire de 23 millions le nombre de personnes sous-alimentées.

FIGURE 2: Nombre de personnes sous-alimentées dans le monde en développement (objectif SMA)

FIGURE 3: Pourcentage de personnes sous-alimentées dans le monde en développement (objectif OMD)

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14

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24

1990- 1992

1995-1997

2003-2005

2007

Pou

rcen

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1,000

900

800

700

600 1990- 1992

1995-1997

2003-2005

2007

Mill

ions

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Source: FAO Source: FAO

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13. À l’intérieur de la Région Amérique latine et Caraïbes, l’Amérique du Sud a obtenu un franc succès dans la lutte contre la faim, puisque 10 pays sur 12 sont en passe d’atteindre la cible de l’OMD 1. À la faveur des revenus nationaux relativement élevés, d’une croissance économique soutenue et d’une forte croissance de la productivité de l’agriculture, l’Argentine, le Chili, le Guyana, le Pérou et l’Uruguay ont déjà atteint les objectifs du SMA et des OMD, de même que le Costa Rica, Cuba, la Jamaïque et le Mexique. En revanche, El Salvador, le Guatemala, Haïti et Panama ont toujours du mal à réduire le nombre de sous-alimentés. Malgré une faible réduction de la sous-alimentation depuis 1990-92, Haïti est confronté à l’un des taux de sous-alimentation les plus élevés du monde, avec 58 pour cent de la population souffrant chroniquement de la faim.

14. La prévalence des enfants de moins de cinq ans présentant une insuffisance pondérale2 est un autre indicateur des OMD lié à la faim. Dans les régions en développement prises dans leur ensemble, la proportion d’enfants ayant un poids insuffisant a reculé de 33 à 27 pour cent entre 1990 et 2005. C’est en Asie orientale que l’amélioration a été la plus nette. Des progrès considérables ont également été accomplis en Asie occidentale et dans la région Amérique latine et Caraïbes où cet indicateur a été réduit de plus d’un tiers. C’est toujours en Asie du Sud, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, que la proportion d’enfants souffrant de la faim est la plus élevée (Figure 4). Bien que la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants ait globalement diminué dans toutes les régions, il faudra accélérer les progrès dans le domaine de la nutrition des enfants, pour atteindre l’objectif de réduction de la faim.

FIGURE 4 Prévalence des enfants de moins de cinq ans présentant une insuffisance pondérale

III. LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES: SES EFFETS ET LES

RÉPONSES DES POUVOIRS PUBLICS

A. LES FACTEURS DE LA HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES

15. Les prix des produits alimentaires de base ont accusé de fortes hausses vers la fin de l’année 2006 et en 2007, et sont montés en flèche au début de l’année 2008 (Figure 5). Selon les projections OCDE/FAO à moyen terme, les prix des denrées devraient se stabiliser durant la

2Données extraites du document « Objectifsdu Millénaire pour le développement Rapport 2007 ». Veuillez noter que les groupes régionaux utilisés dans le rapport sur les OMD sont un peu différents de ceux utilisés tout au long du présent rapport. Les réggions en développement ne comprennent pas les pays en transition.

0 10 20 30 40 50 60

Régions en développement

Amérique latine etCaraïbes

Asie occidentale

Asie orientale

Afrique du Nord

Asie du Sud-Est

Afrique subsaharienne

Asie du Sud

Pourcentage

1990 2005

Source: MDG Report 2007

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période 2008-09 puis amorcer un fléchissement mais, pour autant que l’on puisse le prévoir, ils resteront au-dessus de leurs niveaux tendanciels d’avant 20043.

16. Les flambées des prix alimentaires sont déclenchées par des facteurs nombreux et complexes qui jouent aussi bien du côté de l’offre que du côté de la demande. Les tendances structurelles à long terme et la croissance sous-jacente de la demande de produits alimentaires ont coïncidé avec des facteurs cycliques ou transitoires de courte durée qui ont une incidence sur l’offre de produits alimentaires, de sorte que la demande de denrées continue à augmenter plus rapidement que l’offre.

17. Du côté de l’offre, les stocks céréaliers mondiaux sont à leur plus bas niveau des trois dernières décennies. Ces bas niveaux contribuent à amplifier la volatilité des prix sur les marchés mondiaux, car il n’est pas certain que les disponibilités soient suffisantes en cas de déficits de la production. En raison des conditions météorologiques défavorables, la production céréalière mondiale a reculé de 3,6 pour cent en 2005 et de 6,9 pour cent en 2006 avant d’amorcer une légère reprise en 2007. En outre, les prix du pétrole et les prix des produits alimentaires sont étroitement liés. L’envolée des prix du pétrole a exercé une pression à la hausse sur les prix des denrées alimentaires, du fait que durant la période 2006-08, les prix des engrais chimiques ont presque triplé et les coûts de transport ont doublé.

18. Du côté de la demande, l’industrie émergente des biocarburants utilise aujourd’hui une grande quantité de produits agricoles tels que sucre, maïs, manioc, oléagineux et huile de palme. L’augmentation de la demande de ces produits a été l’un des principaux facteurs du renchérissement de leurs prix sur les marchés mondiaux, lequel a à son tour entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires. On estime que 100 millions de tonnes de céréales (soit environ 4,7 pour cent de la production mondiale) sont utilisées comme matières premières pour la production de biocarburants, en 2007-08.

19. D’autres facteurs ont exacerbé la hausse des prix des produits alimentaires, notamment certaines mesures qui avaient précisément pour objet de minimiser l’impact des flambées sur les groupes de population vulnérables dans les pays. Par exemple, les mesures adoptées par certains pays pour restreindre ou interdire les exportations ont réduit l’offre mondiale, aggravé les pénuries et entamé la confiance entre les partenaires commerciaux. Dans certains pays, ces mesures ont aussi « désincité » les agriculteurs à réagir à la hausse des cours internationaux. La

3 Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2008-2017, 2008.

110

140

170

200

230

J F M A M J J A S O N D

2005 2006

2007

2008

FIGURE 5: Indice FAO des prix alimentaires, prix nominaux (1998-2000 =100)

Source: FAO

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reconstitution ou la constitution préalable de stocks, à des fins spéculatives, par de gros importateurs ayant une situation de trésorerie solide, a exercé une pression supplémentaire sur les prix des produits alimentaires.

20. Les récentes turbulences qui ont secoué les marchés traditionnels des actifs ont eu des répercussions sur les prix alimentaires. De nouveaux types d’investisseurs sont intervenus davantage sur les marchés des dérivés des produits agricoles. Les transactions mondiales de contrats à terme et d’options combinés ont plus que doublé en cinq ans, ce qui laisse penser que la spéculation accrue pourrait être un facteur de la flambée des prix alimentaires, sans que l’on sache au juste dans quelle mesure il a été important. Cette question mérite une étude plus approfondie.

21. La production céréalière s’est récemment redressée et les prix alimentaires risquent de fléchir par rapport à leurs niveaux élevés actuels mais, comme quelques-uns des facteurs à court terme qui sous-tendent les prix élevés subsistent, il est probable que les prix réels des produits alimentaires de base resteront, dans l’avenir prévisible, au-dessus des niveaux des 10 années précédentes. Cette prévision se fonde principalement sur trois facteurs. Premièrement, dans le monde en développement, en particulier dans les grandes économies émergentes, la croissance économique devrait se poursuivre au rythme d’environ 6 pour cent par an, ce qui continuera à accroître le pouvoir d’achat et à modifier les préférences alimentaires de centaines de millions de consommateurs. Deuxièmement, la demande de biocarburants de la première génération devrait continuer à croître rapidement, d’une part à cause des prix élevés du pétrole et des politiques suivies par les pouvoirs publics, et d’autre part à cause du développement lent des biocarburants et des technologies de la seconde génération. Troisièmement, la hausse des coûts de production, notamment l’augmentation des prix des engrais et des coûts de transport due à la flambée des prix du pétrole, conjuguée aux ressources limitées en terres et en eau et aux conditions climatiques de plus en plus imprévisibles, devraient avoir une incidence négative sur la production alimentaire et accentuer le problème que pose la satisfaction de la demande mondiale4.

B. LES IMPACTS À L’ÉCHELON MONDIAL ET RÉGIONAL

22. Les estimations provisoires de la FAO indiquent que le nombre de personnes sous-alimentées en 2007 a augmenté de 75 millions par rapport à l’effectif de 848 millions de personnes estimé par la FAO pour la période 2003-05, la hausse étant pour une large part attribuée aux prix élevés des produits alimentaires. L’effectif de personnes sous-alimentées dans le monde se chiffrerait donc à 923 millions de personnes en 2007 (Figure 2). Étant donné que les prix des céréales de base et des oléagineux ont continué à monter en flèche pendant une bonne partie du 1er trimestre 2008, il est probable que le nombre de personnes souffrant de faim de manière chronique a continué à augmenter.

23. L’impact de la hausse des prix alimentaires sur la prévalence de la faim est encore plus marqué. Des progrès réguliers ont été accomplis vers l’objectif de réduction de la faim des OMD dans le monde en développement, puisque cette prévalence qui était de 20 pour cent en 1990-92, est tombée à moins de 18 pour cent en 1995-97 et à un peu plus de 16 pour cent en 2003-05. Toutefois, les estimations de la FAO jusqu’à la fin 2007 indiquent que cette tendance s’est ensuite inversée, puisque la proportion de personnes souffrant de la faim dans le monde en développement est remontée à 17 pour cent, soit à peu près le même niveau qu’il y a une décennie (Figure 3). Atteindre les objectifs de réduction de la faim convenus au niveau international d’ici à 2015, c’est-à-dire dans quelques années, devient une véritable gageure.

24. Au niveau régional, c’est en Asie et en Afrique subsaharienne que le nombre de personnes sous-alimentées a le plus augmenté à la suite de la hausse des prix alimentaires. Ensemble, ces deux régions abritaient déjà 750 millions, ou 89 pour cent, des personnes souffrant de la faim dans le monde en 2003-05. La FAO estime qu’à la suite de la hausse des prix, 41 millions de personnes plus en Asie et 24 millions de personnes de plus en Afrique subsaharienne (Figure 6) ont basculé

4 Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2008-2017, 2008.

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en dessous du « seuil de la faim ». Malgré des réductions en nombre, d’autres régions ont aussi vu augmenter la prévalence de la faim par suite de la montée des prix alimentaires. Dans le cas de l’Amérique latine, il s’agit d’un brusque retour en arrière après plus d’une décennie de progression constante vers l’objectif du SMA.

FIGURE 6: Impact de la hausse des prix alimentaires sur le nombre de sous-alimentés, par région: 2003-05 à 2007

25. Avant la poussée des prix alimentaires, les estimations de la FAO pour 2003-05 montraient que les quatre régions en développement avançaient sur la voie de la réduction de la prévalence de la faim. Toutefois, cette tendance positive s’est inversée dans toutes les régions, de sorte que, pour la première fois depuis le Sommet mondial de l’alimentation, la prévalence de la faim s’est accrue dans l’ensemble du monde en développement (Figure 7).

FIGURE 7: Variations de la proportion de personnes sous-alimentées par région (périodes sélectionnées)

Source: FAO

Asie/Pacifique 41 millions

Amérique latine/ Caraïbes 6 millions

Proche-Orient/ Afrique du Nord

4 millions

Afrique subsaharienne

24 millions

Asie/Pacifique Amé. latine/

Caraïbes

Proche-orient/ Afrique duNord

Afrique subsaharienne

-5.0

-4.0

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Source: FAO

1990-92 à 1995-97 1995-97 à 2003-05 Impact des prix élevés (2007)

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C. LES FOYERS DE FAMINE

26. Les foyers de famine sont des zones dans lesquelles une part importante de la population est gravement touchée de manière récurrente et persistante par la faim et la malnutrition. Dans de nombreux cas, ces foyers touchent des pays qui ont connu pendant plusieurs années consécutives des crises alimentaires, résultant généralement de graves aléas climatiques, de catastrophes naturelles, de chocs économiques, de conflits ou d’une combinaison de ces facteurs. Selon le Système mondial d'information et d'alerte rapide de la FAO (SMIAR), qui suit en permanence la situation sur tous les continents et tient une liste des pays qui sont en butte à des crises, 36 pays étaient dans ce cas et avaient besoin d’une assistance externe, en juin 20085. Depuis la flambée des prix alimentaires, la liste des pays vulnérables ayant besoin d’une assistance externe s’est allongée.

27. Le nombre de pays en butte à des crises alimentaires a augmenté au cours des deux dernières décennies et les causes profondes sont de plus en plus complexes, en particulier quand des catastrophes provoquées par l’homme interagissent avec des catastrophes naturelles et débouchent sur des crises complexes et prolongées. Jusqu’au début des années 90, les catastrophes naturelles étaient les principales causes de l’insécurité alimentaire, mais au cours de la décennie écoulée, les crises dues à l’action de l’homme ont pris le dessus.

28. Les catastrophes naturelles à évolution lente (comme la sécheresse) continuent à causer plus de crises alimentaires que les catastrophes soudaines (inondations, cyclones, ouragans, tremblements de terre, éruptions volcaniques). Les catastrophes provoquées par l’homme sont généralement liées à un conflit ou causées par des perturbations socio- économiques. Le nombre absolu de pays confrontés à des crises alimentaires à la suite d’une guerre ou d’un conflit s’est accru depuis les années 80, de même que la proportion de crises alimentaires dues à des facteurs socio-économiques, passée d’environ 2 pour cent à 27 pour cent, en 2007. La récente envolée des prix des produits alimentaires importés est un exemple de perturbation socio-économique de nature à provoquer ou à exacerber des crises alimentaires dans de nombreux pays.

29. Étant donné que l’on ne sait pas au juste quel sera l’impact de la flambée des prix alimentaires sur les pays, les ménages et les individus dans le monde, la distinction entre les pays déjà « en crise » et ceux qui sont hautement vulnérables à ces chocs des prix, ou « à risque » est beaucoup plus floue. Les principaux facteurs de risque qui déterminent la vulnérabilité des pays aux prix élevés des denrées englobent des causes structurelles sous-jacentes de vulnérabilité, telles que les niveaux existants de pauvreté, de faim, d’inégalité des revenus et la prévalence des maladies. D’autres facteurs de vulnérabilité actuels entrent aussi en jeu, notamment les variations de l’inflation des prix alimentaires dans les pays, et les facteurs qui mesurent la dépendance d’un pays à l’égard des importations de vivres et de carburants. La prédisposition historique aux catastrophes naturelles et l’efficacité relative des politiques sont d’autres facteurs, mais ils ont moins de poids.

30. Les prix élevés des produits alimentaires ont ajouté de nouvelles dimensions à la vulnérabilité. Alors qu’ils ont d’une manière ou d’une autre eu des répercussions dans tous les pays, leur impact a été particulièrement sévère dans des pays où les revenus sont bas et où la majorité des ménages dépensent une part importante de leurs budgets limités pour se nourrir. Bon nombre de ces pays ont déjà des taux de sous-alimentation élevés.

5 Pour connaître les dernières informations, veuillez vous référer au site su SMIAR de la FAO: www.fao.org/giews/english/hotspots/index_m.htm.

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D. IMPACT SUR LES MÉNAGES

31. Les prix élevés des denrées n’ont pas le même impact sur tous. À court terme, l’effet net de la flambée des prix alimentaires est déterminé par le rapport entre l’importance relative des aliments de base dans le revenu et l’importance relative de ces mêmes aliments dans la consommation totale. En principe, les hausses des prix des denrées pénalisent les ménages acheteurs nets de produits alimentaires, alors que les ménages vendeurs nets de produits alimentaires en bénéficient. Un ménage est dit « acheteur net de produits alimentaires » lorsque la valeur des aliments de base qu’il produit est inférieure à la valeur de ceux qu’il consomme. Les ménages pauvres sont généralement acheteurs nets, même dans les zones rurales où l’agriculture et la production vivrière de base sont les principaux moyens d’existence. Selon des données de la FAO provenant de neuf pays en développement6, environ les trois quarts des ménages ruraux et 97 pour cent des ménages urbains en moyenne sont acheteurs nets de produits alimentaires (Tableau 1).

TABLEAU 1: Pourcentage de ménages qui sont acheteurs nets de produits alimentaires

Tous les ménages Ménages pauvres

urbains Ruraux Tous urbains Ruraux Tous

Bangladesh, 2000 95,9 72,0 76,8 95,5 83,4 84,2

Pakistan, 2001 97,9 78,5 84,1 96,4 83,1 85,4

Viet Nam, 1998 91,1 32,1 46,3 100,0 40,6 41,2

Guatemala, 2000 97,5 86,4 91,2 98,3 82,2 83,1

Ghana, 1998 92,0 72,0 79,3 * 69,1 *

Malawi, 2004 96,6 92,8 93,3 99,0 94,8 95,0

Nicaragua, 2001 97,9 78,5 90,4 93,8 73,0 79,0

Tadjikistan, 2003 99,4 87,0 91,2 97,1 76,6 81,4

Albanie, 2005 99,1 67,6 82,9 * * *

Moyenne non pondérée 96,4 74,1 81,7 97,2 87,9 78,5

NOTE: Un ménage est acheteur net de produits alimentaires quand la valeur des aliments de base qu’il consomme est supérieure à la valeur des aliments de base qu’il produit.

Source: FAO RIGA data

32. Les acheteurs nets de produits alimentaires tendent à être pénalisés par une hausse des prix des aliments de base, à un degré qui varie en fonction de leurs habitudes alimentaires. Les ménages qui consacrent une grande partie de leurs revenus à l’achat d’aliments de base faisant l’objet d’un commerce international (comme le blé, le riz et le maïs) subiront une plus forte perte de bien-être global. La majorité des ménages urbains sont dans ce cas. L’ampleur de cette perte dépend de l’aptitude du ménage à modifier sa consommation au profit d’aliments moins chers qui ne pénètrent généralement pas sur les marchés mondiaux, tels que les racines et tubercules. En revanche, les ménages qui possèdent des terres et ceux qui tirent une partie de leurs revenus de la production et de la vente d’aliments de base commercialisés au niveau international pourraient être avantagés par une hausse des cours internationaux. Malheureusement, leurs gains sont généralement en partie neutralisés par les prix élevés du carburant et des engrais.

6 La base de données sur les Activités rurales génératrices de revenu (RIGA) est construite à partir des données fournies par un groupe d’enquêtes sur la mesure des niveaux de vie et par d’autres enquêtes polyvalentes sur les ménages, mises à disposition par la Banque mondiale et par d’autres institutions nationales et internationales. On trouvera de plus amples informations à la page www.fao.org/es/ESA/riga/

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33. La Figure 8 montre l’impact à court terme sur le bien-être des ménages (mesuré en pourcentage de leurs dépenses) d’une augmentation de 10 pour cent des prix des aliments de base. En termes de perte de revenu, les résultats montrent que les ménages les plus pauvres sont les plus durement touchés par une hausse des prix alimentaires aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. L’impact est moindre pour les ménages vivant dans des pays où le régime alimentaire est essentiellement composé d’aliments de base qui ne font pas l’objet d’un commerce international. Par exemple, les ménages ghanéens sont relativement protégés des oscillations des cours internationaux des denrées du fait que des aliments de base locaux tels que le manioc et le sorgho

tiennent une grande place dans leur régime alimentaire. Si les prix de ces aliments se mettaient eux aussi à augmenter du fait de l’accroissement de la demande, la hausse des prix alimentaire aurait un impact beaucoup plus marqué. Dans le cas du Viet Nam, le bien-être de la majorité des ménages ruraux s’améliore, et en valeur relative, les améliorations sont plus importantes pour les plus pauvres.

34. L’accès à des actifs productifs clés, notamment à la terre, a aussi une incidence sur le degré de l’impact positif ou négatif de la hausse des prix alimentaires sur les ménages. Parmi tous les groupes de revenu, les ménages sans terre sont en moyenne les plus gravement touchés par le renchérissement des denrées (Figure 9). Dans un pays comme le Viet Nam, qui a une production de riz globalement excédentaire, où l’accès à la terre est relativement égalitaire et où la productivité de la petite agriculture a été considérablement améliorée, même les ménages ruraux les plus pauvres tendent à être avantagés par les hausses de prix. En revanche au Bangladesh, où la répartition des terres est moins équitable et où les ménages ruraux ont plus difficilement accès à ce facteur de production, la hausse des prix des denrées a un impact négatif sur la majorité des ménages. La taille des bulles de la Figure 9 reflète la proportion de la population dans chaque quintile de dépenses.

-4% -3% -2% -1% 0 +1% +2%

20% des ménages urbains les plus riches 20% des ménages urbains les plus pauvres 20% des ménages ruraux les plus riches 20% des ménages ruraux les plus pauvres

FIG. 8: Variation du bien-être des ménages, due à une hausse de 10% des prix des aliments de base (pourcent)

Source: FAO, RIGA data

Bangladesh

Pakistan

Tadjikistan

Albanie

Guatemala

Nicaragua

Ghana

Malawi

Viet Nam

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FIGURE 9: Effet d’une hausse de 10% des prix des aliments de base sur les ménages ruraux, en fonction de leur statut au regard de la propriété des terres (variation en % de leur bien-être)

Propriétaires de terres Propriétaires de terres Sans terre Sans terre

35. Les stratégies de subsistance des ménages déterminent aussi dans une large mesure l’impact d’une hausse des prix alimentaires sur leur bien-être. Les ménages spécialisés dans l’agriculture (c’est-à-dire ceux qui tirent plus de 75 pour cent de leur revenu de cette activité) tendent à gagner plus si les prix augmentent, ou tout au moins à perdre moins, selon l’ampleur de leur production d’aliments de base. Dans certains pays comme le Bangladesh, le Pakistan et le Viet Nam, même les ménages les plus pauvres spécialisés dans l’agriculture tendent à être avantagés par les hausses des prix alimentaires.

36. Une analyse empirique de la FAO montre que, globalement, les ménages dirigés par des femmes sont plus pénalisés par les hausses des prix alimentaires, du point de vue de la baisse de leur consommation, et tendent à être moins avantagés par les améliorations potentielles de la production vivrière de base . Une exception importante constatée dans les pays étudiés concerne les zones urbaines du Pakistan où les ménages dirigés par des femmes sont nombreux dans les groupes de revenus les plus riches (Figure 10). Parmi les ménages ruraux, ceux qui sont dirigés par des femmes subissent des pertes de bien-être beaucoup plus importantes dans tous les pays. L’impact différentiel global des hausses des prix sur les ménages dirigés par des femmes et sur ceux dirigés par des hommes est dû au fait que, pour des niveaux de revenu comparables, les premiers tendent à consacrer à l’achat de nourriture une plus grande partie de leur revenu que les seconds, de sorte que les hausses des prix alimentaires ont un impact négatif plus marqué sur leur consommation. En outre, les ménages dirigés par des femmes font l’objet de diverses discriminations qui limitent leur capacité de produire des aliments et, par conséquent, de bénéficier des augmentations des prix des produits alimentaires. Les principales contraintes auxquelles sont confrontés ces ménages sont les discriminations en matière d’accès aux facteurs de production et aux services, en particulier à la terre et au crédit.

Bangladesh

-5

-4

-3

-2

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0

1

2

3

4

0 1 2 3 4 5 6

Quintiles de dépenses

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Viet Nam

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Quintiles de dépenses

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LandownersLandless

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FIGURE 10: Effet comparé d’une hausse de 10% des prix des aliments de base, sur les ménages dirigés par des femmes/par des hommes

E. STRATÉGIES DE SURVIE DES MÉNAGES ET IMPACT

NUTRITIONNEL

37. Les prix élevés des produits alimentaires (faisant l’objet d’un commerce international) pourraient conduire à une augmentation de diverses formes de malnutrition, présentant un risque pour la croissance des enfants, mesurées par une augmentation de la prévalence des retards de croissance, de l’insuffisance pondérale et de l’émaciation chez les enfants de moins de cinq ans, et par une augmentation de la prévalence des indices de masse corporelle faibles chez les adultes et un accroissement des carences en micronutriments dû une diminution de la consommation d’aliments riches en ces éléments essentiels. L’impact devrait être particulièrement prononcé dans les pays où les régimes alimentaires sont déjà peu diversifiés et où la prévalence de l’insécurité alimentaire était élevée avant le renchérissement des denrées.

38. Les stratégies de survie qu’adoptent les ménages pour faire face aux augmentations des prix alimentaires ont des conséquences sur leur état nutritionnel. À court terme, les ménages n’ont parfois guère d’autre choix que de réduire leur consommation alimentaire journalière. A moyen ou long terme, les ménages peuvent employer différentes stratégies pour faire face à la baisse de leur pouvoir d’achat générée par la hausse des prix des denrées. Suivant la gravité, la fréquence et la durée des flambées des prix, les ménages peuvent adopter des stratégies basées sur l’alimentation, non basées sur l’alimentation, ou les deux à la fois, pour s’adapter. On notera que le degré auquel les ménages et les individus sont touchés dépend de leurs habitudes de consommation et de leur niveau de revenu avant le choc des prix.

39. Parmi les stratégies de survie basées sur l’alimentation, une perte soudaine de pouvoir d’achat consécutive à une hausse des prix alimentaires peut entraîner des changements dans la quantité, la qualité et la diversité des aliments consommés. Ainsi, une augmentation du prix du riz importé en Afrique occidentale pourrait contraindre les ménages à passer à un riz local ou à d’autres aliments de base amylacés moins chers, tels que le sorgho ou le mil. Les ménages à faible revenu qui n’ont guère d’autre choix que de réduire la diversité de leur régime alimentaire, se contenteront de réduire la taille des portions et le nombre de repas qu’ils consomment chaque jour, et de limiter leurs dépenses non alimentaires. Dans les pays où les populations ont un régime alimentaire plus diversifié, le principal souci nutritionnel associé à un choc des prix est représenté par le risque accru de carences en micronutriments critiques tels que le fer et la vitamine A, car les

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Bangladesh Ghana Guatemala Malawi Nicaragua Pakistan Viet Nam

Rural Urbain National

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ménages sont contraints d’adopter des régimes alimentaires moins diversifiés. C’est ainsi que, même si les flambées des prix des denrées ne sont qu’un phénomène transitoire, elles peuvent avoir des conséquences durables sur le développement physique et mental si les ménages réagissent en réduisant leur alimentation, du point de vue quantitatif et/ou quantitatif, à des stades critiques de la croissance des enfants ou au cours d’une grossesse.

40. Les stratégies d’adaptation non basées sur l’alimentation peuvent consister à réduire les dépenses non alimentaires et à chercher des moyens d’augmenter le revenu du ménage. La réduction des dépenses de santé, souvent déjà faibles, et d’éducation a des effets néfastes sur les conditions sanitaires et sur la scolarisation des enfants, qui compromettent leurs perspectives futures. Ceux qui entreprennent des activités génératrices de revenu supplémentaires, surtout s’il s’agit de femmes, peuvent être amenés à s’occuper moins, ou moins bien, des enfants à la maison, ce qui aura des répercussions négatives sur leur état nutritionnel.

FIGURE 11: Enfants de 6-23 mois recevant le nombre minimum de groupes d’aliments7 en Afrique subsaharienne (en %)

41. Les femmes et les enfants sont particulièrement exposés aux conséquences nutritionnelles des hausses des prix alimentaires, car ils sont plus prédisposés à des carences en micronutriments s’ils sont amenés à consommer un régime alimentaire moins diversifié. La Figure 11 montre le pourcentage d’enfants âgés de 6 à 24 mois vivant en Afrique subsaharienne qui ont une alimentation suffisamment diversifiée. Dans des pays comme le Niger et le Togo, ce pourcentage est d’environ 10 pour cent seulement. Après une augmentation des prix du maïs induite par la sécheresse en Zambie en 2001, la prévalence de l’émaciation s’est accrue parmi les nourrissons ruraux dont les mères étaient enceintes au moment de la hausse des prix8. Pendant la sécheresse et la crise financière de 1997-98 en Indonésie, les mères de familles pauvres ont réagi en réduisant leur propre ration énergétique alimentaire afin de mieux nourrir leurs enfants, ce qui s’est traduit par une augmentation de la dénutrition maternelle9. Les ménages ont réduit leurs achats d’aliments riches en protéines plus nutritifs pour pouvoir acheter du riz, principal aliment de base, ce qui a accru la prévalence de l’anémie chez les mères et les enfants. Les effets ont été

7 Le nombre minimum de groupes d’aliments auquel se réfère la présente publication (trois pour les enfants allaités et quatre pour les enfants non allaités) est en cours de révision. 8 Gitau R, Makasa M, Kasonka L, Sinkala M, Chintu C, Tomkins A, Filtau S. Maternal micronutrient status and

decreased growth of Zambian infants born during and after the maize price increases resulting from the southern African drought of 2001-2. Public Health Nutrition 2005; 8: 837-843. 9 Block SA, Kiess L, Webb P, Kosen S, Moench-Pfanner R, Bloem MW, Timmer CP. Macro shocks and micro outcomes: child nutrition during Indonesia's crisis. Econ Hum Biol. 2004 Mar; 2(1):21-44.

Source: USAID, 2006. Infant and Young, Child Feeding Update

0 10 20 30 40 50 60 70 80 Ouganda

Cameroun Rwanda Zambie

Bénin Kenya

Mozambique Nigéria Gabon

Éthiopie Madagascar

Ghana Zimbabwe

Érythrée Malawi

Mali Burkina Faso

Togo Niger

Pourcentage

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particulièrement graves pour les enfants conçus et sevrés pendant la crise. Ces exemples démontrent les effets négatifs à long terme des flambées des prix alimentaires sur la croissance et le développement des enfants.

IV. LES ACTIONS ENGAGÉES ET LA VOIE À SUIVRE

A. CE QUI SE FAIT DÉJÀ

42. La récente hausse des cours mondiaux des produits alimentaires a incité les pouvoirs publics à prendre diverses mesures, partout dans le monde. Dans un premier temps, on s’est efforcé de garantir un approvisionnement alimentaire adéquat, de maintenir les prix à de bas niveaux et de fournir une protection sociale aux personnes les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire. Diverses mesures ont été prises, notamment: allègement des taxes sur les importations et imposition de restrictions à l’exportation pour maintenir les disponibilités alimentaires intérieures; mise en place de mesures de contrôle des prix et de subventions pour que les prix des denrées restent abordables; et prélèvements sur les stocks pour stabiliser l’offre et les prix. La solution consistant à renforcer l’offre de produits agricoles a moins retenu l’attention, au moins au début, bien qu’un certain nombre de gouvernements des pays en développement aient introduit des mesures de soutien à l’agriculture pour relancer la production.

43. D’après une enquête sur les mesures prises par les pouvoirs publics dans 77 pays, pendant l’année 2007 et le début de l’année 2008, environ la moitié des pays ont réduit les taxes sur l’importation des céréales et plus de la moitié ont introduit des mesures de contrôle des prix ou des subventions à la consommation pour tenter de maintenir les prix alimentaires intérieurs à des niveaux inférieurs aux cours mondiaux. Un quart des gouvernements ont imposé des restrictions à l’exportation, sous une forme quelconque, et à peu près la même proportion ont pris des mesures pour stimuler l’offre, en puisant dans les stocks de céréales vivrières. Seuls 16 pour cent des pays couverts par l’enquête n’ont eu recours à aucune mesure pour atténuer l’impact de la flambée des prix alimentaires (Figure 12).

44. Il est parfois difficile d’évaluer l’impact, l’efficacité et la durabilité de certaines mesures. Certaines interventions tendent à porter atteinte aux producteurs et aux partenaires commerciaux et peuvent même accentuer la volatilité des cours mondiaux. L’expérience montre que les contrôles des prix parviennent rarement à freiner les hausses pendant longtemps, qu’ils créent une lourde charge pour les gouvernements et qu’ils dissuadent les agriculteurs de réagir en augmentant leur production.

FIGURE 12: Actions engagées pour faire face au renchérissement des prix alimentaires

Source: D’après des informations préliminaires extraites d’une liste partielle de pays, recueillies par des fonctionnaires régionaux de la Banque mondiale et corrigées pour tenir compte des informations supplémentaires collectées par des fonctionnaires des bureaux des pays de la FAO.

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Réduction des taxes sur les céréales vivrières

Accrois. de l’offre, en puisant dans les stocks de céréales vivrières

Restrictions à l’exportation

Contrôles des prix/ subventions à la consommation

Néant

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B. LA VOIE À SUIVRE: UNE APPROCHE SUR DEUX FRONTS POUR

GARANTIR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET RÉDUIRE LA PAUVRETÉ

45. Face à l’augmentation spectaculaire des prix alimentaires, les pouvoirs publics se sont d’abord attachés à accroître les disponibilités alimentaires locales et à atténuer l’impact immédiat sur les consommateurs. Toutefois pour relever les défis à court et à long terme posés par les hausses des prix des denrées et tirer parti des opportunités qu’elles offrent, les gouvernements nationaux et la communauté internationale doivent mettre en place des politiques et des interventions cohérentes.

46. La FAO, le FIDA et le PAM ont préconisé une approche sur deux fronts, comme cadre stratégique global pour combattre la faim. Ce cadre comprend des mesures à court et à long termes qui sont tout aussi critiques et qui se renforcent mutuellement, et il est tout à fait pertinent dans le contexte de la flambée des prix alimentaires actuelle. Sur un front, il s’agit de promouvoir un accroissement de l’offre dans le secteur agricole, plus particulièrement de la part des petits producteurs, et de développer les zones rurales grâce à des incitations adéquates et à des investissements dans des biens collectifs. L’objectif est d’augmenter les disponibilités alimentaires et de renforcer la capacité de l’agriculture et de l’économie rurale à générer des revenus, en vue de promouvoir le développement rural général. Pour réduire sensiblement la pauvreté, les politiques doivent être fortement centrées sur la capacité productive des petits exploitants agricoles. Sur l’autre front, il s’agit de garantir aux pauvres et aux populations vulnérables des zones urbaines et rurales, un accès immédiat à la nourriture grâce à la mise en place de filets de sécurité et de mesures de protection sociale.

Promouvoir la petite agriculture pour réduire la pauvreté

47. Les prix alimentaires élevés et les incitations qu’ils créent peuvent être mis à profit pour relancer la croissance de l’agriculture dans le monde en développement. On pourra ainsi non seulement faire face à la crise actuelle, mais aussi répondre à la demande future de nourriture, d’aliments pour animaux et de biocarburants, et éviter que des crises similaires se reproduisent. Cela suppose de donner des moyens d’action à un grand nombre de petits exploitants agricoles, dont beaucoup sont eux-mêmes victimes de l’insécurité alimentaire, pour accroître la production agricole. La Figure 13 montre le formidable potentiel qui existe en Afrique subsaharienne pour accroître les rendements. Si l’on veut faire de la croissance agricole un moteur pour réduire la pauvreté, il faudra veiller à ce que des mécanismes d’incitation soient en place et remédier aux contraintes structurelles auxquelles est confrontée l’agriculture. À cette fin, il faudra développer les investissements publics pour renforcer la dotation en actifs des petits agriculteurs, y compris leur accès à l’infrastructure, à la technologie et au crédit, faciliter leur accès aux marchés et renforcer leur capacité à gérer les risques.

48. En principe, les prix élevés des produits alimentaires devraient inciter les agriculteurs à accroître leur production mais, de janvier 2007 à avril 2008, les prix des intrants (engrais et pétrole brut) ont augmenté plus rapidement que les prix des denrées, ce qui a atténué l’effet positif qu’auraient dû avoir les hausses des prix alimentaires sur la production. Les petits producteurs qui sont acheteurs nets de produits alimentaires peuvent être particulièrement pénalisés dans la mesure où ils disposent de moins de fonds pour acheter des engrais à cause de l’augmentation des prix des produits alimentaires. Beaucoup de pays africains pauvres peuvent être confrontés à une diminution, limitée dans le temps, de l’emploi des engrais qui peut compromettre la production, même aux niveaux actuels déjà très bas. Les subventions à l’achat d’engrais peuvent être justifiées s’il est clair qu’il y a en perspective des gains de productivité importants (voir la Figure 13), si elles constituent une forme de transfert de revenu moins coûteuse que les autres. Ces subventions devraient être conçues et ciblées de manière à ne pas avoir d’impact négatif sur les mécanismes du marché. La distribution de bons pouvant être rachetés par des opérateurs commerciaux, de paquets de démonstration pour stimuler la demande et la fourniture de garanties de crédit pour encourager les importateurs à proposer du crédit à leurs revendeurs sont des exemples de « subventions intelligentes ».

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FIGURE 13: Potentiel d’accroissement des rendements en maïs, en Afrique subsaharienne

49. La dotation en actifs conditionne fortement les stratégies de subsistance. L’accès aux infrastructures et aux biens d’équipement nécessaires à la production, ainsi que leur utilisation, varient considérablement d’un pays à l’autre et à l’intérieur des pays. Les petits exploitants agricoles adoptent systématiquement des pratiques qui demandent peu de capitaux, en partie parce qu’ils ont un accès limité à des actifs tels que la terre, le crédit, les technologies (Figure 14), les intrants, ainsi qu’à certains biens collectifs tels que les routes, les services sociaux et les transports. Les actifs des ménages (capital naturel, financier, physique, social et humain) sont essentiels pour mener à bien des activités productives, gérer les risques et faire face aux crises. Lorsque les prix sont élevés, l’accès aux actifs, notamment parmi les petits exploitants agricoles, détermine dans une large mesure quels sont les ménages agricoles qui bénéficieront des flambées des prix (les gagnants) et ceux qui en pâtiront (les perdants).

FIGURE 14: Pourcentage de ménages agricoles ayant recours à la mécanisation, ventilé par échelle des opérations

0

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5

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Malawi Éthiopie Nigéria Ouganda Mali Mozambique

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Rendement moyen dans les fermes de démonstration

Source: WDR 2008 WB

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Petits exploitants Gros exploitants

Source: FAO, RIGA data

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50. L’accès à des marchés opérationnels des aliments et d’autres produits de base est une condition préalable critique pour le développement de l’agriculture et l’amélioration de la productivité. Dans de nombreux pays en développement, la participation des petits exploitants est généralement limitée du fait qu’ils n’ont pas accès à l’information sur le marché, que les critères de qualité et les normes sont inadéquats et peu appliqués, que les organisations d’agriculteurs pour la commercialisation des produits en vrac sont inefficaces, ainsi qu’en raison de problèmes d’infrastructure (Figure 15) et de transport. L’indice de la Figure 15 combine des variables qui ont été extraites d’enquêtes, et qui sont indicatives de l’accès aux transports, aux marchés, aux routes à l’éducation et à la santé. Les valeurs les plus élevées de l’indice correspondent aux niveaux les plus élevés de l’accès à ces services. Dans tous les pays, les agriculteurs les plus riches ont beaucoup plus facilement accès à ces services.

FIGURE 15: Accès des ménages les plus riches et les plus pauvres aux services de transports, aux services sociaux et aux infrastructures

51. Les obstacles au commerce constituent une entrave supplémentaire à l’accès aux marchés internationaux. Les politiques qui améliorent l’accès au marché et réduisent les coûts de transaction peuvent inciter les petits exploitants à produire davantage pour le marché.

52. La production agricole est en soi une activité à haut risque, mais ces dernières années, le niveau et la variabilité des prix des denrées ont augmenté sur les marchés mondiaux. En plus de cette volatilité des prix, les petits exploitants – et de fait la majorité des agriculteurs – n’ont pas la possibilité d’assurer leurs récoltes ou leurs troupeaux ni d’accéder à d’autres instruments de réduction des risques qui pourraient les aider à faire face aux aléas de la production. Du fait qu’ils ne sont pas assurés, les agriculteurs tendent à adopter des stratégies visant à éviter les risques ou de diversifier leurs activités économiques en dehors de l’agriculture. Cette contrainte limite les possibilités d’intensification de la production agricole ou d’adoption de technologies agricoles plus modernes.

Garantir aux populations pauvres et vulnérables un accès à la nourriture

53. Les personnes les plus vulnérables aux chocs des prix alimentaires auraient besoin d’une protection immédiate contre l’érosion de leur pouvoir d’achat causée par les hausses des prix alimentaires. Les mesures de protection contribuent non seulement à sauver des vies, mais aussi à renforcer les moyens d’existence et à promouvoir le développement à plus long terme. Des filets de sécurité et des mesures de protection sociale peuvent prévenir et réduire la malnutrition dont les effets sur l’individu se font sentir tout au long de la vie. La consolidation des moyens d’existence permet d’éviter les ventes forcées de moyens de production, d’investir dans l’éducation et la santé, et d’aider les ménages à éviter les pièges à pauvreté.

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Source: FAO, RIGA data

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54. “Filet de sécurité” est une expression générique qui couvre divers types de programme d’aide aux groupes de population vulnérables, comme les programmes de distribution alimentaire, les programmes de transfert monétaire, divers programmes d’alimentation et programmes d’emploi. Ces filets de sécurité doivent être spécifiquement adaptés au contexte et centrés sur les besoins des consommateurs pauvres.

55. Beaucoup de pays ont un ou plusieurs filets de sécurité d’une portée variable. Toutefois dans le contexte de la flambée des prix alimentaires qui sévit actuellement, on a noté que, en raison des coûts budgétaires et des formalités administratives complexes, ces filets de sécurité n’étaient pas en place dans tous les pays.

56. Les transferts monétaires et alimentaires peuvent être cruciaux pour maintenir la consommation alimentaire des ménages au dessus d’un seuil critique, tout en évitant qu’ils n’adoptent des stratégies de survie nocives (par exemple, manger moins, vendre des actifs productifs, retirer les enfants de l’école) pour satisfaire leurs besoins alimentaires immédiats, quitte à compromettre la durabilité de leurs moyens d’existence à plus long terme. Compte tenu de l’importance de l’agriculture, comme moyen d’existence pour les ruraux pauvres, en particulier dans le contexte du renchérissement des denrées, des filets de sécurité peuvent aussi être décisifs pour renforcer la productivité. Dans des pays comme le Malawi et l’Éthiopie, les programmes de protection sociale comprennent désormais des instruments de politique agricole traditionnels, y compris des subventions aux intrants agricoles et des systèmes novateurs d’assurance des récoltes. À court terme, la réactivité de l’offre à des incitations par les prix, en particulier dans le cas des petits producteurs, peut être freinée par leur manque d’accès à des intrants essentiels comme les semences et les engrais. Dans ce contexte, des mesures de protection sociale, incluant la distribution de semences et d’engrais, directement ou à travers un système de bons et de « subventions intelligentes », peuvent être appropriées. Exécutés avec efficacité, ces programmes peuvent augmenter le revenu des petits producteurs et limiter les hausses de prix sur les marchés locaux, contribuant ainsi à l’amélioration de la situation nutritionnelle des foyers acheteurs net de denrées alimentaires.

C. ACTIONS ET RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES EN MATIÈRE

DE LUTTE CONTRE LA FAIM ET L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE

57. La flambée des prix alimentaires a incité la communauté internationale à se préoccuper des menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale, en particulier pour le groupe des plus vulnérables, qui se comptent par millions. Il a été reconnu qu’une crise de cette nature et de cette ampleur nécessitait une réponse urgente, globale, cohérente et coordonnée au niveau mondial si l’on voulait obtenir des résultats significatifs dans le délai le plus court possible.

58. En décembre 2007, la FAO a réagi à la crise alimentaire qui se profilait en lançant une Initiative contre la flambée des prix alimentaires (IFPA)10, dans le but immédiat d’accroître rapidement la production alimentaire durant les campagnes agricoles de 2008 et 2009, en permettant aux petits exploitants d’accéder directement aux intrants. L’IFPA a pour but d’aider les gouvernements à formuler des plans d’action spécifiques à leur pays contre l’insécurité alimentaire, dans le cadre d’une approche sur deux fronts, consistant à relancer la production alimentaire, tout en garantissant un accès à la nourriture aux groupes de population les plus vulnérables pénalisés par la hausse et la volatilité accrue des prix des denrées. L’IFPA a établi un partenariat solide avec la Banque mondiale, le FIDA, le PAM et d’autres partenaires de développement, sur la base de complémentarités et de synergies, pour fournir une réponse efficiente, en remédiant aux effets des prix élevés des denrées sur la sécurité alimentaire des pays, et en facilitant les investissements correspondants nécessaires à plus long terme.

10 Pour plus d’informations sur l’IFPA, veuillez vous rendre sur le site: http://www.fao.org/worldfoodsituation/isfp/fr.

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59. En avril 2008, le Secrétaire général des Nations Unies a mis en place une Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire, dont il assure la présidence. L’Équipe spéciale réunit des unités pertinentes du Secrétariat des Nations Unies, des institutions, des fonds et des programmes des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods. L’Équipe spéciale a produit un Cadre d’action global servant de guide aux acteurs mondiaux et locaux, qu’il s’agisse d’institutions ou de gouvernements, et de catalyseur pour une action immédiate. Le cadre d’action global identifie des actions prioritaires pour améliorer la sécurité alimentaire mondiale et continuer à réduire la pauvreté dans le contexte de la crise alimentaire actuelle. Conformément à la stratégie sur deux fronts, un groupe de mesures vise à répondre aux besoins immédiats des populations en situation d’insécurité alimentaire, alors que le deuxième groupe de mesures a pour objet de renforcer la résilience et de contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle à plus long terme. Il est d’urgent d’agir sur ces deux fronts.

60. Du 3 au 5 juin 2008, des représentants de 180 pays et de l’UE, incluant de nombreux chefs d’État et de gouvernement, se sont réunis à Rome, à une Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale, où ils se sont déclarés « convaincus que la communauté internationale doit prendre des mesures urgentes et coordonnées pour lutter contre les effets négatifs de la flambée des prix des denrées alimentaires sur les pays et les populations les plus vulnérables du monde ». Ils ont réaffirmé que l’effectif actuel élevé et en hausse de personnes sous-alimentées dans le monde était inacceptable.

61. La Conférence de haut niveau a reconfirmé la nécessité d’une approche sur deux fronts, telle qu’elle a été proposée dans le Cadre d’action global. Spécifiquement, cette approche inclut les mesures immédiates, à court, moyen et long terme, indiquées ci-dessous:

Mesures immédiates et à court terme • Répondre d’urgence aux demandes d’assistance pour faire face à des crises dues à la

faim et à la malnutrition, en renforçant les programmes de secours et les filets de sécurité.

• Fournir un appui budgétaire ou un appui à la balance des paiements; réexaminer le service de la dette et simplifier les procédures d’éligibilité aux mécanismes financiers existants à l’appui de l’agriculture et de l’environnement.

• Faciliter l’accès des petits producteurs aux semences, aux engrais, aux aliments pour animaux, à l’assistance technique et aux autres intrants appropriés.

• Améliorer l’infrastructure commerciale. • S’a ssurer que les politiques alimentaires, agricoles et commerciales connexes soient

de nature à favoriser la sécurité alimentaire pour tous, en menant rapidement à son terme le cycle de négociations commerciales de Doha et en limitant le plus possible les mesures restrictives qui pourraient accroître la volatilité des cours internationaux.

Mesures à moyen et à long termes • Préserver la biodiversité et renforcer la résilience des systèmes de production vivrière

face au changement climatique. • Accroître nettement les investissements dans la science et la technologie pour

l'alimentation et l'agriculture et intensifier la coopération orientée vers la recherche, la mise au point, l'application, le transfert et la diffusion de technologies améliorées et d'approches en matière de politiques.

• Établir des conditions en ce qui concerne la gouvernance et les politiques propres à faciliter l'investissement dans des technologies agricoles améliorées.

• Poursuivre les efforts de libéralisation des échanges internationaux de produits agricoles en réduisant les obstacles au commerce, et les politiques qui créent des distorsions sur les marchés.

• Relever les défis et saisir les opportunités dans le domaine des biocarburants, compte tenu des besoins mondiaux en matière de sécurité alimentaire, d’énergie et de développement durable.

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62. En juillet 2008, au Sommet du G8 tenu au Japon, les dirigeants des plus grandes nations industrialisées du monde se sont déclarés « très vivement préoccupés par la forte augmentation des prix alimentaires dans le monde qui, conjuguée à des problèmes de pénurie dans certains pays en développement, menace la sécurité alimentaire mondiale ». Les prix élevés des denrées alimentaires et du pétrole étaient en tête de leurs préoccupations.

63. Comme on vient de le décrire, la ferme détermination des dirigeants mondiaux à traiter les problèmes de sécurité alimentaire mondiale comme une priorité absolue témoigne d’une volonté politique croissante d’inverser l’évolution préoccupante de la faim dans le monde. En outre, des engagements importants ont été pris en vue de fournir un appui financier accru aux pays en développement pour leur permettre de faire face aux effets de l’insécurité alimentaire et aux menaces que fait peser la flambée des prix alimentaires. Toutefois, si cette volonté politique et les promesses des donateurs ne sont pas concrétisés dans une action réelle et immédiate pour répondre aux besoins de développement à court et à plus long termes, des millions de personnes de plus risquent de basculer dans le piège de la pauvreté et de la faim chronique.