Comentario Livro das causas

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1 Commentaire du Livre des causes 1[1] Par saint Thomas d’Aquin Traduction reprise à partir du travail de Béatrice et Jérôme DECOSSAS, docteurs en philosophie, 2005 On peut se procurer leur commentaire de cette oeuvre chez Vrin, Paris, 2005. Les oeuvres complètes de saint thomas d’Aquin http://docteurangelique.free.fr, 2008 Prologue : ________________________________________________________________________ 3 1 e Toute cause première influe plus sur son effet que la cause universelle seconde _____________ 3 2) Tout être supérieur est ou bien au-dessus de l'éternité et avant elle, ou bien avec elle, ou bien après elle et au-dessus du temps _______________________________________________ 8 3) Toute âme noble a trois opérations; en effet, parmi ses opérations, il y a une opération animale, une opération intelligible et une opération divine ______________________ 14 4) La première des choses créées est l'être et avant lui il n'y a pas d’autre crée ______________ 22 5) Les intelligences supérieures premières qui jouxtent la cause première impriment des formes secondes, stables qui ne périssent pas de sorte qu'il soit nécessaire de les faire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme ________________________________________________________ 29 6) La Cause première est supérieure au discours, et les langues échouent à discourir d'elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause ; et on en peut discourir seulement par les causes secondes, qui sont illuminées par la lumière de la cause première. _________________________________________________________________ 36 7) L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée__________________________________ 42 8) « Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est au-dessous d'elle : mais elle connaît ce qui est au-dessous d'elle parce qu'elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d'elle parce qu’elle en reçoit les bontés » _____________________________ 49 9) La stabilité et l’essence de toute intelligence lui viennent du bien pur qui est la cause première. ________________________________________________________________________ 50 10) Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles et d'autres qui contiennent des formes plus universelles ______________________________________________________________________ 59 1[1] Les traducteurs ont pris pour texte de base l'édition critique de H.-D. Saffrey, Sancti Thomae de Aquino super Librum de causis expositio, Fribourg, 1954; reed. Paris, Vrin, 2002. Les rares fois où ils ont préféré les choix de l'édition Marietti (1955) établie par Pera, ils le précisens. Quant à la traduction française du Liber de Causis, c'est celle de La demeure de l'être. Autour d'un anonyme. Etudes et traduction du Liber de Causis, trad. P. Magnard, O. Boulnois, B. Pinchard et J. -L. Solere, Paris, Vrin, 1990. Le texte latin de cette version numérique est celui du Père Busa (consulter le site http://www.corpusthomisticum.org du professeur Enrique Alarcón.

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Commentaire du Livre des causes1[1] Par saint Thomas d’Aquin Traduction reprise à partir du travail de

Béatrice et Jérôme DECOSSAS, docteurs en philosophie, 2005 On peut se procurer leur commentaire de cette œuvre chez Vrin, Paris, 2005.

Les œuvres complètes de saint thomas d’Aquin

http://docteurangelique.free.fr, 2008

Prologue : ________________________________________________________________________ 3

1e Toute cause première influe plus sur son effet que la cause universelle seconde _____________ 3

2) Tout être supérieur est ou bien au-dessus de l'éternité et avant elle, ou bien avec elle, ou bien après elle et au-dessus du temps _______________________________________________ 8

3) Toute âme noble a trois opérations; en effet, parmi ses opérations, il y a une opération animale, une opération intelligible et une opération divine ______________________ 14

4) La première des choses créées est l'être et avant lui il n'y a pas d’autre crée ______________ 22

5) Les intelligences supérieures premières qui jouxtent la cause première impriment des formes secondes, stables qui ne périssent pas de sorte qu'il soit nécessaire de les faire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme ________________________________________________________ 29

6) La Cause première est supérieure au discours, et les langues échouent à discourir d'elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause ; et on en peut discourir seulement par les causes secondes, qui sont illuminées par la lumière de la cause première. _________________________________________________________________ 36

7) L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée __________________________________ 42

8) « Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est au-dessous d'elle : mais elle connaît ce qui est au-dessous d'elle parce qu'elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d'elle parce qu’elle en reçoit les bontés » _____________________________ 49

9) La stabilité et l’essence de toute intelligence lui viennent du bien pur qui est la cause première. ________________________________________________________________________ 50

10) Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles et d'autres qui contiennent des formes plus universelles ______________________________________________________________________ 59

1[1] Les traducteurs ont pris pour texte de base l'édition critique de H.-D. Saffrey, Sancti Thomae de Aquino super Librum de causis expositio, Fribourg, 1954; reed. Paris, Vrin, 2002. Les rares fois où ils ont préféré les choix de l'édition Marietti (1955) établie par Pera, ils le précisens. Quant à la traduction française du Liber de Causis, c'est celle de La demeure de l'être. Autour d'un anonyme. Etudes et traduction du Liber de Causis, trad. P. Magnard, O. Boulnois, B. Pinchard et J. -L. Solere, Paris, Vrin, 1990. Le texte latin de cette version numérique est celui du Père Busa (consulter le site http://www.corpusthomisticum.org du professeur Enrique Alarcón.

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11) Toute intelligence pense les choses perpétuelles qui ne sont pas détruites et ne tombent pas sous le temps. _________________________________________________________ 64

12) Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres selon qu'il est possible à chacun d'être en un autre _________________________________________________________________ 69

13) Toute intelligence intellige sa propre essence. _______________________________________ 74

14) Les choses sensibles sont en toute âme parce qu'elle en est le modèle, et les choses intelligibles sont en elle parce qu'elle les connaît. _______________________________________ 74

15) Tout être connaissant connaît sa propre essence, il revient donc à son essence par un retour complet. ___________________________________________________________________ 77

16) Toutes les puissances pour lesquelles il n'y a pas de limite dépendent d'un infini premier qui est puissance des puissances, non parce que celles-ci sont acquises, stables, se tenant dans les choses, mais plutôt parce qu'elles sont puissances pour les choses recevant leur stabilité. _____________________________________________________________ 80

17) Toute puissance unifiée est plus infinie qu'une puissance multiple ______________________ 87

18) Toutes les choses ont l'être grâce à l'étant premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, et toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l'intelligence première. _____________________________________________________________ 86

19) Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine puisqu'elle reçoit en une réception abondante quelque chose des bontés premières qui procèdent de la cause première; il y a celle qui n'est qu’intelligence puisqu'elle ne reçoit rien des bontés premières, si ce n'est par l'intermédiaire de l'intelligence première. Parmi les âmes, il y a celle qui est intelligible, puisqu'elle dépend de l'intelligence; et celle qui n'est qu'âme. Enfin parmi les corps naturels, il y a celui qui a une âme qui le gouverne et qui, au-dessus de lui, le dirige, et il y a ceux qui sont seulement corps naturels et qui n'ont pas d'âme. __________________________________________________________________________ 92

20) « La cause première régit toutes les choses créées, sans qu'elle soit mêlée à elles ». ________ 95

21) Le premier est riche par soi-même et il est plus riche. ________________________________ 98

22) « La cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme puisque ne lui convient ni l'inachèvement, ni même l'achèvement ». __________________________________ 100

23) Toute intelligence divine connaît les choses en tant qu'elle est intelligence, et les gouverne en tant qu'elle est divine. __________________________________________________ 102

24) La cause première existe en toutes choses selon une disposition une, mais toutes choses n'existent pas dans la cause première selon une disposition une. ___________________ 102

25) Les substances intelligibles unifiées ne sont pas engendrées à partir d'autre chose, et toute substance se tenant par son essence n'est pas engendrée à partir de quelque chose d'autre. ________________________________________________________________________ 105

26) Aucune substance se tenant par elle-même ne tombe sous la corruption. _______________ 111

27) Toute substance destructible et non perpétuelle est soit composée soit supportée par une autre chose. _________________________________________________________________ 112

28) Toute substance se tenant par son essence est simple et n'est pas divisée. _______________ 113

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29) Toute substance simple se tient par elle-même, c'est-à-dire par sa propre essence. _______ 116

30) Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps et le temps ne l'excède pas, puisque sa création coïncide avec celle du temps ; ou bien elle excède le temps et le temps l'excède puisqu'elle est créée en certaines portions du temps. _____________ 115

31) Entre une chose dont la substance et l'activité sont dans le moment de l'éternité et une chose dont la substance et l'activité sont dans le moment du temps, il existe un intermédiaire : ce dont la substance relève du moment de l'éternité, et l'opération du moment du temps. _______________________________________________________________ 120

32) Toute substance tombant sous l'éternité en certaines de ses dispositions et sous le temps en certaines autres, est à la fois être et génération. _______________________________ 122

Prooemium

[84235] Super De causis, pr. Sicut philosophus dicit in X Ethicorum, ultima felicitas hominis consistit in optima hominis operatione quae est supremae potentiae, scilicet intellectus, respectu optimi intelligibilis. Quia vero effectus per causam cognoscitur, manifestum est quod causa secundum sui naturam est magis intelligibilis quam effectus, etsi aliquando quoad nos effectus sint notiores causis propter hoc quod ex particularibus sub sensu cadentibus universalium et intelligibilium causarum cognitionem accipimus. Oportet igitur quod simpliciter loquendo primae rerum causae sint secundum se maxima et optima intelligibilia, eo quod sunt maxime entia et maxime vera cum sint aliis essentiae et veritatis causa, ut patet per philosophum in II metaphysicae, quamvis huiusmodi primae causae sint minus et posterius notae quoad nos: habet enim se ad ea intellectus noster sicut oculus noctuae ad lucem solis quam propter excedentem claritatem perfecte percipere non potest. Oportet igitur quod ultima felicitas hominis quae in hac vita haberi potest, consistat in consideratione primarum causarum, quia illud modicum quod de eis sciri potest, est magis amabile et nobilius omnibus his

Prologue : Comme l’aff irme le Philosophe au livre X de son Ethique2[2], la félicité ultime de l’homme consiste dans la meilleure opération humaine qui est celle de la puissance suprême, à savoir l’ intellect, eu égard au meilleur intell igible. Or, parce que l'effet est connu par la cause, il est évident que la cause, de sa nature, est plus intellig ible que l’effet, même si quelquefois et par rapport à nous, les effets sont mieux connus que leurs causes. Ceci s’explique par le fait que ce sont des réalités particulières qui tombent sous nos sens que nous tirons la connaissance des causes universelles et intelligibles. Il faut donc que, absolument parlant, les causes premières des choses soient les intelligibles suprêmes et les meilleurs : ils sont étants et vrais au plus haut point puisqu’ils sont la cause de l’être et de la vérité des autres choses, comme cela est manifeste par le Philosophe au livre II de sa Métaphysique3[3]; et ce, bien que les causes premières de cette espèce soient moins connues de nous et le soient ultérieurement : notre intellect est par rapport à elles comme l’œil de la chouette par rapport à la lumière du soleil qui, à cause de sa trop grande clarté, ne peut

2[2] Cf. 7, 1177a 12-14. 3[3] Cf. 1, 993 b 26-31.

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quae de rebus inferioribus cognosci possunt, ut patet per philosophum in I de partibus animalium; secundum autem quod haec cognitio in nobis perficitur post hanc vitam, homo perfecte beatus constituitur secundum illud Evangelii: haec est vita aeterna ut cognoscant te Deum verum unum. Et inde est quod philosophorum intentio ad hoc principaliter erat ut, per omnia quae in rebus considerabant, ad cognitionem primarum causarum pervenirent. Unde scientiam de primis causis ultimo ordinabant, cuius considerationi ultimum tempus suae vitae deputarent: primo quidem incipientes a logica quae modum scientiarum tradit, secundo procedentes ad mathematicam cuius etiam pueri possunt esse capaces, tertio ad naturalem philosophiam quae propter experientiam tempore indiget, quarto autem ad moralem philosophiam cuius iuvenis esse conveniens auditor non potest, ultimo autem scientiae divinae insistebant quae considerat primas entium causas. Inveniuntur igitur quaedam de primis principiis conscripta, per diversas propositiones distincta, quasi per modum sigillatim considerantium aliquas veritates. Et in Graeco quidem invenitur sic traditus liber Procli Platonici, continens CCXI propositiones, qui intitulatur elementatio theologica; in Arabico vero invenitur hic liber qui apud Latinos de causis dicitur, quem constat de Arabico esse translatum et in Graeco penitus non haberi: unde videtur ab aliquo philosophorum Arabum ex praedicto libro Procli excerptus, praesertim quia omnia quae in hoc libro continentur, multo plenius et diffusius continentur in illo. Intentio igitur huius libri qui de causis dicitur, est determinare de primis causis rerum. Et, quia nomen causae ordinem quemdam importat et in causis ordo ad invicem invenitur, praemittit, quasi quoddam principium totius sequentis operis, quamdam propositionem ad

être parfaitement perçue. Il faut donc que la félicité ultime que l’homme peut connaitre en cette vie consiste en la considération des causes premières, parce que le peu qu’on est capable d'en savoir est toujours plus aimable et plus noble que tout ce qu'on peut connaitre des réalités inférieures, comme cela est manifeste par le Philosophe dans le livre I des Parties des animaux4[4]. Et dans la mesure où c'est après cette vie que cette connaissance atteint en nous sa perfection, l'homme est alors établi dans la béatitude parfaite selon cette parole de l’Evangile : « En cela consiste la vie éternelle qu'ils Te connaissent Toi, le Dieu unique et vrai »5[5]. Aussi, les philosophes, en considérant tout ce qui est dans les choses, visaient-ils principalement à parvenir à la connaissance des causes premières. En conséquence, ils plaçaient la science des causes premières à la fin, science à laquelle ils consacraient la dernière période de la vie. Selon eux, il convenait de commencer par la logique qui livre la méthode même des sciences; de poursuivre par les mathématiques dont même les enfants sont capables; de continuer par la philosophie de la nature qui demande qu'on ait acquis de l'expérience; après quoi, on passait à la philosophie morale qui ne convient pas à la jeunesse, pour s’appliquer enfin à la science divine qui étudie les causes premières des étants. On trouve certains écrits au sujet des premiers principes, repartis en diverses propositions, comme considérant une à une quelques vérités. Nous est parvenu un livre, écrit en grec, du platonicien Proclus, contenant deux-cent-onze propositions et intitulé Eléments de théologie. On a aussi ce livre que les Latins appellent le De Causis, qui est très certainement traduit de l'arabe et qu'on n'a

4[4] Cf. I. 5, 644 b 32-34. 5[5] Cf. Jn., 17, 3.

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ordinem causarum pertinentem, quae talis est.

pas en grec. Aussi semble-t-il avoir été extrait par quelque philosophe arabe du livre cite de Proclus, puisque tout ce qui se trouve dans ce livre est dit de façon plus complète et plus développée dans les Eléments. L'intention du De Causis est de traiter des causes premières. Et parce que le nom de cause suppose un certain ordre et que l’ordre entre les causes se tire du rapport qu'elles entretiennent entre elles, le De Causis commence, à titre de point de départ de toute la suite de l’ouvrage, par cette proposition qui a trait à l’ordre des causes :

Lectio 1

[84236] Super De causis, l. 1 Omnis causa primaria plus est influens super suum causatum quam causa secunda universalis. Ad cuius manifestationem unum corollarium inducit, per quod manifestatur primum sicut per quoddam signum; unde subdit: cum ergo removet causa secunda universalis virtutem suam a re, causa universalis prima non aufert virtutem suam ab ea. Et ad huius probationem inducit tertium, dicens: quod est quia universalis causa prima agit in causatum causae secundae antequam agat in ipsum causa universalis secunda. Et ex hoc concludit quod secundo positum est, et convenienter. Necesse est enim id quod prius advenit ultimo abscedere; videmus enim ea quae sunt priora in compositione esse ultima in resolutione. Sic igitur intentio huius propositionis in his tribus consistit, quorum primum est quod causa prima plus influit in effectum quam secunda, secundum est quod impressio causae primae tardius recedit ab effectu, tertium est quod prius ei advenit. Quae quidem tria Proclus proponit in duabus propositionibus, primum in LVI propositione sui libri, quae talis est: omne quod a secundis producitur, et a prioribus et causalioribus producitur eminentius, a quibus et secunda producebantur; alia vero proponit in sequenti propositione quae talis est: omnis causa et ante causatum

1) Toute cause première influe plus sur son effet que la cause universelle seconde

Pour le manifester, l'auteur ajoute un corollaire par lequel il éclaircit, comme par un signe, ce premier point : « Lorsque donc la cause universelle seconde ôte sa puissance à une chose, la cause universelle première ne la retire pas à celle-ci ». Pour le prouver, il introduit un troisième élément, en disant : « La raison en est que la cause universelle première agit sur l’effet de la cause universelle seconde, avant que celle-ci n'agisse sur lui ». De là, il conclut ce qu’ il a posé en second lieu, et à juste titre. Il est nécessaire, en effet, que ce qui vient en premier se retire en dernier; nous voyons que ce qui est premier dans la composition est dernier dans la résolution. Ainsi donc l'intention de cette proposition est d'établir trois choses : premièrement, que la cause première influe davantage sur son effet que la cause seconde ; deuxièmement, que l’impression de la cause première s’efface de son effet en dernier; qu’enfin, cette même impression lui advient en premier. Ces trois points, Proclus les établit en deux propositions. La première, soit la proposition 56 de son livre, dit : « Tout ce qui est produit par des causes dérivées est produit à meilleur titre par les causes antérieures et plus efficaces qui ont produit ces mêmes

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operatur et post ipsum plurium est substitutiva. His autem tribus praemissis ad ea manifestanda procedit, primo quidem per exemplum, secundo per rationem, ibi: et causa prima adiuvat. Exemplum autem videtur pertinere ad causas formales in quibus quanto forma est universalior tanto prior esse videtur. Si igitur accipiamus aliquem hominem, forma quidem specifica eius attenditur in hoc quod est rationalis, forma autem generis eius attenditur in hoc quod est vivum vel animal; ulterius autem id quod est omnibus commune est esse. Manifestum est autem in generatione unius particularis hominis quod in materiali subiecto primo invenitur esse, deinde invenitur vivum, postmodum autem est homo; prius enim ipse est animal quam homo, ut dicitur in II de generatione animalium. Rursumque in via corruptionis primo amittit usum rationis et remanet vivum et spirans, secundo amittit vitam et remanet ipsum ens, quia non corrumpitur in nihilum. Et sic potest intelligi hoc exemplum secundum viam generationis et corruptionis alicuius individui. Et haec est eius intentio, quod patet ex hoc quod dicit: cum ergo individuum non est homo, id est secundum actum proprium hominis, est animal, quia adhuc remanet in eo operatio animalis quae consistit in motu et sensu; et, cum non est animal, est esse tantum, quia remanet corpus penitus inanimatum. Verificatur hoc exemplum in ipso rerum ordine: nam priora sunt existentia viventibus et viventia hominibus, quia remoto homine non removetur animal secundum continentiam, sed e converso quia, si non est animal, non est homo. Et eadem ratio est de animali et esse. Deinde cum dicit: et causa prima etc., probat tria praedicta per rationem. Primum autem, scilicet quod causa prima plus influat quam secunda, sic probat: eminentius convenit aliquid causae quam causato; sed operatio qua causa secunda causat

causes dérivées ». Et la seconde6[6], qui la suit, dit : « Toute cause agit avant son effet et forme après lui des effets plus nombreux que les siens <supplée au plus grand nombre d’autres causes7[7] > ». Ces trois prémisses étant posées, l'auteur, pour les manifester, procède ainsi : il propose d'abord un exemple; puis livre ensuite la raison à partir de : « et la cause première aide la cause seconde etc. ». L’exemple qu'il prend semble convenir aux causes formelles ou plus la forme est universelle plus elle parait antérieure. Prenons « un homme » : sa forme spécifique tient à ce qu'il est rationnel; sa forme générique à ce qu'il est vivant ou animal; et ce qui est commun ultimement à tout ceci est l‘être. Il est manifeste que dans la génération d'un homme particulier, l’être est trouvé d’abord dans le sujet matériel, puis on trouve le vivant, enfin, on a l’homme. En effet, celui-ci est d'abord animal avant que d'être homme, comme il est dit au livre II De la génération des animaux3. En outre sur le chemin qui mène à la corruption, l'homme perd d'abord l'usage de la raison, il reste alors quelque chose de vivant et de respirant; puis ce quelque chose perd la vie et reste alors un existant, parce qu'il n'est pas corrompu en du néant. On peut donc comprendre cet exemple selon l’ordre de la génération et la corruption d'un individu. L'intention de l'auteur apparait d’ailleurs clairement quand il dit : « Quand donc un individu n'est pas un homme », c'est-à-dire selon l’acte propre de l’homme, « il est un animal » puisque reste en lui l’opération animale consistant dans le mouvement et la sensation; « et quand il n’est pas un animal, il est un être seulement » puisque reste le corps entièrement inanimé. Cet exemple se vérifie aussi dans l’ordre même des choses : les existants sont antérieurs aux vivants et les vivants antérieurs aux

6[6] Eléments, prop. 57. 7[7] Cf. 3, 736 a 2.

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effectum, causatur a causa prima, nam causa prima adiuvat causam secundam faciens eam operari; ergo huius operationis secundum quam effectus producitur a causa secunda, magis est causa causa prima quam causa secunda. Proclus autem expressius hoc sic probat: causa enim secunda, cum sit effectus causae primae, substantiam suam habet a causa prima; sed a quo habet aliquid substantiam, ab eo habet potentiam sive virtutem operandi; ergo causa secunda habet potentiam sive virtutem operandi a causa prima. Sed causa secunda per suam potentiam vel virtutem est causa effectus; ergo hoc ipsum quod causa secunda sit causa effectus, habet a prima causa. Esse ergo causam effectus inest primo causae primae, secundo autem causae secundae; quod autem est prius in omnibus, est magis, quia perfectiora sunt priora naturaliter. Ergo prima causa est magis causa effectus quam causa secunda. Secundum, scilicet quod impressio causae primae tardius recedat ab effectu, probat ibi: et quando removetur causa secunda et cetera. Et inducit talem rationem: quod vehementius inest, magis inhaeret; sed prima causa vehementius imprimit in effectu quam causa secunda, ut probatum est; ergo eius impressio magis inhaeret; ergo tardius recedit. Tertium, scilicet quod prius adveniat, probat ibi: et non est causatum causae secundae etc., tali ratione. Causa secunda non agit in causatum suum nisi virtute causae primae; ergo et causatum non procedit a causa secunda nisi per virtutem causae primae; sic igitur virtus causae primae dat effectui ut attingatur a virtute causae secundae; prius ergo attingitur a virtute causae primae. Hoc autem uno medio Proclus sic probat. Causa prima est magis causa quam secunda; ergo est perfectioris virtutis. Sed quanto virtus alicuius causae est perfectior, tanto ad plura se extendit; ergo virtus causae primae ad plura se extendit quam virtus causae secundae. Sed id quod in pluribus est, prius est in adveniendo et ultimum in

hommes puisque, l’humanité étant ôtée, l’animalité n’est pas ôtée quant au contenu. Et dans l’autre sens : s’ il n'y a pas d'animal, il n'y a pas d'homme. Le même raisonnement vaut pour l’animalité et l’être. Ensuite lorsqu'il dit : « Et la cause première aide la cause seconde etc. » il avance la raison des trois points établis plus haut. Que la cause première influe davantage que ne le fait la cause seconde, il le prouve ainsi. Tout ce qui convient au causé convient plus excellemment à la cause. Or l’ opération par laquelle la cause seconde cause son effet est causée par la cause première. « La cause première aide la cause seconde » puisqu’elle le fait opérer. Donc l’opération de la cause seconde par laquelle celle-ci produit son effet, est davantage le fait de la cause première que de la cause seconde. Proclus le prouve de façon plus explicite8[8]. La cause seconde, des lors qu'elle est l'effet de la cause première, tient d'elle sa substance. Or c'est celui dont on tient sa substance qui donne puissance et vertu d'opérer. Donc la cause seconde tient sa puissance ou vertu de la cause première. Par ailleurs la cause seconde par sa puissance ou vertu est cause d’effet; donc le fait même que la cause seconde soit cause d’effet vient de la cause première. Aussi pouvoir être cause d’effet appartient-il d’abord à la cause première, et ensuite à la cause seconde. Ce qui est antérieur en toute chose a davantage d'être, parce que ce qui est plus parfait est par nature antérieur. Donc la cause première est davantage cause de l’effet que ne l’est la cause seconde. Deuxièmement, que l'impression de la cause première se retire plus tardivement de son effet que celle de la cause seconde, l’auteur le prouve la ou il dit : « Et quand la cause seconde est retirée de son effet etc. ». La raison proposée est la suivante : ce qui affecte une chose plus fortement y inhère aussi davantage; or la cause

8[8] Eléments, prop. 56.

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recedendo; ergo impressio causae primae primo advenit et ultimo recedit. Est autem considerandum in quibus causis haec propositio habeat veritatem. Et siquidem ad genera causarum quaestio referatur, manifestum est quod habet veritatem in quolibet causarum genere suo modo. Et in causis quidem formalibus exemplum inductum est. In causis autem materialibus similis ratio invenitur; nam id quod primo substernitur ut materia, causa est propinquioris materiae ut et ipsa materialiter substet, sicut materia prima elementis, quae sunt quodammodo materia mixtorum corporum. Utrumque autem horum ostendit idem esse in efficientibus causis. Manifestum est enim quod, quanto aliqua causa efficiens est prior, tanto eius virtus ad plura se extendit; unde oportet ut proprius effectus eius communior sit. Causae vero secundae proprius effectus in paucioribus invenitur; unde et particularior est. Ipsa enim causa prima producit vel movet causam secundo agentem, et sic fit ei causa ut agat. Inveniuntur igitur praedicta tria quae tacta sunt, primordialiter quidem in causis efficientibus et ex hoc manifestum est quod derivatur ad causas formales: unde et hic ponitur verbum influendi et Proclus utitur verbo productionis quae exprimit causalitatem causae efficientis. Quod autem ex causis efficientibus derivetur ad causas materiales, non est adeo manifestum, eo quod causae efficientes quae sunt apud nos, non producunt materiam sed formam; sed, si consideremus causas universales a quibus procedunt et materialia rerum principia, necesse est quod hic ordo derivetur et ad materiales causas ex causis efficientibus. Quia enim primae et supremae causae efficacia seu causalitas ad plura se extendit, necesse est quod id quod primo subsistit in omnibus sit a prima omnium

première imprime sa marque plus fortement que ne le fait la cause seconde, comme cela a été prouve; donc son impression y inhère davantage et se retire plus tardivement. Troisièmement, à savoir que l'impression de la cause première advient en premier à son effet, il le prouve ou il dit : « Et il n'y a9[9] pas d'effet de la cause seconde si ce n’est par la vertu de la cause première ». La raison est telle : la cause seconde n'agit pas sur son effet, si ce n'est par la vertu de la cause première; donc le cause ne procède de la cause seconde que par la vertu de la cause première; aussi la vertu de la cause première donne-t-elle à l’ effet d'être touché par la vertu de la cause seconde; celui-là est donc touche d’abord par la vertu de la cause première. Ceci, Proclus le montre par un seul moyen terme10[10]. La cause première est plus cause que la cause seconde; sa puissance est donc plus parfaite. Or plus la vertu d'une cause est parfaite, plus elle s’étend à un plus grand nombre d’effets. La vertu de la cause première s'étend donc à plus d'effets que celle de la cause seconde. Mais comme se qui s’étend à plus de choses advient en premier et se retire en dernier, l’impression de la cause première advient en premier et se retire en dernier11[11]. Examinons maintenant quelle sorte de cause vérifie cette première proposition. Si l’on rapporte cette proposition aux différents genres de causes, il est manifeste que celle-ci est vraie pour tous, selon la causalité respective de chacun. L'exemple pris par l'auteur est tire des causes formelles. Mais on trouve une raison semblable pour les causes matérielles ; en effet, ce qui est antérieur dans l’ordre de la matière est cause de la matière prochaine à titre de suppôt, comme la matière première est substrat

9[9] Pera lit : « Et non figitur » au lieu de : « Et non est ». Le verbe figere d'où sont dérivés fixum (cf. alinéa 54), fixio (alinea 79), fixionem (alinéa 129), fixa (alinéas 128 et 157) semble rejoindre la terminologie de l’anonyme. 10[10] Cf. Elements, prop. 57. 11[11] Cf. ibid., prop. 70.

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causa. Deinde a causis secundis adduntur dispositiones quibus materiae appropriantur singulis rebus. Quod etiam utcumque in his quae apud nos sunt, apparet: nam omnibus artificialibus materiam primam exhibet natura; deinde per artes quasdam priores materia naturalis disponitur ut congruat particularioribus artificiis; comparatur autem prima omnium causa ad totam naturam sicut natura ad artem; unde id quod primo subsistit in tota natura est a prima omnium causa, quod appropriatur singulis rebus officio causarum secundarum. In causis etiam finalibus manifestum est verificari omnia praedicta, nam propter ultimum finem, qui est universalis, alii fines appetuntur, quorum appetitus advenit post appetitum ultimi finis et ante ipsum cessat; sed et huius ordinis ratio ad genus causae efficientis reducitur, nam finis in tantum est causa in quantum movet efficientem ad agendum, et sic, prout habet rationem moventis, pertinet quodammodo ad causae efficientis genus. Si autem quaeratur in unoquoque causarum genere utrum praedicta verificentur in omnibus causis quomodolibet ordinatis, manifestum est quod non. Invenimus enim causas ordinari dupliciter: uno modo per se, alio modo per accidens. Per se quidem quando intentio primae causae respicit usque ad ultimum effectum per omnes medias causas, sicut cum ars fabrilis movet manum, manus martellum qui ferrum percussura extendit, ad quod fertur intentio artis. Per accidens autem quando intentio causae non procedit nisi ad proximum effectum; quod autem ab illo effectu efficiatur iterum aliud, est praeter intentionem primi efficientis, sicut cum aliquis accendit candelam, praeter intentionem eius est quod iterum accensa candela accendat aliam et illa aliam; quod autem praeter intentionem est, dicimus esse per accidens. In causis igitur per se ordinatis haec propositio habet veritatem,

des éléments qui sont à leur tour la matière première des corps mixtes12[12]. Il montre que c’est la même chose dans l’ordre des causes efficientes. Il est clair que plus une cause efficiente est antérieure, plus sa vertu s’étend à un grand nombre d'effets; si bien que l'effet le plus propre de la cause effi ciente première est aussi le plus commun. L'effet propre des causes secondes s'observe dans un plus petit nombre de choses; aussi est-il plus particulier. La cause première produit et meut la cause agissant en second et est ainsi la cause de l'action de celle-ci. C'est d'ailleurs primordialement pour les causes efficientes que valent les trois points établis par cette première proposition; d'ou il est manifeste que c'est de façon dérivée qu'elles s’appliquent aux causes formelles. C’est pourquoi l’auteur emploie le verbe influer, quand Proclus use du mot production. Tous deux expriment la causalité de la cause efficiente. Il n’est toutefois pas si évident qu’on puisse appliquer de façon dérivée aux causes matérielles ce qui vaut pour les causes efficientes, parce que les causes efficientes d'ici-bas (particulières) ne produisent pas la matière mais la forme. Si nous considérons cependant les causes universelles d’où procèdent les principes matériels des choses, il est nécessaire que l’ordre des causes se propage des causes efficientes aux causes matérielles. En effet, l’ efficacité ou causalité de la cause première et suprême s'étend à plusieurs; aussi est-il nécessaire que ce qui premièrement et antérieurement subsiste en toutes choses soit l’effet de la cause première de tout. Ensuite, des dispositions sont ajoutées aux causes secondes, dispositions par lesquelles les matières sont ajustées aux choses singulières. Ceci apparait dans ce qui nous entoure : la nature fournit la matière première des réalités artificielles;

12[12] Plutôt que quodammodo, on a adopte la variante d'une des familles de manuscrits eodem modo.

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in quibus causa prima movet omnes causas medias ad effectum; in causis autem ordinatis per accidens est e converso, nam effectus qui per se producitur a causa proxima, per accidens producitur a causa prima, praeter intentionem eius existens. Quod autem est per se potius est eo quod est per accidens, et propter hoc signanter dicit: causa universalis, quae est causa per se.

puis, par certains arts plus primordiaux la matière naturelle est disposée de façon à convenir aux artisans plus spécialisés. La cause première de toutes choses est à la nature tout entière ce que la nature est à l’art; aussi ce qui premièrement subsiste dans la nature tout entière est-il l’effet de la cause première de tout, lequel est ajuste aux réalités singulières par l’office des causes secondes. Enfin, la proposition se vérifie manifestement dans les causes finales. C’est à cause de la fin ultime, qui est universelle, que toutes les autres fins sont désirées, fins dont l’appétit suit et cesse avant celui de la fin dernière. Mais l’ordre observe dans les causes finales se ramène à celui des causes efficientes, puisque la fin est cause en autant qu'elle meut l’agent à agir; et selon que la fin à raison de moteur, elle appartient, en quelque sorte, au genre de la cause efficiente. En revanche, ce qu’affirme cette proposition ne se vérifie pas de tous les modes selon lesquels les causes opèrent. On observe, en effet, un ordre double dans les causes : celui des causes per se et celui des causes per accidens. L'ordre est per se quand l'intention de la cause première porte jusqu’à l’effet ultime par la médiation des causes secondes; ainsi l’art du forgeron meut sa main, sa main meut le marteau, lequel, par le coup, assure l'étirage du fer, étirage que visait initialement l'intention de l'artiste. L'ordre est per accidens, quand l'intention de la cause ne va pas au-delà de l’effet prochain; quant à ce que cet effet provoquera d’autre, il passe à côté de l’intention de l'agent premier : ainsi, il passe à côté de l'intention de celui qui allume une chandelle que celle-ci allume, à son tour, une autre chandelle et puis une autre etc. Et ce qui passe à côté de l'intention, nous le disons per accidens. La première proposition est donc vraie pour les causes ordonnées per se, dans lesquelles la cause première meut toutes les causes intermédiaires jusqu'à l’effet. Mais dans les causes ordonnées per

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accidens, c'est le contraire, puisque l’effet produit per se par la cause prochaine est produit par accident par la cause première, échappant, par là, à son intention. Comme ce qui est per se l'emporte sur ce qui est per accidens, l’auteur parle explicitement de « cause universelle », cause manifestement per se.

Lectio 2

[84237] Super De causis, l. 2 Praemissa prima propositione sicut quodam principio ad totum tractatum sequentem, incipit hic agere de primis causis rerum. Et dividitur in partes duas: in prima agit de distinctione primarum causarum; in secunda de coordinatione sive dependentia earum ad invicem, in 16 propositione, ibi: omnes virtutes quibus non est finis et cetera. Prima dividitur in partes duas: in prima distinguit causas primas; in secunda determinat de singulis, in 6 propositione, ibi: causa prima superior est, et cetera. Causae autem universales rerum sunt trium generum, scilicet causa prima quae est Deus, intelligentiae et animae, unde circa primum tria facit: primo enim distinguit haec tria genera quorum primum est indivisum, quia causa prima est una tantum; secundo distinguit intelligentias, ibi 4 propositione: prima rerum creatarum etc.; in tertia distinguit animas, 5 propositione, ibi: intelligentiae superiores et cetera. Circa primum duo facit: primo distinguit tria praedicta genera; secundo ostendit quomodo uniuntur per participationem quamdam in ultimo, in 3 propositione, ibi: omnis anima nobilis et cetera. Circa primum ponit talem propositionem: omne esse superius aut est superius aeternitate et ante ipsam, aut est cum aeternitate, aut post aeternitatem et supra tempus. Ad cuius propositionis intellectum oportet primo videre quid sit aeternitas, deinde quomodo praedicta propositio habeat veritatem. Nomen igitur aeternitatis indeficientiam quamdam sive interminabilitatem importat: dicitur enim aeternum quasi extra terminos existens; sed, quia, ut philosophus dicit in VIII

2) Tout être supérieur est ou bien au-dessus de l'éternité et avant elle, ou bien avec elle, ou bien après elle et au-dessus du temps Après avoir posé la première proposition comme préambule à tout le traité, l’auteur commence ici à traiter des premières causes des choses. Il divise son traite en deux : dans une première partie, il traite de la distinction des premières causes; dans une seconde, de la coordination ou dépendance des causes les unes par rapport aux autres. Cette seconde partie commence à la seizième proposition avec : « Toutes les puissances pour lesquelles il n'y a pas de limite dépendent d'un infini premier etc. ». La première partie est elle-même divisée en deux : l'auteur distingue d'abord les causes premières; puis, a partir de la sixième proposition où il dit : « La cause première est supérieure au discours etc. », il traite séparément de chacune. Les causes universelles sont de trois genres : la cause première qui est Dieu, les intelligences et les âmes. Relativement au premier point, il fait trois choses : il distingue d’abord ces trois genres de causes dont le premier est non divisé puisque la Cause première est unique; puis il distingue les intelligences, à la quatrième proposition où il dit « La première des choses créées est l’être etc. »; enfin, à la cinquième avec « Les intelligences supérieures premières qui jouxtent la cause première etc. », il distingue les âmes. A propos du premier point, il fait deux choses : il distingue les trois genres précités; puis il montre, à la troisième proposition ou il dit : « Toute âme noble a trois opérations etc. »,

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physicorum, in omni motu est quaedam corruptio et generatio in quantum aliquid esse incipit et aliquid esse desinit, necesse est quod in quolibet motu sit quaedam deficientia; unde omnis motus aeternitati repugnat. Vera igitur aeternitas cum indeficientia essendi etiam immobilitatem importat. Et, quia prius et posterius in duratione temporis provenit ex motu, ut patet in IV physicorum, ideo tertio oportet quod sit aeternitas absque priori et posteriori tota simul existens, secundum quod Boethius definit eam in fine de consolatione, dicens: aeternitas est interminabilis vitae tota simul et perfecta possessio. Quaecumque igitur res cum indeficientia essendi habet immobilitatem et est absque temporali successione, potest dici aeterna, et secundum hunc modum substantias immateriales separatas Platonici et Peripatetici aeternas dicebant, superaddentes ad rationem aeternitatis quod semper esse habuit, quod fidei Christianae non est consonum. Sic enim aeternitas soli Deo convenit. Dicimus autem eas aeternas tamquam incipientes obtinere a Deo esse perpetuum et indeficiens sine motu et temporis successione, unde et Dionysius dicit X capitulo de divinis nominibus quod non simpliciter sunt coaeterna Deo quae in Scripturis aeterna dicuntur; unde aeternitatem sic acceptam quidam nominant aevum, quod ab aeternitate primo modo accepta distinguunt. Sed, si quis recte consideret, aevum et aeternitas non differunt nisi sicut anthropos et homo. In Graeco enim evon aeternitas dicitur sicut et anthropos homo. His igitur praemissis sciendum est quod haec propositio in libro Procli LXXXVIII invenitur sub his verbis: omne enter, vel existenter, ens aut ante aeternitatem est, aut in aeternitate, aut participans aeternitate. Dicitur autem enter ens per oppositum ad mobiliter ens, sicut esse

comment ces trois genres sont unis dans le dernier par une certaine participation. Il présente d'abord la proposition : « Tout être supérieur est ou bien au dessus de l'éternité et avant elle, ou avec l'éternité, ou après l'éternité et au dessus du temps ». Pour comprendre cette proposition, il faut d’abord voir ce qu’est l’éternité, puis de quelle façon cette proposition est vraie. Le nom d'éternité connote l'idée d'indéfectibilité ou d'« interminabilité » : on dit en effet éternel « ce qui existe comme à l'extérieur des termes »13[13]; mais comme le dit le Philosophe au livre VIII de sa Physique14[14], et parce que tout changement suppose comme une certaine corruption et génération - en tant que quelque chose commence a être et quelque chose cesse d'être -, il faut bien qu'il y ait dans tout changement un certain manque; aussi, tout changement répugne-t-il à l’éternité. Puisque l’éternité véritable connote la complétude de l'être, elle connote donc l'immutabilité. Comme l’antériorité et la postériorité dans le temps proviennent de celle observée dans le changement, comme cela apparait au livre IV de sa Physique15[15], il faut, en troisième lieu, que l’éternité appartienne à ce qui existe tout entier en même temps sans antériorité ni postériorité. C'est ainsi que Boèce la définit à la fin de sa Consolation de la philosophie : « L'éternité consiste en la possession parfaite et tout entière simultanée d'une vie sans fin ». Tout ce qui donc est achève quant à l’être, immuable et sans succession temporelle, peut être dit éternel. Platoniciens et Péripatéticiens disaient éternelles selon ce mode les substances immatérielles séparées, ajoutant à la notion d'éternité l’éternelle possession de l'être. Mais ceci n'est pas consonnant avec la foi chrétienne. En effet, l’éternité convient à Dieu seul. Nous disons de certaines

13[13] « Dicitur enim aeternum quasi extra terminum existens » est une étymologie comme on aimait alors à en donner. 14[14] Cf. Physique, VIII, 3, 254 à 11-12. 15[15] Cf. Physique IV, 11, 219a 17-19.

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stans dicitur per oppositum ad moveri; per quod datur intelligi quid est quod in hoc libro dicitur omne esse superius, quia scilicet est supra motum et tempus. Huiusmodi enim esse secundum utrumque auctorem in utroque libro in tres gradus distinguitur; non tamen est eadem omnino ratio utrobique. Proclus enim hanc propositionem inducit secundum Platonicorum suppositiones, qui, universalium abstractionem ponentes, quanto aliquid est abstractius et universalius tanto prius esse ponebant. Manifestum est enim quod haec dictio aeternitas abstractius est quam aeternum; nam nomine aeternitatis ipsa aeternitatis essentia designatur, nomine autem aeterni id quod aeternitatem participat. Rursumque ipsum esse communius est quam aeternitas: omne enim aeternum ens est, non autem omne ens est aeternum; unde secundum praedicta ipsum esse separatum est ante aeternitatem, id autem quod est cum aeternitate est ipsum esse sempiternum, id autem quod est aeternitatem participans et quasi post aeternitatem est omne id quod esse aeternum participat. Sed huius libri auctor in primo quidem aliqualiter cum praedictis positionibus concordat. Unde exponit quod esse quod est ante aeternitatem est causa prima, quoniam est causa aeternitati. Et ad hoc probandum inducit quod in ipsa, id est aeternitate, est esse acquisitum, id est participatum. Et hoc probat quia ea quae sunt minus communia participant ea quae sunt magis communia; aeternitas autem est minus commune quam esse; unde subdit: et dico quod omnis aeternitas est esse sed non omne esse est aeternitas; ergo esse est plus commune quam aeternitas. Sic igitur probat auctor quod aeternitas participat esse; ipsum autem esse abstractum est causa prima cuius substantia est suum esse; unde relinquitur quod causa prima est causa a qua acquiritur esse sempiternum cuicumque rei semper existenti. Sed in aliis duobus membris divisionis recedit

substances qu'elles sont éternelles pour autant que, commençant à être, elles tiennent de Dieu leur être perpétuel et sans défaut, immuable et sans succession. C'est pourquoi Denys dit bien, au chapitre 10 des Noms divins16[16] que « ne sont pas pleinement coéternelles à Dieu » les substances que l’Ecriture dit « éternelles »; aussi certains nomment-ils aevum l’éternité ainsi entendue, pour la distinguer de l’éternité prise au premier sens. Mais il est vrai qu’à considérer ces choses en toute rigueur, aevum ne se distingue pas plus de l’« éternité » « qu’anthropos » d'« homme », « éternité » se disant « evon » en grec, et « homme »« anthropos ». Il faut savoir que cette seconde proposition correspond à la quatre-vingt-huitième du livre de Proclus où elle est formulée en ces termes : « Tout être authentique, ou bien est antérieur à l’éternité, ou bien réside dans l’éternité, ou bien participe de l’éternité ». Proclus oppose l’« étant authentique » à l’étant mobile, de même que « demeurer » s’oppose à « être mû ». Par la on peut comprendre ce qui est appelé ici « tout être supérieur », à savoir ce qui est au-delà du mouvement et du temps. Ce type d'être supérieur, selon nos deux auteurs et dans les deux ouvrages, est divise en trois degrés; mais la raison de cette division n’est pas la même chez l'un et l’autre. Proclus comprend cette proposition d'après les présupposés des Platoniciens qui posaient l'universel séparé et pour qui, plus quelque chose est abstrait et universel, plus son être est antérieur. Il est évident que le mot « éternité » est plus abstrait qu'« éternel »; en effet, le nom d'éternité désigne l’essence même de l’éternité, alors que l’adjectif « éternel » renvoie à ce qui participe de l’éternité. En outre, l’être lui-même est plus commun que l’éternité : tout étant éternel est, mais tout étant n’est pas éternel; selon lesdits présupposés, « ce qui est avant l’éternité

16[16] Les noms divins, X, § 3, 940 A.

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auctor huius libri ab intentione Procli et magis accedit ad communes sententias et Platonicorum et Peripateticorum. Exponit enim secundum gradum quod esse cum aeternitate est intelligentia. Quia enim aeternitas, ut dictum est, importat indeficientiam cum immobilitate, illud quod secundum omnia est indeficiens et immobile, totaliter attingit aeternitatem; ponitur autem secundum praedictos philosophos quod intelligentia sive intellectus separatus habet indeficientiam et immobilitatem et quantum ad esse et quantum ad virtutem et quantum ad operationem; unde CLXIX propositio Procli est: omnis intellectus in aeternitate substantiam habet et potentiam et operationem. Et secundum hoc probatur hic quod intelligentia est cum aeternitate, quia est omnino secundum habitudinem unam ita quod non patitur aliquam alteritatem nec virtutis nec operationis neque etiam destruitur secundum substantiam. Et propter hoc etiam postea dicit quod parificatur aeternitati, quoniam extenditur cum ea et non alteratur, quia scilicet ad omne id quod est intelligentiae aeternitas se extendit. Tertium vero gradum exponit de anima quae habet esse superius, scilicet supra motum et tempus. Huiusmodi enim anima magis appropinquat ad motum quam intelligentia, quia videlicet intelligentia non attingitur a motu neque secundum substantiam neque secundum operationem. Anima autem secundum substantiam quidem excedit tempus et motum et attingit aeternitatem, sed secundum operationem attingit motum quia, ut philosophi probant, oportet omne quod movetur ab alio reduci in aliquod primum quod seipsum movet. Hoc autem secundum Platonem quidem est anima quae seipsam movet, secundum Aristotelem autem est corpus animatum cuius motus principium est anima; et sic utroque modo oportet quod primum principium motus sit anima, et ideo motus est ipsius animae operatio. Et, quia motus est in tempore, tempus attingit operationem ipsius animae; unde et

», c’est l’être même séparé; « ce qui est avec l’éternité », c’est l’être éternel lui-même et « ce qui est après l’éternité », c’est tout ce qui participe de l’être éternel. Notre auteur s'accorde en quelque façon avec ce qui vient d'être dit relativement au premier membre de la division. Il expose en effet que « l’être qui est avant l’éternité est la Cause première, puisqu’elle est cause de l'éternité ». Pour le prouver, il ajoute qu'en « elle », à savoir l'éternité, « l’ être est acquis », c’est-à-dire participe. Il prouve ceci par le fait que ce qui est moins commun participe de ce qui est plus commun; l’éternité est moins commune que l’être; aussi ajoute-t-il : « Et je dis que l’éternité est être, tandis que tout être n’est pas éternité; donc l’être est plus commun que l’ éternité ». Ainsi, l’auteur prouve que l'éternité participe de l'être; l’être même séparé est la Cause première dont la substance est son être; il en résulte que la cause première est la cause dont ce qui existe toujours tient son être éternel. Mais notre auteur s'écarte de Proclus et se rapproche davantage des thèses communes aux Platoniciens et Péripatéticiens pour ce qui est des deux autres membres de la division de l’être supérieur. En effet selon lui, le second degré qu'est « l’être avec l'éternité » est l’intelligence. Comme l’éternité connote complétude de l’être et immuabilité, ce qui est en tout achève et immobile touche totalement à l'éternité. Or, selon ces philosophes, l’ intelligence ou intellect séparé possède plénitude et immuabilité, et quant à l’être et quant à la puissance et quant à l’opération. Proclus dit en effet à la proposition 169 : « Tout intellect possède sa substance, sa puissance et son activité sur le plan de l’éternité ». Selon cette sentence, est donc ici prouve que « l'intelligence est avec l'éternité », parce qu'elle est « de façon tout à fait unitaire » en sorte qu’elle ne pâtit d’aucune altérité, ni dans sa puissance, ni dans son opération, ni n'est détruite dans sa substance. C'est pourquoi, il ajoute

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Proclus dicit CXCI propositione: omnis anima participabilis substantiam quidem aeternalem habet, operationem autem secundum tempus. Et ideo hic dicitur quod connexa est cum aeternitate inferius, connexa quidem aeternitati quantum ad substantiam, sed inferius quia inferiori modo participat aeternitatem quam intelligentia. Quod probat per hoc quia est susceptibilior impressionis quam intelligentia. Anima enim non solum recipit impressionem causae primae sicut intelligentia, sed etiam suscipit impressionem intelligentiae; quanto autem aliquid magis est remotum a primo quod est aeternitatis causa, tanto debilius aeternitatem participat. Et, quamvis anima attingat ad infimum gradum aeternitatis, tamen est supra tempus sicut causa supra causatum; est enim causa temporis in quantum est causa motus ad quem sequitur tempus. Loquitur enim hic de anima quam attribuunt philosophi corpori caelesti, et propter hoc dicit quod est in horizonte aeternitatis inferius et supra tempus. Horizon enim est circulus terminans visum, et est infimus terminus superioris hemispherii, principium autem inferioris; et similiter anima est ultimus terminus aeternitatis et principium temporis. Huic autem sententiae etiam Dionysius concordat X capitulo de divinis nominibus, hoc excepto quod non asserit caelum habere animam, quia hoc Catholica fides non asserit. Dicit enim quod Deus est ante aeternum et quod, secundum Scripturas, dicuntur aliqua aeterna et temporalia, quod est intelligendum secundum modos positos in sacra Scriptura; media autem existentium et factorum, id est generabilium, sunt quaecumque secundum aliquid quidem aeternum, secundum aliquid vero tempus participant.

ensuite qu'« elle est égalée à l'éternité, puisqu'elle lui est coextensive et n'est pas rendue autre » : en effet, l’éternité s’étend à tout ce qui est propre à l’intelligence. Le troisième degré est celui de l'âme qui a un être supérieur, c'est-à-dire qui est au-dessus du mouvement et du temps. Ce genre d’âme se rapproche davantage du mouvement que ne le fait l’intelligence, parce que l'intelligence, de toute évidence, ne touche au mouvement ni selon la substance ni selon l'opération. L'âme, quant à elle, transcende le temps et le mouvement et touche à l’éternité selon sa substance, cependant que, selon son opération, elle touche au mouvement puisque, comme l’établissent ces philosophes, il faut que tout ce qui est mû par un autre soit ramené à quelque chose de premier qui se meut par soi. Pour Platon, ce quelque chose de premier, c'est l'âme qui se meut par elle-même; pour Aristote, c’est le corps anime dont le principe du mouvement est l’âme. Ainsi, selon l'une ou l’autre opinion, il faut que le premier principe du mouvement soit l’âme, si bien que le mouvement est l’opération propre de l’âme. Et, parce que le mouvement a lieu dans le temps, le temps a trait à l’opération de l'âme même; c'est pourquoi Proclus dit dans sa 191e proposition : « Toute âme participable à une substance éternelle et une activité temporelle ». L'auteur ici dit que « l'âme est liée à l'éternité de façon inférieure » : elle est liée à l’éternité quant à sa substance, mais y est liée de façon inférieure puisqu'elle y participe dans une moindre mesure que ne le fait l'intelligence. Il le prouve en disant qu'« elle est plus susceptible que l'intelligence de recevoir une impression ». L'âme en effet ne reçoit pas seulement l'impression de la cause première comme le fait l'intelligence, mais elle reçoit aussi l'impression de l'intelligence; or, plus quelque chose est éloigné du premier agent qu'est la cause de l'éternité, plus faiblement il participe de l’éternité. Et bien que toute âme touche à l’éternité

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selon un degré infime, elle reste cependant au-dessus du temps comme la cause est au-dessus du causé; elle est « cause du temps » en tant qu’elle est la cause du mouvement dont le temps est consécutif. On parle ici de l’âme que ces philosophes attribuent aux corps célestes. C’est pourquoi il est dit que « elle est plus bas dans l’horizon de l’éternité et au-dessus du temps ». L'horizon est le cercle qui borne l’ordre du visible, il est la limite dernière de l’hémisphère supérieur, et le principe de l’hémisphère inférieur ; de la même façon, l’âme est le terme de l’éternité et le principe du temps. Au chapitre X des Noms divins, Denys s'accorde avec cette sentence, à ceci près qu'il n'affirme pas que le ciel a une âme, parce que la foi catholique ne l’affirme pas. Il dit en effet que « Dieu est au-dessus de l’éternité » et que, si certaines choses sont dites « éternelles et temporelles », cela doit être compris selon le sens que leur donne l’Ecriture sainte : « au milieu des réalités existantes et faites » - c’est-à-dire les réalités engendrées - « il y a des réalités qui, selon un aspect, sont éternelles, et selon un autre, participent au temps ».

Lectio 3

[84238] Super De causis, l. 3 Quia ea quae sunt superiorum, inferioribus insunt secundum aliqualem participationem, postquam divisit tres gradus superiorum entium, quorum unum est superius aeternitate, quod est Deus, aliud autem est cum aeternitate, quod est intelligentia, tertium autem post aeternitatem, quod est anima, nunc intendit ostendere quomodo tertium participat et quod est primi et quod est secundi, dicens: omnis anima nobilis tres habet operationes; nam ex operationibus eius est operatio animalis et intelligibilis et operatio divina. Quae autem dicatur anima nobilis intelligi potest ex verbis Procli qui hanc propositionem ponit CCI, sub his verbis: omnes divinae animae triplices habent operationes: has

3) Toute âme noble a trois opérations; en effet, parmi ses opérations, il y a une opération animale, une opération intelligible et une opération divine Parce que ce qui appartient aux réalités supérieures se trouve dans les réalités inférieures selon une certaine participation, notre auteur, après avoir divisé les trois degrés de l’être supérieur en « ce qui est au-dessus de l'éternité », c'est-à-dire Dieu; « ce qui est avec l'éternité », c’est-à-dire l’intelligence et « ce qui est après l'éternité », à savoir l’âme, tente de montrer comment ce troisième degré participe ce qui appartient au premier et au second en disant : « Toute âme noble a trois opérations; en

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quidem ut animae, has autem ut suscipientes intellectum divinum, has autem ut diis extraiunctae. Ex quo patet quod anima nobilis dicitur hic anima divina. Ad cuius evidentiam sciendum est quod Plato posuit universales rerum formas separatas per se subsistentes. Et, quia huiusmodi formae universales universalem quamdam causalitatem, secundum ipsum, habent supra particularia entia quae ipsas participant, ideo omnes huiusmodi formas sic subsistentes deos vocabat; nam hoc nomen Deus universalem quamdam providentiam et causalitatem importat. Inter has autem formas hunc ordinem ponebat quod quanto aliqua forma est universalior, tanto est magis simplex et prior causa; participatur enim a posterioribus formis, sicut si ponamus animal participari ab homine et vitam ab animali et sic inde; ultimum autem quod ab omnibus participatur et ipsum nihil aliud participat, est ipsum unum et bonum separatum quod dicebat summum Deum et primam omnium causam. Unde et in libro Procli inducitur propositio CXVI, talis: omnis Deus participabilis est, id est participat, excepto uno. Et, quia huiusmodi formae quas deos dicebant sunt secundum se intelligibiles, intellectus autem fit actu intelligens per speciem intelligibilem, sub ordine deorum, id est praedictarum formarum, posuerunt ordinem intellectuum qui participant formas praedictas ad hoc quod sint intelligentes, inter quas formas est etiam intellectus idealis. Sed intellectus praedicti participant praedictas formas secundum modum immobilem, in quantum intelligunt eas. Unde sub ordine intellectuum ponebant tertium ordinem animarum quae mediantibus intellectibus participant formas praedictas secundum motum, in quantum scilicet sunt principia corporalium motuum per quos superiores formae participantur in materia corporali. Et sic quartus ordo rerum est ordo corporum. Inter intellectus autem, superiores quidem dicebant esse divinos intellectus, inferiores autem intellectus

effet parmi ses opérations il y a une opération animale, une opération intelligible et une opération divine ». Ce qu'il entend par » âme noble » peut être compris à partir de la formule de Proclus qui présente cette proposition dans la 201e des Eléments : « Toutes les âmes divines ont trois degrés d'activité, l'un en tant qu’âmes, l’autre en tant qu’elles reçoivent un intellect divin, une autre enfin en tant qu’elles sont suspendues aux dieux ». Il ressort que l’« âme noble » est ici appelée « âme divine ». Pour plus de clarté, il faut savoir que Platon posait que les formes universelles des choses étaient séparées et subsistantes par soi. Et parce que les formes universelles de ce genre exercent sur les êtres particuliers qui participent d'elles une certaine causalité universelle, toutes ces formes subsistantes sont appelées « dieux » : en effet, le nom de « dieu » connote quelque providence et causalité universelles. Platon établissait entre ces formes l’ordre suivant : plus une forme est universelle, plus elle est simple et plus sa causalité est antérieure; en effet, elle est participée par les formes postérieures; ainsi, l’animal est participé par l’homme, la vie par l’animal et ainsi de suite; au terme, ce dont toutes les formes participent et qui ne participe de rien est l'un et le bien lui-même séparé qu'il appelait le « dieu suprême » et la « cause première de tout ». On peut induire cela de la proposition 116 des Eléments : « Tout dieu est participable - c'est-à-dire participe - excepté l’Un ». Et parce que ces formes qu'ils appelaient « dieux » sont en elles-mêmes intelligibles et que l'intellect ne devient intelligeant en acte que par l'espèce intelligible, ils plaçaient sous l’ordre des dieux, c’est-à-dire des formes précitées, un ordre des intellects qui participent desdites formes pour devenir intelligents ; parmi ces formes, il y a l’Intellect idéal. Mais ces intellects participent desdites formes selon un mode immobile, en tant qu'ils les intelligent. Aussi, sous l’ordre des intellects, ces

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quidem sed non divinos, quia intellectus idealis qui est per se Deus, secundum eos, participatur quidem a superioribus intellectibus secundum utrumque, scilicet secundum quod est intellectus et secundum quod est Deus, ab inferioribus vero intellectibus secundum quod est intellectus tantum, et ideo non sunt intellectus divini; sortiuntur enim intellectus superiores non solum quod sint intellectus sed etiam quod sint divini. Similiter etiam cum animae applicentur diis mediantibus intellectibus quasi propinquioribus, ipsae etiam animae superiores sunt divinae propter intellectus divinos quibus applicantur vel quos participant; inferiores autem animae veluti applicatae intellectibus non divinis sunt non divinae. Et, quia corpora recipiunt motum per animam, consequens etiam est ut superiora corpora sint divina, secundum eos, et inferiora corpora non divina. Unde Proclus dicit CXXIX propositione: omne corpus divinum per animam deificatam est divinum, omnis autem anima divina propter divinum intellectum, omnis autem intellectus divinus secundum participationem divinae unitatis. Et, quia deos appellabant primas formas separatas in quantum sunt secundum se universales, consequenter et intellectus divinos et animas divinas et corpora divina dicebant secundum quod habent quamdam universalem influentiam et causalitatem super subsequentia sui generis et inferiorum generum. Hanc autem positionem corrigit Dionysius quantum ad hoc quod ponebant ordinatim diversas formas separatas quas deos dicebant, ut scilicet aliud esset per se bonitas et aliud per se esse et aliud per se vita et sic de aliis. Oportet enim dicere quod omnia ista sunt essentialiter ipsa prima omnium causa a qua res participant omnes huiusmodi perfectiones, et sic non ponemus multos deos sed unum. Et hoc est quod dicit V capitulo de divinis nominibus: non autem aliud esse bonum dicit, scilicet sacra Scriptura, et aliud existens et aliud vitam aut sapientiam neque multas causas et aliorum alias productivas deitates

philosophes plaçaient-ils un troisième ordre, celui des âmes qui participent les formes. Selon le mouvement et par la médiation des intellects : ces âmes sont le principe des mouvements corporels par lesquels les formes supérieures sont participées par la matière. De là un quatrième ordre de réalités, celui des corps. Parmi les intellects, les supérieurs étaient dits divins, les inférieurs étaient dits intellects certes, mais non divins. Parce que l’Intellect idéal, qui est par soi « dieu » selon eux, est participé par les intellects supérieurs selon qu'il est intellect et selon qu'il est divin, et par les inférieurs selon qu'il est intellect seulement; aussi ces derniers ne sont-ils pas divins, alors qu’aux intellects supérieurs est échu non seulement d’être intellects mais aussi d’être divins. Il en va de même pour les âmes; comme celles-ci sont touchées par les dieux par la médiation des intellects qui leur sont plus proches, ces âmes supérieures sont divines en raison des intellects divins qui les touchent ou qu'elles participent; et sont inférieures, et donc non-divines, les âmes qui sont touchées par des intellects non-divins. Comme les corps reçoivent le mouvement par l'âme, il s'ensuit, selon eux, que les corps supérieurs sont divins et les corps inférieurs non-divins. C'est ce que dit Proclus à la proposition 129 : « Tout corps divin est divin par la médiation d'une âme divinisée, toute âme divine l’est par la médiation d’un intellect di vin, tout intellect divin l'est par sa participation de l’unité divine ». C'est en tant qu'elles sont par elles-mêmes universelles que les premières formes séparées étaient appelées » dieux ». Il en résulte que les intellects, les âmes et les corps sont dits » divins »en tant qu'ils exercent une influence et une causalité universelles sur ce qui vient après eux de même genre et d'un genre inférieur. Denys corrige cette position qui consiste à poser une succession de formes séparées dites » dieux », ou autre est la bonté par soi, autre l’être par soi, autre la vie par soi

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excedentes et subiectas, sed unius esse omnes bonos processus. Quomodo autem hoc esse possit, ex hoc ostendit consequenter quia, cum Deus sit ipsum esse et ipsa essentia bonitatis, quidquid pertinet ad perfectionem bonitatis et esse, totum ei essentialiter convenit, ut scilicet ipse sit essentia vitae et sapientiae et virtutis et ceterorum. Unde post aliqua subdit: etenim Deus non quodammodo est existens, sed simpliciter et incircumscripte totum in seipso esse praeaccepit. Et hoc sequitur auctor huius libri. Non enim invenitur inducere aliquam multitudinem deitatis, sed unitatem in Deo constituit, distinctionem autem in ordine intellectuum et animarum et corporum. Secundum hoc igitur dicitur anima nobilis, id est divina anima caelestis corporis, secundum opinionem philosophorum qui posuerunt caelum animatum; haec enim anima, secundum eos, habet aliquam influentiam universalem super res per motum, et ex hoc divina dicitur eo modo loquendi quo etiam apud homines qui universalem curam rei publicae habent divi dicuntur. De hac ergo anima nobilissime divina dicit quod habet operationem divinam, et exponens dicit quod operatio divina eius est quia ipsa praeparat naturam, in quantum scilicet est principium primi motus cui tota natura subiicitur. Et hoc habet per virtutem participatam a causa prima quae est universalis omnium causa ex qua sortitur quamdam universalem causalitatem in res naturales. Et ideo assignans rationem huius operationis divinae animae convenientis dicit quod ipsa est exemplum, id est imago, virtutis superioris, id est divinae. Exemplificatur enim in praedicta anima universalitas divinae virtutis, quod scilicet, sicut Deus est universalis causa omnium entium, ita praedicta anima est universalis causa naturalium rerum quae moventur. Secundam autem operationem animae

et ainsi du reste. Il faut en effet dire que toutes ces formes sont essentiellement la cause première de tout, par laquelle les choses participent de toutes les perfections de ce genre; ainsi, nous ne poserons pas plusieurs dieux, mais un seul. C’est bien ce que Denys dit au chapitre V des Noms divins17[17] : « Elle - à savoir la sainte Ecriture - dit que le bien n'est pas autre, autre l'existant, autre la vie ou sagesse, qu'il n'y a pas de multiples causes et autres déités productives des choses, déités dérivées et subordonnées, mais qu'il n'y a que l’Un d'où procèdent tous les biens ». Comment cela peut être, Denys le montre par la suite; comme Dieu est l’être même et l’essence de la bonté, tout ce qui convient à la perfection d’être et de bonté Lui convient essentiellement, en sorte que lui-même est l’essence de la vie, de la sagesse, de la vertu etc. Aussi ajoute-t-il : « En effet, Dieu n'existe pas selon un certain mode, mais il comprend tout en son être même, absolument et sans qu’on puisse le circonscrire »18[18]. L’auteur de ce livre s’accorde ici avec Denys. Il n'introduit en effet aucune multitude dans la déité, mais établit l'unité en Dieu, ne mettant de distinction que dans l’ordre des intelligences, des âmes et des corps. Dans cet esprit, ce qu'il appelle l’« âme noble », c'est l’âme divine du corps céleste, conformément à l’opinion des philosophes qui posaient un ciel animé. D'après eux, cette âme a quelque influence universelle sur les choses par le mouvement qu'elle leur imprime; c'est pourquoi elle est dite « divine », à la façon dont sont dits « divins », parmi les hommes, ceux qui ont un souci universel de la chose publique. Au sujet de cette âme divine très noble, notre auteur dit donc qu’elle a une « opération » divine, et il expose que cette opération est divine parce qu’elle « prépare la nature » : elle est le premier

17[17] Les noms divins, V, § 2, 816 C-D. 18[18] Ibid., § 4, 817 C.

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nobilis seu divinae ponit intelligibilem, quae quidem, sicut ipse exponit, est in hoc quod ipsa cognoscit res in quantum participat virtutem intelligentiae. Quare autem virtutem intelligentiae participat, ostendit per hoc quod anima est creata a causa prima mediante intelligentia; unde anima est a Deo sicut a causa prima, ab intelligentia autem sicut a causa secunda. Effectus autem omnis participat aliquid de virtute suae causae; unde relinquitur quod anima, sicut facit operationem divinam in quantum est a causa prima, ita facit operationem intelligentiae in quantum est ab ea, participans eius virtutem. Hoc autem quod hic dicitur quod causa prima creavit esse animae mediante intelligentia quidam male intelligentes, existimaverunt secundum auctorem istius libri quod intelligentiae essent creatrices substantiae animarum. Sed hoc est contra positiones Platonicas. Huiusmodi enim causalitates simplicium entium ponebant secundum participationem; participatur autem non quidem id quod est participans, sed id quod est primum per essentiam suam tale: puta, si albedo esset separata, ipsa albedo simplex esset causa omnium alborum in quantum sunt alba, non autem aliquid albedinem participans. Secundum hoc ergo Platonici ponebant quod id quod est ipsum esse est causa existendi omnibus, id autem quod est ipsa vita est causa vivendi omnibus, id autem quod est ipsa intelligentia est causa intelligendi omnibus; unde Proclus dicit XVIII propositione sui libri: omne derivans esse aliis, ipsum prime est hoc quod tradit recipientibus derivationem. Cui sententiae concordat quod Aristoteles dicit in II metaphysicae quod id quod est primum et maxime ens est causa subsequentium. Est

principe du mouvement auquel toute la nature est soumise. Et elle le fait en participant de la vertu de la cause première qui est la cause universelle de tout et de laquelle l’âme reçoit quelque causalité universelle sur les choses naturelles. C’est pourquoi, assignant la raison de cette opération attribuée à l'âme divine, l’auteur dit qu'« elle est la copie », c’est-à-dire l'image, « de la puissance supérieure », c’est-à-dire de la puissance divine. Dans lesdites âmes, est imitée l'universalité de la puissance divine au sens où, de même que Dieu est la cause universelle de tous les êtres, de même l'âme est la cause universelle de toutes les réalités naturelles qui sont mues. La seconde opération de l'âme noble ou divine est dite intelligible19[19] puisque, comme l’auteur l’explique, elle « connait les choses » en tant qu'elle participe « la puissance de l'intelligence ». Et il montre qu'elle participe la puissance de l'intelligence parce que l’âme est créée par la Cause première « par la médiation de l'intell igence »; en conséquence, l’âme est par Dieu comme par sa cause première, elle est par l'intelligence comme par sa cause seconde. Tout effet participe quelque chose de sa cause; il en résulte que, de même que l’âme a une opération divine en tant qu'elle est par la cause première, de même a-t-elle une opération « intelligente » en tant qu'elle est, par l’intelligence, participante de la vertu de celle-ci. Certains, comprenant mal la phrase « la cause première a crée l’être de l’âme par la médiation de l'intelligence », ont jugé, comme l'auteur de ce livre, que les intelligences étaient créatrices de la substance des âmes20[20]. Mais cette

19[19] Pera a opté pour « intellectuelle » et non « intelligible » dans la mesure où l’intellectualité traduit la faculté de connaitre de l’âme. Toutefois, « intelligible » est mieux choisi car l’intellectualité découle de l’intelligibilité puisque ce qui est intelligible en acte est nécessairement un intellect (cf. Aristote, De anima, III, 4, 430 a 3-5). 20[20] Pera estime qu'ici saint Thomas veut innocenter l'anonyme d'avoir commis l’erreur qu'il va dénoncer, d'où : « certains comprenant mal la phrase « la cause première a crée l'être de l’âme par la médiation de l'intelligence », ont estimé que l'auteur de ce livre voulait que les intelligences soient créatrices de la substance de l’âme ».

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ergo intelligendum quod ipsa essentia animae, secundum praedicta, creata est a causa prima quae est suum ipsum esse, sed consequentes participationes habet ab aliquibus posterioribus principiis, ita scilicet quod vivere habet a prima vita et intelligere a prima intelligentia; unde et in 18 propositione huius libri dicitur: res omnes habent essentiam per ens primum, et res vivae sunt per vitam primam, et res intelligibiles habent scientiam propter intelligentiam primam. Sic ergo intelligit quod prima causa creavit esse animae mediante intelligentia quod causa prima sola creavit essentiam animae; sed, quod anima sit intelligibilis, hoc habet ex operatione intelligentiae. Et hic sensus ostenditur manifeste per verba quae sequuntur: postquam ergo, inquit, creavit causa prima esse animae, posuit eam sicut stramentum intelligentiae, id est substravit eam operationi intelligentiae, ut scilicet intelligentia agat in ipsam operationem suam, dans ei ut sit intelligibilis. Unde concludit quod propter hoc anima intelligibilis efficit operationem intelligibilem. Et hoc etiam concordat cum eo quod dictum est in 1 propositione quod effectus causae primae praeexistit effectui causae secundae et universalius diffunditur: esse enim quod est communissimum, diffunditur in omnia a causa prima; sed intelligere non communicatur omnibus ab intelligentia, sed quibusdam, praesupponendo esse quod habent a primo. Sed etiam haec positio, si non sane intelligatur, repugnat veritati et sententiae Aristotelis qui arguit in III metaphysicae contra Platonicos ponentes huiusmodi ordinem causarum separatarum secundum ea quae de individuis praedicantur. Quia sequitur quod Socrates erit multa animalia, scilicet ipse Socrates et homo separatus et etiam animal separatum: homo enim separatus participat animal et ita est animal; Socrates autem participat utrumque, unde et est homo et est animal;

interprétation s’oppose aux thèses des Platoniciens. En effet, ils posaient que les causalités des êtres simples s'exercent selon la participation; est participe non certes ce qui est participant, mais ce qui est premier, à savoir tel par essence : si, par exemple, la blancheur était séparée, c’est la blancheur sans mélange, et non ce qui participe de la blancheur, qui serait la cause de tout ce qui est blanc en tant que c’est blanc. Ainsi les Platoniciens posaient que ce qui est l’être même est cause de l’existence pour tout ce qui est, la vie même cause de la vie pour tout ce qui vit, l’intelligence cause pour tout ce qui intellige. Ainsi Proclus écrit à la proposition 18 de son livre : « Tout ce qui communique l’être aux autres est lui-même de façon primordiale ce qu’il communique aux bénéficiaires de sa dispensation ». Et cette sentence s'accorde avec ce que dit Aristote au livre II de sa Métaphysique21[21], à savoir que ce qui est premier et suprêmement être est cause de ce qui vient après. Il faut donc comprendre, selon ce qui vient d'être dit, que l’essence même de l’âme est créée par la cause première qui est son être même, et que celle-là tient ses participations subséquentes de quelques principes postérieurs, à savoir qu'elle tient le vivre de la vie première et l’intelliger de l’intelligence première. C'est d'ailleurs bien ce que l’auteur de ce livre dit à la proposition 18 : « Toutes choses ont l’être grâce à l’être premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l’intelligence première ». Ainsi donc l’auteur comprend « la cause première a crée l’être de l’âme par la médiation de l’intelligence » dans le sens ou seule la cause première a crée l’essence de l’âme; mais que l’âme soit intelligible, celle-ci le tient de l’opération de l’intelligence. La justesse de cette interprétation apparait d'ailleurs très

21[21] Cf. II, chap. 1, 993 b 24-25.

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non igitur Socrates esset vere unum si ab alio haberet quod esset animal et ab alio quod esset homo. Unde, cum esse intelligibile pertineat ad ipsam naturam animae utpote essentialis differentia eius, si ab alio haberet esse et ab alio naturam intellectivam sequeretur quod non esset unum simpliciter; oportet ergo dicere quod, a prima causa a qua habet essentiam, habet etiam intellectualitatem. Et hoc concordat sententiae Dionysii supra positae, scilicet quod non aliud sit ipsum bonum, ipsum esse et ipsa vita et ipsa sapientia, sed unum et idem quod est Deus, a quo derivatur in res et quod sint et quod vivant et quod intelligant, ut ipse ibidem ostendit. Unde et Aristoteles, in XII metaphysicae, signanter Deo attribuit et intelligere et vivere, dicens quod ipse est vita et intelligentia, ut excludat praedictas Platonicas positiones. Aliquo tamen modo potest hoc habere veritatem, si referatur non ad naturam intellectualem, sed ad formas intelligibiles quas animae intellectivae recipiunt per operationem intelligentiarum; unde et Dionysius dicit IV capitulo de divinis nominibus quod animae per Angelos fiunt participes illuminationum a Deo emanantium. Tertiam vero operationem animae nobilis sive divinae ponit animalem. Et exponit quod animalis operatio est in hoc quod ipsa movet corpus primum et per consequens omnia corpora naturalia; ipsa enim est causa motus in rebus. Et huius rationem postea assignat. Quia enim anima est inferior quam intelligentia utpote suscipiens intelligentiae impressionem, consequens est ut inferiori modo operetur in ea quae sunt sub ipsa quam intelligentia imprimat in subiecta sibi, quia causa primaria plus influit quam secunda, ut ex 1 propositione patet. Intelligentia autem imprimit in animas sine motu, in quantum scilicet facit animam cognoscere, quod est sine motu; sed anima imprimit in corpora per motum, et id quod est sub ea, scilicet corpus, non recipit impressionem animae

clairement dans les mots dont use l'auteur par la suite : « Après que la cause première eut crée l’être de l’âme, elle l’a disposée comme une assise pour l’intelligence », c’est-à-dire l’a placée sous l’opération de l’intelligence, de telle sorte que l’intelligence agisse sur « son opération » à elle (l’âme), lui donnant d'être intelligible. Aussi conclut-il que « à cause de cela, l’âme intelligible effectue une opération intelligible ». Ceci s'accorde avec ce qu'il a dit dans la proposition 1 : l’effet de la cause première préexiste à l’effet de la cause seconde et est diffuse de façon plus universelle. En effet, l’être qui est le plus commun est diffusé sur tout par la cause première, mais l’intelliger n'est pas communiqué à toutes choses par l’intelligence, seulement à certaines - l’être qu’elles tiennent du premier restant, bien sur, présupposé. Si toutefois cette thèse n'est pas comprise sainement, elle répugne à la vérité et a la sentence d’Aristote qui, au livre III de sa Métaphysique22[22] argumente contre les Platoniciens qui posaient un ordre de causes séparées d’après ce qui est prédique des individus. La raison en est qu'il s’ensuivrait que Socrate serait alors plusieurs animaux, à savoir Socrate, l’homme séparé et l’animal séparé : l’homme séparé participe l’animal et est ainsi animal; Socrate participe l’un et l’autre, et est ainsi et homme et animal; Socrate ne serait donc pas vraiment un s'il tenait d'une chose le fait d'être animal et d'une autre le fait d'être homme. Comme l’être intelligible convient a la nature même de l’âme à titre de différence essentielle, si celle-ci tenait son être d'une chose et sa nature intellective d'une autre, il s'ensuivrait qu'elle ne serait pas complètement une. Il faut donc dire que c'est de la cause première, dont elle tient son essence, qu'elle tient son intellectualité. Cela s'accorde avec la sentence de Denys posée plus haut selon

22[22] Cf. III, 6, 1003 all sq.

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nisi in quantum movetur ab ipsa. Et consequenter assignat causam quare dicendum sit quod motus corporum naturalium sit ab anima; videmus enim omnia corpora naturalia directe pervenire per suas operationes et motus ad debitos fines, quod non posset fieri nisi ab aliquo intelligente dirigerentur. Ex quo videtur quod motus corporum sit ab anima quae influit virtutem suam super corpora, movendo ea. Haec etiam positio non est rata in fide, scilicet quod motus caeli sit ab anima; sed Augustinus hoc sub dubio relinquit in II super Genesim ad litteram. Quod autem sit a Deo dirigente totam naturam et quod corporalis creatura moveatur a Deo mediantibus intelligentiis sive Angelis, hoc asserit Augustinus in III de Trinitate et Gregorius in IV dialogorum. Ultimo autem concludit propositum, scilicet quod anima nobilis habeat tres praedictas operationes. Ei autem quod dictum est de intellectu divino et anima divina concordat sententia Dionysii qui, in IV capitulo de divinis nominibus, superiores Angelos vocat divinas mentes, id est intellectus, per quos etiam animae deiformi dono participant secundum suam virtutem; sed divinitatem accipit secundum coniunctionem ad Deum, non autem secundum universalem influentiam in creata. Illud enim est magis divinum, quia et in ipso Deo maius est id quod ipse est quam id quod in aliis causat.

laquelle le bien même, l’être même, la vie même et la sagesse même ne sont pas autres, mais sont une seule et même chose, à savoir Dieu d’ou dérivent dans les choses et le fait qu'elles soient, et le fait qu'elles vi vent, et le fait qu’elles intelligent, comme il le montre au même endroit. Aristote attribue expressément à Dieu l’intelliger et le vivre, au livre XII de sa Métaphysique23[23] : en disant que Dieu est vie et intelligence, il exclut les thèses des Platoniciens. Cependant, cette proposition 3 peut toutefois être tenue pour vraie si on la rapporte non à la nature intellectuelle, mais aux formes intelligibles que les âmes intellectives reçoivent par l’opération des intelligences. Ainsi Denys dit-il au chapitre IV des Noms divins24[24] que « les âmes », par l’intermédiaire des anges, deviennent participantes de leurs « illuminations émanant » de Dieu. La troisième opération de l’âme noble ou divine est animale. Et l’auteur expose que l’opération animale consiste en « celle qui meut le corps premier » et par conséquent « taus les corps naturels » ; elle est en effet « la cause du mouvement » dans les choses. Plus bas, il donne la raison de cela. L’ âme est inférieure à l’intelligence en tant qu’elle reçoit « une impression de l’ intelligence », aussi opère-t-elle » dans les choses qui sont sous elle » selon un mode inférieur à celui de l’intelligence laissant une impression sur ses propres effets. Et cela, parce que la cause première influe davantage que la cause seconde comme l’a montre la proposition 1. L'intelligence imprime en l’âme, sans mouvement, en tant qu’elle fait connaitre l’âme; ce qui se fait sans mouvement. Mais l’âme « imprime » dans le corps par un mouvement, et ce « qui est sous elle », à savoir le corps, « ne reçoit pas » l’ impression de l'âme » si ce n'est » en tant qu'il est mu par elle. Par la suite,

23[23] Cf. XII, 7, 1072 b 24 sq. 24[24] Les noms divins, IV, §2, 696C.

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l’auteur assigne la cause pour laquelle il faut dire que le mouvement des corps naturels se fait par l’âme. Nous voyons en effet les corps naturels parvenir directement, par leurs propres opérations et leurs propres mouvements, aux fins dues. Et cela ne pourrait se faire s'ils n'étaient dirigés par un agent intelligent. Aussi voit-on que le mouvement des corps est par l’âme qui « influe sa vertu » sur les corps en les mouvant. Cette position, à savoir que le mouvement du ciel se fait par l’âme, n'est pas confirmée par la foi. Mais Augustin, au livre II de son Commentaire de la Genèse25[25], laisse planer un doute sur ce point. En revanche, que ce soit Dieu qui dirige toute la nature et meuve la créature corporelle par la médiation des intelligences ou anges, Augustin l’affirme au livre III du De Trinitate26[26] comme Grégoire au livre IV de ses Dialogues27[27]. Enfin l’auteur conclut sa proposition en disant que l’âme noble ales trois opérations précitées. Ce qui est dit ici de l’intellect divin et de l’lime divine s'accorde avec l’opinion de Denys qui, au chapitre IV des Noms divins28[28] appelle les anges supérieurs des « esprits divins », c’est-à-dire des intellects par lesquels les âmes participent, selon leur puissance, du « don déiformant ». Mais cette divinité, l’ange la reçoit selon son union à Dieu et non selon l’influence universelle exercée sur les réalités créées. En effet, cette union est plus divine, parce que, en Dieu même, ce qu'il est est plus grand que ce qu’il cause en ses effets.

Lectio 4

[84239] Super De causis, l. 4 Postquam auctor huius libri distinxit triplicem gradum superioris esse et ostendit

4) La première des choses créées est l'être et avant lui il n'y a pas d’autre crée

25[25] Super Gen. ad litt., 11, 18. 26[26] Cf. De Trinitate, III, 4. 27[27] Cf. Dialogues, IV, cap. 6. 28[28] Cf. Les noms divins, IV, § 2, 696C.

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quomodo participative invenitur totum in infimo eorum, nunc intendit ostendere distinctionem secundi gradus, scilicet ipsius esse quod est cum aeternitate; nam primum gradum qui est causae primae ante aeternitatem existentis, praetermittit quasi indivisum, ut dictum est. In hoc tamen aliter procedit quam in aliis; nam in omnibus aliis praemittit propositionem et posita expositione propositionem praemissam probat, hic autem more dividentium primo praemittit quod commune est, secundo illud dividit, ibi: et esse creatum quamvis sit unum etc., tertio inter partes divisionis differentiam assignat, ibi: et omne quod ex eo sequitur et cetera. Id autem quod est commune omnibus intelligentiis distinctis est esse creatum primum, de quo quidem praemittit talem propositionem: prima rerum creatarum est esse et non est ante ipsam creatum aliud. Et hanc etiam propositionem Proclus in suo libro ponit CXXXVIII, sub his verbis: omnium participantium divina proprietate et deificatorum primum est et supremum ens. Cuius quidem ratio est, secundum positiones Platonicas, quia, sicut supra dictum est, quanto aliquid est communius, tanto ponebant illud esse magis separatum et quasi prius a posterioribus participatum, et sic esse posteriorum causam. In ordine autem eorum quae de rebus dicuntur, communissimum ponebant unum et bonum, et communius etiam quam ens, quia bonum vel unum de aliquo invenitur praedicari de quo non praedicatur ens, secundum eos, scilicet de materia prima quam Plato coniungebat cum non ente, non distinguens inter materiam et privationem, ut habetur in I physicorum, et tamen materiae attribuebat unitatem et bonitatem, in quantum habet ordinem ad formam; bonum enim non solum dicitur de fine sed de eo quod est ad finem. Sic igitur summum et primum rerum principium ponebant Platonici ipsum unum et ipsum bonum separatum, sed post unum et

Après avoir distingué les trois degrés de l'être supérieur et montré comment tout se retrouve de façon participée dans le dernier degré, l’auteur s'efforce de montrer ce qui distingue le second degré, à savoir « l’être qui est avec l’éternité ». Il passe sous silence, en effet, le premier degré qui est celui de la cause première « existant avant l’éternité » puisqu’il est non divisé, comme on l’a dit. Il procède ici différemment qu'il ne le fait ailleurs. En effet partout, il pose la proposition, puis l’ayant commentée, il la prouve. Ici, il pose d'abord ce qui est commun par mode de division; puis il le divise, là ou il dit » et l’être crée, bien qu'il soit un etc. »; enfin, il assigne la différence des parties de la division, quand il dit : « Et tout ce qui suit de cela etc. ». Ce qui est commun a toutes les différentes intelligences est l’être, premier crée, a propos duquel il dit d'abord : « La première des choses créées est l’être, et avant lui, il n'y a pas d’autre crée ». Proclus dit la même chose dans son livre, à la proposition 138 : « De tous ceux qui participent au caractère de la divinité et qui sont divinises, le tout premier et le plus élevé est l’être ». La raison en est que, selon les thèses des Platoniciens qu'on a vues plus haut, plus quelque chose est commun, plus il est séparé et comme antérieur aux participants qui sui vent ; ainsi, il est cause de ce qui suit. Dans l’ordre de ce qui est prédiqué des choses, le plus commun est l’un et le bien, plus commun même que l’être, puisque, toujours selon eux, le bien ou l’un se trouve être prédiqué de ce dont ne se dit pas l’être, à savoir de la matière première que Platon associait au non-être, ne distinguant pas entre la matière et la privation, comme il est dit au livre I de la Physique29[29]. Il attribuait cependant à la matière unité et bonté, en tant qu’elle est ordonnée à la forme; le bien en effet ne se dit pas seulement de la fin, mais de ce qui est pour la fin. Ainsi donc les Platoniciens

29[29] Cf. Physique I, chap. 191 b 35-192 b 16.

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bonum nihil invenitur ita commune sicut ens; et ideo ipsum ens separatum ponebant quidem creatum, utpote participans bonitatem et unitatem, tamen ponebant ipsum primum inter omnia creata. Dionysius autem ordinem quidem separatorum abstulit, sicut supra dictum est, ponens eumdem ordinem quem et Platonici in perfectionibus quae ceterae res participant ab uno principio, quod est Deus; unde in IV capitulo de divinis nominibus, praeordinat nomen boni in Deo omnibus divinis nominibus, et ostendit quod eius participatio usque ad non ens extenditur, intelligens per non ens materiam primam. Dicit enim: et, si est fas dicere, bonum quod est super omnia existentia et ipsum non existens desiderat. Sed inter ceteras perfectiones a Deo participatas in rebus, primo ponit esse; sic enim dicit V capitulo de divinis nominibus: ante alias Dei participationes esse propositum est, et est ipsum secundum se esse senius, eo quod est per se vitam esse, et eo quod est per se sapientiam esse, et eo quod est per se divinam similitudinem esse. Secundum quem modum etiam auctor huius libri hoc intelligere videtur. Dicit enim quod hoc ideo est quia esse est supra sensum et supra animam et supra intelligentiam. Et quomodo sit supra ista, ostendit subdens: et non est post causam primam latius, id est aliquid communius, et per consequens neque prius causatum ipso; causa autem prima est latior quia extendit etiam se ad non entia secundum praedicta. Et ex hoc concludit quod, propter illud quod dictum est, ipsum esse factum est superius omnibus rebus creatis, quia scilicet inter ceteros Dei effectus communius est, et est etiam vehementius unitum, id est magis simplex; nam ea quae sunt minus communia videntur se habere ad magis communia per modum additionis cuiusdam. Videtur tamen non esse eius intentio ut loquatur de aliquo esse separato, sicut Platonici loquebantur, neque de esse

posaient que le principe premier et suprême de tout était l’un-bien séparé. Mais après l'un et le bien, il n'y a rien de plus commun que l’être. C’est pourquoi ils posaient que l’être séparé était crée, puis que participant de la bonté et de l’unité. Toutefois, ils le posaient comme le premier crée de toutes les choses créées. Denys supprima l’ordre de toutes ces réalités séparées, comme on l’a dit plus haut. Tout cet ordre de perfections que participent les autres choses, il en fi t un seul principe : Dieu. Aussi au chapitre IV des Noms divins30[30] place-t-il le nom de bien, parmi tous les noms divins, en première position et montre-t-il que sa participation s’étend jusqu’au non-être, comprenant par non-être la matière première. Il dit en effet : « Et, s’il est permis de parler ainsi, elle qui est le non-existant désire le bien qui est au-dessus de tous les existants ». Mais parmi les autres perfections de Dieu dont participent les créatures, Denys pose d'abord l’être. Ainsi, il dit au chapitre V : « Avant toutes les autres participations de Dieu, vient en premier l'être, et il est selon lui-même plus ancien que la vie même, que la sagesse même, que la similitude divine même ». Voici selon quel mode l’auteur de ce livre semble comprendre l’antériorité de l’être : en ce « qu'il est au-dessus du sens, au-dessus de l’âme et au-dessus de l’intelligence ». Et il montre comment il est au-dessus de tout cela, en ajoutant : « et il n'y a pas après la cause première rien qui soit plus ample », c’est-à-dire rien de plus commun, par conséquent « rien de causé avant lui ». La cause première est plus ample parce qu’elle s’étend aux non-étants, comme cela a été dit. De là, il conclut que, « à cause de cela » qui vient d'être dit, l’être lui-même « a été fait supérieur à toutes les choses créées » puisque, parmi les autres effets de Dieu, il

30[30] Cf. Les noms divins, IV, § 1, 693B.

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participato communiter in omnibus existentibus, sicut loquitur Dionysius, sed de esse participato in primo gradu entis creati, quod est esse superius. Et, quamvis esse superius sit et in intelligentia et in anima, tamen in ipsa intelligentia prius consideratur ipsum esse quam intelligentiae ratio, et similiter est in anima; et propter hoc praemisit quod est supra animam et supra intelligentiam. De hoc igitur esse in intelligentiis participato, rationem assignat quare sit maxime unitum. Dicit enim quod hoc contingit propter propinquitatem suam primae causae quae est esse purum subsistens et est vere unum non participatum in quo non potest aliqua multitudo inveniri differentium secundum essentiam; quod autem est propinquius ei quod est per se unum, est magis unitum quasi magis participans unitatem; unde intelligentia quae est propinquissima causae primae habet esse maxime unitum. Deinde cum dicit: et ipsum quidem non est factum multa etc., ostendit rationem distinctionis quae potest esse in intelligentiis secundum essentiam. Ubi considerandum est quod, si aliqua forma vel natura sit omnino separata et simplex, non potest in ea cadere multitudo, sicut, si aliqua albedo esset separata, non esset nisi una: nunc autem inveniuntur multae albedines diversae quae participant albedinem. Sic igitur, si esse creatum primum esset esse abstractum, ut Platonici posuerunt, tale esse non posset multiplicari, sed esset unum tantum. Sed, quia esse creatum primum est esse participatum in natura intelligentiae, multiplicabile est secundum diversitatem participantium. Et hoc est quod dicit: et ipsum quidem, scilicet esse creatum primum, non est factum multa, id est distinctum in multas intelligentias, nisi quia, licet ipsum sit simplex et non sit in creatis aliquid simplicius eo, tamen est compositum ex finito et infinito. Quam quidem compositionem etiam Proclus ponit LXXXIX propositione, dicens: omne enter ens ex fine est et infinito. Quod quidem secundum ipsum sic exponitur:

est le plus commun et « le plus fortement uni », c’est-à-dire le plus simple; et ce qui est moins commun se comporte par rapport au plus commun comme par mode d'addition. Il apparait cependant que ce n'est pas son intention de parler de quelque être séparé, comme le faisaient les Platoniciens, ni de l'être participe communément par tous les existants, comme le fait Denys, mais de l’être participe par le premier degré de l’étant crée, à savoir l’« être supérieur ». Bien que « l’être supérieur » soit dans l'intelligence et dans l’âme, cependant l’être même est considéré dans l'intelligence avant que ne le soit la notion d'intelligence, et de même pour l'âme. C'est pourquoi il le place au-dessus de l’intelligence et de l’âme. Puis il donne la raison pour laquelle l'être participe dans les intelligences est « uni » au plus haut point : cela arrive « à cause de sa proximité » à la cause première qui est l’« être pur » subsistant, le « vraiment un » non participe, « en lequel » on ne peut trouver aucune « multitude » de différences selon l’essence. Ce qui est plus proche de la cause première qui est par soi une est plus uni comme participant davantage l’unité; aussi l'intelligence qui est la plus proche de la Cause première a-t-elle un être unifie au plus haut point. Ensuite, lorsqu'il dit : « Et lui-même n'est pas fait multiple etc. », il donne la raison de la distinction qui peut exister entre les intelligences, selon l’essence. Il faut considérer que si quelque forme ou nature était tout à fait séparée et simple, la multitude ne pourrait tomber sous son coup : si la blancheur était séparée, elle ne serait qu'une. Or on trouve plusieurs blancheurs diverses qui participent la blancheur. Si donc l’être premier causé était un être abstrait, comme l’ont posé les Platoniciens, il ne pourrait être multiplié et serait un seulement. Mais parce que l’être premier causé est l’être dont participe la nature de l'intelligence, il est multipliable selon la diversité de ceux qui en participent. Aussi l’auteur dit-il : « Et

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omne enim immobiliter ens infinitum est secundum potentiam essendi; si enim quod potest magis durare in esse est maioris potentiae, quod potest in infinitum durare in esse est, quantum ad hoc, infinitae potentiae. Unde ipse praemisit in LXXXVI propositione: omne enter ens infinitum est, non secundum multitudinem, neque secundum magnitudinem, sed secundum potentiam solam, scilicet existendi, ut ipse exponit. Si autem aliquid sic haberet infinitam virtutem essendi quod non participaret esse ab alio, tunc esset solum infinitum; et tale est Deus, ut dicitur infra in 16 propositione. Sed, si sit aliquid quod habeat infinitam virtutem ad essendum secundum esse participatum ab alio, secundum hoc quod esse participat est finitum, quia quod participatur non recipitur in participante secundum totam suam infinitatem sed particulariter. In tantum igitur intelligentia est composita in suo esse ex finito et infinito, in quantum natura intelligentiae infinita dicitur secundum potentiam essendi; et ipsum esse quod recipit, est finitum. Et ex hoc sequitur quod esse intelligentiae multiplicari possit in quantum est esse participatum: hoc enim significat compositio ex finito et infinito. Deinde cum dicit: et omne quod ex eo sequitur etc., ostendit differentiam inter membra divisionis, id est inter intelligentias multiplicatas, et hoc tripliciter: primo quidem quantum ad diversam perfectionem earum, secundo quantum ad influentiam quarumdam super alias, ibi: et intelligentiae primae etc., tertio quantum ad effectum intelligentiarum in animabus et hoc in sequenti propositione quae in quibusdam libris invenitur coniuncta cum isto commento, et incipit: intelligentiae superiores et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit differentiam, secundo excludit quamdam dubitationem, ibi: et quia diversificatur et cetera. Circa primum ergo considerandum est quod duplicem differentiam intelligentiarum assignat, unam quidem quantum ad naturam ipsarum, aliam vero quantum ad species

lui-même en vérité », à savoir l'être premier crée, « n'est fait multiple », c'est-à-dire n'est distingue dans de nombreuses intelligences, « que parce que, même s'il est simple, et qu'il n'y a rien de plus simple que lui parmi les crées, il est cependant compose de fini et d'infini ». Cette composition, Proclus la pose dans la proposition 89 des Eléments ou il dit : « Tout être authentique est forme de déterminant et d'infini ». Ce qu'il explique de la sorte : tout étant immobile est infini selon sa puissance à être; si ce qui peut durer davantage dans l'être est d'une plus grande puissance, ce qui peut durer infiniment dans l'être est d'une puissance infinie1. D'ou la proposition 86 : « Tout être authentique est infini, non selon la multiplicité ni selon la grandeur, mais selon la seule puissance », à savoir, explique-t-il, selon la puissance d'exister. Si quelque chose jouissait d'une puissance infinie à être qu'il ne participait pas d'un autre, alors il serait seulement infini; et tel est Dieu, comme il sera dit à la proposition 16. Mais si quelque chose tient sa puissance infinie à être d'un autre, en tant qu'il la participe il est fini, puisque que ce qui est participé n’est pas reçu dans le participant selon toute son infinité, mais de façon particulière. En tant donc que l'intelligence est composée dans son être de fini et d'infini, sa nature d'intelligence est dite infinie selon sa puissance d’être; et l’être lui-même qu'elle reçoit est fini. Il s'ensuit que l'être de l'intelligence, parce qu'il est participe, peut être multiplie : c’est ce que signifie la composition de fini et d'infini. Ensuite lorsqu'il dit : « Et tout ce qui est de lui suit la cause première etc. », il montre la différence qui existe entre les membres de la division, c’est-à-dire entre les intelligences multipliées. Cette différence se fait d'une triple façon : quant à leur perfection diverse; quant à leur influence sur les autres, là où il dit : « Et les intelligences premières influent etc. »; quant à l'effet des intelligences sur les âmes. Ce troisième point est traite dans la

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intelligibiles per quas intelligunt. Quantum autem ad naturas ipsarum, necesse est quod naturae earum diversificentur secundum ordinem quemdam. Non enim est in eis materialis differentia sed formalis; non enim sunt compositae ex materia et forma, sed ex natura, quae est forma, et esse participato, ut dictum est. In his autem quae materialiter differunt nihil prohibet inveniri multa ex aequo se habere, nam in substantiis individua unius speciei aequaliter speciei rationem participant; in accidentibus etiam possibile est diversa subiecta aequaliter participare albedinem. Sed in his quae formaliter differunt, semper quidam ordo invenitur. Si quis enim diligenter consideret, in omnibus speciebus unius generis semper inveniet unam alia perfectiorem, sicut in coloribus albedinem et in animalibus hominem. Et hoc ideo quia quae formaliter differunt, secundum aliquam contrarietatem differunt; est enim contrarietas differentia secundum formam, ut philosophus dicit in X metaphysicae. In contrariis autem semper est unum nobilius et aliud vilius, ut dicitur in I physicorum, et hoc ideo quia prima contrarietas est privatio et habitus, ut dicitur in X metaphysicae. Et propter hoc in VIII metaphysicae philosophus dicit quod species rerum sunt sicut numeri, qui specie diversificantur secundum additionem unius super alterum. Manifestum est autem quod quanto aliquid est perfectius, tanto propinquius est uni perfectissimo; unde hanc differentiam ponit quantum ad intelligentiarum naturam, quod illud esse intellectuale quod immediate assequitur causam primam, est intelligentia completa ultima completione quantum ad esse creatum in potentia essendi et in reliquis bonitatibus consequentibus, illud vero esse intellectuale quod est inferius in ordine intelligentiarum, retinet quidem naturam et rationem intelligentiae, sed tamen est sub superiori intelligentia in complemento naturae et in virtute essendi et operandi et

proposition suivante qui dans certains livres fait partie de ce chapitre, et qui commence par : « Et les intelligences premières influent sur les intelligences secondes etc. ». A propos du premier point, l'auteur fait deux choses : il montre d’abord la différence de perfection entre les intelligences; puis il élimine quelque doute à partir de : « Et parce que l'intelligence se diversifie etc. ». Relativement au premier point, il faut considérer qu'il établit une double différence entre les intelligences : une quant à la nature de celles-ci; une autre quant aux espèces intelligibles par lesquelles elles intelligent. Quant à leur nature, il est nécessaire que les intelligences soient diversifiées selon un certain ordre. La différence entre elles n'est pas matérielle mais formelle; elles ne sont pas, en effet, composées de matière et de forme, mais bien plutôt de nature ou forme et d'être participé, comme il a été dit. Dans les choses qui différent matériellement, rien n'empêche qu'il y ait des réalités nombreuses égales : en effet, dans les substances (matérielles), les individus d'une espèce participent également à la raison de l'espèce; dans l’ordre des accidents, il est possible que divers sujets participent également de la blancheur. Mais dans les choses qui différent formellement, on trouve toujours un certain ordre. Si quelqu'un fait attention, il trouvera que dans toutes les espèces d'un seul genre, il y a toujours une espèce plus parfaite que l’autre, comme, dans le genre couleur, l'est la blancheur et dans le genre animal, l’homme. Et cela parce que les choses qui différent formellement différent selon quelque contrariété : la contrariété est une différence formelle, comme le dit le philosophe au livre X de sa Métaphysique. Dans les contraires, il y en a toujours un plus noble et l'autre plus vii, comme il est dit au livre I de la Physique31[31]. Et ceci, parce que la

31[31] Cf. I, 9, 189 a 3-4.

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in omnibus bonitatibus sive perfectionibus. Quantum autem ad secundam differentiam quae est ex speciebus intelligibilibus, supponit quod intelligentiae per quasdam species intelligibiles intelligant et quod huiusmodi intelligibiles species maiorem habeant amplitudinem et universalitatem quam in inferioribus intelligentiis, et hoc quidem nunc indiscussum dimittatur; manifestabitur enim infra in 10 propositione quae tota super hoc procedit. Deinde cum dicit: et quia diversificatur intelligentia etc., removet quamdam dubitationem. Quia enim dixerat species intelligibiles in superioribus et inferioribus intelligentiis esse differentes, posset hoc alicui falsum videri propter hoc quod res intellecta est una; et ideo ostendit quomodo huiusmodi species intelligibiles diversificentur. Et primo inducit ad hoc quoddam exemplum; secundo ostendit differentiam, ibi: verumtamen quamvis diversificentur et cetera. Circa primum considerandum est quod, sicut supra dictum est, Platonici ponebant formas rerum separatas per quarum participationem intellectus fierent intelligentes actu, sicut per earum participationem materia corporalis constituitur in hac vel illa specie. Et idem sequitur si non ponamus plures formas separatas, sed, loco omnium illarum, ponamus unam primam formam ex qua omnia deriventur, sicut supra dictum est secundum sententiam Dionysii, quam videtur sequi auctor huius libri nullam distinctionem ponens in esse divino. Sic igitur cum intelligentiae sint diversae secundum essentiam, ut supra dictum est, oportet quod formae intelligibiles participatae sint diversae et differentes in diversis intelligentiis, sicut etiam diversae formae participatae in hoc mundo sensibili inveniuntur secundum diversitatem individuorum participantium formas praedictas. Deinde cum dicit: verumtamen

première contrariété est celle de la privation et de la forme, comme le dit le livre X de la Métaphysique32[32]. C'est la raison pour laquelle le philosophe dit au livre VIII de sa Métaphysique33[33] que les espèces des choses sont comme les nombres qui différent par l’espèce selon l’addition d’une unité à l’autre. Il est manifeste que plus quelque chose est parfait, plus il est proche de l’un très parfait. Aussi l’auteur pose-t-il cette différence quant à la nature des intelligences : l’être intellectuel « qui suit » immédiatement « la cause première, est l’intelligence achevée, extrême » dans l’achèvement quant à l’être crée, extrême « en puissance » à être « et » dans les « autres perfections » subséquentes; l’être intellectuel, qui « est inférieur » dans l’ordre des intelligences, garde certes la nature « d'intelligence », mais « se trouve en dessous de l’intelligence » supérieure « quant à la complétude de sa nature », « quant à la puissance » à être et à opérer, et quant aux autres « bontés » ou perfections. Pour la seconde différence tirée des espèces intelligibles, elle suppose que les intelligences intelligent par certaines espèces intelligibles et que celles-ci aient une plus grande amplitude et universalité dans les intelligences supérieures que dans les intelligences inférieures. L'auteur renvoie l’examen de ce point indiscuté ici à plus tard : il l’étudiera à la proposition 10 qui tout entière traite de ce sujet. Ensuite, lorsqu'il dit : « Et parce que l'intelligence se diversifie etc. », il chasse un doute. En effet, on pourrait mal comprendre l’affirmation selon laquelle les espèces intelligibles sont différentes dans les intelligences supérieures et dans les intelligences inférieures du fait que la chose intelligée reste une. C'est pourquoi, il montre comment les espèces sont diversifiées. Pour ce faire, il donne

32[32] Cf. X, 4, 1055 a 33 sq. 33[33] Cf. VIII, 3, 1043 b 36-1044 a 2.

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quamvis diversificentur etc., ostendit diversitatem in praedicto exemplo. Formae enim sensibiles participatae in diversis individuis sunt formae individuatae et ab invicem seiunguntur ea seiunctione qua unum individuum seiungitur ab alio, ita quod ambae formae non pertinent ad existentiam unius rei sed diversarum. Non sic autem seiunguntur formae intelligibiles ex eo quod sunt in diversis intelligentiis sive intellectibus, quia non efficiuntur per hoc formae individuales, sed retinent vim suae universalitatis in quantum quaelibet earum in intellectu cui inest causat universalem cognitionem eiusdem rei intellectae. Et huius ratio ex supra dictis apparet. Cum enim formae rerum, sive sint divisim per se stantes, sive uniantur in uno primo, habeant esse universalissimum et divinum, manifestum est quod, quanto magis appropinquantur ad hoc universalissimum esse formarum, tanto formae sunt universaliores; et secundum hoc dixit quod formae participatae in superioribus intellectibus sunt universaliores. Id autem quod est infimum in rebus est materia corporalis, unde recipit huiusmodi formas ut particulares absque omni universalitate. Et hoc est quod dicit quod, quamvis formae intelligibiles diversificentur in diversis intelligentiis, tamen non hoc modo dividuntur ab invicem sicut dividuntur diversa individua in rebus sensibilibus, quia simul habent unum cum multitudine, unum quidem ex parte universalitatis, multitudinem autem secundum diversum modum participationis in diversis intellectibus. Et per hoc totaliter excluditur ratio Averrois volentis probare unitatem intellectus per unitatem intelligibilis formae; existimavit enim quod, si formae intelligibiles sunt diversae in diversis intellectibus, (quod) sint individuatae et intelligibiles in potentia, non in actu: quod per praemissa frivolum esse patet. Deinde cum dicit: et intelligentiae primae etc., ponit secundam differentiam quae sequitur ex prima. Invenimus enim in quolibet rerum ordine quod id quod est in actu agit in id quod est

d'abord un exemple, puis livre la différence là où il dit : « Pourtant, quoique elles soient diversifiées etc. ». Relativement au premier point, il faut savoir, comme on l’a déjà dit, que les Platoniciens posaient les formes des choses séparées par la participation desquelles l’intellect devenait intelligeant en acte, de même que, par cette même participation, la matière corporelle était constituée en telle ou telle espèce. La même chose s'ensuit si nous ne posons pas plusieurs formes séparées mais, en lieu et place de celles-ci, une seule première forme de laquelle toutes les choses dérivent, conformément à la pensée de Denys que semble suivre l’auteur de ce livre qui ne pose aucune distinction dans l’être divino Ainsi, puisque les intelligences sont diverses selon leur essence, comme on l’a dit plus haut, il faut que les formes intelligibles participées soient diverses et différentes dans les diverses intelligences; de la même façon que nous trouvons les diverses formes participées dans ce monde sensible selon la diversité des individus participant les formes citées. Ensuite, lorsqu'il dit : « Pourtant, quoique elles soient diversifiées etc. », il manifeste cette diversité dans l’exemple précité. En effet, les formes sensibles dont participent les divers individus sont des formes individuées et séparées les unes des autres par la séparation qui sépare un individu d'un autre; aussi deux formes ne conviennent-elles pas à l’existence d’une seule chose, mais à celle de choses diverses. Les formes intelligibles ne sont pas séparées ainsi, du fait qu'elles sont dans des intelligences ou intellects divers; et ceci, parce qu'elles ne deviennent pas des formes individuelles, mais qu'elles retiennent la puissance de leur universalité du fait qu'elles causent, dans l’intellect ou elles se trouvent, - et quelles qu’elles soient - la connaissance universelle de la chose intelligée. Ce qui a été dit plus haut en donne la raison. Comme les formes des choses - qu'elles

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in potentia; semper autem quod est perfectius comparatur ad minus perfectum ut actus ad potentiam; et ideo perfectiora in quolibet genere nata sunt agere in imperfectiora. Cum igitur superiores intelligentiae sint completiores in virtute et reliquis bonitatibus intelligentiis inferioribus, consequens est quod, sicut prima causa influit in superiores intelligentias, ita superiores intelligentiae influant in inferiores et sic usque ad ultima.

soient séparées et se tenant par soi, ou qu'elles soient unifiées dans le seul premier - ont un être très universel et divin, il est clair que plus elles se rapprochent de l’être universalissime des formes, plus ces formes sont universelles. C'est pourquoi il a dit que les formes dont participent les intellects supérieurs étaient plus universelles. Ce qui est infime dans les choses, c'est la matière corporelle; aussi reçoit-elle les formes comme particulières, sans aucune universalité. C'est pourquoi l'auteur dit bien que « quoique » les formes intelligibles « soient diversifiées » dans les diverses intelligences, elles ne sont pas distinguées les unes des autres comme le sont les divers individus dans les choses sensibles, parce qu’elles possèdent à la fois « unité » et « multiplicité » : l’unité, de ce qu’elles sont universelles; la multiplicité, selon le mode différent par lequel les divers intellects les participent. Par cela même, il exclut totalement la raison invoquée par Averroès qui voulait prouver l’unité de l'intellect par l’unité de la forme intelligible. Celui-ci, en effet, estimait que si les formes intelligibles étaient diversifiées dans différents intellects, elles seraient alors individuées et intelligibles en puissance et non en acte. Mais ce qui vient d’être dit souligne la vanité de cette raison. Ensuite quand l’auteur dit : « Et les intelligences premières influent etc. », il pose la seconde différence qui découle de la première. Nous trouvons, en effet, que, dans n'importe quel ordre de choses, ce qui est en acte agit sur ce qui est en puissance. Toujours, ce qui est plus parfait est compare au moins parfait comme l’acte à la puissance. C’est pourquoi ce qui est plus parfait, dans n’importe quel genre, agit par nature sur le moins parfait. Comme donc les intelligences supérieures sont plus achevées en puissance et autres bontés où perfections que ne le sont les intelligences inférieures, il s’ensuit que, de même que la cause première influe sur les

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intelligences supérieures, de même les intelligences supérieures influent sur les inférieures et ainsi de suite jusqu’à la dernières intelligence.

Lectio 5

[84240] Super De causis, l. 5 Postquam in praecedenti propositione manifestavit auctor distinctionem intelligentiarum, hic agit de distinctione animarum, quam quidem assignat secundum differentiam intelligentiarum eas quodammodo causantium secundum eius positionem. Unde quod hic agitur de distinctione animarum potest referri ad distinctionem intelligentiarum secundum quod distinctio causarum manifestatur per distinctionem effectuum. Unde et in quibusdam libris haec non ponitur propositio per se, sed adiungitur commento praecedentis propositionis; quod etiam apparet ex epilogo quod hic ponitur, quod commune est utrique propositioni. Est autem propositio talis: intelligentiae superiores primae imprimunt formas secundas, stantes, quae non destruuntur ita ut sit necessarium iterare eas vice alia. Intelligentiae autem secundae imprimunt formas declines, separabiles, sicut est anima. Huic autem propositioni Proclus ponit duas propositiones correspondentes, scilicet CLXXXII, quae talis est: omnis divinus intellectus ab animabus divinis participatur, et CLXXXIII, quae talis est: omnis intellectus participatus quidem intellectualis autem solum, participatur ab animabus neque divinis neque factis in transmutatione intellectus et ignorantiae. Ad evidentiam autem huius propositionis tria oportet considerare: primo quidem de impressione animae, secundo de distinctione animarum, tertio de differentia animarum distinctarum. Circa impressionem vero animae primo oportet considerare quomodo animae conveniat imprimi, secundo a quo imprimatur. Quod

5) Les intelligences supérieures premières qui jouxtent la cause première impriment34[34] des formes secondes, stables qui ne périssent pas de sorte qu'il soit nécessaire de les faire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme Après avoir, dans la proposition précédente, traite de la distinction des intelligences, notre auteur aborde, ici, celle des âmes. Il fait cette distinction en fonction de la différence qu'on trouve dans les intelligences qui sont en quelque sorte, et selon sa thèse, causes des âmes. Si bien que la distinction des âmes peut être rapportée a celle des intelligences selon que la distinction des causes est manifestée par celle des effets. C’est pourquoi, dans ce livre, cette phrase ne constitue pas une proposition a part, mais est adjointe au commentaire de la proposition précédente. Ceci apparait clairement dans l’épilogue qui est commun à l'une et l’autre propositions. La cinquième proposition est telle : « Les intelligences supérieures premières impriment des formes secondes, stables qui ne périssent pas en sorte qu'il soit nécessaire de les refaire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme ». A cette proposition en correspondent deux dans le livre de Proclus. La première est telle : « Tout intellect divin est participe par des âmes divines »35[35]. Et la seconde : « Tout intellect participe, mais seulement

34[34] Imprimere, c'est imprimer au sens de communiquer une impression. 35[35] Elements, prop. 182.

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autem animae conveniat imprimi, manifeste apparet si quis impressionis rationem consideret, ad quam duo requiruntur: primo quidem ut quod est impressum sit in aliquo existens, secundo ut non sit in eo superficialiter secundum extrinsecum contactum solum, sed sit intimum quasi penetrans in profundum. Et haec duo conveniunt animae secundum propriam eius rationem. Dictum est enim supra in 3 propositione quod operatio propria animae est ut moveat corpus, eo quod operatio ipsius animae est infra operationem propriam intelligentiae, cuius est cognoscere res absque motu; oportet autem principium motus applicari mobili quia, ut probatur in VII physicorum, movens et motum sunt simul; unde animae secundum propriam rationem convenit in corpore mobili esse. Motus autem quo anima movet corpus est motus viventis corporis, qui quidem non est a movente extrinseco, sicut motus violentus vel sicut motus levium et gravium a generante, sed est a movente intrinseco; unde res vivae dicuntur seipsas movere. Et ideo oportet animam quae movet corpus, esse in corpore intrinsecus ei unitam, et propter hoc dicitur esse impressa. Si autem quaeratur a quo sit impressa, secundum opinionem auctoris huius libri impressa est ab intelligentia. Dicit enim: ipsa namque, scilicet anima inferior, est ex impressione intelligentiae secundae, id est secundi ordinis intelligentiarum, quae, scilicet intelligentia secunda, sequitur esse creatum inferius, id est in inferiori parte ipsius esse primi creati quod est esse intelligentiarum; vel, hoc quod dicit: quae sequitur esse etc., potest referri ad animam, quae est infra aeternitatem intelligentiae, ut in 2 propositione dictum est. Sed haec sententia non est usquequaque rata. Possumus enim loqui de animae impressione dupliciter: uno modo ex parte ipsius animae impressae, alio

intellect, est participe par des âmes qui ne sont ni divines ni sujettes à osciller de la pensée à l'ignorance »36[36]. Pour saisir clairement cette proposition, il faut considérer trois choses : d'abord l'impression de l'âme; puis la distinction des âmes; enfin la différence des âmes distinctes. Pour ce qui est de l’impression de l'âme, il faut d'abord considérer comment il convient à l’âme d’être imprimée; puis par quoi elle est imprimée. Qu'il convienne à l'âme d'être imprimée, cela apparait manifestement des qu'on considère la raison de l'impression. Deux choses sont requises à celle-ci : d'abord que ce qui est imprime soit dans quelque sujet existant; ensuite, qu'il n'y soit pas superficiellement selon un contact extrinsèque seulement, mais y soit de façon intime comme le pénétrant en profondeur. Ces deux exigences conviennent à l’âme selon la raison propre d’âme. Il a été dit dans la proposition 3 que l’opération propre de l’âme est de mouvoir les corps, par là que son opération est inférieure à l’opération propre de l'intelligence qui est de connaitre les choses sans que s'opère de mouvement en elle. Or il est nécessaire que le principe du mouvement soit applique au mobile puis que, comme il est prouve au livre VII de la Physique37[37], le mouvant et le mû sont ensemble. Aussi convient-il à l’âme, selon sa raison propre d’âme, d’être dans un corps mobile. Le mouvement par lequel l'âme meut le corps est le mouvement du corps vivant; ce mouvement ne se fait pas par un moteur extrinsèque, comme le mouvement violent ou comme le mouvement des corps légers et des corps graves qui procèdent d'un générateur; mais il se fait par un moteur intrinsèque. Aussi les réalités vivantes sont-elles dites se mouvoir elles-mêmes. C’est pourquoi

36[36] Ibid., prop. 183. 37[37]

Cf. VII, 2, 243 a 4.

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modo ex parte materiae cui imprimitur. Et haec quidem distinctio locum habet in qualibet anima per se stante, qualis est quaelibet anima intelligens, ut infra patebit, quia esse substantiae eius non totaliter consistit in unione sui ad materiam corporalem, sicut esse animae non subsistentis quales sunt animae brutorum et plantarum, unde in his praedicta distinctio necessaria non est, quia simul consideratur esse talium animarum et ex parte materiae recipientis et ex parte ipsius animae. Si ergo loquamur de anima per se stante scilicet intellectuali quacumque, sive caelesti si ponantur corpora caelestia animata secundum quod auctor huius libri supponit, sive de anima humana ex parte ipsius animae, tunc secundum radices positionum Platonicarum, quas in multis auctor huius libri sequitur, talis anima est ex impressione intelligentiae quia, sicut supra dictum est in 3 propositione, Platonici posuerunt quod ab alio principio causatur in aliqua re id quod est commune, et ab alio inferiori principio id quod est magis proprium. Secundum hoc igitur anima per se stans suum esse habet a prima causa, quod autem sit intellectualis et quod sit anima habet a secundis causis quae sunt intelligentiae; unde, cum ad rationem animae pertineat quod sit corpori impressa, consequens erit quod haec anima ab intelligentia habeat scilicet quod sit corpori impressa. Sed, quia, sicut supra ostendimus, praedicta positio veritatem non habet et contrariatur sententiae Aristotelis, oportet dicere quod a prima causa a qua talis anima habet suum esse habeat etiam quod sit intellectualis et quod sit anima et per consequens quod sit corpori impressa; est ergo secundum hoc anima non ex impressione intelligentiae sed ex impressione causae primae. Si vero loquamur de anima huiusmodi ex parte susceptibilis cui imprimitur, sic quantum ad animam caelestem, si caelum haberet animam, esset similis ratio; non enim natura caelestium corporum aliquo modo ab intelligentiis causatur, sed a causa prima a qua habent esse. Sed, si loquamur de

l’âme qui meut le corps doit être intrinsèque au corps auquel elle est unie : pour cela, elle est dite imprimée. Si l’on recherche maintenant par quoi elle est imprimée, on trouvera qu'elle l'est, selon notre auteur, par l'intelligence. Il dit en effet : « Car celle-ci », à savoir l'âme inférieure, « résulte de l’impression de l'intelligence seconde », c'est-à-dire l’intelligence du second ordre, « qui » - à savoir l'intelligence seconde - » jouxte l’être crée inférieur », c’est-à-dire la partie inférieure de l'être premier crée qu'est l'être de l'intelligence. Toutefois, « qui jouxte l’être crée inférieur » peut aussi être rapporté à l’âme qui est en dessous de l'intelligence, comme le dit la proposition 2. Mais cette sentence ne peut être ratifiée jusqu’au bout. Nous pouvons parler de l'impression de l'âme d'une double façon : à partir de l'impression de l’ âme même; ou à partir de la matière à laquelle elle est imprimée. Et cette distinction vaut pour toute âme se tenant par soi, c'est-à-dire toute âme intellectuelle, comme il sera montre plus bas : l’être de la substance de ce type d'âme n'est pas totalement épuise par son union à la matière corporelle, comme c'est le cas pour l'être de âme non subsistante, telle celle des brutes et des plantes. Pour de telles âmes non subsistantes, la distinction précitée n’est pas nécessaire puisque l’être de telles âmes se prend en même temps de la matière qui reçoit et de l’âme elle-même. Si donc nous parlons de l'lime se tenant par soi, à savoir l’âme intellectuelle, ou l'âme céleste - pour autant que nous posons le ciel animé, comme le fait l’auteur de ce livre -, ou encore l’âme humaine, et que nous la considérons du cote de l’âme même, alors, et selon la thèse cardinale des Platoniciens - que l’auteur de ce livre suit en beaucoup de choses -, une telle âme résulte de l’ impression de l’intelligence. En effet, comme il a été dit dans la proposition 3, les Platoniciens posaient qu’autre est le principe responsable dans une chose de ce

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anima humana ex parte susceptibilis, sic aliquo modo est ex impressione intelligentiae, in quantum scilicet ipsum corpus humanum disponitur ad hoc quod sit susceptivum talis animae per virtutem caelestis corporis operantem in semine, ratione cuius dicitur quod homo generat hominem et sol; corpora autem caelestia, etiam secundum doctores fidei Christianae, scilicet Augustinum et Gregorium, ponuntur a creaturis spiritualibus moveri, quae dicuntur Angeli sive intelligentiae vel intellectus separati; et ex hoc sequitur quod intelligentiae aliquid operentur ad hoc quod anima humana corpori imprimatur ex parte susceptibilis. Et per hunc modum potest dici quod aliae animae quae non sunt per se stantes, sunt ex impressione intelligentiarum et caelestium corporum. Deinde restat considerandum de secundo, scilicet de distinctione animarum. Et ponit eamdem rationem distinctionis sive multiplicationis in animabus quam in intelligentiis posuerat: sicut enim esse intelligentiae compositum est ex infinito et finito, in quantum esse eius non est subsistens sed participatum ab aliqua natura ratione cuius potest distingui in multa, ita etiam est et de esse animae. Et hoc est quod dicit: et non multiplicantur animae nisi per modum quo multiplicantur intelligentiae, quod est quia esse animae iterum habet finem, sed quod ex eo est inferius est infinitum. Inferius autem dicit ipsam naturam participantem esse, quam vocat infinitum propter virtutem ad durandum in esse in infinitum; ipsum autem esse participatum vocat finitum quia non participatur secundum totam infinitatem suae universalitatis sed secundum modum naturae participantis. Est tamen advertendum quod, quia natura intelligentiae est penitus absoluta a corpore, distinctio intelligentiarum attenditur secundum gradum naturae propriae absque comparatione ad aliqua corpora. De ratione vero animae est quod

qui est commun, autre et inférieur le principe responsable de ce qui est plus propre. Selon cette thèse donc, l’âme se tenant par soi tient son être de la cause première, mais son intellectualité et le fait d’être âme, elle le tient des causes secondes que sont les intelligences. C’est pourquoi, comme à la raison d'âme convient d'être imprimée à un corps, l’âme tiendra donc de l’intelligence d’être imprimée à un corps. Mais parce que, comme on l’a vu plus haut, cette position n’est pas vraie et est contraire à la pensée d’Aristote, il faut dire que c'est de la cause première dont elle tient son être que l'âme tient le fait d'être intellectuelle et le fait d’être âme, et par conséquent le fait d’être imprimée à un corps. L’âme ne procède donc pas de l'impression de l'intelligence mais de l'impression de la cause première. Si maintenant nous parlons de l’âme en la considérant à partir du sujet auquel elle est imprimée et dans le cas de l’âme céleste - pour autant que le ciel a une âme -, on fera le même raisonnement : la nature des corps célestes n’est causée d’aucune façon par les intelligences, mais par la cause première dont ils tiennent leur être. Mais si nous parlons de l’âme humaine et que nous la prenons à partir du sujet, alors et en quelque fa90n, elle est imprimée par l’ intelligence en tant que le corps humain lui-même est dispose à être capable de telle âme par la vertu des corps célestes opérant dans la semence. Car il est dit que l’homme et le soleil engendrent l'homme38[38]. D’après les docteurs de la foi que sont Augustin et Grégoire, les corps célestes sont mus par des créatures spirituelles qu'ils appellent anges ou intelligences ou intellects séparés. Aussi s'ensuit-il que les intelligences sont pour quelque chose, du côté du sujet, dans l’impression de l’âme humaine au corps. Et en l'entendant de cette façon, on peut dire que les autres

38[38]

Cf. Physique II, 2, 194 b 13.

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sit corpori impressa, et ideo distinctio animarum attenditur secundum comparationem ad corpora animata. Unde, si corpora animata sunt diversarum specierum, animae eis impressae erunt diversae secundum speciem, sicut oporteret dicere si corpora caelestia essent animata; si autem corpora animata sunt unius speciei, animae etiam impressae sunt unius speciei multiplicatae numero solo, sicut patet de animabus humanis. Deinde considerandum est tertium, scilicet differentia animarum distinctarum. Et ponit tres differentias, quarum prima accipitur secundum diversam perfectionem animarum. Dicit enim quod animae, scilicet superiores sicut sunt caelestium corporum, quae sequuntur intelligentiam, quasi immediate post eam ordinatae, sunt completae, scilicet in perfectione naturae animalis. Et signum perfectionis ostendit, subdens: paucae declinationis et separationis. Dictum est enim supra in 2 propositione, quod anima in quantum deficit a complemento intelligentiae appropinquat ad motum; et ideo, quanto animae fuerint altiores et intelligentiae propinquiores, tanto minus habent de motu. Animae enim inferiores habent motum non solum quantum ad hoc quod movent corpus, sed etiam quantum ad hoc quod non semper sunt coniunctae suis corporibus et quod non semper intelligunt; sed animae superiores semper sunt coniunctae suis corporibus et semper sunt intelligentes, habent tamen de motu hoc quod movent caelestia corpora. Et ideo dicit quod sunt paucae declinationis, quia parum declinant ab immobilitate intelligentiae, et paucae separationis, quia parum in diversa separantur, ut quandoque in hoc quandoque in illo inveniantur scilicet quantum ad solum motum localem caelestium corporum. Inferiores vero animae deficiunt in complemento et paucitate declinationis seu separationis a superioribus animabus. Secunda differentia sumitur penes influentiam animarum in invicem. Sicut enim supra dixit quod intelligentiae primae influunt supra

âmes, celles qui ne se tiennent pas par soi, sont imprimées par les intelligences et les corps célestes. Il reste en suite à considérer le second point, à savoir la distinction des âmes. L'auteur pose la même raison de distinction ou multiplication des âmes que celle qu'il avait posée pour les intelligences. De même que l’être de l'intelligence est compose de fini et d'infini en tant qu'il n'est pas subsistant mais participe par une certaine nature - en vertu de laquelle il peut être distribue en plusieurs choses -, de même en est-il de l’être de l'âme. C'est bien ce qu'il dit : » Et les âmes ne sont pas multipliées sinon par le mode dont les intelligences sont multipliées; il en est ainsi parce que l’être de l’âme a de son côté une limite, mais ce qui, de lui, est inférieur, est sans limite ». « Inférieur » qualifie la nature même participant l’être, et il dit cette nature « infinie » à cause de sa puissance à durer dans l’être à l’infini. Il appelle fini l’être même participe, parce qu’il n’est pas participe selon toute l'infinité de son universalité, mais selon le mode de la nature participante. Il faut remarquer que, du fait que la nature de l’intelligence est tout à fait séparée du corps, la distinction des intelligences se fait selon le degré de leur nature propre sans rapport au corps. Mais parce que la raison d’âme suppose qu’elle soit imprimée à un corps, la distinction des âmes se fait selon leur rapport aux corps animés. Aussi, si les corps animés sont de diverses espèces, les âmes, à eux imprimées, seront diverses selon l’espèce, comme il faudrait le dire des corps célestes s'ils étaient animés. Et si les corps animés sont d'une seule espèce, les âmes imprimées sont d'une seule espèce, multiples par le nombre seulement, comme c'est le cas pour les âmes humaines. Ensuite, il faut considérer le troisième point, à savoir la différence qu’il y a entre âmes distinctes. L’auteur fait trois différences dont la première est prise de la diversité de perfections qu'il y a entre

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secundas bonitates quas recipiunt a causa prima, ita nunc dicit quod superiores animae influunt bonitates quas recipiunt ab intelligentia super animas inferiores. Et utrobique est ratio eadem: quia quod est imperfectius natum est perfici a completiori, sicut potentia ab actu. Tertia differentia sumitur ex parte effectus. Sicut enim de intelligentiis dixit quod superiores imprimunt nobiliores animas, ita nunc dicit de animabus quod anima superior recipiens virtutem immediate ab intelligentia habet fortiorem impressionem, quia semper causa superior vehementius agit, ut in 1 propositione dictum est; et ideo id quod imprimitur a superiori anima in suo corpore est fixum, stans, id est firmum et immobile, et motus eius est aequalis, id est uniformis, et continuus, ut patet in corpore caelesti. Anima vero inferior ad quam pertinet virtus intelligentiae, mediante superiori anima, habet debiliorem impressionem in suum corpus sicut causa inferior; et ideo id quod imprimit corpori sicut vita et huiusmodi est debile, propter passibilitatem corporis ab exteriori agente, evanescens, a principio interiori transmutatum, destructibile, quia finaliter totaliter desinit esse id quod ab anima in corpore efficitur. Et tamen corpus quodammodo participat sempiternitatem, scilicet secundum speciem, et hoc per generationem. In hoc autem melius sensit auctor huius libri attribuens corruptibilitatem humanorum corporum debilitati impressionis ipsius animae, quam Platonici qui posuerunt etiam animam humanam habere quoddam corpus incorruptibile sibi semper unitum. Patet etiam quod, secundum sententiam huius auctoris, quando anima humana fuerit perfecta per coniunctionem ad causam primam, poterit corpori suo imprimere vitam perpetuam; et secundum hoc fides Catholica confitetur futuram vitam aeternam non solum in animabus sed etiam in corporibus post resurrectionem. Ultimo epilogat quae in duabus propositionibus dicta sunt. Quae autem diximus de animabus caelorum non asserendo

les âmes. Il dit en effet que « les âmes » - entendons les âmes supérieures comme sont celles de corps célestes - » qui jouxtent l’intelligence » - comme placées immédiatement après elle - « sont achevées », à savoir quant à la perfection de la nature animale. Il montre le signe de cette perfection, en ajoutant : « peu enclines à la chute et à la séparation ». Il a été dit en effet à la proposition 2 que l’âme, en tant qu'elle manque de ce qui remplit l’ intelligence, se rapproche du mouvement. C’est pourquoi plus les âmes sont hautes et proches de l'intelligence moins elles ont part au mouvement. Les âmes inférieures ont part au mouvement non seulement en tant qu'elles meuvent les corps, mais aussi en tant qu’elles ne sont pas toujours conjointes à leur corps et qu’elles n'intelligent pas toujours. Les âmes supérieures, elles, sont toujours conjointes à leur corps et sont toujours en acte d'intellection. Elles ont cependant part au mouvement, en tant qu’elles meuvent les corps célestes. C’est pourquoi, il dit qu'« elles sont peu enclines à la chute », parce qu’elles s’éloignent peu de l'immobilité de l’intel ligence; et « peu enclines à la séparation », parce qu’elles changent fort peu d’état de sorte qu’on les trouve tantôt sous cette forme, tantôt sous cette autre, c’est-à-dire changées quant au seul mouvement local des corps célestes. Les âmes inférieures en revanche manquent de l'« achèvement » et du peu de « déclinaison » ou séparation qui caractérise les âmes supérieures. La deuxième différence est prise de l’influence que les âmes ont les unes sur les autres. De même qu'on disait plus haut que « les intelligences premières influent sur les intelligences secondes les bontés qu'elles reçoivent de la cause première », de même dit-on maintenant que « les âmes supérieures influent les bontés qu'elles reçoivent de l'intelligence sur les âmes inférieures ». Dans l’un et l’autre cas la raison est la même : ce qui est plus imparfait par nature est parfait par ce qui

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diximus, sed aliorum opiniones recitando. est plus achève, comme la puissance l’est par l’acte. La troisième et dernière différence est prise du côté des effets. De même qu'il a été dit des intelligences que les supérieures impriment les âmes plus nobles, de même il est dit maintenant des âmes que « l’âme » supérieure, recevant immédiatement la vertu de l’intelligence, garde une impression plus forte »; toujours, en effet et comme le dit la proposition 1, la cause supérieure agit plus fortement. Aussi « ce qui est imprimé » par l'âme supérieure à son corps » est établi d'une manière fixe, stable », c’est-à-dire d'une manière ferme et immobile, « et son mouvement est égal » c'est-à-dire uniforme et « continu », comme la chose apparait clairement dans le corps céleste. Mais l’âme inférieure qu’atteint la vertu de l’intelligence par la médiation de l'âme supérieure, reçoit une impression plus faible dans son propre corps, en tant qu’elle est une cause inférieure. C’est pourquoi, ce qu'elle imprime au corps, comme la vie et autres choses, est « affaibli » à cause de ce que le corps est passible sous l'action d'agents extérieurs; est « évanescent », si on le prend du cote du principe intérieur de changement; est « destructible » enfin, puisque ce que l’âme opère dans le corps cesse, au terme, d'être totalement. « Cependant », le corps, d'une certaine façon, participe l’éternité, selon l'espèce et ce, grâce à la génération. En cela, l'auteur de ce livre juge mieux que les Platoniciens puisqu'il attribue la corruptibilité des corps humains à la débilité de l’impression de l'âme, alors que les Platoniciens posaient que l’âme humaine avait un corps incorruptible toujours uni à elle. Il apparait que, d'après l’auteur, quand l'âme humaine sera parfaite par son union à la cause première, elle imprimera au corps une vie éternelle. Ce qui s’accorde avec la foi catholique qui confesse la vie future éternelle, non seulement pour l’âme, mais aussi pour le corps, après la résurrection.

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Enfin, l’auteur fait un épilogue qui résume ce qui a été dit dans les deux propositions 4 et 5. Précisons que ce que nous avons dit relativement aux âmes célestes, nous l’avons rapporte à titre d’opinion39[39] et non comme une vérité à laquelle nous adhérerions.

Lectio 6

[84241] Super De causis, l. 6 Postquam auctor huius libri distinxit esse superius generaliter in tres gradus quorum primus est supra aeternitatem, quod convenit causae primae, secundus cum aeternitate, quod convenit intelligentiae, tertius est infra aeternitatem et supra tempus, quod convenit animae, hic incipit prosequi de singulis gradibus, et primo de causa prima, secundo de intelligentia, in 7 propositione, ibi: intelligentia est substantia etc., tertio de anima, 14 propositione, ibi: in omni anima et cetera. De causa autem prima hoc est quod potissime scire possumus quod omnem scientiam et locutionem nostram excedit; ille enim perfectissime Deum cognoscit qui hoc de ipso tenet quod, quidquid cogitari vel dici de eo potest, minus est eo quod Deus est. Unde Dionysius dicit I capitulo mysticae theologiae, quod homo secundum melius suae cognitionis unitur Deo sicut omnino ignoto, eo quod nihil de eo cognoscit, cognoscens ipsum esse supra omnem mentem. Et ad hoc ostendendum inducitur haec propositio: causa prima superior est narratione. Per narrationem autem oportet affirmationem intelligi, quia quidquid de Deo affirmamus non convenit ei secundum quod a nobis significatur; nomina enim a nobis imposita significant per modum quo nos intelligimus, quem quidem modum esse divinum transcendit. Unde Dionysius dicit II capitulo caelestis hierarchiae quod negationes in divinis sunt verae, affirmationes vero incompactae vel

6) La Cause première est supérieure au discours, et les langues échouent à discourir d'elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause ; et on en peut discourir seulement par les causes secondes, qui sont illuminées par la lumière de la cause première. Après avoir distingue « l’être supérieur » en trois degrés dont le premier est « au-dessus de l’éternité », ce qui convient à la Cause première; le second « avec l’éternité », ce qui convient a l'intelligence; le troisième « au-dessus du temps », ce qui convient à l’âme, l’auteur de ce livre commence à traiter de chacun de ces degrés. De la cause première d'abord; puis de l’intelligence, a la proposition 7 ou il dit : « L'intelligence est une substance intelligible etc. »; enfin de l’âme, à la proposition 14, là où est dit : « Dans toute âme, les choses sensibles sont etc. ». De la cause première, ce que nous pouvons savoir par-dessus tout, c'est qu'elle excède toute notre science et tous nos discours. En effet, celui-là connait très parfaitement Dieu qui sait de lui ceci : tout ce qui peut être pense et tout ce qui peut être dit de Lui est bien moindre que tout ce que Dieu est. Denys dit bien au premier livre de sa Théologie mystique40[40] que « la meilleure connaissance par laquelle l’homme est uni à Dieu est celle qui l’y unit comme à

39[39] « A titre d'opinion » traduisant recitando : saint Thomas précise bien ici qu'il récite l’opinion des autres. 40[40] Cf. TM., I, § 3, 1001 A.

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inconvenientes. Hanc etiam propositionem Proclus ponit CXXIII sui libri, sub his verbis: omne quod ens ipsum quidem propter supersubstantialem unionem indicibile est et incognoscibile omnibus secundis, a participantibus autem capabile est et cognoscibile: propter quod solum primum penitus ignotum tamquam amethectum ens. Per hoc autem quod dicit quod ens, intelligit omnem formam idealem secundum Platonicorum positiones, puta per se hominem, per se vitam et cetera huiusmodi, quae deos dicebant, ut supradictum est; huiusmodi autem habent unitatem, secundum ipsos, supersubstantialem, quia excedunt omnia subiecta participantia; et ideo dicit quod neque dici neque cognosci potest unumquodque eorum ab inferioribus, sed a superioribus cognosci possunt, puta idea vitae cognosci potest ab idea entis. Et, quamvis non possint perfecte cognosci vel dici ab inferioribus, aliqualiter tamen capi et cognosci possunt a participantibus, id est per participantia, sicut per ea quae participant vitam aliquid cognoscitur de ipsa vita. Sed illud quod est primum simpliciter, quod, secundum Platonicos, est ipsa essentia bonitatis, est penitus ignotum, quia non habet aliquid supra se quod possit ipsum cognoscere; et hoc significat quod dicitur amethectum, id est non post existens alicui. Et, quia auctor huius libri non concordat cum Platonicis in positione aliarum naturarum separatarum idealium, sed ponit solum primum, ut supra dictum est, ideo praetermissis aliis de hac causa prima dicit quod est superior narratione. Et causam assignat propter suam supersubstantialitatem, sicut et Proclus, et hoc est quod subdit in propositione: et non deficiunt linguae a narratione eius nisi propter narrationem ipsius, quoniam ipsa est super omnem causam. Qualiter autem narretur, ostendit subdens: et non narratur nisi per causas secundas quae illuminantur lumine causae primae; et hoc est idem ei quod Proclus dixit quod a participantibus

un Dieu tout à fait inconnu, puisqu’il ne connait rien de Lui, connaissant que son être est au-dessus de tout esprit ». Pour prouver tout cela, l’auteur introduit cette proposition : « La cause première est au-dessus de tout discours ». Par « discours », il faut comprendre affirmation. Car tout ce qui est affirme de Dieu ne lui convient pas selon ce qui est signifie par nous. En effet, les noms tels que nous les attribuons signifient selon le mode de notre intellection; mais ce mode est transcende par le mode de l’être divin. Aussi Denys dit-il au livre II De la hiérarchie céleste41[41] que « les négations seules au sujet de Dieu sont vraies, les affirmations mal adaptées et inconvenantes ». C'est en ces termes que Proclus pose la proposition homologue, la 123e des Eléments : « Tout étant, en raison de son unité suressentielle, est ineffable et inconnaissable pour tous ses dérives seconds, mais il est compréhensible et connaissable par ses participants; c'est pourquoi seul le premier est totalement inconnu en tant qu'il est imparticipable ». Comprenons qu'il appelle « étant » toute forme idéale, conformément à la thèse des Platoniciens; par exemple, l’homme par soi, la vie par soi etc. qui sont dits « dieux », comme on l’a vu plus haut. De telles formes ont, selon eux, une unité super-essentielle, parce qu'elles excèdent tout sujet participant. C’est pourquoi il dit que rien de ces formes ne peut être dit ni connu par leurs inférieurs mais par leurs supérieurs seulement : par exemple l’idée de vie peut être connue par celle d’être. Bien qu’elles ne puissent être connues ni dites par leur inférieurs, elles peuvent toutefois être saisies et connues en quelque manière » par leurs participants », c’est-à-dire par les choses qui les participent : quelque chose de la vie est connu par ce qui participe la vie. Mais ce qui est premier absolument - qui selon les Platoniciens est l’essence même de la

41[41] La hiérarchie céleste., II, § 3, 141 A.

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capabile est et cognoscibile. Hoc autem quod dictum est in propositione probatur per hunc modum; tripliciter enim aliquid cognoscitur: uno modo sicut effectus per causam, alio modo per seipsum, tertio modo per effectum. Primo ergo ostendit quod causa prima non cognoscitur primo modo, scilicet per causam, cum dicit quod causa prima non cessat illuminare causatum suum, et ipsa non illuminatur lumine alio, quoniam ipsa est lumen purum supra quod non est lumen. Ad cuius intellectum considerandum est quod per lumen corporale visibilia sensibiliter cognoscuntur, unde illud per quod aliquid cognoscitur, per similitudinem lumen dici potest; probat autem philosophus in IX metaphysicae quod unumquodque cognoscitur per id quod est in actu; et ideo ipsa actualitas rei est quoddam lumen ipsius et, quia effectus habet quod sit in actu per suam causam, inde est quod illuminatur et cognoscitur per suam causam. Causa autem prima est actus purus, nihil habens potentialitatis adiunctum; et ideo ipsa est lumen purum a quo omnia alia illuminantur et cognoscibilia redduntur. Et ex hoc concludit ulterius quod sola causa prima sic est prima quod non potest narrari, quia non habet causam superiorem per quam narretur; res enim consueverunt narrari per suas causas. Et, quia a cognitione processit ad narrationem, ostendit consequenter quod causa prima, cum sit supra cognitionem, oportet quod sit supra narrationem: et hoc ideo quia narratio, id est affirmatio, fit per loquelam, id est per aliquem sermonem significativum, loquela autem est per intelligentiam, quia voces significativae sunt signa intellectuum, intelligentia autem fit per cogitationem, id est per rationem,- et hoc est verum in hominibus, qui ratiocinando perveniunt ad intellectum veritatis,- et cogitatio per meditationem, id est per imaginationem et ceteras vires sensitivas interiores quae deserviunt rationi humanae, et meditatio fit per sensum, quia phantasia est motus factus a sensu secundum actum ut dicitur

bonté - est tout à fait inconnu parce qu'il n'y a pas au-dessus de lui quelque chose qui puisse le connaitre : c'est ce que signifie « imparticipable », c’est-à-dire qui n'existe pas après quelque chose. Et parce que l'auteur de ce livre ne s'accorde pas avec les Platoniciens dans la position de natures idéales séparées, mais que, selon lui, il n'y a qu'un seul premier, négligeant les autres caractères de la cause première, il dit que « elle est supérieure à tout discours ». La raison en est, comme pour Proclus, sa super essentialité. Aussi ajoute-t-il : « Et les langues échouent à discourir d’elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause ». Comment parler d’elle, l’auteur le montre en ajoutant : « elle n'est dite que par les causes secondes qui sont illuminées par la lumière de la cause première ». C'est la même chose que dit Proclus quand il dit : « il est compréhensible et connaissable par ses participants ». Ce qui est affirme dans cette proposition est prouve de la façon suivante. Quelque chose peut être connu d'une triple manière : comme l’effet par sa cause; en lui-même; par son effet. L’auteur montre d’abord que la cause première ne peut être connue selon le premier mode, à savoir par sa cause, lorsqu’il dit : « la cause première ne cesse d'illuminer son effet, elle n'est pas illuminée par une autre lumière puisqu'elle est la lumière pure au-dessus de laquelle il n'est point de lumière ». Pour comprendre cela, il faut considérer que les réalités visibles sont sensiblement connues par la lumière corporelle; et c’est par analogie qu'on peut appeler lumière, ce par quoi quelque chose est connu. Le Philosophe prouve au livre IX de sa Métaphysique que chaque chose est connue par ce qui est en acte; aussi l'actualité même de la chose est-elle pour elle une certaine lumière; et parce que l’effet tient de sa cause le fait d’être en acte, il est illuminé et connu par sa cause. La cause première étant acte pur sans

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in libro de anima; unde, cum causa prima sit super omnes res, excedit omnia praedicta. Et hoc etiam Dionysius ponit I capitulo de divinis nominibus, dicens: et neque sensus est eius, neque fantasia, quod iste nominat meditationem, neque opinio, quod iste nominat rationem, neque nomen, quod iste nominat loquelam, neque sermo, quod iste nominat narrationem, neque scientia, quod iste nominat intelligentiam. Secundo vero ostendit quod non cognoscitur secundo modo, scilicet per seipsam. Et hoc probat per diversos modos cognitionum: eorum enim quae per se cognoscuntur, quaedam cognoscuntur sensu, sicut res sensibiles, quaedam meditatione sive imaginatione, sicut res imaginabiles quae sensui non subiacent, quaedam vero intellectu, sicut res necessariae et immobiles, quaedam vero ratione sive cogitatione, sicut res generabiles et corruptibiles, secundum quem modum philosophus in VI Ethicorum dicit quod ratiocinativum est circa ea quae contingit aliter se habere; unde, cum causa prima sit supra omne huiusmodi genus rerum, nullo istorum modorum cognosci potest. Hanc etiam probationem inducit Proclus nisi quod meditationem ponit loco cogitationis et opinionem loco meditationis. Et quidem circa hanc rationem manifestum est quod causa prima est supra res sensibiles et imaginabiles et corruptibiles; sed, quod sit supra res intelligibiles sempiternas, non est manifestum. Et haec probatio hic praetermittitur, sed Proclus probat per hoc quod omnis cognitio intellectualis vel rationalis est entium: illud enim quod primo acquiritur ab intellectu est ens, et id in quo non invenitur ratio entis non est capabile ab intellectu; unde, cum causa prima sit supra ens, consequens est quod causa prima sit supra res intelligibiles sempiternas. Causa autem prima, secundum Platonicos quidem, est supra ens in quantum essentia bonitatis et unitatis,

aucune potentialité à elle adjointe, elle est pure lumière par laquelle toute chose est illuminée et rendue connaissable. Il conclut que seule la cause première est à ce point première qu'elle ne peut être l'objet d'un discours parce qu'elle n'a pas de cause supérieure par laquelle elle pourrait être dite. On a l’habitude, en effet, de discourir des choses à partir de leurs causes. Et parce que le discours procède de la connaissance, l’auteur montre en conséquence que la cause première, étant au-dessus de toute connaissance, doit être au-dessus de tout discours. Le « discours », c’est-à-dire l'affirmation, « advient par le langage », c’est-à-dire par un propos significatif; le « langage » advient par l’« intelligence », puisque les sons de voix significatifs sont les signes des choses intelligées; l’« intelligence » advient par la « cogitation », c’est-à-dire par la raison. Tout ceci est vrai chez les hommes qui parviennent à l’intelligence de la vérité en la ratiocinant. Quant à « la cogitation, elle advient par la méditation », c'est-à-dire par l'imagination et autres puissances de connaissance sensible interne qui sont au service de la raison humaine; enfin la « méditation » advient par le sens, puisque le phantasme procède du sens en acte, comme il est dit au De anima42[42]. Aussi la « cause première », étant au-dessus de « toutes choses », transcende-t-elle toutes les opérations dont on vient de parler. Tout ceci Denys le dit au chapitre 1 des Noms divins43[43] : « II n'y a ni sensation ni phantasme de Dieu », ce qui ici est appelé « méditation »; « ni opinion », ce qu'on nomme ici « cogitation »; « ni nom », autrement dit ici « langage »; « ni conversation », nommée ici « discours »; « ni science » appelée par notre auteur » intelligence ». Puis l’auteur montre que la Cause première ne peut être connue selon la seconde façon, à savoir en elle-même. Il

42[42] Cf. De Anima, III, 3, 29 a 1-2. 43[43] Les noms divins, I, § 5, 593 A.

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quae est causa prima, excedit etiam ipsum ens separatum, sicut supra dictum est. Sed secundum rei veritatem causa prima est supra ens in quantum est ipsum esse infinitum, ens autem dicitur id quod finite participat esse, et hoc est proportionatum intellectui nostro cuius obiectum est quod quid est ut dicitur in III de anima, unde illud solum est capabile ab intellectu nostro quod habet quidditatem participantem esse; sed Dei quidditas est ipsum esse, unde est supra intellectum. Et per hunc modum inducit hanc rationem Dionysius I capitulo de divinis nominibus, sic dicens: si cognitiones omnes existentium sunt, et si existentia finem habent, in quantum scilicet finite participant esse, qui est supra omnem substantiam ab omni cognitione est segregatus. Tertio ostendit quomodo causa prima cognoscitur per effectum. Et dicit quod causa prima non significatur in his quae de ipsa dicuntur, nisi ex causa secunda quae est intelligentia: sic enim loquimur de Deo quasi de quadam substantia intelligente; et hoc ideo quia intelligentia est suum causatum primum, unde est Deo simillima et per ipsam maxime cognosci potest. Sed tamen non sufficienter cognoscitur per eam, quia illud quod est intelligentia est in causa prima altiori modo, causa autem excedens effectum non sufficienter cognosci potest per suum effectum. Sic ergo patet quod causa prima superior est narratione, quia neque per causam, neque per seipsam, neque per effectum sufficienter cognosci aut dici potest.

le prouve en examinant les diverses modalités de la connaissance. En effet, parmi les choses qui sont connues par soi, certaines, « comme les « réalités sensibles », sont connues par les « sens »; d’autres, par la « méditation » ou imagination, comme les choses imaginables qui ne tombent pas sous les sens; d’autres, par l’ intellect, comme les choses nécessaires et immobiles; d’autres, par la raison ou « cogitation », comme les choses générables et corruptibles, conformément à ce qui dit le Philosophe au livre VI de l’ Ethique44[44] : le ratiocinable porte sur ce à quoi il arrive de se comporter autrement. Comme la cause première est au-dessus de tous ces genres de choses, elle ne peut être connue par aucun de ces modes. Cette preuve, Proclus l'introduit, à cette différence près qu'il remplace « cogitation » par « méditation » et « méditation » par « opinion ». Il est manifeste que la cause première est au-dessus des choses sensibles, imaginables et corruptibles, mais il ne l’est pas qu’elle soit au-dessus des réalités intelligibles et éternelles. L’auteur a oublié ici d'en apporter la preuve. Proclus, non pas, qui argumente en disant que « toute connaissance intellectuelle et rationnelle porte « sur les étants »45[45] : ce que saisit premièrement l'intellect est l’être, et ce en quoi n'est pas trouvée la raison d'être ne peut être saisi par l'intellect; aussi, la cause première étant au-dessus de l’être, est-elle au-dessus des réalités intelligibles et éternelles. Selon les Platoniciens, la cause première est au-dessus de l’étant en tant qu’elle est l’essence de la bonté et de l’unité; à ce titre, elle transcende l’étant séparé, comme on l’a dit plus haut. Mais, selon la vérité de la chose, la cause première est au-dessus de l'étant en tant qu’elle est l’être infini. L’étant, c’est ce qui participe l’être de façon finie et est proportionné à notre intelligence dont

44[44] Cf. VI, 2, 113912- 13. 45[45] Eléments, prop. 123.

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l'objet est ce qui est, comme il est dit au livre III du De anima46[46]. Aussi cela seul est-il saisissable par notre intellect qui a une quiddité participant l’être; or la quiddité de Dieu est l'être même; c'est pourquoi il est au-dessus de notre intellect. Denys introduit de la même manière cet argument au livre I des Noms divins47[47]. « Si toutes les pensées portent sur les choses existantes et si toutes les choses existantes sont finies » - en tant qu’elles participent de façon finie l’être -, « celui qui est au-dessus de toute substance est séparé de toute pensée ». Troisièmement et enfin, l’auteur montre comment la cause première est connue par ses effets. Il dit que la cause première « n’est pas signifiée » par les choses qui sont dites d'elle, « sinon à partir de la cause seconde qu'est l'intelligence » : ainsi, en effet, nous parlons de Dieu comme de quelque substance intelligente. C'est pourquoi, l'intelligence étant « son premier causé » elle est semblable à Dieu qui peut être connu surtout par elle. Cependant Dieu n'est pas suffisamment connu par elle puisque ce qu'est l'intelligence est dans la cause première selon un mode plus haut : la cause première transcendant l’effet, ne peut être connue suffisamment par son effet. Il est donc évident que la « cause première est supérieure à tout discours » puisqu'elle ne peut être suffisamment connue ou dite par sa cause, ni par elle- même, ni par son effet.

Lectio 7

[84242] Super De causis, l. 7 Postquam primum gradum superioris esse, scilicet primam causam, dixit inenarrabilem esse, nunc accedit ad secundum gradum, scilicet ad intelligentias; et primo determinat de intelligentia quantum ad sui substantiam, secundo quantum ad eius cognitionem, in 8

7) L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée Après avoir dit que le premier degré de l’être supérieur, à savoir la cause première, est ineffable, l’auteur traite du second degré, c est-à-dire des intelligences. Il traite d'abord de l’ intelligence quant à sa substance, puis

46[46] Cf. III, 4, 429 b 10 sq. 47[47] Les noms divins, I, § 4, 593 A.

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propositione, ibi: omnis intelligentia scit et cetera. Circa primum sciendum est quod ea quae sunt superioris ordinis cognosci non possunt sufficienter per ea quae sunt ordinis inferioris, eo quod superiora excedunt inferiorum modum et virtutem. Quia vero humana cognitio a sensu initium sumit, ea quae nostris sensibus offeruntur, cognoscere sufficienter possumus; sed ex his in superiorum cognitionem pervenire non possumus, nisi secundum ea quae cum sensibilibus nobis notis habent communia. Ea vero quae totaliter nostris sensibus offeruntur, sunt inferiora corpora cum quibus superiora corpora in essentiae specie non conveniunt nec in naturae conditione; conveniunt autem in ratione quantitatis et luminis et eorum quae ad haec sequuntur, et ideo pertingere possumus ad cognoscendum de superioribus corporibus et claritatem ipsorum, secundum quam sunt nobis visibilia, et quantitatem magnitudinis et motus ipsorum, et figuram, et etiam genus ipsorum secundum modum quo conveniunt in genere cum inferioribus corporibus; propriam autem naturam ipsorum secundum rationem speciei scire non possumus, nisi per negationem in quantum transcendit inferiorum corporum naturam, unde Aristoteles in I de caelo probat caeleste corpus non esse neque grave, neque leve, neque generabile, neque corruptibile. Similiter etiam intelligentia transcendit totum ordinem corporalium rerum. Quia tamen sua quidditas vel essentia non est ipsum suum esse, sed est res subsistens in suo esse participato, ideo quodammodo convenit in genere cum corporibus quae etiam in suo esse subsistunt; et sic secundum logicam intentionem utrumque ponitur in genere substantiae. Et ideo intelligentia quidem notificari potest enarrative sive affirmative quantum ad suum genus, ut dicatur esse substantia; sed quantum ad differentiam specificam enarrari non potest, sed oportet quod per negationem nobis notificetur in

quant à sa connaissance, à la proposition 8 ou il dit : « Toute intelligence connaît etc. ». A propos du premier point, il faut savoir que les choses qui sont d'un ordre supérieur ne peuvent être suffisamment connues par celles qui sont d'un ordre inférieur, et cela parce que les réalités supérieures transcendent le mode et la puissance des réalités inférieures. Comme le point de départ de la connaissance humaine est la sensation, il nous est possible de connaitre convenablement les réalités qui s’offrent à nos sens; mais nous ne pouvons pas parvenir, à partir d'elles, à la connaissance des réalités supérieures, sinon en ce qu’elles ont de commun avec les choses sensibles connues de nous. Or les réalités qui s'offrent totalement à nos sens sont les corps inférieurs avec lesquels les corps supérieurs n’ont en commun ni l’espèce ni la manière d'être. Ils s'accordent entre eux seulement du point de vue de la quantité, de la lumière et de ce qui va avec. C’est pourquoi nous pouvons parvenir à connaitre des corps supérieurs leur clarté selon laquelle ils sont visibles pour nous; la quantité de leur grandeur et leur mouvement; leur figure et même leur genre, selon le mode par lequel elles s'accordent dans ce genre avec les corps inférieurs. Mais la nature propre de ces corps, selon la raison de l’espèce, nous ne pouvons la connaitre, sinon par négation en tant qu’elle dépasse la nature des corps inférieurs. Aussi Aristote prouve-t-il au livre I du De caelo48[48] que les corps célestes ne sont ni lourds, ni légers, ni corruptibles, ni générables. De la même façon, l’intelligence transcende tout l’ordre des réalités corporelles. Cependant, parce que sa quiddité ou essence n’est pas son être même mais qu'elle est une chose subsistante dans son être participe, elle s’accorde en quelque façon avec le genre des corps qui

48[48] Cf. I, 3, 269 b 18-270 a 23.

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quantum transcendit totum ordinem corporalium rerum quibus convenit divisibilitas. Et ideo, notificans intelligentiae essentiam prout a nobis notificari potest, proponit hanc propositionem: intelligentia est substantia quae non dividitur. Causa autem prima non est natura subsistens in suo esse quasi participato, sed potius est ipsum esse subsistens, et ideo est supersubstantialis et simpliciter inenarrabilis. Ponit autem et Proclus in suo libro hanc propositionem CLXXI, sub his verbis: omnis intellectus impartibilis est substantia. Quod autem dictum est probatur per divisionem et, quantum ex verbis hic positis apparet, praemittitur duplex divisio. Quarum prima est ex parte ipsius rei dividendae quae habet magnitudinem stantem et quantitatem fluentem, sicut est in tempore et motu; et hoc est quod dicit: quod est quia si non est cum magnitudine neque corpus neque movetur, tunc procul dubio non dividitur. Per hoc enim quod dicit: si non est cum magnitudine neque corpus, excludit magnitudinem stantem, id est habentem situm; et dicit: neque cum magnitudine neque corpus, quia corpus est magnitudo completa divisibilis secundum omnem dimensionem, superficies autem et linea sunt magnitudines incompletae secundum unam vel duas partes; vel, hoc quod dicit: si non est cum magnitudine, ponitur ad excludendum ea quae sunt quanta per accidens, sicut albedo et similia. Aliam divisionem ponit ex parte ipsius divisionis; et dicit quod omne quod dividitur, vel dividitur secundum multitudinem, id est secundum quantitatem discretam, vel secundum magnitudinem, quae est divisio secundum quantitatem continuam habentem situm, vel secundum motum, quae est divisio quantitatis continuae non habentis situm. Eadem enim est divisio temporis et motus, ut probatur in VI physicorum. In prima autem divisione praetermisit de multitudine, quia divisio quae est secundum numerum consequitur divisionem continui, ut patet in III physicorum; et ideo in quibus non est

subsistent eux aussi dans leur être participé. Aussi l'un et l’autre sont-ils places, selon l'intention logique, sous le prédicament substance. L'intelligence peut donc être l’objet d'un discours ou d'une affirmation quant à son genre, puisqu'elle est dite être une substance. Mais quant à la différence spécifique, elle ne peut être l’objet d'un discours : il nous faut la designer négativement en tant qu’elle dépasse tout l’ordre des réalités corporelles auxquelles convient la divisibilité. Désignant l’essence de l'intelligence selon qu’elle peut être désignée par nous, l’auteur propose cette formule : « L'intelligence est une substance qui n'est pas divisée ». La cause première, quant à elle, n'est pas line nature subsistant en son être participe, mais elle est plut6t l'être lui-même subsistant, c'est pourquoi elle est suressentielle et absolument ineffable. Dans son livre, à la proposition 171, Proclus dit la même chose en ces termes : « Tout intellect est une substance indivisible ». C’est par mode de division que l’auteur le prouve; et il avance - les termes même employés semblent l'attester - une double division. La première division a trait à la chose même à diviser qui a une grandeur fixe et une quantité changeante, comme l'est ce qui est dans le temps et le mouvement. C'est ce qu'il dit : « Cela s'explique ainsi : si elle n'a ni grandeur, ni corps, ni mouvement, sans aucun doute elle n'est pas divisée ». Par le fait même qu'il dit : « si elle n'a ni grandeur ni corps », il exclut la grandeur fixe, c’est-à-dire celle qui a une position. Et il dit : « ni grandeur ni corps », parce que le corps est une grandeur complète divisible selon toutes ses dimensions -les superficies et les lignes étant des grandeurs incomplètes prises selon une ou deux dimensions. En disant : « si elle est sans grandeur », il exclut aussi les choses qui ont une quantité par accident, comme la blancheur et choses semblables. La seconde division est faite à partir de la division même. «

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divisio secundum magnitudinem, non est divisio secundum multitudinem. His autem divisionibus positis, ostendit quod nullo praedictorum modorum intelligentia dividitur. Et videtur esse probatio talis: omne quod dividitur, dividitur in tempore; est enim divisio quidam motus ab unitatem in multitudinem; sed intelligentia non est in tempore, sed est in aeternitate totaliter, ut supra habitum est in 2 propositione; ergo excedit omnem praedictum divisionis modum. Et haec quidem est expositio huius propositionis secundum quod ex verbis hic positis apparet. Sed sciendum est verba hic posita ex vitio translationis esse corrupta, ut patet per litteram Procli, quae talis est: si enim est sine magnitudine et incorporeus et immobilis, impartibilis est. Quod vero sequitur, non inducitur per modum alterius divisionis, sed per modum probationis; sic enim subdit: omne enim qualitercumque partibile aut secundum multitudinem, aut secundum magnitudinem, aut secundum operationes est partibile. Et statim probat quod non sit partibile secundum operationes, nam addit: in tempore latas, quasi dicat: omnes operationes partibiles sunt in tempore. Et subdit: intellectus autem secundum omnia est aeternalis et ultra corpora, et unita est quae in ipso multitudo; impartibilis ergo est. Singulum praedictorum supra positorum ostendit. Et primo prosequitur de incorporeitate, sic dicens: quod quidem igitur incorporeus sit intellectus, quae ad seipsum conversio manifestat, est autem conversio intellectus ad seipsum in hoc quod seipsum intelligit; corporum enim nullum ad seipsum convertitur. Et hoc quidem supra probaverat, praemittens XV propositionem talem: omne quod ad seipsum conversivum est, incorporeum est. Quod sic probat: nullum enim corporum ad seipsum natum est converti. Si enim quod convertitur ad aliquid copulatur illi ad quod convertitur, palam itaque quia et

Tout » ce qui est divise « est divisé » selon « la multiplicité », c’est-à-dire la quantité discrète, ou selon « la grandeur », c’est-à-dire la quantité continue ayant une position, ou selon « le mouvement », c’est-à-dire la quantité continue n’ayant pas de position. En effet, c'est une même division que celle qui divise le temps et le mouvement, comme le dit le Philosophe au livre VI de sa Physique49[49]. Dans sa première division, il a oublié celle de la multiplicité parce que la division qui est selon le nombre suit celle du continu, comme c’est dit au livre III de la Physique 2. C'est pourquoi dans les choses ou il n'y a pas de division selon la grandeur, il n'y en pas non plus selon la multiplicité. Ces divisions étant faites, l'auteur montre que l’intelligence n'est divisée selon aucun des modes précités. Et la raison en est telle : tout ce qui est divise est divisé » dans le temps »; en effet, toute division suppose un certain mouvement de l’unité vers la multiplicité. Mais « l’intelligence n’est pas dans le temps », elle est tout entière « dans l’éternité », comme il a été montre dans la proposition50[50]; elle transcende donc tous les modes de division. Il s’agit là du commentaire de cette proposition d’après les termes employés. Mais il faut savoir que ces termes sont inexacts et dus à une erreur de transmission. Cela apparait si l’on se rapporte à la formulation de Proclus : « S'il est sans dimension, incorporel et immobile, il est indivisible »51[51]. Proclus n’introduit pas sa proposition par mode de division mais par mode de preuve. Il ajoute d’ailleurs : « N'importe quel être divisible est divisible ou bien par sa multiplicité ou bien par ses dimensions ou bien par ses opérations ». Aussitôt après, Proclus prouve que l’intellect n’est pas divisible selon ses opérations, en ajoutant

49[49] Cf. VI, 1-2, 232 a 18-233 a 17. 50[50] Cf. III, 1, 200 b 15-20. 51[51] Eléments, prop. 171.

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omnes partes corporis, eius quod ad seipsum convertitur, ad omnes copulabuntur. Quod est impossibile in omnibus partibilibus, propter partium separationem, aliis earum alibi iacentibus. Et haec quidem probatio hic subditur satis confuse, cum dicitur: et significatio quidem illius, scilicet quod intelligentia non sit corpus, est reditio super essentiam suam, id est quia convertitur supra seipsam intelligendo se, quod convenit sibi quia non est corpus vel magnitudo habens unam partem ab alia distantem. Et hoc est quod subdit: scilicet quia non extenditur, extentione scilicet magnitudinis, cum re extensa, id est magnitudinem habente, ita quod sit una suarum extremitatum secunda ab alia, id est ordine situs ab alia distincta. Et, quia posset aliquis credere quod intelligentia extenderetur intelligendo corpora quasi contingendo ipsa, hoc excludit subdens: quod est quia quando vult scientiam rei corporalis, non extenditur cum ea, ut scilicet sua magnitudine magnitudinem intelligat, sicut Empedocles voluit, sed ipsa stat fixa secundum suam dispositionem, id est non distrahitur in diversas partes. Et hoc probat per hoc quod subdit: quoniam est forma a qua non pertransit aliquid. Magnitudo enim non est nisi in materia, sed intelligentia est forma immaterialis a qua aliquid non pertransit, vel quia una pars eius non distat ab alia, vel quia, licet sit indivisibilis, nihil de re habente magnitudinem praeterit eius cognitionem; subdit autem: et corpora quidem non sunt ita. Ex quo concludi potest quod intelligentia non sit corpus. Deinde, secundum quod apparet ex verbis hic positis, inducitur alia probatio ad ostendendum quod intelligentia non sit corpus, quia scilicet tam eius substantia quam eius operatio est indivisibilis, et utrumque habet unitatem indivisibilitatis quod in corporibus esse non potest; nam corpus et secundum substantiam suam dividitur divisione magnitudinis et secundum operationem suam dividitur divisione temporis, quorum neutrum

: « étalées dans le temps », laissant entendre que toute opération d'une réalité divisible a lieu dans le temps. Et il poursuit : « L'intellect au contraire est eternel à tous points de vue, il est au-delà des corps et la multiplicité qui est en lui est unifiée. Il est donc Indivisible ». Puis, il en manifeste chaque point. Le premier point à établir est relatif à l’ incorporéité de l'intelligence : « Que l'intellect soit incorporel, c’est ce que manifeste sa conversion vers soi-même ». La conversion de l’intellect vers soi-même consiste en ce qu'elle s'intellige elle-même : « car aucun corps ne se convertit vers soi-même ». Et ceci a été prouve plus haut à la proposition 15, laquelle dit : « Tout ce qui a le pouvoir de se convertir vers soi-même est incorporel ». Ce que Proclus prouve ainsi : « Aucun corps n'est capable par nature de se convertir vers soi-même. Car si ce qui se convertit à quelque chose est uni au terme de sa conversion, il est évident que toutes les parties d'un corps qui se convertit vers soi seraient unies à toutes. Ce qui est impossible pour toutes les choses divisibles, à cause de la séparation des parties étendues ici et la, les unes à « côté des autres ». Chez notre auteur, cette preuve est ajoutée en des termes confus et implicites : « et la preuve en est » - à savoir que l’intelligence n'est pas un corps- » le retour de l’intelligence sur sa propre essence », parce qu'elle se convertit vers elle-même en s'intelligeant, ce qu'elle peut faire des lors qu'elle n'est ni corps ni grandeur aux parties éloignées les unes des autres. D'où son ajout, « c’est-à-dire qu'elle ne devient pas coextensive », selon l’ extension de la grandeur, « à la chose étendue », à savoir à celle qui a une grandeur, « de sorte qu'une de ses extrémités soit après l’autre », c'est-à-dire séparée de l'autre dans l’ordre de la position. Et parce que quelqu'un pourrait croire qu'en intelligeant les choses corporelles, l’intelligence prend de l’extension, il ajoute : « La raison en est

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convenit intelligentiae. Sed in libro Procli inducitur hoc ad probandum aliud membrum, scilicet ad ostendendum quod intelligentia non dividitur secundum motum; dicit enim sic: quod autem intellectus sit aeternalis, manifestat operationis ad substantiam identitas. Et est virtus probationis huius quia res illa cui sua operatio accidentaliter advenit, secundum illam operationem variationem recipit, ut quandoque operetur et quandoque non operetur, vel quandoque magis quandoque minus operetur; res autem illa cui convenit sua operatio secundum suam essentiam, invariabiliter operatur, et talis est intelligentia cui convenit intellectualis operatio secundum naturam suae essentiae. Deinde ostendit tertium membrum, scilicet quod intelligentia non dividatur secundum multitudinem, et ad hoc manifestandum inducit quod oportet aliquam multitudinem in intelligentia ponere. Proveniunt enim bonitates multae a causa prima, cuius multiplicationis ratio est quia intelligentia non potest attingere ad simplicitatem unitatis primae causae, et ideo perfectio bonitatis quae in prima causa est unita et simplex, multiplicatur in intelligentia in plures bonitates. Et tamen, quamvis sit multitudo bonitatum in intelligentia, tamen ista multa indivisibiliter sibi invicem cohaerent; non enim potest esse quod retineat esse et amittat vitam, vel quod retineat vitam et amittat cognitionem, sicut accidit in istis inferioribus. Et hoc ideo quia, cum intelligentia sit primum creatum, propinquissima est primae causae; et ideo, quae sunt in intelligentia, nobilissimo modo conveniunt ei post primam causam, unitas autem et indivisibilitas nobilior est quam divisio; unde intelligentia indivisibiliter habet multitudinem bonitatum quas participat a causa prima. Et ad idem etiam redit probatio quam Proclus inducit. Ultimo autem concludit propositum, quasi iam probatum, cum dicit: iam ergo verificatum est et cetera.

que lorsqu’elle veut connaître la chose corporelle, elle ne lui devient pas coextensive », comme si elle intelligeait la grandeur par la grandeur selon ce que voulait Empédocle, « mais elle subsiste stable selon sa disposition », c’est-à-dire n'est pas étalée en diverses parties. Ce qui suit le prouve : « Puisqu'elle est une forme d'où rien ne s'écoule ». La grandeur, en effet, n'existe pas sinon dans une matière, mais l’intelligence est une forme immatérielle d'où rien ne s’écoule. Ceci peut s’expliquer de deux façons : soit que ses parties ne sont pas distantes les unes des autres; soit que, bien qu'indivisible, rien de ce qui a une grandeur n'échappe à sa connaissance. L'auteur ajoutant : « Des corps, en vérité, il n'en est pas ainsi », on peut conclure que l'intelligence n’est pas un corps. Ensuite, et d'après ce qu'il dit, l’auteur introduit une autre preuve pour montrer que « l’intelligence n’est pas un corps » : elle est indivisible autant par « sa substance » que par « son opération », l’une et l’autre ayant une unité d'indivisibilité qui ne peut pas être dans les corps. En effet, le corps est divisé, et selon sa substance par la division de la grandeur, et selon son opération par la division du temps; toutes choses qui ne conviennent pas à l’intelligence. Dans son livre, Proclus introduit cette idée pour prouver autre chose, à savoir que l’in telligence n’est pas divisée selon le mouvement. Il dit ainsi : « Que l’intellect soit éternel, c'est ce que montre l’ identité de son opération avec sa substance »52[52]. La vertu de la preuve est la suivante : la chose pour laquelle l’opération relève de l’accident subit quelque variation dans son opération, de telle sorte que tantôt elle opère, tantôt elle n’opère pas, ou tantôt elle opère plus, tantôt moins. Mais la chose dont l’opération est essentielle opère invariablement : telle est l’ intelligence à qui convient l’opération intellectuelle selon la nature de son

52[52] Eléments. prop. 171.

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essence. Ensuite l’auteur manifeste le troisième point, à savoir que l’intelligence n'est pas divisée selon la grandeur. Pour le manifester, il introduit l’idée selon laquelle il faut bien poser quelque multitude dans l’ intelligence. « Les bontés multiples issues de la cause première » adviennent à l’intelligence; la raison de cette multiplication est que l’intelligence ne peut atteindre à la simplicité de l’unité de la cause première; c'est pourquoi la perfection de la bonté qui est dans la cause première est unifiée et simple, alors qu'elle est multipliée dans l’intel ligence en plusieurs bontés. Cependant, bien qu'il y ait une multitude de bontés dans l’intelligence, celle-ci forme un tout indivisible; il ne se peut pas que l’intelligence contienne l’être sans la vie ou la vie sans la connaissance, comme cela arrive dans les réalités inférieures. Aussi, comme « l’ intelligence est le premier crée », elle est ce qu'il y a de plus proche de la cause première; c'est pourquoi, ce qui convient à l’intelligence lui convient selon le mode le plus noble, après, bien sur, la cause première : « l’unité » et l’indivisibilité est plus noble « que la division »; aussi l’intelligence possède-t-elle indivisiblement la multitude des bontés qu'elle participe de la cause première. La preuve introduite par Proclus revient au même53[53]. Enfin l’auteur conclut la proposition qu'il vient de prouver en disant : « Il est d’ores et déjà avéré que etc. ».

Lectio 8

[84243] Super De causis, l. 8 Posita notificatione intelligentiae quantum ad eius substantiam, hic incipit manifestare cognitionem ipsius. Et primo declarat modum quomodo cognoscat alia a se, secundo quomodo cognoscat seipsam et hoc 13 propositione, ibi: omnis intelligentia intelligit essentiam suam et cetera. Circa primum tria facit. Primo

8) « Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est au-dessous d'elle : mais elle connaît ce qui est au-dessous d'elle parce qu'elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d'elle parce qu’elle en reçoit les bontés » Ayant précisé ce qu'est l’intelligence quant à sa substance, l’auteur commence

53[53] Cf. ibid.

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declarat modum quomodo cognoscit intelligentia et superiora et inferiora; secundo ostendit quid sit ea superius, 9 propositione, ibi: omnis intelligentiae fixio etc.; tertio ostendit quomodo se habeat in cognitionem inferiorum, ibi: omnis intelligentia est plena formis, 10 propositione. Ad declarandum igitur modum quomodo intelligentia cognoscat et superiora et inferiora, ponit talem propositionem: omnis intelligentia scit quod est supra se et quod est sub se: verumtamen scit quod est sub se quoniam est causa ei, et scit quod est supra se quia acquirit bonitates ab eo. Cuius quidem propositionis intellectus quantum ad superficiem videtur esse quod causalitas sit intelligentiae ratio intelligendi. Et hoc quidem, si recte consideretur, non habet veritatem, neque quantum ad id a quo causatur intelligentia, neque quantum ad ea quae causat: non enim causatur a sua causa per suam scientiam, sed potius per scientiam causae causantis ipsam; ea vero quae sub se sunt, quamvis intelligentia causet per suam scientiam, non tamen ideo scit ea quia causat ea, sed potius ideo causat ea quia scit ea. Verus autem intellectus huius propositionis est sic accipiendus. Manifestum est enim quod in ordine rerum causa altiorem gradum obtinet quam causatum; si igitur aliquid sit et causa et causatum, medium gradum obtinet inter utrumque, et huiusmodi est intelligentia, nam ipsa causatur a causa prima et est infra eam, causat autem quodammodo ea quae sunt sub ipsa, ut in 3 propositione est expositum, et ita est supra ea. Vult ergo dicere quod, secundum gradum suum quo est causa et causatum, medio modo se habet in intelligendo, nam intelligit id quod est supra se inferiori modo quam illud sit in seipso, quae autem sunt infra se intelligit altiori modo quam sint in seipsis. Et in hoc etiam sensu inducitur in libro Procli CLXXIII

ici à manifester ce qu'il en est de sa connaissance. Il rend d'abord manifeste le mode selon lequel elle connait les autres choses qu’elle; puis, comment elle se connait elle-même, à la proposition 13 où il dit : « Toute intelligence intellige son essence etc. ». Relativement au premier point, il fait trois choses. Il rend d’abord manifeste le mode selon lequel l’ intelligence connait les réalités supérieures et inférieures; puis il montre quelles sont ces réalités supérieures, à la proposition 9 où il dit : « La stabilité et l’essence de toute intelligence etc. »; enfin il montre comment l’intelligence se comporte dans la connaissance des réalités inférieures, à la proposition 10 où il dit : « Toute intelligence est pleine de formes etc. ». Pour manifester le mode selon lequel l’intell igence connait les réalités supérieures et inférieures, il pose cette proposition : « Toute intelligence connait ce qui est au- dessus d'elle et ce qui est au-dessous d'elle : mais elle connait ce qui est au-dessous d'elle parce qu'elle en est la cause, et elle connait ce qui est au-dessus d'elle parce qu'elle en reçoit les bontés ». Le sens54[54] apparent de cette affirmation semble être que la causalité soit la raison de l’ intellection de l’intelligence. Or si on entend ceci au sens propre55[55], ce n’est pas vrai, ni quant à ce par quoi l'intell igence est causée, ni quant aux choses que cause l’intelligence : elle n'est pas causée par sa cause au moyen de sa science, mais plutôt au moyen de la science de la cause qui la cause. Quant aux choses qui lui sont inférieures, bien que l’intelligence les cause par sa propre science, elle ne les connait pas parce qu’elle les cause, mais elle les cause parce qu’elle les connait. Le vrai sens de cette proposition doit être compris ainsi. Il est manifeste que dans la hiérarchie des choses, la cause tient un

54[54] « Cuius quidem propositionis intellectus quantum ad superficiem videtur » renvoie à l’intention manifeste de l’auteur dans cette proposition. 55[55] « Si recte consideretur », c’est-à-dire selon le sens obvie, direct et non détourné.

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propositione, quae talis est: omnis intellectus intellectualiter est et quae ante ipsum et quae post ipsum; quia scilicet tam superiora quam inferiora sunt in intellectu secundum modum eius, id est intellectualiter. Et ad hunc etiam sensum inducitur haec probatio. Dicit enim quod intelligentia quidem est substantia intelligibilis, quia scilicet esse intelligibile convenit ei ratione suae essentiae; ergo secundum modum suae substantiae scit res quas acquirit desuper et res quibus est causa. Et huius ratio est quia unaquaeque res operatur secundum modum formae suae quae est operationis principium, sicut calidum calefacit secundum modum sui caloris; unde oportet quod omne cognoscens cognoscat secundum formam quae est cognitionis principium, scilicet secundum similitudinem rei cognitae, quae quidem est in cognoscente secundum modum substantiae eius; unde oportet quod omne cognoscens secundum modum suae substantiae cognoscat quidquid cognoscit. Cum ergo intelligentia secundum modum suae substantiae sit causa et causatum, erit ipsa quasi quidam terminus vel limes determinans sive distinguens superiora ab inferioribus, ita scilicet quod superiora cognoscit per modum suae substantiae inferiori modo quam res superior sit in seipsa, inferiora vero cognoscit altiori modo quam sint in seipsis. Quod quidem est intelligendum ut modus cognitionis accipiatur ex parte cognoscentis, quia scilicet, quamvis causa prima sit superintellectualis, intelligentia non cognoscit eam superintellectualiter sed intellectualiter, et similiter, quamvis corpora sint materialia et sensibilia in seipsis, intelligentia tamen non cognoscit ea sensibiliter et materialiter sed intellectualiter. Si vero accipiatur modus cognitionis ex parte rei cognitae, sic cognoscit unumquodque prout est in seipso: cognoscit enim intelligentia quod causa prima est superintellectualiter in seipsa et quod res corporales habent in seipsis esse materiale et sensibile. Et ex his patet intellectus omnium eorum quae hic

rang plus élevé que le causé. Si donc quelque chose est à la fois cause et causé, il occupe un degré intermédiaire entre l’ un et l’autre; et l’intelligence est de ce genre. En effet, elle est causée par la cause première et est sous elle; et elle cause d'une certaine façon, vue à la proposition 3, les choses qui sont sous elle, et ainsi est au-dessus d’elles. L’auteur veut donc dire que, selon son degré de cause et de causé, l’ intelligence se comporte en intermédiaire en intelligeant : elle intellige ce qui est au-dessus d'elle selon un mode inférieur à celui sous lequel cela est en soi; mais les choses qui sont sous elle, elle les intellige selon un mode supérieur à celui sous lequel elles sont en elles-mêmes. C’est bien ce que veut dire Proclus dans la proposition 173 de son livre : « Tout intellect est sous le mode intellectuel et ce qui le précède et ce qui le suit ». En effet, aussi bien les réalités supérieures que les réalités inférieures sont dans l'intellect selon son mode à lui, c’est-à-dire intellectuellement. C'est vers ce sens qu'il faut tirer cette proposition 8. L'auteur en effet dit que « l'intelligence est une substance intelligible », puisque l'être intelligible convient à la raison de son essence; « donc elle connaît selon le mode de sa substance les choses qu’elle reç0it d’en haut et les choses dont elle est la cause ». La raison en est que chaque chose opère selon le mode de sa forme qui est principe d'opération, comme le chaud réchauffe selon le mode de la chaleur. Aussi tout connaissant doit-il connaitre selon sa forme qui est principe de connaissance, à savoir selon la similitude de la chose connue qui est certes dans le connaissant » selon le mode de sa substance ». Il faut donc que tout connaissant connaisse tout ce qu’il connaît « selon le mode de sa substance ». Comme l'intelligence, « selon le mode de sa substance », est cause et causé, elle sera comme la limite ou terme séparant ou distinguant les réalités supérieures des réalités inférieures. Ainsi, elle connait les

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dicuntur. réalités supérieures « par mode de sa substance », c’est-à-dire selon un mode inférieur à celui sous lequel ces réalités sont en elles-mêmes; et les inférieures selon un mode supérieur à celui sous lequel celles-ci sont en elles-mêmes. Il faut comprendre que le mode de la connaissance est à prendre du côté du connaissant, parce que, bien que la cause première soit super-intellectuelle, l’intelligence ne la connait pas super-intellectuellement, mais intellectuellement; semblablement, bien que les corps soient en eux-mêmes matériels et sensibles, l'intelligence ne les connait pas sensiblement et matériellement mais intellectuellement. Mais si nous prenons le mode de la connaissance du côté de la chose connue, l’intelli gence connait chaque chose selon ce que celle-ci est en elle-même : elle connait que la cause première est en elle-même super-intellectuellement et que les choses corporelles sont en elles-mêmes matérielles et sensibles. De tout cela ressort clairement le sens de tout ce qu’on a dit ici.

Lectio 9

[84244] Super De causis, l. 9 Postquam posuit modum quo intelligentia cognoscit quod supra se est et id quod sub ipsa est, hic ostendit quid sit supra ipsam, inducens propositionem ad manifestandum quod intelligentia dependet ex causa prima, quae talis est: omnis intelligentiae fixio et essentia est per bonitatem puram quae est per causam primam. Hanc autem propositionem Proclus ponit sed universalius, dicens XII propositione sui libri: omnium entium principium et causa prima bonum est. Idem autem significatur in hac propositione quod dicitur bonitas pura et quod in propositione Procli dicitur bonum. Bonitas enim pura dicitur bonitas non participata, sed ipsa essentia bonitatis subsistens, quam Platonici vocabant ipsum bonum; quod quidem essentialiter et pure et prime bonum oportet quod sit prima

9) La stabilité et l’essence de toute intelligence lui viennent du bien pur qui est la cause première. Après avoir posé le mode selon lequel l'intelligence connait ce qui est au-dessus et en dessous d'elle, l’auteur montre ici ce qui est au-dessus d'elle, en introduisant une proposition destinée à manifester que l’intel ligence dépend de la cause première : « La stabilité et l’essence de toute intell igence lui viennent du bien pur qui est la cause première ». Proclus pose cette proposition mais de façon plus universelle à la proposition 12 de son livre : » Le principe et la cause première de tous les étants est le bien ». Ce que notre auteur appelle « bonté pure », Proclus l’appelle « bien ». Ce qui est dit « bonté pure », c'est la bonté non participée, l’ essence de la bonté subsistante que les Platoniciens appellent « le bien en lui-même ». Ce qui

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causa omnium, quia, ut Proclus probat, semper causa est melior causato, unde oportet id quod est prima causa esse optimum; hoc autem est id quod est ipsa bonitatis essentia, unde oportet id quod est essentialiter bonum esse primam omnium causam. Et hoc est quod Dionysius dicit I capitulo de divinis nominibus: quoniam autem Deus est ipsa bonitatis essentia per ipsum suum esse, omnium est existentium causa. Unde et intelligentiae quae habent esse et bonitatem participatam, oportet quod dependeant a bonitate pura sicut effectus a causa; et hoc est quod dicit quod intelligentiae fixio et essentia est per bonitatem puram, quia scilicet intelligentia ex prima bonitate habet esse fixum, id est immobiliter permanens. Hoc autem probat dupliciter, primo quidem per effectum ipsius intelligentiae. Et consistit vis suae probationis in hoc quia, si alicuius rei propria operatio inveniatur in re alia, oportet ex necessitate quod res illa habeat ex participatione alterius hanc operationem sicut effectus habet aliquid a causa: puta, si ferrum ignitum faciat propriam operationem ignis adurendo, oportet dicere quod hoc ferrum habeat ab igne sicut effectus a causa. Est autem propria operatio ipsius Dei quod sit universalis causa regitiva omnium, ut in 3 propositione habitum est; unde ad hanc operationem nihil pertingere potest nisi in quantum participat illud a prima causa sicut effectus eius. Quia vero causa prima est maxime una, quanto aliqua res fuerit magis simplex et una, tanto magis appropinquat ad causam primam et magis participat propriam operationem ipsius. Intelligentiae vero sunt maioris unitatis et simplicitatis quam res inferiores; cuius signum est quia quaecumque sunt infra intelligentiam habentia cognoscitivam virtutem, non possunt attingere ad cognoscendum intelligentiae substantiam propter excessum simplicitatis ipsius, per quam etiam rationem sensus corporeus deficit a cognitione rei intelligibilis. Et

est essentiellement bon et l’est de façon absolue et première, il faut que ce soit la cause première de tout parce que, comme le prouve Proclus, la cause est toujours meilleure que le causé. Aussi faut-il que ce qu'est la cause première soit le meilleur. Et ceci est l’essence même de la bonté. Aussi faut-il que ce qui est essentiellement bon soit la Cause première de tout. C’est ce que dit Denys au livre I des Noms divins56[56] : « Puisque » Dieu est « l’essence même de la bonté, par son être même, il est la cause de tous les existants ». C'est pourquoi, les intelligences qui ont un être et une bonté participés doivent dépendre de « la bonté pure », comme l'effet dépend de sa cause. Aussi l’auteur dit-il que « la stabilité et l’essence de l’intell igence lui viennent de la bonté pure » parce que l'intelligence tient son être fixe, c’est-à-dire permanent et immobile, de la bonté première. L’auteur prouve ceci d'une double façon. D’abord, à partir de l’effet de l’ intelligence. La force de sa preuve consiste en ceci : si l’opération propre d'une chose est trouvée en une autre, il faut de toute nécessité que cette chose tienne cette opération de sa participation à un autre, comme l'effet tient ce qu'il a de sa cause; par exemple si le métal chauffe fait l'opération propre du feu brûlant, il faut dire que le métal la tient du feu, comme l’effet tient ce qu'il fait de sa cause. Or c'est l'opération propre de Dieu que d'être la cause universelle régissant toute chose, comme nous l'a appris la proposition 3. Aussi rien ne peut atteindre à une telle opération, sinon en tant qu’il la participe de la cause première, comme son effet. Mais parce que la cause première est suprêmement une, plus une chose sera simple et une, plus elle s'approchera de la cause première et plus elle participera l’opération de celle-ci. « Les intelligences » ont une « unité » et une simplicité plus grandes que « les choses » inférieures. Le signe en est que les choses qui sont

56[56] Les noms divins, I, § 5, 593 C.

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quod sit simplicior ex hoc manifestatur quia est causa rerum inferiorum per modum quod supra dictum est in 3 propositione; et hoc manifestatur per id quod subsequitur quia intelligentia regit omnes res quae sunt sub ea per virtutem divinam quae est in ea, intelligitur autem in regimine ordinatio et motio inferiorum ad finem, et per huiusmodi virtutem divinam in se existentem retinet, id est conservat, res ab impedimentis sui regiminis,- haec enim duo, scilicet regere et retinere, sunt propria causae in comparatione ad effectum,- ideo intelligentia per virtutem divinam regit res et retinet eas, quia per ipsam est causa rerum. Quomodo autem retineat res inferiores manifestat per hoc quod subdit quod ipsa retinet causas omnes quae sunt sub ea, et comprehendit eas, imprimendo scilicet eis virtutem suam; non enim est causa omnium inferiorum immediate, nisi mediantibus causis inferioribus. Hoc autem quod dixerat probat consequenter per hoc quia omne quod est primum in rebus et causa eis, retinet illas res et regit eas, ut dictum est. Et nihil eorum quae subsunt alicui causae, possunt eximi a regimine et retentione suae causae per aliquam virtutem extraneam. Et ideo cum intelligentia sit prima respectu inferiorum, et per consequens causa eorum per modum praemissum, consequens est quod habeat respectu inferiorum quasi officium principis in retinendo et regendo. Sic enim videmus quod etiam ea quae sunt infra intelligentiam habent virtutem regitivam per virtutem intelligentiae, sicut per naturam, quae est principium motus in rebus naturalibus, reguntur et retinentur ea quae subsunt naturae; unde similiter intelligentia regit naturam et alia quae sibi subsunt per virtutem divinam. Sic igitur ex superioribus probatum est quod intelligentia quasi princeps regit et retinet inferiora per virtutem superioris causae, et hoc ideo quia ipsa est causa earum; et quod sit causa procedit ex hoc quod est vehementioris unitatis. Sed quomodo ex hoc quod est causa, sequatur quod retineat

inférieures à l'intelligence et qui ont la capacité de connaitre ne peuvent parvenir à connaitre la substance de l'intelligence à cause de sa trop grande simplicité; c'est pour cette raison que le sens corporel manque à connaitre la chose intelligible. Que l'intelligence soit plus simple, on le voit de ce qu’elle est « cause » des réalités inférieures, selon le mode qui a été examiné à la proposition 3. La suite manifeste tout ceci : « l'intelligence gouverne toutes les choses qui sont sous elle par la puissance divine qui est en elle »; on comprend par gouvernement, l’ordination et la motion des réalités inférieures vers leur fin. « Et par la » puissance divine de cette espèce qui est en elle, « elle maintient » c’est-à-dire conserve les choses les tenant éloignées de ce qui ferait obstacle à son gouvernement. Ces deux choses, à savoir « gouverner » et « conserver » sont propres à la cause dans son rapport à l’effet. C’est pourquoi, « l'intelligence gouverne les choses et les conserve parce que, par la puissance divine, elle est cause des choses ». Comment elle maintient les choses inférieures, l'auteur le manifeste par ce qu’il ajoute : « l’intelligence maintient » toutes les causes « qui sont sous elle et les comprend » en leur imprimant sa puissance; en effet, elle n’est pas immédiatement cause des réalités inférieures sinon par la médiation des causes inférieures. Ce qu’il a dit, il le prouve par ce qui suit : « tout ce qui est premier pour les choses et qui est leur cause, maintient ces choses et les gouverne », comme cela a été dit. Et aucune des réalités qui sont soumises à leur cause ne peut être affranchie du gouvernement et de la conservation de sa cause par quelque puissance étrangère. C’est pourquoi, comme « l’intelligence » est première eu égard aux réalités inférieures et est donc leur cause selon le mode exposé plus haut, elle tient, eu égard aux réalités inférieures, l’office de « principe » de conservation et de gouvernement. Nous voyons ainsi que les

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causata et regat, nondum erat probatum. Et ideo huius probationem subdit: et intelligentia quidem non est facta retinens res quae sunt post ipsam et regens eas et suspendens virtutem suam super eas, nisi quoniam ipsae non sunt virtus substantialis ipsi, immo ipsa est virtus virtutum substantialium, quoniam est causa eis. Cuius probationis haec virtus est quia unaquaeque res regitur et conservatur per aliquam virtutem suam, per quam aliquid operatur ad finem et impedimentis resistit; sed virtus causati dependet ex virtute causae et non e converso. Cum enim virtus sit operandi principium in unoquoque, necesse est quod illud sit virtus virtutis alicuius rei a quo habet quod sit operandi principium. Dictum est autem in 1 propositione quod causa inferior operatur per virtutem causae superioris, unde virtus causae superioris est virtus virtutis causae inferioris; et per hunc modum dicit quod virtus intelligentiae est virtus virtutum substantialium, id est virtutum quae sunt propriae substantiis inferiorum rerum. Sic igitur patet quod intelligentia regit et retinet res inferiores, virtutem suam expandens super eas, ex hoc quod est causa eis. Quae autem sint inferiora quae regit, ostendit subdens quod intelligentia comprehendit generata, id est continet sub se sicut effectus quos regit et retinet, res generabiles et corruptibiles, et naturam, quae est principium motus in ipsis et invenitur primo in primo corporum; comprehendit etiam horizontem naturae, scilicet animam - dictum est enim supra in 2 propositione quod anima est in horizonte aeternitatis et temporis, existens infra aeternitatem et supra tempus - quia ipsa est supra naturam, quae est principium motus qui tempore mensuratur. Quod autem intelligentia comprehendat omnia supradicta, probat per hoc quod natura continet generationem, id est res generatas, tamquam principium generationis existens: particularis quidem natura generationis particularis; universalis autem natura quae est in

réalités qui sont sous l’intelligence ont le pouvoir de gouverner « par la puissance de l'intelligence », « de même que », par la nature qui est principe de mouvement dans les réalités naturelles, sont gouvernées et conservées les choses qui sont soumises à la nature. « Semblablement l’intelligence gouverne la nature » et les autres choses qui lui sont soumises « par la puissance divine ». Ainsi donc, il est prouvé que l'intelligence, tel un « prince », gouverne et conserve les réalités inférieures « par la puissance » de la cause supérieure. Tout ceci est dû au fait qu’elle est leur cause. Quant au fait qu’elle est cause, il vient de ce qu’elle est plus fortement unifiée. Comment de ce que l’intelligence est cause, résulte qu’elle conserve et gouverne les causes, l’auteur ne l’a pas encore prouvé. C’est pourquoi, il ajoute la preuve suivante : « En vérité l’intelligence ne se trouve maintenir les choses qui viennent après elle, les gouverner et déployer sa puissance sur elles que parce que ces choses ne sont pas puissance substantielle à son égard : au contraire, c'est elle qui est la puissance des puissances substantielles, car elle en est la cause ». La force de la preuve est telle : chaque chose est gouvernée et conservée par la puissance par laquelle elle opère en vue de sa fin et lutte contre les empêchements. Or la puissance du causé dépend de la puissance de la cause et non l’inverse. Puisque la puissance est principe d’opération dans chaque chose, il est nécessaire que ce soit la puissance de la puissance de la chose dont il la tient qui soit le principe d’opération du causé. Il a été dit à la proposition 1 que la cause inférieure opère par la vertu de la cause supérieure; aussi la vertu de la cause supérieure est-elle vertu de la vertu de la cause inférieure Et par ce mode, l’auteur dit que la puissance de l’intelligence « est puissance des puissances substantielles », c est-à-dire puissance des puissances qui sont propres aux substances des choses inférieures. Il

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corpore caelesti comprehendit universaliter omnem generationem sicut suum effectum. Anima vero continet naturam, quia secundum opinionem ponentium corpora caelestia animata, quam auctor huius libri supponit, anima est principium motus primi corporis et consequenter omnium motuum naturalium, ut in 3 propositione habitum est. Et iterum intelligentia continet animam, quia anima ab intelligentia participat intelligibilem operationem, sicut in eadem propositione dictum est. Unde concludit quod intelligentia continet omnes res, quia quidquid continetur a contento continetur a continente, et repetit causam quare hoc conveniat intelligentiae, scilicet propter virtutem causae primae cuius est proprium supereminere omnibus, non per virtutem alterius, sed per propriam virtutem; ipsa enim per suam virtutem divinam est causa intelligentiae et animae et naturae et reliquarum rerum scilicet generabilium et corruptibilium. Sic igitur ostensum est quod intelligentia dependet a causa prima per hoc quod ab ea habet virtutem universalem continendi inferiora. Deinde cum dicit: et causa quidem prima etc., ostendit idem ex conditione causae primae, quasi demonstratione ostendente propter quid; nam praemissa probatio fuit magis per signum. Et primo ponit probationem, secundo excludit obiectionem, ibi: quod si dixerit aliquis et cetera. Dicit ergo primo, quasi proponens quod probare intendit, quod causa prima neque est intelligentia neque anima neque natura, sed est supra omnia ista, quasi creatrix eorum cum quodam ordine, nam intelligentiam creat immediate, animam vero et naturam et reliquas res mediante intelligentia. Quod intelligendum est, sicut supra dictum est in 3 propositione, non quod esse eorum sit creatum ab intelligentia, sed quia ista secundum suam essentiam sunt creata solum a causa prima, per intelligentiam vero sortiuntur quasdam perfectiones superadditas. Hoc autem quod causa prima creet omnia praedicta, incipit probare, ibi: et scientia quidem

apparaît donc que l'intelligence gouverne et conserve les réalités inférieures par sa puissance s'étendant sur les réalités inférieures, du fait qu'elle est leur cause. Quelles sont les réalités inférieures que l'intelligence gouverne, l'auteur le montre en ajoutant que « l'intelligence enveloppe les êtres engendrés », c’est-à-dire contient sous elle comme des effets qu'elle gouverne et conserve, les choses générables et corruptibles, ainsi que « la nature » principe de gouvernent dans ces mêmes choses, et qui se trouve d'abord dans le premier des corps. « Elle enveloppe » même « l'horizon de la nature », c'est-à-dire l'âme (il a été dit en effet à la proposition 2 que l'âme est à l'horizon de l'éternité et du temps, étant en dessous de l'éternité et au-dessus du temps) puisque « elle-même est au-dessus de la nature » qui est le principe du mouvement que mesure le temps. Que l'intelligence enveloppe toutes ces choses, l'auteur le prouve par cela que « la nature contient la génération », c est-à-dire les choses engendrées, en tant qu'elle est le principe de la génération : la nature particulière est principe de la génération particulière, la nature universelle, qui est dans le corps céleste enveloppe universellement toute génération comme son effet. Mais « l'âme contient la nature » puisque, selon l'opinion de ceux pour qui les corps célestes sont animés et qui est celle de l'auteur, l'âme est le principe du mouvement du premier corps et par conséquent de tous les corps naturels, comme on le tient de la proposition 3. De son côté, « l'intelligence contient l’âme » parce que l'âme participe de l'intelligence son opération intellectuelle, comme l'a montré cette même proposition 3. De là, l'auteur conclut que « l’intelligence contient toutes choses» parce que tout ce qui est contenu par le contenu est contenu par le contenant. Et il répète la raison pour laquelle il convient à l’intelligence de contenir toutes choses, à savoir « à cause de la puissance de la cause première » dont le propre est de « dominer toutes les

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divina et cetera. Ad cuius probationis intellectum sciendum est quod perfectionum provenientium in rebus a causa prima aliquid est quod pervenit ad omnia etiam usque ad generabilia et corruptibilia, scilicet esse; aliquid autem est quod non pervenit ad effectus in quantum sunt effectus, sed solum ad causas in quantum sunt causae, scilicet virtus, unde participatio virtutis pervenit usque ad naturam quae habet rationem principii; aliquid vero est quod pervenit usque ad animam intellectualem, scilicet scientia, quae tamen inferiori modo est in anima quam in intelligentia, nam intelligentiae convenit sine motu in quantum statim apprehendit veritatem, animae vero convenit cum quodam motu prout ex uno procedit ad aliud. Sic igitur ad intelligentiam et animam pervenit et esse et virtus et scientia, ad naturam esse et virtus, ad generata esse tantum. Si igitur causa prima est causa omnis scientiae et virtutis et totius esse, consequens est quod ab ipsa omnia creentur. Quod autem sit omnium horum causa probat per hoc quod id quod est primum et excellentissimum in unoquoque ordine est causa omnium consequentium in ordine illo; sed causa prima habet scientiam excellentiorem omni scientia, et virtutem excellentiorem omni virtute, et esse excellentius omni ente: est igitur causa omnis scientiae et virtutis et esse. Et ex hoc sequitur quod sit creatrix et intelligentiae et animae et naturae et reliquorum. Primo ergo manifestat de scientia, et dicit quod scientia divina non est sicut scientia intelligibilis, quia scientia intelligentiae est per participationem rei intellectae, et multo minus est sicut scientia animalis, quae non solum est per participationem rei intellectae sed etiam per participationem luminis intellectualis ab intelligentia mobiliter se habens circa scientiam. Immo scientia divina est supra scientiam

choses », non par la puissance d'un autre, mais par la sienne : En effet, celle-ci, par sa puissance divine, « est la cause de l’intelligence, de l'âme, de la nature et de toutes les autres choses» générables et corruptibles. Il a donc ainsi été montré que l'intelligence dépend de la cause première par cela qu'elle tient d'elle la puissance de contenir les réalités inférieures. Ensuite, lorsqu'il dit : «Et ainsi la cause première n'est pas l'intelligence etc. », il montre la même chose en partant de la nature de la cause première, comme par une démonstration propter quid. En effet, la première preuve relevait davantage du signe. Il pose d'abord la preuve; puis il exclut une objection, à partir de : « Et si quelqu'un disait etc. ». Il dit donc d'abord, présentant ce qu'il tend à prouver, que «la cause première n'est ni l'intelligence, ni l'âme, ni la nature », mais « qu'elle est au-dessus» de tout cela, comme les créant selon un certain ordre. En effet, «elle cause immédiatement l'intelligence, mais l'âme, la nature et les autres choses, elle les cause par la médiation de l'intelligence ». Ce qu'il convient d'entendre comme on l'a dit plus haut à la proposition 3 : non que leur être soit créé par l'intelligence, mais parce que ces choses, selon leurs essences respectives, sont créées par la seule cause première, alors que, par l'intelligence, leur sont échues quelques perfections surajoutées. Il commence à prouver que la cause première crée toutes ces choses à partir de : « Et ainsi la science divine etc. ». Pour comprendre cette preuve, il faut savoir que, des perfections qui adviennent aux choses par la cause première, il y a quelque chose57[57] qui leur advient à toutes, y compris les réalités générables et corruptibles, et c'est l'être; il y a quelque chose qui ne parvient pas aux effets en tant qu'ils sont des effets, mais seulement aux causes, en tant qu'elles sont causes, et

57[57] «Aliquid [...], aliquid [...], aliquid », et non pas «aliud [...], aliud [...], aliud» comme a choisi Pera, parce qu'ici saint Thomas ne sépare pas en Dieu l'être, la virtus et la science qui adviennent aux choses selon des raisons différentes.

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intelligentiae et supra scientiam animae, quia immobiliter et absque omni participatione intelligibilis luminis vel rei intellectae habet scientiam essentialem, per suam essentiam cognoscens res, et hoc ideo est quia ipsa est creatrix omnis scientiae; unde oportet quod sit omni scientia superior. Idem autem prosequitur de virtute, et dicit quod virtus divina est supra omnem virtutem intelligibilem et animalem et naturalem, quia et intelligentia et anima et natura habent virtutem participatam ab alio, sicut virtus causae secundae participatur a virtute causae primae quae non est participata ab alio, sed ipsa est causa omnis virtutis. Similiter etiam prosequitur quantum ad esse, ostendens quod causa prima habet altiori modo esse quam omnia alia. Nam intelligentia habet yliatim, id est aliquid materiale vel ad modum materiae se habens; dicitur enim yliatim ab yle, quod est materia. Et quomodo hoc sit, exponit subdens: quoniam est esse et forma. Quidditas enim et substantia ipsius intelligentiae est quaedam forma subsistens immaterialis, sed quia ipsa non est suum esse, sed est subsistens in esse participato, comparatur ipsa forma subsistens ad esse participatum sicut potentia ad actum aut materia ad formam. Et similiter etiam anima est habens yliatim, non solum ipsam formam subsistentem sed etiam ipsum corpus cuius est forma. Similiter etiam natura est habens yliatim, quia corpus naturale est vere compositum ex materia et forma. Causa autem prima nullo modo habet yliatim, quia non habet esse participatum, sed ipsa est esse purum et per consequens bonitas pura quia unumquodque in quantum est ens est bonum; oportet autem quod omne participatum derivetur ab eo quod pure subsistit per essentiam suam; unde relinquitur quod essentia intelligentiae et omnium entium sit a bonitate pura causae primae. Sic igitur patet ratio quare supra dixit quod causa prima non est intelligentia neque anima neque natura, quia eius scientia excedit

c'est la puissance; aussi la participation de cette puissance parvient-elle jusqu'à la nature qui a raison de principe; et il y a quelque chose qui parvient jusqu'à l'âme intellectuelle, à savoir la science qui est dans l'âme selon un mode toutefois inférieur que dans l'intelligence : à l'intelligence, en effet, la science s'accorde sans mouvement, puisque l'intelligence appréhende la vérité dans l'instant; à l'âme, elle s'y accorde avec quelque mouvement du fait que l'âme pense en allant d'une chose à une autre. Donc à l'intelligence et à l'âme parviennent l'être, la puissance et la science; à la nature, l'être et la puissance; aux réalités engendrées, l'être seulement. Si donc la cause première est la cause de toute science, de toute puissance et de tout être, il en résulte que tout est causé par elle. Qu'elle soit la cause de toutes ces choses, il le prouve par le fait que ce qui est premier et excellent dans chaque ordre est cause de tout ce qui suit dans cet ordre. Mais la cause première à une science plus excellente que toute science, une puissance plus excellente que toute puissance et un être plus excellent que tout être : elle est donc la cause de toute science, de toute puissance et de tout être. En conséquence, elle est créatrice de l’intelligence, de l'âme, de la nature et du reste. Il manifeste d'abord la vérité de ce qu'il vient de dire relativement à la science : « La science divine n’est pas comme la science de l'être intelligent », puisque la science de l'intelligence participe de la chose intelligée, encore moins est-elle « comme la science de l'âme » qui, non seulement participe de la chose intelligée, mais participe, par l'intelligence, de la lumière intellectuelle puisqu'elle possède la science de façon mobile. «Mais» la science divine « est au-dessus de la science de l'intelligence» et au-dessus de « la science de l’âme », parce que c'est de façon immobile et sans la participer de la lumière intelligible ni de la chose intelligée qu'elle possède essentiellement la science, connaissant les choses par son

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scientiam intelligentiae et animae, et eius virtus excedit omnem virtutem, et eius esse omne esse. Deinde cum dicit: quod si dixerit aliquis etc., excludit quamdam obiectionem. Posset enim aliquis dicere quod, si causa prima sit esse tantum, videtur quod sit esse commune quod de omnibus praedicatur et quod non sit aliquid individualiter ens ab aliis distinctum; id enim quod est commune non individuatur nisi per hoc quod in aliquo recipitur. Causa autem prima est aliquid individuale distinctum ab omnibus aliis, alioquin non haberet operationem aliquam; universalium enim non est neque agere neque pati. Ergo videtur quod necesse sit dicere causam primam habere yliatim, id est aliquid recipiens esse. Sed ad hoc respondet quod ipsa infinitas divini esse, in quantum scilicet non est terminatum per aliquod recipiens, habet in causa prima vicem yliatim quod est in aliis rebus. Et hoc ideo quia, sicut in aliis rebus fit individuatio rei communis receptae per id quod est recipiens, ita divina bonitas et esse individuatur ex ipsa sui puritate per hoc scilicet quod ipsa non est recepta in aliquo; et ex hoc quod est sic individuata sui puritate, habet quod possit influere bonitates super intelligentiam et alias res. Ad cuius evidentiam considerandum est quod aliquid dicitur esse individuum ex hoc quod non est natum esse in multis; nam universale est quod est natum esse in multis. Quod autem aliquid non sit natum esse in multis hoc potest contingere dupliciter. Uno modo per hoc quod est determinatum ad aliquid unum in quo est, sicut albedo per rationem suae speciei nata est esse in multis, sed haec albedo quae est recepta in hoc subiecto, non potest esse nisi in hoc. Iste autem modus non potest procedere in infinitum, quia non est procedere in causis formalibus et materialibus in infinitum, ut probatur in II metaphysicae; unde oportet devenire ad aliquid quod non est natum recipi in aliquo et ex hoc habet individuationem, sicut materia prima in rebus corporalibus quae est principium singularitatis. Unde oportet

essence. Et ceci parce qu'elle est créatrice de toute science; aussi doit-elle être supérieure à toute science. Le même raisonnement vaut pour la puissance : « La puissance divine est au-dessus de toute puissance intelligible, animale et naturelle » parce que l'intelligence, l'âme et la nature ont une puissance participée d'un autre, de même que la puissance de la cause seconde participe de la puissance de la cause première qui n'est pas participée d'un autre, mais « est la cause de toute puissance ». Même chose pour l'être. L'auteur montre que la cause première possède l'être selon un mode supérieur à toutes les autres choses. En effet l'intelligence a une yliatin c'est-à-dire quelque principe matériel ou se comportant selon le mode de la matière. Le mot yliatin vient de ylè c'est-à-dire matière. Comment cela se fait, l'auteur l’expose, en ajoutant : « puisqu'elle est être et forme ». En effet, la quiddité et la substance de l'intelligence est une certaine forme subsistante immatérielle. Mais parce que cette forme n'est pas son être, mais subsiste dans un être participé, la forme subsistante est comparée à l'être participé comme la puissance à l'acte, et la matière à la forme. « Et semblablement l'âme a » une yliatin : l'âme a non seulement une forme subsistante, mais aussi un corps dont l'âme est la forme. De la même manière, « la nature a » une yliatin puisque le corps naturel est composé de matière et de forme. Mais la cause première n'a d'aucune façon une yliatin puisqu'elle n'a pas d'être participé, mais est elle-même «l'être» pur et par conséquent la « bonté pure », dès lors que chaque chose en tant qu'elle est un étant est bonne. Toute réalité participée doit donc dériver de celui qui subsiste de façon pure par son essence. Aussi l'essence de l'intelligence et celle de tous les étants sont-elles par la bonté pure de la cause première. C'est là qu'apparaît la raison de ce qu'il a dit plus haut à savoir que « la cause première n'est pas l'intelligence, ni l'âme ni la nature » : sa science excède la

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quod omne illud quod non est natum esse in aliquo, ex hoc ipso sit individuum; et hic est secundus modus quo aliquid non est natum esse in multis, quia scilicet non est natum esse in aliquo, sicut, si albedo esset separata sine subiecto existens, esset per hunc modum individua. Et hoc modo est individuatio in substantiis separatis quae sunt formae habentes esse, et in ipsa causa prima quae est ipsum esse subsistens.

science de l'intelligence et celle de l'âme; sa puissance excède toute puissance ; son être excède tout être. Enfin, lorsqu'il dit : «Si quelqu'un disait etc. », il exclut une objection. On pourrait en effet dire que, si la cause première est «être seulement », elle est l'être commun prédiqué de toute chose et qui n'est pas quelque étant individuel distinct des autres. Ce qui est commun n'est pas individué sinon par ce qui le reçoit. Or la cause première est un individu distinct des autres, sans quoi elle n'aurait pas d'opération : en effet, l'universel n'est, ni n'agit, ni ne pâtit. Il semble donc «nécessaire» de dire que la cause première a une yliatin, c'est-à-dire quelque sujet capable de recevoir l'être. Mais il faut répondre à cela que « l'infinité » est le propre de l'être divin, en tant qu'il n'est pas borné par quelque sujet : elle tient lieu, dans la cause première, de l'yliatin qu'on trouve dans les autres choses. C'est pourquoi, de même que dans les autres réalités l'individuation de l'être commun reçu se fait par le sujet recevant, de même la « bonté » divine et son être sont individués par leur pureté, du fait qu'ils ne sont pas reçus en autre chose. De ce que la bonté et l'être divins sont individués par leur pureté, ils peuvent « influer leurs bontés sur l'intelligence et les autres choses ». Pour le comprendre, il faut remarquer qu'une chose est dite un individu du fait qu'elle n'est pas par nature en plusieurs; l'universel en effet est ce qui, par définition, est en plusieurs. Et c'est d'une double façon qu'une chose n'est pas en plusieurs. D'une première façon, en ce qu'elle est déterminée à n'exister qu'en une seule chose : si la blancheur, par la raison de son espèce, est par nature en plusieurs, «cette» blancheur qui est reçue en « ce » sujet ne peut être sinon en «ce» sujet. Or on ne peut procéder selon ce mode à l'infini, parce que dans l'ordre des causes formelles et matérielles on ne peut

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procéder à l'infini, comme cela est prouvé au livre il de la Métaphysique58[58]. Il faut donc parvenir à quelque chose qui n'est pas par nature reçu en un sujet et dont cette chose tient son individualité, comme la matière première est pour les réalités corporelles principe de leur singularité. Aussi tout ce qui n'est pas par nature en un autre doit-il être, par là même, un individu. Là, on a la seconde façon selon laquelle une chose n'est pas par nature en plusieurs, quand elle n'est pas en une autre : si la blancheur était séparée, n'existant pas en un sujet, elle serait, selon ce mode, individuelle. C'est ce mode d'individuation qu'on trouve dans les substances séparées qui sont des formes ayant l'être, et dans la cause première qui est l'être par soi subsistant.

Lectio 10

[84245] Super De causis, l. 10 Postquam auctor huius libri ostendit qualiter scit intelligentia quod est supra se et quod est sub se, et quod est supra ipsam, nunc incipit ostendere qualiter intelligat alia a se praeter causam primam. Et primo ostendit communiter qualiter cognoscat omnia alia a se, secundo specialiter quomodo cognoscit res sempiternas, in 11 propositione, ibi: omnis intelligentia et cetera. Primo ergo praemittit talem propositionem: omnis intelligentia est plena formis: verumtamen ex intelligentiis sunt quae continent formas plus universales, et ex eis sunt quae continent formas minus universales. Et hoc etiam invenitur in libro Procli, CLXXVII propositione, sub his verbis: omnis intellectus plenitudo ens specierum, hic quidem universaliorum, hic autem particulariorum est contentivus specierum. Circa hanc igitur propositionem duo oportet considerare: primo id quod est commune omnibus intelligentiis vel intellectibus separatis, scilicet plenitudo formarum vel intelligibilium specierum, secundo

10) Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles et d'autres qui contiennent des formes plus universelles Après avoir montré comment l'intelligence connaît ce qui est sous elle et ce qui est au-dessus d'elle, ainsi que la nature de ce qui est au-dessus d'elle, l'auteur de ce livre commence à montrer comment l'intelligence pense ces autres choses, à l'exception de la cause première. Il montre d'abord de façon commune comment l'intelligence connaît les autre : choses qu'elle; puis, de façon plus particulière, comment elle connaît le : choses éternelles à partir de la proposition 11 : « Toute intelligence pense les choses perpétuelles etc. ». Il pose donc, en premier lieu, la proposition suivante : « Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi lei intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles e d'autres qui contiennent des formes plus universelles ». On trouve, dans le livre de Proclus, la

58[58] Cf. II, 2, 994a 20 sq.

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differentiam universalitatis et particularitatis in ipsis. Circa primum igitur considerandum est quod, sicut supra iam diximus, Platonici, ponentes formas rerum separatas, sub harum formarum ordine ponebant ordinem intellectuum. Quia enim omnis cognitio fit per assimilationem intellectus ad rem intellectam, necesse erat quod intellectus separati ad intelligendum participarent formas abstractas; et huiusmodi participationes formarum sunt istae formae vel species intelligibiles de quibus hic dicitur. Sed quia, secundum sententiam Aristotelis quae circa hoc est magis consona fidei Christianae, non ponimus alias formas separatas supra intellectuum ordinem, sed ipsum bonum separatum ad quod totum universum ordinatur sicut ad bonum extrinsecum, ut dicitur in XII metaphysicae, oportet nos dicere quod, sicut Platonici dicebant intellectus separatos ex participatione diversarum formarum separatarum diversas intelligibiles species consequi, ita nos dicamus quod consequuntur huiusmodi intelligibiles species ex participatione primae formae separatae, quae est bonitas pura, scilicet Dei. Ipse enim Deus est ipsa bonitas et ipsum esse, in seipso virtualiter comprehendens omnium entium perfectiones. Nam ipse solus per essentiam suam omnia cognoscit absque participatione alicuius alterius formae; inferiores vero intellectus, cum eorum substantiae sint finitae, non possunt per suam essentiam omnia cognoscere, sed ad habendum rerum cognitionem necesse est quod, ex participatione causae primae, speciebus intelligibilibus receptis res intelligant. Unde Dionysius dicit VII capitulo de divinis nominibus, quod ex ipsa divina sapientia intelligibiles et intellectuales angelicarum mentium virtutes, simplices et beatos habent intellectus. Et est considerandum, sicut Augustinus dicit II super Genesim ad litteram, quod sicut ex verbo Dei

même chose à la proposition 177 sous ces mots : « Tout intellect est une plénitude d'espèces, mais un intellect contient des espèces plus universelles, un autre de plus particulières ». Dans cette proposition il faut considérer deux choses : en premier lieu, ce qui est commun à toutes les intelligences ou intellects séparés, à savoir la plénitude de formes ou espèces intelligibles; en second lieu, la différence d'universalité ou de particularité qu'il y a entre elles. Relativement au premier point, notons que, comme on l'a déjà dit plus haut, les Platoniciens posaient sous l'ordre des formes séparées, l'ordre des intellects. Comme toute connaissance se fait par assimilation de l'intellect à la chose intelligée, il était nécessaire que les intellects séparés participent les formes abstraites pour les intelliger. Les espèces ou formes intelligibles dont la proposition parle ici sont celles-là mêmes que les intelligences participent. Mais parce que, selon l'opinion d'Aristote qui consonne mieux avec la foi chrétienne, nous ne posons pas de formes séparées au-dessus de l'ordre des intellects, sinon le Bien séparé à quoi tout l'univers est ordonné comme à un bien extrinsèque - comme il est dit au livre XII de la Métaphysique59[59] -, il nous faut dire ceci : alors que les Platoniciens disaient que les intellects séparés tiennent leurs espèces intelligibles de la participation aux diverses formes séparées, nous nous disons qu'ils les tiennent de la participation à la première forme séparée qu'est la bonté pure, à savoir Dieu. Dieu est la bonté même et l'être même, comprenant virtuellement en lui-même les perfections de tous les êtres. En effet, Lui seul par son essence connaît toute chose sans participer quelque autre forme. Comme la substance des intellects inférieurs est finie, ils ne peuvent, par leur essence, connaître toute chose; mais, pour connaître les choses, ils doivent,

59[59] Cf. XII, 10, 1075 a 13-15.

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procedunt formae in materiam corporalem ad rerum constitutionem, ita ab eodem, scilicet verbo, in Angelis fit rerum cognitio per huiusmodi specierum intelligibilium receptionem; quia et Platonici ponebant secundum participationem idearum, et intellectus separatos res cognoscere, et materiam corporalem secundum diversas species variari. Sed sciendum est quod eadem diversitas participationis invenitur in intellectibus et in materia corporali. Materia enim inferiorum corporum participat quidem formam aliquam ad esse specificum, sed tamen illa forma non repletur materiae potentia, quae adhuc ad alias formas se extendit; materia vero caelestium corporum repletur forma quam participat, quia non remanet in ea potentia ad aliam formam. Similiter etiam intellectus inferiores humani non replentur intelligibilibus speciebus; sed a principio quidem intellectus possibilis humanus est sicut tabula in qua nihil est scriptum, ut dicitur in III de anima; postmodum autem ordine quodam species recipit, nec tamen in hac vita repletur. Sed intellectus separati statim a principio sunt repleti speciebus intelligibilibus ad cognoscendum omnia ad quae se extendit naturalis facultas ipsorum. Unde Dionysius dicit IV capitulo de divinis nominibus, quod intellectus supermundane intelligunt et illuminantur secundum existentium rationes. Et hoc est quod dicitur quod intelligentia est plena formis vel, sicut Proclus expressius dicit, est plenitudo formarum quia ipsa intellectualitas ad propriam naturam intelligentiae vel intellectus separati pertinet. Circa differentiam universalitatis et particularitatis specierum intelligibilium, hoc primo attendendum est quod, sicut hic dicitur et in libro Procli, superiores habent formas magis universales, inferiores vero minus

participant de la cause première, les intelliger par les espèces intelligibles reçues. C'est ce que dit Denys au livre VII des Noms divins60[60] : « C'est de la divine sagesse même que les puissances intelligibles et intellectuelles des esprits angéliques tiennent leur intellection simple et bienheureuse ». Comme le dit Augustin au livre II de son Commentaire de la Genèse61[61], il faut considérer que, de même que du Verbe de Dieu procèdent les formes dans la matière corporelle - formes dont sont constituées les choses -, ainsi, de ce même Verbe, procèdent les espèces intelligibles par la réception desquelles les anges connaissent les choses. Les Platoniciens posaient en effet que c'est en fonction de leur participation aux idées que les intellects séparés connaissent les choses, et la matière corporelle varie selon les diverses espèces. Mais il faut savoir qu'on trouve la même diversité de participation tant chez les intellects que pour les matières corporelles. En effet, la matière des corps inférieurs participe certes quelque forme pour donner un être spécifique; toutefois, cette forme ne comble pas la puissance de la matière qui s'étend à d'autres formes encore. En revanche, la matière des corps célestes est comblée par la forme qu'elle participe, parce qu'il ne reste pas en elle de puissance à l'égard d'une autre forme. Semblablement, les intellects inférieurs humains ne sont pas comblés par les espèces intelligibles, mais, au départ, l'intellect possible humain est comme une table sur laquelle rien n'est écrit comme il est dit au livre III du De anima62[62] ; il reçoit ensuite et selon un certain ordre les espèces, mais il ne pourra pas en être rempli en cette vie. En revanche, les intellects séparés sont aussitôt et dès le départ remplis des espèces intelligibles pour connaître toutes les choses

60[60] Les noms divins, VII, § 2, 868 B. 61[61] Cf. Super Genesim,II, 8, n. 18. 62[62] Cf. III, 4, 430 a 1.

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universales. Et hoc etiam Dionysius dicit XII capitulo caelestis hierarchiae, ubi dicit quod Cherubim ordo participat sapientia et cognitione altiori, sed inferiores substantiae participant sapientia et scientia particulariori. Quae quidem universalitas et particularitas non est referenda ad res cognitas, sicut aliqui male intellexerunt existimantes quod Deus non cognosceret nisi universalem naturam entis; cui consequens esset quod in inferioribus intellectibus tanto uniuscuiusque cognitio magis in universali sisteret, quanto esset altior; puta quod unus intellectus cognosceret solum naturam substantiae, inferior vero naturam corporis, et sic usque ad individuas species. Quae quidem estimatio aperte continet falsitatem: cognitio enim qua cognoscitur aliquid solum in universali, est cognitio imperfecta, cognitio vero qua cognoscitur aliquid in propria specie, est cognitio perfecta; cognitio enim speciei includit cognitionem generis, sed non e converso; sequeretur igitur quod, quanto intellectus esset superior, tanto esset eius cognitio imperfectior. Est ergo haec differentia universalitatis et particularitatis attendenda solum secundum id quo intellectus intelligit. Quanto enim aliquis intellectus est superior, tanto id quo intelligit est universalius, ita tamen quod illo universali eius cognitio extendatur etiam ad propria cognoscenda multo magis quam cognitio inferioris intellectus qui per aliquid magis particulare cognoscit. Et hoc etiam experimento in nobis percipimus: videmus enim quod illi qui sunt excellentioris intellectus ex paucioribus auditis vel cognitis totam veritatem alicuius quaestionis vel negotii comprehendunt, quod alii, grossioris intellectus existentes, percipere non possunt nisi manifestetur eis per singula; ratione cuius oportet frequenter inducere. Et ideo Deus cuius intellectus est excellentissimus, uno solo, scilicet

auxquelles s'étend leur faculté naturelle. Aussi Denys dit-il au livre IV des Noms divins63[63] que« les intellects qui sont au-delà du monde de la nature intelligent et sont illuminés selon les raisons des réalités existantes ». C'est ce que dit l'auteur : «l'intelligence est pleine de formes» et Proclus, de façon plus claire :« elle est une plénitude d'idées », parce que l'intellectualité convient à la nature propre de l'intelligence ou intellect séparé. Eu égard au second point, celui de la différence d'universalité ou de particularité des espèces intelligibles, il faut d'abord se pencher sur ce qui est dit ici et dans l'ouvrage de Proclus, à savoir que les intellects supérieur : ont des formes plus universelles et les intellects inférieurs des forme : moins universelles. Au livre XII de la Hiérarchie céleste64[64] Denys dit aussi que « l'ordre des chérubins participe à la sagesse et à la connaissance de façon plus élevée », alors que les substances inférieures « participent à une sagesse et une science plus particulière ». L'universalité et la particularité ne doivent pas être rapportées à la chose connue, comme l'ont mal compris certains jugeant que Dieu ne connaissait que la nature universelle de l'être. Si c'était le cas, il s'ensuivrait que, dans les intellects inférieurs, plus la connaissance de chaque chose est universelle, plus elle est haute : par exemple, un intellect connaîtrait seulement la nature de la substance, celui d'en dessous la nature du corps, et ainsi de suite jusqu'aux espèces individuelles. Cette façon de voir est manifestement fausse : la connaissance par laquelle quelque chose est connu dans l'universel est une connaissance imparfaite; celle par laquelle quelque chose est connu dans son espèce propre est une connaissance parfaite; la connaissance de l'espèce individuelle du genre et non le contraire. Aussi s'ensuivrait-il que plus l'intellect est supérieur plus sa connaissance est

63[63] Les noms divins, IV, § 1, 693C. 64[64] H. C., XII, 2, 292 D.

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essentia sua, omnia comprehendit; aliorum vero intellectuum separatorum, tanto unusquisque paucioribus speciebus et ad plura se extendentibus rerum notitiam habet, quanto est altior, ita quod intellectus humanus qui est infimus, rerum scientiam habere non potest nisi singulis speciebus singularum rerum naturas cognoscat; materia vero corporalis et sensus corporeus omnino ab universali participatione specierum deficere invenitur. Huius igitur differentiae, quae est secundum universalitatem et particularitatem specierum, probatio eadem ponitur hic et in Proclo, et est sumpta ex effectu. Sicut enim intelligentiae per intelligibiles formas cognoscunt, ita et per intelligibiles formas suos effectus producunt, quia omnis intellectus intelligendo operatur, ut infra dicetur. Superiorum autem intelligentiarum sunt maiores virtutes; et hoc ideo quia sunt magis simplices et minoris quantitatis, id est compositionis, utpote uni primo propinquiores; ergo oportet quod virtutes operativae ipsarum ad plura se extendant, et tamen ipsae virtutes sint magis simplices; et ex hoc apparet quod formae superiorum intelligentiarum sunt universaliores. Quomodo autem formae quae sunt in superioribus intelligentiis unitae, multiplicentur in intelligentiis secundis, manifestat consequenter rationem huius assignans, sicut et Proclus, ex parte intelligentiarum inferiorum. Intelligentiae enim inferiores consequuntur intelligibiles species ex superioribus intelligentiis quodammodo ad eas respiciendo, quia intelligentia, sicut omne quod agit intelligendo agit, ita omne quod recipit intelligibiliter recipit, secundum modum scilicet propriae naturae. Et quia natura inferioris intelligentiae non est tantae simplicitatis et unitatis quantae natura superioris intelligentiae, ideo nec formae intelligibiles recipiuntur in intelligentia inferiori in illa unitate in qua sunt in superioribus intelligentiis. Et propter hoc formae intelligibiles magis multiplicantur

imparfaite. Donc la différence d'universalité et de particularité concerne seulement ce par quoi l'intellect intellige. Plus l'intellect est supérieur, plus ce par quoi il intellige est universel, cependant que par cet universel sa connaissance s'étend aux espèces propres à connaître beaucoup plus que ne le fait la connaissance de l'intellect inférieur qui connaît par quelque chose de plus particulier. Nous mêmes faisons l'expérience de cela : nous voyons que ceux qui ont un intellect excellent comprennent toute la vérité d'une question ou d'une affaire par un petit nombre de choses entendues ou connues, tandis que ceux qui ont un intellect plus grossier ne parviennent pas à voir les choses à moins qu'elles ne leur soient manifestées par des exemples singuliers, et pour cette raison il leur faut fréquemment induire. Ainsi Dieu dont l'intellect est le meilleur comprend par une seule idée, c'est-à-dire son essence, toute chose. Parmi les intellects séparés, est d'autant plus élevé celui qui connaît par un plus petit nombre d'espèces s'étendant à un plus grand nombre de choses. L'intellect humain, qui est le plus bas, ne peut avoir la science des choses sinon en connaissant les natures des choses singulières par leurs espèces propres. Quant à la matière et aux sens corporels, ils sont tout à fait dépourvus de toute participation universelle aux espèces. Eu égard donc à la différence d'universalité ou de particularité des espèces, la preuve de l'anonyme est la même que celle de Proclus, et elle est prise des effets. De même que les intelligences connaissent par des formes intelligibles, de même est-ce par ces formes intelligibles qu'elles produisent leurs effets; et ceci parce que tout intellect opère en intelligeant, comme on l'a vu plus haut. Le propre des intelligences supérieures est d'avoir une « plus grande puissance », parce qu'elles sont plus simples et «d'une quantité - c'est-à-dire composition - moindre », comme «plus

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in inferioribus intelligentiis quam in superioribus; ita quod ea quae intelliguntur a superiori intelligentia per unam speciem intelligibilem, inferior intelligentia intelligit per plures. Sed, quia, sicut dictum est, intelligentia quidquid operatur intelligendo operatur, sicut et intelligendo recipit quod recipit, potest ratio huius multiplicationis specierum assignari, non solum ex parte intelligentiae recipientis, sed etiam ex parte intelligentiae imprimentis, cuius provisione multiplicantur species in inferiori intelligentia secundum suam capacitatem. Unde Dionysius dicit XV capitulo caelestis hierarchiae: unaquaeque essentia intellectualis, donatam sibi a diviniore uniformem intelligentiam, provida virtute dividit et multiplicat ad inferioris ductricem analogiam, id est secundum proportionem inferioris substantiae.

proches» de 1'« Un » premier. Aussi faut-il que leur puissance opérative, quoique plus simple, s'étende à un plus grand nombre de choses. Il est donc évident que les formes des intelligences supérieures sont plus universelles. Comment les formes unifiées qui sont dans les intelligences supérieures sont multipliées dans les intelligences secondes, l'auteur le manifeste à titre de conséquence, en usant de la même raison que Proclus, à partir des intelligences inférieures. Les intelligences inférieures acquièrent les espèces intelligibles à partir des intelligences supérieures en se tournant vers elles d'une certaine manière, parce que l'intelligence, de même qu'elle fait tout ce qu'elle fait en intelligeant, reçoit intellectuellement tout ce qu'elle reçoit, c'est -à-dire selon le mode de sa propre nature. Et parce que la nature de l'intelligence inférieure n'est pas aussi simple et unifiée que la nature de l'intelligence supérieure, les formes intelligibles ne sont pas reçues par l'intelligence inférieure avec la même unité qu'elles le sont par les intelligences supérieures. C'est pourquoi les formes intelligibles sont davantage multipliées dans les intelligences inférieures que dans les supérieures, de sorte que ce que l'intelligence supérieure intellige par une seule espèce, l'intelligence inférieure le fait par plusieurs. Mais, parce que comme on l'a dit-, l'intelligence fait tout ce qu'elle fait en intelligeant et reçoit de même tout ce qu'elle reçoit, on peut mettre la raison de la multiplication des espèces au compte non seulement de l'intelligence qui reçoit, mais aussi de l'intelligence qui imprime et par la précaution de laquelle les espèces sont multipliées dans l'intelligence inférieure selon sa capacité. C'est pourquoi Denys dit au livre XV de la Hiérarchie céleste65[65] : « Chaque essence intellectuelle, ayant reçu un don d'une intelligence uniforme plus divine, par une puissance providentielle le divise et le

65[65] H. C., XV, 3, 332 B.

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multiplie selon le rapport qu'il a à la puissance inférieure », c'est-à-dire proportionnellement à la capacité de la substance inférieure.

Lectio 11

[84246] Super De causis, l. 11 Ostenso quomodo intelligentia intelligat alia a se, quia per formas intelligibiles quibus est plena, hic specialiter agitur de cognitione qua intelligentia cognoscit res aeternas. Et primo ostendit quod cognoscit res aeternas sive incorruptibiles, secundo ostendit modum quo eas cognoscit, ibi: primorum omnium quaedam sunt et cetera. Circa primum proponit talem propositionem: omnis intelligentia intelligit res sempiternas quae non destruuntur neque cadunt sub tempore. Et intelligit per res sempiternas, ea quae sunt supra tempus et motum, ut expositum est in 2 propositione; signanter autem dicit quae non destruuntur neque cadunt sub tempore: quaedam enim cadunt sub tempore quae tamen non destruuntur, sicut motus caeli qui, cum tempore mensuretur, non destruetur nec cessabit secundum philosophorum positionem. Videtur ergo secundum superficiem intellectus huius propositionis esse quod intelligentia non cognoscat res corruptibiles et cadentes sub tempore, sed solum res incorruptibiles supra tempus existentes. Sed quod non sit hic intellectus propositionis patet ex probatione quae subditur, in qua non probatur quod intelligentia cognoscat sempiterna et non corruptibilia, sed quod non causet immediate nisi sempiterna; unde exponendum est: omnis intelligentia intelligit, id est intelligendo causat res sempiternas. Et hoc patet ex libro Procli qui ad hoc inducit duas propositiones. Quarum una est CLXXII: omnis intellectus perpetuorum est proxime et intransmutabilium secundum substantiam substitutor. Alia est CLXXIV: omnis intellectus intelligendo instituit quae post ipsum. Ex quibus duabus propositionibus auctor huius libri conflavit unam; et dum brevitati studuit, obscuritatem induxit.

11) Toute intelligence pense les choses perpétuelles qui ne sont pas détruites et ne tombent pas sous le temps. Après avoir montré comment l'intelligence pense les autres choses qu'elle par les formes intelligibles dont elle est pleine, l'auteur traite ici de façon plus spéciale de la connaissance qu'a l'intelligence des réalités éternelles. Il montre d'abord que l'intelligence connaît les réalités éternelles ou incorruptibles; puis le mode par lequel elle les connaît, là où il dit : « Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres etc. ». Il pose d'abord la proposition : « Toute intelligence pense les choses perpétuelles qui ne sont pas détruites et ne tombent pas sous le temps ». Par « choses perpétuelles », l'auteur entend celles qui sont au-dessus du temps et du mouvement, comme l'a exposé la proposition 2. Il précise «qui ne sont pas détruites ni ne tombent sous le temps », puisque certaines choses tombant sous le temps ne sont cependant pas détruites : c'est le cas du mouvement du ciel qui, bien qu'il soit mesuré par le temps, n'est détruit ni ne cesse, selon la position des philosophes. Il semblerait, au vu du sens superficiel de cette proposition, que l'intelligence ne connaît pas les choses corruptibles tombant sous le temps, mais seulement les réalités incorruptibles qui sont au-dessus du temps. Mais qu'il ne s'agisse pas là du sens de la proposition, cela apparaît clairement de la preuve qui suit, où il n'est pas prouvé que l'intelligence connaît les réalités éternelles et non les réalités corruptibles, mais qu'elle ne cause immédiatement que les réalités éternelles. Aussi faut-il expliquer : «Toute intelligence intellige etc.» par «toute intelligence cause les réalités perpétuelles

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Probat autem sub hoc sensu hanc propositionem eo modo quo et Proclus, et in hac probatione duo facit: primo enim ostendit quod intelligentia non producit immediate res corruptibiles vel cadentes sub tempore, sed solum res sempiternas, secundo unde veniat corruptibilitas in rebus. Primum autem ostendit sic: intelligentia producit suum effectum secundum suum esse; et hoc ideo quia suum intelligere est sibi connaturale et essentiale, nihil autem producit nisi intelligendo, ut supra manifestavimus; unde relinquitur quod quidquid producit producat per suum esse. Sed esse intelligentiae est incorruptibile et supra tempus aeternitati parificatum, ut in 2 propositione habitum est. Ergo immediatus intelligentiae effectus est sempiternus, non cadens sub corruptione vel tempore. Secundum autem manifestat dicens quod, cum intelligentia immediate non causet res corruptibiles, sequitur quod res corruptibiles non sunt immediate ab intelligentia, sed sunt ab aliqua causa corporea temporali; nam corruptio et generatio in his inferioribus rebus causantur per motum caeli, ipse autem motus caeli non est immediate ab intelligentia sed ab anima, sicut supra dictum est in 3 propositione. Si quis autem hunc processum reducere velit ad intellectum qui superficialiter ex propositione apparet, poterit dicere ulterius quod res corruptibiles cognoscuntur ab intelligentia ut sempiternae; sunt enim in intelligentia sicut non materialiter, quamvis in se sint materiales, ita nec temporaliter sed sempiterne. Quod manifestatur per effectum: quia immediatus effectus intelligentiae est sempiternus; id enim quo intelligentia cognoscit, est principium factivum in ipsa, sicut et artifex per formam artis operatur. Haec autem probatio quae hic inducitur, etsi a quibusdam philosophis concedatur, non tamen necessitatem habet. Hac enim probatione suscepta, multa fundamenta Catholicae fidei tollerentur: sequeretur

en intelligeant ». C'est ce qui apparaît chez Proclus qui, pour prouver cela, introduit deux propositions dont la première, la 172e est : « Tout intellect est le suppléant le plus proche, par sa substance, des êtres perpétuels et immuables»; et le seconde, la 174 e : « Tout intellect institue ce qui vient après lui en intelligeant ». Ces deux propositions, l'auteur de ce livre les a fondues en une seule, introduisant de l'obscurité dans son propos à force de brièveté. Il prouve donc cette unique proposition de la façon dont Proclus le fait à l'aide de deux. Il montre d'abord que l'intelligence ne produit pas immédiatement les choses corruptibles ou tombant sous le temps, mais seulement les choses éternelles; puis il en vient à parler de la raison de la corruptibilité dans les choses. Il montre d'abord ceci : l'intelligence produit son effet selon ce qu'elle est, parce que son intelliger lui étant connaturel et essentiel, elle ne produit rien si ce n'est en intelligeant, comme nous l'avons manifesté plus haut. Aussi tout ce qu'elle produit le produit-elle par son être. Mais l'être de l'intelligence est incorruptible et au-dessus du temps, égalant l'éternité comme l'a dit la proposition 2. Donc l'effet immédiat de l'intelligence est perpétuel et ne tombe pas sous la corruption ou le temps. Pour manifester le second point, l'auteur dit que, dès lors que l'intelligence ne cause pas immédiatement les réalités corruptibles, ces réalités ne sont pas immédiatement par l'intelligence, mais sont par quelque «cause corporelle et temporelle ». En effet, la génération et la corruption sont causées dans les réalités inférieures par le mouvement du ciel : ce mouvement n'est pas l'effet immédiat de l'intelligence mais de l'âme, comme l'a dit la proposition 3. Si quelqu'un voulait ramener ce raisonnement au sens qui se dégage superficiellement de la proposition, il pourrait dire qu'ultimement les réalités corporelles sont connues par l'intelligence comme perpétuelles. En effet ces choses

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enim quod Angeli nihil de novo in his inferioribus immediate facere possent, et multo minus Deus qui non solum est aeternus, sed ante aeternitatem, ut supra dictum est, et sequeretur ulterius mundum semper fuisse. Haec enim videtur esse efficacissima ratio ponentium aeternitatem mundi, quae sumitur ex immobilitate factoris. Non enim videtur posse contingere quod aliquod agens nunc incipiat operari, cum prius non operatus fuerit, si omnino immobiliter se habeat, nisi forte aliqua exteriori mutatione praesupposita, quia, ut Averroes in commento VIII physicorum prosequitur, si aliquod agens voluntarium vult aliquid facere post et non prius, ad minus oportet quod imaginetur tempus, quod est numerus motus. Et ideo concludit impossibile esse quod, ex voluntate immobili et aeterna, proveniat effectus novus, nisi praesupposito motu. Et quia haec videtur esse efficacior ratio qua utuntur ad probandum aeternitatem mundi, diligenter est huius rationis solutio attendenda. Considerandum est igitur aliter loquendum esse de agente quod producit aliquid in tempore, atque aliter de agente quod producit tempus simul cum re quae in tempore producitur. Cum enim aliquid in tempore producitur, oportet accipere aliquam proportionem ad tempus, vel solum eius quod producitur, vel etiam producentis ipsius; quandoque enim actio est in tempore, non solum ex parte eius quod agitur, sed etiam ex parte agentis; in tempore enim est aliquid secundum quod est in motu, cuius numerus tempus est. Quando igitur aliqua mutatio invenitur ex parte eius quod agitur et ex parte agentis, tunc actio secundum utrumque est in tempore; puta cum aliquis alteratus a frigore, de novo sibi venit in mentem ut ignem accendat ad frigus pellendum. Hoc autem non semper contingit: est enim aliquid cuius substantia non est in tempore, sed operatio in tempore est, ut infra dicetur. Huiusmodi ergo agens, absque aliqua sui mutatione, effectum producit in tempore, qui prius non fuerat.

sont dans l'intellect immatériellement bien qu'en elles-mêmes elles soient matérielles, aussi y sont-elles de façon non temporelle mais perpétuelle. On voit cela aux effets : l'effet immédiat de l'intelligence est perpétuel; car ce par quoi l'intelligence connaît est le principe de son faire, de même que l'artiste opère par la forme de son art. Même si certains philosophes concèdent la preuve ici introduite, elle n'a toutefois pas de nécessité. Cette preuve admise, de nombreux fondements de la foi catholique disparaissent : il s'ensuivrait que les anges ne peuvent rien faire immédiatement de neuf dans le cours des réalités inférieures, et encore moins Dieu qui, non seulement est éternel, mais avant l'éternité, comme on l'a dit plus haut. Il s'ensuivrait, ultimement, que le monde a toujours été. C'est en effet de l'immuabilité du Créateur qu'est tirée la raison la plus efficace de l'éternité du monde. Il ne peut pas arriver que quelque agent, s'il est tout à fait immobile, commence maintenant d'opérer, quand avant il n'opérait pas, à moins de présupposer quelque changement extérieur. Car, comme l'expose Averroès dans son commentaire de livre VIII de la Physique, si quelque agent volontaire veut faire quelque chose après et non avant, il faut à tout le moins imaginer un temps, nombre du mouvement. Aussi conclut-il qu'il est impossible, sans la présupposition du temps, que d'une volonté immobile et éternelle procède un effet nouveau. Et parce qu'il semble que se soit la raison la plus efficace dont on use pour prouver l'éternité du monde, il faut réfléchir avec attention à la solution de cet argument. Il faut considérer qu'on parle autrement de l'agent qui produit quelque chose dans le temps, que de celui qui produit simultanément le temps et la chose qui est dans le temps. Pour que quelque chose soit produit dans le temps, il faut qu'il ait quelque rapport au temps : ou bien du côté seulement de ce qui est produit, ou bien aussi du côté de l'agent producteur. Lorsque l'action est dans le temps, elle

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Et sic etiam Deus aliquid potest producere in tempore de novo, quod prius non fuerat, secundum certam proportionem huius effectus ad hoc tempus, sicut contingit in omnibus miraculosis effectibus qui fiunt immediate a Deo. Nec obstat quod dicitur quod producit per suum esse, quia suum esse est suum intelligere; et, sicut suum esse est unum, intelligit tamen multa, et propter hoc potest multa producere, quamvis eius intelligere unum et simplex remaneat, ita, quamvis sit suum esse aeternum et immobile, potest tamen intelligere aliquod esse temporale et mobile, et ideo, etsi suum intelligere sit sempiternum, per ipsum tamen producere potest effectum novum in tempore. Cuius indicium aliqualiter in nobis apparet: potest enim homo, voluntate immobili permanente, opus suum in futurum differre, ut faciat illud determinato tempore. Sed si tu dicas quod, quotiens hoc contingit, oportet praeintelligere alium motum ex quo contingat quod aliquid prius non fuerit conveniens fieri, postmodum indicatur ut conveniens ad fiendum, ad minus ipsum temporis decursum qui sine motu intelligi non potest, dicemus hoc quidem verum esse in particularibus Dei effectibus quos in tempore operatur. Quod enim Lazarum suscitavit quarta die et non prius, habito respectu ad aliquam rerum mutationem praecedentem hoc fecit. Sed in universi productione hoc locum non habet, quia simul cum mundo fit etiam tempus et totus universaliter motus; non est ergo aliud tempus praecedens vel motus, ad quem oporteat novitatem huius effectus proportionari, sed solum ad rationem facientis prout intellexit et voluit hunc effectum ab aeterno non fore, sed incipere post non esse. Sic enim tempus est mensura operationis vel motus, sicut dimensio est mensura magnitudinis corporalis. Si igitur quaeramus de aliquo particulari corpore, puta de terra, quare infra hos magnitudinis limites coercetur et non extenditur ultra, potest eius ratio esse ex proportione ipsius ad totum mundum.

l'est non seulement du côté de ce qui est agi, mais également du côté de celui qui agit; quelque chose est en effet dans le temps, dès lors qu'il est en mouvement, mouvement dont le nombre est Il temps. Quand donc quelque changement a lieu, et du côté de ce qui est ag et du côté de l'agent, l'action de l'un et l'autre est dans le temps : par exemple, lorsque quelqu'un est refroidi, il lui vient de nouveau à l'esprit d'allumer le feu pour chasser le froid. Ceci n'arrive toutefois pas toujours en effet, il y a quelque chose de la substance qui n'est pas dans le temps même si son opération est dans le temps - comme on le verra plus bas. et type d'agent, sans qu'aucun changement ne s'opère en lui, produit son effet dans un temps avant lequel celui-ci n'était pas. Ainsi Dieu peut produire dans le temps quelque chose de nouveau, qui avant n'était pas, selon uni certaine proportion de « cet » effet à « ce » temps-là, comme il arrive pour tous les effets miraculeux qui sont produits immédiatement par Dieu. E cela n'empêche pas de dire que Dieu produit par son être, puisque son être est son intelliger. De même que l'unité de son être ne l'empêche pal d'intelliger de multiples choses et, grâce à cela, d'en produire de multiple! - bien que son intelliger demeure un et simple -, de même son être éternel et immuable ne l'empêche pas d'intelliger l'étant temporel et mobile. C'es’pourquoi, même si son acte d'intelliger est éternel, Dieu peut cependant par lui-même produire un effet nouveau dans le temps. D'une autre façon, nom observons l'indice de cela en nous : un homme peut, par un vouloir immobile et permanent, reporter à plus tard son œuvre pour l'accomplir dans un temps déterminé. Mais si on me faisait remarquer que, toutes les fois où cela a lieu, il faut prévoir un autre changement grâce auquel quelque chose qu'on jugeait ni pas devoir faire est jugé ensuite devoir être fait - ce qui suppose à tout le moins le cours du temps lui-même qui ne peut être intelligé sans le changement-, je répondrais que ceci est

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Sed si rursum quaeramus de tota corporum universitate, quare huiusmodi determinatae magnitudinis terminos non excedat, non potest huius ratio esse ex proportione eius ad aliquam aliam magnitudinem, sed vel oportet dicere magnitudinem corporalem esse infinitam, sicut antiqui naturales posuerunt, vel oportet huiusmodi determinatae magnitudinis rationem accipi ex sola intelligentia et voluntate facientis. Sicut igitur infinitus Deus finitum universum produxit secundum suae sapientiae rationem, ita aeternus Deus potuit novum mundum producere secundum eamdem sapientiae rationem.

vrai pour les effets particuliers que Dieu opère dans le temps. C'est ainsi que Lazare a été ressuscité le quatrième jour et non pas le premier, compte tenu du changement de chose qui a précédé Mais ceci n'a pas lieu pour la production de l'univers tout entier parce que, er même temps que le monde, sont créés le temps et tout le mouvement universel. Il n'y a donc pas un autre temps antérieur, ou changement auquel le nouvel effet doit être proportionné, mais cet effet est seulement proportionné à la raison du créateur selon qu'il a pensé et voulu que tel effet ne fût pas éternel mais commençât à être après qu'il n'eut pas été. Ainsi If temps est la mesure de l'opération ou mouvement, comme la dimension est la mesure de la grandeur corporelle. Si donc nous demandons, à propos de tel corps particulier, la terre par exemple, pourquoi sa grandeur a telles limites et ne s'étend pas au-delà, la raison peut en être tirée de son rapport à tout l'univers. Mais si nous demandons à nouveau, à propos de l'ensemble de tous les corps, pourquoi il n'excède pas les limites de telle grandeur déterminée, on ne peut tirer la raison de son rapport à une autre grandeur; mais, ou bien il faut dire que la grandeur corporelle est infinie, comme le pensaient les anciens physiciens; ou bien il faut prendre la raison de telle grandeur déterminée des seules intelligences et volonté du Créateur. De même donc que le Dieu infini a produit un univers fini conformément à la raison de sa sagesse, de même le Dieu éternel a pu produire un monde nouveau conformément à cette même raison de sagesse.

Lectio 12

[84247] Super De causis, l. 12 Postquam ostendit quod intelligentia intelligit res sempiternas, hic inducit propositionem ad manifestandum qualiter intelligentiae, quae sunt res sempiternae, mutuo se intelligant. Per hoc autem aliquid intelligitur quod est in intelligente, et ideo ostendit in hac propositione quomodo

12) Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres selon qu'il est possible à chacun d'être en un autre Après avoir montré que l'intelligence pense les réalités perpétuelles, l'auteur introduit ici une proposition destinée à manifester comment les intelligences, qui

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unum de entibus superioribus sit in alio. Et est propositio talis: primorum omnium sunt quaedam in quibusdam per modum quo licet ut sit unum eorum in alio. Haec etiam propositio proponitur CIII in libro Procli sub his verbis: omnia in omnibus, proprie autem in unoquoque. Idem autem est quod Proclus dicit: proprie autem in unoquoque, et quod hic dicitur: per modum quo licet ut sit unum eorum in alio; utrobique enim significatur quod unum est in alio secundum convenientem modum ei in quo est. Sed a Proclo quidem inducitur haec propositio secundum positiones Platonicas quibus ponuntur formae separatae subsistentes quarum, ut supra dictum est, unaquaeque tanto est altior quanto est universalior et ad plura suam participationem extendens; et, secundum hoc, ipsum esse est superius quam ipsa vita, et haec quam ipse intellectus. Et ideo Proclus hoc determinans in sua propositione addit: et enim in ente vita et intellectus, et in vita esse et intelligere, et in intellectu esse et vivere. Et sic etiam videtur auctor huius libri loqui huiusmodi separata prima nominans. Subdit enim quasi exponens: quod est quia in esse sunt vita et intelligentia, et in vita sunt esse et intelligentia, et in intelligentia sunt esse et vita, quod est omnino idem cum verbis Procli. Addit autem Proclus in sua propositione expositionem modi quo unum horum sit in alio, dicens: sed alicubi quidem intellectualiter, alicubi autem vitaliter, alicubi vero enter (id est per modum entis) entia omnia; quasi dicat quod omnia tria praedicta sunt in intellectu intellectualiter, in vita vitaliter, in esse essentialiter. Sed hoc quod ponitur loco huius in hoc libro, videtur esse corruptum et malum intellectum habere. Sequitur enim: verumtamen esse et vita in intelligentia sunt duae intelligentiae, debet enim intelligi quod ista duo, scilicet esse et vita, sunt in intelligentia intellectualiter; et esse et intelligentia in vita sunt duae vitae, id est ambo sunt in vita vitaliter; et intelligentia et vita in esse sunt duo esse,

sont des réalités perpétuelles, se pensent mutuellement. Du fait que quelque chose est intelligé, il est dans l'intelligence, aussi l'auteur montre-t-il comment chacun des êtres supérieurs est dans chaque autre. Telle est sa proposition : « Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres selon qu'il est possible à chacun d'être en un autre ». Cette proposition correspond à la 103 e du livre de Proclus : « Tout est dans tout, mais dans chacun selon son propre mode ». Ce que dit Proclus « mais en chacun selon son propre mode » équivaut à ce qui est dit ici : « selon qu'il est possible à chacun d'être en un autre ». Dans les deux cas, est bien précisé que quelque chose est en un autre selon le mode de ce qui reçoit. Mais chez Proclus cette proposition est introduite conformément à la thèse platonicienne qui pose les formes séparées des réalités subsistantes et dont chacune est d'autant plus élevée qu'elle est plus universelle et qu'elle s'étend à un plus grand nombre. Ainsi l'être même est supérieur à la vie, et celle-ci à l'intellect. C'est pourquoi Proclus ajoute : «Dans l'être, en effet, se trouvent la vie et l'intellect; dans la vie, l'être et l'intelliger; dans l'intellect, l'être et le vivre ». L'auteur de ce livre semble parler ainsi de la forme qu'il nomme « première ». Il ajoute, en effet, comme pour expliquer : « La raison en est que dans l'être sont la vie et l'intelligence, dans la vie sont l'être et l'intelligence, et dans l'intelligence sont l'être et la vie ». Toute chose identique aux dires de Proclus. Proclus ajoute dans sa proposition l'explication du mode selon lequel chaque chose est dans l'autre : « Mais tous les étants sont quelque part intellectuellement, quelque part vitalement, quelque part essentiellement », c'est-à-dire selon le mode de l'être; il veut dire que ces trois formes sont dans l'intellect intellectuellement, dans la vie vitalement et dans l'être essentiellement. Mais ce qui, dans ce livre, équivaut à ce qui vient d'être dit a été corrompu et mal compris. En

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id est ambo sunt in ipso esse essentialiter. Si autem intelligatur secundum quod verba sonant, falsum continent intellectum: vivere enim viventis est ipsum esse eius, ut dicitur in II de anima et ipsum intelligere primi intelligentis est vita eius et esse ipsius, ut in XII metaphysicae dicitur; unde et hoc Proclus excludens dicit quod esse intellectus est cognitivum et vita eius est cognitio. Alioquin sequeretur inconveniens quod Aristoteles inducit in III metaphysicae contra Platonicos, quod scilicet Socrates esset tria animalia, quia et ipse est animal, et de eo praedicatur idea animalis communis quam participat, et similiter idea hominis qui item est animal; sequeretur enim quod unumquodque istorum trium esset non unum sed multa. Apponit autem Proclus probationem manifestam ad ea quae dicta sunt, distinguens quod tripliciter aliquid de aliquo dicitur: uno modo causaliter, sicut calor de sole, alio modo essentialiter sive naturaliter, sicut calor de igne, tertio modo secundum quamdam posthabitionem, id est consecutionem sive participationem, quando scilicet aliquid non plene habetur sed posteriori modo et particulariter, sicut calor invenitur in corporibus elementatis non in ea plenitudine secundum quam est in igne. Sic igitur illud quod est essentialiter in primo, est participative in secundo et tertio; quod autem est essentialiter in secundo, est in primo quidem causaliter et in ultimo participative; quod vero est in tertio essentialiter, est causaliter in primo et in secundo. Et per hunc modum omnia sunt in omnibus. Sed quia auctor huius libri non videtur ponere formas separatas, quod hic dicitur esse et vitam et intelligentiam in se invicem esse, est intelligendum secundum quod inveniuntur in habentibus esse, vivere et intelligere; quia in ipso esse secundum propriam rationem invenitur causaliter vivere et intelligere, secundum

effet, la suite dit : « Cependant l'être et la vie sont dans l'intelligence deux intelligences », on doit comprendre que ces deux choses, à savoir l'être et l'intelligence, sont dans l'intelligence intellectuellement; « l'être et l'intelligence sont dans la vie deux vies », c'est-à-dire que les deux sont dans la vie vitalement; « et l'intelligence et la vie sont dans l'être deux êtres », c'est-à-dire que les deux sont dans l'être essentiellement. En rester au premier sens des mots, c'est commettre une erreur : le vivre est l'être propre du vivant, comme il est dit au livre II du De anima66[66] et l'intelliger du premier intelligeant est sa vie et son être, comme il est dit au livre XII de la Métaphysique67[67]. Aussi Proclus exclut-il la chose quand il dit : «Car l'être de l'intellect est cognitif et sa vie est connaissance ». Autrement, il s'ensuivrait l'inconvénient qu'Aristote repère au livre III de la Métaphysique68[68] contre les Platoniciens : Socrate serait trois animaux, puisque lui-même est animal, que de lui est prédiquée l'idée commune d'animal qu'il participe et, de la même manière, l'idée d'homme qui pareillement est animal. Il s'ensuivrait que chacune de ces trois choses est non pas une, mais multiple. Proclus appose la preuve manifeste de ce qu'il vient de dire, eu distinguant les trois façons dont une chose peut être dite d'une autre. Une chose peut être dite d'une autre causaliter, comme la chaleur se dit du soleil; essentialiter, c'est-à-dire naturellement, comme la chaleur se dit du feu; enfin secundum quaedam posthabitionem, c'est-à-dire comme conséquence ou selon la participation : lorsqu'une chose ne possède pas telle détermination en plénitude, mais selon un mode second et particulier, comme la chaleur est trouvée dans les premiers éléments, et non en plénitude, comme elle

66[66] Cf. II, 4, 415 b 13. 67[67] Cf. XII, 7, 1072 b 24 sq. 68[68] Cf. III, 6, 1003 a Il sq.

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illum modum quo in 1 propositione dictum est quod esse est causa prima, vivere et intelligere posteriores causae. Non tamen ita est intelligendum sicut verba sonant, quod intelligentia et vita sint in ipso esse duo esse, sed quia haec duo, prout sunt in ipso esse, non sunt aliud quam esse, et similiter esse, prout est in vita, est ipsa vita, cum vita nihil addat supra esse nisi determinatum modum essendi seu determinatam naturam entis. Et idem intelligendum est in aliis comparationibus secundum quas unum istorum dicitur esse in alio. Sed quia, secundum intellectum huius auctoris, haec tria non sunt quaedam res subsistentes, sicut dictum est, consequenter applicat istam propositionem ad res quae per se subsistunt, quae sunt: esse primum quod est Deus, intelligentia, anima intellectiva et anima sensitiva. Et dicit quod hoc modo causa est in effectu et e converso, secundum quod causa agit in effectum et effectus recipit actionem causae; causa autem agit in effectum per modum ipsius causae, effectus autem recipit actionem causae per modum suum; unde oportet quod causa sit in effectu per modum effectus et effectus sit in causa per modum causae. Sic igitur ea quae sunt in sensu sensibiliter, sunt in anima intellectiva per modum ei convenientem, et ea quae sunt in anima per modum animalem, sunt in intellectu per modum proprium, et quae sunt in intelligentia intelligibiliter, sunt in causa prima essentialiter, secundum modum suum; et e converso priora sunt in posterioribus secundum modum posteriorum. Ex quo accipi potest qualiter intelligentiae se invicem intelligant et causam primam: unaquaeque enim intelligit aliam secundum quod alia est in ipsa, per modum eius in quo est; quia etiam in superioribus sunt inferiores secundum quasdam excellentiores similitudines seu species, superiores vero in inferioribus secundum quasdam deficientiores similitudines et species.

l'est dans le feu. Ainsi ce qui est essentialiter dans le premier est, dans le second et le troisième, par participation; ce qui est essentialiterdans le second est, dans le premier causaliteret dans le troisième par participation; mais ce qui est dans le troisième essentialiter est, dans le premier et le second, causaliter. Et de cette façon, tout est dans tout. Mais parce que l'auteur de ce livre ne pose pas de formes séparées, quand il dit que l'être, la vie et l'intelligence sont les uns dans les autres, il faut le comprendre comme valant pour les réalités qui ont l'être, la vie el l'intelligence. Parce que dans l'être même, selon sa propre notion, le vivre et l'intelliger sont trouvés causaliter; et ceci, selon le mode par lequel il a été dit dans la proposition 1 que l'être est la cause première, le vivre et l'intelliger, causes secondes. Il ne faut cependant pas comprendre, comme l'expression y inclinerait, que « l'intelligence et la vie sont en l'être deux êtres », mais bien plutôt que ces deux choses, selon qu'elles sont dans l'être même ne sont pas autre chose que l'être; semblablement, l'être, selon qu'il est dans la vie est la vie même puisque la vie n'ajoute rien à l'être sinon un mode déterminé d'être ou nature déterminée de l'étant. Il faut comprendre la même chose des autres rapports selon lesquels l'une est dite être dans l'autre. Mais parce que, selon la pensée de l'auteur, ces trois réalités ne sont pas subsistantes, il s'ensuit qu'elle applique cette proposition aux choses qui subsistent par soi : l'être premier qui est Dieu; l'intelligence; l'âme intellective; et l'âme sensible. Il dit que par ce mode, la cause est dans son effet et inversement, selon que la cause agit sur l'effet et l'effet reçoit l'action de la cause. La cause agit sur l'effet selon le mode de la cause comme l'effet reçoit l'action de la cause selon son mode à lui. Il faut donc que la « cause» soit «dans» l'effet « selon le mode» de l'effet, et l'effet « dans la cause selon le mode de la cause ». Ainsi, les choses qui sont dans le sens sensibiliter sont dans

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l'âme intellective selon le mode qui lui convient. Les choses qui sont dans l'âme selon le mode animal sont dans l'intellect selon son mode propre. Celles qui sont dans l'intelligence intelligibiliter sont dans la cause première essentialiter, selon son mode à elle. Inversement, les réalités antérieures sont dans celles qui suivent selon le mode de celles qui suivent. De cette façon on peut comprendre comment les intelligences s'intelligent mutuellement et intelligent la cause première : chaque chose intellige l'autre selon que l'autre est en elle conformément au mode où elle s'y trouve. Ainsi les réalités inférieures sont dans les supérieures selon des similitudes ou espèces excellentes, mais les réalités supérieures sont dans les inférieures selon quelques similitudes ou espèces déficientes.

Lectio 13

[84248] Super De causis, l. 13 Ostenso quomodo intelligentia intelligat alia, nunc ad ostendendum quomodo intelligat seipsam inducitur haec propositio quae etiam invenitur CLXVII in libro Procli, sub his verbis: omnis intellectus seipsum intelligit. Sed huius propositionis et probationis eius intellectum oportet nos accipere ex his quae Proclus dicit. Ut enim supra dictum est, secundum opiniones Platonicas ordo intellectuum ponitur sub ordine formarum separatarum ex quarum participatione fiunt intelligentes in actu; unde formae separatae comparantur ad eos sicut intelligibile ad intellectum. Sicut autem aliarum rerum ponebant quasdam ideas, ita et ipsorum intellectuum, quam vocabant primum intellectum. Iste ergo intellectus idealis in quantum est intellectus intelligit, et in quantum est forma idealis est forma intellecta; sic igitur in eo unitur omnino intellectus et intellectum, et per hoc perfecte seipsum intelligit, quia essentia sua totaliter est intelligibile non solum intelligens. Omnis autem intellectus secundum Platonicos habet intellectum participatum; sed superiores intellectus participant ipsum

13) Toute intelligence intellige sa propre essence. Ayant montré comment chaque intelligence intellige les autres, l'auteur, afin de montrer comment l'intelligence s’intellige, introduit alors cette proposition qu'on trouve à la 167e du livre de Proclus : «Tout intellect s'intellige lui-même ». Pour comprendre cette proposition et sa preuve, il nous faut prendre le texte de Proclus. Selon la thèse des Platoniciens, comme on l'a dit plus haut, l'ordre des intellects est placé sous l'ordre des formes séparées par la participation desquelles ils deviennent intelligeants en acte. Aussi les formes séparées sont-elles comparées aux intellects comme l'intelligible à l'intellect. De même qu'ils posaient certaines idées des autres choses, de même posaient-ils une idée des intellects eux-mêmes qu'ils appelaient intellect premier. En tant qu'il est intellect, cet intellect idéal intellige; et en tant qu'il est une forme idéale, il est une forme intelligée. En lui donc sont complètement unis intellect et intelligé. De ce fait il s'intellige parfaitement puisque son essence est totalement intelligible et pas seulement intelligeante.

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intellectum perfectius, unde participant de ipso non solum quod sint intellectus sed etiam quod sint intelligibiles et quodammodo formales intellectus; sic igitur coniungitur in eis secundum eorum substantiam quodammodo intelligens et intellectum, et ideo etiam ipsi intelligunt suam essentiam, sed diversimode a primo intellectu. Nam primus intellectus idealis non participat aliquam priorem formam intellectualitatis, sed ipsemet est prima forma intellectualitatis: unde suum intelligibile non est aliud quam ipse. Posteriores vero intellectus sic habent aliquid de forma intellectualitatis in sua substantia quod tamen illud derivatur a superiori intellectu ideali; sic ergo intelligunt suam essentiam quod etiam intelligunt superiorem intellectum quem participant. Et hoc est quod Proclus addit in praedicta propositione: sed primus quidem seipsum solum, et unum secundum numerum in hoc intellectus et intelligibile. Unusquisque autem consequentium seipsum simul et quae ante ipsum, et intelligibile huic hoc quidem quod est, hoc autem a quo est. Quia vero secundum sententiam Aristotelis, quae in hoc magis Catholicae doctrinae concordat, non ponimus multas formas supra intellectus sed unam solam quae est causa prima, oportet dicere quod, sicut ipsa est ipsum esse, ita est ipsa vita et ipse intellectus primus. Unde et Aristoteles in XII metaphysicae probat quod intelligit seipsum tantum, non ita quod desit ei cognitio aliarum rerum, sed quia intellectus eius non informatur ad intelligendum alia specie intelligibili nisi seipso. Sic igitur superiores intellectus separati, tanquam ei propinqui, intelligunt seipsos et per suam essentiam et per participationem superioris naturae. Et ideo ad probandum hanc propositionem, primo hic inducitur quod intelligens et intellectum in intellectibus separatis sunt simul, in quantum scilicet secundum substantiam suam non solum sunt

Selon les Platoniciens, tout intellect est un intellect participé. Mais les intellects supérieurs participent toutefois plus parfaitement de l'intellect idéal : ils participent de lui non seulement le fait d'être des intellects. Mais aussi celui d'être intelligibles et d'être, d'une certaine façon, intellects formels. Sont donc unies en eux, selon leur substance et d'une certaine façon, intellectualité et intelligibilité. C'est pourquoi ils intelligent leur essence, différemment toutefois du premier intellect. En effet, l'intellect idéal ne participe pas de quelque forme antérieure d'intellectualité, mais il est lui-même la première forme d'intellectualité, si bien que son intelligibilité n'est pas autre que lui-même. Les intellects seconds possèdent en leur substance quelque chose de la forme d'intellectualité qui cependant n'est pas dérivé de l'intellect idéal; ainsi donc, ils intelligent leur essence du fait qu'ils intelligent l'intellect supérieur dont ils participent. C'est cela qu'ajoute Proclus dans la proposition susdite : « Mais l'intellect premier n'intellige que lui-même, et en lui intellect et intelligible sont numériquement un. En revanche, chacun des intellects dérivés intellige à la fois lui-même et ce qui le précède, et son intelligibilité est d'une part ce qu'il est, d'autre part ce par quoi il est ». Mais parce que, selon la pensée d'Aristote qui s'accorde mieux à la foi catholique, nous ne posons pas au-dessus de l'intellect plusieurs formes mais une seule qui est la cause première, il faut dire que, de même que celle-ci est l'être même, elle est la vie même et l'intellect premier même. Aussi Aristote prouve-t-il au livre XII de la Métaphysique69[69], que le premier intellect n'intellige que lui-même, non qu'il soit privé de la connaissance des autres choses, mais parce que son intellect n'est pas informé par une espèce intelligible distincte de lui-même. Ainsi les intellects supérieurs séparés, en tant qu'ils sont proches du premier intellect, s'intelligent

69[69] Cf. XII, 9, 1074 B 30 sq.

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intellectus sed intelligibiles, utpote propinquissime participantes primum intellectum. Unde concludit quod intelligentia intelligit essentiam suam; et quia essentia sua est essentia intelligentis, sequitur quod, intelligendo essentiam suam, intelligat se intelligere essentiam suam. Consequenter autem ostendit quomodo, per hoc quod intelligit essentiam suam, intelligat etiam alia. Habetur enim ex praemissa propositione quod omnes aliae res sunt in intelligentia per modum intelligibilem, et ita sunt unum intelligentia et res intellectae secundum quod in intelligentia, et ideo quando intelligit essentiam suam, intelligit res alias; et eadem ratione quandocumque intelligentia intelligit res alias, intelligit seipsam. Sed utrum haec conveniant animae intellectuali, infra considerabimus.

eux-mêmes, et par leur essence et par participation de la nature supérieure. Pour prouver cette proposition, l'auteur introduit d'abord que, dans les intellects séparés, « l'intelligeant et l'intelligé sont en même temps », puisque, substantiellement, ils sont non seulement intellects mais aussi intelligibles en qualité de très proches participants du premier intellect. De là, il conclut que « l'intelligence intellige son essence ». Et parce que son essence est celle d'une intelligence, il s'ensuit que, en intelligeant son essence, elle s'intellige intelliger son essence. Par la suite, l'auteur montre comment, du fait qu'elle intellige son essence, elle intellige les autres choses. On tient en effet de la proposition précédente que toutes les autres choses « sont dans » l'intelligence « par mode intelligible », ainsi « les choses intelligées et l'intelligence font un ». C'est pourquoi quand l'intelligence intellige son essence, elle intellige les autres choses; et par la même raison, quand elle intellige les autres choses, elle s'intellige elle-même. Or l'un et l'autre conviennent à l'âme intellectuelle, c'est ce que nous considérerons plus bas.

Lectio 14

[84249] Super De causis, l. 14 Postquam determinavit de causa prima et de intelligentia, hic determinat de anima. Et primo determinat de ea secundum habitudinem quam habet ad res alias, secundo determinat de ea secundum seipsam, ibi: omnis sciens et cetera. Circa primum ponit talem propositionem: in omni anima res sensibiles sunt per hoc quod est exemplum eis, et res intelligibiles in ea sunt quia scit eas. Ad intellectum autem huius propositionis, videamus id quod scribitur in libro Procli circa hoc. Ponitur enim ibi CXCV propositio talis: omnis anima est omnes res, exemplariter quidem sensibilia, yconice autem intelligibilia . Et dicitur yconice id est per modum imaginis: imago enim est quod fit ad similitudinem alterius, sicut exemplar

14) Les choses sensibles sont en toute âme parce qu'elle en est le modèle, et les choses intelligibles sont en elle parce qu'elle les connaît. Après avoir traité de la cause première et de l'intelligence, l'auteur traite ici de l'âme. Il traite d'abord de l'âme, selon le rapport qu'elle entretient avec les autres réalités; puis, de ce qu'elle est en elle-même là où il dit : «Tout connaissant etc. ». À propos du premier point, il pose la proposition suivante : « Les choses sensibles sont en toute âme parce qu'elle en est le modèle, et les choses intelligibles sont en elle parce qu'elle les connaît ». Pour comprendre, voyons ce qu'écrit Proclus à ce sujet dans son livre à la proposition 195 : « Toute âme est toutes

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est id ad cuius similitudinem fit aliud. Haec autem propositio probatur tam hic quam in libro Procli hoc modo. Anima enim, ut habitum est in 2 propositione, media est inter res intelligibiles quae sunt omnino separatae a motu et per hoc parificantur aeternitati, et inter res sensibiles quae moventur et cadunt sub tempore; et quia priora sunt causa posteriorum, sequitur quod anima sit causa corporum et intelligentia sit causa animae per modum supra expositum. Manifestum est autem quod oportet effectus praeexistere in causis exemplariter, quia causae producunt effectus secundum suam similitudinem; et e converso causata habent imaginem suarum causarum, ut etiam Dionysius dicit II capitulo de divinis nominibus. Sic igitur res sensibiles quae causantur ex anima sunt in ea per modum exempli, ita scilicet quod huiusmodi res quae sunt infra animam causantur ad exemplum et similitudinem animae, res autem quae sunt supra animam sunt in anima per modum acquisitum, id est per quamdam participationem, ita scilicet quod comparantur ad animam sicut exemplaria, et anima ad ipsa quodammodo sicut imago: sic igitur patet quod sensibilia praeexistunt in anima sicut in causa quae quodammodo est exemplar effectuum. Exponit autem consequenter de qua anima intelligat, dicens: intelligo per animam virtutem agentem res sensibiles. Secundum illos enim qui ponunt corpora caelestia animata, anima caeli est causa omnium sensibilium corporum; sicut inferiorum animarum unaquaeque est causa proprii corporis. Nulla ergo inferior anima habet universalem causalitatem respectu sensibilium; et ideo sensibilia non sunt in ea per modum causae, sed solum in anima caeli quae supra sensibilia habet universalem causalitatem; et hanc hic appellat: virtutem agentem res sensibiles. Unaquaeque vero animarum quae sunt hic habet quidem causalitatem respectu

les réalités, les sensibles sous le mode exemplaire, les intelligibles sous le mode d'icône ». « Sous le mode d'icône», c'est -à-dire sous le mode d'image : en effet, l'image est ce qui se fait à la ressemblance d'un autre, comme le modèle est ce à la ressemblance de quoi un autre est fait. Cette proposition est prouvée, ici comme dans le livre de Proclus, de la façon suivante. L'âme, comme on le tient de la proposition 2, est intermédiaire « entre les choses intelligibles » qui sont tout à fait séparées du mouvement et de ce fait égalent la perpétuité, «et les choses sensibles qui sont mues» et qui tombent sous le temps. Et parce que les réalités antérieures sont causes des postérieures, il s'ensuit que «l'âme est la cause des corps », et l'intelligence cause de l'âme, conformément au mode exposé plus haut. Il est clair que l'effet doit préexister dans la cause exemplariter parce que les causes produisent leurs effets à leur ressemblance; inversement, « les réalités causées sont à l'image de leurs causes », comme le dit Denys au chapitre 2 des Noms divins70[70]. Ainsi donc «les réalités sensibles qui» sont causées « par l'âme, sont dans l'âme » à titre de modèle, de telle sorte que les réalités qui sont inférieures à l'âme sont causées à « la ressemblance» et similitude de l'âme; mais « les choses qui sont au-dessus de l'âme sont dans l'âme selon un mode acquis », c'est-à-dire par une certaine participation, en sorte qu'elles sont comparées à l'âme comme à leur modèle et l'âme à elles comme leur image. Il est donc évident que les choses sensibles préexistent dans l'âme comme dans leur cause qui d'une certaine façon est le modèle de ses effets. L'auteur explique par la suite de quelle âme il parle ici : «J'entends par âme la puissance qui produit les choses sensibles ». Selon ceux qui jugent les corps célestes animés, l'âme du ciel est la cause de tous les corps sensibles, comme chacune des âmes inférieures est la cause de son propre

70[70] Les noms divins, II, 8, 645 C.

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proprii corporis, sed non causat ipsum neque per sensum neque per intellectum; unde non praehabet sui corporis intelligibiles et exemplares rationes, causat autem ipsum per virtutem naturalem. Unde et in II de anima dicitur quod anima est efficiens causa corporis, tale autem agens non agit per aliquam rationem exemplarem proprie sumptam nisi ipsam naturam per quam agit dicamus exemplar effectus qui ad eius similitudinem producitur aliquo modo; et per hunc modum in natura animae virtute praeexistunt omnes partes sensibiles sui corporis, coaptantur enim potentiis animae quae ex eius natura procedunt. Et quamvis res sensibiles sint in anima quae est causa earum, non tamen sunt in ea per modum quo sunt in seipsis. Nam virtus animae est immaterialis, quamvis sit causa materialium, et est spiritualis, quamvis sit causa corporum, et est sine dimensione corporea, quamvis sit causa rerum habentium dimensionem. Et quia effectus sunt in causa secundum virtutem causae, oportet quod corpora sensibilia sint in anima indivisibiliter et immaterialiter et incorporaliter. Et sicut res inferiores anima sunt in ea altiori modo quam in seipsis, ita res superiores, scilicet intelligentiae, sunt in anima inferiori modo quam in seipsis, scilicet yconice vel per modum imaginis, ut Proclus dicit; loco cuius hic dicitur: per modum accidentalem, id est per quemdam inferiorem modum participationis, ita scilicet quod res intelligibiles quae sunt in seipsis indivisae et unitae et immobiles, sunt in anima divisibiliter et multipliciter et mobiliter per comparationem ad intelligentiam,- sunt enim ad hoc proportionatae ut sint causae multitudinis et divisionis et motus rerum sensibilium,- vel dicit quod res immobiles sunt in anima per modum motus, quia, secundum Platonicos, animae proprium est quod sit movens seipsam, secundum Aristotelem autem est principium motus rei moventis seipsam. Ultimo autem epilogando

corps. Aucune âme inférieure n'a de causalité universelle à l'égard des réalités sensibles. C'est pourquoi les choses sensibles ne sont pas en elle par mode de cause, mais celles-là sont seulement dans l'âme du ciel qui exerce une causalité universelle sur les réalités sensibles. L'âme du ciel, l'auteur l'appelle « la puissance qui produit les choses sensibles ». Chacune des âmes qui sont ici-bas exerce une causalité à l'égard de son corps propre, sans que ce soit ni par le sens ni par l'intellect. Aussi, ne possède-t-elle pas les raisons intelligibles et exemplaires de son propre corps, mais cause son propre corps par une puissance naturelle. C'est pourquoi, il est dit au livre II du De Anima71[71], que l'âme est la cause efficiente du corps : un tel agent n'agit pas à proprement parler par quelque raison exemplaire, à moins que nous ne disions que la nature même en vertu de laquelle il agit est le modèle de l'effet qui est produit, d'une certaine manière, à sa ressemblance. Et de cette façon, préexistent virtuellement dans la nature de l'âme, toutes les parties sensibles du corps : ces parties sont en effet appropriées aux puissances de l'âme qui procèdent de la nature de celle-ci. Bien que les choses sensibles soient dans l'âme qui est leur cause, elles n'y sont cependant pas comme elles sont en elles-mêmes. En effet, « la puissance » de l'âme « est » immatérielle, bien qu'elle soit cause des réalités matérielles; elle est « spirituelle », bien que cause des corps; elle est « sans dimension» corporelle, bien que cause de « réalités ayant une dimension ». Parce que les effets sont dans leur cause selon la puissance de la cause, il faut que les corps sensibles soient dans l'âme de façon indivisible, immatérielle et incorporelle. Et comme les choses inférieures à l'âme sont en elle sous un mode supérieur à celui sous lequel elles sont en elles-mêmes, ainsi, les réalités supérieures à l'âme, à savoir les

71[71] Cf. II, 4, 415 b 8.

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concludit propositum, et est manifestum ex praemissis. Et ex his quae dicta sunt apparere potest qualiter superiores animae caelorum, si caeli sunt animati, possint cognoscere sensibilia et intelligibilia: sic enim cognoscunt ea secundum quod sunt in eis.

intelligences, sont dans l'âme sous un mode inférieur à celui sous lequel elles sont en elles-mêmes, c'est-à-dire « sous le mode d'icône » ou d'image comme le dit Proclus. Ici il est dit« par mode accidentel », c'est-à-dire selon un mode inférieur de participation, si bien que les choses intelligibles, qui en elles-mêmes sont indivisées, unifiées et immobiles, sont dans l'âme sous un mode divisé, multiple et mobile par comparaison à l'intelligence - elles y sont en effet afin de pouvoir être causes de la multitude, de la division et du mouvement des réalités sensibles. Si l'auteur dit que les choses immobiles sont dans l'âme« sur le mode du mouvement », c'est parce que, selon les Platoniciens, le propre de l'âme est de se mouvoir elle-même; selon Aristote, l'âme est plutôt principe du mouvement de la chose qui se meut elle-même. Enfin, l'auteur conclut en épilogue, sur ce qu'il a dit et manifesté à partir des prémisses. Tout ce qui a été dit peut éclairer la façon dont les âmes supérieures célestes - pour autant que le ciel est animé - peuvent connaître les réalités sensibles et intelligibles : elles les connaissent du fait qu'elles sont en elles.

Lectio 15

[84250] Super De causis, l. 15 Ostenso qualiter anima se habeat ad alia, hic ostendit qualiter anima se habeat ad seipsam; et proponitur talis propositio: omnis sciens scit essentiam suam, ergo est rediens ad essentiam suam reditione completa. Et ad huius propositionis intellectum considerandae sunt quaedam propositiones quae in libro Procli ponuntur. Quarum una est XV libri eius, quae talis est: omne quod ad seipsum conversivum est incorporeum est. Et hanc propositionem supra manifestavit in 7 propositione libri huius. Secundam propositionem sumamus quae est XVI in libro Procli, quae talis est: omne ad seipsum conversivum habet substantiam separabilem ab omni corpore. Et huius probatio est quia, cum corpus ad seipsum

15) Tout être connaissant connaît sa propre essence, il revient donc à son essence par un retour complet. Ayant montré comment l'âme se comporte à l’égard des autres choses, l'auteur montre ici comment elle se comporte à l'égard d'elle-même. Pour ce faire, il pose la proposition suivante :« Tout être connaissant connaît sa propre essence, il revient donc à son essence par un retour complet ». Pour comprendre cette proposition, il faut considérer celles qu'établit Proclus, dont une, la l5e de son livre dit : « Tout ce qui se convertit à soi-même est incorporel » - sentence qui a été manifestée ici à la 7e proposition. La seconde proposition est la 16e, elle dit : « Tout ce qui se convertit à soi-même possède une substance séparable de tout

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converti non possit, ut ex praemissa propositione habetur, sequitur quod conversio ad seipsum sit operatio separata a corpore; cuius autem operatio est a corpore separabilis, necesse est quod et substantia sit separabilis; unde omne quod ad seipsum converti potest, est a corpore separabile. Tertiam propositionem sumamus XLIII libri eius, quae talis est: omne quod ad seipsum conversivum est, authypostaton est, id est per se subsistens. Quod probatur per hoc quod unumquodque convertitur ad id per quod substantificatur; unde, si aliquid ad seipsum convertitur secundum suum esse, oportet quod in seipso subsistat. Quartam propositionem sumamus XLIV (propositionem) libri eius: omne quod secundum operationem ad seipsum est conversivum, et secundum substantiam est ad se conversum. Et hoc probatur per hoc quod, cum converti ad seipsum sit perfectionis, si secundum substantiam ad seipsum non converteretur quod secundum operationem convertitur, sequeretur quod operatio esset melior et perfectior quam substantia. Quintam propositionem sumamus LXXXIII libri eius, quae talis est: omne suiipsius cognitivum ad seipsum omniquaque conversivum est. Cuius probatio est quia quod seipsum cognoscit convertitur ad seipsum per suam operationem, et per consequens per suam substantiam, ut patet per propositionem praemissam. Sextam propositionem accipiemus CLXXXVI libri eius, quae talis est: omnis anima est incorporea substantia et separabilis a corpore. Quae sic probatur secundum praemissa: anima cognoscit seipsam, ergo convertitur ad seipsam omniquaque, ergo est incorporea et a corpore separabilis. His igitur visis, considerandum est quod in hoc libro tria ponuntur. Quorum primum est quod anima sciat essentiam suam; de anima enim est intelligendum quod hic dicitur. Secundum est quod ex hoc concluditur, quod redeat ad essentiam suam reditione completa. Et hoc est idem ei quod in propositione Procli dictum est, quod omne suiipsius

corps ». La preuve en est que le corps ne peut se convertir à soi - ce qui vient d'être dit à la proposition 15; d'où il s'ensuit que la conversion à soi est une opération séparée du corps; mais il est nécessaire qu'une telle opération soit celle d'une substance séparable; aussi tout ce qui peut se convertir à soi est-il une réalité séparable du corps. La troisième proposition est la 43 e, elle est telle : « Tout ce qui est convertible à soi-même est auto-constituant », c'est-à-dire subsistant par soi. La preuve en est que chaque chose est convertie à ce qui la substantifie; de telle sorte que, si quelque chose se convertit à soi-même selon son être, il doit subsister en lui-même. La quatrième proposition est la 44e : « Tout ce qui, selon son opération, se convertit à soi-même est converti aussi à soi-même selon sa substance ». Proclus le prouve ainsi : être converti vers soi-même est la marque du parfait; si ne se convertissait pas à soi-même selon sa substance ce qui le fait selon son opération, il s'ensuivrait que l'opération serait meilleure et plus parfaite que la substance. La cinquième proposition est la 83e du livre, elle dit : « Tout être qui a le pouvoir de se connaître lui-même a celui de se convertir vers lui-même de toutes les façons ». Et ce, parce que se connaître soi-même, c'est être converti vers soi-même selon son opération et par conséquent selon sa substance, comme l'a dit la proposition 44. La sixième est tirée de la 186e du livre, elle est telle : « Tout âme est une substance incorporelle et séparable du corps ». Ceci est prouvé par ce qui a été dit : l'âme se connaît elle-même, donc est convertie à elle-même de toutes les façons, donc elle est incorporelle et séparable du corps. Toutes ces propositions étant vues, il faut considérer que dans notre livre trois choses sont posées. La première est que l'âme «connaît son essence»; on doit, en effet, comprendre que c'est de l'âme ici

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cognitivum ad seipsum omniquaque conversivum est; et intelligitur reditio sive conversio completa et secundum substantiam et secundum operationem, ut dictum est. Quod autem hoc secundum sequatur ex primo probat sic quia, cum dico quod sciens scit essentiam suam, ipsum scire significat operationem intelligibilem, ergo patet quod in hoc quod sciens scit essentiam suam, redit, id est convertitur, per operationem suam intelligibilem ad essentiam suam, intelligendo scilicet eam. Et quod hoc debeat vocari reditus vel conversio, manifestat per hoc quod, cum anima scit essentiam suam, sciens et scitum sunt res una, et ita scientia qua scit essentiam suam, id est ipsa operatio intelligibilis, est ex ea in quantum est sciens et est ad eam in quantum est scita: et sic est ibi quaedam circulatio quae importatur in verbo redeundi vel convertendi. Ex hoc autem quod secundum suam operationem redit ad essentiam suam, concludit ulterius quod etiam secundum substantiam suam est rediens ad essentiam suam; et ita fit reditio completa secundum operationem et substantiam. Et exponit consequenter quid sit redire secundum substantiam ad essentiam suam. Illa enim dicuntur secundum substantiam ad seipsa converti quae subsistunt per seipsa, habentia fixionem ita quod non convertantur ad aliquid aliud sustentans ipsa, sicut est conversio accidentium ad subiecta; et hoc ideo convenit animae et unicuique scienti seipsum, quia omne tale est substantia simplex, sufficiens sibi per seipsam, quasi non indigens materiali sustentamento. Et hoc potest esse tertium, quod scilicet anima sit separabilis a corpore, ut proponitur in propositione Procli. Primum autem horum, scilicet quod anima sciat essentiam suam, hic non probatur. Probatur autem in libro Procli sic: at vero quod cognoscat seipsam, manifestum est: si enim et quae super ipsam cognoscit, et seipsam nata est cognoscere multo magis, tamquam a causis quae sunt ante ipsam cognoscens seipsam. Ubi diligenter

qu'on parle. La seconde est qu'en conséquence l'âme «revient à son essence par un retour complet ». C'est la même chose que ce que disait Proclus, à savoir que «tout être qui a le pouvoir de se connaître lui-même a celui de se convertir vers lui-même de toutes les façons », et comprenons par retour ou conversion complète, celle qui se fait selon la substance et selon l'opération. Que ce second point résulte du premier, l'auteur le prouve ainsi : lorsqu'il est dit que« tout connaissant connaît son essence », « connaître » désigne une opération intellectuelle; il est donc évident, qu'en « connaissant son essence, tout connaissant revient », c'est-à-dire est converti « vers son essence par son opération intellectuelle », c'est-à-dire en l'intelligeant. Qu'il faille appeler ceci un retour ou une conversion, l'auteur le manifeste de la façon suivante : lorsque l'âme connaît son essence, « le connaissant et le connu sont une seule chose », et ainsi « la science » par quoi elle connaît «son essence », c'est-à-dire l'opération intellectuelle elle-même «procède d'elle en tant qu'elle est connaissante et revient vers elle en tant qu'elle est la chose connue»; on observe ici un certain cercle impliqué dans le verbe « revenir » et « être converti ». De ce que tout connaissant revient à son essence selon son opération, l'auteur conclut plus loin qu'il fait retour à son essence selon sa « substance» ; ainsi a lieu un retour complet, selon l'opération et selon la substance. L'auteur explique par la suite ce qu'est raire retour à son essence selon sa substance. Sont dites faire retour à elles-mêmes selon leur substance, les choses qui subsistent par elles-mêmes et de façon «stable », de telle sorte qu'elles ne sont pas converties à autre chose les soutenant, comme c'est le cas de la conversion des accidents aux sujets. C'est pourquoi une telle conversion convient à l'âme et à chaque réalité qui se connaît soi-même puisque une telle réalité« est une substance simple se suffisant par elle-

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considerandum est quod supra, cum de intellectuum cognitione ageret, dixit quod primus intellectus intelligit seipsum tantum, ut in 13 propositione dictum est, quia scilicet est ipsa forma intelligibilis idealis; alii vero intellectus tamquam ei propinqui participant a primo intellectu et formam intelligibilitatis et virtutem intellectualitatis, sicut Dionysius dicit IV capitulo de divinis nominibus quod supremae substantiae intellectuales sunt et intelligibiles et intellectuales; unde unusquisque eorum intelligit et seipsum et superiorem quem participat. Sed quia anima intellectiva inferiori modo participat primum intellectum, in substantia sua non habet nisi vim intellectualitatis; unde intelligit substantiam suam, non per essentiam suam, sed, secundum Platonicos, per superiora quae participat, secundum Aristotelem autem, in III de anima, per intelligibiles species quae efficiuntur quodammodo formae in quantum per eas fit actu.

même », sans avoir besoin d'un soutien matériel. Ceci peut tenir lieu de troisième point : «l'âme est séparable du corps », comme l'avance la proposition de Proclus. Le premier point, à savoir que l'âme connaît son essence, n'est pas ici prouvé. Il l’est ainsi dans le livre de Proclus : «Que l'âme se connaisse elle-même, c'est manifeste : si l'âme, en effet, connaît les principes qui sont au-dessus d'elle, à plus forte raison est-elle apte par nature à se connaître elle même, puisqu'elle se connaît en partant des causes qui lui sont antérieures»72[72]. Là, il faut faire attention à ce qui a été dit plus haut, lorsque l'auteur traitait de la connaissance des intellects et disait, à la proposition 13, que le premier intellect n'intellige que lui, parce qu'il est une forme même intelligible idéale; les autres intellects, en tant qu'ils sont proches de lui, participent de lui et la forme de l'intelligibilité et la puissance d'intellectualité, comme le dit Denys au chapitre IV des Noms divins73[73] : « les substances les plus élevées sont autant intelligibles qu'intellectuelles ». Aussi chacun de ces intellects s'intellige-t-il lui-même ainsi que l'intellect supérieur qu'il participe. Mais parce que l'âme intellectuelle participe plus faiblement le premier intellect, elle n'a dans sa substance que la puissance d'intellectualité. Aussi intellige-t-elle sa substance, non par son essence, mais, selon Platon, par les réalités supérieures qu'elle participe et, selon Aristote au livre III du De Anima74[74], par les espèces intel-ligibles qui font office de formes en tant que, par elles, l'âme est actualisée

Lectio 16

[84251] Super De causis, l. 16 Posita distinctione superiorum causarum et prosecutis singulis partibus divisionis, hic accedit ad ostendendum comparationem

16) Toutes les puissances pour lesquelles il n'y a pas de limite dépendent d'un infini premier qui est puissance des puissances, non parce que celles-ci sont acquises,

72[72] Cf. Éléments, prop. 186. 73[73] Les noms divins, IV, § 1,697B. 74[74] Cf. III, 4, 430 a 1-2.

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earum ad invicem. Et circa hoc tria facit: primo ostendit quomodo inferiora dependent a superioribus, secundo ostendit quomodo superiora influunt in inferiora, 20 propositione, ibi: causa prima regit etc., tertio ostendit quomodo inferiora diversimode recipiunt influxum primi influentis, 24 propositione, ibi: causa prima existit et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quomodo inferiora a superioribus dependeant secundum virtutem, secundo quomodo dependeant secundum substantiam et naturam suam, 18 propositione, ibi: res omnes habent essentiam. Circa primum duo facit: primo ostendit quod omnes virtutes infinitae dependent a prima infinita virtute, secundo ostendit quomodo magis vel minus ei assimilantur, 17 propositione, ibi: omnis virtus unita et cetera. Circa primum ponit hanc propositionem: omnes virtutes quibus non est finis, pendentes sunt per infinitum primum quod est virtus virtutum, non quia ipsae sint acquisitae, fixae, stantes in rebus entibus, immo sunt virtus rebus habentibus fixionem. Haec autem secunda propositionis pars in omnibus libris videtur esse corrupta; deberet enim singulariter dici: non quia ipsa sit acquisita, fixa, stans in rebus entibus, immo est virtus etc., ut referatur hoc ad virtutem virtutum. Et hoc patet ex libro Procli cuius propositio XCII talis est: omnis multitudo infinitarum potentiarum ab una prima infinitate exorta est, quae non ut participata potentia est, neque in potentibus subsistit, sed secundum seipsam, non alicuius participantis ens potentia, sed omnium causatorum entium. Ubi primo considerandum est quod infinita potentia dicitur cuiuslibet semper existentis, sicut supra dictum est in 4 propositione, in quantum scilicet videmus quod ea quae plus durare possunt, habent maiorem virtutem essendi; unde illa quae in infinitum durare possunt, habent quantum ad hoc infinitam potentiam. Secundum autem Platonicas positiones, omne quod in pluribus invenitur oportet reducere ad aliquod primum, quod per

stables, se tenant dans les choses, mais plutôt parce qu'elles sont puissances pour les choses recevant leur stabilité. Après avoir établi la distinction des causes supérieures et exposé ce qu'il en est de chaque membre de la division, l'auteur commence ici à les comparer les uns aux autres. Pour ce, il fait trois choses : il montre d'abord comment les inférieurs dépendent des supérieurs; puis comment les supérieurs influent sur les inférieurs, à la proposition 20 où il dit : « la cause première gouverne etc. »; enfin, comment les inférieurs reçoivent diversement l'influx du Premier, à la proposition 24 où il dit : « la cause première existe etc. ». Relativement au premier point, il fait deux choses : il montre d'abord comment les inférieurs dépendent des supérieurs quant à leur puissance; puis comment ils le font quant à leur substance et nature, à la proposition 18 là où est dit : «Toutes les choses ont une essence etc. ». Concernant le premier point, il fait à nouveau deux choses : il montre d'abord que toutes les puissances infinies dépendent de la première puissance infinie; puis comment elles s'assimilent à elle selon le plus ou le moins, à la proposition 17 là où il dit : «Toute puissance est plus une etc. ». Il dit donc d'abord : « Toutes les puissances pour lesquelles il n'y a pas de limite dépendent d'un infini premier qui est puissance des puissances, non parce que celles-ci sont acquises, stables, se tenant dans les choses, mais plutôt parce qu'elles sont puissances pour les choses recevant leur stabilité ». La seconde partie de la proposition, dans tous les manuscrits, semble être corrompue. C'est plutôt le singulier qui devrait être employé : « non parce que celle-ci serait acquise, stable, se tenant dans les choses, mais plutôt parce qu'elle est la puissance etc. », « celle-ci » se référant à « la puissance des puissances ». Ceci est clair dans la proposition 92 du livre de Proclus : « Toute multitude des puissances infinies

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suam essentiam est tale, a quo alia per participationem talia dicuntur. Unde, secundum eos, virtutes infinitae reducuntur ad aliquod primum, quod est essentialiter infinitas virtutis, non quod sit virtus participata in aliqua re subsistente, sed quia est subsistens per seipsam. Hoc autem, secundum Platonicos, non est ipsa idea entis, quia huiusmodi ens separatum habet quidem potentiam infinitam sed cum hoc etiam habet finitatem, sicut supra in 4 propositione est habitum; unde relinquitur quod non sit prima potentia quae est essentialiter ipsa infinitas. Neque tamen ponebant quod ista infinitatis idea sit primum simpliciter, quia ipsa infinitas participat unitate et bonitate, unde primum simpliciter est unum et bonum; hoc autem infinitum ideale, a quo omnes virtutes infinitae dependent, est medium inter unum et bonum quod est primum simpliciter, et inter ens. Et ita hanc propositionem Proclus exponit. Sed quia auctor huius libri non ponit diversitatem realem inter huiusmodi formas ideales abstractas quae per essentiam suam dicuntur, sed omnia attribuit uni primo quod est Deus, ut supra etiam patuit ex verbis Dionysii, ideo, secundum intentionem huius auctoris, hoc primum infinitum a quo omnes virtutes infinitae dependent, est primum simpliciter quod est Deus. Per ens autem de quo Proclus mentionem facit, quod est sub infinito, non intelligit ideam entis, sed potius ens primum creatum quod est intelligentia; et quod Proclus probat de idea entis, hic probatur de ente primo creato, quod est intelligentia. Dicit ergo: si aliquis velit dicere quod primum ens creatum, quod est intelligentia, sit virtus infinita, non tamen erit dicendum quod ipsa sit essentialiter virtus, immo est habens virtutem, unde non est illud primum infinitum a quo dependent omnes virtutes infinitae. Et quia non sit prima virtus infinita, manifestatur per hoc quod non est infinita omnibus modis et respectu cuiuslibet, sed est infinita solum inferius, non superius. Dicitur quidem inferius infinita virtus intelligentiae quia

est suspendue à l'infinité primordiale qui n'est pas une puissance participée, ni ne subsiste dans un sujet, mais est en elle-même, n'étant pas la puissance d'un quelconque participant mais la puissance de tous les étants causés ». Voyons d'abord que la« puissance infinie» est dite de ce qui existe toujours, comme cela a été dit à la proposition 4 : nous observons que ce qui peut durer davantage a une plus grande puissance à être; aussi ce qui peut durer à l'infini a, de ce point de vue, une puissance infinie. Selon les thèses platoniciennes, tout ce qui est trouvé en plusieurs peut être réduit à un premier qui est tel par son essence et dont les autres qui en participent tiennent d'être dits tels. Aussi, selon eux, les puissances infinies sont-elles réduites à un premier qui est essentiellement infini de puissance, non pas puissance participée dans quelque réalité subsistante, mais infinité subsistant par soi. Cette infinité n'est pas pour les Platoniciens l'idée d'être, parce que l'être séparé, qui a certes une puissance infinie, est cependant fini, comme on l'a vu à la proposition 4. Il reste donc qu'il n'est pas la première puissance qui, elle, est l'infinité même par essence. Toutefois les Platoniciens ne faisaient pas de cette idée d'infinité l'absolument premier, pour la raison que l'infinité participe de l'unité et de la bonté. L'absolument premier est l'Un-Bien. Cet infini idéal, dont toutes les puissances infinies dépendent, est «intermédiaire entre» l'Un-Bien, premier absolument, et l'être. C'est ainsi que Proclus explique sa proposition. Mais notre auteur, lui, ne pose pas de diversité réelle entre les formes idéales abstraites qui sont dites être par essence; il les attribue toutes à l'un premier qui est Dieu, comme cela ressort du discours de Denys. C'est pourquoi, dans l'intention de notre auteur, ce «premier infini », dont «toutes les puissances» infinies dépendent, est l'absolument premier, à savoir Dieu. Par« étant », dont fait mention Proclus et qui est sous l'infinité, il ne faut pas comprendre l'idée d'être, mais

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non comprehenditur ab his quae sunt infra ipsam; non est autem infinita superius quia exceditur a suo superiori cuius comprehensione finitur. Unde et Proclus dicit XCIII propositione: omne infinitum in entibus neque suprapositis infinitum est neque sibiipsi; quia, sicut ipse probat ibidem, a seipso unumquodque et a superioribus circumscribitur et terminatur, ab inferioribus autem circumscribi aut terminari non potest. Ideo autem virtus intelligentiae non est respectu omnium infinita, quia non est ei virtus pura, id est non est essentialiter virtus ut scilicet sit virtus subsistens; talis enim res, quae essentialiter virtus est, neque finitur inferius neque superius; non enim habet aliquid prius a quo possit circumscribi. Sed intelligentia quae est primum ens creatum, habet finem, et eius finis est secundum quem remanet, id est secundum quod deficit a suo superiori, quasi post ipsum remanens velut ipsum assequi non valens. Deinde ostendit quid sit illud primum infinitum a quo dependent omnes virtutes infinitae. Et hoc quidem accipitur hic ens primum creans, scilicet Deus, quod est primum infinitum purum, quasi essentialiter existens virtus infinita. Et hoc probat quia intelligentiae, quas vocat hic scientes et fortes propter magnitudinem virtutis quam habent, sunt infinitae propter acquisitionem suam, id est participationem, a primo quod est infinitum purum, id est essentialiter, a quo habent non solum infinitatem sed etiam esse. Et si ens primum creans est quod sui participatione facit res esse infinitas, tunc oportet quod ipsum sit supra infinitum: quod quidem, secundum ea quae hic dicuntur, oportet intelligere quod ens primum sit supra infinitum participatum et creatum, sed secundum Proclum hoc dicitur de idea unius et boni quae est secundum Platonicos supra ideam infiniti; et ideo, exponens quod dixerat ens primum esse supra infinitum, subdit quod intelligentia est infinitum, scilicet participative non autem essentialiter, ita scilicet quod ipsamet sit id quod est

plutôt «l'étant premier créé» qui est « l'intelligence ». Ce que donc Proclus dit de l'idée d'être, l'auteur le dit de l'étant premier créé qu'est l'intelligence. Il dit donc : « Si quelqu'un voulait dire que « l'étant premier créé », à savoir « l'intel-ligence », est « puissance infinie », il ne faudrait pas comprendre qu'elle est essentiellement « puissance », mais qu'elle a la puissance, si bien qu'elle n'est pas le premier infini dont dépendent «toutes les puissances infinies». Qu'elle ne soit pas la première puissance infinie, cela est manifesté par le fait qu'elle n'est pas infinie de toutes les façons possibles et à l'égard de n'importe quoi, mais elle est «infinie» à l'égard seulement «des réalités inférieures, et non des supérieures ». Elle est dite puissance infinie de l'intelligence à l'égard de « ce qui est inférieur », parce qu'elle n'est pas comprise par ce qui est sous elle; mais elle n'est pas infinie à égard de «ce qui est supérieur» puisqu'elle est dépassée par cette réalité supérieure qui la comprend et la limite. C'est pourquoi Proclus dit à la proposition 93 : « Tout ce qui est infini dans les étants ne l'est pas à l'égard des réalités supérieures, ni à l'égard de soi-même». Parce que, comme il le prouve au même endroit, chaque chose est circonscrite et définie par elle-même et par ses principes supérieurs, mais ne peut l'être par ses inférieurs. Aussi la puissance de l'intelligence n'est-elle pas infinie à l'égard de toutes les réalités puisqu'elle « n'est pas puissance pure » en elle-même, c'est-à-dire n'est pas essentiellement puissance ou encore puissance subsistante. Une telle «chose» qui est essentiellement puissance n'est «limitée ni pour l'inférieur ni pour le supérieur» : elle n'a rien avant elle par quoi elle puisse être circonscrite. Or « l'intelligence» qui est «l'étant premier créé a une limite et sa limite est ce à quoi il se tient », c'est-à-dire que l'intelligence est en défaut par rapport à son principe supérieur, comme se tenant après lui ou ne pouvant le comprendre. Puis l'auteur montre ce qu'est cet « infini

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infinitum. Concludit igitur ex praemissis quod, cum ens primum det intelligentiis esse et infinitatem, ipsum est mensura primorum entium scilicet intelligibilium, et per consequens secundorum entium scilicet sensibilium, secundum quod primum in quolibet genere est mensura illius generis, in quantum, per accessum ad ipsum vel recessum ab ipso, cognoscitur aliquid esse perfectius vel minus perfectum in genere illo. Sed ipse exponit ens primum esse mensuram omnium entium, quia creavit omnia entia cum debita mensura quae convenit unicuique rei secundum modum suae naturae: quod enim aliqua magis vel minus accedant ad ipsum, est ex eius dispositione. Ultimo autem colligit ex praemissis quasi epilogando principalem intentionem, et dicit quod ens primum creans est supra infinitum, illud scilicet quod participatione est infinitum; sed ens secundum, quod est creatum, scilicet intelligentia, est infinitum participative; illud autem quod est medium inter ens primum creatum, quod est intelligentia, et ens secundum creatum, quod est corpus corruptibile, est infinitum, scilicet corpus caeleste; sed Proclus hoc posuit tamquam idea infiniti sit media inter ideam boni et ideam entis. Hoc autem rerum ordine instituto circa infinitum, subdit similiter de aliis, et dicit quod omnes aliae bonitates simplices, scilicet vita et lumen et similia, sunt causae rerum habentium huiusmodi bonitates; sicut enim causa prima est ipsum infinitum et omnia alia ab eo habent infinitatem, ita etiam causa prima est ipsa vita et ipsum lumen, et ab ipsa creatum primum, scilicet intelligentia, habet vitam et lumen intelligibile; et similiter etiam aliae bonitates descendunt a causa prima primo quidem super creatum primum, quod est intelligentia, et deinde super alia mediante intelligentia, sive illa alia accipiantur animae intellectuales, sive res spirituales.

premier» dont dépendent « toutes les puissances» infinies. Ceci, c'est « l'étant premier créateur », c'est-à-dire Dieu qui « est l'infini premier pur » comme la puissance infinie existant par essence. Ille prouve ainsi : les intelligences, qu'il appelle ici des « connaissants » et les« forts» à cause de la grandeur de leur puissance, sont infinies « par acquisition », c'est-à-dire par participation « au premier » qui est l'infini pur, c'est-à-dire essentiellement infini, et dont elles tiennent non seulement leur infinité mais aussi leur être. « Et si l'étant premier » créateur est celui «dont la participation» fait que les «choses» sont infinies, « alors » il faut que « lui-même » soit au-dessus de l'infini. Comprenons, compte tenu de ce qui précède, que l'étant premier est au-dessus de l'infini participé et créé. Selon Proclus, ceci est dit de l'idée d'un et de bien qui, pour tous les Platoniciens, est au-dessus de l'infini. C'est pourquoi, expliquant ce qu'il a dit de «l'étant premier qui est au-dessus de l'infini », l'auteur ajoute que « l'intelligence est infinie », à savoir de façon participée et non essentiellement, en sorte que « elle-même » est « ce qui est infini L'auteur conclut que, puisque « l'étant premier » donne à l'intelligence son être et son infinité, il est «la mesure des étants premiers, c'est-à-dire des êtres intelligibles, et par conséquent, des « étants seconds », c'est-à-dire des étants sensibles : le premier en chaque genre est la mesure de tout le genre puisqu'on sait de quelque chose qu'il est plus ou moins parfait dans son genre selon son degré d'éloignement ou de proximité au premier. Mais il explique que si «l'étant premier» est «mesure» de tous les « étants », c'est« parce qu'il a créé tous les étants » et les a mesurés de la mesure qui convient à chaque chose selon le mode de sa nature : qu'une chose en effet se rapproche plus ou moins de lui, est à mettre au compte du rang qu'elle occupe par rapport à lui. Enfin l'auteur rassemble ce qu'il a dit et donne en épilogue l'intention principale de

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cette proposition. « L'étant premier créateur est au-dessus de l'infini », lequel infini l'est par participation; «mais l'être second qui est créé », c'est-à-dire l'intelligence, « est infini» par participation; «ce qui est» intermédiaire « entre l'étant premier créé », à savoir l'intelligence, et «l'étant second créé », à savoir le corps corruptible, «est non-fini », et c'est le corps céleste. C'est Proclus et non notre auteur qui place l'idée d'infini entre l'idée de bien et celle d'être. Ayant établi l'ordre des choses relativement à l'infini, l'auteur ajoute certaines remarques semblables sur toutes les autres « bontés simples », à savoir « la vie, la lumière et autres choses semblables qui sont causes des choses ayant ces bontés ». De même que la cause première est l'infini lui-même et que toutes les autres tiennent d'elle leur infinité, ainsi la cause première est la vie même, la lumière même et d'elle le premier créé qu'est l'intelligence tient la vie et la lumière intelligible. « Il en va de même de toutes les autres perfections découlant de la cause première », d'abord « sur le premier créé qu'est l'intelligence» et «ensuite sur» les autres « par la médiation de l'intelligence », que ces autres soient les âmes intellectuelles ou les réalités spirituelles.

Lectio 17

[84252] Super De causis, l. 17 Postquam in praecedenti propositione ostensum est quod omnes virtutes infinitae dependent a prima virtute infinita, in hac propositione consequenter ostenditur quomodo una virtus magis accedat ad primam infinitatem quam alia. Et dicit quod: omnis virtus unita plus est infinita quam virtus multiplicata. Et haec eadem propositio ponitur in libro Procli XCV sub his verbis: omnis potentia unitior existens est infinitior quam plurificata. Probatur autem utrobique dupliciter. Primo quidem per rationem, hoc modo. Sicut ex praemissa propositione habetur, omnes virtutes infinitae dependent a primo infinito quod est virtus virtutum; oportet igitur quod,

17) Toute puissance unifiée est plus infinie qu'une puissance multiple Après avoir montré dans la proposition précédente que toutes les puissances infinies dépendent de la puissance même première, l’auteur montre ici, en conséquence, comment l'une se rapproche davantage de la première infinité qu'une autre. Et il dit : « Toute puissance unifiée est plus infinie qu'une puissance multiple ». Elle correspond à la proposition 95 du livre de Proclus qui dit : « Toute puissance plus une, est plus infinie qu'une puissance plus multiple ». L'une comme l'autre sont prouvées d’une double façon.

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quanto virtus propinquior fuit illi primae virtuti, tanto magis participet de eius infinitate. Illa autem prima virtus est essentialiter unum; oportet ergo quod, quanto aliquid est magis unum, tanto habeat virtutem magis infinitam. Et inde est quod virtus intelligentiae, quae est prima inter virtutes creatas infinitas, est maxime infinita utpote propinquior uni primo; virtutes vero quae multiplicantur, ex hoc ipso deficiunt ab unitate, et ideo minoratur earum posse. Et huius exemplum apparet in virtutibus cognoscitivis: intellectus enim, qui non dividitur in multas potentias, est efficacior in cognoscendo quam sensus, qui in multas potentias diversificatur; et eadem ratione, virtus cognoscitiva intelligentiae, quae non dividitur per sensitivam et intellectivam, est fortior quam virtus cognoscitiva humana, tam circa sensibilia singularia quam circa intelligibilia cognoscenda. Secundo probatur per signum. Videmus enim in rebus corporalibus partibilibus quod, quando multa aggregantur et uniuntur, fit vehementior eorum virtus, ex qua consequuntur mirabiles operationes, sicut patet in multis hominibus simul trahentibus navem, qui divisim non possent eam trahere nec partes eius proportionales, et, quanto magis dividitur virtus rei corporalis, tanto debilior fit et facit operationes viliores, sicut tota domus a magno igne aggregato calefit, quod fieri non potest si ignis dividatur per diversas partes domus. Ex quibus duabus propositionibus concludit propositum, ut in littera patet.

D'abord par la raison et de la façon suivante. On tient de la proposition précédente que toutes les puissances infinies dépendent du premier infini, puissance des puissances. Il faut donc que plus une puissance a été rendue proche de la première puissance, plus elle participe de son infinité. Or cette puissance première est essentiellement une. Il faut donc que plus .une chose est une, plus sa puissance soit infinie. De là découle que la puissance de l'intelligence, qui est la première de toutes les puissances infinies crées, est la plus infinie comme étant la plus proche de l’un premier. Mais les puissances qui sont multipliées manquent, par là même, d'unité et leur puissance est diminuée d'autant. On trouve une illustration de cela dans les puissances cognitives : l'intellect qui n'est pas divisé en diverses facultés est plus efficace pour connaître, que le sens qui est multiplié en diverses facultés; pour la même raison, la puissance cognitive de l'intelligence, qui n'est pas divisée en faculté sensitive et faculté intellective, est plus forte que la puissance cognitive humaine destinée à connaitre aussi bien les singuliers sensibles que les choses intelligibles. Cette proposition est ensuite prouvée par un signe. Nous voyons en effet dans les réalités corporelles divisibles75[75] que plus elles sont rassemblées et unies plus leur puissance est forte; d'où il s'ensuit des opérations remarquables : de nombreux hommes qui séparément ne pourraient pas tirer un navire ni même tirer la partie du navire à quoi leur force respective est proportionnée, sont capables de le faire quand ils s'assemblent. Plus la puissance du corps est divisée, plus elle devient faible et ses opérations débiles : une maison tout entière peut être brûlée par les flammes rassemblées d'un feu, qui ne pourrait l'être si ce feu était divisé en autant de flammes atteignant les diverses parties de la maison.

75[75] C'est partibilibus qu'a retenu Saffrey et non, comme Pera, particularibus; ce choix est plus fondé eu égard à ce que le signe se propose de montrer : la faiblesse inhérente à la division.

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De ces deux propositions, l'auteur conclut son propos, comme le texte le montre.

Lectio 18

[84253] Super De causis, l. 18 Postquam ostensum est quod res omnes dependent a primo secundum suam virtutem, hic ostendit quod dependent omnia a primo secundum suam naturam. Et circa hoc duo facit: primo ostendit universalem dependentiam rerum a primo secundum omnia quae pertinent ad naturam vel substantiam earum, secundo ostendit diversum gradum appropinquationis ad primum a quo dependent, sicut et de dependentia virtutis dixerat, et hoc 19 propositione, ibi: ex intelligentiis est et cetera. Primo ergo ponit talem propositionem: res omnes habent essentiam per ens primum, et res vivae omnes sunt motae per essentiam suam propter vitam primam, et res intelligibiles omnes habent scientiam propter intelligentiam primam. Et hoc idem dicitur in libro Procli CII propositione, sub his verbis: omnia quidem qualitercumque entia ex fine sunt et infinito, propter prime ens. Omnia autem viventia suiipsorum motiva sunt propter vitam primam. Omnia autem cognitiva cognitione participant propter intellectum primum. Dicit autem quod omnia sunt ex fine et infinito propter prime ens quia, ut supra habitum est in 4 propositione, ens creatum compositum est ex finito et infinito. Ad huius autem propositionis intellectum primo quidem considerandum est quod omnes rerum gradus ad tria videtur reducere quae sunt esse, vivere et intelligere. Et hoc ideo quia unaquaeque res tripliciter potest considerari: primo quidem secundum se, et sic convenit ei esse, secundo prout tendit in aliquid aliud, et sic convenit ei moveri, tertio secundum quod alia in se habet, et sic convenit ei cognoscere quia secundum hoc cognitio perficitur quod cognitum est in cognoscente non quidem materialiter sed formaliter. Sicut autem habere aliquid in se formaliter et non materialiter, in quo consistit ratio cognitionis, est nobilissimus

18) Toutes les choses ont l'être grâce à l'étant premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, et toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l'intelligence première. Après avoir montré que toutes les choses dépendent du Premier quant à leur puissance, l'auteur montre qu'elles en dépendent toutes quant à leur nature. Pour ce, il fait deux choses : il montre d'abord l'universelle dépendance des choses par rapport au premier selon ce qui convient à leur nature ou substance; il montre deuxièmement les différents degrés de proximité qu'elles entretiennent à l'égard du premier, comme il l'a fait pour leur puissance, à la proposition 19 là où est dit : «Parmi les intelligences, il y a celle etc. ». Il pose d'abord sa proposition : «Toutes les choses ont l'être grâce à l'étant premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, et toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l'intelligence première ». Proclus dit la même chose dans la proposition 102 de son livre : «Tout ce qui est de quelque façon que ce soit doit à l'être premier d'être formé de déterminant et d'infini. Tout ce qui vit doit à la vie première de se mouvoir soi-même. Tous les êtres capables de connaître doivent à l'intellect premier de participer la connaissance ». S'il dit que «tout est formé de déterminant et d'infini à cause de l'étant premier », c'est parce qu'on tient de la proposition 4 que « l'être créé est composé de fini et d'infini ». Pour comprendre cette proposition, il faut d'abord voir que tous les degrés d'être sont réductibles à trois : être, vivre, intelliger. Aussi chaque chose peut-elle être considérée d'une triple façon : selon elle-même, c'est l'être qui lui convient; selon qu'elle tend à quelque chose d'autre, et alors lui convient d'être mue; selon qu'elle

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modus habendi vel continendi aliquid, ita moveri a seipso est nobilissimus mobilitatis modus, et in hoc consistit ratio vitae; nam ea dicimus viventia quae se aliqualiter movent. Esse igitur, quod est primum, commune est omnibus, sed non omnia pertingunt ad illam perfectionem ut sint suiipsorum motiva; unde non omnia sunt viventia, sed quaedam quae sunt perfectiora in entibus. Rursumque eorum quae sunt motiva suiipsorum vel aliorum, non omnia sunt motiva per modum cognitionis, sed per aliquod materiale principium sicut accidit in plantis; unde etiam non omnia viventia pertingunt ad gradum cognitionis, sed solum illa in quibus principium motionis est aliquid formale absque materia; nam et ipse sensus est susceptivus specierum sensibilium sine materia, ut dicitur in II de anima. Secundo considerandum est quod in unoquoque genere est causa illud quod est primum in genere illo, a quo omnia quae sunt illius generis in illo genere constituuntur, sicut inter elementaria corpora ignis est primum calidum a quo omnia caliditatem sortiuntur; non est autem in aliquo rerum ordine in infinitum procedere. Oportet igitur in ordine entium esse aliquod primum quod dat omnibus esse, et hoc est quod dicit quod res omnes habent essentiam per ens primum. Similiter oportet in genere viventium esse aliquod primum, et ab hoc omnia viventia habent quod vivant; et quia viventis proprium est quod sit suiipsius motivum, ideo dicit quod res vivae omnes sunt motae per essentiam suam, id est sunt moventes seipsas, propter vitam primam; unde et in libro Procli dicitur: omnia viventia suiipsorum motiva sunt propter vitam primam. Et quod movere seipsum procedit a prima vita, probat subdens: quoniam vita est processio procedens ex ente primo quieto sempiterno. Ad cuius intellectum sciendum est quod prius est aliquid esse in se quam moveri in alterum; unde moveri praesupponit esse. Quod si

a en elle d'autres choses, et ainsi lui convient de connaître, puisque la connaissance est achevée du fait que le connu est dans le connaissant, non certes matériellement mais formellement. Avoir en soi quelque chose non matériellement mais formellement - en quoi consiste la raison de connaissance - est le mode le plus noble d'avoir ou de contenir; être mû par soi - en quoi consiste la raison de vie -est le mode le plus noble d'être mû, puisque nous disons des vivants qu'ils se meuvent en quelque façon. L'être, qui est premier, est commun à tous, mais tous ne parviennent pas à la perfection du mouvement spontané; aussi, tous ne sont-ils pas des vivants, mais certains seulement, qui sont plus parfaits parmi les étants. De même, les êtres qui sont mus par eux-mêmes ou par d'autres ne le sont pas tous par mode de connaissance, mais ils le sont par un principe matériel comme il arrive aux plantes; aussi, tous les vivants n'atteignent-ils pas au degré de la vie cognitive, mais seulement ceux en qui le principe du mouvement est une forme sans matière. C'est ainsi que le sens peut recevoir des espèces sensibles sans matière, comme il est dit au livre II du De Anima76[76]. Il faut voir deuxièmement que, dans chaque genre, est cause l'être qui y est premier et à partir duquel toutes les réalités qui appartiennent à ce genre sont constituées en lui. Parmi les éléments, le feu est le premier réchauffant, par quoi la chaleur échoit à toutes les choses chaudes. Or on ne peut procéder à l'infini dans aucun ordre. Il faut donc que, dans l'ordre des êtres, il y ait quelque premier qui donne l'être à tous les êtres. C'est bien ce que dit l'auteur : « Toutes les choses ont l'être grâce à l'étant premier ». Il faut de la même façon qu'il y ait dans l'ordre des vivants un premier dont tous les vivants tiennent le vivre. Et parce que le propre du vivant est de se mouvoir soi-même, l'auteur dit que« toutes les choses vivantes

76[76] Cf. II, 12, 424 a 18-19.

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ipsum esse sit sicut subiacens motui, iterum oportebit praesupponi aliquod principium motus, et sic quousque deveniatur ad aliquod ens immobile quod est principium movendi seipsum omnibus; et hoc est prima vita. Unde manifestum est quod vita in omnibus viventibus est processio quaedam procedens a quodam primo ente quieto et sempiterno, id est nulli motioni subiecto. Similiter etiam in ordine cognoscentium oportet esse aliquod primum. Manifestum est autem quod ordine perfectionis et naturae cognitio intellectiva prior est sensitiva, quia est magis immaterialis; unde et per intellectum de cognitione sensitiva iudicamus, sicut de inferiori per superius. In ipsa autem intellectiva cognitione, manifestum est quod ratiocinativa inquisitio a principiis per se notis procedit, quorum est intellectus; unde ratio sequitur intellectum. Primum igitur in ordine cognoscentium est intellectus, et ideo oportet quod omnes res intelligibiles, id est cognoscitivae, habeant scientiam, id est cognitionem, propter intelligentiam primam; unde et in libro Procli dicitur quod omnia cognitiva cognitionem participant propter intellectum primum. Et ratio huius assignatur quia omnis scientia radicaliter non est nisi intelligentia; intelligentia enim est summitas quaedam, ut Proclus dicit, omnis cognitionis; unde intelligentia est primum cognoscens et influens cognitionem supra omnia cognoscentia. Sicut autem supra dictum est, secundum Platonicos primum ens, quod est idea entis, est aliquid supra primam vitam, id est supra ideam vitae, et prima vita est aliquid supra primum intellectum idealem; sed secundum Dionysium primum ens et prima vita et primus intellectus sunt unum et idem quod est Deus; unde et Aristoteles in XII metaphysicae primo principio attribuit quod sit intellectus et quod suum intelligere sit vita, et secundum hoc ab eo omnia habent esse et vivere et intelligere. Tertio considerandum quod ista tria diversimode causantur in rebus, sive a

sont mues par leur essence », c'est-à-dire se meuvent elles-mêmes « grâce à la vie première ». Aussi est-il dit dans le livre de Proclus : « Tout ce qui vit tient de la vie première de se mouvoir soi-même ». L'auteur prouve que se mouvoir soi-même procède de la vie première, en ajoutant : «parce que la vie est une procession venant de l'être premier en repos et perpétuel ». Pour comprendre cela, il faut savoir que « être en soi » est antérieur à « être mû » en un autre, si bien que « être mû » présuppose « être ». Mais si l'être est sous-jacent au mouvement, il faudra présupposer quelque principe du mouvement et remonter à quelque étant immobile qui est le principe du « se mouvoir» pour tous : ceci est la vie première. Il est donc évident que la vie dans tous les vivants est une certaine «procession» procédant d'un « être premier en repos et perpétuel » c'est-à-dire sujet d'aucun mouvement. Pour la même raison, il faut qu'il y ait un premier dans l'ordre des réalités connaissantes. Il est évident que dans l'ordre de la perfection et de la nature, la connaissance intellectuelle est antérieure à la connaissance sensible, parce qu'elle est plus immatérielle. Aussi est-ce par l'intellect que nous jugeons de la connaissance sensible, comme nous jugeons de l'inférieur par le supérieur. Dans l'ordre de la connaissance intellectuelle, il est manifeste que la recherche de la puissance raisonnante procède à partir de principes connus par soi, dont elle a l'intelligence. Aussi la raison suit-elle l'intellect. Dans l'ordre des connaissants donc vient d'abord l'intellect. Aussi faut-il que «toutes les choses intelligibles », c'est-à-dire cognitives, «aient la science », c'est-à-dire la connaissance « grâce à l'intelligence première ». Dans son livre Proclus dit bien que «tous les êtres capables de connaître reçoivent de l'intellect premier leur participation à la connaissance ». La raison qu'il donne est que «toute science» dans sa racine « n'est pas sinon intelligence » : l'intelligence, en effet, est

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diversis principiis secundum Platonicos, sive ab eodem principio secundum fidei doctrinam et Aristotelis. Est enim duplex modus causandi: unus quidem quo aliquid fit praesupposito altero, et hoc modo dicitur fieri aliquid per informationem, quia illud quod posterius advenit se habet ad illud quod praesupponebatur per modum formae; alio modo causatur aliquid nullo praesupposito, et hoc modo dicitur aliquid fieri per creationem. Quia ergo intelligere praesupponit vivere et vivere praesupponit esse, esse autem non praesupponit aliquid aliud prius; inde est quod primum ens dat esse omnibus per modum creationis. Prima autem vita, quaecumque sit illa, non dat vivere per modum creationis, sed per modum formae, id est informationis; et similiter dicendum est de intelligentia. Ex quo patet quod, cum supra dixit intelligentiam esse causam animae, non intellexit quod esset causa eius per modum creationis, sed solum per modum informationis, ut supra expositum est.

un certain sommet, comme le dit Proclus, sommet de toute connaissance. Aussi « l'intelligence est-elle le premier » connaissant et «influe-t-elle» la connaissance sur tous les connaissants. On sait que pour les Platoniciens le premier étant, ou l'idée d'étant, est au-dessus de la vie première, c'est -à-dire au-dessus de l'idée de vie, laquelle est au-dessus du premier intellect idéal. Pour Denys, en revanche, le premier étant, la vie première et le premier intellect sont uns et identiques, et c'est Dieu. Aussi Aristote dit-il au livre XII de la Métaphysique77[77] qu'au premier principe est attribué l'intellect et que son intelliger est vie, et c'est par lui que toutes les choses ont l'être, le vivre et l'intelliger. Il faut en troisième lieu considérer que ces trois modes sont causés diversement dans les choses : par des principes différents, selon les Platoniciens; par un seul et même principe selon la doctrine de foi et selon Aristote. Il existe en effet une double façon de causer : la première, par quoi quelque chose devient, présuppose autre chose, et par ce mode quelque chose devient par information puisque ce qui advient ensuite se comporte, à l'égard de ce qui est présupposé, par mode de forme; la seconde façon de causer ne présuppose rien, et par elle on dit que quelque chose devient par création. Comme donc l'intelliger présuppose le vivre et le vivre présuppose l'être, mais que l'être ne présuppose rien avant, le «premier étant donne l'être à tous par mode de création ». « La vie première », quelle qu'elle soit, « ne donne pas» le vivre «par mode de création » mais « par mode de forme », c'est-à-dire par mode d'information. C'est la même chose pour «l'intelligence ». D'où il apparaît avec évidence que l'auteur n'a pas compris que l'intelligence - dont on disait qu'elle était cause de l'âme - l'est par mode de création mais par mode d'information, comme cela a été expliqué

77[77]

Cf. XII, 7, 1072 b 24.

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plus haut. Lectio 19

[84254] Super De causis, l. 19 Postquam ostendit in praecedenti propositione quod omnes res secundum suam naturam dependent a primo, hic ostendit quomodo quaedam diversimode ei appropinquant secundum participationem naturalis perfectionis et ponit talem propositionem: ex intelligentiis est quae est intelligentia divina, quoniam ipsa recipit ex bonitatibus primis quae procedunt ex causa prima receptione multa. Et de eis est quae est intelligentia tantum, quoniam non recipit ex bonitatibus primis nisi mediante intelligentia. Et ex animabus est quae est anima intelligibilis, quoniam est ipsa pendens per intelligentiam; et ex eis est quae est anima tantum. Et ex corporibus naturalibus est cui est anima regens ipsum et faciens directionem super ipsum; et de eis sunt quae sunt corpora naturalia tantum quibus non est anima. Haec autem propositio invenitur in libro Procli CXI sub his verbis: omnis intellectualis seirae (id est ordinationis), hii quidem sunt divini intellectus suscipientes deorum posthabitiones (id est participationes), hii autem intellectus solum; et omnis animalis (scilicet seirae) hae quidem sunt intellectuales animae ad intellectus suspensae proprios, hae autem animae solum; et omnis corporalis naturae, hae quidem et animas habent astantes desuper, hae autem sunt naturae solum, animarum expertes praesentia. Ad cuius evidentiam sciendum est quod secundum Platonicos quadruplex ordo invenitur in rebus. Primus erat ordo deorum, id est formarum idealium inter quas erat ordo secundum ordinem universalitatis formarum, ut supra dictum est; sub hoc autem ordine est ordo intellectuum separatorum, sub quo est ordo animarum, sub quo iterum est ordo corporum. Et hii tres inferiores ordines accipiuntur secundum tria quae in praemissa propositione sunt tacta; nam corpora participant esse tantum, animae autem secundum propriam naturam

19) Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine puisqu'elle reçoit en une réception abondante quelque chose des bontés premières qui procèdent de la cause première; il y a celle qui n'est qu’intelligence puisqu'elle ne reçoit rien des bontés premières, si ce n'est par l'intermédiaire de l'intelligence première. Parmi les âmes, il y a celle qui est intelligible, puisqu'elle dépend de l'intelligence; et celle qui n'est qu'âme. Enfin parmi les corps naturels, il y a celui qui a une âme qui le gouverne et qui, au-dessus de lui, le dirige, et il y a ceux qui sont seulement corps naturels et qui n'ont pas d'âme. Après avoir montré que toutes les choses selon leur nature dépendent du premier, l'auteur montre comment celles-ci se rapprochent diversement de lui selon leurs participations respectives à la perfection naturelle. Il dit alors : «Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine, puisqu'elle reçoit en une réception abondante quelque chose des bontés premières qui procèdent de la cause première; Il y a celle qui n’est qu'intelligence, puisqu'elle ne reçoit rien des bontés premières, si ce n’est par l'intermédiaire de l'intelligence première. Parmi les âmes, Il y a celle qui est intelligible, puisqu'elle dépend de l'intelligence; et celle qui n : est qu'âme. Enfin parmi les corps naturels, il y a celui qui a une âme qui le gouverne et qui, au-dessus de lui, le dirige, et il y a ceux qui sont seulement corps naturels et qui n'ont pas d'âme ». On trouve cette proposition dans le livre de Proclus - c'est la 111e - sous ces termes : « Dans la série <c'est-à-dire ordre> intellectuelle tout entière, certains intellects sont divins parce qu'ils

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participant ulterius esse et vivere, intellectus autem participant esse, vivere et intelligere. Causalitas autem horum ad ordinem divinum pertinet, sive ponantur multi dii ordinati sub uno secundum Platonicos, sive unus tantum in se omnia habens secundum nos: universalitas enim causalitatis propria est Deo. Huiusmodi autem ordines, cum ab uno primo procedant, continuitatem quamdam habent ad invicem, ita quod ordo corporum attingit ordinem animarum et ordo animarum attingit ordinem intellectuum qui attingit ad ordinem divinum. Ubicumque autem diversi ordines sub invicem coniunguntur, oportet quod id quod est supremum inferioris ordinis propter propinquitatem ad superiorem ordinem aliquid participet de superioris ordinis perfectione. Et hoc manifeste videmus in rebus naturalibus: nam quaedam animalia participant aliquam rationis similitudinem et quaedam plantae participant aliquid de distinctione sexus, quae est propria generi animalium. Unde et Dionysius dicit VII capitulo de divinis nominibus quod per divinam sapientiam fines primorum coniunguntur principiis secundorum. Sic igitur illi qui sunt supremi in ordine intellectuum vel intelligentiarum dependent per quamdam perfectiorem participationem propinquius a Deo, et magis participant de bonitatibus eius et de universali causalitate ipsius; et ideo dicuntur divini intellectus vel divinae intelligentiae, sicut et Dionysius dicit quod supremi Angeli sunt quasi in vestibulis deitatis collocati. Inferiores vero intellectus qui non pertingunt ad tam excellentem participationem divinae similitudinis sunt intellectus tantum, non habentes illam divinam dignitatem. Et eadem ratio est de animabus respectu intellectuum; nam supremae animae sunt intellectuales utpote propinquae ordini intellectuum, aliae vero animae inferiores non sunt intellectuales, sed habent solum id quod est animae ut scilicet sint vivificativae, sicut maxime patet de animabus animalium et plantarum. Et

reçoivent des dons <c'est-à-dire des participations> des dieux, tandis que d'autres sont seulement intellects. Dans la série psychique tout entière, certaines âmes sont intellectuelles parce qu'elles sont suspendues à leurs intellects propres, alors que d'autres sont seulement âmes. Enfin dans l'ordre de la nature corporelle tout entière, certaines natures ont des âmes les assistant d'en-haut, tandis que d'autres sont uniquement des natures dépourvues de toute présence psychique ». Pour saisir tout cela, il faut savoir que pour les Platoniciens il existe un quadruple ordre dans les choses. Le premier est l'ordre des dieux, c'est-à-dire des formes idéales hiérarchisées selon un ordre d'universalité, comme on l'a dit; sous cet ordre, on trouve celui des intellects séparés sous lequel est l'ordre des âmes; sous celui-ci est l'ordre des corps. Ces trois ordres inférieurs sont tirés des trois degrés d'être dont on a parlé dans la proposition précédente. Ainsi les corps participent l'être seulement; les âmes, en tant qu'âmes, participent, outre l'être, le vivre; les intellects participent l'être, le vivre et l'intelliger. La causalité de ces trois ordres de réalité revient a l'ordre divin soit qu'il y ait sous l'un, d'après les Platoniciens, une hiérarchie de plusieurs dieux, soit qu'il n'y ait, selon nous, que l'un qui comprend tout en lui. Car l'universalité de la causalité est le propre de Dieu. Comme ces ordres procèdent de l'un premier, il y a entre eux une certaine continuité, si bien que l'ordre des corps touche l'ordre des âmes, celui des âmes touche l'ordre des intelligences et l'ordre des intelligences touche l'ordre divin. Partout où divers ordres sont unis les uns aux autres, il faut que la limite supérieure de l'ordre inférieur participe de la perfection de l'ordre supérieur en raison de sa proximité à lui. Nous observons ce phénomène dans les réalités naturelles. Certains animaux participent quelque similitude de la raison, comme certaines

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eadem ratio est de ordine corporum respectu animarum; nam corpora nobiliora quae perfectiori ratione sunt constituta, sunt animata, alia vero corpora sunt inanimata. Et eadem ratio est de omnibus aliis ordinibus in quos praedicti generales ordines distinguuntur, quia etiam in corporibus sunt diversi ordines et similiter in animabus et intellectibus.

plantes participent quelque chose de la distinction des sexes, distinction qui est propre au genre animal. Aussi Denys dit-il au livre VII des Noms divins78[78] qu'en raison de la divine sagesse « le terme des premiers est conjoint aux principes des seconds ». Ainsi les intellects ou intelligences suprêmes dépendent plus immédiatement de Dieu en raison d'une participation plus parfaite, et participent davantage de ses bontés et de sa causalité universelle. C'est pourquoi on les appelle intellects divins ou divines intelligences, comme le dit Denys : les anges suprêmes sont comme placés "dans le vestibule» de la Déité79[79]. Les intellects inférieurs qui ne parviennent pas à une participation aussi excellente de la similitude divine sont seulement intellects, sans dignité divine. Pour la même raison il en va de même des âmes dans leur rapport aux intelligences. En effet, les âmes suprêmes sont intellectuelles, proches qu'elles sont de l'ordre des intellects; les autres âmes inférieures ne sont pas intellectuelles, mais sont limes seulement, principe vivifiant, comme c'est évident pour l'âme des animaux et des plantes. Pour la même raison, il en va ainsi des corps dans leur rapport aux âmes : les corps plus nobles, constitués par une raison plus parfaite, sont animés; les autres corps sont inanimés. Et de même pour tous les autres ordres en lesquels on peut distinguer ces hiérarchies; parce que, entre les corps, il y a divers ordres, semblablement entre les âmes et les intellects

Lectio 20

[84255] Super De causis, l. 20 Postquam ostensum est qualiter inferiora a superioribus dependeant, hic ostenditur qualiter superiora inferioribus influant per suum regimen. Et circa hoc duo facit: primo agit de universali regimine causae primae, secundo de regimine intelligentiae, 23 propositione, ibi: omnis

20) « La cause première régit toutes les choses créées, sans qu'elle soit mêlée à elles ». Après avoir montré comment les inférieurs dépendent des supérieurs, l’auteur montre comment les supérieurs influent sur les inférieurs par leur gouvernement. À ce propos, il fait deux choses : il traite d'abord du gouvernement

78[78] Les noms divins, VII, § 3,872B. 79[79] Cf. De la hiérarchie, VII, 2. Noms divins, V, 8.

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intelligentia divina et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit modum universalis regiminis causae primae, secundo ostendit idoneitatem causae primae ad regendum, 21 propositione, ibi: primum est dives et cetera. Circa primum ponit talem propositionem: causa prima regit omnes res creatas praeter quod commisceatur cum eis. Ad cuius evidentiam considerandum est quod in humano regimine hoc contingere videmus quod ille qui habet curam regiminis plurimorum, necesse est ut ex suo regimine ad plura distrahatur; qui vero a cura regiminis aliorum est liber, magis in seipso potest uniformitatem conservare, unde et Epicurei philosophi, ut quietem et uniformitatem divinam conservarent, posuerunt deos nullius regiminis curam habere, sed omnino otiosos et nihil curantes, ut sic videantur esse felices. Et ideo contra hoc in hac propositione inducitur quod haec duo in causa prima non sunt contraria nec se invicem impediunt universale regimen rerum et summa unitas, per quam Deus exaltatur supra omnia. Unde statim in principio expositionis ponitur: quod est quia regimen non debilitat unitatem eius exaltatam super omnem rem neque destruit eam, quia scilicet nec in toto nec in parte per universale regimen unitati divinae derogatur; et e converso subdit: neque prohibet eam essentia unitatis eius seiuncta a rebus quin regat res. Et hoc totum in CXXII propositione Procli ponitur sub his verbis: omne divinum et providet secundis, et ereptum est ab his quibus providetur; neque providentia submittente suam immixtam et unialem excellentiam, neque separata unitione providentiam exterminante. Ad huius autem propositionis manifestationem tria inducuntur. Primo namque ostenditur diversus modus recipiendi influentias causae primae ex parte rerum recipientium, secundo ostenditur unitas ex parte causae primae influentis, ibi: et bonitas prima etc., tertio ex his duobus concluditur propositum, scilicet quod

universel de la cause première; puis du gouvernement de l'intelligence, à la proposition 23 où il dit : « Toute intelligence divine etc. ». Pour traiter du premier point, il fait deux choses : il montre d'abord le mode du gouvernement universel de la cause première; puis la convenance qu'il y a à ce que la cause première gouverne, ce à la proposition 21 où il dit : «Le premier est riche par soi-même etc. ». Relativement au premier point, il pose la proposition suivante : « La cause première gouverne toutes les choses créées, sans qu'elle soit mêlée à elles ». Pour le comprendre, il faut observer ce qui se passe dans le gouvernement humain : il est nécessaire que celui qui a le soin du gouvernement d'un très grand nombre soit, du fait de son gouvernement, préoccupé de plusieurs choses; aussi celui qui est libre du souci de gouverner les astres peut garder en lui-même plus d'équanimité; c'est pourquoi les Epicuriens, afin de conserver aux dieux leur tranquillité et leur équanimité, jugeaient qu'ils n'avaient pas le soin de gouverner, mais restaient oisifs et sans souci afin qu'ils leur parussent heureux. Contre cette opinion, l'auteur de cette proposition établit que ces deux choses - à savoir le gouvernement universel des choses et la suprême unité en vertu de laquelle Dieu est au-dessus de tout - ne sont pas contraires, dans la cause première, et ne s'entre empêchent pas. D'ailleurs, aussitôt, au tout début de son explication, il pose : «Cela s'explique ainsi : le fait de gouverner n'affaiblit pas son unité, élevée au-dessus de toute chose, ni ne la détruit », parce que, ni dans son tout ni dans sa partie, Dieu ne déroge à son unité par son gouvernement universel. À l'inverse, l'auteur ajoute que : « l'essence de son unité séparée des choses n'empêche pas qu'elle les gouverne ». Tout ceci se retrouve dans la proposition 122 de Proclus : « L'ordre divin tout entier veille sur ses dérivés, et il est délivré des choses auxquelles il pourvoit; sans que sa

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regimen causae primae extat absque hoc quod commisceatur rebus, ibi: redeamus autem et dicamus. Dicit ergo primo quod omnes bonitates quae inveniuntur in rebus, effluunt a causa prima; et huiusmodi bonitates recipit unaquaeque res secundum modum et proprietatem suae substantiae et virtutis - sunt autem diversarum rerum diversae naturae et virtutes - et inde est quod, quamvis causa prima influat uno influxu super omnia, diversimode tamen influxus eius in diversis rebus recipitur. Cuius exemplum evidens est in lumine quod quidem a corpore lucido uno modo procedit, sed secundum quod radii diversi transeunt per vitra diversimode colorata, diversam apparentiam faciunt. Deinde ostendit quod causa prima unico influxu influat in res omnes; influit enim in res secundum rationem boni; habet enim bonitatem bonificam, id est quae est principium bonitatis in omnibus. Bonitas autem causae primae est ipsum suum esse et sua essentia, quia causa prima est ipsa essentia bonitatis; unde cum essentia eius sit maxime una, quia primum principium est secundum se unum et bonum, consequens est quod causa prima uno modo, quantum est ex parte sua, agat in res et influat in eas; sed ex eius influxu res diversimode recipiunt, quaedam plus et quaedam minus, unaquaeque secundum suam proprietatem. Deinde ex praemissis concludit impermixtionem causae primae ad res alias. Et huius conclusionis intellectus plenus haberi potest si accipiamus verba quae sunt in commento Procli, qui sic dicit: neque igitur providentes (scilicet dii) habitudinem recipiunt ad ea quibus providetur; per esse enim quod sunt omnia bonificant, omnia autem per esse faciens sine habitudine facit: habitudo enim appositio est ad esse, propter quod praeter naturam. Vocat autem habitudinem aliquam dispositionem per quam agens coaptatur seu proportionatur patienti seu recipienti; et quod sic agit in diversa, necesse est quod habeat diversas dispositiones quibus diversis coaptetur, et secundum hoc cadit

providence abaisse sa supériorité unitaire et pure de tout mélange, et sans que cette unité séparée supprime cette providence ». Pour manifester cette proposition, l'auteur introduit trois choses. Il montre d'abord la différence des manières de recevoir l'influence de la cause première à partir des choses qui la reçoivent; puis il montre l'unité de ce mode à partir de la cause influente, là où il dit : « Le bien premier n'influe sur toutes choses etc. »; enfin il conclut de ces deux prémisses que le gouvernement de la cause première se maintient sans se mêler aux choses, là où il dit : « Revenons à notre propos etc. Il dit donc d'abord que toutes les bontés qui sont trouvées dans les choses fluent de la cause première, et chaque chose les reçoit selon son mode et selon la particularité de sa substance et de sa puissance -les choses diverses ont des natures et puissances diverses -, c'est pourquoi, bien que la cause première influe d'un seul influx sur toutes choses, celui-ci est reçu diversement par les choses diverses. Un exemple le manifeste : la lumière procède tout uniment du corps lumineux, bien que ses rayons, traversant des vitres diversement colorées, offrent de la diversité dans l'apparence. L'auteur montre en second lieu que la cause première influe d'un unique influx sur toutes choses. Il influe en effet sur les choses selon la raison de bonté. La bonté en effet fait du bien, c'est-à-dire qu'elle est principe de bonté pour tous. Or la bonté de la cause première est son être et son essence, parce que la cause première est en elle-même l'essence de la bonté. Aussi, et comme son essence est suprêmement une - selon que le premier principe est en soi un et bien -, la cause première, de son côté, agit-elle et influe-t-elle sur les choses d'une seule façon; alors que du côté de l'influx, les choses le reçoivent différemment, certaines plus, d'autres moins, chacune selon la particularité de sa nature. En troisième lieu, l'auteur conclut sur le caractère non mêlé de la cause première.

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in huiusmodi rem quaedam multitudo quae diversimode agit in diversa secundum diversas suas dispositiones quae sunt praeter naturam sive essentiam eius, quae est una. Et sic tale agens secundum diversas dispositiones commiscetur rebus in quas agit secundum quamdam coaptationem ad ea; sed causa prima agit per esse suum, ut probatum est. Unde non agit per aliquam habitudinem vel dispositionem superadditam per quam coaptetur et commisceatur rebus. Et huiusmodi habitudo vocatur hic continuator vel res media, quia scilicet per huiusmodi dispositionem vel habitudinem coaptatur agens recipienti, et est quodammodo media inter essentiam agentis et ipsum patiens. Quia igitur causa prima est agens per esse suum, oportet quod uno modo regat res; sic enim regit res quemadmodum agit: unde patet quod regimen eius est optimum et pulcherrimum. Ad hoc enim tendit quilibet rector multitudinis quod reducat multos quos regit in unum; et hoc maxime invenitur in divino regimine, quod est unum secundum se et non diversificatur in effectibus nisi secundum diversitatem, quasi secundum diversa merita, subditorum.

On peut avoir une parfaite intelligence de cette conclusion, si nous prenons les expressions qui sont dans le livre de Proclus : « Il n'est pas vrai qu'en exerçant une activité providentielle, les dieux contractent une relation aux objets de cette activité. C'est en effet par leur être qu'ils rendent toutes choses bonnes. Tout ce qui agit par son être agit sans contracter de relation. La relation en effet s'ajoute à l'être, et pour cette raison, est en marge de la nature ». Proclus nomme « relation » certaine disposition par laquelle l'agent est adapté ou proportionné au patient ou recevant. Il est nécessaire que ce qui agit en des choses diverses ait diverses dispositions par lesquelles il s'adapte à ces réalités diverses. Pour cette raison, une certaine multiplicité advient à l'agent qui agit sur des réalités différentes selon des dispositions diverses qui sont au-delà de la nature ou essence une de l'agent. Un tel agent, en raison de ses dispositions, se mêle aux choses sur lesquelles il agit, en s'adaptant d'une certaine façon à elles. Mais, comme on l'a prouvé, la cause première agit par son être. Aussi n’agit-elle pas par une relation ou disposition ajoutée grâce à laquelle elle s'adapterait et se mêlerait aux choses. L'auteur appelle cette relation un « moyen-terme» ou « intermédiaire », parce que par elle l'agent est adapté au patient et qu'elle est comme un intermédiaire entre l'essence de l'agent et celle du patient. Donc, puisque la cause première agit par son être, il faut qu’elle gouverne d'une unique façon toutes les choses; elle les gouverne comme elle agit. Aussi est-il clair que son gouvernement est le meilleur et le plus beau. C'est à réduire le multiple qu'il gouverne à l'un, que tend celui qui gouverne la multitude. Ceci s'observe au plus haut point dans le gouvernement divin qui est un en lui-même et n'est diversifié dans ses effets que par la diversité ou les mérites divers de ses sujets.

Lectio 21

[84256] Super De causis, l. 21 Postquam

21) Le premier est riche par soi-même et il est plus riche.

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assignavit modum divini regiminis, hic ostendit sufficientiam Dei ad regendum. Quae quidem attenditur secundum duo: primo quidem secundum Dei abundantiam, secundo secundum eius superexcellentiam, et hoc ibi: causa prima et cetera. Haec enim duo necessaria sunt regenti, primo quidem ut habeat bonorum abundantiam, ex quibus possit subditis providere; unde et Dionysius dicit XII capitulo de divinis nominibus quod dominatio est omnis pulchrorum et bonorum perfecta possessio, et regnum est omnis finis et legis et ordinis distributio. Ad ostendendum autem in Deo abundantem sufficientiam proponit hanc propositionem: primum est dives propter seipsum et est dives magis. Ad cuius evidentiam accipiatur propositio CXXVII Procli, quae talis est: omne divinum simplex prime est et maxime, et propter hoc maxime per se sufficiens. Probat autem quod Deus sit prime et maxime simplex ex ratione unitatis: nam Deus est maxime unum cum sit prima unitas sicut et prima bonitas; simplicitas autem ad rationem unitatis pertinet - dicitur enim simplex quod est unum non ex pluribus aggregatum; unde Deus in quantum est prime et maxime unum, in tantum etiam est prime et maxime simplex. Et ex hoc ulterius procedit ad ostendendam secundam partem suae propositionis, scilicet quod Deus sit maxime per se sufficiens, quia per se sufficientia consequitur ad simplicitatem. Omne enim compositum indiget pluribus ex quibus sua bonitas constituitur, et non solum indiget illis ex quibus componitur ut ex partibus, sed etiam indiget aliquo alio quod causat et conservat compositionem, sicut patet in corporibus mixtis; non enim diversa in unum convenirent nisi per aliquam causam ea unientem. Cum igitur Deus sit primo et maxime simplex utpote habens totam bonitatem suam in uno perfectissimo, sequitur quod Deus sit primo et maxime

Après avoir déterminé le mode du gouvernement divin, l'auteur montre la suffisance de Dieu requise à son gouvernement. L'auteur souligne deux aspects de cette suffisance : d'abord l'abondance de Dieu; ensuite sa super-excellence, à la proposition 22 où il dit : « La cause première est au-dessus de tout nom etc. ». Ces deux choses sont en effet nécessaires à celui qui gouverne, et d'abord qu'il ait en abondance les biens grâce auxquels il pourra veiller sur ceux qui lui sont soumis; aussi Denys dit-il, au chapitre XII des Noms divins80[80], que « toute domination est une possession parfaite des bonnes et belles choses» et « tout gouvernement est l'établissement ajusté de fins, de lois et d'ordre ». Pour montrer qu'en Dieu il y a une suffisance d'abondance, l'auteur établit cette proposition : « Le premier est riche par soi-même et il est plus riche ». Pour comprendre le sens de cette proposition, prenons la proposition 127 de Proclus : « Tout ce qui est divin est simple de façon primordiale et suprême et, pour cette raison, parfaite suffisance par soi ». L'auteur prouve que Dieu est premièrement et suprêmement simple à partir de la raison d'unité : Dieu est suprêmement un puisqu'il est l'unité et la bonté premières; or la simplicité convient à la raison d'unité - nous disons simple ce dont l'unité n'est pas faite par agrégation de plusieurs-; aussi Dieu, en tant qu'il est suprêmement et premièrement un, est-il suprêmement et premièrement simple. Par la suite, il montre la seconde partie de sa proposition, à savoir que Dieu est suprêmement suffisant, parce que la suffisance par soi découle de la simplicité. En effet, tout composé a besoin d'une pluralité dont est constituée sa bonté; non seulement, il en a besoin à titre de parties, mais il a besoin aussi de ce qui cause et conserve sa composition, comme on le voit dans les corps mixtes. La diversité ne

80[80]

Les noms divins XII, 2, 969 B.

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per se sufficiens. Sed auctor huius libri praetermittit primam partem propositionis quae est de simplicitate, quasi eam supponens, et loquitur solum de per se sufficientia quam divitiarum nomine signat: et loco eius quod in propositione Procli dicitur quod Deus est per se sufficiens, dicit quod primum est dives propter seipsum. In quolibet enim genere est primum id quod est propter seipsum; quod enim est per se, prius est eo quod est per aliud; loco autem eius quod ibi dicitur quod est maxime sufficiens, hic dicitur quod est dives magis, scilicet quam omnia alia. Probatio autem propositi est eadem utrobique. Nam primo dicit quod unitas divina quae non est dispersa in multas partes, sed est unitas pura, est significatio huius quod Deus sit in fine simplicitatis, id est maxime simplex. Et ex hoc ulterius probat quod Deus sit maxime per se sufficiens per indigentiam quae in compositis invenitur, sicut iam dictum est. Sed quia in nomine divitiarum non solum intelligitur sufficientia, sed etiam copia potens in alios redundare, addit ulterius, ad ostendendum Deum esse divitem, de influxu bonitatis eius in res, quia propter abundantiam suae bonitatis influit in res alias et nihil est quod influat super ipsum; omnes autem aliae res, sive sint intelligibiles sicut intelligentiae et animae, sive sint in corpore, non sunt divites per seipsas, quasi ex seipsis habentes abundantiam bonitatis, sed indigent participare bonitatem a primo vere uno quod influit super eas gratis, absque hoc quod aliquid ei inde accrescat, omnes bonitates et perfectiones.

convient pas à l'unité à moins qu'une cause n'unifie cette diversité. Comme Dieu est suprêmement et premièrement simple, comme il possède toute sa bonté en une unité très parfaite, il s'ensuit qu'il est suprêmement et premièrement suffisant. L'auteur a omis la première partie de la proposition qui traite de la simplicité; il la suppose sans doute et ne parle que de la suffisance désignée du nom de « richesses ». À l'endroit où Proclus dit que Dieu est «par soi suffisant », notre auteur dit qu'« il est riche par soi-même ». En tout genre, en effet, est premier ce qui est à cause de soi; ce qui est par soi est antérieur à ce qui est par un autre. Là où Proclus dit qu'il est « suprêmement suffisant », l'auteur dit qu'il « est plus riche », entendons plus riche que tous les autres. La preuve chez l'un et l'autre auteur est la même. En effet, l'anonyme dit d'abord que « l'unité » divine « qui n'est pas dispersée » en de nombreuses parties, mais «est une unité pure », est « la raison » pour laquelle Dieu est « à l'extrême de la simplicité », c'est-à-dire est simple au plus haut point. À partir de là, il prouve que Dieu est au plus haut point suffisant, comparé à l'indigence qu'on trouve dans les réalités composées, comme cela a déjà été dit. Mais parce que sous le nom de richesse est compris non seulement la suffisance mais le pouvoir de déborder généreusement sur les autres, l'auteur, pour montrer que Dieu est riche, ajoute line remarque sur l'influx de la bonté de Dieu : à cause de l'abondance de sa bonté, il influe sur les choses et rien n'influe sur lui. Toutes les autres « choses », qu'elles soient « intelligibles » comme les intelligences et les âmes, ou corporelles, « ne sont pas riches par elles-mêmes », comme tenant d'elles-mêmes l'abondance de leur bonté, mais « ont besoin » de participer la bonté du premier ou un qui influe « gratuitement » sur elles ses « bontés » et ses perfections, sans que cela lui ajoute quelque chose.

Lectio 22 22) « La cause première est au-dessus de tout nom dont on la

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[84257] Super De causis, l. 22 Ostensa abundantia divinae bonitatis, hic ostendit excellentiam ipsius, dicens: causa prima est super omne nomen quod nominatur. Ad cuius propositionis intellectum considerandum est quod id quod hic sub uno colligitur, Proclus in suo libro per diversa distinguit, cuius est CXV propositio talis: omnis Deus supersubstantialis est et supervitalis et superintellectus. Quod quidem Proclus dupliciter probat, primo probatione communi quae talis est: Deus est unitas per se perfecta; unumquodque autem aliorum quae sunt sub Deo, non est ipsa unitas, sed est aliquid participans unitate; manifestum est igitur quod Deus est ultra omnia huiusmodi. Secundo probat probatione speciali, quia scilicet substantiae non est idem esse et substantiam esse et unum esse, sed quaelibet substantia subsistens participat esse et uno; unde relinquitur quod Deus, qui est ipsum unum et ens per seipsum, sit supra substantiam et per consequens supra vitam et intellectum quae praesupponunt substantiam, ut patet etiam in hoc libro ex 18 propositione supra inducta. Sed quia auctor huius libri propositionem in communi inducit, contentus est sola probatione communi. In omnibus enim quae sunt infra causam primam, quaedam inveniuntur perfecte existentia sive completa, quaedam imperfecta sive diminuta. Perfecta quidem videntur esse ea quae per se subsistunt in natura, quae a nobis significantur per nomina concreta ut homo, sapiens et huiusmodi; imperfecta autem sunt illa quae per se non subsistunt, sicut formae ut humanitas, sapientia et huiusmodi, quae significantur apud nos nominibus abstractis. Inter quae duo est haec differentia quod illud quod non est completum, non potest perficere operationem perfectam; non enim calor calefacit sed calidum, neque sapientia sapit sed sapiens. Illud autem quod est completum apud nos, quamvis sit per se subsistens, in hoc sibi quodammodo

nomme puisque ne lui convient ni l'inachèvement, ni même l'achèvement ». Après avoir montré la surabondance de la bonté divine, l'auteur en montre l'excellence en disant : «La cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme ». Ici l'auteur rassemble en une proposition ce que Proclus établit sur plusieurs. L'une d'entre elles, la 115e, est la suivante : « Tout dieu est suressentiel, supra-vivant et supra-intellect ». Proclus le prouve d'une double façon. D'abord de façon commune : Dieu est « l'unité par soi parfaite; tout le reste qui vient après n'est pas l'unité même, mais participe l'unité; il est donc manifeste que « Dieu est au-delà de tout ». Puis, il le prouve par une preuve spéciale : dans une substance, l'être, la substance et l'unité diffèrent, mais toute substance subsistante participe l'être et l'unité. Aussi en résulte-t-il que Dieu, qui est l'être et l'unité par lui-même, est au-delà de la substance et partant au-delà de la vie et de l'intellect, lesquels présupposent la substance, comme ceci a été induit à la proposition 18 de ce livre. Mais parce que l'auteur de ce livre introduit la proposition en général, il se contente de la seule preuve commune. Parmi toutes les réalités inférieures à la cause première, on en trouve certaines parfaites ou complètes, d'autres imparfaites ou incomplètes. Les réalités parfaites sont celles qui subsistent dans une nature et qu'on signifie par des noms concrets comme « homme », « sage » etc.; sont imparfaites, celles qui ne subsistent pas par soi, comme les formes « l'humanité », « la sagesse », etc. qui sont signifiées par des noms abstraits. Entre les deux, il y a la différence suivante : ce qui« n'est pas complet ne peut poser une opération » parfaite; ce n'est pas en effet la chaleur qui réchauffe, mais le corps chaud, ni la sagesse qui sait, mais le sage. En revanche, « ce qui est complet ici-bas, bien qu'il » soit subsistant par lui-même et

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sufficiens quod non indiget alio cui innitatur sicut subiecto, tamen quia forma quae est principium actionis est in ipso limitata et participata, non potest agere per modum creationis aut influxus sicut agit id quod totum est forma, quod sui participatione secundum se totum est aliorum productivum. Cum ergo ita sit apud nos in his quae sunt diminuta et concreta, sequitur quod Deus neque sit diminutus neque completus simpliciter, sed magis supercompletus; neque enim caret actione sicut diminuta, et agit per modum creantis et influentis, quod non possunt ea quae sunt completa apud nos, et hoc est quod subdit: quia ipse est creans res et influens bonitates super eas influxione completa. Et hoc ideo est quoniam ipse est bonitas subsistens cui non est finis, id est non est bonitas terminata ad aliquam naturam participantem incorpoream, sicut est bonitas intelligentiae, neque sunt ei dimensiones ad quas terminetur, sicut est de bonitate corporali. Ex quo ulterius concludit quod, quia causa prima est ipsa bonitas interminata, sequitur quod ipsa sit prima bonitas et quod repleat omnia saecula, id est omnes distinctiones rerum et temporum, bonitatibus suis, licet non omnia recipiant eodem modo et aequaliter bonitatem eius, sed unumquodque secundum modum suae potentiae, ut supra habitum est in 20 propositione. Tota ergo virtus huius probationis ad hoc redit quod Proclus breviter tangit, quod scilicet Deus et est ipsa unitas, non unitum aliquid sicut completa quae sunt apud nos, et tamen est per se perfecta, a quo deficiunt diminuta, id est formae non subsistentes quae apud nos sunt. Ex quo hic ulterius concluditur quod causa prima est altior omni nomine quod a nobis imponitur, quia omne nomen a nobis impositum, vel significat per modum completi participantis sicut nomina concreta, vel significat per modum diminuti et partis formalis sicut nomina abstracta. Unde nullum nomen a nobis impositum est condignum divinae excellentiae.

se suffise d'une certaine manière - au sens où il n'a pas besoin d'un autre sur lequel il s'appuierait comme sur un sujet-, ne peut pas « cependant » agir par mode de création ou d'influx, comme le fait ce qui est tout entier forme et qui produit les autres choses selon le tout de lui-même par sa participation : la forme qui est principe d'action est en lui limitée et participée. « Si donc il en va ainsi des choses d'ici-bas », des choses aussi bien incomplètes que concrètes, il s'ensuit que Dieu n'est ni « incomplet» ni « complet » absolument, mais est « au-dessus de tout achèvement ». Il n'est pas privé d'action comme les réalités incomplètes, et agit par mode de création et d'influx, ce dont ne sont pas capables les réalités complètes d'ici-bas. C'est pourquoi il ajoute : « puisque Dieu est créateur des choses et influe sur elles ses bontés par un influx complet », il est «la bonté» subsistante «qui n'a pas de limite », c'est-à-dire la bonté qui n'est pas limitée à quelque nature incorporelle participante, comme l'est la bonté de l'intelligence; et il n'a pas de « dimensions » qui le borneraient, comme c'est le cas pour les bontés corporelles. Enfin l'auteur conclut que, parce que la cause première est la bonté même illimitée, elle est « la bonté première» qui remplit« tous les siècles » - c'est-à-dire toutes les distinctions de choses et de temps - de « ses bontés », bien que toutes ces choses ne reçoivent pas sa bonté de façon identique et égale, mais chacune « selon le mode de sa puissance », comme on l'a vu à la proposition 20. Toute la force de cette preuve revient à ce que dit Proclus de façon plus condensée : « Dieu » est « l'unité même », et« non ce qui est uni », comme le sont les choses complètes et achevées d'ici-bas - et cependant «parfaites par elles-mêmes »- dont s'éloignent les réalités inachevées, c'est-à-dire les formes non subsistantes d'ici-bas. L'auteur termine en disant que la cause première est « au-dessus » de tout nom tel que nous l'employons. En effet,

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tout nom employé par nous signifie soit selon le mode de la réalité participante achevée, comme le font les noms concrets; soit selon le mode de la réalité incomplète et formelle, comme le font les noms abstraits. Aussi tout nom employé par nous est-il indigne de l'excellence divine.

Lectio 23

[84258] Super De causis, l. 23 Postquam tradidit modum divini regiminis et ostendit sufficientiam Dei ad regendum, hic agit de regimine secundae causae, scilicet intelligentiae, quod quidem regimen fit ex virtute causae primae. Et ponit hanc propositionem: omnis intelligentia divina scit res per hoc quod ipsa est intelligentia, et regit eas per hoc quod est divina. Et similis propositio invenitur in libro Procli CXXXIV, sub his verbis: omnis divinus intellectus intelligit quidem ut intellectus, providet autem ut Deus. Ad cuius evidentiam considerandum est quod supra, 19 propositione, dictum est: ex intelligentiis quaedam est divina et quaedam non divina. Supremi quidem intellectus vel intelligentiae divini vocantur propter abundantem participationem divinae bonitatis ex propinquitate ad Deum. Quod autem abundanter participat proprietatem alicuius rei, assimilatur ei non solum in forma sed etiam in actione; sicut patet quod, eorum quae illuminantur a sole, quaedam participant lumen solis solum quantum ad hoc quod videantur, quaedam vero quantum ad hoc quod alia illuminent quod est propria actio solis, sicut patet de luna. Quia vero forma est principium actionis, necesse est quod omne illud quod ex abundanti participatione influxus superioris agentis acquirit actionem eius, habeat duas actiones, unam scilicet secundum propriam formam, aliam vero secundum formam participatam a superiori agente, sicut cultellus ignitus secundum propriam formam incidit, in quantum vero est ignitus urit. Sic igitur et supremarum intelligentiarum unaquaeque

23) Toute intelligence divine connaît les choses en tant qu'elle est intelligence, et les gouverne en tant qu'elle est divine. Après avoir rapporté ce en quoi consiste le mode divin de gouvernement et montré la suffisance de Dieu à gouverner, l'auteur traite du gouvernement de la cause seconde, c'est-à-dire de l'intelligence, gouvernement qui se fait par la vertu de la cause première. Il pose la proposition suivante : « Toute intelligence divine connaît les choses en tant qu'elle est intelligence, et les gouverne en tant qu'elle est divine ». On trouve la proposition semblable, la 134e, dans le livre de Proclus : « Tout intellect divin intellige en tant qu'intellect, mais exerce l'activité providentielle en tant que dieu ». Pour le voir, il faut considérer ce qui a été dit plus haut, à la proposition 19 : parmi les intelligences, certaines sont divines, d'autres non. Les intellects suprêmes ou intelligences divines sont ainsi appelées 1 cause de leur abondante participation à la bonté divine due à leur proximité à l’égard de Dieu. Ce qui participe abondamment de la propriété de quelque chose, est assimilé à cette chose non seulement dans sa forme, mais dans son action. Par exemple, parmi les choses qui sont éclairées par le soleil, certaines participent de sa lumière en tant qu'elles sont vues; d'autres en tant qu'elles en éclairent d'autres - ce qui est l'action propre du soleil -, comme le fait la lune. La forme étant principe d'action, ce qui tient son action de la participation abondante de l'influx de l'agent supérieur doit avoir une double action : l'une selon sa forme propre; l'autre selon la forme

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quae divina dicitur habet duplicem actionem, unam quidem in quantum participat abundanter bonitatem divinam, aliam autem secundum propriam naturam. Est autem proprium intelligentiae in quantum huiusmodi cognoscere res, et ideo intelligentia divina in quantum est intelligentia est rerum cognoscitiva. Proprium autem est Dei, qui est ipsa essentia bonitatis, ut se aliis communicet; videmus quod unumquodque, in quantum est perfectum et actu ens, similitudinem suam aliis tradit. Unde id quod est essentialiter actus et bonitas, scilicet Deus, essentialiter et primordialiter communicat suam bonitatem rebus, et hoc pertinet ad regimen ipsius; nam regentis proprium est perducere ea quae reguntur ad debitum finem, quod est bonum. Sic igitur intelligentia divina, in quantum participat abundanter bonitatem divinam, ipsa fit regitiva rerum. Manifestum est autem quod unumquodque quod agit secundum propriam et naturalem formam aliquam actionem, vehementius et perfectius agit illam actionem quam illud quod agit eam per participationem virtutis superioris agentis, sicut ignis vehementius calefacit quam corpus ignitum et sol magis illuminat quam luna. Oportet igitur regimen Dei, quod est actio eius secundum suam essentialem bonitatem, esse altius et efficacius quam regimen intelligentiae, quod convenit ei secundum participationem bonitatis divinae. Et inde est quod regimen causae primae, quod est secundum essentiam bonitatis, se extendit ad omnes res, cuius signum est quod omnia desiderant bonum vel appetitu intellectuali vel animali vel naturali. Regimen autem intelligentiae, quod est ei proprium, non se extendit ad omnia; non enim diffundit bonitatem intellectualem in omnia, sed solum in illa quae sunt nata intelligere. Unde nec omnia intellectuale bonum appetunt, sed solum bonum absolute.

participée de l'agent supérieur. Ainsi le couteau chauffé coupe en vertu de sa forme propre, mais brûle en vertu de ce qu'il a été chauffé. Chacune des intelligences suprêmes, dites divines, a donc une double action : l'une en tant qu'elle participe abondamment de la divine bonté; l'autre selon sa nature propre. Le propre de l'intelligence en tant que telle est de connaître les choses, aussi l'intelligence divine, en tant qu'intelligence, connaît-elle les choses. Le propre de Dieu qui est l'essence même de la bonté est de se communiquer aux autres. Nous voyons, en effet, que chaque chose, en tant qu'elle est parfaite et en acte, communique aux autres sa similitude. Ce qui donc est essentiellement acte et bonté, c'est-à-dire Dieu, communique essentiellement et de façon primordiale sa bonté aux choses : ceci convient il son gouvernement, puisque le propre de celui qui gouverne est de conduire ceux qu'il gouverne à leur fin qui est le bien. Ainsi l'intelligence divine, en tant qu'elle participe abondamment de la bonté divine, est faite gouvernante des choses. Il est manifeste que tout ce qui agit et pose quelque action selon sa forme propre et naturelle, pose plus fortement et plus parfaitement cette action que ce qui pose une action par la participation de la vertu de l'agent supérieur : ainsi le feu réchauffe plus fortement que ne le fait le corps igné et le soleil éclaire plus que ne le fait la lune. Il faut donc que le gouvernement de Dieu - qui est son action en tant qu'il est la bonté essentielle - soit un gouvernement plus élevé et plus efficace que celui de l'intelligence qui lui convient en tant qu'il est participé de la bonté divine. De tout cela résulte que le gouvernement de la cause première, qui est selon l'essence de la bonté, s'étend à toutes les choses : le signe en est que toutes choses désirent le bien d'un appétit intellectuel ou animal ou naturel. Mais le gouvernement propre à l'intelligence ne s'étend pas à tout : il ne diffuse pas la bonté intellectuelle sur tout,

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mais seulement sur ce qui par nature est capable d'intelliger. Aussi toutes les choses ne désirent-t-elles pas intellectuellement le bien, mais toutes le désirent au moins pris absolument.

Lectio 24

[84259] Super De causis, l. 24 Postquam ostendit modum divini regiminis et sufficientiam ipsius ad regendum, hic incipit ostendere quomodo divinum regimen diversimode participatur a diversis. Et primo manifestat hoc in generali, secundo prosequitur in speciali de diversitate rerum quae subsunt divino regimini, 25 propositione, ibi: substantiae unitae et cetera. Circa primum ponit talem propositionem: causa prima existit in rebus omnibus secundum dispositionem unam, sed res omnes non existunt in causa prima secundum dispositionem unam. Ad cuius evidentiam considerandum est quod aliquid dicitur esse in alio multipliciter: uno quidem modo realiter, alio modo secundum habitudinem actionis et passionis. Secundum igitur primum modum dicendum est quod omnia sunt in causa prima uno modo, quia scilicet illud secundum quod omnia sunt in causa prima, est una et eadem res, scilicet virtus divina; sunt enim effectus virtute in sua causa. Causa autem prima secundum hunc modum est in rebus diversimode, quia scilicet causa prima in rebus causatis est secundum quod eis similitudinem suam imprimit; diversae autem res diversimode similitudinem causae primae recipiunt. Sed modo secundo est e converso. Nam causa prima secundum unum modum agit in omnia et ideo dicitur esse in rebus omnibus secundum dispositionem unam; non autem omnes res recipiunt eodem modo actionem causae primae et ideo dicitur quod res omnes non existunt in causa prima secundum dispositionem unam. Ad cuius propositionis manifestationem tria subsequuntur: nam primo manifestatur propositio, secundo probatur, ibi: et diversitas quidem etc., tertio infertur quoddam corollarium, ibi:

24) La cause première existe en toutes choses selon une disposition une, mais toutes choses n'existent pas dans la cause première selon une disposition une. Après avoir montré le mode du divin gouvernement et la suffisance requise à ce gouvernement, l'auteur commence ici à montrer comment ce gouvernement est diversement participé par les choses. Il manifeste d'abord la chose de façon générale; puis, il le fait de façon spéciale en traitant de la diversité des choses soumises au gouvernement de Dieu, à la proposition 25 là où il dit : « Les substances intelligibles unifiées etc. ». En premier, il pose d'abord la proposition : «La cause première existe en toutes choses selon une disposition une, mais toutes choses n'existent pas dans la cause première selon une disposition une ». Il faut considérer qu'une chose est dite être en une autre de diverses façons : soit réellement; soit selon la manière de l'action et de la passion. Selon le premier mode, il faut dire que toutes les choses sont dans la cause première d'une unique façon puisque la façon dont toutes les choses y sont est une et même, à savoir par la puissance divine : les effets sont dans la cause première virtuellement. Selon ce mode, la cause première est diversement dans les choses puisqu'elle est dans ses effets causés selon qu'elle leur imprime sa similitude; or les choses diverses reçoivent diversement la similitude de celle-ci. En revanche, pour le second mode, c'est le contraire. En effet, «la cause première» agit d'une seule et même façon sur tout, aussi est-elle dite être « dans les choses selon une unique disposition ». Mais toutes les choses ne reçoivent pas de la même façon l'action de

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ergo secundum modum et cetera. Dicit ergo primo quod ideo dicuntur res omnes non esse in causa prima secundum dispositionem unam quia, etsi causa prima existat in rebus omnibus, in quantum scilicet attingit res omnes per effectum suae actionis, tamen unaquaeque res recipit actionem eius secundum modum suae virtutis. Et exemplificat hoc secundum tres diversitates primas inventas in rebus, quarum prima est secundum diversitatem unitatis et multitudinis, quae quidem diversitas pertinet ad ipsas substantias; nam ea quorum substantia est simplex, recipiunt causae primae actionem unite, illa vero quorum substantia est composita, recipiunt eam multipliciter, scilicet secundum modum suae substantiae. Secunda diversitas sumitur ex parte durationis rerum in suo esse. Quaedam enim recipiunt actionem causae primae receptione aeterna, illa scilicet quorum esse non subditur motui; unde eorum duratio in suo esse non variatur secundum prius et posterius. Quaedam vero recipiunt actionem causae primae receptione temporali, illa scilicet quorum esse subditur motui, et per consequens eorum duratio continuatur secundum successionem prioris et posterioris. Tertiam diversitatem ponit ex parte speciei seu formae ipsius rei secundum quod quaedam sunt incorporea secundum suam speciem et ista recipiunt influentiam causae primae spiritualiter, quaedam vero sunt secundum suam speciem corporea et huiusmodi recipiunt influentiam causae primae receptione corporali. Hoc autem totum quod praemissum est, continet propositio quae ponitur in libro Procli CXLII, quae talis est: omnibus quidem dii assunt eodem modo, non autem omnia eodem modo diis assunt, sed singula secundum ipsorum ordinem et potentiam transumunt illorum praesentiam, haec quidem uniformiter, haec autem multiplicatim, et haec quidem perpetuo, haec autem secundum tempus, et haec quidem incorporee, haec autem corporaliter. Deinde cum dicit: et

la cause première, c'est pourquoi il est dit que « toutes les choses n'existent pas dans la cause première selon une disposition une ». Par trois distinctions l'auteur éclaire cette proposition : il explicite d'abord la proposition; puis il la prouve, à partir de : « Et la diversité de la réception etc. » ; enfin il apporte un corollaire là où il dit : « C'est donc le degré de proximité etc. ». Il dit donc d'abord que «toutes les choses ne sont pas dans la cause première selon une disposition une» parce que, même si « la cause première existe en toutes » dès lors qu'elle les touche par l'effet de son action, « cependant chacune reçoit» son action «selon le mode» de sa puissance. Il illustre cela par les trois premières diversités trouvées dans les choses. La première diversité est celle de l'unité et de la multiplicité qui convient aux substances; en effet, les choses dont la substance est simple reçoivent l'action de la cause première » de façon unitaire; celles dont la substance est composée « la reçoivent selon la multiplicité » d'après le mode même de leur substance. La seconde diversité est prise de la durée dans l'être. Certaines réalités « reçoivent » l'action de la cause première « par une réception éternelle », celles dont l'être n'est pas soumis au mouvement, et dont la durée dans l'être ne varie pas par conséquent selon l'avant et l'après. D'autres « reçoivent » cette action par une « réception temporelle », celles dont l'être est soumis au mouvement, celles, par conséquent, dont la durée se continue selon la succession de l'avant et de l'après. La troisième diversité est prise de l'espèce ou forme de la chose : certaines choses sont incorporelles selon l'espèce et « reçoivent » l'influence de la cause première « spirituellement »; certaines sont corporelles scion l'espèce et« reçoivent » selon une « réception corporelle ». Tout cela est contenu dans la proposition 142 du livre de Proclus qui dit : « À toutes choses les dieux sont également présents, mais les êtres ne sont pas tous également présents aux dieux,

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diversitas quidem etc., probat quod praemissum est hoc modo. Diversitas enim receptionis ex duobus potest contingere: quandoque quidem ex agente sive influente, quandoque autem ex recipiente. Quia enim diversitas causae causat diversitatem in effectibus, necesse est ut, si agens sit diversum et recipiens unum (quod) diversitas receptionis causetur ex agente non ex recipiente, sicut aqua quae ex frigido congelatur et ex calido dissolvitur. Si autem e converso agens fuerit unum et recipiens diversum, erit diversitas receptionis ex parte recipientis non ex parte agentis, sicut patet de sole qui indurat lutum et dissolvit ceram. Manifestum est autem quod causa prima est una, nullam diversitatem habens, sed ea quae recipiunt influentiam causae primae sunt diversa; diversitas ergo receptionis non est ex causa prima quae est bonitas pura influens bonitatem rebus omnibus, sed est propter diversitatem recipientium. Sic igitur patet quod causa prima invenitur in omnibus per modum unum, sed non e converso. Est autem attendendum quod duplex est actio causae primae: una quidem secundum quam instituit res, quae dicitur creatio, alia vero secundum quam res iam institutas regit. In prima igitur actione non habet locum quod hic dicitur, quia, si oportet omnem diversitatem effectuum reducere in diversitatem recipientium, oportebit dicere quod sint aliqua recipientia quae non sint a causa prima, quod est contra id quod dictum est supra, 18 propositione: res omnes habent essentiam per causam primam. Unde oportet dicere quod prima diversitas rerum secundum quam habent diversas naturas et virtutes, non sit ex aliqua diversitate recipientium sed ex causa prima, non quia in ea sit aliqua diversitas sed quia est diversitatem cognoscens, est enim agens secundum suam scientiam; et ideo diversos rerum gradus producit ad complementum universi. Sed in actione regiminis de quo nunc agitur, diversitas receptionis est secundum diversitatem recipientium.

mais chacun reçoit, selon son rang et sa puissance, son lot de présence divine : les uns sous mode d'unité et les autres de multiplicité; les uns de façon perpétuelle et les autres selon le temps; les uns incorporellement et les autres corporellement ». Ensuite, lorsque l'auteur dit : « Et la diversité de la réception etc. », il prouve ce qu'il a dit de la façon suivante. La diversité de la réception peut venir de deux facteurs : tantôt de l'agent ou « influant »; tantôt du recevant. Parce que la diversité de la cause est responsable de la diversité des effets, il est nécessaire que, si l'agent est divers et le recevant un, la diversité de la réception vienne de l'agent et non du recevant, comme l'eau que le froid congèle et la chaleur fait fondre. Mais si au contraire l'agent est un et le recevant divers, la diversité de la réception viendra du recevant et non de l'agent, comme il est évident pour le soleil qui durcit l'argile et fait fondre la cire. Il est manifeste que la cause première est une, sans diversité, alors que les choses qui reçoivent l'influence de la cause première sont diverses. Donc la diversité de la réception ne vient pas de la cause première qui est bonté pure influant la bonté sur toutes les choses, mais cette diversité tient à la diversité des recevants. Il est donc évident que «la cause première est trouvée dans les choses selon un mode un », et que l'inverse n'est pas vrai ; Il faut prêter attention au fait que double est l'action de la cause première : par l'une, elle institue les choses qu'on appelle création; par l'autre, elle gouverne les choses déjà instituées. Tout ce que nous venons de dire ne concerne pas la première action, parce que si toute diversité dans les effets se ramenait à celle des patients, alors quelques patients ne seraient pas par la cause première, ce qui est contraire à ce qu'on a dit plus haut à la proposition 18 : «Toutes les choses ont l'être par la cause première ». Il faut donc dire que la toute première diversité observée dans les choses selon qu'elles ont

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Deinde cum dicit: ergo secundum modum etc., infert quoddam corollarium ex praedictis. Si enim diversitas receptionis influxus causae primae provenit in rebus secundum diversam virtutem recipientium, cum illa quae sunt propinquiora causae primae sint maioris virtutis, sequitur quod perfectius recipiant causam primam et eius influxum. Et quia omnis substantia cognoscens quanto perfectius habet esse tanto perfectius cognoscit causam primam et influxum bonitatis eius, et quanto hoc magis recipit et cognoscit tanto magis in eo delectatur, consequens est quod quanto aliquid est propinquius causae primae tanto magis delectetur in ea.

diverses natures et puissances, ne vient pas de la diversité des recevants mais de la cause première; et ce, non parce qu'il Y aurait en elle quelque diversité, mais parce qu'elle connaît la diversité - la cause première agissant selon sa science. C'est pourquoi elle produit différents degrés de réalités pour achever l'univers. Mais dans son action de gouvernement - dont la proposition parle ici -, la diversité de la réception vient de la diversité des recevants. Ensuite lorsque l'auteur dit : « C'est donc selon le degré de proximité etc. », il infère de ce qu'il vient de dire un corollaire. Si les différentes façons dont les recevants reçoivent l'influx de la cause première dépendent de leur puissance réceptrice, comme ceux qui sont plus proches de la cause première ont une plus grande puissance, il s'ensuit qu'ils reçoivent de façon plus parfaite la cause première et son influx. Parce que toute substance connaissante a un être d'autant plus parfait qu'elle connaît plus parfaitement la cause première et l'influx de sa bonté, et parce que plus elle la reçoit et la connaît, plus elle se délecte en elle, il s'ensuit que plus une réalité est proche de la cause première, plus elle se délecte en elle.

Lectio 25

[84260] Super De causis, l. 25 Supra dictum est quod creaturae recipiunt diversimode regimen causae primae secundum triplicem diversitatem, scilicet unitatis et multitudinis, quod pertinet ad simplicitatem et compositionem, aeternitatis et temporis, et spiritualis et corporei (corporeo autem accidit corruptio et spirituali incorruptio): unde hic incipit prosequi de praedictis diversitatibus rerum, et primo de diversitate corruptibilis et incorruptibilis, secundo de diversitate simplicis et compositi, 28 propositione, ibi: omnis substantia stans per essentiam suam est simplex etc., tertio de diversitate aeternitatis et temporis, 30 propositione, ibi: omnis substantia creata in tempore. Circa primum duo facit: primo ostendit

25) Les substances intelligibles unifiées ne sont pas engendrées à partir d'autre chose, et toute substance se tenant par son essence n'est pas engendrée à partir de quelque chose d'autre. On a dit plus haut que les créatures recevaient le gouvernement de la cause première selon une triple diversité : à savoir, selon l'unité et la multiplicité - qui convient à la simplicité et à la composition -; selon l'éternité et le temps; selon la spiritualité et la corporéité - au corporel revient la corruption, au spirituel la non-corruption. Aussi ici l'auteur commence-t-il à traiter des diversités susdites. Il traite d'abord de la diversité du corruptible et de l'incorruptible; puis de

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substantias quasdam esse ingenerabiles, secundo agit de incorruptione earum, 26 propositione, ibi: omnis substantia stans per seipsam est non cadens et cetera. Circa primum ponit duas propositiones quarum prima talis est: substantiae unitae intelligibiles non sunt generatae ex re alia. Vocat autem substantias unitas substantias simplices, eo quod omne compositum quamdam multitudinem in se continet; intelligibiles autem substantias vocat quae sunt aptae natae intelligere, quae etiam, cum sint immateriales, sunt intelligibiles actu. Quod autem dicit: non sunt generatae ex re alia, potest intelligi, vel sicut ex materia secundum quod haec praepositio ex importat habitudinem causae materialis, vel sicut ex causa agente secundum quod praedicta praepositio importat habitudinem causae efficientis; et hic intellectus magis videtur consonare his quae in probatione commenti ponuntur. Secunda propositio est talis: omnis substantia stans per essentiam suam est non generata ex re alia. Dicitur autem substantia stans per essentiam suam quae est per seipsam subsistens, sed, cum per seipsum subsistere sit proprium substantiae, sequetur secundum hoc quod nulla substantia sit generata. Est ergo dicendum quod substantia et essentia rei principaliter est forma quam principaliter significat definitio. Quaecumque igitur habent formam in materia fundatam, huiusmodi substantiae non sunt stantes per essentiam suam; immo eorum essentiae, id est formae, innituntur fundamento materiae. Illae ergo substantiae sunt stantes per essentiam suam, quae sunt formae tantum, non in materia, et huiusmodi impossibile est quod sint generatae. Est autem considerandum quod prima propositio concluditur ex hac secunda. Supra enim probatum est quod omnes substantiae intelligentes sunt stantes per essentiam suam, quod habitum est in propositione 15: omnis sciens scit et cetera. Si igitur omnis substantia stans per essentiam suam est non generata, sequitur quod

celle du simple et du composé, à la proposition 28 là où il dit : «Toute substance se tenant par son essence est simple etc. »; enfin, de celle de l'éternité et de la temporalité, à la proposition 30 là où il dit : «Toute substance créée dans le temps etc. ». À propos du premier point, il fait deux choses : il montre d'abord que certaines substances sont inengendrables; puis il traite de leur incorruptibilité, à la proposition 26 là où il dit : «Toute substance se tenant par elle-même ne tombe pas etc. ». Il pose d'abord deux propositions, dont la première est telle : «Les substances intelligibles unifiées ne sont pas engendrées à partir d'autre chose ». Il appelle « substances unifiées » les substances simples, du fait que tout composé contient en lui une certaine multitude; il appelle « substances intelligibles» celles qui sont naturellement capables d'intelliger et qui, puisque elles sont immatérielles, sont intelligibles en acte. La formule " ne sont pas engendrées à partir d'autre chose» peut être comprise, soit à partir de la matière - la préposition à partir de connotant un rapport à la cause matérielle -; soit à partir de la cause agente selon que cette préposition implique une relation à la cause efficiente. Ce second sens s'accorde davantage avec ce qui est dit dans la preuve proposée. La seconde proposition est telle : « Toute substance se tenant par son l'essence n'est pas engendrée par autre chose ». On entend par « substance se tenant par son essence propre », celle qui subsiste par elle-même. Mais, comme c'est le propre de la substance de subsister par soi, il s'ensuivrait qu'aucune substance n'est engendrée. Il faut donc dire que la substance et l'essence de la chose est principalement la forme que signifie la définition. Toutes les substances dont la forme est fondée dans la matière ne sont pas des substances se tenant par leur essence; mais leur essence, c'est-à-dire leur forme, s'appuie sur le fondement de la matière. Les substances qui se tiennent par

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omnis substantia intellectualis sit non generata. Duarum autem propositarum propositionum prima in libro Procli non invenitur, sed solum secunda quae est XLV sui libri, talis: omne authypostaton, id est per se subsistens, ingenerabile est. Et haec sola propositio probatur consequenter eodem modo hic sicut et in libro Procli. Manifestum est enim quod omne generatum est de se imperfectum, quia est ens in potentia, et ideo indiget quod compleatur sive perficiatur per illud ex quo generatur, id est per generans quod reducit ipsum de potentia in actum. Et huius signum est quod generatio nihil est aliud quam via quaedam de incompleto ad completum oppositum scilicet ad incompletum praeexistens: termini enim generationis sunt privatio et forma, materia autem secundum quod existit sub privatione habet rationem imperfecti, secundum autem quod existit sub forma habet rationem perfecti, et sic patet quod generatio est via sive transmutatio de imperfecto ad perfectum oppositum. Si igitur est aliquid quod non indigeat aliquo alio ad sui formationem sed ipsum est causa suae formationis, quia scilicet est substantia eius forma, sequitur quod talis res sit semper completa sive perfecta. Et sic in ea non potest esse transitus de imperfecto ad perfectum, sed statim per seipsam est ens et unum, ut dicitur in VIII metaphysicae: relinquitur ergo quod omnis substantia quae est forma subsistens est non generabilis. Sed, ne ex hoc male intelligeret aliquis quod huiusmodi substantiae non haberent causam sui esse, cum supra dictum sit quod res omnes habent essentiam per ens primum, manifestat consequenter quomodo sit intelligendum quod dictum est. Quod enim dictum est quod sit causa suae formationis et complementi, non est sic intelligendum quasi non dependeat ex alia causa superiori, sed dicitur esse causa suae formationis per hoc quod habet sempiternam relationem ad causam suam

leur essence sont formes seulement et non formes dans la matière : il est impossible que de telles substances soient engendrées. Notons que la première proposition est conclue de la seconde. En effet, il a été prouvé plus haut que toutes les substances intelligeantes se tiennent par leur essence, et ce à la proposition 15 : « Toute être connaissant etc. ». Si donc « toute substance se tenant par son essence n'est pas engendrée », il s'ensuit qu’« aucune substance intellectuelle n'est engendrée ». De ces deux propositions, on ne trouve pas la première dans le livre de Proclus, mais seulement la seconde qui est la 45e de son livre : «Aucun auto-constituant », c'est-à-dire subsistant par soi, «n'est soumis à la génération ». Cette seule proposition est prouvée ici par la suite de la même façon que dans le livre de Proclus. Il est manifeste que tout engendré est de soi imparfait puisque il est un étant en puissance, et qu'en conséquence « il a besoin » d'être achevé ou parfait par« ce à partir de quoi il est engendré », c'est-à-dire par un générateur qui le réduit de la puissance à l'acte. Le signe en est que« la génération» n'est rien d'autre qu'un certain « chemin» qui mène de l'incomplétude à l'achèvement opposé, achèvement opposé à l'incomplétude préexistante. Les termes de la génération sont la privation et la forme : la matière, selon qu'elle existe sous la privation, a raison d'imperfection; selon qu'elle existe sous la forme, elle a raison de perfection. Aussi la « génération est-elle le chemin» ou le changement qui va « de l'imparfait au parfait» opposé. « Si » donc une réalité « n'a pas besoin de quelque chose d'autre à sa formation », si elle « est elle-même cause de sa propre formation » - parce que sa substance est sa forme - il s'ensuit qu'une telle réalité est « toujours complète » ou achevée. Aussi ne peut-il pas y avoir en elle de passage de l'imparfait au parfait, mais elle est sur le champ par elle-même une et existante,

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primam: unde per comparationem ad suam causam habet simul, id est statim, formationem et complementum. Ad cuius evidentiam considerandum est quod unumquodque participat esse secundum habitudinem quam habet ad primum essendi principium. Res autem composita ex materia et forma non habet esse nisi per consecutionem suae formae: unde per suam formam habet habitudinem ad primum essendi principium; sed quia materia tempore praeexistit formae in hac re generata, consequens est quod non semper habeat praedictam habitudinem ad principium essendi neque simul, cum fuerit materia, sed postmodum superveniente forma. Si ergo aliqua substantia sit ipsa forma, sequitur quod semper habeat habitudinem praedictam ad causam primam nec adveniat ei post tempus, sed sit simul concomitans cum sua substantia quae est forma. Sic ergo manifestum est quod omnis substantia stans per essentiam suam non generatur ex aliquo.

comme il est dit au livre VIII de la Métaphysique81[81]. Il reste donc que toute substance qui est forme subsistante n'est pas ainsi engendrable. Mais afin qu'on ne comprenne pas à tort que ce type de substance n'a pas de cause à son être - on a vu, en effet, que «toutes les choses ont l'être grâce à l'être premier» -, l'auteur explicite, par la suite, comment ce qui est dit là doit être compris. Qu'une telle substance soit« cause de sa formation et de son achèvement », ne doit pas être compris comme si elle ne dépendait pas d'une cause supérieure : on dit qu'elle est « cause de sa formation» du fait qu'elle a «une relation sempitemelle à sa cause » première; ainsi, par relation à sa cause, elle reçoit «en même temps », c'est-à-dire sur-le-champ, « formation et accomplissement ». Pour le voir, il faut considérer que chaque chose participe l'être selon le rapport qu'elle a au principe premier de l'être. Les choses composées de matière et de forme n'ont l'être que par suite de leur forme; aussi est-ce par leur forme qu'elles ont un rapport au principe premier de l'être. Mais parce que, dans cette chose engendrée, la matière préexiste chronologiquement à la forme, il s'ensuit que cette chose n'a pas toujours le rapport susdit au principe premier de l'être, ni ne l'a sur-le-champ, dans la mesure où la matière est en devenir; mais elle l'a après, une fois la forme survenue. Si donc une substance est sa forme même, il s'ensuit qu'elle est toujours en rapport susdit à la cause première, que ce rapport ne lui advient pas après, mais qu'il a lieu « en même temps », concomitamment à sa substance qui est sa forme. Ainsi, « il est donc manifesté que toute substance se tenant par son essence n'est pas engendrée à partir d'autre chose ».

Lectio 26

[84261] Super De causis, l. 26 Supra actum est de ingenerabili, hic agitur de

26) Aucune substance se tenant par elle-même ne tombe sous la corruption.

81[81]

Cf. VIII, 6, 1045 a 26 sq.

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corruptibili et incorruptibili; et primo de incorruptibili, secundo de corruptibili 27 propositione: omnis substantia destructibilis et cetera. Circa primum ponitur talis propositio: omnis substantia stans per seipsam est non cadens sub corruptione. Quae quidem ponitur in libro Procli XLVI, sub his verbis: omne authypostaton incorruptibile est. Ad cuius propositionis evidentiam considerandum est quod, cum praepositio per denotet causam, illud dicitur per se stare sive subsistere quod non habet aliam causam essendi nisi seipsum. Est autem duplex causa essendi, scilicet forma per quam aliquid actu est et agens quod facit actu esse. Si ergo dicatur stans per seipsum quod non dependet a superiori agente, sic stare per seipsum convenit soli Deo qui est prima causa agens a qua omnes secundae causae dependent, ut ex superioribus patet. Si autem dicatur per se stans illud quod non formatur per aliquid aliud sed ipsummet est forma, sic esse stans per seipsum convenit omnibus substantiis immaterialibus. Substantia enim composita ex materia et forma non est stans per seipsam nisi ratione partium, quia scilicet materia est actu per formam et forma sustentatur in materia, sicut etiam dicitur aliquid movens seipsum ratione partium, quia una pars eius est movens et alia pars eius est mota. Sic igitur patet quod stare per seipsum non potest convenire nisi substantiae quae est forma sine materia; huiusmodi autem substantia ex necessitate est incorruptibilis. Manifestum est enim in rebus corruptibilibus quod corruptio accidit per hoc quod aliquid separatur a sua causa formali per quam aliquid habet esse in actu; sicut enim generatio quae est via ad esse, est per acquisitionem formae, ita corruptio quae est via ad non esse, est per amissionem formae; si igitur substantia stans per essentiam suam corrumperetur, oporteret quod separaretur a sua causa formali, sed sua forma est eius essentia, ergo separaretur a sua essentia, quod est impossibile. Non ergo est possibile quod

Après avoir traité du caractère inengendrable, l'auteur traite ici du caractère corruptible et incorruptible. D'abord du caractère incorruptible, ensuite du caractère corruptible, à la proposition 27 : «Toute substance destructible etc. ». À propos du premier point, il pose la proposition : « Aucune substance se tenant par elle-même ne tombe sous la corruption ». Celle-ci est formulée ainsi dans le livre de Proclus, c'est la 46e : « Aucun auto-constituant n'est soumis à la corruption». Pour voir clairement la proposition, il faut considérer que la préposition par dénote l'idée de cause : est dit se tenir ou subsister par soi ce qui n'a pas d'autre cause à son être, si ce n'est lui-même. Or il existe une double cause de l'être : la forme par laquelle quelque chose est en acte et l'agent qui fait être en acte. Si donc ce qui se tient par soi est dit de ce qui ne dépend pas de l'agent supérieur, alors se tenir par soi convient à Dieu seul qui est la cause agente première dont toutes les causes secondes dépendent Si est dit se tenir par soi ce qui n'est pas formé par quelque chose d'autre, mais est soi-même sa forme, alors se tenir par soi convient à toutes les substances immatérielles. La substance composée de matière et de forme ne se tient pas par elle-même, sinon au titre des parties : la matière est actuée par la forme et la forme supportée par la matière, comme on dit d'un moteur qu'il se meut par soi, au titre des parties - une partie étant motrice et l'autre mue. Il est donc évident que se tenir par soi ne convient qu'aux substances qui sont formes sans matière; les substances de cette espèce sont nécessairement incorruptibles. Il est en effet manifeste, dans les réalités incorruplibles, que la corruption arrive parce que quelque chose est séparé de sa cause formelle dont il tient l'être en acte. De même que la génération, voie qui mène à l'être, se fait par acquisition de forme, de même la corruption, voie qui mène au non-être, se fait par la perte de la forme. Si donc la substance qui se tient par son essence était corrompue, elle

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substantia stans per seipsam corrumpatur. Sed ne aliquis credat quod huiusmodi substantiae stantes per essentiam suam non dependeant ab aliqua superiori causa agente, excludit hoc consequenter, ibi: et non fit causa suiipsius et cetera. Et dicit quod hoc non sic intelligendum est quod huiusmodi substantia sit causa suiipsius quasi non dependeat ab aliqua superiori causa agente; sed hoc dicitur quia huiusmodi substantia per seipsam habet relationem ad causam primam in quantum scilicet est causa suae formationis. Videmus enim quod res materiales referuntur ad causam primam ut accipiant esse ab ea per suam formam; et ideo substantia cuius tota essentia est forma, habet per seipsam relationem semper ad causam suam et non causatur ista relatio in huiusmodi substantiam per aliquam aliam formam. Et inde est quod dicitur esse causa suiipsius per modum praedictum. Et inde est quod non potest corrumpi, sicut ostensum est. Patet igitur quod omnis substantia stans per seipsam est incorruptibilis.

devrait être séparée de sa cause formelle; mais sa forme est son « essence »; elle serait donc séparée de son essence, ce qui est impossible. Il n'est donc pas possible qu'une substance se tenant par soi soit corrompue. Afin qu'on n'aille toutefois pas croire que de telles substances ne dépendent pas de la cause agente supérieure, l'auteur exclut ceci par la suite lorsqu'il dit : «Et elle ne devient cause de soi etc. ». Il dit bien ici qu'il ne faut pas comprendre qu'une substance de ce type est « cause d'elle-même » au sens où elle ne dépendrait pas de la cause agente supérieure. Cela signifie plutôt qu'une telle substance est par elle-même «reliée à la cause première» en tant qu'elle est cause de sa « formation ». Nous voyons les choses matérielles se rapporter à la cause première pour recevoir d'elle leur être par leur forme; c'est pourquoi la substance dont toute l'essence est forme est par elle-même « toujours reliée à sa cause », et cette relation n'est pas causée dans sa substance par quelque autre forme. Aussi dit-on qu'elle est cause de soi selon le mode susdit. En conséquence, elle ne peut être corrompue, comme cela a été montré. Il est donc évident que toute substance se tenant par soi est incorruptible.

Lectio 27

[84262] Super De causis, l. 27 Postquam ostendit quae sit conditio substantiae incorruptibilis, hic ostendit conditionem substantiae corruptibilis, ponens hanc propositionem: omnis substantia destructibilis non sempiterna aut est composita aut est delata super rem aliam. Et haec eadem propositio ponitur in libro Procli XLVIII. Huius autem propositionis probatio est quia, si omne quod est stans per seipsum est incorruptibile, ut probatum est, necesse est quod omne quod corrumpitur non sit stans per seipsum sed indigeat aliquo sustentante. Quod quidem contingit duobus modis: uno modo sicut totum indiget partibus ad sui constitutionem, unde partibus ab invicem

27) Toute substance destructible et non perpétuelle est soit composée soit supportée par une autre chose. Après avoir montré quelle est la manière d'être de la substance incorruptible, l'auteur montre ici la manière d'être de la substance corruptible en posant cette proposition : « Toute substance destructible et non perpétuelle est soit composée soit supportée par une autre chose ». On trouve la même proposition, la 48e, dans le livre de Proclus. La preuve en est que, si tout ce qui se tient par soi est incorruptible, comme on l'a prouvé, tout ce qui se corrompt doit ne pas se tenir par soi, mais avoir besoin de quelque chose qui le soutient. Ceci arrive de deux façons : à la manière du tout dont

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discedentibus sequitur corruptio; alio modo quia forma non est subsistens sed indiget ad sui fixionem subiecto deferente. Et ideo quando subiectum deferens sit indispositum ad talem formam, necesse est quod fiat separatio formae a subiecto, et ita sequitur corruptio. Unde manifestum est quod omnis substantia corruptibilis vel est composita ex diversis partibus per quarum dissolutionem sequitur corruptio totius, sicut patet in corporibus mixtis, aut forma indiget materia vel subiecto ad sui sustentationem, et ita per transmutationem subiecti sequitur corruptio, sicut patet in corporibus simplicibus et in accidentibus. Et ideo possumus hoc corollarium accipere quod, si aliqua substantia non est composita sed est simplex, neque est delata super subiectum, quasi indigens eo ad suum esse, sed est stans in seipso, hoc omnino est incorruptibile; sicut patet in intelligentia et in anima intellectuali, de qua manifestum est quod non est forma delata super materiam cui dat esse, ita scilicet quod ei totaliter innitatur, quia sequeretur quod nulla eius operatio esset sine communione materiae corporalis, quod patet esse falsum ex his quae probantur in III de anima.

la constitution requiert des parties et pour lequel la séparation des parties entraîne la corruption; ou bien, à la manière de la forme qui n'est pas subsistante, mais requiert un sujet à sa stabilité. C'est pourquoi, quand le sujet qui la porte n'est plus disposé à conserver telle forme, alors la forme est nécessairement séparée du sujet et la corruption s'ensuit. Il est donc manifeste que toute substance corruptible est, ou bien composée de diverses parties dont la dissolution entraîne la corruption du tout - comme c'est clairement le cas pour les corps mixtes -, ou bien est une forme requérant une matière ou sujet pour la soutenir, en sorte que le changement de ce sujet entraîne la corruption - comme c'est le cas pour les corps simples et les accidents. Nous pouvons prendre la dernière phrase comme un corollaire : « Si une substance n'est pas composée », mais « est simple », si elle n'est pas « supportée » par un sujet dont elle a besoin pour constituer son être, si donc elle se tient par elle-même, alors elle est tout à fait incorruptible. C'est le cas de l'intelligence et de l'âme intellectuelle; il est manifeste que cette dernière n'est pas une forme supportée par une matière lui donnant l'être : si elle s'y reposait totalement, il s'ensuivrait qu'aucune de ses opérations ne pourrait se faire sans la participation de la matière corporelle, ce qui est manifestement faux, comme le montre le livre III du De Anima.

Lectio 28

[84263] Super De causis, l. 28 Postquam prosecutus est diversitatem substantiarum secundum generationem et corruptionem, hic prosequitur de diversitate substantiarum quae potest attendi secundum simplicitatem et compositionem. Et inducit ad hoc duas propositiones quarum secunda videtur esse conversa prioris. Prima ergo talis est: omnis substantia stans per essentiam

28) Toute substance se tenant par son essence est simple et n'est pas divisée. Après avoir traité de la diversité des substances du point de vue de la génération et de la corruption, l'auteur poursuit en traitant de la diversité des substances au point de vue de la simplicité et de la composition. Pour ce faire, il introduit deux propositions dont la seconde semble être la converse de la première. La première est telle : « Toute

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suam est simplex et non dividitur. Quae etiam propositio ponitur in libro Procli XLVII, sub his verbis: omne authypostaton impartibile est et simplex. Ubi primo considerandum videtur quod simplex et impartibile est idem subiecto, differunt autem ratione: nam impartibile dicitur aliquid per privationem divisionis, quia scilicet non est in multa divisibile; simplex autem dicitur aliquid per privationem compositionis, quia scilicet non est ex multis compositum. Primo ergo probatur quod substantia per se stans sit indivisibilis, secundo quod sit simplex. Primum autem melius probatur in libro Procli quam hic. Est enim haec eius probatio. Si enim, inquit, partibile est, authypostaton ens, id est per se subsistens, instituet partibile seipsum, et totum ipsum vertetur ad seipsum, et omne in omni seipso erit. Hoc autem impossibile. Impartibile ergo authypostaton. Ad cuius evidentiam considerandum est quod hic accipitur esse aliquid stans per seipsum non ratione partis, ut scilicet una pars eius stet per aliam sicut accidit in substantiis materialibus, sed ratione totius, ut scilicet totum stet per se totum. Unumquodque autem convertitur ad id per quod stat sicut effectus ad causam, et oportet quod sit in eo sicut in suo fundamento. Si ergo aliquid partibile sit stans per seipsum, oportebit quod quaelibet pars eius stet per quamlibet et quaelibet fundetur in qualibet; quod est impossibile, quia sic sequeretur quod una et eadem pars eius esset causa et effectus simul respectu eiusdem, quod est impossibile. In hoc autem libro probatur sic. Illud quod convenit alicui per seipsum, convenit cuilibet parti eius, si sit partibile. Si igitur aliquid partibile sit stans per seipsum, oportebit quod quaelibet pars eius stet per seipsam, et ita non innitetur alteri ad constitutionem totius. Haec autem probatio non est adeo efficax, quia non est necessarium quod quidquid per se convenit alicui toti conveniat singulis partibus eius. Est enim quoddam totum similium partium ut aer et aqua, et quoddam dissimilium ut animal et domus.

substance se tenant par son essence est simple et n'est pas divisée ». Sous ces termes on la trouve dans le livre de Proclus, c'est la 47e : « Tout auto-constituant est indivisible et simple ». Il faut d'abord considérer que « simple » et « indivisible » sont identiques quant au sujet, mais diffèrent par la définition : en effet, quelque chose est dit « indivisible» par privation de division, puisqu'il n'est pas divisible en plusieurs; quelque chose est dit « simple » par privation de composition, puisqu'il n'est pas composé de plusieurs. Il est donc d'abord prouvé que la substance se tenant par soi est indivisible, puis qu'elle est simple. Le premier point est mieux prouvé chez Proclus qu'ici. Sa preuve est telle : « Si un être auto-constituant », c'est-à-dire subsistant par soi, « est divisible », « il se constituera lui-même divisible et tout lui-même reviendra à lui-même, et tout subsistant sera dans tout, par soi. Ce qui est impossible. L’auto-constituant est donc sans parties ». Pour le bien voir, il faut remarquer que ce qui ici est pris comme «le subsistant par soi », ne l'est pas à titre de partie - comme si une partie se tenait par une autre, comme on l'observe dans les substances matérielles -, mais est pris à titre de tout : le tout se tient par soi comme tout. Toute chose est convertie à ce qui la tient, comme l'effet à sa cause; et il faut qu'elle soit en cela comme en ce qui la fonde. Si donc une réalité divisible se tenait par soi, il faudrait que n'importe quelle partie se tienne par n'importe quelle autre, et que n'importe quelle partie soit fondée en n'importe quelle autre. Ceci est impossible puisqu'il s'ensuivrait qu'une seule et même partie serait à la fois et au même point de vue cause et effet. Ce qui est impossible. Dans ce livre, la chose est prouvée ainsi. Si une chose est divisible, ce qui lui convient par soi convient à sa partie. Si donc une réalité divisible se tenait par soi, il faudrait que n'importe quelle partie se tienne par elle-même, en sorte qu'elle ne s'appuierait pas sur une autre pour

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Quod autem id quod est stans per seipsum sit simplex, id est non compositum ex multis, probatur duplici ratione. In omni composito ex pluribus partibus necesse est ponere quemdam partium ordinem, ut scilicet una pars eius sit melior et alia vilior . Multa enim ad unum constituendum ordine quodam perveniunt sicut et ab uno multitudo ordine quodam progreditur. Unde videmus quod in compositione corporis naturalis forma est praestantior materia et in compositione corporis mixti unum elementum dominatur et in compositione partium animalis unum membrum est principalius alio et in partibus alicuius continui una pars magis accedit ad punctum, quod est principium magnitudinis, quam alia. Si ergo aliquid compositum ex pluribus partibus sit stans per seipsum, oportebit quod quaelibet pars eius sit stans ex qualibet et ita pars melior dependebit ex parte viliori et e converso. Secunda ratio est quia omne quod est stans per seipsum, est sibi sufficiens in suo esse, non indigens alio ad sui subsistentiam; per quod non excluditur dependentia a causa agente sed a causa formali et materiali subsistentiam praestante. Omne autem compositum ex partibus non est sibi sufficiens, sed indiget ad sui subsistentiam partibus ex quibus componitur, quae se habent in habitudine causae materialis ad totum. Ergo nullum compositum ex partibus est per se stans. Omnis igitur substantia per se stans est simplex. Sciendum tamen est quod haec secunda ratio distincte ponitur in libro Procli, sed in hoc libro inducitur per modum conclusionis.

constituer le tout. Cette preuve n'est pas aussi efficace, parce qu'il n'est pas nécessaire que tout ce qui par soi convient au tout convienne à chacune de ses parties. Il y a en effet des touts formés de parties homogènes, comme l'air et l'eau, il y en a formés de parties hétérogènes, comme l'animal et la maison. Puis par une double raison, l'auteur prouve que ce qui se tient par soi est simple, c'est-à-dire non composé. Dans tout « composé » de parties multiples, on doit poser un ordre des parties, de telle sorte que «l'une soit meilleure », l'autre « plus vile ». Les choses multiples parviennent à constituer une unité selon un certain ordre, de même que la multitude s'éloigne de l'unité selon un certain ordre. Aussi voyons-nous que dans la composition du corps naturel, la forme l'emporte sur la matière; dans celle des corps mixtes, un élément domine; dans la composition des parties de l'animal, un membre est principal; et dans les parties du continu, une partie se rapproche davantage du point - principe de la grandeur- que l'autre. Si donc un composé de parties multiples se tenait par soi, il faudrait que n'importe quelle partie se tienne par n'importe quelle autre, mais alors une partie « meilleure » dépendrait d'une partie « plus vile » et inversement. Le second argument dit que tout ce qui se tient par soi a un être autosuffisant et n'a donc pas besoin d'autre chose pour subsister. Ceci n'exclut aucunement la dépendance à l'égard de la cause agente, mais celle à l'égard des causes formelle et matérielle qui assurent sa subsistance. Aucun composé de parties « ne se suffit », mais a besoin pour subsister « des parties dont il est composé» et qui ont valeur, à l'égard du tout, de cause matérielle. Aucun composé ne se tient donc par soi. En conséquence « toute substance se tenant par soi est simple ». Il faut savoir que ce second argument, qu'ici l'auteur introduit par mode de conclusion, est présenté comme distinct dans le livre de Proclus.

Lectio 29 29) Toute substance simple se tient par elle-même, c'est-à-dire par sa

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[84264] Super De causis, l. 29 Hic ponitur propositio conversa prioris, quae talis est: omnis substantia simplex est stans per seipsam, scilicet per essentiam suam. Sciendum tamen est quod haec propositio in commento non probatur, sed interponitur quiddam quod probatur, scilicet quod substantia stans per seipsam est creata sine tempore et est in substantialitate sua superior substantiis temporalibus. Et haec est LI propositio libri Procli sub his verbis: omne authypostaton exemptum est ab his quae tempore mensurantur secundum suam substantiam. Ubi considerandum est quod hoc quod dicitur secundum suam substantiam potest referri vel ad ipsas substantias temporales, quarum esse substantiale variationi subiacet, unde secundum suam substantiam tempore mensurari dicuntur, vel potest referri ad substantias per se stantes, quae secundum suam substantiam sunt substantiis temporalibus superiores. Huius ergo propositionis superinductae ponitur probatio talis. Ostensum est enim supra quod nulla substantia stans per seipsam cadit sub generatione. Omnes autem substantiae quae mensurantur tempore secundum suam substantiam cadunt sub generatione. Per hoc enim secundum suam substantiam a tempore mensurantur quod eorum esse substantiale variatur per generationem et corruptionem. Relinquitur ergo quod nulla substantia stans per seipsam cadat sub tempore, sed est superior omnibus substantiis temporalibus. Possumus autem ex hac propositione sic probata concludere illam quae praemittitur. Si enim hoc est proprium substantiae per se stantis quod sit non cadens secundum suam substantiam sub tempore, hoc autem convenit omni substantiae simplici, quia omnis substantia generabilis cadens sub tempore est composita ex materia et forma. Relinquitur quod omnis substantia simplex sit stans per seipsam, quod fuit primo propositum.

propre essence. Là, l'auteur pose la proposition converse de la précédente, et dit : «Toute substance simple se tient par elle-même, c'est-à-dire par sa propre essence ». Il faut savoir que cette proposition n'est pas prouvée dans le livre, mais y est intercalé un argument qui lui est prouvé, à savoir que « la substance qui se tient par soi est créée en dehors du temps, et est, dans sa propre substance, au-dessus des substances corporelles ». Elle correspond à la proposition 51 de Proclus, formulée en ces termes : «Tout auto-constituant est transcendant aux êtres qui sont mesurés par le temps selon leur substance ». Il faut considérer que « selon leur substance » peut être référé soit aux substances temporelles, dont l'être substantiel est soumis au changement - d'où on dit que «selon leur substance, elles sont mesurées par le temps » -; soit aux substances se tenant par soi qui, selon leur substance, sont supérieures aux substances temporelles. La preuve de la proposition introduite est telle. Il a été vu plus haut qu'aucune substance se tenant par soi n'est engendrable. Or toutes les substances qui sont mesurées par le temps sont engendrables. Du fait que leur être substantiel est soumis à la génération et à la corruption, elles sont mesurées par le temps selon leur substance. Il reste donc qu'aucune « substance se tenant par soi» n'est soumise« au temps », mais qu'elle est « supérieure» à toutes les substances «temporelles ». De cette proposition ainsi prouvée, nous pouvons conclure sur celle qui précède. Si c'est le propre de la substance se tenant par soi de ne pas être soumise au temps selon sa substance, alors ceci convient à toute substance simple, puisque toute substance générable et tombant sous le temps est composée de matière et de forme. Il en résulte donc que toute substance simple se tient par soi, ce qui fut posé d'abord.

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Lectio 30

[84265] Super De causis, l. 30 Postquam prosecutus est de diversitate rerum quae est secundum generationem et corruptionem, et simplicitatem et compositionem, hic tertio prosequitur de diversitate quae est secundum temporale et aeternum. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit quomodo aliqua dupliciter sunt sempiterna et temporalia, secundo ostendit quomodo est simul et aeternum et temporale, ibi: inter rem cuius substantia etc.; vel in prima ponit ordinem temporalium ad invicem, in secunda ordinem aeternorum ad invicem, ibi: inter rem cuius substantia et cetera. Circa primum ponit talem propositionem: omnis substantia creata in tempore aut est semper in tempore et tempus non superfluit ab ea quoniam est creata et tempus aequaliter, aut superfluit super tempus et tempus superfluit ab ea quia est creata in quibusdam horis temporis. Ad cuius evidentiam considerandum est quod, quia tempus est numerus motus, omnis substantia mobilis dicitur esse creata in tempore. Est autem duplex substantia mobilis. Una quidem cuius motus est in toto tempore, sicut corpus caeleste cuius motus tempori adaequatur eo quod tempus est primo et per se mensura motus caeli et per illum motum mensurat omnes alios motus. Et hoc sive ponamus quod motus caeli semper fuerit et semper sit futurus, ut Aristoteles posuit et quidam alii philosophi, sive etiam motus caeli non semper fuerit nec semper sit futurus, ut fides Ecclesiae docet, quia sic etiam motus caeli adaequatur tempori; non enim tempus fuit antequam motus caeli inciperet nec erit tempus postquam motus caeli esse desierit. Unde omnibus modis substantia caelestis corporis ratione sui motus est semper in tempore et tempus non excedit ipsam, sed ad invicem adaequantur. Quaedam vero substantiae mobiles sunt, quarum esse et motus non est in toto tempore sed in aliqua parte

30) Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps et le temps ne l'excède pas, puisque sa création coïncide avec celle du temps ; ou bien elle excède le temps et le temps l'excède puisqu'elle est créée en certaines portions du temps. Après avoir traité de la diversité des choses selon la génération et la corruption, puis selon la simplicité et la composition, l'auteur traite de la diversité selon le temps et l'éternité. À ce propos, il fait deux choses. Il montre d'abord comment certaines substances sont, de deux façons, éternelles et temporelles; puis comment quelque chose peut être à la fois éternel et temporel, là où il dit : « Entre une chose dont la substance et l'activité etc. ». Autrement dit, il établit d'abord l'ordre que les réalités temporelles, puis les réalités éternelles, entretiennent entre elles, là où il dit : « Entre une chose dont la substance etc. ». Il commence par poser la proposition suivante : « Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps et le temps ne la dépasse pas, puisqu'elle est créée en même temps que le temps; ou bien dépasse le temps et le temps la dépasse puisqu'elle est créée en certaines portions du temps ». Pour le voir, il faut considérer que, puisque le temps est le nombre du mouvement, toute substance mobile est dite créée dans le temps. Or il Y a deux types de substance mobile. La première est celle dont le mouvement a lieu dans le temps tout entier, comme le corps céleste dont le mouvement égale le temps, dès lors que le temps est premièrement et par soi la mesure du mouvement du ciel par qui le temps mesure tous les autres mouvements. Soit que nous posions que le mouvement du ciel a toujours été et sera toujours, comme le font Aristote et certains autres philosophes; soit que nous posions qu'il n'a pas toujours été et

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temporis, sicut patet de substantiis generabilibus et corruptibilibus. Et quia huiusmodi substantia non habet habitudinem ad totum tempus sed ad partem temporis, invenitur autem aliqua pars temporis maior duratione eorum et aliqua pars minor. Inde est quod huiusmodi substantia excedit tempus quantum ad aliquam eius partem, quae scilicet est minor duratione eius; et iterum exceditur a tempore quantum ad illam partem quae est maior duratione eius. In libro enim Procli invenitur haec propositio LV planius et brevius, sic: omne quod secundum tempus subsistit, aut eo quod semper tempore est, aut aliquando in parte temporis hypostasim habens. Ad praemissae autem propositionis manifestationem primo ponitur probatio, secundo infert quoddam corollarium, ibi: iam ergo ostensum est ex hoc et cetera. Probatio autem ponitur eadem in utroque libro. Ita enim procedit ordo rerum ut similia se invicem subsequantur; ea vero quae sunt penitus dissimilia non subsequuntur se invicem in gradibus rerum, nisi per aliquod medium. Sicut videmus quod animal perfectum et planta sunt dissimilia penitus quantum ad duo: nam animal perfectum est sensitivum et mobile motu processivo, planta autem neutrum horum habet; natura ergo non procedit immediate ab animalibus perfectis ad plantas, sed producit in medio animalia imperfecta, quae sunt sensibilia cum animalibus et immobilia cum plantis. Manifestum est autem quod substantiae spirituales quae parificantur aeternitati, ut supra dictum est, et substantiae generabiles et corruptibiles, sunt penitus dissimiles: nam substantiae spirituales et sunt semper et sunt immobiles, quorum neutrum convenit substantiis generabilibus et corruptibilibus. Unde oportet ponere inter haec duo extrema aliquod medium quod sit simile utrique extremo, ut sic gradus rerum procedant per similia. Et sic Proclus investigando procedit. Inter id quod est semper immobiliter ens et id quod est aliquando mobiliter, non potest

n'existera pas toujours, comme nous l'enseigne la foi de l'Eglise, le mouvement du ciel égale le temps; en effet, le temps n'existait pas avant que le mouvement du ciel ne commence, ni n'existera une fois que le mouvement du ciel aura cessé. Par conséquent et de toutes les manières, la substance du corps céleste, en raison de son mouvement, est toujours dans le temps et n'excède pas le temps, mais l'un et l'autre s'égalent. Il y a certaines substances mobiles dont l'être et le mouvement ne sont pas dans le temps tout entier, mais dans une partie du temps seulement, comme c'est évident pour les substances générables et corruptibles. Parce que la substance de ce genre n'a pas de rapport au temps tout entier, mais à une partie du temps, on trouve une partie du temps plus grande que sa durée à elle, et une autre plus petite que sa durée. C'est pourquoi une telle substance dépasse le temps dans cette partie plus petite que sa durée, mais est dépassée par le temps dans cette autre partie qui est plus grande que sa durée. Dans le livre de Proclus, on trouve cette proposition, la 55e, plus clairement et brièvement exposée : « Tout ce qui subsiste selon le temps, subsiste ou bien en étant toujours dans le temps, ou bien en étant dans une partie du temps ». Pour rendre manifeste cette proposition, l'auteur donne d'abord la preuve, puis infère un corollaire où il dit : « Il est désormais clair etc. ». La preuve est la même dans les deux livres. L'ordre des choses est tel que celles qui se ressemblent se suivent : dans la série des réalités, celles qui sont par trop dissemblables ne peuvent se suivre, sinon par un intermédiaire. Nous voyons que l'animal parfait et la plante sont trop dissemblables de deux points de vue : l'animal parfait est sensible et doué de mouvement progressif, la plante n'a ni l'un ni l'autre; aussi la nature ne procède-t-elle pas immédiatement des animaux parfaits aux plantes, mais produit-elle, entre les deux, des animaux imparfaits qui sont sensibles comme l'animal et immobiles

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inveniri nisi triplex medium: scilicet id quod semper movetur, id quod aliquando immobiliter est, id quod aliquando est. Hoc autem tertium non potest esse medium, quia id quod aliquando est idem est ei quod aliquando movetur, quod diximus esse extremum. Similiter etiam nec potest esse medium id quod aliquando immobiliter est. Impossibile est enim esse aliquod tale: nihil enim desinit esse nisi per aliquam transmutationem, unde id quod immobiliter est non potest esse aliquando ens sed est semper ens. Relinquitur ergo quod medium inter id quod semper est immobiliter et inter id quod aliquando est mobiliter sit id quod semper movetur. Hoc enim convenit cum superiori quidem in hoc quod est semper esse, cum inferiori vero extremo in hoc quod est moveri. Utitur autem nomine generationis communiter pro qualibet transmutatione, quia in quolibet motu includitur generatio et corruptio, ut dicitur in VIII physicorum. Sic igitur substantiae quae semper moventur, scilicet caelestia corpora, contingunt secundum quamdam similitudinem utrumque extremum; et per ea coniunguntur quodammodo substantiae superiores immobiles substantiis inferioribus generabilibus et corruptibilibus, in quantum scilicet virtus superiorum substantiarum defertur ad generabilia et corruptibilia per motum caelestium corporum. Ex his autem inducit consequenter quoddam corollarium, scilicet quod duplex est perpetuitas vel perpetua durabilitas: una quidem per modum aeternitatis, alia vero per modum totius temporis, et differunt hae perpetuae durationes tripliciter. Primo quidem quia perpetuitas aeternalis est fixa, stans, immobilis; perpetuitas autem temporalis est fluens et mobilis, in quantum tempus est mensura motus, aeternitas autem accipitur ut mensura esse immobilis. Secundo quia perpetuitas aeternalis est tota simul quasi in uno collecta; perpetuitas autem temporalis habet

comme la plante. Il est manifeste que les substances spirituelles qui égalent l'éternité - comme on l'a dit plus haut et les substances engendrables et corruptibles sont par trop différentes : en effet, les premières existent toujours et sont immobiles alors que ces deux caractères ne conviennent pas aux substances générables et corruptibles. Aussi faut-il poser entre ces deux extrêmes quelque intermédiaire qui leur soit semblable à l'un et à l'autre, de telle sorte que les degrés des choses procèdent à partir des semblables. Proclus procède ainsi dans sa recherche. Entre ce qui est un étant « toujours» immobile et celui qui est «parfois» mobile, on ne peut trouver que trois « intermédiaires» : ce « qui est toujours» mû; ce qui est « quelque fois» immobile; ce qui « quelque fois » est. Ce dernier ne peut être un intermédiaire, parce que « ce qui est parfois» est la même chose que « ce qui est parfois mû ». Or celui-ci, avons-nous dit, est un des extrêmes. De la même façon ne peut être un intermédiaire «ce qui est parfois immobile ». Il est impossible, en effet, que quelque chose soit tel : rien ne peut cesser d'être sinon par un changement; aussi «ce qui est immobile» ne peut pas l'être «parfois », mais l'est « toujours ». L'intermédiaire entre « ce qui est toujours immobile» et « ce qui est parfois mobile» reste donc «ce qui est toujours mû ». On use communément du terme de «génération» pour désigner tout changement, parce que tout changement comprend une génération et une corruption, comme le dit Aristote au livre VIII de sa Physique82[82]. Ainsi les substances qui sont toujours mues, c'est -à-dire les corps célestes, touchent à l'un et l'autre extrêmes selon une certaine similitude. Par elles, les substances supérieures immobiles sont unies aux substances engendrables et corruptibles dans la mesure où la puissance des

82[82] Cf. VIII, 3, 254a 11-12.

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successivam extensionem secundum prius et posterius quae sunt de ratione temporis. Tertio quia perpetuitas aeternalis est simplex, tota secundum seipsam existens; sed universalitas sive totalitas perpetuitatis temporalis est secundum diversas partes sibi succedentes.

substances supérieures est déférée aux réalités engendrables et corruptibles par le mouvement des corps célestes. De ceci, l'auteur induit, par la suite, un corollaire, à savoir double est la « perpétuité» ou «durée» perpétuelle : l'une par mode d'éternité; l'autre selon la totalité du temps. Ces deux durées perpétuelles diffèrent d'une triple façon. Premièrement, la perpétuité éternelle est fixe, stable et immobile; la perpétuité temporelle est fluante et mobile. En tant que le temps est mesure du mouvement, l'éternité est prise comme mesure de l'être immobile. Deuxièmement, la perpétuité éternelle est tout entière « simultanée », comme « ramassée » en un; la perpétuité temporelle est successive, « s'étendant selon l'avant et l'après », lesquelles succession et extension sont définitionnelles du temps. Troisièmement, la perpétuité éternelle est simple, se tenant « tout entière en elle-même »; alors que «l'universalité» ou totalité de la perpétuité temporelle est faite de diverses parties se succédant.

Lectio 31

[84266] Super De causis, l. 31 In praecedenti propositione manifestatus est ordo temporalium ad invicem, hic autem manifestatur ordo aeternorum ad invicem. Et primo ponitur inter aeterna aliquid quod est omnimodo aeternum et aliquid quod est quodammodo aeternum et quodammodo temporale. Secundo manifestatur conditio eius quod est quodammodo aeternum et quodammodo temporale, 32 propositione, ibi: omnis substantia et cetera. Circa primum ponitur talis propositio: inter rem cuius substantia et actio sunt in momento aeternitatis et inter rem cuius substantia et actio sunt in momento temporis existens est medium, et est illud cuius substantia est ex momento aeternitatis et operatio ex momento temporis. Et videtur hic sumi momentum aeternitatis vel temporis pro mensuratione, ut scilicet illud dicatur esse in momento aeternitatis quod aeternitate mensuratur, et in momento temporis quod tempore

31) Entre une chose dont la substance et l'activité sont dans le moment de l'éternité et une chose dont la substance et l'activité sont dans le moment du temps, il existe un intermédiaire : ce dont la substance relève du moment de l'éternité, et l'opération du moment du temps. On a vu dans la proposition précédente l'ordre que les réalités temporelles ont entre elles. Ici l'auteur manifeste l'ordre des réalités éternelles. Premièrement il présente, parmi les réalités éternelles, ce qui est tout à fait éternel, puis ce qui est d'une certaine façon éternel et d'une autre temporel. En second lieu il éclaire la condition de ce qui est d'une façon éternel et d'une autre temporel, et ce à la proposition 32 où il dit : « Toute substance tombant sous l'éternité etc. ». Relativement au premier point, il pose la proposition suivante : « Entre une chose

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mensuratur. Haec etiam propositio ponitur CVI in libro Procli, sub his verbis: omnis eius quod omniquaque aeternale est secundum substantiam et operationem, et eius quod substantiam habet in tempore, medium est quod hac quidem aeternale est, hac autem tempore mensuratur. Posset autem alicui videri quod hoc medium sit corpus caeleste, quod quidem secundum substantiam suam incorruptibile est, sed motus eius tempore mensuratur. Sed hoc non bene dicitur. Nam in praecedenti propositione illud quod semper movetur positum est simpliciter inter temporalia. Ut enim in IV physicorum philosophus dicit: sicut tempus mensurat motum, ita nunc temporis mensurat mobile. Unde corpus caeleste quod movetur, non est in momento aeternitatis, sed in momento temporis. Et praeterea motus non est actio eius. Quod movetur, sed magis passio: est autem actio moventis, ut dicitur in III physicorum. Principium autem motus est anima, ut in 2 propositione habitum est. Quia ergo anima nobilis secundum se est immobilis, actio autem eius est motus, consequens est ut anima secundum suam substantiam sit in momento aeternitatis, eius vero actio sit in tempore. Corporis vero quod movetur et substantia et operatio est in tempore; intelligentiae vero et substantia et actio est in momento aeternitatis. Huius autem propositionis probatio est similis probationi praemissae propositionis. Supra enim dictum est quod gradus entium continuantur sibi invicem secundum quamdam similitudinem; unde ea quae sunt totaliter dissimilia consequuntur se invicem in ordine rerum per aliquod medium quod habet similitudinem cum utroque extremorum. Res autem illa cuius substantia et actio est in tempore, totaliter dissimilis est illi cuius substantia et actio est in aeternitate, ergo necesse est ut inter eas sit tertia res media, vel ita quod substantia eius cadat sub

dont la substance et l'activité sont dans le moment de l'éternité et une chose dont la substance et l'activité sont dans le moment du temps, il existe un intermédiaire : ce dont la substance relève du moment de l'éternité, et l'opération du moment du temps ». Il apparaît ici que le « moment de l'éternité» ou « celui du temps» est employé à la place du mot « mesure », en ce sens que ce qui est dit être dans le moment de l'éternité est « ce qui est mesuré par l'éternité » et ce qui est dit être dans le moment du temps renvoie à «ce qui est mesuré par le temps ». Cette proposition est formulée, dans le livre de Proclus - proposition 106 - en ces termes : «Entre l'être totalement éternel, à la fois dans sa substance et dans son activité, et l'être dont la substance est temporelle, il y a un milieu, c'est l'être qui, sous un aspect est éternel et, sous un autre, mesuré par le temps». On pourrait penser que cet intermédiaire est le corps céleste qui, selon sa substance, est incorruptible mais dont le mouvement reste mesuré par le temps. Mais ce n'est pas ce qui est dit. En effet, la proposition précédente a posé que ce qui est toujours mû appartient absolument aux réalités temporelles. Le Philosophe dit bien, au livre IV de sa Physique83[83], que, de même que le temps mesure le mouvement, de même l'instant du temps mesure le mobile. Aussi le corps céleste qui est mû n'est-il donc pas dans le moment de l'éternité, mais dans le moment du temps. En outre, le mouvement n'est pas l'action, mais plutôt la passion de ce qui est mû : c'est du moteur que le mouvement est l'action, comme le dit la Physique au livre III 84[84]. Le principe du mouvement est l'âme, comme cela a été établi à la proposition 2. Puisque l'âme noble est en soi immobile et que son action est un mouvement, il s'ensuit que l'âme, selon sa substance, est

83[83] Cf. IV, 11, 219 b22-23. 84[84] Cf. III, 202 a 26- 27.

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aeternitate et actio sub tempore, vel e converso. Sed hoc esse non potest quod alicuius rei substantia sit in tempore et actio in aeternitate, quia sic actio esse altior et melior quam substantia et effectus quam causa, quod est impossibile. Relinquitur ergo quod illa res media sit secundum substantiam suam in momento aeternitatis et secundum operationem in tempore. Et hoc est quod probare intendimus.

dans le moment de l'éternité, mais son action est dans le temps. Or, aussi bien la substance que l'opération du corps qui est mobile sont dans le temps; mais la substance comme l'action de l'intelligence sont dans le moment de l'éternité. La preuve de cette proposition ressemble à celle de la précédente. On a dit plus haut que les degrés des êtres se continuent selon une certaine ressemblance; aussi les réalités dissemblables en tout ne se suivent, dans l'ordre des choses, que grâce à un intermédiaire s'apparentant à l'un et l'autre extrêmes. Or la chose dont la substance et l'action sont dans le temps diffère totalement de celle dont la substance et l'action sont éternelles; «il faut donc qu'il y ait entre» elles une «troisième chose intermédiaire », c'est-à-dire quelque chose dont.la substance « tombe sous l'éternité et l'action sous le temps », ou bien l'inverse. Mais il ne se peut pas que la « substance » d'une chose soit «dans le temps» quand « son action » est « dans l'éternité », parce qu'« alors son action serait » plus élevée et« meilleure» que sa « substance », partant, l'effet serait supérieur il la cause, ce qui est impossible. Reste donc que la réalité intermédiaire soit, selon sa substance, dans le moment de l'éternité et, selon son opération, dans le temps. C'est bien ce que nous entendions prouver.

Lectio 32

[84267] Super De causis, l. 32 Quia in praecedenti propositione probatum est esse aliquam rem cuius substantia est in aeternitate et actio in tempore, consequenter huiusmodi substantiae conditionem ostendit in hac ultima propositione, dicens: omnis substantia cadens in quibusdam suis dispositionibus sub aeternitate et cadens in quibusdam suis dispositionibus sub tempore est ens et generatio simul. Et haec eadem propositio ponitur CVII in libro Procli, sub his verbis: omne quod hac quidem aeternale hac autem temporale, et ens est simul et generatio. Ad huius autem propositionis

32) Toute substance tombant sous l'éternité en certaines de ses dispositions et sous le temps en certaines autres, est à la fois être et génération. Parce qu'il a été prouvé, dans la proposition précédente, qu'il existe quelque chose dont la substance est dans l'éternité et l'action dans le temps, l'auteur en conséquence montre la manière d'être de ce type de réalité dans cette ultime proposition qui dit : « Toute substance tombant sous l'éternité en certaines de ses dispositions et sous le temps en certaines autres, est à la fois être et génération ». La

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manifestationem tria facit. Primo praemittit probationem propositionis inductae, quae quidem tota dependet ex significatione nominum. Quia enim aeternitas est tota simul, carens successione praeteriti et futuri, ut supra habitum est, id quod est in aeternitate dicitur ens, quia semper est in actu. Tempus autem consistit in successione praeteriti et futuri, unde id quod est in tempore est quasi in fieri, quod significat nomen generationis. Quod ergo est totaliter in aeternitate, est totaliter ens; quod autem est totaliter in tempore, est totaliter generatio. Quod vero est secundum aliquid in tempore et secundum aliquid in aeternitate, est simul ens et generatio. Secundo ibi: iam ergo manifestum est etc., inducit quoddam corollarium. Est enim talis dispositio entium quod inferiora a superioribus dependent. Unde necesse est quod id quod est totaliter generatio, quasi substantiam et operationem habens in tempore, dependeat ab eo quod est simul ens et generatio, habens substantiam in aeternitate et operationem in tempore. Hoc autem necesse est quod dependeat ab eo quod est totaliter in aeternitate secundum substantiam et operationem; et hoc ulterius dependeat ab ente primo quod est supra aeternitatem, quod est principium durationis rerum omnium et sempiternarum et corruptibilium. Tertio ibi: necessarium est unum faciens etc., ostendit quod ab isto uno primo omnia dependeant. Et ad intellectum huius quod hic dicitur, sumenda est CXVI propositio Procli, quae talis est: omnis Deus participabilis est, excepto uno. Quae quidem propositio ponitur ab eo ad ostendendum quomodo Platonici ponebant plures deos. Non enim ponebant omnes ex aequo, sed unum ponebant primum, qui nihil participabat, sed est essentialiter unum et bonum; alios vero deos ponebant inferiores participantes ipsum unum et bonum. Et huius probationem inducit quia de primo et supremo Deo manifestum est quod nihil participat, alioquin non esset

proposition 107 du livre de Proclus dit la même chose en ces termes : « Ce qui est éternel sous un aspect et temporel sous un autre est à la fois étant et génération ». Pour faire comprendre cette proposition, l'auteur fait trois choses. Il présente d'abord une preuve tout entière tirée de la signification des mots. L'éternité est tout entière simultanée, sans succession de passé et de futur, comme on l'a vu plus haut; c'est pourquoi on appelle étant ce qui est dans l'éternité puisqu'il est toujours en acte. Le temps, en revanche, consiste en une succession de passé et de futur; aussi ce qui est dans le temps est-il comme en devenir, ce que signifie le mot de génération. Ce qui donc est totalement dans l'éternité est totalement étant; ce qui est totalement dans le temps est totalement génération. Mais ce qui est, sous un aspect dans l'éternité et sous un autre dans le temps, est à la fois étant et génération. Deuxièmement, là où il dit : « Il est désormais manifeste etc. », l'auteur introduit un corollaire. Les êtres sont ainsi disposés que les inférieurs dépendent des supérieurs. Partant, il est nécessaire que ce qui est totalement génération, c'est-à-dire ce dont la substance et l'opération sont dans le temps, dépende de ce qui est à la fois étant et génération, c'est-à-dire de ce dont la substance est dans l'éternité et l'opération dans le temps. Ceci, à son tour, doit dépendre de ce qui est totalement dans l'éternité selon sa substance et son opération; et ceci dépend ultimement de l'étant premier qui est au-delà de l'éternité, principe de la durée « de toutes choses, des éternelles » comme des corruptibles. Troisièmement, là où il dit : « Il est nécessaire que l'un fasse acquérir les unités etc. », l'auteur montre que de l'un premier tout dépend. Pour le comprendre, il faut prendre la proposition 116 de Proclus qui est telle : « Tout dieu est participable, sauf l'Un ». Cette proposition est établie par Proclus afin de montrer comment les Platoniciens posaient plusieurs dieux. Ils ne les posaient pas tous égaux, mais ils posaient

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prima causa omnium; semper enim participans praesupponit aliquid prius quod est per essentiam. Sed quod omnes alii dii sint participantes, probat per hoc quia si primus Deus est unum essentialiter et non participative, aut aliquis aliorum deorum est similiter unum et sic in nullo differt a primo, aut oportet quod sit unum participative. Si enim ipsum unum est essentia primi, oportet quod si aliquid ab eo differat, quasi secundum post ipsum existens, non sit tale quod essentia eius sit ipsum unum, sed sit participans unitatem. Et hoc est quod hic proponitur, quod necesse est ponere unum primum faciens adipisci unitates, id est a quo participant unitatem quaecumque sunt unum, et ipsum non adipiscitur, id est non participat unitatem ab aliquo alio. Et huius quidem probatio inducitur quae praemissa est.

un premier qui ne participait de rien, mais qui était par essence un et bien; ils posaient les autres dieux comme inférieurs, participants de l'un et du bien mêmes. L'auteur introduit la preuve de ceci <en disant> qu'il est évident que le dieu premier et suprême ne participe de rien. Sans cela il ne serait pas la cause première de tout. En effet, ce qui participe présuppose toujours quelque chose d'antérieur, qui est par essence. Mais que tous les autres dieux soient des participants, l'auteur le prouve de la façon sui vante. Si le premier Dieu est un essentiellement et non par participation, de deux choses l'une : ou bien, l'un des autres dieux est semblable à l'un, et dans ce cas il ne diffère pas du premier; ou bien, il doit être un par participation. Si l'unité même est l'essence du premier, il faut que ce qui diffère de lui comme venant après lui ne soit pas tel que son essence soit l'unité même : il se doit de participer de l'unité. C'est bien ce que l'auteur ici expose quand il dit qu'il est nécessaire que «l'un fasse acquérir les unités », c'est-à-dire que ceux qui sont uns participent de lui l'unité, et que « lui-même n'acquiert pas l'unité », c'est-à-dire ne la participe pas d'un autre. Ce qui précède le prouve.

Et sic terminatur totus liber de causis. Sint gratiae Deo omnipotenti, qui est prima omnium causa.

Ainsi se termine tout le Livre des causes. Grâces soient rendues au Dieu tout-puissant qui est la cause première de tout.