Combat contre les demons à MÖTTLINGEN

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COMBAT CONTRE LES DEMONS A MÖTTLINGEN Johann Christoph BLUMHARDT Editions PAROLE DE VIE BP 3 F - 30920 CODOGNAN

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COMBAT CONTRE

LES DEMONS

A MÖTTLINGEN

Johann Christoph BLUMHARDT

EditionsPAROLE DE VIE

BP 3F - 30920 CODOGNAN

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© 1989 VERLAG GOLDENE WORTE,Stuttgart-Sillenbuch (RFA)

Titre original : BLUMHARDTS KAMPF

Traduit par Elke et Henri Viaud-Murat

Toute reproduction même partielle ne peut être faitequ’avec l’accord écrit de l’Editeur français. Tous droits

de la traduction française réservés.

ISBN 2-9503150-4-6

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Avant-Propos de J.C. Blumhardt

Aux membres du Consistoire du Royaume

En soumettant le présent mémoire aux très honora-bles autorités ecclésiastiques supérieures, je tiens àdéclarer que jamais, jusqu’à présent, je ne me suisexprimé aussi hardiment et aussi librement sur mesexpériences. Mes meilleurs amis portent sur moi desjugements très divers. Pourtant ce sont eux-mêmes quim’ont placé dans la pénible situation d’observer à leurégard un silence complet, car ils semblaient craindreun danger si je parlais de ce sujet. D’autre part, je leursuis reconnaissant d’avoir tremblé pour moi durant toutce combat. Aussi ai-je gardé secret jusqu’à présent l’es-sentiel du mystère, que j’aurais pu emporter dans matombe, et j’ai pu me sentir très libre quant à la rédac-tion de cette publication.

Il m’eût été facile de tout relater sans choquer un seullecteur. Mais je ne pouvais m’y résoudre. Quoique crai-gnant à chaque page d’agir avec imprudence et préci-pitation en relatant aussi crûment tous ces évènements,j’entendais à chaque fois une voix intérieure qui medisait : « Vas-y, parle ! »

J’en prends le risque, et je le fais au Nom de Jésus leVainqueur. Je considère que le fait d’être honnête en lamatière est non seulement un devoir envers mes trèshonorées autorités ecclésiastiques, qui ont mérité cettetotale franchise, mais aussi une obligation envers leSeigneur Jésus, à Qui seul appartient cette cause queje défends. M’exprimant ici pour la première fois sans

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ambages, on comprendra mon désir de voir ces infor-mations gardées comme étant de caractère privé,comme des secrets qu’un véritable ami confie à sesamis. Je n’en ai même pas conservé une copie lisible.Ce ne sera pas de sitôt que je me sentirai porté à enfaire lecture à quelqu’un. Eviter, en attendant, la divul-gation de ce rapport est un vœu qui mérite égard. J’enai parlé de manière détaillée par deux fois seulement,tout en m’en tenant aux seuls aspects extérieurs : unefois à Calw, et l’autre fois à Vaihingen, devant des col-lègues en apparence amicaux, mais j’ai été échaudé,dans ce dernier lieu tout au moins. Par ailleurs, je necrains pas que la lumière soit faite. Le présent rapportle prouve.

Que l’on daigne me pardonner une autre prière : queles honorables lecteurs veuillent bien lire l’ensemble àplusieurs reprises avant de porter un jugement. Quoiqu’il en soit, je me confie en Celui qui tient les cœursen Sa puissance. Que l’on porte tel ou tel jugement,qu’importe ! Il me reste le soulagement d’avoir dit lavérité sans rien omettre, et cette inébranlable certituteque « Jésus est Vainqueur ! »

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Préface

Le 16 Juillet 1805 naissait à Stuttgart JohannChristoph Blumhardt, de parents artisans, pauvresmais pieux. Il était destiné à occuper une place im-portante dans l’histoire de l’Eglise. Ses dons se déve-loppèrent très tôt. A trois ans, il fréquentait déjà l’école.Il poursuivit ses études au Lycée puis à l’Université.Après avoir accompli avec succès ses études de théo-logie, il devint vicaire de la paroisse de Dürrmenz,dans le Wurttemberg. Puis il enseigna à Bâle, à laMaison de la Mission. Il devint ensuite pasteur-ad-joint à Iptingen. Le 31 Juillet 1838, il était nommépasteur à Möttlingen, près de Calw, un village quicomptait alors 535 âmes. Ce fut là qu’il vécut les troisplus grands évènements de sa vie, qui sont devenusimportants non seulement pour tout son ministèrefutur mais aussi, il en était certain, pour le Royaumede Dieu. Il appela le premier évènement « le combat ».Le second évènement, consécutif au premier, fut unmouvement de repentance et de reveil. Le troisièmeévènement, qui accompagna les deux précédents, futle miracle continuel de l’exaucement des prières etde la guérison des malades. Ce n’était pour lui riend’autre que « l’expérience de la présence évidente duSeigneur Jésus », qui finalement lui faisait paraître« le miracle comme naturel ».

A la suite à ces évènements, on peut comprendrela formation et la transformation de sa personnalité,et expliquer qu’il soit devenu cet excellent pasteur,

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prédicateur et écrivain. Quatorze ans plus tard exac-tement, le 31 juillet 1852, - il avait épousé le 4 sep-tembre 1838 Doris Köllner - il déménageait avec safamille à Bad Boll au pied de la SCHWAEBISCHENALB. N’ayant en sa possession que 4OO florins, il yavait acheté une propriété d’une valeur de 25 OOOflorins, pour y poursuivre son ministère, particuliè-rement auprès de ceux qui souffraient et « pour les-quels il n’y avait plus d’espoir ». Tout comme à Mött-lingen pendant presque 10 ans, un nombre encorebien plus grand d’hommes et de femmes de toute con-dition sociale affluèrent de toutes parts, même detrès loin. Dans leur détresse intérieure et extérieure,ils venaient chercher auprès de lui la consolation,l’apaisement et l’aide dont ils avaient besoin, et il leurprodiguait conseil, enseignement et prière. Ils sen-taient là battre un cœur de pasteur. En outre, cethomme béni du Seigneur était rempli, comme peud’hommes l’ont été, de l’espérance en la venue pro-chaine du Royaume de Dieu et en la magnifique vic-toire de la compassion divine envers tous les peu-ples. Le 25 février 1880 il entrait dans la joie de sonmaître, après avoir rassemblé ses dernières forcespour bénir son fils Christoph et l’avoir désigné commeson successeur et « comme vainqueur ».

Ce petit livre décrit le « combat » que nous avonsmentionné plus haut. Il a été rédigé par Blumhardtlui-même. Il décrit principalement la maladie et laguérison de Gottliebin Dittus, née le 13 octobre 1815,fille des époux Dittus, véritables chrétiens résidant àMöttlingen. En automne 1841 la malade se confia pourla première fois à son pasteur. En avril 1842, celui-cis’engagea dans un combat qui, selon sa ferme con-

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viction, devait être mené contre les puissances desténèbres et avec les seuls moyens de la foi, de laprière et du jeûne. Le 28 décembre 1843 la victoireétait acquise. Contre la volonté de son auteur, le rap-port confidentiel qu’il adressa aux autorités de l’Eglisedu Wurttemberg se répandit dans le public, mais dansune version tellement déformée que l’auteur se sentitobligé de reprendre soigneusement le récit de toutel’histoire de cette maladie.

Il fit éditer la nouvelle version de ce récit, maisseulement en 100 exemplaires lithographiés. C’est l’unde ces exemplaires qui a été utilisé pour établir laprésente édition. Il a été acquis par l’auteur de cettepréface, avec l’accord de l’éditeur. La réédition est lit-térale. Les lecteurs seront reconnaissants envers l’édi-teur pour l’opportunité de disposer d’une copie inté-grale et authentique du rapport de Blumhardt, trèscertainement pour la première fois.

Est-ce toutefois conforme à la volonté de l’auteur ?Nous le pensons. Car, malgré son désir répété de nepas diffuser ultérieurement son rapport, il fit unepremière concession en 1844, puis une seconde en1850, en disant que ce n’était « pas encore » le mo-ment. En fait, il avait lui-même annulé son intentioninitiale, ne serait-ce que par la diffusion des 100 exem-plaires. C’est pour cette raison que son biographeZündel ne doutait pas qu’il « aurait certainementdonné son accord pour publier ses expériences, aprèssa mort, et pour en divulguer leur contenu essen-tiel ». D’autant plus qu’il « attribuait à ses expérien-ces de combat spirituel une grande importance pourl’Eglise de Jésus-Christ », et même presque plus à la

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fin de sa vie qu’auparavant. Cette importance deve-nait de plus en plus grande à ses yeux à mesure quele temps passait. Il est pleinement justifié que nousallions encore plus loin que Zündel, en divulguant lecontenu intégral de ce rapport et non seulement « l’es-sentiel », pour la raison qu’il continue à être large-ment diffusé jusqu’à ce jour, avec de multiples diver-gences, à une seule exception près à ma connaissance.Nous croyons que notre devoir, envers la mémoire decet homme de Dieu, nous impose de publier ce rap-port, si important pour lui, dans la forme même où ill’avait initialement rédigé. On peut ainsi espérer queles autres versions incorrectes encore en circulationseront écartées, comme il l’avait lui-même souhaité.

Nous n’acceptons pas non plus une autre objec-tion qui nous est faite, selon laquelle nous stimule-rions le désir morbide actuel de se nourrir de chosesmystérieuses et malsaines. Le rapport suivant est lapreuve du contraire, car il est excessivement sobre etéquilibré, confirmé par l’existence sanctifiée d’unhomme qui s’est toute sa vie maintenu dans « la lu-mière, la vérité et l’honnêteté ». Notre but est au con-traire de rendre service à beaucoup de ceux qui s’ef-forcent, notamment parmi les hommes de science,d’apporter des réponses aux questions qu’ils se po-sent à propos de ce domaine ténébreux. La science afait de grands progrès au cours de ces dernières an-nées dans l’exploration de ce domaine. On a aussidécouvert que les médecins, les psychiatres et lespasteurs devraient collaborer. La science et la foi nesont pas opposées l’une à l’autre. A partir des évène-ments vécus par Blumhardt, il serait faux de vouloirexclure tout rapport entre le domaine surnaturel et

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le domaine naturel, alors que lui-même s’est efforcéde les mettre en évidence. Ceux qui refuseraient d’ad-mettre que notre monde soit pénétré par un autremonde auraient quitté le terrain biblique. Il est tout-à-fait possible que certaines révélations résultant desrecherches récentes éclairent cet aspect de la vie deBlumhardt. De même, les évènements vécus parBlumhardt peuvent expliquer un certain nombred’énigmes non encore résolues à ce jour. Le présentlivre pourra peut-être y contribuer. De toutes maniè-res, nous y voyons comment une foi puissante per-met de remporter la victoire. Que la bénédiction duSeigneur accompagne cet ouvrage !

Professeur W. KOLLER

Erlangen

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CHAPITRE 1

Celle que l’on appelle Gottliebin est une jeunefemme célibataire et sans fortune. Elle est âgée de 28ans et habite depuis quatre ans à Möttlingen au rez-de-chaussée d’un logis médiocre, avec ses trois frè-res et sœurs, célibataires comme elle. Grâce à d’heu-reux talents et à une éducation fidèle reçue de pa-rents chrétiens, elle acquit de bonnes connaissan-ces, malgré un niveau scolaire inférieur. En outre,l’instruction qui lui fut donnée par mon prédéces-seur, le pasteur Barth, demeurant actuellement àCalw, lui permit d’avoir dans son cœur de bonnesbases chrétiennes. Après avoir terminé ses études,elle fut tout d’abord attirée par le monde, tout en con-servant toujours une excellente réputation. Elle futplacée comme dame de service en différents endroits,et elle laisse aujourd’hui encore un excellent souve-nir de dévouement dans les maisons où elle fut em-ployée, notamment à Weil-der-Stadt, où elle demeurapendant huit ans.

Au cours d’une certaine maladie des reins qui l’af-fligea pendant les années 1836 à 1838, sa vie chré-tienne prit une tournure plus engagée et plus sérieuse.Cela se produisit juste avant mon entrée en fonctionsici, en Juillet 1838. De nombreux médecins réputéss’efforcèrent de la soigner, avec l’assistance du pas-teur Barth et du vicaire Stotz. Elle demeura ensuitesur place et mena avec son frère et ses sœurs uneexistence calme et retirée. Elle était aimée et estiméeen raison de ses bonnes dispositions chrétiennes. A

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la suite de sa maladie, elle garda certains troublesdans son corps. Ces troubles se situaient pour la plu-part dans la région de l’abdomen. Par exemple, ellene pouvait plus uriner sans l’aide d’un instrumentmédical spécial. En outre, elle avait l’une de ses jam-bes plus courte que l’autre, l’une de ses côtes étaitplus haute, et elle avait des maux de foie. Tout celarésultait de sa maladie.

Déjà, en Février 1840, lorsqu’elle emménagea dansson logis actuel, Gottliebin (elle le racontera plus tard)crut sentir une influence particulière peser sur elle,comme si elle voyait et entendait des choses bizarresdans la maison. Son frère et ses sœurs ressentirentla même chose. Dès le premier jour, lorsqu’elle pria àtable et dit : « Viens, Seigneur Jésus... », elle eut uneattaque et tomba à terre sans connaissance. On en-tendait des coups fréquemment répétés, ainsi que desbruits de pas qui se traînaient dans la chambre, lasalle de séjour et la cuisine. Ceci inquiétait bien sou-vent ses pauvres frère et sœurs, ainsi que les locatai-res du dessus, même si chacun s’abstenait de parlerde quoi que ce soit. Gottliebin eut encore bien d’autresexpériences étranges. Elle sentait aussi des forces,voyait des petites lumières, etc. On peut déduire deses récits que les possessions ultérieures avaient déjàcommencé à ce moment-là. Dès lors, elle manifestadans son comportement quelque chose de repous-sant et d’inexprimable, ce qui était très déplaisant.Mais tout le monde laissait ces évènements se pro-duire sans beaucoup se préoccuper de cette pauvrefamille d’orphelins, et Gottliebin gardait soigneuse-ment le silence sur ses expériences particulières. Ce-pendant, à l’automne 1841, alors que les attaques et

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les tourments nocturnes devenaient de plus en plusforts, elle vint me parler chez moi. Mais elle me parlade ses attaques en termes ordinaires, et je ne me ren-dis pas clairement compte de la situation. Je ne puslui dire grand-chose de satisfaisant. Elle confessapourtant librement certaines choses de sa vie pas-sée, espérant que sa confession la libèrerait de cesattaques. De décembre 1841 à février 1842, elle futgravement malade et dut garder le lit. Pendant toutecette maladie, je n’eus pas le désir de la visiter sou-vent, tant son comportement était peu attirant : elletournait la tête lorsqu’elle me voyait, ne répondait pasà ma salutation lorsque je priais, ne voulait plus gar-der les mains jointes, n’accordait aucune attention àmes paroles, et semblait même parfois sans connais-sance, ce qui n’était aucunement le cas avant et aprèsma visite. Je pensai alors qu’elle était entêtée, et qu’ellese complaisait dans sa propre justice et dans son or-gueil spirituel. On commençait également à croire celadans son entourage, et je préférai m’abstenir de venirla voir plutôt que de me livrer à toutes sortes de ma-ladresses. Pendant ce temps, elle fut soignée avecdévouement par les médecins, et finalement elle serétablit.

En avril 1842, j’appris pour la première fois quel-que chose de plus précis à propos des bruits enten-dus dans la maison, lorsque deux membres de safamille vinrent me demander conseil. Il n’était pluspossible de garder le silence à propos de ces bruits,car ils étaient perçus par tout le voisinage. En parti-culier, Gottliebin apercevait alors une forme de femmeportant un enfant mort entre ses bras. Cette femmeétait morte ici deux années auparavant. Sans donner

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le nom de cette femme (elle ne le mentionna que plustard), Gottliebin raconta prudemment que cette formese tenait toujours debout à un certain endroit auprèsde son lit, et qu’elle se déplaçait parfois dans sa di-rection en répétant souvent ces paroles : « Je tiens àce qu’on me laisse tranquille, » ou bien : « Donne-moiun papier et je ne reviendrai plus, » etc. On me de-manda alors si l’on avait le droit d’aller plus loin, etd’interroger cette forme. Mon conseil fut que Gottliebinne devait pas se laisser entraîner dans une discus-sion avec l’apparition, d’autant plus que l’on ne sa-vait pas dans quelle mesure exacte on pouvait se trom-per soi-même. De toutes façons, il était certain quel’on pouvait commettre des erreurs et des bêtises ter-ribles si l’on se laissait entraîner dans le monde desesprits. Je dis aussi que Gottliebin devait prier avecfoi et sérieux, et que tout finirait ainsi par cesser pro-gressivement.

A ma demande, une amie osa aller dormir chezelle, pour l’aider également à détourner son attentionde ces choses. Les bruits de coups furent aussi en-tendus par cette amie. Guidées par un rayon de lu-mière, elles finirent par découvrir la moitié d’unegrande feuille de papier couverte de suie, sous un litprès de la porte de la chambre. La feuille portait desinscriptions, mais elles étaient illisibles, en raison dela suie qui avait été appliquée. Près de là, elles trou-vèrent trois thalers et plusieurs autres pièces de mon-naie. Chaque pièce de monnaie était emballée dansdu papier, qui était également couvert de suie à l’in-térieur. Ce qui était écrit semblait être une formule,provenant probablement de quelque science occulte.A partir de ce moment-là, la maison resta calme pen-

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dant environ 14 jours. Cependant, les coups recom-mencèrent à se faire entendre. Attirées par une lu-mière scintillante qui provenait de derrière le four,elles découvrirent divers objets enterrés à cet endroit.En effet, la terre se trouvait directement au-dessousdu plancher. On découvrit une boîte contenant depetites boules, de la craie, du sel, des ossements, etc.,ainsi que de petits papiers pliés à plusieurs angles.Ces papiers contenaient trois à quatre pièces de mon-naie. Le tout était en grande partie couvert de suie.Tout ce que l’on put analyser, par exemple les pou-dres, fut analysé chimiquement par le médecin-chefet, plus tard, par le pharmacien de Calw. Tous deuxcependant ne découvrirent rien de particulier. Par lasuite, je brûlai toutes ces choses, pensant que cettecurieuse affaire serait ainsi close, mais ce ne fut aucu-nement le cas.

Pendant ce temps, les coups devinrent tellementviolents que tout le monde fut alarmé. Car on pou-vait les entendre aussi bien de jour que de nuit, etsouvent lorsque personne ne se trouvait dans la pièce.Cela effrayait même les passants dans la rue. Cela semanifestait le plus souvent lorsque Gottliebin était àl’intérieur ; les coups retentissaient devant et derrièreelle, et même sur la table, qui était ébranlée avec force,ceci en présence d’autres personnes. Le médecin, ledocteur Späth, de Merklingen, qui la soignait tou-jours, et qui était jusqu’ici le seul à qui elle avait con-fié certaines choses confidentielles, resta par deuxfois toute la nuit dans la chambre, en même tempsque d’autres curieux, et ce qu’il apprit surpassa sesespérances. L’affaire n’était plus seulement un sujetde conversation local dans le village, mais elle fit le

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tour de la région, de sorte que même des voyageursétaient attirés par la curiosité. Craignant un tel tu-multe, je me décidai finalement à procéder à une ob-servation nocturne, après m’être secrètement entenduavec le maître d’école, avec le fabricant de tapis KrausHaar, homme compréhensif, objectif et craignant Dieu,et avec plusieurs conseillers municipaux, en tout sixà huit personnes. Nous décidâmes de nous tenir tou-jours par groupes de deux à l’intérieur et autour dela maison. Nous nous présentâmes vers dix heuresdu soir. Nous n’étions pas attendus. Un jeune hommemarié, Mose Stanger, nous avait précédés. C’était unparent de Gottliebin, un excellent chrétien, de lameilleure réputation, qui fut par la suite mon appuile plus fidèle. Dès mon entrée dans la salle de séjour,nous entendîmes deux coups épouvantables prove-nant de la chambre. En peu de temps, plusieursautres coups se firent entendre, ainsi que des sons,et des bruits de toutes sortes. Ces bruits provenaientpour la plupart de la chambre, où Gottliebin était al-longée sur le lit, toute habillée.

Ceux d’entre nous qui étaient au-dehors et à l’étagesupérieur avaient tout entendu et, après un moment,ils se réunirent dans le logis de Gottliebin, persuadésque tout ce qu’ils entendaient provenait de là. Le tu-multe sembla s’intensifier, surtout lorsque je deman-dai de chanter un cantique spirituel, après une courteprière. En trois heures, on entendit environ 25 coupsà un certain endroit de la chambre. Ces coups étaientd’une telle intensité que la chaise faisait des bonds,que les vitres résonnaient, que du sable tombait duplafond, et que les villageois les plus éloignés pensè-rent qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. En outre,

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d’autres sons plus ou moins violents furent enten-dus, ressemblant à un tambourinement de doigts, ouà des frappements plus ou moins réguliers, que l’onpouvait ressentir en plaçant sa main au-dessus desendroits concernés. Ces bruits provenaient pour laplupart de dessous le lit, sans que l’on puisse voirquoi que ce soit. Nous allumâmes et éteignîmes lalumière, ce qui ne changea rien. Cependant, les coupsles plus forts se produisirent dans la chambre lors-que nous fûmes tous réunis dans la pièce. L’un denous put reconnaître avec certitude l’endroit d’oùprovenaient les coups, au-dessous de la porte. Toutfut examiné avec la plus grande minutie, mais aucunecause ne put être découverte.

Vers une heure du matin, alors que nous étionstous présents, Gottliebin finit par m’appeler auprèsd’elle et me demanda si elle pouvait demander à l’ap-parition qui elle était, car elle entendait déjà un bruitde pas traînants. Je ne le luis permis pas. Il y avaitdéjà eu trop de choses à examiner, et je ne voulaispas que l’on ajoute encore au mystère, en permettantqu’un aussi grand nombre de témoins assistent àprésent à d’autres choses inexplicables. Je lui deman-dai donc de se lever et je mis fin à notre observation.Je veillai à ce que Gottliebin soit hébergée dans uneautre maison. Puis nous quittâmes son logement. Sonfrère, qui était à moitié aveugle, aurait toutefois en-core vu et entendu certaines choses après notre dé-part. Il était tout de même curieux que les bruits lesplus forts aient justement été entendus au cours decette nuit-là.

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CHAPITRE 2

Le lendemain était un vendredi, et Gottliebin vintau culte ce jour-là. Une demi-heure après le culte,une foule de gens s’assemblèrent devant la maison,et un messager m’annonça qu’elle était tombée pro-fondément évanouie, et près de mourir. Je me rendisen hâte auprès d’elle. Je la trouvai couchée sur le lit,tout-à-fait raide, la tête et les bras brûlants et trem-blants. Elle semblait être en train d’étouffer. La pièceétait comble, et un médecin voisin, appelé à la hâte,tentait de diverses manières de lui faire reprendreconnaissance. Mais ce fut en vain, et il partit peuaprès en hochant la tête. Elle revint à elle après unedemi-heure, et elle me dit faiblement qu’après le culteelle avait vu dans la pièce l’apparition de la femmeportant l’enfant mort, et qu’elle avait aussitôt perduconnaissance.

L’après-midi, on fit fouiller la terre à l’endroit oùles coups avaient été remarqués, après avoir ôté leplancher, qui n’était que posé sur la terre. Ceci futfait par des hommes de confiance, en ma présence.Lorsque Mose Stangler toucha de sa main l’emplace-ment où l’on fouillait, on vit une petite flamme scin-tiller à cet endroit, et Mose retira brusquement samain. On découvrit bientôt tout d’abord plusieurspetits papiers semblables à ceux qui ont été men-tionnés précédemment, puis, à côté, de petites quan-tités de poudres, des paquets de pièces de monnaie,et enfin une casserole, fermée avec le fond d’une autre

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casserole en guise de couvercle, et contenant de pe-tits ossements mêlés à de la terre.

L’apparition à l’enfant mort avait déjà fait circulerune rumeur, prétendant que cette femme se seraitrendue coupable du meurtre de son enfant, et quecet enfant pourrait bien être retrouvé dans le sol. Lefossoyeur, qui était présent, voulut en effet reconnaî-tre les ossements, qui étaient même encore recou-verts d’un peu de chair, et qui ressemblaient à depetites jambes d’enfant. Pour prévenir toute mauvaisesurprise, j’emballai aussitôt tout ce qui avait été dé-couvert, et me rendis à Calw, accompagné du maîtred’école, pour consulter le médecin-chef, le docteurKaiser. Nous lui racontâmes tout, sans rien cacher.Mais, après quelque temps, il nous déclara qu’il s’agis-sait de pattes d’oiseaux.

Ainsi, tout ce qui avait été découvert jusqu’ici lais-sait supposer que l’on avait pour le moins pratiquéune certaine forme de magie noire. Il en résultait quecertains esprits de morts étaient à présent tourmen-tés. Comme j’allais l’apprendre, ce sont justement lesoiseaux, et surtout les corbeaux, qui sont fréquem-ment utilisés par les gens superstitieux.

A présent, je tenais avant tout à étouffer définiti-vement tout scandale. Je fis héberger Gottliebin chezl’une de mes cousines puis, peu après, chez son cou-sin, le père de Mose, le conseiller municipal JohannGeorg Stanger, qui était aussi son parrain. Il avaitune nombreuse famille (à ce moment-là, quatre fillesadultes et deux fils), animée d’un esprit chrétien et

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d’une grande compassion, ainsi que de la plus grandediscrétion.

Je demandai tout d’abord à Gottliebin de ne plusremettre les pieds dans sa propre maison, et elle n’yretourna qu’au milieu de l’année suivante. Il ne fal-lait plus que l’on accorde une importance particu-lière à cette affaire. J’avais l’intention de visiter detemps à autre Gottliebin, accompagné du maîtred’école et de quelques autres hommes compréhen-sifs, pour voir ce qui se passerait. J’éprouvais unehorreur particulière pour ces apparitions de somnam-bulisme, qui étaient une cause si fréquente de scan-dales fâcheux, et qui n’apportaient jusqu’ici que sipeu de bien. Et comme il était vrai que nous noustrouvions en présence d’un domaine rempli de mys-tères et de dangers, je dus recommander toute cetteaffaire au Seigneur dans mes prières personnelles.Je Lui demandai de me préserver, ainsi que tous lesautres, de la tentation de nous engager sur des voiesfausses ou erronées. Par la suite, lorsque l’affairedevint plus sérieuse, j’organisai dans ma chambredes réunions spéciales de prière avec le maître d’écoleet Mose. Je puis dire qu’en agissant ainsi nous pû-mes garder notre impartialité, ce qui était notre uni-que garantie d’aboutir à une issue heureuse.

Plusieurs semaines passèrent avant que les ru-meurs cessent dans la région. Beaucoup d’étrangersvenaient visiter la maison. Certains voulurent mêmey passer la nuit pour être convaincus de la véracitédes bruits. Cependant la maison fut soigneusementgardée, d’autant plus facilement que le garde-cham-pêtre habitait en face. Et je refusai très énergique-

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ment d’accorder la permission de passer plusieursheures de la nuit dans la chambre, notamment à troiscurés catholiques du voisinage qui m’en firent la de-mande. Tout devint plus calme, et les habitants duvillage n’eurent pas connaissance des évènementsultérieurs. Ceux-ci avaient cependant remarqué quetout n’était pas encore réglé. De temps en temps, maisrarement, car les gens avaient peur, plusieurs per-sonnes guettaient devant la maison, me prenant par-fois en pitié. Mais elles n’avaient pas des évènementsune idée précise et cohérente.

Les bruits ne cessèrent définitivement dans lamaison qu’au début de l’année 1844. Ils atteignaientune violence particulière lors des journées mensuel-les de prière et de pénitence de notre église. On aper-çut encore diverses apparitions, ainsi que de petiteslumières qui se déplaçaient le long des murs. Mais jene les ai jamais aperçues moi-même ; aussi je ne meprononce pas là-dessus.

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CHAPITRE 3

La nuit d’observation décrite plus haut s’était pas-sée le 3 Juin 1842. Peu de temps après, j’appris queles bruits continuaient à être entendus autour deGottliebin, dans la nouvelle maison où elle était ins-tallée. Chaque fois qu’ils se faisaient entendre, peuaprès, elle entrait régulièrement dans de fortes con-vulsions. Celles-ci se firent de plus en plus violenteset prolongées, à tel point qu’elle n’avait souvent quecinq minutes pour récupérer entre deux crises. Jem’occupai d’elle en vue d’une cure d’âme. Elle m’ex-pliqua qu’il y avait quelque chose devant ses yeuxqui la rendait toute raide. Et lorsque je priai avec elle,elle tomba sans connaissance sur son lit. J’assistaiun jour à ses convulsions, alors que le médecin étaitaussi présent. Tout son corps tremblait, et chaquemuscle de sa tête et de ses bras était violemment agité,bien que le reste de son corps fût droit et raide. Et ils’échappait souvent de l’écume de sa bouche. Elleétait déjà allongée ainsi depuis plusieurs heures, etle médecin, qui n’avait jamais assisté à une chosesemblable, restait perplexe. Elle reprit pourtant brus-quement ses esprits, et put se mettre debout et boirede l’eau. On pouvait à peine croire qu’elle était la mêmepersonne. Cela dura encore plusieurs jours. Un di-manche soir, je revins chez elle alors que plusieursamies étaient présentes, et je regardai en silence cesterribles convulsions. Je m’assis à quelque distance.Elle se tordit les bras, pencha la tête de côté, et re-dressa son corps. De l’écume sortit à nouveau de sabouche. En considérant tout ce qui s’était produit

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jusqu’ici, je me rendais compte qu’il se passait quel-que chose de démoniaque. Et je souffrais de voir qu’iln’y avait aucun moyen ni conseil pour combattre unechose aussi horrible. A cette pensée, je fus saisi d’unesorte de rage. Je me précipitai en avant, saisis sesmains raides, et les joignis comme pour la prière. Puis,alors qu’elle était inconsciente, je lui criai son nomdans l’oreille d’une voix forte, en disant : « Joins tesmains et prie : « Seigneur Jésus, aide-moi ! » Nousavons assez contemplé les œuvres du diable. Mainte-nant, nous voudrions voir ce que Jésus sait faire ! »

Quelques instants après, elle reprit connaissance,répéta les mots de la prière, et toutes ses convulsionscessèrent, au grand étonnement des assistants. Cefut le moment décisif qui me conduisit irrésistible-ment à une action directe dans cette affaire. Aupara-vant, je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il fallaitfaire. Mais à cette occasion, je fus guidé par une im-pulsion directe. J’en garde encore un vif souvenir, etc’est justement cela qui me persuada que ce ne futpas par présomption ou choix personnel que je pusentreprendre ces actions, sans jamais imaginer quelsallaient en être les effets horribles.

Lorsqu’elle fut de nouveau revenue à elle, je luiredonnai courage et prononçai encore une courteprière. Je laissai en partant des instructions, pourque l’on me rappelle si les convulsions reprenaient.Ce même jour, à 10 heures du soir, un messager vinten hâte me dire qu’elle avait passé une soirée calme,mais qu’en ce moment même les convulsions l’avaientreprise, plus fortes que jamais. Quand j’arrivai chezelle, la personne qui la gardait semblait sur le point

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de s’évanouir, tant ce qu’elle voyait était à la limite dusupportable. J’essayai aussitôt de procéder commela fois précédente, et j’obtins en quelques instants lemême succès. Cependant, comme je prenais congé,elle tomba de nouveau subitement en arrière sur sonlit. Aussitôt, bien qu’elle en fût à peine capable, je luidemandai de crier : « Seigneur Jésus, aide-moi ! » Elleretrouva ainsi ses esprits, sans que ses convulsionsreprennent. Pourtant, cela recommençait à chaquemoment, et cela dura jusqu’à environ trois heures dumatin. Elle finit par s’écrier : « Maintenant, je suis tout-à-fait bien ! » Elle resta ensuite tranquille pendant lerestant de la nuit, et toute la journée suivante, jus-qu’à environ neuf heures du soir. A ce moment-là, lesconvulsions la reprirent.

Cette fois, comme presque toujours par la suite, jerestai plusieurs heures chez elle, accompagné dumaître d’école et de Mose Stanger. Il était déjà évi-dent que quelque chose d’hostile en elle se dressaitcontre moi. Ses yeux brillèrent et s’agrandirent, elleprit une expression affreuse, pleine de colère et defureur, se saisit les mains et fit des gestes menaçantsà mon encontre. Elle ouvrait les mains à proximité demes yeux, comme si elle voulait les arracher d’un gestevif, etc. Dans tout cela, je demeurai ferme et inébran-lable. Je faisais de courtes prières, le plus souventd’après des passages bibliques. Je ne faisais aucuncas des menaces, qui restèrent ainsi sans effet et neme touchèrent pas, même lorsqu’elles étaient pronon-cées avec la plus grande violence. Tout se terminafinalement lorsqu’elle se frappa plusieurs fois les brassur le lit avec violence, comme si une puissance spi-rituelle s’écoulait par l’extrémité de ses doigts. Elle

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crut encore voir devant elle toutes sortes d’appari-tions, qui ne s’évanouirent que peu à peu.

Cela se reproduisit encore plusieurs fois, avec desinterruptions de un à trois jours. Puis ces sortes deconvulsions cessèrent complètement.

J’avais déjà repris bon espoir, lorsque j’appris quel’on entendait à nouveau autour de Gottliebin desbruits divers, comme si l’on tambourinait avec lesdoigts. Elle avait alors brusquement reçu un coupsur la poitrine et était tombée en arrière. Elle auraitégalement revu la même apparition féminine qu’elleavait vue dans son propre logis. Selon ses affirma-tions, il s’agissait d’une veuve, décédée deux ans aupa-ravant, qui n’avait laissé aucune parenté, sauf deuxsœurs, également décédées entre-temps. Cette veuveavait éprouvé de violents remords de conscience surson lit de mort.

Lorsque j’arrivai, avec mes compagnons habituels(car je n’aurais jamais voulu venir sans certains té-moins oculaires et auriculaires), je commençai aus-sitôt à entendre réellement des bruits bizarres.Gottliebin était allongée sur le lit, pleinement cons-ciente et ne ressentant aucun mal. Tout-à-coup, cefut comme si quelque chose avait pénétré en elle, ettout son corps se mit en mouvement. Je fis alors unecourte prière, et mentionnai le nom de Jésus. Elle semit aussitôt à rouler les yeux et dénoua ses mains.Une voix se fit entendre. Mais on comprit tout de suitequ’il s’agissait d’une voix étrangère, non seulement àcause de la tonalité, mais aussi de l’expression et dela forme du langage. La voix s’écria : « Je ne peux pasentendre ce nom ! » Tous furent saisis d’horreur. Je

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n’avais encore jamais entendu quelque chose de sem-blable et je priai en silence le Seigneur, pour qu’Ilveuille bien me donner de la sagesse et de la pru-dence, et me préserver d’une curiosité prématurée.J’osai enfin poser quelques questions, avec la fermeintention de me maintenir strictement à l’essentiel,et de ne pas dépasser certaines limites. Je commen-çai par ce qui concernait cette femme, et dis : « N’as-tu donc pas la paix dans la tombe ? » - « Non ! » - « Pour-quoi ? » - « C’est le salaire de mes actes. » - « N’as-tudonc pas confessé tous tes péchés ? » continuai-je,en pensant en moi-même reconnaître l’identité de cettefemme. « Non ! J’ai assassiné deux enfants et je les aienterrés dans un champ ! » - « N’y a-t-il personne pourt’aider ? Ne peux-tu pas prier ? » - « Non, je ne peuxpas prier. » - « Ne connais-tu pas Jésus, qui pardonneles péchés ? » - « Je ne peux pas entendre ce nom ! » -« Es-tu seule ? » - « Non. » - « Qui donc est avec toi ? » -La voix hésita, puis répondit brusquement : « Celuiqui est le pire de tous ! »

La conversation continua ainsi un moment, puiscelle qui parlait s’accusa également de magie. A causede cela elle serait liée au diable. Ensuite elle dit qu’elleétait déjà sortie sept fois, mais que maintenant ellene partirait plus. Je lui demandai si je pouvais prierpour elle. Elle ne me le permit qu’après un momentde réflexion. Je lui fis ensuite comprendre qu’elle nepouvait plus demeurer dans le corps de Gottliebin.Elle sembla supplier humblement puis se mit à bou-der. Cependant, je lui ordonnai d’une voix ferme desortir, bien que je ne le fis pas au Nom de Jésus, carje ne l’osai pas. Ensuite, la scène changea rapide-ment : Gottliebin rabattit rapidement ses mains surle lit. La possession semblait terminée.

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Quelques jours plus tard, la possession apparenterecommença, mais je ne me laissai plus entraîner dansune conversation. De cette manière, ce fut bientôtcomme si trois, puis sept, puis quatorze démons fu-rent expulsés. A chaque fois le visage de Gottliebinchangea, prenant une expression menaçante à monégard.

Des paroles menaçantes me furent adressées, maisje n’en tins pas compte. Les personnes présentes, etmême le maire, reçurent quelques coups et coups depoings, mais rien ne fut osé contre moi. Les démonsavaient remarqué qu’en tant que pasteur, je ne pou-vais pas être l’objet de leurs attaques autant qu’ill’auraient voulu. De temps en temps, Gottliebin s’ar-rachait les cheveux avec colère, se frappait la poi-trine, se jetait la tête contre les murs et cherchait àse blesser de différentes manières. Mais, par quel-ques simples paroles d’autorité, je parvins à maîtri-ser chaque mouvement, jusqu’à ce qu’elle restât tran-quille. Puis l’ordre d’expulsion fut également exécuté.

Par la suite, il sembla que ces scènes devenaientde plus en plus terribles, comme si mon interventionne faisait qu’empirer les choses. Je ne peux trouverles mots adéquats pour décrire mes souffrances spi-rituelles et morales pendant ces moments. Ma hâtede voir cette affaire terminée devint de plus en plusgrande. Malgré le fait qu’à chaque fois je pouvais m’enaller satisfait, voyant que les puissances démonia-ques avaient dû céder et que Gottliebin était à cha-que fois tout à fait bien, les puissances des ténèbressemblaient cependant toujours se fortifier à nouveau.Elles tentaient de me perdre dans un grand labyrin-the et de causer du dommage à ma personne et à

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mon ministère. Tous mes amis me conseillèrent dene plus m’occuper de ce cas. Mais je dus penser aveceffroi à ce que deviendrait Gottliebin si je l’abandon-nais. En outre, on ne manquerait pas de m’accuser sitout cela tournait mal. Je me sentais pris dans unfilet, et je ne pouvais pas m’en sortir et abdiquer, sansdanger pour moi et pour d’autres personnes. De plus,j’eus honte de moi-même, devant mon Seigneur,auquel j’adressais tant de prières, dans lequel j’avaisplacé une telle confiance, et qui m’avait en outre donnétant de preuves de Son secours. J’avoue donc fran-chement que j’eus honte de céder au diable. « Qui estle Seigneur ? », ai-je dû me demander souvent. Dansla confiance en celui qui est le Seigneur, une voixrésonnait sans cesse au dedans de moi : « Va del’avant ! » Le but devait être atteint, même s’il fallaitdescendre au plus bas, sinon Jésus n’aurait pasécrasé la tête du serpent.

Après ces 14 premiers démons, le nombre des dé-mons expulsés augmenta rapidement, pour attein-dre le chiffre de 175, puis de 425. Il m’est impossiblede donner une description détaillée des diverses séan-ces, qui se succédèrent d’une manière trop rapide etvariée pour que je puisse en garder les détails enmémoire avec exactitude. Ce dernier combat terminé,il y eut un répit de quelques jours. Pourtant, selonles affirmations de Gottliebin, il y avait beaucoupd’êtres autour d’elle pendant la nuit. La personne quila gardait aurait même aperçu plusieurs de ces êtresà ce moment-là. Il arriva aussi qu’une nuit Gottliebinse sentit saisie à la gorge par une main brûlante, quilaissa aussitôt de larges plaies semblables à des brû-lures. Le temps que sa tante, qui la gardait, allume lalumière, des plaques étaient déjà apparues tout

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autour de la gorge, et le médecin qui vint le lende-main s’en étonna beaucoup. La gorge ne guérit quequelques semaines plus tard.

En outre, de jour comme de nuit, elle recevait descoups sur le côté ou sur la tête, de telle sorte qu’ellefit des chutes, dans la rue, dans l’escalier ou ailleurs,ce qui lui provoqua des hématomes ou d’autres bles-sures.

La nuit la plus difficile que je connus fut celle du25 juillet 1842. Je luttai de 8h du soir à 4h du matin,comme jamais auparavant, et sans avoir réellementobtenu satisfaction. Je dus la quitter parce que j’avaisprévu d’amener les enfants à une fête à Kornthal.Quand je rentrai, le soir, on m’apprit qu’elle était enplein délire, et qu’on pouvait la considérer commepresque totalement hors de sens. Tous ceux qui lavoyaient se lamentaient. Elle se frappait la poitrine,s’arrachait les cheveux, se tordait comme un ver etsemblait être une personne totalement éperdue.

Je ne la visitai que le lendemain matin à 8h, aprèsavoir, au cours de mes lectures bibliques quotidien-nes, lu ces paroles curieuses dans le livre « JESUSSIRACH », au chapitre 2, et ceci non sans larmes, nisans un cœur brisé :

« Mon enfant, si tu veux être serviteur de Dieu,prépare-toi pour le combat. Tiens bon, éprouve-toi etne chancelle point lorsque la tentation veut t’éloigner.Espère en Dieu, et ne t’écarte pas du chemin, pourque tu te fortifies de plus en plus. Supporte tout cequi t’arrive et sois patient au milieu de la détresse.Car, comme l’or est éprouvé par le feu, ainsi, ceux

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qui plaisent à Dieu sont éprouvés par le feu de ladétresse. Aie confiance en Dieu, et Il t’aidera. Marchedans la justice et espère en Lui. Vous qui craignez leSeigneur, espérez en Lui, et Il vous comblera toujoursde grâce et de consolation. Vous qui craignez le Sei-gneur, espérez en Sa grâce, et ne vous retirez pas,afin que vous ne périssiez point. »

Fortifié par ces mots, je revins auprès de celle quiétait dans la souffrance. Jusqu’à environ 11h, toutsembla se passer bien. Toutefois, je dus revenirl’après-midi, et restai sans interruption jusqu’à 7hdu soir. Brusquement, les démons commencèrent àsortir par sa bouche. Pendant un quart d’heure, elleresta allongée comme morte. J’avais dû me saisir detoute ma foi, jusqu’à ce qu’elle recommence à respi-rer, tandis que j’entendais crier des gens dans la rue :« Maintenant, elle est morte ! » Après quelques mou-vements violents du thorax, elle ouvrit ensuite la bou-che toute grande, et ce fut comme si elle vomissait undémon après l’autre. Cela se fit par groupes de 12, 14ou 28 à la fois. Il sembla qu’il en sortit ainsi des mil-liers, sans qu’un seul mot ne soit prononcé ni parmoi ni par les démons. Ceux-ci lançaient seulementdes regards courroucés lorsqu’un nouveau groupesortait.

Lorsque ceci fut enfin terminé, il nous sembla quenous avions franchi une nouvelle étape importante.Pendant plusieurs semaines, il ne se passa rien despécial, et Gottliebin put se déplacer où elle voulut.Je fus réjoui à ce moment-là. Mais jamais je n’auraisimaginé ce qui allait se passer par la suite.

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CHAPITRE 4

Après quelque temps de repos, Gottliebin revintme voir, pâle et défigurée, se lamentant à propos dequelque chose qu’elle m’avait caché jusque là par ti-midité. Elle ne pouvait se taire plus longtemps. Ellehésita encore un moment, et l’angoisse me saisit, jus-qu’à ce qu’elle commence à raconter que, depuis deuxans déjà, tous les mercredis et vendredis, elle étaittourmentée par des êtres semblables à des fantômes.Ces êtres provoquaient en elle des saignements dou-loureux et abondants. Ces tourments se prolongeaientd’habitude pendant 3 heures, et elle avait enduré d’in-croyables souffrances. Elle avait parlé au médecin deses saignements, et il avait utilisé divers moyensmédicaux sans pouvoir la guérir. Ces tourmentsavaient cessé le jour où j’avais commencé à m’occu-per sérieusement d’elle mais, depuis les 25 et 26 juillet1842, jours des derniers combats précédents, ilsavaient recommencé. Pendant tout ce temps, elle avaitdû prendre le lit, saisie d’effroi. Lorsque cela se pro-duisait, elle était incapable de faire un mouvement.Elle me dit que si cette plaie ne cessait point, ellepréfèrerait mourir. Il ne fit aucun doute qu’à ce mo-ment-là elle fut chaque jour plus marquée physique-ment.

Bien entendu, cette affaire m’angoissa beaucoup,car je n’avais jamais entendu parler de choses sem-blables. Je me rappelais seulement la description descroûtes laissées par les vampires, dans les récits pleinsd’horreurs et d’aventures écrits par des poètes à l’ima-

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gination débordante. Plus tard, on m’avait racontébeaucoup d’histoires de toutes sortes, qui circulaientparmi le peuple. Dans ces histoires, il arrivait parexemple de temps à autre que des enfants soient af-fligés de plaies semblables, causées par de méchan-tes gens, c’est-à-dire par des sorciers.

Avant tout, il me fallut un bon moment pour meconcentrer, et pour arriver à la triste constatation queles ténèbres avaient acquis une semblable puissancesur les hommes. Puis, il me vint la pensée suivante :« Maintenant, c’en est fini de toi : tu t’engages dans lamagie et la sorcellerie. Et que veux-tu faire contre cespuissances ? » Cependant, me trouvant en présencede cette femme éplorée, je frissonnai devant l’idée quede telles ténèbres puissent exister, et devant l’impos-sibilité de trouver de l’aide. Je me souvins qu’il exis-tait des gens qui utilisaient des sciences occultes pourchasser toutes sortes de maux démoniaques, et quiemployaient divers moyens, auxquels se soumettaientriches et pauvres, de plus en plus inconditionnelle-ment. Fallait-il peut-être que je m’intéresse à de tel-les choses ? Cela voulait dire, comme j’en étais per-suadé depuis longtemps, qu’il fallait utiliser des dé-mons pour chasser des démons. Je me souvins aus-sitôt d’un avertissement que j’avais déjà reçu, alorsque je m’apprêtais à fixer le Nom de Jésus à la portede la maison de Gottliebin, ou à essayer quelque chosede semblable, parce que j’étais souvent à court d’ins-piration. Un matin, alors que j’avais de telles pen-sées, je lis le verset du jour choisi par notre Assem-blée de frères. Ce verset était le suivant : « Etes-voustellement dépourvus de sens ? Après avoir commencépar l’Esprit voulez-vous maintenant finir par la

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chair ? » (Galates 3 : 3). Je compris le conseil. Dieusoit loué, qui m’a permis de toujours m’en tenir auxarmes véritables de la prière et de la Parole de Dieu !

Comme un éclair, l’idée me vint que la prière faiteavec foi devait agir contre n’importe quelle puissancesatanique. Que ferions-nous donc, pauvres humains,si nous ne pouvions implorer de l’aide d’En-haut ? SiSatan mène le jeu, est-ce bien de le laisser agir ainsi ?Ne peut-il pas être piétiné, par la foi dans le DieuVéritable ? Si Jésus est venu pour détruire les œuvresdu diable, ne faut-il pas retenir cela comme une vé-rité par excellence ici-bas ? Si la magie et la sorcelle-rie existent, n’est-ce pas un péché que de leur laisserlibre jeu, lorsqu’une occasion se présente de leur te-nir tête sérieusement ?

Ayant de telles pensées, je m’engageai dans la foien la puissance de la prière, même pour cette affaire,où je ne disposais d’aucun autre conseil. Je criai àGottliebin : « Nous allons prier, quoiqu’il arrive. Nousallons essayer. Du moins n’avons-nous rien à perdreavec la prière. Presqu’à chaque page, l’Ecriture nousparle de la prière et de l’exaucement de la prière. LeSeigneur fera ce qu’Il promet ! » Je la quittai donc enl’assurant que je pensais à elle, et en lui demandantde me tenir au courant.

Le lendemain était déjà le vendredi redouté. Ce soir-là, le premier orage éclata après une sècheresse deplusieurs mois, et ce fut pour moi un jour inoublia-ble. Lorsque la malade franchit la porte de la maisonde son cousin, vers 6h du soir, ces « formes » l’atta-quèrent, selon ses propres termes, et elle subit de

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fortes pertes de sang. Elle retourna à la hâte chez ellepour se changer. Et là, alors qu’elle était assise surune chaise, elle sentit qu’on lui faisait sans cesse ava-ler quelque chose, qui la mettait complètement horsd’elle-même après quelques instants. Elle arpentafurieusement les deux pièces, demandant agressive-ment un couteau, que ses frères et sœurs effrayés luiempêchèrent de se procurer. Ensuite, elle courut à lahâte vers un marchepied et sauta sur la corniche dela fenêtre. Elle était déjà entièrement à l’extérieur, nese retenant que par une main, lorsque le premier éclairde l’orage l’effraya et lui fit reprendre ses sens. Ellereprit connaissance et s’écria : « Mon Dieu ! Je ne veuxpas de cela ! » L’éclair passa, et son délire revint. Ellesaisit une corde, dont aujourd’hui encore on ne peuts’expliquer l’origine, et la noua artistement autour despoutres de la balustrade. Le nœud se laissait facile-ment tirer. Elle avait la tête presque entièrement en-gagée dans le nœud lorsqu’un second éclair frappases yeux à l’extérieur de la fenêtre, et elle reprit con-naissance comme la première fois.

Le lendemain, elle versa des torrents de larmeslorsqu’elle aperçut la corde fixée à la poutre. Elle auraitété incapable de la nouer aussi artistement dans sonétat normal.

Elle resta ensuite à peine consciente, et se traînasur la courte distance qui la séparait de la maison deson cousin, épuisée à l’extrême par ses continuelleshémorragies. Tout ce qu’elle put faire fut monter lesescaliers qui conduisaient à la chambre haute où elledormait à cette époque, et elle tomba sans connais-sance sur le lit. Ce fut à ce moment-là qu’on alla m’ap-

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peler, alors que l’orage avait déjà éclaté, vers 8 heu-res du soir. Je la trouvai nageant complètement dansson sang, qui imbibait tous ses vêtements sur sa poi-trine. Aux premières paroles de consolation que je luiadressai, elle s’éveilla un peu et s’écria : « Oh ! cesêtres ! » - « Est-ce que tu les vois ? » lui demandai-je.En guise de réponse, elle poussa des gémissementslamentables. Alors je commençai à prier avec ferveur,pendant que le tonnerre se faisait entendre à l’exté-rieur. Je ne me rappelle plus ce que je dis. Pourtant,un quart d’heure plus tard, l’effet fut si décisif qu’elles’écria ; « A présent ils sont partis ! » Bientôt elle re-vint tout-à-fait à elle, et je m’éloignai quelques ins-tants, jusqu’à ce qu’elle eût complètement repris soncomportement habituel. Nous éclatâmes tous ensem-ble en prières et en louanges, lorsque nous la trouvâ-mes assise sur son lit, complètement transformée. Apartir de ce jour, les tourments précédents cessèrent.Elle ne revit plus que rarement des êtres qui faisaientmine de vouloir pénétrer en elle de force, sans résul-tat cependant. Puis cela cessa également. Quoiqu’ilen fût, nous avions trouvé le remède.

Cette nuit-là, cependant, le travail n’était pas ter-miné, loin de là. Nous étions encore debout, chan-tant des louanges, lorsque la malade tomba en ar-rière, comme toujours lors des attaques démoniaques.Elle prononça des paroles menaçantes et pleines decolère, mais je parvins tout de même à lui ordonnerfacilement de se taire. Puis elle sembla reprendre con-naissance. « Vous pouvez partir maintenant, » me dit-elle.

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« Puis-je encore rester tranquillement ? » répliquai-je. « Pourquoi pas, » répondit-elle, « n’avez-vous doncencore aucune confiance ? » - « Eh bien, non, je n’aiaucune confiance en toi, » dis-je en reposant mon cha-peau et ma canne. Puis, pendant que je faisais unecourte prière, un rire moqueur éclata, et une voix medit : « Tu as eu raison de ne pas t’en aller, tu auraisabsolument tout perdu. » Je ne fis guère attention àce qui fut dit, et procédai de la manière habituelle.Soudain, la colère et la mauvaise humeur des démonséclatèrent dans toute leur force, et l’on put entendteune multitude de phrases, pour la plupart pronon-cées d’une voix pleurnicheuse et gémissante, commepar exemple :

« A présent, tout est perdu ! Tu nous déranges com-plètement ! Toute notre union est en train d’être dé-truite ! Tout est fini ! Tout sombre dans la confusion !C’est de ta faute, avec tes éternelles prières ! Et tuarrives encore à nous chasser ! Malheur ! Malheur !Tout est perdu ! Nous sommes 1.067, et ceux qui sontvivants sont aussi nombreux ! »

A propos de ceux qui étaient vivants, la voix dit :

« Mais il faudrait les avertir ! Malheur à eux, mal-heur, ils sont perdus ! » A ce moment-là, je l’inter-rompis : « Ceux qui sont vivants peuvent encore seconvertir. Dieu est capable de les sauver ! Pensez plu-tôt à vous ! »

Alors une voix forte me donna cette réponse : « Ilsse sont engagés avec du sang. » - « Envers qui se sont-ils engagés ? » - « Envers le diable, envers le diable ! »

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Par la suite, j’entendis souvent parler de ces pac-tes scellés par le sang, ainsi que la phrase suivante :« Ils ont abjuré Dieu, ils sont perdus pour l’éternité ! »

C’était comme si des personnes qui avaient signéde tels pactes ne pouvaient plus se convertir ni êtresauvées. Pourtant, ils semblaient dire cela à proposd’eux-mêmes, qui étaient décédés.

Pour le moment, les démons manifestaient leurdésespoir, car la route de l’abîme leur semblait assu-rée. Les rugissements des démons, les éclairs quijaillissaient, les grondements du tonnerre, le bruit del’averse, le sérieux des personnes présentes, et lesprières que je prononçais, à la suite desquelles lesdémons étaient expulsés de la manière décrite plushaut, tout cela formait un tableau que personnen’aurait pu imaginer en réalité.

Cependant, quelques heures après, tout se calma,et je quittai la malade plus joyeux que jamais. J’avaisdéjà pu suffisamment me convaincre que le combatque je menais était tout-à-fait particulier. L’impor-tance de ce combat, qui m’apparaissait déjà claire-ment, allait se préciser bien davantage par la suite.D’ailleurs, lorsque les démons s’écrièrent, en parti-culier : « Personne au monde ne nous aurait chas-sés ! Ce n’est que toi qui l’as obtenu, par tes éternel-les prières et ta persévérance, » je n’en compris pastout-à-fait la raison. Quelqu’un d’autre ne se seraitpas engagé aussi résolument que moi dans ce com-bat. En tout cas, pas ceux qui voulurent m’accuserd’être orgueilleux et imbu de ma personne. Je suisassez honnête pour rapporter aussi de telles phra-ses.

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CHAPITRE 5

Ce qui vient d’être décrit se passait en Août 1842.Mais déjà, au cours des jours suivants, il apparutque la malade n’était absolument pas entièrementdélivrée. Bien entendu, le temps me semblait longmaintenant, d’autant plus que je fus souvent dansun embarras extrême, en raison de certains autresengagements que j’avais pris en plus de mes occupa-tions normales. Un cher ami, résidant dans le voisi-nage, et auquel j’eus à ce moment l’occasion et le cou-rage de décrire ma situation difficile, attira enfin monattention sur les paroles du Seigneur : « Cette sortede démons ne sort que par la prière et par le jeûne. »Après plus de réflexion, je conclus qu’il fallait accor-der au jeûne plus d’importance qu’on lui accorde d’ha-bitude. Si le fait de jeûner prouve véritablement à Dieuque l’objet de la prière est un besoin réel et urgentpour celui qui prie, si ce jeûne renforce l’intention etla puissance de la prière au plus haut degré, et s’ilreprésente même une prière continuelle sans paro-les, alors je pus croire qu’il ne serait pas sans effets,d’autant plus que, dans mon cas, je disposais d’uneparole expresse du Seigneur.

Je l’essayai, sans rien dire à personne, et je doisavouer que cela rendit les combats suivants considé-rablement plus faciles. J’y gagnai surtout en ceci queje pus parler d’une manière beaucoup plus calme,décisive et ferme, et que je n’eus plus besoin de res-ter aussi longtemps. Je sentis que, même sans êtreprésent, je pouvais déjà exercer une influence consi-

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dérable et, lorsque j’arrivais, je constatais souvent desrésultats importants en peu d’instants. Ceci fut no-tamment le cas après les incidents du mois d’août,alors que la malade sentait assurément en elle la pré-sence d’un démon de la pire espèce. Elle était sou-vent allongée comme morte, c’est-à-dire avec la res-piration coupée. Elle était piquée et poussée de l’inté-rieur de son corps de diverses manières. Parfois, elleétait aussi paralysée, de telle sorte qu’elle ne pouvaitplus bouger un seul de ses membres. En outre, elleétait extrêmement grincheuse et désagréable, spécia-lement lors de mes visites. Le pire fut pourtant lors-que le sang fut à nouveau pressé de l’intérieur versl’extérieur, au travers de sa peau, comme si quelqu’unemployait un instrument piquant. Et les hémorra-gies recommencèrent, bien que la cause fût différentede celle des hémorragies précédentes.

Je jeûnai, mais trouvai que les circonstances pré-sentes étaient les pires. Cependant, par la prière, leshémorragies furent aussitôt calmées. Mais le démonparlait au dedans d’elle avec tant d’obstination et demépris, et d’une manière tellement blasphématoire,que je me tins tout calme, me confiant en la forcetranquille de la prière, et me préparant à partir. Alors,les démons voulurent à nouveau me retenir, mais vi-siblement pour se moquer de moi. C’est pour cetteraison que je partis, malgré un déchaînement de rage,et je ne me laissai plus convaincre de la visiter, mêmelorsqu’on vint me chercher parce que l’on craignaitpour la vie de la malade. En effet, la nuit suivante, ledémon fit éclater toute sa puissance et, le troisièmejour, il disparut presque sans mot dire, en ma pré-sence, d’une manière telle que la gorge de Gottliebin

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fut gravement brûlée à l’intérieur, ce qui lui occasionnades maux et des douleurs pendant longtemps.

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CHAPITRE 6

Il ne m’est pas possible de donner un récit cohé-rent des évènements survenus jusqu’en février 1843.Je me rappelle seulement que je fus constammentdans la peine et le souci, quoique toujours debout,dans l’espoir que surviendrait enfin le dénouement.J’ajoute ici quelques craintes, quoique l’on m’eût con-seillé d’être prudent.

Il m’apparut de plus en plus qu’il s’était produitun grand changement dans les esprits qui se mani-festèrent. Ceux qui étaient revenus assez souventjusqu’ici ne revinrent plus. Alors que je me trouvaisen chaire dans l’église, Gottliebin me vit affreusemententouré de tous ces esprits, comme s’ils avaient touttenté pour me nuire. Je ne peux pas dire que je nesuis pas resté insensible, même lorsque j’ignoraisencore ce que Gottliebin me cacha pendant longtemps,dans le but de me ménager. Cependant, l’effet éven-tuel ne fut pas non plus de nature à confirmer lesdéclarations de Gottliebin. En particulier, je me sen-tais plutôt fortifié qu’affaibli dans mes prédications.Je passe donc là-dessus.

Le sort futur des autres esprits sembla être ensuspens. Il était curieux de constater que, dès le com-mencement, Gottliebin était visitée par ces esprits soitlorsqu’elle était endormie, soit lorsqu’elle n’était pasdans un état de conscience normal. Elle connaissaitbeaucoup de choses sur ces esprits, mais, en revan-che, elle ignorait tout de ce qui se passait entre ces

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esprits et moi-même. D’autre part, lorsque ces es-prits la quittaient, elle continuait encore à les voirdans la chambre pendant un moment, notammentl’esprit dont nous avons parlé en dernier, qui sem-blait être le chef de beaucoup, et qui apparaissait tou-jours avec un énorme livre, sur lequel auraient étéinscrits les noms de tous ceux qui lui obéissaient.D’après Gottliebin, il était vêtu d’habits précieux etétrangement chamarrés, comme les vêtements desépoques très anciennes.

Quand aux démons eux-mêmes, ils semblaient àGottliebin très différents quant à leur humeur. Cer-tains, selon elle, étaient toujours remplis de colère etde rage, et discutaient entre eux des moyens de sedéfendre, lorsqu’ils étaient attaqués par la Parole deDieu. D’autres semblaient être retenus de force parces derniers. Il y avait aussi des différences entre ceuxqui s’exprimèrent par Gottliebin. Les uns étaient obs-tinés et remplis de haine contre moi. Ils prononcè-rent des paroles qui auraient souvent valu la peined’être conservées. Ils étaient remplis d’horreur devantl’abîme dont ils se sentaient à présent plus proches,et ils disaient en particulier :

« Tu es notre pire ennemi. Mais nous sommes aussites ennemis. Si seulement nous pouvions faire ce quenous voulions ! » Ou encore : « Oh ! si seulement il n’yavait pas de Dieu dans les cieux ! »

D’autre part, ils s’accusaient de toutes les fautesqui avaient causé leur perdition. En particulier, cefut affreux de voir le comportement de l’un des dé-mons, que Gottliebin avait vu auparavant dans sa

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maison, et qui se fit connaître comme un parjure. Adifférentes reprises, il répéta d’une voix forte les motsqui étaient peints sur les volets de cette maison :

« Homme, souviens-toi de l’éternité,Ne laisse pas passer le temps de la grâce,Car le jugement est proche ! »

Ensuite, il se taisait, changeait d’expression, poin-tait fixement trois doigts vers le ciel, et frissonnaitsoudain en poussant un gémissement. Il y eut beau-coup de scènes semblables. J’aurais aimé qu’il y eûtdavantage de spectateurs pour y assister.

La plupart des démons qui se manifestèrent entreaoût 1842 et février 1843, et même plus tard, appar-tenaient pourtant à la catégorie de ceux qui désiraientle plus intensément être libérés des chaînes de Sa-tan.

Ils manifestaient aussi une diversité des langues,avec des intonations curieuses. Je ne pus comparerla plupart de ces langues à des langues européennes.Mais je reconnus avec certitude l’italien, d’après l’in-tonation, ainsi que le français. Il était bizarre et par-fois curieux d’entendre comment, dans certains cas,les démons s’efforçaient de parler allemand, surtoutlorsqu’ils prononçaient des paroles dont ils ignoraientla signification en allemand. J’entendis aussi une voixque je fus incapable d’attribuer à aucune sorte dedémons. Cette voix semblait provenir d’une régioncéleste plus élevée, et citait très fréquemment ce pas-sage de Habakuk 2 : 3-4 :

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« Car c’est une prophétie dont le temps est déjà fixé,Elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas ;Si elle tarde, attends-la,Car elle s’accomplira, elle s’accomplira certainement.Voici, son âme s’est enflée, elle n’est pas droite en lui ;Mais le juste vivra par sa foi. »

Par la suite, cette voix dont l’origine semblait plusélevé parut s’adresser aux démons, Elle énonçait avecforce ce passage, dont je restai longtemps à décou-vrir la référence dans la Bible, et que je reconnus fi-nalement en Jérémie 3 : 25. Mais la première per-sonne du pluriel, « nous », était remplacée par ladeuxième personne, « vous » :

« Vous avez votre honte pour couche, et votreignominie pour couverture.Car vous avez péché contre l’Eternel, votre Dieu.Vous et vos pères, dès votre jeunesse jusqu’à ce jour.Et vous n’avez pas écouté la voix de l’Eternel,votre Dieu. »

J’étais resté longtemps sans comprendre ce pas-sage, ainsi que d’autres passages de la Bible. Maisj’appris à accorder plus d’attention et d’importance àchaque passage. Parfois, après un combat, je sentaisque j’étais fortifié et consolé d’En-Haut par de tellescitations. Et il m’est impossible de regarder en ar-rière sans être profondément reconnaissant enversle Seigneur de m’avoir sauvé et gardé.

Entre-temps, des scènes horribles continuaientsouvent à se produire. La malade était sans cessetourmentée. A cette époque, son corps était souvent

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enflé considérablement, et il en sortait des seaux en-tiers d’eau. Ceci semblait très mystérieux au méde-cin, qui assistait toujours à ces scènes. On ne com-prenait même pas d’où pouvaient provenir de tellesquantités d’eau.

En outre, Gottliebin recevait souvent des coupssur la tête. Elle était aussi poussée de côté, saignaitfréquemment du nez ou d’ailleurs, avait du mal à al-ler à la selle, etc. Et tout ce qui lui arrivait semblait àchaque fois mettre sa vie en danger. Mais la prière etla foi repoussèrent ces attaques, qui ne parvinrentpas à lui nuire.

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CHAPITRE 7

J’aimerais encore parler des démons qui, à cemoment-là, languissaient après leur libération. Pen-dant longtemps, je n’écoutai pas ce qu’ils disaient, etje me sentais souvent offensé lorsque je voyais cetteexpression douloureuse sur le visage de Gottliebin,ces bras levés dans la supplication, et ces ruisseauxde larmes qui coulaient de ses yeux. J’entendais aussides soupirs d’angoisse, des cris de désolation, et desprières qui auraient attendri une pierre.

Bien que je me fûs opposé à l’idée de me laisserentraîner dans une délivrance quelconque, je ne puséviter de m’y essayer. Car, dans tous ce qui s’étaitpassé auparavant, je pensai d’abord toujours qu’ils’agissait d’une éventuelle tromperie dangereuse etpernicieuse du diable, qui risquait de mettre en périlla simplicité de ma foi évangélique. Par conséquent,je ne pus éviter de faire un essai, surtout parce queces démons semblaient justement garder quelqueespoir de victoire, et ne se laissaient chasser ni pardes menaces ni par des injonctions. Le premier dé-mon envers lequel je tentai un essai, autant que jeme souvienne, était cette femme qui semblait être àl’origine de toute cette affaire. Elle s’exprima de nou-veau par la bouche de Gottliebin, et cria fermementet d’une manière décidée qu’elle voulait appartenirau Seigneur et non au diable. Ensuite, elle avoua àquel point le monde des esprits avait été transforméà la suite des combats qui s’étaient déroulés jusqu’ici.Mon atout aurait été que, de moi-même, je m’étais

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confié en la Parole de Dieu et en la prière. Si j’avaistenté d’employer d’autres moyens, ou si je m’étaisappuyé sur des pratiques occultes, utilisées si fré-quemment, les démons s’en seraient servi pour com-ploter contre moi, et j’aurais été perdu. La femme medit tout cela d’un air important, le doigt levé, et enterminant par ces paroles : « Vous avez entrepris làun terrible combat ! »

Ensuite, elle m’implora instamment et me demandade prier pour elle, afin qu’elle soit entièrement libéréede la puissance du diable, au pouvoir duquel elle étaittombée presque sans s’en rendre compte, en prati-quant la divination, la magie et l’occultisme. Elle pour-rait ainsi accéder quelque part à un lieu de repos.

J’avais bien connu cette femme lorsqu’elle était envie, et elle avait manifesté une soif ardente pour laParole de Dieu et un désir profond d’être pardonnée,à un point que j’avais peu souvent observé chezd’autres. Il se passait rarement une semaine sansqu’elle vînt deux ou trois fois me trouver chez moi. Aprésent, elle désirait fortement que je chante ce can-tique intitulé : « Le repos est le plus grand bien. » Jefaillis avoir le cœur brisé à cause de cette femme.Gardant mon regard intérieur fixé sur le Seigneur, jelui demandai : « Où veux-tu donc aller ? » Elle répon-dit : « Je voudrais rester dans votre maison. »

Ceci m’effraya, et je dis : « Cela n’est pas possi-ble. » - « Ne puis-je pas aller dans l’église ? » continua-t-elle. Après avoir réfléchi, je dis : « Si j’ai ta promessede ne déranger personne et de ne pas te rendre visi-

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ble, et à condition que Jésus le permette, je ne m’yoppose pas. »

Je prenais là un risque. Cependant, je me confiaiau Seigneur, sachant qu’Il ferait tout à merveille, étantdonné que je ne me sentais coupable d’aucune pré-somption à son égard. Elle fut satisfaite, et mentionnaencore le coin extrême de l’église où elle voulait serendre. Ensuite, elle quitta Gottliebin d’elle-même etsans problème, d’après ce qu’il sembla. Rien de toutcela ne fut dévoilé à Gottliebin. Cependant, à songrand effroi, elle aperçut la femme à l’église, à l’en-droit indiqué. Pourtant, à l’exception de Gottliebin,personne ne s’aperçut de rien. Par la suite, l’appari-tion disparut complètement. D’ailleurs, après le com-bat qui allait suivre, tout allait être changé par la suite.

D’autres esprits cherchèrent aussi, de la mêmemanière, la délivrance et la sécurité, affirmant êtreliés au diable par la divination et la magie, et préten-dant par ailleurs avoir de l’amour pour le Seigneur.

Ce ne fut qu’avec la plus extrême prudence et d’ins-tantes prières au Seigneur que je me laissai conduireà accepter l’inévitable. Mais je posais toujours la con-dition essentielle suivante : « Si Jésus le permet. » Ilapparut que toutes choses étaient conduites par unedirection divine. Car tous les esprits n’obtinrent pasce qu’ils demandèrent, et certains durent partir ens’en remettant à la miséricorde souveraine de Dieu.Je ne veux pas exposer plus longtemps ce point déli-cat. J’ajoute seulement que la malade était à chaquefois soulagée, sans éprouver de troubles supplémen-taires. Ces esprits, qui recevaient un lieu de repos

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transitoire, ne doivent en aucun cas être confondusavec les véritables fantômes. Ces derniers se mani-festent toujours sous la loi et la puissance directe deSatan. Ce n’était pas le cas pour les premiers, qui enétaient dispensés.

Je préfère garder pour moi certaines remarquesfaites lors des expériences que j’ai vécues, et quej’aurais pu dévoiler. En effet, ces remarques pour-raient scandaliser, du fait qu’elle ne sont pas confir-mées par la Bible. Elles ne méritent pas davantaged’attention. Je veux pourtant faire une exception, pourun cas très intéressant. Un autre esprit me demandaégalement la permission de rester dans l’église. Jerépondis comme à l’habitude : « Si Jésus le permet. »Après un moment, l’esprit se mit à sangloter, et ils’écria : « Dieu est le juge des veuves et des orphe-lins ! » Il ajouta qu’il n’avait pas reçu la permission derester dans l’église. Je dis : « Tu vois que c’est le Sei-gneur qui t’indique le chemin, et que je n’y suis pourrien. Va là où le Seigneur te laissera aller ! » Alors l’es-prit ajouta : « Ne pourrai-je pas aller dans votre mai-son ? » Cette demande me surprit. Pensant à mafemme et à mes enfants, je ne voulus pas tout d’abordy consentir.

Cependant, après réflexion, je pensai qu’il ne fal-lait pas que cela soit pour moi une occasion de mon-trer que je ne pouvais supporter aucun sacrifice, et jefinis par dire : « Eh bien, si tu ne déranges personne,et si Jésus te le permet, je suis d’accord. » Soudain,j’entendis de nouveau une voix qui semblait provenird’une origine plus élevée, et qui s’écria : « Non ! Passous le toit ! Dieu est le juge des veuves et des orphe-

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lins ! » L’esprit commença à pleurer, selon toute ap-parence, et demanda de pouvoir au moins rester dansmon jardin, ce qui, cette fois, lui fut semble-t-il auto-risé. Tout se passait comme si, par sa faute, des or-phelins avaient jadis perdu leur demeure.

Tout ceci dura assez longtemps. Puis l’esprit auquelfut accordé un lieu de repos ne revint plus.

Beaucoup d’esprits se faisaient connaître en don-nant carrément leur nom, notamment ceux qui étaientdécédés au cours de mon ministère ici. D’autres nom-maient seulement leur lieu d’origine, qui était sou-vent éloigné de centaines de kilomètres. Plusieursauraient même été originaires d’Amérique. Je ne pré-tends pas que tout ceci corresponde à la vérité, et jefus heureux de me débarrasser d’eux. J’ajoute seule-ment que, dans tout ce qui précède, l’enseignementd’un purgatoire et l’enseignement de prières à direpour les morts ne furent nullement confirmés. Cettedernière pratique est même tellement dangereuse queje veux sérieusement mettre en garde tout le monde,car elle peut entraîner les conséquences les plus né-gatives dans le monde invisible.

Il me faut ici tirer une conclusion, qui va retenirl’attention, mais que je ne peux cependant pas ca-cher. Au travers de tout ce qui précède, comme autravers d’autres évènements ultérieurs, il m’a fallureconnaître que notre époque souffre d’un mal quis’est peu à peu infiltré dans toute la chrétienté, etmême dans la chrétienté évangélique, sans que qui-conque y prête sérieusement attention. C’est commeun ver qui ronge en secret. Je veux parler du péché

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de divination, qui conduit progressivement à la sor-cellerie et la magie noire complète, dont l’horrible réa-lité a été portée à ma connaissance d’une manièretrop certaine.

Sous le terme de divination, on peut classer toutepratique qui implique la confiance en une force sur-naturelle et invisible, mais d’origine non-divine, à quil’on peut avoir recours pour obtenir santé, honneurs,richesses et savoir. On peut aussi y inclure toute pra-tique superstitieuse, comme l’emploi de mots appa-remment pieux, surtout lorsque les noms les plussacrés sont utilisés. Il s’agit de divination, parce quela foi vivante en Dieu, ainsi que la grandeur et lamajesté de Dieu, sont transformées en caricatures. Ilfaut aussi y ranger l’utilisation de charmes, et toutesles pratiques occultes, dont l’efficacité est de plus enplus reconnue, dans les milieux de la haute sociétécomme dans les milieux populaires. Presque tout lemonde se livre à ces pratiques, tout au moins dansdes domaines apparemment innocents, sans que l’onréfléchisse à quel point on s’éloigne de Dieu quandon dégrade d’une manière aussi insensée le Nom etla puissance de Dieu, et sans que l’on se rende comptede la véritable nature de la seule puissance invisiblequi peut alors agir.

Celui qui pratique toutes ces choses, ainsi qued’autres choses que je ne nommerai pas ici, se liepour le moins à une puissance de la nature. Il aban-donne sa foi en un Dieu invisible, pour s’attacher àune sorte d’esprit de la nature. Ce faisant, il devienttout simplement un idolâtre aux yeux d’un Dieu ja-loux, qui ne laisse Sa gloire à aucun autre, selon les

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termes de l’Ancien Testament. Si l’on veut avoir re-cours à une puissance indirecte et invisible, pour-quoi refuser de s’adresser à Celui qui est Lui-mêmecette puissance ?

De même, il faut absolument inclure dans l’idolâ-trie la pratique dite du « transfert », qui consiste à s’ef-forcer de transférer une douleur ou une maladie àdes plantes ou à des animaux, au moyen de toutessortes de manipulations, avec ou sans formules.

J’appris peu à peu à connaître les suites terriblesde toutes ces pratiques idolâtres. Il en résulte quel’homme se trouve plus ou moins lié à une puissancesatanique ténébreuse. Car un démon, attiré par l’acteidolâtre, étend alors son influence sur cet homme.Cette influence peut être physique, et provoquer no-tamment toutes sortes de maladies nerveuses, descrampes, de l’arthrite ou d’autres infirmités, dont lesmédecins eux-mêmes ne savent pas grand-chose.Mais les effets peuvent être aussi psychiques, et pro-voquer de l’hypocondrie et de la dépression, ou en-traîner des passions grossières, telles que la convoi-tise, l’ivrognerie, l’avarice, l’envie, la colère, la ran-cune et d’autres passions. Celles-ci deviennent fré-quemment un fardeau pour l’homme, sans qu’il puisses’en rendre maître. C’est ce que Paul décrit dans sonépître aux Romains, en parlant des conséquences del’idolâtrie. C’est ce qui se réalise littéralement dansnotre idolâtrie chrétienne. Si les chrétiens placent leurconfiance dans des dictons insensés, dans des for-mules secrètes, dans des signes divers, dans certainsjours ou heures, ou dans des petits papiers qu’ilsaccrochent autour du cou, comme les noirs accro-

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chent leurs gris-gris, ou même qu’ils avalent, sansparler d’autres horreurs dont la description nous en-traînerait trop loin.

Une autre conséquence de toutes ces pratiques estque l’on devient insensible à la Parole de Vérité, etindifférent au péché. En outre, l’esprit s’abrutit et nepeut s’ouvrir aux pensées et sentiments plus élevés,ni aux certitudes concernant l’éternité. De même, lecœur ne peut éprouver aucune consolation perma-nente dans des moments de détresse. En particulier,la joie de l’Evangile ne peut être fermement enracinéequand on est accusé par sa conscience.

Si l’homme ne confesse pas cette idolâtrie et s’il nes’en repent pas, il en résultera pour lui les consé-quences les plus funestes après sa mort. J’en ai ac-quis la certitude à la suite des combats que j’ai me-nés de différentes manières, et j’en frissonne. Le lienqui lie l’homme aux puissances des ténèbres n’estalors pas rompu, et celui qui croyait être enfin prêt àgoûter les joies du ciel est retenu par l’ennemi, commequelqu’un qui a chuté. Selon la gravité de son péché,et contre son gré, il est alors contraint de servir lediable et de tourmenter les vivants. Je ne peux pasinsister davantage, parce qu’il est difficile et risquéde se prononcer avec quelque certitude sur de telleschoses.

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CHAPITRE 8

Le 8 février 1843 approchait, au milieu d’expérien-ces diverses. Ce jour-là, Gottliebin resta allongée pres-que toute la journée dans son lit, sans connaissance,mais sans provoquer aucune inquiétude. Il semblaitqu’elle bénéficiait d’un repos, mais il apparaissait plu-tôt que son esprit était attiré vers des endroits loin-tains. Je me rappelle ici ce qu’elle me raconta par lasuite. Elle sentait qu’elle était emmenée par quelqu’unavec une extraordinaire rapidité, et qu’elle planait au-dessus des pays et des mers. Elle traversa en les sur-volant beaucoup de pays et de villes, dépassa desbateaux au-dessus de la mer, discernant clairementles équipages et entendant les hommes parler. Elleparvint enfin dans un endroit rempli d’îles, et volad’île en île, arrivant enfin jusqu’à une haute monta-gne. Elle fut déposée sur le sommet de cette monta-gne. A certains détails de la description, je devinaiqu’il s’agissait de l’Inde occidentale. Au sommet de lamontagne s’ouvrait une grande et large ouverture, delaquelle jaillit de la fumée et sortit du feu. Tout autourde Gottliebin, des éclairs zébraient le ciel, le tonnerregrondait, et la terre tremblait.

Tout-à-coup, au pied de la montagne, dans les ré-gions côtières, elle vit s’écrouler des villes et des villa-ges, et la poussière s’élever en épais nuage. Sur lamer, bateaux et embarcations étaient ballottés endésordre, et beaucoup d’entre eux sombrèrent dansles flots. Au milieu de ces scènes d’effroi, Gottliebinput voir les démons qui l’avaient spécialement tour-

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mentée. Le pire de tous, celui qui portait le gros livre,fut le premier à être précipité dans l’abîme, en pous-sant des hurlements et des cris terribles. Il fut suivipar environ un millier d’autres démons qui sautèrenttous en direction de Gottliebin, comme s’ils voulaientl’entraîner dans l’abîme avec eux. Quand tout fut ter-miné, Gottliebin fut ramenée de la même manière qu’àl’aller, et elle s’éveilla assez effrayée. Mais elle se sen-tait bien dans l’ensemble.

Bien entendu, je ne peux pas garantir la vérité dece qu’elle me raconta là. Toutefois, je fus extrême-ment étonné et surpris lorsque, peu de temps après,les journaux décrivirent l’effroyable tremblement deterre qui eut lieu précisément ce 8 février en Indeoccidentale. Les descriptions que je lus devant l’As-semblée des frères, lors d’une réunion missionnaire,rappelèrent tout-à-fait à Gottliebin ce qu’elle avait vuen esprit. A partir de ce moment, elle ne me vit plusentouré d’esprits dans l’église.

Par la suite, elle eut encore l’occasion de faire deuxautres voyages en esprit, de sorte qu’il lui sembla êtretransportée au-dessus de l’Asie. Une autre fois, elleassista à la mise en liberté de plus de 800 démons,qui étaient auparavant liés. De la même manière queprécédemment, les tremblements de terre semblaientêtre en rapport avec les combats qui se passaient ici,de même que les phénomène météorologiques, et cer-taines autres choses que je ne peux passer sous si-lence. Ainsi, la sécheresse de 1842, de même que l’ex-cès de pluie survenu la même année, furent égale-ment évoqués.

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Ce qui m’effraya pourtant le plus fut que mêmeles incendies survenus dans certaines villes, au coursde l’année 1842, furent attribués à l’influence et àl’action directe des démons. Ceux-ci donnèrent mêmele chiffre de 36 incendies. L’un des démons prétenditen particulier avoir attisé l’incendie de Hambourg avecune convoitise voluptueuse. Lorsque je lui posai laquestion de savoir pourquoi il agissait ainsi, il répon-dit d’une part que c’était par volupté, et d’autre partque Satan se rendait compte qu’il était privé de beau-coup d’instruments liés par la magie. Il avait l’inten-tion de recruter de nouveaux instruments, en préci-pitant des milliers de personnes dans le malheur, pourqu’elles soient aisément poussées à se lier à lui, sipossible par le sang. Et il fut dit une fois qu’il étaitparvenu à ses fins.

Il était effrayant d’entendre souvent les démonsmenacer de mettre le feu au village entier, et spécia-lement à ma maison. Parfois, ils ricanaient et pre-naient à mon intention une expression hideuse, ens’écriant : « Du sang ou du feu ! »

Il fut réellement remarquable de constater qu’unefois, lors d’une nuit de combat particulièrement diffi-cile, un troupeau de mouton fut pris de panique etdispersé en désordre par un chien inconnu, dont lesbergers ne purent s’emparer. Le matin suivant, deuxgrands moutons gisaient déchirés devant ma fenêtre.Je mentionne ceci parce qu’une fois une voix s’ex-prima au travers de Gottliebin, disant : « Du sang !Même s’il ne s’agit que d’un mouton ! »

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CHAPITRE 9

Parmi toutes les choses incompréhensibles et inad-missibles décrites jusqu’ici, le pire était pourtant en-core à venir. Je veux rester honnête et continuer àrapporter ce dont je me souviens, persuadé que leSeigneur posera Sa main sur moi pour me permettred’effectuer ce récit. Mon seul désir est de tout racon-ter à Sa gloire, Lui qui est le Vainqueur de toutes cespuissances des ténèbres.

Le 8 février 1843 marqua le début d’une nouvelleépoque dans l’histoire de cette maladie. Dès lors, jepus observer des phénomènes encore plus marquants,touchant aux effets de la magie sous toutes ses for-mes. Il était affreux d’apprendre que toutes les su-perstitions populaires les plus ridicules passaient dumonde des fables à la réalité. Je vais tout d’abordrésumer tous les phénomènes observés dans le cou-rant de l’année 1843, et qui relevaient du domaine dela magie.

D’innombrables choses se manifestèrent en elle demanière magique, pour employer le seul mot qui mesemble approprié. Tout cela ne semblait avoir pourseul but que de la détruire. Elle commença à vomirdu sable et des petits morceaux de verre. Puis, peu àpeu, sortirent de son corps toutes sortes de morceauxde ferraille, en particulier de vieux clous tordus. Unjour, il en sortit douze sous mes yeux, alors que jetenais une bassine devant elle, et après qu’elle se futlonguement étouffée. Il sortit aussi des boucles de

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chaussures, de tailles et de formes diverses, parfoissi volumineuses que l’on ne pouvait guère compren-dre comment elles avaient pu monter dans sa gorge.Il sortit en outre un morceau de fer particulièrementlong et épais. Elle en eut le souffle coupé, de sortequ’elle resta comme morte pendant plusieurs minu-tes. Elle vomit aussi des quantités innombrablesd’épingles, d’aiguilles à coudre et de morceauxd’aiguilles à tricoter. Elle sortaient souvent l’une aprèsl’autre, ce qui était le plus pénible, étant aussi sou-vent nouées en pelote avec du papier et des plumes.

Il semblait parfois que des aiguilles à tricoter luitraversaient la tête de part en part, d’une oreille àl’autre. Une autre fois, des morceaux de la longueurd’un doigt sortirent un par un d’une oreille. Une autrefois encore, je pus sentir, par l’imposition des mains,comme des bruits d’aiguilles qui se cassaient, se tour-naient ou se tordaient à l’intérieur de sa tête. C’étaientdes aiguilles en acier, qui se déplacèrent aussitôt enmorceaux plus petits, en direction de la gorge, et quisortirent par la bouche. D’autres étaient en fer, tor-dus deux ou trois fois. Ils finissaient tout de mêmepar sortir tout entiers par la bouche. Je retirai mêmede son nez beaucoup d’épingles, qui se déplaçaientdoucement vers le bas, la pointe en avant, alors queje les avais d’abord senties au-dessus de l’os du nez,en position horizontale. Une fois, quinze épingles sor-tirent de son nez avec une telle violence qu’elle seplantèrent dans la main de Gottliebin, qu’elle tenaitdevant son nez. Une autre fois, alors qu’elle se plai-gnait beaucoup de maux de tête, je vis apparaître despetits points brillants, après lui avoir imposé lesmains. C’étaient douze épingles, encore à moitié plan-

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tées dans la tête. Je les extirpai une à une et, à cha-que fois, Gottliebin manifestait sa douleur par unbrusque tressaillement. Une fois, je retirai de l’œildeux épingles, et une autre fois quatre épingles, quisemblèrent jouer un long moment au-dessus des pau-pières, jusqu’à ce qu’elles dépassent un peu, et quel’on puisse les retirer doucement. En outre, je retiraiune grande quantité d’aiguilles de toutes les partiesde ses mâchoires inférieure et supérieure. Elle com-mença par éprouver des maux de dents épouvanta-bles, et pendant longtemps on ne put rien voir, jus-qu’à ce que l’on puisse toucher les pointes. Ensuite,les aiguilles s’avancèrent de plus en plus, jusqu’à ceque je puisse les saisir. Mais il fallut encore de grandsefforts pour qu’elles sortent entièrement.

Deux vieux morceaux de fil longs et tordus appa-rurent même dans sa langue, et il fallut du temps etdes efforts pour qu’ils sortent entièrement. Une autrefois, deux longs morceaux de fil apparurent, tordusde multiples fois, et enroulés tout autour de son corps,sous la peau. Avec l’aide de mon épouse, il me fallutune bonne heure pour les retirer entièrement. EtGottliebin s’évanouit à plusieurs reprises, commec’était d’ailleurs souvent le cas. En outre, il lui sortit,de toutes les parties du thorax, des morceauxd’aiguilles à tricoter ou des aiguilles entières. Celas’est produit tellement souvent, à des moments diffé-rents, que je peux en estimer le nombre à une tren-taine. Elle apparaissaient soit horizontalement, soitverticalement, parfois du milieu du creux de l’esto-mac, dans cette position verticale. Souvent, lorsqueces aiguilles étaient à moitié sorties, il me fallait en-core parfois une demi-heure pour les enlever, en ti-

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rant de toutes mes forces. D’autres objets sortirentencore de son thorax, tels que des aiguilles de typesdifférents, des gros morceaux de verre, des petitscailloux et, une fois, un long morceau de fer.

Je ne reprocherais vraiment pas à quelqu’un demettre en doute tout ce qui précède. Car cela dépassetrop tout notre entendement et toute notre compré-hension. Mais mes observations et mes expériencesont été faites pendant presque toute une année, tou-jours en présence de plusieurs témoins oculaires. Celame permet d’écrire toutes ces choses avec résolutionet franchise, ne serait-ce que pour empêcher de mau-vais racontars. J’ai aussi la ferme assurance, commeje l’avais déjà, et connaissant le caractère deGottliebin, qu’il ne pouvait aucunement s’agir d’unequelconque supercherie. A cette époque, chaque foisque je la visitais, que je fus ou non appelé auprèsd’elle, il y avait quelque chose de nouveau qui bou-geait dans son corps. Après un moment, un objetensorcelé se faufilait à la surface. A chaque fois, ladouleur éprouvée par Gottliebin était épouvantable,à tel point qu’elle perdait toujours plus ou moins con-naissance. D’habitude, elle allait même jusqu’à dire :« Je n’en peux plus, je vais mourir ! »

Cependant, tous ces objets ne sortaient que par laprière. Dès qu’elle commençait à se plaindre de dou-leurs quelque part, je ne pouvais que lui imposer lesmains, en général sur la tête. Et, exercé par une lon-gue expérience dans la foi, j’avais à chacune de cesoccasions l’assurance d’expérimenter aussitôt l’effetde la prière, que je prononçais brièvement.

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Dès que l’objet bougeait, se tournait et cherchait àsortir, Gottliebin le sentait également aussitôt. Lasortie la plus difficile se faisait par la peau. On sen-tait souvent pendant un long moment comme quel-que chose qui poussait de l’intérieur vers l’extérieur.Il ne coulait jamais de sang, et il ne se formait pasnon plus de plaie. Tout au plus pouvait-on reconnaî-tre, pendant un moment, l’endroit où quelque choseétait sorti. Mais il fallait que tout se fasse seulementpar la prière. Parfois, en mon absence, Gottliebin, sousl’effet de la douleur, s’ouvrit la peau avec un couteau,et il se forma une plaie très difficile à guérir.

Il sortit un trop grand nombre d’objets pour quel’on puisse les énumérer tous. Je signale seulementencore ceci : il arriva aussi que des animaux vivantssortent de sa bouche. Cependant, je n’eus pas l’occa-sion de les voir personnellement. Une fois, il s’agis-sait de quatre sauterelles de la plus grande taille, quel’on m’amena encore vivantes dans le jardin, et elless’éloignèrent aussitôt en bondissant. Une autre fois,ce furent six à huit chauve-souris, dont une fut miseà mort, alors que les autres s’enfuyaient à toute al-lure. Une autre fois encore, ce fut une énorme gre-nouille, qu’une amie lui tira de la bouche. Enfin, cefut un serpent mystérieux, une vipère cornue qui sem-blait être de l’espèce la plus dangereuse, et queGottliebin fut la seule à voir sortir d’elle furtivement.Cependant, il me sembla apercevoir un rayon brillant,qui sortit rapidement de sa bouche et fila sous le lit.Peu de temps après que cette vipère fut sortie de sabouche, cela lui occasionna une plaie à la gorge. Uneautre fois, alors que Gottliebin était à table en fa-mille, la vipère la piqua au pied avec une telle vio-

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lence que le saignement occasionné ne s’arrêtait guère.Ces deux plaies la firent souffrir environ trois mois,et l’on pouvait clairement voir qu’il s’agissait de plaiesvenimeuses.

Je ne puis achever de rapporter cet aspect du com-bat sans raconter plus spécialement un évènementparticulièrement horrible. Au début du mois de dé-cembre 1843, Gottliebin saigna du nez, et cela ne s’ar-rêta pas. Elle venait juste de perdre une pleine cu-vette de sang lorsque le saignement recommença.Compte tenu de ces énormes pertes de sang, il étaitincompréhensible qu’elle pût encore rester en vie. Enmême temps, on remarqua que ce sang dégageait uneodeur très prononcée, et qu’il avait toujours un as-pect particulièrement noir. Cela était dû à un empoi-sonnement causé par la magie, dont je reparlerai plusloin.

Dans sa détresse, Gottliebin consulta plusieurs foisle médecin, qui lui prescrivit quelque chose, mais sansgrand espoir quant à l’effet de ce médicament. C’est àcette époque qu’un après-midi, vers 13 heures, alorsque je passais devant sa maison pour me rendre ànotre annexe, je lui fis une courte visite. Elle étaitassise sur une chaise, très épuisée, et venait de chan-ger ses vêtements. Sa chambre venait aussi d’êtrenettoyée du sang qui avait abondamment coulé aucours de la matinée. Elle m’indiqua sur sa tête plu-sieurs endroits, disant que des objets y étaient plan-tés, et qu’il lui faudrait mourir s’ils ne sortaient pas.

Je ne pus rien déceler de particulier en lui palpantla tête. Mais comme j’étais pressé, je lui dis que je

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repasserais en revenant. Après moi, le docteur Spaethvint la voir, et resta chez elle pendant deux heures.Après avoir attentivement écouté ce qu’elle disait, ilput en effet sentir quelque chose de dur aux endroitsindiqués. Il remarqua qu’il allait se passer quelquechose et voulut attendre, mais, au dernier moment,on vint l’appeler d’urgence pour un accouchement àSimozheim. Vers 16 heures, je m’approchais du vil-lage, lorsque quelqu’un se précipita à ma rencontrepour me prier de venir sans tarder chez Gottliebin.Je me hâtai, et je vis partout des gens remplis d’ef-froi, qui regardaient par la fenêtre. Ils s’écrièrent enme voyant : « Monsieur le pasteur, comme l’on a be-soin de vous ! »

J’entrai, mais un relent étouffant de sang faillitme faire ressortir aussitôt. Gottliebin était assise aumilieu de la petite chambre, tenant devant elle unecuvette à moitié remplie de sang et d’eau. Dans toutela chambre, devant et derrière elle, s’étalait une grandeflaque de sang. Elle-même était tellement recouvertede sang que l’on reconnaissait à peine ses vêtements.Il faut dire que le sang s’écoulait rapidement de sesdeux oreilles, de ses deux yeux, du nez, et même dusommet de sa tête. C’était la chose la plus horribleque j’aie jamais vue. Certaines personnes avaient vucela de l’extérieur en regardant par la fenêtre, maisn’osaient pas rester. Sur le moment, je ne sus quefaire. Je me ressaisis cependant, et poussai un sou-pir bref et sérieux, qui arrêta l’hémorragie. Après cela,je lui fis laver le visage, rendu méconnaissable, ainsique la tête. Puis je palpai l’endroit où devait se trou-ver quelque chose sur sa tête. Je découvris aussitôtun objet sur le devant de la tête, au-dessus du front :

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un petit clou tordu se tortillait vers la surface. A l’ar-rière de la tête, quelque chose tournait et se dépla-çait vers le bas. Finalement, un clou tordu de menui-sier apparut. Dès lors, l’hémorragie cessa. Gottliebins’était évanouie lors de ma première visite, et elle avaiteu d’autres évanouissements par la suite. Mais cesévanouissements cessèrent. Le soir même, elle se sen-tit à nouveau assez bien, et les forces lui revinrent.Que de choses j’aurais pu raconter si j’avais eu letemps de tenir un journal !

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CHAPITRE 10

Dans tous les nombreux combats auxquels je dusfaire face, je réfléchissais beaucoup sur la manièredont ces puissances magiques agissaient. Je sentaisle besoin d’avoir au moins quelque explication intel-lectuelle. Bien entendu, je me rappelais que la philo-sophie n’avait pas encore éclairci avec certitude cer-tains secrets relatifs à la nature de la matière. Enimaginant, comme certaines philosophies l’avaientdéjà conçu, la matière comme une structure de sor-tes d’atomes, je pensai que la puissance de la magien’était rien d’autre qu’une science mystérieuse, en-seignée par les puissances des ténèbres, permettantde dissoudre le lien secret des atomes entre eux, demanière à rendre un objet méconnaissable, voire in-visible. Cela pouvait aussi se faire par le moyend’autres objets, par exemple la nourriture habituelle,selon la volonté de celui qui utilisait cette science. Lelien entre les atomes était ensuite rétabli, et l’objet semanifestait à nouveau tel qu’il était auparavant. Ainsi,Gottliebin se souvenait bien de certaines occasionsoù, autrefois, elle avait mangé de la soupe ou d’autresmets, et avait aussitôt senti quelque chose de bizarredans sa gorge ou dans son corps, qui lui faisait pen-ser à un acte magique. Une fois, elle jeta les restesd’un tel mets à un poulet, qui se mit aussitôt à cou-rir, comme enragé, et qui tomba après un moment,comme mort par asphyxie. Elle ouvrit la tête et lagorge du poulet et, à son grand effroi, elle y découvritune quantité de clous de cordonnier. Mais commentd’autres objets pouvaient-ils venir dans la tête, dans

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le corps et dans le thorax ? Comme explication,Gottliebin raconta que souvent, au cours de la nuit,elle avait vu venir à elle, en esprit, toutes sortes depersonnes différentes. Celles-ci auraient enfoncé danssa bouche quelque chose de semblable à du pain, ettouché d’autres membres de son corps, alors qu’ellese tenait immobile. Elle aurait aussitôt ressenti enelle des changements provoqués par les objets quisortirent plus tard. Le clou de menuisier et le clou unpeu plus petit qui avaient causé cette forte hémorra-gie lui avaient été implantés un soir, en pleine rue,par une manipulation spéciale de la tête que lui avaitfait un homme habillé en prêtre, qui l’attendait à cetendroit. Mais cet homme n’était présent qu’en esprit,pensait Gottliebin, qui ne put lui opposer la moindrerésistance. Et l’hémorragie avait aussitôt commencé.

De la même manière, c’est-à-dire en esprit, troishommes s’étaient placés une nuit devant elle, tenantà la main une sorte d’alcool empoisonné. De nou-veau, il lui fut impossible de bouger. L’un d’eux luiouvrit la bouche, alors que le second lui maintenaitla tête, et le troisième entreprit de lui faire absorbercet alcool. Cela dura un court moment, puis on luireferma les mâchoires, qui furent maintenues pres-sées de force, dans le but de l’étouffer. La vapeur del’alcool lui sortit cependant par les narines, et elle futtout juste capable de respirer, ce qui la sauva. Quandles hommes se rendirent compte qu’ils ne parvenaientpas à leurs fins, ils déversèrent le contenu du flaconsur sa tête et s’éloignèrent. Le matin, son bonnet denuit était complètement rongé par une substance jau-nâtre qui dégageait une vilaine odeur, et il fut aisé-ment réduit en lambeaux.

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Une autre fois, alors qu’elle était couchée dans sachambre, Gottliebin avait accroché sa jupe à la portede la pièce. La sœur qui lui tenait compagnie pen-dant la nuit savait avec certitude ce qui se trouvaitdans la poche de la jupe. Elle savait aussi queGottliebin n’était pas sortie de son lit. Cependant, aucours de la nuit, Gottliebin aperçut une ombre se di-riger vers sa jupe et sortir de sa poche, entre autresobjets, une petite boîte porte-monnaie en tôle, commeen possédaient les paysans. Cette ombre resta unmoment devant elle avec tous ces objets. Le matinsuivant, Gottliebin vomit, avec des étouffements vio-lents, des pièces d’argent ainsi que la petite boîte.Cela signifie que certaines personnes possèdent l’artde sortir de leur corps en esprit, sans qu’ils en soienttoujours pleinement conscients. Mais comment pou-vaient s’opérer ces transferts d’objets dans le corps ?Il fut de plus en plus évident que ces objets implan-tés de manière magique dans le corps étaient tou-jours manipulés soit par un homme décédé, soit parun démon qui exerçait cet art, et qui pénétrait avecl’objet dans le corps. Cela se passait souvent de cettemanière. En fin de compte, la possession n’était duequ’à des pratiques magiques. Il ne s’agissait pas d’uneguérison, mais de la délivrance d’une personne en-sorcelée.

Contrairement à ce que voulaient les puissancesdes ténèbres, ces objets n’étaient pas véritablementmeurtriers. Ceci était dû à une protection divine par-ticulière, qui se manifestait de manière remarquable,même au début de la possession.

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Gottliebin sentait tout d’abord la présence de cesobjets en elle, jusqu’au moment où ces objets devai-ent sortir. Certains objets sont restés plus de deuxans en elle. Cette protection divine se manifestait ausside la manière suivante : ces objets étaient toujourspour ainsi dire sous la garde d’un démon, et l’effet dela magie ne se faisait sentir qu’à la suite de mon in-tervention, surtout lorsque, même sans être présent,je sentais dans mon cœur le besoin de prier pourGottliebin. D’habitude, avant ou après l’expulsion d’unobjet magique, un démon sortait aussi. Je suis fer-mement convaincu que si jamais je m’étais abandonnéà l’incrédulité, par exemple à croire que la prière seulene pouvait pas accomplir ce qui semblait impossible,Gottliebin aurait été perdue. Je me sentais toujourstellement fortifié que j’avais une pleine confiance enmon Seigneur. Je me fortifiais jour après jour dans lapensée que le combat porterait un coup sensible à lamagie noire, et cela me permit de persévérer jusqu’aubout.

Ce que je viens de dire est le fruit de nombreusesexpériences, observations et réflexions constantes surces phénomènes bizarres. Je ne peux pourtant pasm’empêcher d’aller plus loin dans les conclusionsauxquelles j’avais peu à peu abouti, et qui me per-mettaient de comprendre assez clairement le domainede la magie.

D’après ce qui précède, je peux dire que j’étais enprésence de l’action commune d’un homme décédé,et d’un homme vivant, exerçant tous deux la magie.Car il est possible, comme nous l’avons dit plus haut,qu’un homme puisse être lié en esprit par Satan, par

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l’exercice de la divination, même sans le savoir ni s’enrendre compte. Il en résulte que son esprit (qui resteune énigme psychologique) peut être absent de soncorps, même si apparemment son âme reste présente.En esprit, cet homme est mis en rapport et en asso-ciation avec d’autres hommes, liés de la même ma-nière, ainsi qu’avec les esprits de personnes décédées,qui s’étaient aussi plus ou moins liées de leur vivant.En principe, ce sont ces dernières qui exercent lamagie, alors que les premiers sont chargés de fournirles matériaux nécessaires. Et c’est contre leur volontéque ces personnes vivantes doivent servir Satan enesprit, comme on pouvait en conclure d’après certai-nes déclarations des démons. Car ces personnes sontliées par l’exercice de la magie, ainsi que par le fait dedire des jurons, ou de commettre les péchés gros-siers de la chair. Ces liens semblent être de naturedifférente selon la gravité des péchés de divination.

Finalement, je fus amené à imaginer une sorte decomplot diabolique, par lequel Satan chercherait àécarter peu à peu les hommes de Dieu par la ruse,afin que le royaume de Satan se répande partout, etque le Royaume de Christ disparaisse. Les puissan-ces des ténèbres disposaient là d’atouts d’autant plusgrands que tout se passait dans le plus grand secret,et que dès que quelque chose se manifestait ou deve-nait public, personne n’avait la moindre intention d’yfaire face avec courage et avec foi. La plupart de ceuxque l’on appelle sorciers et sorcières, auxquels onattribue toutes sortes de malheurs, maladies, plaieshumaines ou animales, sont dans cet état sans qu’ilss’en doutent. Tout au plus éprouvent-ils de temps entemps le sentiment de ce qu’ils font en esprit, sans

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pouvoir l’expliquer. Ce sont donc, de toutes maniè-res, des êtres extrêmement malheureux. Par consé-quent, le fait d’accuser un être vivant constitue engénéral un manque de charité, ce qu’il faut éviter dèsle début. Cela n’aboutit à rien, parce que ceux quisont ainsi accusés sont souvent tout-à-fait innocents.

Lors de procès de sorciers, lorsqu’on voulait lesfaire avouer sous la torture, ils se considéraient leplus souvent comme innocents, même s’il n’en étaitpas toujours ainsi. Je remercie Dieu de ce que, dès ledébut, j’eus le principe de ne permettre à aucunepensée d’accusation de venir en moi, et de ne consi-dérer personne comme j’aurais peut-être pu la consi-dérer. Si j’avais fait cela, je me serais moi-même placédans une affreuse confusion, et Satan aurait été levainqueur.

Cependant, si l’homme lié n’a pas normalementconscience de ce qu’il fait en esprit, ou de ce qu’il estforcé de faire, il n’en résulte pas qu’il ne soit pas res-ponsable de ses actes. Il l’est déjà par le fait que lepéché de divination est à l’origine de son lien et que,même en esprit, il reste libre de se donner toujoursdavantage à Satan.

Tous ces liens, avec leurs conséquences, peuventcependant disparaître, pourvu que cet exercice de ladivination soit reconnu, et confessé avec repentancecomme étant l’un des péchés les plus graves, car ilviole directement le premier commandement et en-traîne un éloignement effectif de Dieu.

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Mais il faut se repentir des péchés de divinationau cours de sa vie terrestre. Si on ne le fait pas, c’estparce que l’on ne craint aucun danger. Ou bien, sil’on éprouve quelque horreur inexplicable, on ne prendpas conscience de la gravité du danger. Dans la plu-part des cas, le lien continue alors après la mort.L’homme trompé et pris par la ruse du diable réalisealors la vérité. Mais il reste encore libre de se donnerentièrement au service de Satan, ou de refuser. Dansle premier cas, il devient véritablement un esprit demagie, envoyé par Satan pour faire le mal de diffé-rentes manières, dans le corps ou dans les posses-sions des hommes. Et ils sont aidés dans cette tâchepar d’autres magiciens vivants.

Le but de ces tourments n’est autre que d’oppri-mer les hommes à un point tel que ceux-ci soient àleur tour incités à recourir à des moyens supersti-tieux ou idolâtres, afin d’être liés. C’est ainsi que beau-coup d’épreuves qui frappent l’homme ressemblentaux souffrances de Job. Elles sont permises par Dieupour voir si l’homme est décidé ou non à bénir Dieu.Oh ! Comme les hommes vivent et agissent avec uneassurance trompeuse !

La sorcellerie pratiquée par les vivants comprendd’ailleurs plusieurs étapes. Tout en bas de l’échelle,on trouve ceux qui se laissent utiliser, et qui sont liéssans en être conscients par la suite. L’échelon su-prême est représenté par la magie noire proprementdite, où l’homme sert Satan en pleine connaissance,et où Satan lui confère ses pouvoirs. Entre ces deuxextrêmes, on trouve ceux qui utilisent ou qui fontcommerce des divers moyens magiques, et qui ac-

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ceptent de se laisser utiliser, en procédant en généralselon les instructions d’ouvrages imprimés, assez lar-gement diffusés dans la population. Ces ouvrages sonten fait une révélation satanique, ou résultent de tra-ditions.

Dans cette dernière catégorie, les magiciens peu-vent conserver longtemps l’illusion d’être des bienfai-teurs de l’humanité. Ils peuvent même avoir la répu-tation d’être d’une grande piété. Ils peuvent pronon-cer des formules et procéder à des manipulations.Mais ils ont toujours mauvaise conscience. Ils s’en-foncent cependant de plus en plus dans ces prati-ques païennes, et courent toujours plus le risque dedevenir de véritables magiciens noirs. Ceux qui ensont les plus proches sont ceux qui, tout en étantpeut-être toujours trompés, reçoivent directement l’as-sistance d’esprits diaboliques. Ils les interrogent pourconnaître le nom et l’âge des personnes en détresse,ou pour recevoir des consultations et des conseils.Ces démons leur apparaissent à l’aide de diversmoyens, ou par le recours à un miroir visible ou invi-sible, et ils répondent aux questions qui leur sontposées. Bien entendu, ces puissances des ténèbresn’agissent pas de manière entièrement désintéressée.Même des chrétiens en arrivent ainsi à chercher con-seil auprès de Belzébul (2 Rois 1).

Ceux qui pratiquent la véritable magie noire ontconclu un pacte formel avec le diable. Ceci peut sepasser individuellement, ou en association, dans cer-taines sociétés secrètes. Dans les deux cas, l’engage-ment est scellé par le sang, qui est prélevé en s’égra-tignant le doigt ou une autre partie du corps, et qui

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est utilisé pour faire une signature. Certains contratsparticuliers peuvent être conclu avec Satan de ma-nière formelle, sans que la personne en garde tou-jours le souvenir. D’autres fois, cet engagement peutêtre conclu en esprit, et l’homme peut ne pas en gar-der le souvenir dans sa conscience.

Ceux qui pratiquent la magie noire recherchentprincipalement le bonheur, la satisfaction de leursconvoitises, la richesse, et la protection de leur corps.Les arts qu’ils pratiquent sont très divers. Ils peuventpar ces moyens se procurer de l’argent, se rendre in-visibles, rendre invisibles des objets matériels, commenous l’avons vu plus haut, ou effectuer en peu d’ins-tants des déplacements de plusieurs centaines dekilomètres, en gardant toute leur conscience. Ils peu-vent aussi tuer des hommes à de très grandes dis-tances, et projeter des énergies violentes qui peuventcauser la mort inattendue des hommes les plus sains.Ils peuvent même provoquer des incendies en res-tant invisibles.

Je laisse naturellement chacun libre de croire tou-tes ces choses. J’ai acquis pour ma part l’horriblecertitude de leur réalité. Mais un combat mené dansla foi en Celui qui a écrasé la tête du serpent et vaincuces puissances des ténèbres, ne pouvait manquerd’être victorieux ! Plus grand encore est notre Sei-gneur !

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CHAPITRE 11

Les remarques précédentes sont fondées en partiesur des faits observés au cours de mon combat, enpartie sur des déclarations éparses et diverses faitespar certains démons, qui cherchaient ou avaienttrouvé leur libération, et en partie sur des expérien-ces ou des constatations ultérieures, de nature psy-chologique, qui ne manquèrent pas de se présenter àmes yeux, dès lors qu’ils eurent été ouverts à ces réa-lités.

Peut-être pourrait-on me reprocher de faire tropde recherches, et de trop laisser courir une imagina-tion rêveuse. Cependant, je n’avais vraiment pas letemps de m’occuper d’imaginations fantaisistes. Pen-sez que je devais assurer ma fonction, à laquelle jeconsacrais constamment toute mon attention, sur-tout ces dernières années, que ce soit à l’assembléeprincipale ou à l’annexe. Les rapports paroissiaux leprouvent. D’autre part, je continuai à enseigner avecsuccès au sein de mon assemblée, tout au long deces deux années de combat, ou presque, ce qui exi-geait de ma part du temps et le moral le plus élevé.

Pendant tout ce temps, je devais aussi écrire desarticles mensuels pour des missions publiques, oupour des périodiques de Barth destinés à la jeunesse,ainsi que des papiers sur les apparitions et les effetsde lumière. En outre, je travaillais à un petit manueld’histoire du monde, et à un autre ouvrage d’histoireet de géographie missionnaires. Ce dernier manuel

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me prenait tous mes moments libres, et j’étais sub-mergé par des flots de littérature missionnaire alle-mande, anglaise et française. Cet ouvrage vient d’êtrepublié.

Je ne pouvais pas non plus rester inactif devant leremue-ménage provoqué dans notre pays par un nou-veau recueil de cantiques et une nouvelle liturgie. J’aipublié des articles à ce sujet et j’ai même, à deuxreprises, mis au point les volumineux projets d’unnouveau recueil de chœurs, en recherchant et ras-semblant avec beaucoup de peine des mélodies etchœurs anciens. Afin de susciter un intérêt nouveaupour le chant choral, j’ai fait imprimer un recueil,après avoir dû me former pour ce but dans le do-maine de la composition musicale.

Par ailleurs, j’ai organisé l’été passé un camp deformation d’enseignants, en tant que directeur deconférences scolaires, en partie sur le thème de l’ap-plication de la grammaire allemande dans les écolesprimaires, et en partie sur le thème de la vie de l’apô-tre Paul, tout en distribuant constamment aux en-seignants des articles sur ces thèmes.

J’ose mentionner tout cela, et je suis sûr que l’onne m’en voudra pas, pour prouver que, justement àcette époque, je n’avais pas de temps libre, et que jene cherchais pas à m’attacher à des rêveries exagé-rées. Quiconque veut bien examiner même brièvementles activités mentionnées pourra difficilement m’ac-cuser de développer une imagination maladive.

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J’ai constamment recueilli des impressions direc-tes. Je ne les pas comprises pendant longtemps, maisje les gardais en attente, jusqu’à ce qu’elles se ras-semblent dans mon esprit, et se replacent d’elles-mêmes dans leur effroyable contexte. Ce n’est qu’à lafin de cette histoire que les détails et l’ensemble de-vinrent clairs pour moi. Je me dirige donc à présentsans tarder vers cette conclusion. Toutefois, afin d’êtrebien compris, il est nécessaire que j’expose à nou-veau une vue d’ensemble.

Gottliebin était depuis des années une personnedécidée et solide, bien établie dans la foi chrétienne.Comment donc avait-elle pu être l’objet d’un si grandnombre d’attaques sataniques aussi horribles ? Ceciétait une énigme pour beaucoup de ceux qui enten-daient parler de cette affaire. Pour tenter de résoudrecette apparente énigme, je raconterai à présent cer-taines choses du passé de Gottliebin, qu’elle m’appritelle-même, de manière décousue et presque par ha-sard, et que je finis par trouver dignes d’intérêt. Maiscela va encore nous entraîner dans des choses in-croyables. Que l’on veuille bien m’excuser le style di-rect que j’emploie, et qui m’est plus commode pourmon récit.

Gottliebin me raconta que dès son enfance certai-nes circonstances démontrèrent qu’elle avait fait l’ob-jet de tentatives visant à l’entraîner dans les liens dela magie. Je regrette d’aborder maintenant ce que l’onattribue habituellement à des superstitions ou à desfables. Je suis contraint de ne plus tout-à-fait rejeterces choses.

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Peu après sa naissance, Gottliebin faillit être enle-vée de manière invisible. Sa mère, décédée il y a dixans, lui avait souvent raconté qu’elle avait l’habitudede prendre l’enfant à côté d’elle dans son lit. Pendantson sommeil, elle avait éprouvé une brusque inquié-tude quant à sa fille. Elle s’était réveillée, et ne sen-tant pas son enfant à ses côtés, elle s’était écriée :« Seigneur Jésus, mon enfant ! » Quelque chose étaitalors tombé à terre à la porte de la chambre, et c’étaitle bébé. La même chose s’était produite une autrefois, de manière analogue.

Certaines légendes parlent d’enfants qui ont étééchangés. Si ces faits ont quelque réalité, il sembleque ce soit dans le but de les faire tomber entre lesmains de magiciens, pour être initiés dès leur plusjeune âge à tout le domaine de la magie. Toutes ceschoses ont une apparence de superstition, et n’avaientjamais eu de signification pour moi. Mais elles sontdevenues réelles lorsque j’appris ce qui était arrivé àGottliebin.

Peu après, l’enfant fut en contact avec une cou-sine, que l’on craignait, car elle avait la réputationd’être méchante. Elle dit à l’enfant, alors âgée de septans : « Lorsque tu auras dix ans, je t’apprendrai quel-que chose de bien. » Apparemment, cet âge ouvrait lapossibilité d’une initiation à la magie. Elle lui dit aussi :« Si seulement tu ne t’appelais pas Gottliebin (« Quiaime Dieu », en allemand), et si tu avais d’autres par-rains, j’aurais pu te procurer de grands pouvoirs dansce monde. »

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Déjà pourtant, de telles phrases semblaient sus-pectes à l’enfant. En y réfléchissant silencieusementen elle-même, elle se souvenait à chaque fois de cepassage : « Notre Seigneur est grand. Grande est Sapuissance, et insondable est Son règne. » Elle gardaitla pensée que c’était donc Dieu seul qui dirigeait lemonde.

Cette cousine mourut lorsque l’enfant n’était âgéeque de huit ans. Cependant, on avait déjà souventutilisé, lors de maladies survenues à cet enfant, desmoyens occultes ou touchant à la magie. Cela provo-qua chez elle des liens, comme c’est le cas pourd’autres. C’est en raison du manque de connaissancedes gens que ces habitudes se pratiquent.

En raison de ses capacités spirituelles, l’enseigne-ment donné par le pasteur Barth porta beaucoup defruits dans son cœur. Sa crainte pure de Dieu la pré-serva des liens plus profonds de la divination. Avertiepar ses pieux parents, elle évita très tôt tout ce quitouchait à ce domaine.

Pourtant, en considérant les effets de sa maladied’origine démoniaque, elle était tout de même déjàliée, au point que les puissances des ténèbres, fidèlesà leur principe, avaient décidé qu’elle devait être sé-duite en esprit, pour le malheur des autres. Mais ellen’en avait pas l’idée ni le sentiment, comme c’est tou-jours le cas lorsqu’il s’agit de liens minimes.

Cependant son esprit, en raison de ses capacitéspropres, se révolta contre les prétentions des puis-sances des ténèbres, ce qui attira contre elle leur

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haine. Tout se passait comme si une tension se créaitentre elle et le royaume des ténèbres. Ce dernier, enaccord avec ses principes, la poursuivit comme unehérétique. Il s’agissait donc pour Satan soit de la sé-duire véritablement, pour l’entraîner dans la magiela plus noire, ce qui était pour lui la seule garantie dela tenir véritablement en son pouvoir, soit de la fairedisparaître de ce monde, afin que la résistance deGottliebin n’entraîne aucun inconvénient pour leroyaume des ténèbres.

C’est ainsi que la tâche de Gottliebin, comme lamienne plus tard, fut de conserver la FIDELITE et laFOI. Fidélité dans sa résistance à tout péché d’idolâ-trie, et foi en la puissance protectrice de Dieu enversSes fidèles, même si tout l’Enfer se déchaînait.Gottliebin se maintint journellement dans ces deuxattitudes, et le fait d’avoir été protégée jour après jour,sans qu’elle ait une perception réelle de l’importancede cette protection, lui apparaît à présent comme leplus grand des miracles qui se sont opérés en elle.

Elle était directement assaillie par la tentation des’adonner à la magie. Comme elle était très pauvre,cette pauvreté devait être son point faible. En février1840, alors que ses deux parents étaient déjà décé-dés, et qu’elle demeurait déjà dans la maison décriteplus haut, il arriva un jour qu’il ne lui resta plus qu’unpeu de pain, pour ses sœurs, son frère et elle-même.Par ailleurs, il ne lui restait plus qu’une seule piècede monnaie. Munie de celle-ci, elle se mit en routepour aller chercher un pot de lait. En chemin, elle sedit : « Si seulement tu avait une pièce de plus, tu pour-rais aussi rapporter du sel pour une soupe. » Tout-à-

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coup, elle sentit deux pièces dans sa main. Cette ex-périence la laissa mal à l’aise, parce qu’elle se sou-vint de certaines légendes qui couraient sur l’argentmagique, et elle se demanda avec inquiétude avec la-quelle de ses deux pièces elle devait payer le lait. Heu-reusement, on lui en fit cadeau, et elle put s’en re-tourner avec les deux pièces. Elle parvint à un fossérempli d’eau. Son angoisse avait alors tellement aug-menté qu’elle jeta les deux pièces dans l’eau et s’écria :« Non, Satan ! Tu ne m’auras pas encore de cette ma-nière. Dieu va me faire sortir de cette situation ! » Ayantfait cela, elle se sentit toute légère. Cependant, enentrant dans sa chambre, elle trouva le sol couvertde pièces d’argent. Elle fut effrayée, et elle les poussadu pied pour s’assurer de leur réalité. Elle entenditleur son, vit clairement leur forme, et dut se rendre àl’évidence que c’était bien de l’argent.

Mais d’où provenait cet argent ? A cette pensée,elle ne put que s’effrayer, car cette manière curieusede recevoir de l’aide ne lui semblait pas divine. Ellesortit de la pièce, puis y pénétra de nouveau pourvoir si elle n’avait pas eu une hallucination. Mais lapièce était bien jonchée de monnaie d’argent, alorsqu’il n’y avait rien dans l’autre chambre. Puis un gar-çon d’environ quatre ans arriva, et elle lui dit : « En-tre dans la pièce. Ce que tu y trouveras t’appartient ! »Il revint, en disant : « Petite cousine, je n’ai rientrouvé ! » Elle s’en assura, et les pièces d’argent avaientvraiment disparu.

Cela se produisit très fréquemment. Mais la seuleidée de toucher seulement l’une de ces pièces lui don-nait des frissons, et elle préférait rester dans la plus

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grande pauvreté, plutôt que de se faire enrichir par lediable, selon sa propre expression. Même au débutde ses liens, des tentations de ce genre se présentè-rent souvent à elle. Avant d’être moi-même au cou-rant de ce qui précède, j’entendis souvent les démonsparler par sa bouche, et dire : « Pourquoi cette fille neveut-elle donc rien accepter ? Nous les avions pour-tant si habilement disposées à chaque fois ! » La dé-couverte des pièces d’argent que nous venons dementionner peut avoir un rapport avec ces déclara-tions.

Lorsque le sol de la pièce fut retourné, elle croyaittoujours apercevoir une pièce d’argent brillante, etelle disait qu’elle pensait que nous n’avions pas biencherché. On ne pouvait pas rejeter entièrement lapossibilité de trouver de l’argent, parce que le bruitcourait que 300 thalers avaient été volés quelque partpar l’ancienne propriétaire de la maison. Et, en pré-sence de cette dernière, nous avons fouillé une nou-velle fois, dans l’espoir de mettre fin, par la mêmeoccasion, à la hantise de Gottliebin. Mais elle tombaprofondément évanouie, au moment précis où elleindiqua l’endroit où se trouvait l’argent, ce qui dé-montrait clairement qu’il s’agissait là encore d’uneruse satanique. Pour que les puissances des ténè-bres atteignent leur but, nous avons plus tard penséqu’il fallait qu’elle découvre secrètement cet argent etqu’elle le garde. Car, dans ce domaine, le mystère etle plus profond secret favorisent la puissance des té-nèbres.

Par la suite, pour citer ce que disaient les démons,il était encore plus souvent question de ruses sem-

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blables utilisées par Satan pour entraîner des âmesdans la perdition. Et les moyens employés par ceuxqui pratiquent la magie noire pour se procurer cetargent sont trop horribles pour que j’accepte de lesraconter. J’évite aussi de donner des détails qui nesont pas importants pour comprendre mon histoire.

Comme je n’avais jamais une confiance absolueen ce que disaient les démons, j’omettais en généralde tout écouter. Seul le contexte qui se dégageait parla suite me permettait de diriger mon attention surcertains faits qui n’avaient pas été considérés aupa-ravant. Ce fut aussi le cas à propos de ce qui suit.

Lorsque les tentatives faites pour détournerGottliebin de Dieu se furent avérées vaines, le ser-pent se montra encore plus rusé. Un jour qu’elle etsa famille manquaient à nouveau de nourriture, elleaperçut sur la table une manche de chemise d’hommeremplie de farine, ainsi qu’une pièce d’argent enve-loppée dans du papier, et posée sur la manche. Acause de ce qui s’était passé auparavant, Gottliebinétait devenue prudente, et elle ressentit cette fois en-core une impression bizarre. Cependant, elle décidaen elle-même que cela ne pouvait pas être quelquechose de mauvais, car elle en avait besoin. Elle gardadonc l’argent et la farine, non sans remercier Dieu.Mais, malgré toutes ses recherches, elle ne parvintpas à découvrir qui lui avait donné ces choses.

Elle attribuait à cette farine la plupart des actesde sorcellerie qui se sont manifestés en elle, et pen-sait qu’elle en avait rendu d’autres possibles. En ef-fet, un démon mentionna plus tard que tout cela était

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une ruse diabolique, et qu’elle n’aurait pas dû utili-ser cette farine.

Si l’on veut bien croire cette affaire, qui présentebien des aspects redoutables, on doit en déduire qu’ilexistait un plan qui visait des objectifs plus ambi-tieux. Même si l’utilisation de cette farine avait eu leseffets apparemment les plus néfastes, cela ne pou-vait pas être considéré comme un péché, ni commeune cause de perdition, parce que les sentiments etla volonté de Gottliebin étaient restés droits. Maisl’épreuve de la foi avait atteint à présent un plus granddegré de difficulté.

Tout ce qui précède permet dans une certainemesure de donner la clef de toute l’histoire. Il s’agis-sait tout d’abord d’une âme qui résistait à Satan, maisqui se sentait liée au dedans d’elle. D’un côté, ellesentait qu’elle était liée à Satan avec une certainepuissance et, d’un autre côté, elle recherchait la pré-sence de Dieu. Pour être débarrassée de ses lienssataniques, elle devait passer par des épreuves defidélité et de foi. C’est ainsi qu’un combat s’est en-gagé, qui prit une extension et une amplitude de plusen plus grandes. Car les puissances des ténèbres nevoulaient pas céder. En effet, dans le royaume desténèbres, les enfants du diable sont également soli-daires les une des autres, et leur succès réside dansla plus étroite cohésion. L’enjeu dépassait donc lapersonne de Gottliebin.

Tout l’Enfer pouvait donc être peu à peu concerné,car ce combat pouvait être pour ces puissances des

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ténèbres l’occasion de recevoir un coup dont les con-séquences n’auraient pas été négligeables pour elles.

Gottliebin avait fait preuve de fidélité et de foi, audébut de son combat. Par la suite, cette exigence defidélité et de foi me fut demandée à mon tour. C’est-à-dire qu’il ne fallait à aucun prix que je laisse celle quiétait ainsi attaquée devenir une proie de Satan. Celane fut possible que par l’unique moyen de la prière,que j’adressais à l’invisible puissance divine.

Satan cherchait constamment à détruire la vie deGottliebin, déjà pour la seule raison que le secret decette ruse diabolique se découvrait de plus en plus,ce qui semblait avoir particulièrement révolté les dé-mons. Mais il y avait une autre raison : cette puis-sance satanique de sorcellerie était contre-attaquéepar les moyens appropriés, ce qui lui faisait courir ledanger d’être anéantie pour toujours. C’est ce qui estapparu par la suite dans ce que j’ai observé, au coursde circonstances presque violentes. Il semblait doncde plus en plus nécessaire à ces puissances des té-nèbres, si elles voulaient survivre, d’éliminer la per-sonne de Gottliebin. Mais il était particulièrementévident, en ce qui concernait ce dernier point, quetoute cette puissance magique occulte s’épuisait dansses assauts directs contre Gottliebin. Pour relevercette puissance, il fallait que Gottliebin meure. Et denouveaux bataillons (que l’on veuille bien excuser cetteexpression) étaient sans cesse lancés dans le com-bat, car le décès de Gottliebin aurait permis d’éviterla suite de la bataille.

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Mais le courage et la force grandissaient aussi enmoi. De mon point de vue, il s’agit là du plus grandmiracle, et je considère cela comme une grâce quim’a été directement accordée par Dieu pour ce com-bat. Ces bataillons démoniaques étaient voués à lahonte. L’un après l’autre, les remparts de la magiedevaient s’écrouler, jusqu’à ce que le coup décisif leursoit porté à la fin, lorsque le chef de toutes ces forcessataniques sembla entrer en scène.

J’écris ici des phrases difficiles à admettre, maisCelui qui fut mon casque et mon bouclier, et qui sondemon cœur, sait à quel point je les écris lentement etsans plaisir, et combien j’ai eu du mal à mettre cerécit par écrit, en raison justement de la significationapparente de ce combat. Je ne pouvais pas me taire,même si tout ceci ne devait pas apparaître comme unmystère insensé.

Les attaques contre la vie de Gottliebin devinrentplus horribles presque jour après jour. Et parce quetoute cette mise en scène diabolique avait pour butde la faire mourir, elle était aussi très souvent tentéede se suicider, bien que n’en étant pas habituelle-ment consciente.

Outre ce qui a déjà été raconté plus haut, elle s’estpendue une fois dans la forêt à l’aide de son foulard.Dans un état d’inconscience, elle empila des pierrespour pouvoir se pendre d’assez haut, et noua le fou-lard assez habilement à l’arbre. Elle pendait déjà lors-que le foulard se déchira, et sa violente chute lui fitretrouver ses esprits. Ce même soir, avant que je fusinformé de cet évènement, un démon s’écria par sa

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bouche : « On n’arrive pas à supprimer cette fille ! Elles’est pendue, et il a fallu que son foulard se déchire ! »De véritables hématomes apparurent plus d’une fois,et elle semblait près de la mort. Parfois, elle parais-sait même être déjà morte. De même, quand elle étaitprise de convulsions, il arrivait souvent que sa respi-ration et son pouls s’arrêtent pendant plusieurs mi-nutes, et que les marques de la mort apparaissentsur son visage. Une fois (je le raconte entièrement,sachant que l’on aura du mal à l’admettre), elle vou-lut se transpercer la peau de l’abdomen pour en fairesortir une aiguille, alors qu’elle était à demi-cons-ciente. Elle semblait prendre plaisir à fouiller l’inté-rieur de son corps avec un couteau, jusqu’à ce queson estomac soit percé, et que la nourriture qu’elleavait consommée s’écoule par l’ouverture.

Ses amies en témoignèrent, et le médecin cons-tata la blessure, à un moment où elle était encoreassez visible pour attester la véracité de ce récit. Mais,comme elle n’avait pas agi de sa propre volonté, lablessure ne pouvait pas être mortelle si, là encore, lafoi n’avait pas saisi la tout-puissance de Dieu. Unefois, toutes ses blessures, y compris cette dernière,se réouvrirent subitement, et elle se trouva dans undanger extrême. Je le perçus, dans cette foi qui neme laissait jamais abattre. Lorsque, profondémentémue, son amie se précipita chez moi pour me direque chaque minute perdue pouvait être fatale, je tom-bai à genoux avec consternation et fis une prière har-die. Cette fois-ci, je ne voulus même pas faire au dia-ble l’honneur de me rendre auprès de Gottliebin, tel-lement je me sentis rempli de force en cet instant.Mais je lui fis demander, par l’intermédiaire de son

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amie, qu’elle se lève pour venir chez moi, en l’assu-rant qu’elle le pourrait par la foi.

Il ne fallut pas longtemps pour que je l’entendemonter dans l’escalier. Personne cependant n’a puressentir ce que j’éprouvai en cet instant. Là aussi,comme toujours, il fallut encore plusieurs jours pourqu’elle soit complètement guérie.

Sans parler de tout ce qu’il me faudrait encore ra-conter, je veux seulement citer ce qu’a dit un démon,qui prétendait être un médecin décédé il y a quaranteans à Hambourg, et qui a aussi donné son nom. Ilaurait introduit dans Gottliebin, par des moyensmagiques, pas moins de six mesures de poison. Cecipouvait expliquer que tout le sang qu’elle perdait, ettout liquide qu’elle vomissait, dégageaient une odeurforte et extrêmement pénible à supporter, que je nepus comparer à rien de semblable. Je ne constatai lamême chose que plus tard, chez un garçon possédéqui se croyait empoisonné. Dans tous ces cas, commedans des cas analogues, le Nom de Jésus était vain-queur. Il suffisait parfois de citer simplement la pro-messe donnée dans Marc 16, ou les versets de Philip-piens 2 : 9-11 (« C’est pourquoi aussi Dieu l’a souve-rainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus toutgenou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous laterre, et que toute langue confesse que Jésus-Christest Seigneur, à la gloire de Dieu le Père »).

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CHAPITRE 12

La fin, attendue, de cette histoire, se produisit aucours de la période de Noël dernier, du 24 au 28 dé-cembre 1843, alors que tout ce qui s’était passé aupa-ravant semblait encore une fois s’accumuler. Le pireétait qu’à cette époque l’action des puissances desténèbres sembla s’étendre au frère à moitié aveugleet à une autre sœur de Gottliebin, Katharina.

J’eus donc à faire face à un combat désespéré con-cernant ces trois personnes, et l’on pouvait claire-ment constater les relations sur le plan intérieur. Ilne m’est plus possible de raconter tous les détails.Tout cela était trop complexe pour que je le garde enmémoire. Mais ce furent des jours que je ne voudraispas revivre. Car j’avais atteint le point où je dus met-tre tout en jeu, pour ainsi dire, comme s’il s’agissaitde vaincre ou de mourir.

Malgré l’intensité de mes efforts, je sentais uneprotection divine. Je n’éprouvais pas la moindre fati-gue ni attaque, pas même après quarante heures deveille, de jeûne et de combat.

Le frère fut le premier à recouvrer sa liberté, detelle manière qu’il put par la suite fournir une aideefficace. Les principales attaques ne concernaient pasGottliebin qui, après les combats précédents, sem-blait complètement libérée, mais sa sœur Katharina.Celle-ci n’avait jamais vécu ce genre d’expériencesauparavant. Mais elle devenait à présent tellement

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enragée que l’on ne pouvait la maîtriser qu’avec peine.Elle menaçait de me déchirer en mille morceaux, et jen’osais pas m’approcher d’elle. Elle tentait sans cessede déchirer son corps de ses propres mains, selonson expression, ou encore elle guettait autour d’elleavec malice, comme si elle voulait faire quelque chosed’horrible à ceux qui la tenaient. Tout en faisant cela,elle haletait et pleurnichait si violemment que l’onaurait cru que des milliers de contestataires vocifé-raient par sa bouche.

Ce qui était le plus frappant, c’était qu’elle restaitpleinement consciente. On pouvait parler avec elle.Elle nous faisait aussi de sévères recommandations,disant qu’il lui était impossible de parler ou d’agirautrement, et demandant qu’on la tienne bien ferme-ment, afin qu’elle ne cause aucun mal.

Elle conservait de tout ce qui s’était passé certainssouvenirs, même de ses affreuses tentatives de meur-tre, et cela la déprimait à un tel point que je dus m’oc-cuper particulièrement d’elle pendant plusieurs jours,jusqu’à ce que ses souvenirs se dissipent peu à peu,après avoir prié avec zèle et persévérance. En outre,le démon se fit entendre par sa bouche. Cette fois-ci,il ne se présenta pas comme l’esprit d’un homme dé-cédé, mais comme un ange noble de Satan, commeune autorité suprême de la magie, qui avait reçu touspouvoirs de Satan, et à l’initiative duquel ces œuvresdiaboliques avaient proliféré dans les directions lesplus diverses, pour l’avancement du royaume des té-nèbres. Mais c’est à lui à présent que le coup de grâcedevait être donné, en ce sens qu’il lui fallait mainte-

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nant aller dans l’abîme. A cause de cela, Gottliebindevait peu à peu être vidée de tout son sang.

Tout-à-coup, vers minuit, ce fut comme s’il voyaits’ouvrir devant lui l’abîme et la fournaise. Alors, àplusieurs reprises, un hurlement de désespoir sortitde la gorge de la sœur de Gottliebin. Ce hurlementdura bien un quart d’heure. Il était d’une puissanceà faire s’écrouler la maison. Rien n’était plus horri-ble, et la moitié des habitants du village n’ont pasmanqué d’entendre ce cri, non sans un effroi parti-culier.

Katharina fut saisie d’un tremblement si violentque tous ses membres furent secoués. Si ce démonsemblait incarner la peur et le désespoir, son obsti-nation n’était pas moins extraordinaire. Car il met-tait Dieu au défi d’accomplir un signe. Il prétendaitqu’il ne sortirait pas tant qu’un signe du ciel n’auraitpas ébranlé toute la localité. Il ne voulait pas abdi-quer aussi vulgairement que de simples esprits depécheurs, mais il lui fallait en quelque sorte aller enEnfer avec les honneurs. Il serait difficile de trouverpar ailleurs un tel mélange sinistre de désespoir, deméchanceté, d’obstination et d’orgueil. Cependant,dans le monde invisible, sa chute attendue semblaitse préparer de plus en plus rapidement.

Finalement, l’instant le plus saisissant se produi-sit. Il est impossible de se l’imaginer avec assez d’exac-titude, à moins d’en avoir été un témoin oculaire di-rect.

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A deux heures du matin, l’ange présumé de Satanpoussa un hurlement, et Katharina pencha en ar-rière sa tête et son thorax, contre le dossier de lachaise. Une voix que l’on n’aurait jamais pensé pou-voir sortir d’une gorge humaine se mit à hurler cesmots : « Jésus est vainqueur ! Jésus est vainqueur ! »

Ces mots résonnèrent au loin. Ils furent entenduspar de nombreuses personnes, leur laissant une im-pression inoubliable. A présent, la force et la puis-sance du démon semblaient brisées, chaque instantdavantage. Il devint plus calme et plus silencieux, fitde moins en moins de mouvements, et disparut fina-lement de manière imperceptible, comme s’éteint laflamme d’un mourant. Il était toutefois huit heuresdu matin.

Nous arrivions au moment où ce combat de deuxans touchait à sa fin. Je le sentais avec tellement decertitude et de précision que, le lendemain, un di-manche, au lieu de prêcher sur le cantique de Marie,je ne pus m’empêcher de faire remarquer ma joietriomphante.

Bien entendu, il resta encore certaines choses àrégler, mais ce n’étaient que les décombres d’un bâti-ment écroulé. Je n’ai presque plus eu à m’occuper dufrère à moitié aveugle, un homme modeste et hum-ble, et un chrétien très compréhensif qui avait beau-coup de foi et de force dans la prière. Les attaques deSatan contre lui n’ont guère été remarquées pard’autres personnes. Katharina eut encore de temps àautre des mouvements saccadés, dûs à son moralextrêmement atteint. Cependant, elle fut entièrement

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rétablie à son tour. Je voudrais aussi dire que ce quilui est arrivé ne fut connu de personne. Gottliebin futaussi l’objet d’un petit nombre de manifestations pen-dant quelque temps. Mais ce n’étaient que des essaisinfructueux des puissances des ténèbres, en rapportavec ce qui s’était passé. Cela ne retint pas beaucoupmon attention. Finalement, elle recouvra peu à peuune excellente santé. Toutes ses infirmités antérieu-res, bien connues des médecins, furent entièrementguéries, y compris sa côte déplacée, son pied pluscourt, ses maux d’estomac, etc. En outre, sa santé sefortifia et s’affermit de plus en plus. Depuis un bonmoment, l’on peut dire qu’elle est à tous points devue entièrement rétablie, ce qui est un véritable mi-racle de Dieu.

Ses sentiments chrétiens se sont également enri-chis d’une façon réjouissante. Son humilité tranquille,ses paroles solides et raisonnables, prononcées avecdécision et modestie, tout ceci lui permet d’être enbénédiction à beaucoup d’âmes.

La valeur de son caractère se démontre le mieuxen ceci qu’aucune personne du sexe féminin, à maconnaissance, ne saurait comme elle s’occuper desenfants avec autant de compréhension, d’amour, depatience et de soin. C’est pour cette raison que, le caséchéant, je lui confie mes enfants lorsque nous avonsbesoin d’aide, de préférence à toute autre personne.

L’année dernière, elle avait déjà travaillé commeenseignante de cours techniques, à la satisfaction detous. A ce propos, je regarde en arrière avec étonne-ment, et avec reconnaissance pour la providence et

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la protection divines, grâce auxquelles elle ne futmême pas contrainte de manquer un seul cours. Aprésent qu’une école maternelle doit s’ouvrir, je n’aipu trouver personne qui soit aussi douée queGoittliebin pour en prendre la responsabilité.

Möttlingen, le 11 août 1844,

Pasteur Johann Christian BLUMHARDT.

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POSTFACE

Six ans se sont déjà écoulés depuis la rédaction dece livre, et le lecteur sera sans doute très curieux desavoir comment se porte à présent Gottliebin.

Je dis tout simplement qu’elle est entrée à pleintemps chez moi comme le soutien le plus fidèle et leplus compréhensif de mon épouse, pour le ménage etl’éducation des enfants. Mon épouse peut lui confieret même lui déléguer absolument tout ce qui con-cerne la gestion de notre ménage, de petite ou degrande importance. Je préfère laisser à d’autres lesoin de témoigner de ce qu’elle représente dans notremaison et auprès des personnes qui nous fréquen-tent. Car je sais que quiconque fait sa connaissancene peut manquer d’annoncer partout l’estime et l’ap-probation suscitées par sa personne.

En outre, elle est aussi devenue une aide presqueirremplaçable pour moi, auprès de toutes les person-nes qui souffrent de troubles mentaux. Car ces per-sonnes éprouvent aussitôt une confiance sans me-sure pour elle, de sorte que je n’ai pas besoin de pas-ser beaucoup de temps avec elles.

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Par ailleurs, elle ne se trouve pas chez nous entant que domestique, car elle ne veut recevoir aucunsalaire pour tout ce qu’elle fait, mais elle se considèreet se sent comme adoptée par nous. Il en a été finale-ment de même avec sa sœur Katharina et son frère àmoitié aveugle, dont nous avons parlé plus haut.

Möttlingen, le 31 juillet 1850,

Pasteur Johann Christian BLUMHARDT