COLLECTION MONDE NOIR POCHE

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COLLECTION MONDE NOIR POCHE sous la direction de Jacques Chevrier

avec la collaboration de Paul Désalmand

L'étudiant de Soweto

MAOUNDOKINDOUBA

suivi de

Trop c'est trop PROTAIS ASSENG

théâtre (Ces deux pièces ont été primées lors du

neuvième Concours théâtral interafricain.)

@ HATIER-PARIS 1981 Reproduction interdite sous peine de poursuites Judiciaires

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Les pièces publiées dans ce volume ont été primées dans le cadre du CONCOURS THÉÂTRAL INTERAFRICAIN organisé par Radio France Internationale en union avec les radiodiffusions de 20 pays d'Afrique et de l'océan Indien. Fondé en 1967, le CONCOURS THÉÂTRAL INTERAFRICAIN a suscité depuis des milliers de candidatures. Plusieurs centaines de pièces ont été radiodiffusées et présentées sur scène. Plu- sieurs dizaines ont été publiées. Chaque concours — en 1981 se déroule le 11e — est doté de 10 000 francs français de récompenses. Le lauréat du Grand Prix bénéficie en outre d'une bourse d'études d'un an offerte par le ministère français de la Coopération et voit son oeuvre montée sur scène grâce au concours de l'Institut Culturel Africain. Depuis 1 980, un prix spécial « THÉÂTRE VIVANT » est ouvert aux troupes d'art dramatique qui peuvent faire acte de candida- ture en envoyant l'enregistrement d'un de leurs spectacles.

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A tous les jeunes de mon âge, Noirs d'Afrique australe, qui luttent pour la liberté. A Djégolmi M'Bairodbbee mon Ami.

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L'étudiant de Soweto

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PERSONNAGES

Mulubé Le taximan L'homme Andrews Le chauffeur Le directeur Michael Jack Un élève Un deuxième élève Un troisième élève Bakuolé Masséka Le commissaire L'inspecteur L'agent de police Whitehead N'Kounkou La voix du silence

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PREMIER TABLEAU

SCÈNE 1

(Au bord de la route menant de Soweto à johan- nesbourg. Mulubé tente d'arrêter les taxis qui pas- sent. Bruits de moteur des véhicules.)

MULUBÉ (hélant un taxi.)

Taxi ! Taxi ! Hé, taxi ! (Le taxi passe.)

Quel distrait, ce chauffeur ! Il ne surveille même pas le trottoir pour voir ses clients.

(Apercevant un autre taxi.)

En voici un autre. Bon, soyons prêt. Cette fois-ci, faisons de grands signes pour mieux attirer son attention. Taxi ! Taxi !

(Le taxi passe.) Oh ! ils sont tous pressés ce matin, ces taximen !

Je me demande si j'arriverai à temps au ministère de l'Éducation des Aborigènes.

(Apercevant un troisième taxi.)

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En voilà encore. Tentons toujours. Taxi ! Taxi ! (Le taxi s'arrête dans un

gémissement de pneus. Le chauffeur, un Blanc, passe la tête dehors et gronde.)

LE CHAUFFEUR (à Mulubé.)

Tu ne sais pas lire, toi, imbécile ? « White only » !

(Il démarre en trombe.) MULUBÉ

(l'injuriant.) Imbécile, toi-même ! Comme je vous hais,

salauds ! (Un homme qui sort

derrière lui vient lui don- ner une tape amicale sur l'épaule.)

L'HOMME Ne t'énerve pas, petit frère. Nous pouvons pren-

dre l'autocar tout à l'heure. Patientons un peu. (11 se présente.)

Je suis Andrews, ouvrier dans une usine de Gali. Et toi, petit frère ? Blanchisseur, balayeur, ou quoi ?

MULUBÉ Mulubé, étudiant à Soweto.

ANDREWS Hum ! Je vois. Tu ne vas pas à l'école ce matin,

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Mulubé ? Que vas-tu faire à Gali ? Des courses pour maman ?

MULUBÉ (ignorant.)

Gali ? ! ANDREWS

Mais oui, Gali. MULUBÉ

Quelle est encore cette ville, Papa Andrews ? ANDREWS

(étonné.) Tu ne connais pas Gali, mon enfant ? C'est très

vieux ce nom. Tous les Nègres connaissent Gali ! C'est le nom de Johannesbourg, donné par les ouvriers nègres. Nous préférons l'appeler ainsi en souvenir de nos souffrances et de nos peines dans les mines d'or qui ont servi à la construction de cette ville fabuleuse, avec ses gratte-ciel insolents.

MULUBÉ (confus et honteux.)

Mais oui... euh !... Vous avez raison... Je vais à Gali parce que je suis convoqué au ministère de l'Éducation des Aborigènes, voilà.

ANDREWS C'est mauvais signe, ça, mon enfant. As-tu au

moins une idée de cette convocation ? MULUBÉ

Pas le moins du monde, mais je le saurai bientôt.

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ANDREWS Tu ne serais pas Mulubé, le président de l'Union

générale des Élèves et Étudiants de Soweto ? MULUBÉ

C'est moi-même. Comment le sais-tu ? ANDREWS

Ma fille m'a souvent parlé de toi. Et pas plus tard qu'hier encore, elle disait : « Il faut que Mulubé fasse quelque chose... » Elle se plaignait beaucoup. Elle disait que les Blancs ont encore changé quel- que chose dans les écoles noires.

(Réfléchissant.) Qu'est-ce qu'elle a dit qu'on a changé... Attends :

on a changé... Enfin, comme je n'ai jamais été à l'école, je ne peux pas te dire exactement le mot qu'elle a prononcé.

MULUBÉ Les programmes d'enseignement ?

ANDREWS Ah ! C'est ça. Les programmes d'enseignement.

Qu'est-ce que cela veut dire, Mulubé ? MULUBÉ

Tu n'as pas demandé à ta fille ce que cela veut dire ?

ANDREWS Elle était complètement bouleversée, ma pauvre

fille. Elle avait pleuré toute la nuit. Sa mère et moi ne voulions pas la fatiguer davantage avec nos questions idiotes.

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MULUBÉ Ta fille a raison de pleurer, Andrews. Oui, avec

les nouveaux programmes, elle ne pourra jamais devenir la femme qu'elle voudrait tant devenir, c'est-à-dire celle qui égale la femme blanche en savoir. Tu comprends, maintenant ?

ANDREWS Je comprends. Qu'est-ce que vous comptez faire,

mes enfants ?

MULUBÉ Nous n'en savons rien encore. Tout dépendra de

l'entretien que j'aurai avec le directeur de l'Ensei- gnement des Aborigènes.

ANDREWS Ah ! Jusqu'où ira le machiavélisme des Blancs ?

Et nous qui comptions sur notre fille, ma femme et moi ! Nous souhaitions tant qu'elle devienne une grande dame. Tu comprends ? Une grande dame, au terme de ses études. Comme la fille du patron de notre usine !

MULUBÉ Vous avez raison de lui souhaiter un tel bon-

heur. Elle en a bien le droit. (Apercevant l'autocar.)

Ah ! Enfin ! Voilà l'autocar qui arrive. J'espère que c'est un « Black only » pour que nous n'ayons pas à essuyer une seconde injure.

(l'autocar s'arrête à leur niveau.)

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LE CHAUFFEUR (à Mulubé et Andrews.)

Vous allez à Johannesbourg ? MULUBÉ et ANDREWS

(ensemble.) Oui, oui.

LE CHAUFFEUR Dépêchez-vous.

(Ils montent. L'autocar repart.)

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SCÈNE 2

(A l'arrêt de l'autocar.) MULUBÉ

Nous devons nous séparer ici, Papa Andrews. Il faut que je me dépêche, car je suis déjà très en retard. Au revoir. Je suis content de te connaître.

ANDREWS Au revoir, Mulubé. Au revoir et merci.

(Ioin.) Sois très prudent avec les Blancs, petit frère.

MULUBÉ J'essaierai.

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SCÈNE 3

(Dans les couloirs de l'immeuble de l'Éducation nationale.)

MULUBÉ (seul.)

Enfin ! J'espère que je ne suis pas tellement en retard. Après tout, ce n'est pas ma faute.

(Lisant les inscriptions au- dessus des portes :)

« Direction de l'Enseignement Élémentaire : Blancs seulement. » Non, ce n'est pas ici.

(Un peu plus loin.) « Direction de l'Enseignement Secondaire :

Blancs seulement. » C'est à devenir fou. Heureuse- ment que j'ai des nerfs à toute épreuve.

(Se retournant.) Voyons là : « Direction de l'Enseignement des

Aborigènes : second degré. » Ah ! c'est ici. (Il frappe. Une voix de l'intérieur lui

crie d'entrer.)

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SCÈNE 4

(Dans le bureau du direc- teur de l'Enseignement.)

MULUBÉ (entrant.)

Bonjour, Monsieur ! LE DIRECTEUR

Ah ! tiens ! Bonjour, jeune homme. Vous êtes en retard. Remarquez, c'est inné chez vous, je veux dire, chez tous les Nègres. La notion du temps, ça n'existe pas. Le temps n'est jamais de l'argent pour vous.

MULUBÉ Qu'est-ce que vous voulez, Monsieur le Direc-

teur ? Lorsqu'on a des moyens de déplacement éti- quetés « Black only » qui se comptent au bout des doigts, ça n'arrange pas grand-chose.

LE DIRECTEUR Allez ! allez ! Je ne vous ai pas appelé pour

entendre vos plaintes. Asseyez-vous, je vous en prie.

MULUBÉ Merci.

LE DIRECTEUR Merci, Monsieur le Directeur, imbécile ! Vous

m'avez pris pour quelqu'un de votre racaille ?

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MULUBÉ (dominant sa colère, entre

ses dents.) Merci, Monsieur le Directeur.

LE DIRECTEUR Bien. C'est donc vous...

MULUBÉ Mulubé.

LE DIRECTEUR

C'est cela : Mulubé, président de l'Union géné- rale des Élèves et Étudiants de Soweto. Enchanté de faire votre connaissance. Mes félicitations, jeune homme. Il paraît que vous avez vraiment de l'auto- rité sur vos camarades : vous décidez et ils vous sui- vent. Je vous fais remarquer que quelquefois on suit bêtement. Il faut suivre parce que les autres suivent. Enfin ! Il y a quelques jours, le Gouverne- ment a décidé de réformer les programmes d'ensei- gnement dans les écoles noires.

MULUBÉ Nous le savons, oui.

LE DIRECTEUR Des rumeurs circulent, selon lesquelles des élè-

ves, principalement de Soweto, auraient boudé leurs nouveaux programmes.

MULUBÉ En effet, nous les avons estimés nuls et non ave-

nus.

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L'étudiant de Soweto. Mulubé, président dU' Syndicat des Étudiants de Soweto, refuse d'entrer dans le jeu de l'apartheid. Son héroïsme et son martyre seront non seulement un exemple pour ses frères mais ébranleront certains piliers du racisme.

Maoundoé NAÏNDOUBA, Tchadien de trente-trois ans, mène de front une carrière d'enseignant et d'écrivain. Auteur de deux nouvelles primées aux deuxième et quatrième Concours de la meilleure Nouvelle de Langue française, il est, aussi l'auteur de trois pièces de théâtre, la première étant L'étu- diant de Soweto primée au 9e Concours théâtral interafricain, organisé par Radio France Internationale.

Trop c'est trop. Un homme peut-il devenir « enceinte » ? Ressentant tous les symptômes de la grossesse, M. Bakony doit bien se rendre à l'évidence : il attend un enfant... Ce qui ne semble pas bouleverser sa femme, la très char- mante Bissabey qui a déjà donné douze héri- tiers à son mari.

Rien ne semblait destiner Protais ASSENG, ingénieur en condi- tionnement de l'air après avoir été cheminot et séminariste, à la littérature. Il écrit cependant depuis 1 969 pour le théâtre et cer- taines de ses pièces comme J'accuse ou Les funérailles d'As-Houran ont connu un véritable succès avant que Trop c'est trop déchaîne les passions entre féministes et antiféministes. Ce Camerounais de trente-cinq ans est également l'auteur de nou- velles.

Diffusion

Belgique : Didier Hatier, 18, rue Antoine-Labarre, 1050 Bruxelles Canada : HMH, 7360 bd Newman, Ville Lasalle, Québec H8N 1X2 Cameroun : Les Éditions Africaines, B.P. 4039, Douala Côte d'Ivoire : CEDA, 04 B.P. 541, Abidjan 04 Hatier Guadeloupe : B.P. 30, 97190 Le Gosier Haïti : Éditions Caraïbes, B.P. 2013, Lalue Port-au-Prince Hatier Martinique : 32, rue Schoelcher, 97203 Fort-de-France Zaïre : CECAF, B.P. 7837, Kinshasa Suisse : FOMA, 5, avenue Longmalle, 1020 Renens Lausanne France et autres pays : Hatier, 59, bd Raspail, 75006 Paris

ISBN 2-21 8-05747-6

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