École et famille(s) Les parents La famille REBOUL …...École et famille(s) Le XIXème siècle...

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École et famille(s) La relation école/famille s'inscrit dans un contexte politique particulier où il est nécessaire d' « arracher » les enfants à leur famille et à la toute puissance de l’Église pour les faire accéder à l'universel. Définitions : Les parents correspondent aux géniteurs, aux responsables légaux. Au point de vue scolaire, les parents sont aussi les élus, légitimes dans les différentes instances des collèges et lycées. La famille est constituée de l'ensemble des personnes qui entourent l'enfant, capables de lui apporter aide et soutien au niveau de son développement personnel, de son intégration sociale, de son parcours scolaire... C'est aussi une institution, au sens où elle répond aux trois caractéristiques que définit OLIVIER REBOUL (Les valeurs de l'éducation) : c'est une réalité sociale qui dispose d'une certaine autonomie, qui est stable dans le sens où elle préexiste à ses membres, et qui est contraignante, puisqu'elle exerce une autorité sur ses membres et limite leur liberté, tout en résistant aux pressions externes. Elle possède aussi un ancrage historique et sociologique : toutes les sociétés n'ont pas la même définition. C'est également une notion juridique : des relais familiaux sont possibles pour les parents défaillants, par transfert d'autorité. Les notions de parents et famille sont l'objet de connotations. Dans les études sociologiques ou autres rapports, les familles sont souvent connotées de façon négative. Alors que les parents sont considérés comme des partenaires de l'école et semblent être plus en phase avec les attentes de l'institution, les familles doivent être aidées, accompagnées, notamment les familles issues des milieux populaires. Enfant, adolescent, élève : évolution des représentations sociales de la jeunesse : Conception de l'élève et du jeune s'est progressivement transformée. Il faut attendre la fin du XVIIème siècle pour qu'apparaisse la catégorie jeunesse et que l'on emploi le terme adolescent. OLIVIER GALLAND (Sociologie de la jeunesse), distingue 4 étapes majeures caractérisant cette évolution des représentations sociales de la jeunesse. Première étape : la jeunesse dans son rapport de filiation : Sous l'ancien régime, les jeunes sont représentés dans leur rapport de filiation. Ils sont avant tout fils de, ce qui met en avant leur dépendance à l'égard des parents. Dans cette situation de mise sous tutelle, les jeunes n'ont quasiment pas d'autonomie. C'est la figure paternelle qui fait autorité et le jeune se retrouve ainsi en situation de dépendance et d'attente. La jeunesse apparaît avant tout comme le privilège de l'aristocratie, c'est une période suspensive, un temps d'attente. Pour les autres individus, enfants de paysans ou d'ouvriers, on passe très vite de l'enfance au monde des adultes. Deuxième étape : la jeunesse dans son rapport éducatif : C'est au siècle des Lumières que l'emportement juvénile va laisser place à une jeunesse plus studieuse. Le jeune n'est plus considéré comme un individu frivole mais comme un être à éduquer. Les jeunes sont désormais considérés comme des êtres plus autonomes, portés par une volonté d'accomplissement personnel. De nouvelles pratiques pédagogiques vont être initiées qui, à l'instar de Rousseau, s'appuient sur les goûts et la sensibilité propres à l'enfant pour faire naître chez lui la curiosité, développer son sens de l'observation et le rendre progressivement acteur de son savoir. Chaque jeune doit pouvoir puiser en lui les ressources de son apprentissage. Troisième étape : la jeunesse dans son rapport de générations :

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École et famille(s)

La relation école/famille s'inscrit dans un contexte politique particulier où il est nécessaire

d' « arracher » les enfants à leur famille et à la toute puissance de l’Église pour les faire accéder à

l'universel.

Définitions :

Les parents correspondent aux géniteurs, aux responsables légaux. Au point de vue scolaire, les

parents sont aussi les élus, légitimes dans les différentes instances des collèges et lycées.

La famille est constituée de l'ensemble des personnes qui entourent l'enfant, capables de lui

apporter aide et soutien au niveau de son développement personnel, de son intégration sociale, de

son parcours scolaire...

C'est aussi une institution, au sens où elle répond aux trois caractéristiques que définit OLIVIER

REBOUL (Les valeurs de l'éducation) : c'est une réalité sociale qui dispose d'une certaine

autonomie, qui est stable dans le sens où elle préexiste à ses membres, et qui est contraignante,

puisqu'elle exerce une autorité sur ses membres et limite leur liberté, tout en résistant aux pressions

externes.

Elle possède aussi un ancrage historique et sociologique : toutes les sociétés n'ont pas la même

définition. C'est également une notion juridique : des relais familiaux sont possibles pour les parents

défaillants, par transfert d'autorité.

Les notions de parents et famille sont l'objet de connotations. Dans les études sociologiques ou

autres rapports, les familles sont souvent connotées de façon négative. Alors que les parents sont

considérés comme des partenaires de l'école et semblent être plus en phase avec les attentes de

l'institution, les familles doivent être aidées, accompagnées, notamment les familles issues des

milieux populaires.

Enfant, adolescent, élève : évolution des représentations sociales de la jeunesse :

Conception de l'élève et du jeune s'est progressivement transformée. Il faut attendre la fin du

XVIIème siècle pour qu'apparaisse la catégorie jeunesse et que l'on emploi le terme adolescent.

OLIVIER GALLAND (Sociologie de la jeunesse), distingue 4 étapes majeures caractérisant cette

évolution des représentations sociales de la jeunesse.

Première étape : la jeunesse dans son rapport de filiation :

Sous l'ancien régime, les jeunes sont représentés dans leur rapport de filiation. Ils sont avant tout

fils de, ce qui met en avant leur dépendance à l'égard des parents. Dans cette situation de mise sous

tutelle, les jeunes n'ont quasiment pas d'autonomie. C'est la figure paternelle qui fait autorité et le

jeune se retrouve ainsi en situation de dépendance et d'attente.

La jeunesse apparaît avant tout comme le privilège de l'aristocratie, c'est une période suspensive, un

temps d'attente. Pour les autres individus, enfants de paysans ou d'ouvriers, on passe très vite de

l'enfance au monde des adultes.

Deuxième étape : la jeunesse dans son rapport éducatif :

C'est au siècle des Lumières que l'emportement juvénile va laisser place à une jeunesse plus

studieuse. Le jeune n'est plus considéré comme un individu frivole mais comme un être à éduquer.

Les jeunes sont désormais considérés comme des êtres plus autonomes, portés par une volonté

d'accomplissement personnel. De nouvelles pratiques pédagogiques vont être initiées qui, à l'instar

de Rousseau, s'appuient sur les goûts et la sensibilité propres à l'enfant pour faire naître chez lui la

curiosité, développer son sens de l'observation et le rendre progressivement acteur de son savoir.

Chaque jeune doit pouvoir puiser en lui les ressources de son apprentissage.

Troisième étape : la jeunesse dans son rapport de générations :

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École et famille(s)

Le XIXème siècle développe un autre type de rapport. La première partie du siècle voit l'expression

d'un individualisme juvénile, lié aux valeurs du Romantisme, telles que l'exaltation des sentiments,

et qui se construit en opposition aux parents ; et la deuxième partie voit un retour à une jeunesse

plus encadrée, à la fois par la famille mais aussi par l'école qui va véhiculer des valeurs d'intégration

sociale et d'unité nationale. La jeunesse va de plus en plus devenir un enjeu social et politique ; dans

cette perspective, la présence de l'école, comme moyen de contrôle social, va s'accentuer davantage.

Quatrième étape : la jeunesse et l'invention de l'adolescence :

C'est à l'extrême fin du XIXème puis au début du Xxème que va se poursuivre l'action unificatrice

de l'école Républicaine. Parallèlement, des recherches vont apporter de nouvelles connaissances sur

la jeunesse. Celle-ci va progressivement être perçue différemment , grâce à l'essor des sciences

sociales et en particulier au développement de la psychologie.

La famille : une institution éducative :

« La naissance de la famille moderne »

La famille traditionnelle, selon SHORTER, correspondait plus à « une unité de production et de

reproduction » qu'à une unité affective.

Vers la fin du XVIIème, la famille traditionnelle laisse place à la famille nucléaire, en lien avec les

nouveaux modes de vie qui se développent par le biais de l'industrialisation croissante, la montée du

capitalisme et l'essor de l'habitat urbain. La famille se resserre sur les parents et leurs enfants. Ce

noyau fort souhaite vivre dans un climat affectif privilégié, à l'abri de toute intrusion extérieure.

Dans cette perspective, le sentiment, selon l'auteur, correspond à « une volonté de procéder à une

redistribution des priorités à travers sa vie, en sorte que les liens affectifs avec d'autres viennent

occuper le sommet de la liste, au détriment d'objectifs plus traditionnels ». Cette redistribution des

priorités s'effectue dans trois domaines : le choix du conjoint ; la qualité de la relation mère-enfant ;

le développement des notions de foyer et de maisonnée.

Notion de famille nucléaire mise à mal à la fin des années 1960. On observe un bouleversement des

relations intergénérationnelles, les jeunes prenant de la distance par rapport aux valeurs parentales

et en particulier par rapport à l'autorité parentale.

La famille et l'école :

Dubet analyse dans Ecole familles le malentendu, la fragilité de la relation parents/enseignants.

La « faute aux parents » consiste, dans le discours enseignant à rejeter les difficultés des élèves sur

les parents.

Pour éviter les tensions, tout est une question d'équilibre dans les relations, de « bonne distance » à

respecter.

Selon Dubet et Martuccelli (A l'école. Sociologie de l'expérience scolaire), les parents des

quartiers populaires tendent à établir « une distance de rôle et de fonction » entre les enseignants et

eux. Ces parents restent confiants dans la mission affichée de l'école, mais ils sont parallélement sur

la défensive. Dubet indique que « cette attitude est d'autant plus forte au collège que les règles

implicites de la sélection sont mal connues. » La confiance peut alors se transformer en défiance :

tout devient suspect. Cette défiance est plus vive aujourd'hui car ils sont d'anciens élèves de l'école

de masse et, s'ils appartiennent aux classes populaires, c'est aussi parce qu'ils ont échoué à l'école.

Les parents de classes moyennes se présentent comme des personnes compétentes. La plupart ont

d'ailleurs réussi à l'école et en connaissant les rouages. Ils apportent à leurs enfants à la fois une

culture proche de la culture scolaire mais aussi un discours et une aide qui permettent aux enfants

de mieux appréhender le curriculum caché.

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Vers un nouveau contrat parents-enseignants :

Titre emprunté à Philippe Meirieu, qui introduit de nouvelles perspectives de travail et de

collaboration. L'auteur propose de solliciter les parents d'élèves sur les questions scolaires, d'abord

en tant que citoyens avant de l'être en tant que parents. Dans cette optique il invite les parents à

n'intervenir que pour représenter les intérêts des autres parents. Il souhaite aussi « la reconstruction

de la cité scolaire comme une cité de droit » dans laquelle les différents interlocuteurs pourraient se

mettre autour de la table pour échanger leurs points de vue et se mettre d'accord.

Liens avec le métier de CPE :

Le CPE a le souci du bien-être de l'élève dans l'établissement. Cette préoccupation lui est d'ailleurs

parfois reprochée dans la mesure où il s'attache à traiter les cas individuels alors que la classe est

davantage fondée sur une dynamique collective.

Il semble pourtant nécessaire de concilier la dimension collective qu'offre l'école (pour que les

élèves apprennent à se décentrer, à partager, et à renoncer à leurs particularités égoïstes), à la

dimension plus individuelle (pour éviter ici que l'élève se sente un être anonyme, perdu dans la

foule des nombreux élèves, et qu'il puisse exprimer ses difficultés, ses besoins plutôt que de les

vivre douloureusement).

Pour autant, le CPE, en restant à l'écoute des jeunes et de leurs parents, ne doit pas

« psychologiser » les relations ; sa mission est au contraire de proposer aux jeunes des outils

réflexifs pour qu'ils puissent accéder à l'autonomie.

Ainsi, la relation école/famille doit toujours s'efforcer d'inclure l'élève pour qu'il soit véritablement

acteur de sa scolarité.

Deuxième cours :

Selon ANTOINE PROST, les relations avec la famille et l'école ont toujours été conflictuelles.

Cette école s'est en grande partie construite contre les familles et en les maintenant hors de l'école ;

en tentant d'une certaine manière de prendre la place des familles dans l'école.

DURKHEIM va étudier la façon dont on justifie la mise à l'écart des familles hors de l'école.

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On va voir que petit à petit les familles se sont rapprochées de l'école (parents d'élèves, contestation

des décisions du conseil de classe, membres du CA). Cette évolution se fait en parallèle de

l'évolution de la place de l'école dans la société.

Aujourd'hui, il est de plus en plus important d'obtenir des diplômes pour espérer avoir un emploi.

L'école devient donc de plus en plus importante, ainsi sa durée d'obligation augmente...

Aujourd'hui la durée moyenne de sortie du système scolaire est fixée à plus de 20ans, donc un

temps passé dans l'école qui ne cesse d'augmenter, et une école qui prend de plus en plus

d'importance dans la vie des individus.

Depuis une 2Oaine d'année : compétition scolaire qui a d'abord touché les classes moyennes, mais

qui touche également aujourd'hui, compte tenu du contexte socio- économique, une grande partie

des classes populaires, qui craignent pour leurs enfants un échec scolaire. Cette angoisse est

exacerbée par les métamorphoses de la famille (famille recomposée, souche, monoparentale,

nucléaire).

Le rôle de chaque parent est également moins normé qu'auparavant.

L'enfant est sujet à débat et également friction entre école et famille, il y a parfois des

incompréhensions entre les enseignants, les CPE et les parents.

Evolution histoirique et sociologique des rapports école/famille :

La famille se définit sur le plan sociologique comme étant un ensemble de personnes unies par

des liens de parenté. Autour de la parenté il y a une triple relation essentiellement sociale :

- Relation de mariage : « l’alliance »,

- Relation de filiation entre parents et enfants,

- Relation entre germains (frère, sœur, cousin et cousine)

Pour l’Ecole, trois significations sont prépondérantes :

- Système global d’instruction : l’état de l’école en France,

- Lieu d’enseignement (établissement, bâtisse),

- Education, études, enseignement, formation : être à l’école de la vie ; poursuivre l’école,

réussir à l’école…

On mobilise plusieurs représentations sociales qui sont partagées par l'ensemble d'un groupe social

et l'ensemble d'une nation. Ces représentations se repartissent autour de 3 axes :

- l'école qui est le creuset de la nation, ce qui signifie que l'école a pour mission de rassembler tous

les élèves, d'en faire des citoyens.

- l'axe des savoirs, lieu où on éduque, on transmet des savoirs.

- fonction économique de l'école, l'école prépare à la vie professionnelle. CHEVENEMENT crée

le bac pro en 1985.

L'un des rôles principaux de l'école va être de créer une langue commune et un sentiment

d'appartenance à la nation.

L'école et la famille se trouve face à face dès l'institution de l'école de JULES FERRY.

François Dubet, Ecole, famille, le malentendu, 1997 : il explique que l'école Républicaine voit le

jour dans un contexte bien particulier, après la défaite de 1870 avec la perte de la Moselle, l'Alsace

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et la Lorraine. C'est un choc pour la France car on s'aperçoit que la nation française qui est

considérée comme une, peut être divisée. L’école Républicaine est donc créée au moment où la

France est déchirée et connaît un besoin d’unité nationale.

Durkheim pense que l'école doit créer un être nouveau, un être éduqué capable de s'adapter aux

mœurs, aux coutumes, un être ayant intégré les normes de la société dans laquelle il vit. Pour y

arriver l'école doit être unique. Pendant les premières années les enfants doivent recevoir le même

enseignement de base (socle de connaissances) et ensuite être orientés en fonction de leurs aptitudes,

leurs goûts. Il imagine un monde parfait où dans l'école n'interviendrait que les aptitudes de l'enfant.

Il explique que si l'école doit éduquer les enfants, c'est parce que les familles et en particulier les

mères, ne sont pas capables de mener cette action à bien, parce qu'elle sont trop sentimentales, elles

ne sont pas capables d'intégrer des règles et des normes auxquelles elles se tiendraient.

Il insiste sur l'éducation morale (publication d'un livre en 1902 : l'éducation morale). Dans ce livre il

essaye de montrer comment on peut inculquer aux enfants une morale républicaine qui est

concurrente de la morale chrétienne ; cette morale ne doit donc pas s'appuyer sur des principes

religieux, pour lui elle doit s'appuyer sur la raison, c'est à dire qu'il fait appel aux préceptes des

philosophes des Lumières qui se sont penchés sur l'éducation (Rousseau par exemple).

Il définit trois éléments de moralité (principes moraux que l'école doit transmettre) :

- l'apprentissage de l'esprit de discipline, goût de la régularité afin de permettre à l'enfant de ne

pas tomber dans un état d'anomie (absence de règle claire). L'école est là pour redonner aux enfants

quelques règles claires de comportement.

- l'attachement aux groupes ; puisque l'homme (pour Durkheim) n'est complet que s'il est un être

social et que s'il dépasse son égoïsme et ses intérêts particuliers, au profit de l'intérêt collectif.

- l'autonomie de la volonté, il ne veut pas que les enfants obéissent bêtement, ils doivent être

capable de prendre de la distance par rapport à ce qu'on leur demande, ils doivent pouvoir adhérer

librement aux règles et aux normes de la société.

Durkheim est dans une logique d'école mythifiée, l'école de la République est une école qui se veut

aveugle aux différences (port des blouses qui ont pour but de masquer les différences d'habillement

entre les enfants) ; on cherche à maintenir, hors de l'école ,tout ce qui constitue le quotidien de

l'enfant, comme si l'élève n'était qu'un élève et pas un enfant.

L'école républicaine est basée sur la méritocratie.

Il y a donc un barrage entre l'école et la famille ; les familles doivent faire entièrement confiance à

l'école, on ne les consulte pas sur l'orientation des enfants ; cependant certaines familles

particulièrement dans le milieu rural font une sorte de résistance à l'école.

Le choix de la neutralité vis-à-vis des religions par Jules Ferry, se trouve aussi justifié par cette

défiance vis-à-vis des familles, qui sont soupçonnées d’entraver les actions de l’école car trop

dépendantes de l'église. Par une instruction primaire unique, publique, obligatoire et laïque pour

tous les enfants résidant sur le territoire français, quelque soit leur sexe, leur religion, leur origine

sociale, Jules Ferry vise spécialement une instruction morale et civique, en plus de la transmission

des connaissances, c’est d’ailleurs ce qu’il rappelle dans « La lettre aux Instituteurs », circulaire

de Novembre 1883.

De Singly, L'école, la famille et l'individualisation, 2000 dans ce livre il explique que l'institution

de l'école obligatoire remet en cause l'autorité paternelle puisque l'école rentre à partir des années

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80 en concurrence avec les parents pour ce qui est de l'éducation des enfants.

Jusque là la famille jouait un rôle essentiel dans la structuration de la société; elle avait surtout pour

rôle de transmettre un capital économique, et d'assurer la place des individus dans la société.

Il explique que maintenant il est possible de s'élever dans la hiérarchie sociale grâce à l'obtention

des diplômes.

Petit à petit l'école va transformer les logiques de transmission des positions sociales ; mais obtenir

un diplôme n'est pas complètement indépendant de la position de vos parents.

Bourdieu en 1970 publie La reproduction ; dans ce livre il s'interroge sur la façon dont les

hiérarchies sociales se reproduisent et sur le rôle que l'école joue dans cette reproduction. Il tente de

comprendre les statistiques des années 60 sur la réussite à l'école ; elles montrent que la probabilité

de passer en 6eme quand on est en CM2 dépend moins des notes obtenues en CM2 que du métier

exercé par les parents, et en particulier la catégorie socio-professionnelle du père, que du sexe de

l'enfant et lieu géographique. Les notes arrivent donc en quatrième position.

L'une des explications est que les familles jouent un rôle, elle transmettent un capital économique

mais aussi un capital culturel et un capital social.

Le capital culturel : toute la culture sous toutes ces formes, qui peut exister dans une famille (livre,

tableau, musique...), façon de parler... Ce capital culturel est valorisé à l'école ; les enseignants

jugent les enfants sur leur capacité à manier la langue française, leur capacité à s'exprimer de

manière précise, leur manière de se tenir corporellement... Capital transmis par la famille mais joue

un rôle important dans la réussite à l'école.

Le capital social : c'est l'ensemble des relations que la famille entretient et peut mobiliser pour

intervenir dans la vie de ses membres .

Ce capital social va aider les enfants issus des milieux les plus privilégiés et cela va ouvrir l'espace

des possibles (selon Bourdieu)

Pour Bourdieu ces trois types de capitaux vont jouer de manière différente en fonction de la

composition du capital. Cela explique en partie pourquoi certains réussissent mieux que d'autres à

l'école.

A partir du moment où l'école commence à jouer un rôle central dans la société elle va participer à

la transformation générale de la société car elle va permettre une augmentation des niveaux de

qualifications, elle va répondre à des besoins de la société française.

Le diplôme est ce que BOURDIEU appelle le capital culturel institutionnalisé, qui valide le capital

culturel. L'école a d'ailleurs tendance à valider et même à sanctionner le capital culturel des élèves.

Entrée des familles dans l'école :

L’école a longtemps été considérée comme un sanctuaire. Les seules relations entre l’école et les

familles étaient des relations formelles et intangibles: le carnet de notes, le bulletin trimestriel avec

les annotations des professeurs, la convocation des parents ou leur signature en bas d’un devoir ou

d’une punition.

La première étape qui a permis aux familles de rentrer dans l'école est un premier dispositif

d'orientation professionnel (fin années 20) dispositif qui avait pour but de permettre aux enfants de

trouver des repères et savoir vers quoi se diriger (BINET création du QI).

La deuxième étape à l'origine du changement des relations avec les familles est la gratuité du

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système secondaire. A partir du début des années 30 cela devient gratuit car la crise de 29 a eu pour

conséquence le besoin de faire des économies, donc diminution de 10% du salaire des

fonctionnaires et regroupement des classes (6eme 5eme et cours complémentaire). Le résultat a été

une ruée sur les classes de 6ème, un doublement des effectifs d'une année sur l'autre avec une

impossibilité à gérer. On va donc inventer en 1931 le premier examen d'entrée en 6ème ; ainsi on ne

rentre plus en 6ème selon un critère économique et mais selon un critère de réussite. Cet examen est

relativement sélectif car à la veille de la guerre il y a moins de 10% des élèves qui rentrent en 6ème.

Cela permet surtout aux familles moins aisées d'envisager une ascension sociale de leur enfant par

le biais des études. C'est de début de la démocratisation de l'enseignement secondaire qui est bien

basée sur la méritocratie républicaine.

A partir de la 2de guerre mondiale les choses vont s’accélérer. Il va se créer des associations de

parents d'élèves (FCPE, PEP) qui sont régit par la loi de 1901 et elles commencent à protester

contre les décisions prisent à l'école contre leurs enfants.

On va donc voir une demande d'école se développer et cette demander va rencontrer une oreille

assez attentive de la part du service public qui va multiplier les réformes pour permettre une

démocratisation de l'enseignement.

1959 réforme Berthouin qui tente de créer un collège unique

1963 réforme Capelle Fouchet qui créée un collège unique mais avec des sections qui existent

encore en 4ème 3ème

1975 réforme Haby qui créee réellement le collège unique, plus de sections au collège (mais il y a

des options donc cela ne change pas grand chose).

Circulaires et décrets sur la relation école/ famille

Ce n’est qu’après mai 1968 qu’une démarche de participation est engagée au niveau des

établissements scolaires. Le décret du 8 novembre 1968 introduit dans l’enseignement secondaire

deux représentants des parents d’élèves et deux représentants des élèves dans les conseils de classe,

mais aussi au niveau du conseil d’administration. En 1977, les parents sont admis au conseil

d’école.

Apparaissent une série de textes officiels qui rédigent le droit des parents, qui vont entraîner une

intégration des familles à l’école de plus en plus marquée :

- Le 07 Septembre 1981, une note ministérielle rappelle aux enseignants que les relations

avec les familles font parties de leur travail,

- En 1985, les parents obtiennent le droit de refuser l’orientation décidée en conseil de classe.

Avant si un enfant se voyait attribuer un redoublement, les parents ne pouvaient manifester aucune

opposition, leur seul recours était de faire passer le cas de leur enfant en examen d’appel.

- Le 10 Juillet 1989 : la loi d’orientation de 1989 de Lionel Jospin, inclus les parents comme

membres à part entière de la communauté éducative : instauration de la coéducation, ils peuvent

participer au projet d’établissement, et sont invités à participer au CESC (comité d’éducation à la

santé et à la citoyenneté) et au conseil de discipline. Ils deviennent des interlocuteurs de l’école.

Cette place résulte du droit de l’usager à être représenté dans l’école comme dans toutes les

institutions.

- Circulaire de 1998 et de 2000 : renforcent la place des parents d’élèves dans l’école, en

instituant des réseaux d’appui et d’écoute et en donnant des locaux pour les réunions des

associations des parents d’élèves.

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École et famille(s)

- B.O. n°32 du 16 septembre 1999 : semaine des parents à l’école : Ce texte fixe les

modalités d'organisation d'un partenariat école-familles, la semaine des parents à l'école. Ce

dispositif vise une meilleure information des parents sur la scolarité de leurs enfants.

- B.O. n°31 du 31 août 2006 : le rôle et la place des parents à l'école : la circulaire n° 2006-

137 du 25/08/2006 et le décret n°2006-935 du 28 Juillet 2006, rappellent l'importance de soutenir

et renforcer les relations entre l’institution scolaire et les familles. Rappelle les modalités d'élections

des représentants des parents d'élèves au conseil d'école.

- Décret n° 2006-1104 du 1 septembre 2006 relatif au contrat de responsabilité parentale :

Décret créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. Fixe les modalités

de création et d'application du contrat de responsabilité parentale.

- Bulletin officiel n° 31 du 31 juillet 2008 - Relations École-famille : opération

expérimentale « Ouvrir l’École aux parents pour réussir l’intégration » : circulaire expliquant

l'opération expérimentale d'ouverture de l'école destinée aux parents d’élèves étrangers ou immigrés.

Elle vise à familiariser ces parents avec l’institution scolaire.

- Circulaire du 01 Mai 2010, elle fixe les modalités d'intervention des associations de

parents d'élèves dans les établissements scolaires du premier et du second degré.

- Mallette des parents : Circulaire n° 2010-106 du 15 juillet 2010 visant à nouer et renforcer

les liens avec les parents pour construire un véritable partenariat entre l'institution scolaire et les

parents de collégiens de sixième. Ce dispositif contribue par ailleurs à la prévention de

l'absentéisme et de la violence à l'école.

bilan controversé :

Les différentes réformes obligent les enseignants à avoir des contacts et à créer une coéducation

même s’ils n’en ont pas envie, avec les familles. De plus, on constate des problèmes de

communication avec des familles qui ne viennent pas à l’école et des enseignants qui ne vont pas

non plus vers les familles. Le malentendu qui a pris forme entre les deux parties à partir de la

seconde guerre mondiale persiste et a pris de l‘ampleur, et ce malgré les injonctions de l’Education

nationale pour un rapprochement entre famille et école. On constate en effet une résistance des deux

pseudos partenaires à ce rapprochement, du fait d’attentes différentes et toujours non explicitées

entre les deux parties. Pour De Singly, ecole famille je t'aime moi non plus, le conflit entre l’école

et la famille tient dans la définition réciproque des rôles attribués à chacun dans l’éducation de

l’enfant. Pour lui, l’école, comme la famille souhaitent que ce soit l’autre qui assume la relation

d’autorité, considérée par les deux parties comme ingrate. Pour Dubet,école famille le

malentendu la rivalité entre les deux s’établit autour de la propriété de l’enfant, c’est-à-dire que

l’école voudrait s’approprier uniquement la partie de l’enfant qui relève de l’élève, autrement dit, se

charger uniquement de la transmission des savoirs tandis que l’autorité serait exercée par les parents.

Il y a donc une attente du corps enseignant vis-à-vis des parents qui consiste en un investissement

plus important dans la scolarité de leur enfant, avec un suivi du travail scolaire, une vérification des

devoirs et des notes. La famille quant à elle, souhaite gérer seule le côté affectif et déléguer le reste

à l’école. Finalement, ce qui rentre en conflit ici, c’est l’intérêt individuel des familles et l’intérêt

collectif de l’école.

En dec 2010, la revue Diversité n°163 faisait un bilan des différentes réformes en direction de la

famille. Bilan positif grâce à deux actions qui constituaient de véritables attentes de la part des

parents, elles permettent de mieux entendre, connaître les parents d'élèves, et leur faire changer de

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École et famille(s)

regard sur l'institution scolaire.

- ouverture de l'école au parents pour favoriser l'intégration

- la mallette des parents

L'idée étant qu'un meilleur partenariat et communication entraîne une amélioration des résultats

scolaire, une diminution de l'absentéisme, une amélioration du climat scolaire.

Les approches sociologies actuelles sur les relations famille-école :

Relations qui demeurent très compliquées. En sociologie on utilise pas le terme de "famille".

Glasman a publié en 2011 Parents ou famille, critique d'un vocabulaire générique, dans cet

article il s'interroge sur l'utilisation du mot parent ou famille.

Parent mot qui défini un rôle précis ; les parents doivent remplir vis à vis des enfants un ensemble

de tache matérielle ou symbolique qui prépare l'enfant à fréquenter l’école et à le transformer en

élève. si ils y arrivent l'école les juge digne d'etre parents et d'être partenaire à part entière

A la différence des familles qui n'ont pas de rôle fonction véritablement reconnu par l'école ; c'est

un groupe étranger à l'école et qui est perçu comme porteur de conflit, qui parait hostile aux

enseignant.

Selon Glasman du point de vue de l'école les familles représentent l'état de nature et les parents

l'état de culture.

Bourdieu et Passeron, les héritiers, 1964, s’intéressent aux étudiants et s'aperçoivent que parmi

leurs étudiants il y a une forte différenciation en fonction des origines sociales, pour ce qui est de

l'orientation, une différenciation au niveau du sexe. Ils s'aperçoivent que le capital culturel des

étudiants issus des milieux défavorisés est moins fourni que celui des étudiants favorisés.

Selon eux, la sélection à l'école se fait de manière peu visible, elle se fait sur des savoirs qu'on

n'acquiert pas à l'école ; ces savoirs sont toujours peu explicités.

Il existe encore aujourd'hui un certain déterminisme social dont les enseignants sont conscients,

sans que pour autant soit réellement mis en place de remédiation, en tout cas au niveau du collège.

Travaux de Viviane Isambert-Jamati, école famille : je t'aime moi non plus, 2000, elle montre

que l'engagement des enseignants peut faire bouger ce déterminisme par la mise en place de groupe

de travail, réflexion sur la pédagogie, le type de devoirs demandés. La question fondamentale, pour

elle, est la question du sens, le sens de l'école pour ces enfants, comment faire pour que les élèves

assimilent les infos que l'école leurs transmet et comment faire pour qu'ils arrivent à construire, à

partir de ces infos, un tout qui est une cohérence, un sens, qui soit appropriable et réutilisable.

En 1936, l’enquête Carnegie avait montré les écarts de notation entre les correcteurs du

baccalauréat, quelque soit la discipline concernée. D’une manière plus générale, psychologues et

sociologues ont étudié les multiples biais qui influent sur le jugement professoral, parmi ceux-ci

Pierre Merle retient l’identité sociale de l’élève : les filles et les enfants de milieux sociaux élevés

ont tendance à être les mieux notés. Ceci prouve bien qu’autre chose que le résultat est pris en

compte. Pour P. PERRENOUD amener les enseignants à identifier les logiques plus ou moins

inconscientes qui organisent leurs prises de décisions est une composante indispensable de leur

formation.

La démission des parents ?

L'observateur des inégalités (site internet ; conf de Daniel Verba...) montre que toutes les

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École et famille(s)

familles ne sont pas démissionnaires, indifférentes, irresponsables à la scolarité de leurs enfants,

mais en revanche elles sont souvent en décalage avec les attentes des enseignants. Souvent elles

subissent des contraintes qui ne sont pas compatibles avec les exigences des enseignants.

La capacité des parents à participer aux devoirs est une grande difficulté, pour aider les enfants il

faut être allé à l'école et ce n'est pas le cas pour tous les parents.

Il y a un malentendu, s'impliquer dans la scolarité des enfants ne signifie pas la même chose pour

les parents et pour les enseignants.

Les prof attendent que les parents se transforme en entraîneur, expliquent ce que les enfants n'ont

pas compris, aident à faire les devoirs sans les faire à la place de l'enfant. Pour les parents c'est

souvent difficile voire impossible. S'impliquer dans certains cas signifie juste amener à l'école ;

l'investissement peut aussi être matériel (achat d'encyclopédies, ordinateurs pour que les enfants

"réussissent" à l'école).

Confrontation sans cesse avec ces malentendu qui reposent sur un scolaro-centrisme des

enseignants, et sur le défaut de socialisation scolaire des parents des milieux populaires.

Quant aux familles introuvables, elles ont bien souvent de bonnes raisons et d'après Daniel Verba

elles sont plus souvent submergées par les difficultés du quotidien que démissionnaires ; leur fuite

de l'école est souvent le produit de leur propre échec scolaire.

Il existe aussi bien évidemment des familles qui coopèrent avec l'école. Verba propose une

typologie des grands types de familles quant à leur rapport avec l'institution.

- Les fuyantes : le plus souvent familles de milieu populaire et qui connaissent de grandes

difficultés économiques et sociales ; pas de scolarisation des parents.

- Les désabusées : milieu populaire qui ont perdu confiance en l'école et en sa capacité à assurer

une promotion sociale pour leur enfant ; contrairement aux fuyantes il y a eu des études mais n'ont

pas trouvé d'emploi correspondant à cet effort.

- Les coopérantes : classe moyenne qui ont encore fois dans la capacité de l'école à permettre une

ascension professionnelles ; coopèrent avec l'école en devenant parents d'élèves, membre du CA...

dans l'intérêt de l'école, mais surtout dans l'intérêt de leurs enfants puisqu'elles mettent en place des

stratégies pour que leurs enfants profitent au mieux de leur scolarité.

- Les critiques : familles de classe moyenne supérieure et de classe supérieure ; critiques quant au

fonctionnement de l'école car elles pensent que l'école ne prépare pas assez leurs enfants. Elles ont

souvent recourt à l'enseignement privé, soutien scolaire payant.

Ce qui est très important pour les sociologues c'est la socialisation familiale ; elle transmet un

capital culturel, et parmi ce capital, ce qui est marquant dès l'entrée à l'école, c'est le capital

linguistique (le langage, la langue qui est parlée à la maison...).

Les enquêtes de sociologie confirment que le langage est important (enquête de David Lepoutre,

article en 1994 "le langage, l'école et la rue" dans la revue "critique sociale" : il explique que

l'apprentissage d'une langue standardisée, officielle, est l'une des principales fonctions de l'école) ;

la transmission des savoirs ce fait dans ce même langage standard ; en réalité la langue qui est

transmise est plutôt une langue écrite, c'est la langue des classes dominantes qui parlent comme

elles écrivent. Ce qui veut dire que les enfants de classe populaire ou d'immigrés non francophones

doivent réapprendre une langue qui est étrangère pour eux.

Le capital économique explique également le rapport à l'école ; le déficit de capital culturel va

souvent de paire avec un déficit de capital économique. Plus les familles sont en difficulté plus les

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École et famille(s)

conditions matérielles d'existence sont difficiles et moins les familles sont capables de prendre en

considération les demandes de l'école.

Ces questions d'argent ont aussi pour conséquences de multiplier les conflits et incompréhensions

entre les parents et enfants ; il est impossible pour les familles de répondre aux demandes des

enfants qui aimeraient avoir comme les autres des vêtements de marques ; et parfois les familles ne

peuvent pas faire face aux demandes de matériel scolaire. La consommation est aujourd'hui un

signe de statut social ; les enfants qui n'ont pas les marques de la consommation sont souvent

stigmatisés...

Tout cela peut induire une perte d'estime de soi et une vision de l'avenir qui est lourde de menaces et

d'inquiétudes.

Le rapport à l'avenir est très important pour comprendre la réussite ou l'échec scolaire.

Lorsque la famille a l'impression que l'avenir peut être rose, il y a un espoir et il peut y avoir un

investissement. C'est ce qui explique la meilleure réussite relative aux enfants issus de

l’immigration car les familles ont confiance en l'école et sa capacité à trouver un emploi.

Si les perspectives d'avenir sont complètement bouchées pourquoi faire des efforts?

C'est particulièrement compliqué lorsque la vie de la famille n'est plus rythmées par le rapport au

travail. En l'absence d'emploi régulier, ce qui fait défaut c'est l'argent mais aussi l'ensemble des

contraintes qui définissent une organisation cohérente du temps.

Si le rythme est relativement régulier en primaire, dès le collège les choses se compliquent.

Quand on prend tous ces facteurs il est difficile de conserver une prise sur le présent donc la

projection dans l'avenir devient quasiment impossible.

La précarité contraint les familles à vivre au jour le jour et dans l'urgence, en sacrifiant tout ce qui

n'est pas absolument nécessaire.

A l'école, tout le système scolaire est tourné vers l'avenir. Ce temps long de l'école est en

contradiction avec l'immédiateté du temps des familles les plus en difficulté qui sont de plus en plus

nombreuses.

Ce que l'école attend des familles c'est qu'elles surveillent leurs enfants, mais le contrôle familial

n'est possible que dans les rares cas où les contraintes prof ne tombent pas en même temps que les

contraintes scolaire. Les choses se compliquent avec la flexibilité de l'emploi depuis les années 90,

avec des changements qui sont peu adaptés à la vie familiale.

L'encadrement familial, la surveillance directe par les parents a tendance à diminuer ; cet

encadrement est objectivement limité et il est dévalué par l'école ; il y a toujours un moment où les

parents se sentent dépassés par les attentes de l'école et l'estime de leurs enfants pour eux va

diminuer.

Il faut aussi s'intéresser à la façon dont les parents éduquent leurs enfants.

DIANA BAUMRIND Définitions de style d'éducation parentale avec deux grandes dimensions qui

sont le niveau d'exigence (contrôle, discipline, supervision) et l'accompagnement, disponibilités

(appui affectif, encouragement).

Le style désengagé marche le moins bien : peu de règles imposées par les parents ; niveau

d'exigence faible ; les parents sont peu présents dans la vie de leurs enfants et en même temps ils

sont peu tolérants envers les difficultés de leurs enfants.

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École et famille(s)

Ce sont les enfants ayant les moins bonnes performances au niveau scolaire ; problèmes

comportementaux, d'estime de soi, affectifs.

Le style permissif et le style autoritaire ont des résultats équivalents.

Le style permissif : peu de règles, peu de limites imposées aux enfants mais enfants qui recoivent

beaucoup d'affection et d'appui de la part des parents. Parents centrés sur leurs enfants, ayant parfois

peur d'être rejetés par eux. Résultats scolaire assez médiocres mais bonne estime d'eux-mêmes,

bonne intégration sociale . Testent souvent les règles car pas de limite à la maison.

le style autoritaire : niveau d'exigence élevé, beaucoup de règles et limites mais peu

d'accompagnement, peu d'affection de la part des parents ; enfants passifs, calmes, faible estime

d'eux-mêmes ; résultats scolaire moyens et compétences sociales extrêmement mauvaises.

le style démocratique : règles claires avec des limites, contrôle ferme mais avec beaucoup

d'affection, dialogue favorisé ; parents centrés sur la relation avec l'enfant pour en faire des être

autonomes et pensants. Enfants avec des compétences à tous les niveaux.

Kellerhals et Montandon se demandent comment le style des parents s'articulent autour de 4

composantes du processus éducatifs :

Objectifs des parents, techniques pédagogiques, rôles éducatifs et coordination entre les acteurs

et définissent ainsi 3 grandes styles de cohésion familiale :

Définition de 3 grands styles :

- maternaliste : met l'accent sur la socialisation de l'enfant au monde extérieur, avec une forte

autorité mais aussi beaucoup de chaleur ; forte division entre les sexes.

- statutaire : beaucoup de contrôle, distance plus grande entre les parents et les enfants, peu de

stimulation intellectuelle, peu d'activités communes, frontières extrêmement rigides avec l'extérieur.

- contractualiste : centré sur l'autorégulation, sur la sensibilité, grande ouverture au tiers

Ces styles sont définis en fonction de deux grandes variables : l'ouverture ou la fermeture vis à vis

de l'extérieur et le fait que les familles soient fusionnelles ou non.

On obtient alors 4 gds styles de famille :

Famille bastion : bcp de méfiance vis à vis de l'école ; très soudée, solidaire, partage des activités ;

enfants réussissent moyennement à l'école

Famille parallèle : isolement social ; rôle très différencié en interne ; réussite moyenne à l'école car

peu de ressources pour les aider.

Famille compagnonage : famille très ouverte, fusion au sein de la famille ; en interne

fonctionnement assez démocratique avec bcp de partage, d'échange ; l'environnement est considéré

comme une ressource.

Famille association : en interne on a assez peu de relations entre les membres de la famille,

ouverture sur l'extérieur mais avec une faible préparation à l'acceptation des normes extérieures.

Nous pouvons dire que le contexte social est porteur d'idéologie et de pratique d'éducation ; ces

pratiques peuvent être en accord ou contradiction avec les normes du fonctionnement scolaire ; les

stratégies des familles ont tendance à se complexifier avec la complexification de la société.

On remarque que les familles ont tendance à mettre en place des stratégies pour permettre à leurs

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École et famille(s)

enfants de réussir au mieux.

Les familles populaires ne peuvent pas mettre en place de stratégies, soit parce qu'elles ne sont pas

conscience des inégalités qui existent au sein du système scolaire, soit parce qu'elle ne possèdent

pas les codes, le bagage, le capital culturel, qui leur permettrait de surmonter ces obstacles.

Il y a une forte inégalités entre les parents qui connaissent toutes les subtilités du système scolaire et

les autres.

Van Zanten montre que les stratégies des parents sont devenues extrêmement fines et qu'elles

gagnent une partie des classes moyennes et populaires. Les parents utilisent toutes les ressources à

leur portée. Les stratégies sont plus ou moins efficaces.

Tout cela encourage la concurrence entre les établissements ; on voit apparaître de plus en plus

d'établissements qui se spécialisent.

L’Éducation Nationale réagit en essayant de mettre en place des partenariats avec les familles. Tous

les travaux portant sur la réussite des élèves montrent qu'il vaux mieux avoir des classes mixes, des

établissements et environnements hétérogènes.

BAUDELOT ET ESTABLET montrent que plus on est élitiste plus on est inefficace.

Collaboration permettrait d'avoir une meilleure connaissance réciproque, de déterminer les freins

qui existent pour les élèves les plus en difficulté pour essayer de les éliminer,on pourrait arriver

ainsi à une co-éducation.

Les projets sont centrés sur la possibilité pour les familles de trouver une place dans l'école.

Plus largement, un dialogue permettrait de :

- lutter contre l’échec et l’abandon scolaire,

- prévenir la violence scolaire,

- déculpabiliser les parents.

Les projets de partenariat portés par l’éducation nationale :

Pour les familles :

Pour aider les familles, ce sont des projets portés par le ministère de l’éducation nationale, centrés

sur la possibilité aux familles de trouver sa place dans la communauté éducative, par l’intermédiaire

des associations de parents d’élève : intermédiaire entre l’école et les familles. Les circulaires de

l’EN engagent les directeurs et les chefs d’établissement à respecter la place des parents : respecter

les choix démocratiques des parents comme le vote, favoriser l’expression et les échanges entre les

familles en donnant des locaux, des panneaux, faire connaitre leurs activités, valoriser les

propositions de parents d’élèves, les accompagner et les soutenir. Il faut aussi faire respecter les

droits des familles quelque soit leur niveau social. Il y a des projets qui visent à donner des moyens

aux parents pour intervenir dans l’éducation de leur enfant. Ils permettraient aux parents d’affronter

leur propre angoisse scolaire, une phobie scolaire par l’école des parents : se réconcilier avec le

monde scolaire pour leur montrer qu’ils ne sont pas incompétents face aux apprentissages donnés à

l’école.

Pour les enseignants :

Il serait intéressant de les former à un travail de partenariat, en les faisant travailler sur leur propre

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École et famille(s)

représentation des familles et sur leurs représentations des actions qu’ils seraient prêts à mettre en

œuvre avec les parents d’élèves. Pour ça, il faut fabriquer des espaces de médiations et temporels :

aménager les horaires et les pratiques des enseignants, limiter l’urgence et l’empilement des tâches,

éventuellement imposer une période dans la semaine pendant laquelle les enseignants devraient

être disponibles pour les familles. Tout cela pour permettre de faire bouger les représentations

sociales des uns et des autres. Ce qui est très difficile.

Pour les deux :

Le 3ème

type de partenariat peut être mis en place autour de la médiation : c’est l’idée qu’Olivier

Cousin,L'école face aux parents. Analyse d'une pratique de médiation développe. Cela

permettrait d’améliorer la relation entre les parents et l’école, il faut faire intervenir des médiateurs :

des acteurs extérieurs qui faciliteraient le dialogue : association, mère-relais, grand-frère pour

expliquer aux uns et aux autres, les attentes réciproques. Ce livre expose le cas de la ville de

Trappe dans lequel la mairie a mis en place un centre médiateur école-famille. Les médiateurs sont

choisis parmi les populations immigrées les plus représentées dans la ville, parlant plusieurs

langues pour faciliter le dialogue avec les familles immigrées, ayant également un niveau d’étude

supérieur bac +5 et donc possédant une relation privilégiée avec l’école. Cette action est

relativement efficace dans la mesure où les enseignants sont incités à passer par les médiateurs en

cas de difficultés avec l’élève. Ils sont systématiquement présents lors d’un rendez-vous individuel

avec les parents. Hélas, ce type de remédiation reste marginal. Il est particulièrement développer

dans les ZEP et les quartiers à forte concentration de population immigrées.

Rôle du CPE :

Il agit dans un rôle très précis et dans 3 Grands domaines : le fonctionnement de l'établissement ; la

collaboration avec les enseignants ; l'animation éducative.

Cela implique le dialogue avec les parents, une collaboration avec des partenaires pour permettre

aux ados de se prendre en charge.

Il doit instaurer un partenariat éducatif avec les parents, dans un esprit d'ouverture, de confiance

réciproque et de respect mutuel.

Pour que cette confiance s'installe il ne faut pas rencontrer les parents qu'en cas de problème.

La question de la mobilisation des parents peut faire l'objet d'un volet du projet d'établissement ; le

but étant de mobiliser le plus de parents possible ; de rendre les familles partenaires de l'école, ainsi

on va trouver la mise en place de formation pour les parents délégués...

Le CPE doit informer les parents par tous les moyens car sans informations les parents ne peuvent

pas être actifs.

Le rôle du CPE est aussi de travailler à la remobilisation des familles et des élèves en cas d'échec

scolaire (orientation...).

Il faut donc tenter de changer les mentalités, parents et enseignants sont responsables, ils doivent

assumer ensemble le rôle de formateur et d’éducateur, et le C.P.E doit contribuer à cette tâche en

aidait les deux parties à mieux se comprendre et ainsi placer l’élève dans les meilleures conditions

de réussite et d’épanouissement possible.

Un partenariat efficace suppose une motivation de l’ensemble du personnel, car le C.P.E, seul ne

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École et famille(s)

peut rien, et comme le constate DUBET, il faut apprendre à parler aux parents tels qu’ils sont et non

tels qu’ils devraient être.

Conclusion :

Le système scolaire français s'est construit contre l'intrusion des parents dans le système scolaire ;

s'il était adapté à une école inégalitaire les choses se sont compliquées à partir du moment où on a

mis en place une massification de l'enseignement.

A partir de ce moment là les familles populaires sont entrées dans l'enseignement secondaire et il

leur a manqué la socialisation scolaire pour comprendre les règles du fonctionnement de l'école. Du

coup se développent des incompréhensions, malentendus, sentiments d'injustice de la part des

élèves qui réussissent le moins bien, et pour autant les méthodes pour accueillir les parents dans

l'école ne sont pas encore assez développées.