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CNRS THEMA, journal en ligne du CNRS, Département de l’Information Scientifique et Technique, dont le siège social est établi 3, rue Michel-Ange 75794 Paris cedex 16, souhaite permettre aux médias de se constituer des dossiers de fond, en montrant la réflexion du CNRS sur des choix de société et son engagement dans les débats de son époque.

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CNRS THEMA, journal en ligne du CNRS, Département de l’Information Scientifique et Technique, dont le siège social est établi 3, rue Michel-Ange 75794 Paris cedex 16, souhaite permettre aux médias de se constituer des dossiers de fond, en montrant la réflexion du CNRS sur des choix de société et son engagement dans les débats de son époque.

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3, rue Michel-Ange, 75794 Paris cedex 16, téléphone : +33 (0)1 44 96 46 24, télécopie : +33 (0)1 44 96 49 29, mél : [email protected] http://www.cnrs.fr (Informations presse) Pour joindre votre correspondant, composez le +33 (0)1 44 96, suivi des quatre chiffres entre parenthèses. Délégation à l'information scientifique et technique (Dist) • Directrice : Sofia Nadir • CNRS Thema • Rédactrice en chef : Marie Pinhas-Diena (46 36) • Rédactrice en chef adjointe : Mireille Vuillaume (49 44) • Rédactrice : Delphine Kaczmarek (51 37) • Collaboration avec la rédaction : Baudouin Eschapasse, Émilie Gillet, Cyrille Le Déaut, Florence Raynal, Magali Sarazin, Philippe Testard-Vaillant • Bureau de presse (51 51) : Martine Hasler, responsable (46 35), Muriel Ilous (43 09), Magali Sarazin (46 06), Isabelle Tratner (49 88), Marie-Noëlle Abat, partenariats médias (+33 (0)6 80 26 28 08) • Secrétariat : Samira Techer (46 37) • Webmaster • Daniel Le Méhauté • Conception graphique et réalisation de la Une • Service de l'imprimé de la délégation Paris Michel-Ange : Bruno Roulet • Illustration • William Langlois • Toutes les photos CNRS sont disponibles à la photothèque du CNRS • Contact : Marie-Odile Jacquot (+33 (0)1 45 07 56 87) ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- Contacts presse pour ce numéro : Pour joindre votre correspondant, composez le +33 (0)1 44 96, suivi des quatre chiffres entre parenthèses. Délégation à l'information scientifique et technique (DIST) - Magali Sarazin (46 06) Sciences de l'homme et de la société (SHS) - Laétitia Louis (4310) Sciences chimiques (SC) - Laurence Mordenti (4109) Sciences de la vie (SDV) - Françoise Tristani (4020) Sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) - (4388)

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Accueil > Guerre(s) et paix / N°2 2etrimestre 2004

AVANT-PROPOS

GUERRE(S) ET PAIX

Une analyse scientifique des conflits

La guerre est un fait difficile à décrypter. On répertorie souvent les conflits selon leur localisation géographique,leur finalité ou encore les techniques utilisées. Fin de la guerre froide, essor de la globalisation et du commerceinternational, montée en puissance des technologies de l'information… tout concourt aujourd'hui à unecomplexification du monde moderne. L'on nous « promet » pêle-mêle une guerre bactériologique, une guerre économique, une guerre de l'information et de l'image… En moins d'une génération, le contexte stratégique et les rapports de puissance se sont considérablement transformés. Si historiquement, le XXe siècle s'est achevé avec la chute du mur de Berlin, le XXIe siècle débute-t-il le 11 septembre 2001 ?

Les sciences ont toujours été liées aux affaires militaires et de protection civile et les techniques qu'elles engendrent permettent une action souvent plus performante. Les scientifiques sont-ils alors dans une position marginale ou centrale ? Sont-ils responsables ? Peuvent-ils contrôler les applications de leurs travaux et empêcher les dérives ? « Lanceur d'alerte », le « scientifique citoyen » doit se poser en conscience inquiète du monde. Peut-il fournir et le poison et son antidote, mesurer les risques et apporter des remèdes ?

Du côté des sciences humaines et sociales, qui de l'historien, du géopoliticien, de l'économiste ou du sociologue est le mieux à même de donner une analyse précise de la guerre ? De la paix ? Et la paix est-elle seulement synonyme d'absence de guerre ? Les alternances de paix et de guerre sont-elles constitutives des sociétés humaines ?

Les guerres ont probablement hâté des découvertes, dont certaines ont eu des applications pacifiques. Depuis une dizaine d'années, intellectuels et scientifiques engagés militent pour la paix et pour une science qui ne soit pas

complice de la guerre. Un engagement qui participe de la défense des droits de l'homme et de la protection de ladignité humaine.

L'invention de la photographie et du cinéma, puis plus récemment, les nouvelles technologies de transmissioninstantanée de reportage ont bouleversé la représentation de la guerre. Derrière le réalisme brutal des images deguerres et de conflits, le vrai et le faux ne sont pas toujours repérables. Peut-on parler d'images de guerres ou de guerre de l'image ?

Alors que de nombreuses commémorations vont avoir lieu cette année, ce deuxième numéro de CNRS Themasouhaite montrer l'apport des recherches menées au CNRS à la définition et à la compréhension des notions deguerre et de paix. Historiens, politologues, sociologues, chimistes, biologistes, etc. apportent leur témoignage et leur réflexion et proposent ici, à travers le prisme d'une « science citoyenne », un éclairage pluridisciplinaire.

La rédaction de CNRS Thema (mai 2004).

William Langlois - 2004.

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Des difficultés à définir la guerre et la paix

De façon générale, en philosophie ou en sciences sociales, il existe peu de définitions consensuelles. Chacundéfinit ces termes en fonction de sa propre philosophie. Par exemple, Hobbes parle de la guerre de tous contretous dans l'état de nature. Pour Rousseau, au contraire, la guerre n'est pas une relation d'homme à homme, maisd'État à État. Ensuite, il y a l'interprétation de Clausewitz qui a perduré pendant deux siècles : la guerre est lacontinuation de la politique par d'autres moyens. Si la diplomatie ne fonctionne pas, alors elle cède la place à la guerre.

Mais plusieurs interrogations démontrent la complexité de la définition du mot guerre : la guerre présuppose au minimum un conflit. Mais ensuite, s'agit-il d'un conflit traditionnel avec utilisation de la violence physique ou bien faut-il parler de guerre psychologique, de guerre des doctrines, voire de guerre économique ? Doit-on parler de guerre entre entités collectives, (tribus, cités, États), de guerres entre individus, de guerre intérieure à l'individu (guerre entre passion et raison) ?

De même pour la paix, le minimum correspondrait à l'absence de guerre (paix négative, par opposition à une paixpositive qui serait l'ordre et la justice). Or, pendant toute la période entre 1945 et 1989, la réalité historique échappe à ces définitions : l'on s'est évertué à trouver des termes évoquant la guerre froide, certains disant lapaix chaude, la paix belliqueuse, etc.

Autre exemple pour conclure : peut-on parler aujourd'hui de guerre contre le terrorisme ? S'il n'y a pas de guerre, conflit, clash entre les civilisations, les frontières entre la guerre et la paix tendent à s'effacer… Il n'y a pas soit lapaix totale, soit la guerre totale, mais bien une espèce de mélange des deux. Les chercheurs n'ont pas encore trouvé de définition consensuelle et la problématique de définition est partie intégrante du débat lui-même. Les définitions rationnelles et méthodiques sont plus que jamais difficiles à livrer.

CONTACT

Pierre Hassner Centre d'études et de recherches internationales (CERI) CNRS-FNSP Tél. : +33 (0)1 58 71 70 30 Mél : [email protected] Consulter le site web : CERI

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Le CNRS par temps de guerre : 1938-1944

La recherche française s'organise en même temps que la Seconde Guerre mondiale se dessine.« Espoirs » vite démentis avec la défaite de 1940, car la France devient le seul pays où l'on ne mène pasde recherches militaires. Vichy veut dans un premier temps dissoudre le CNRS mais le « liquidateur » nommé, Charles Jacob, réussit à écarter cette menace. Girolamo Ramunni, historien des sciences et destechniques au CNRS, revient sur la création du CNRS.

Mars 1938, l'Anschluss, l'Allemagne annexe l'Autriche. Mai 1938, la France crée le Centre national de la recherche scientifique appliquée (CNRSA) pour se préparer à une guerre longue. Le recensement desressources scientifiques est entrepris. On peut citer des recherches sur les carburants de remplacement, lestechniques de radio navigation, les détecteurs infrarouges pour la marine ou la transfusion sanguine. Septembre1939, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l'Allemagne. Le CNRS est créé en octobre 1939 pour« faciliter les recherches et travaux intéressant la défense nationale et l'économie nationale…». Il regroupe le CNRSA et l'ex-Caisse nationale de la recherche scientifique (voir encadré). La défaite stoppe net cettemobilisation scientifique. Après un repli sur Bordeaux, Vichy entend en finir avec le CNRS, créature du Frontpopulaire. Son nouveau directeur, Charles Jacob, prendra finalement le parti de le réformer, y voyant lerenouvellement du pays, entre patriotisme vichyste et application de la recherche.

« Si on enlève les extrêmes - destins tragiques ou, à l'inverse, les collaborateurs - l'intelligence grise a continué son travail », explique Girolamo Ramunni. C'est l'exil pour quelques-uns, la réorientation des thèmes de recherche pour la majorité vers les applications industrielles ou la santé. Ainsi, des recherches sur le froid et le givrage des avions en vol passent à la conservation des aliments. De nombreux travaux porteront surl'alimentation et la nutrition (laboratoire des corps gras, recherches sur les aliments de substitution…). Seule une minorité continue ses travaux, soit sous contrôle allemand, soit clandestinement. Par ailleurs, de nombreuxcentres de recherches technologiques voient le jour hors du CNRS qui devient ainsi l'un des organismes de la recherche française.

Les pères fondateurs du CNRS 30 octobre 1935 : « la » CNRS ou Caisse nationale de la recherche scientifique rassemble les anciennes Caisses des recherches scientifiques (CRS) de 1901 et la Caisse nationale des sciences (CNS) de 1930 pour financer bourses, missions, matériel, publications et retraites. Son premier conseil d'administration est présidé en 1936 par Jean Perrin, prix Nobel de physique en 1926. 24 mai 1938 : un décret crée le Centre national de la recherche scientifique appliquée (CNRSA) dirigé par Henri Longchambon, physicien. 19 octobre 1939 : naissance du Centre national de la recherche scientifique, fondant en un seul organisme le CNRSA et la CNRS. Henri Laugier y sera responsable de la science fondamentale et Henri Longchambon de la science appliquée. août 1944 : Frédéric Joliot, prix Nobel de chimie en 1935, est le premier directeur du CNRS après la Libération de Paris.

1/ 1941 : Institut national d'hygiène (qui deviendra l'Inserm en 1964) ; Fondation Alexis Carrel, ancêtre de l'INED.1942 : Office de recherches scientifiques coloniales (futur ORSTOM). 1943 : Institut de recherches sidérurgiques ; Institut français de recherche sur le pétrole (IFP). 1944 : en mai, création du CNET : Centre national d'études des télécommunications.

CONTACT

Girolamo Ramunni Comité pour l'histoire du CNRS Tél. : +33 (0)1 55 07 83 20 Mél : [email protected] Consulter le site web :Comité pour l'histoire du CNRS

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Montrer la guerre : une autre façon d'agir pour la paix

Lieu d'exposition de nombreux objets d'époque et de présentation de documents, photos et films d'archives, le Mémorial de Caen n'est pas seulement un musée d'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la deuxième moitié du XXe siècle. La raison d'être de ses collections est en effet d'en faire, avant tout, un lieu de transmission de la mémoire pour amener à une réflexion sur la guerre et la paix.

De par son implantation propre et locale, le Mémorial de Caen est lieu de mémoire du Débarquement allié du 6 juin 1944 et des combats qui se déroulèrent en Normandie durant l'été de cette même année.

Les différents parcours proposés évoquent la Seconde Guerre mondiale de ses origines à son dénouement, les conflits de la période de décolonisation et les affrontements de la Guerre froide. Chaque fois, les conflits sont présentés comme facteurs de bouleversements de la vie des sociétés.

La présence des armes est volontairement réduite et elles sont présentées comme étant le produit de l'intelligence de l'homme, laquelle, en l'occurrence, se retourne contre lui-même.

Cette présentation des armes vise à susciter un sentiment d'absurdité et de réprobation envers de telles fabrications et à provoquer le même sentiment à l'égard des armes d'aujourd'hui que celui que l'on éprouve à lavue des instruments de torture qui, dans des temps plus anciens, étaient utilisés pour faire avouer les crimes et délits.

Mais il s'agit aussi de montrer que les courses à l'armement, quantitatif et qualitatif, sont suicidaires pourl'humanité tout entière, car au-delà des pertes humaines et des destructions matérielles, les guerres détruisent également le patrimoine culturel. Ce sont des pans entiers de l'histoire de l'humanité qui disparaissent, parfois àtout jamais.

« L'histoire ne se répète pas », dit-on mais, tous les jours, nous en constatons le bégaiement. Exposant les genèses, les mécanismes et les horreurs des guerres, les contenus et la scénographie des espaces de visite entendent souligner la fragilité de la paix ; l'histoire du XXe siècle n'est-elle pas l'éclatante démonstration de cette fragilité ? Au Mémorial, la guerre est montrée pour faire prendre conscience, notamment aux jeunes générations, que les dangers qui menacent la paix sont nombreux, que pour la préserver, il faut faire preuve de vigilance, et qu'en période de guerre, le processus de son rétablissement est toujours long et laborieux.

Au total, dans l'esprit même de ce qu'écrivait Fénelon dans ses Dialogues des morts (1712), « Toutes les guerres sont civiles ; car c'est toujours l'homme contre l'homme qui répand son propre sang, qui déchire ses propres entrailles », les espaces de visite du Mémorial s'inscrivent dans une démarche d'éducation à la paix.

1/ Au-dessus d'une galerie de carrière ayant servi de poste de commandement au général Richter, commandant la 716e division allemande. 2/ Non loin des plages du Débarquement et au cœur de l'un des principaux secteurs de la bataille de Normandie.3/ Inauguré, le 6 juin 1988, par François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995.

Propagande américaine, auteur : Hirsch Joseph, 1942.© Collection Mémorial de Caen.

Char américain dans la Haye-du-Puits en ruine. © Archives Nationales américaines/Mémorial de Caen.

POUR EN SAVOIR PLUS

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La galerie des Prix Nobel de la paix

« Paroles du Jour J » CONTACT

Jean-Bernard Moreau Centre de recherche d'histoire quantitative (CRHQ) CNRS–Université de Caen Tél. : +33 (0)2 31 56 57 98 Mél : [email protected] Consulter le site web : Université de Caen, CRHQ Consulter le site web : Mémorial de Caen Consulter le site web : Affiches Seconde Guerre mondiale Consulter le site web : Les chemins de la mémoire

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La galerie des Prix Nobel de la paix

Galerie des Prix Nobel de la paix. © Collection Mémorial de Caen.

La Galerie des Prix Nobel de la paix rend hommage à tous ceux qui depuis 1901 ont œuvré pour le maintien ou leretour de la paix. Par ailleurs, des espaces sont dévolus aux approches, aux pratiques et aux limites de la paix àtravers les âges et les civilisations. Cette présentation débouche naturellement sur un Observatoire des violencesdu monde actuel, espace consacré aux désordres de la planète par l'évocation des sources de tension et des conflits d'aujourd'hui.

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Jean-Bernard Moreau Centre de recherche d'histoire quantitative (CRHQ) CNRS–Université de Caen Tél. : +33 (0)2 31 56 57 98 Mél : [email protected]

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« Paroles du Jour J »

À travers des lettres et des journaux intimes écrits au cours de l'été 1944, le Mémorial de

Caen a choisi de présenter un aspect peu connu du Débarquement et de la bataille de Normandie : le quotidien des hommes de troupe en campagne. Nombre d'entre eux sont très jeunes ; certains connaissent le baptême du feu à cette occasion. Mais, pour peu qu'ils survivent à cette guerre, tous savent que ces jours resteront à nul autre pareils, leur vie durant.

Ces témoignages restituent un ton de vérité qui échappe bien souvent aux publications historiques. Partie de l'intimité, cette littérature, riche d'informations et de sensibilité, révèle la vie d'hommes au cœur des combats, avec leur courage et leur force ; leurs doutes et leurs fragilités.

Cette exposition, qui s'inscrit dans l'esprit même du Mémorial de Caen, met en avant l'homme face à la guerre.L'exposition Paroles du Jour J propose une autre histoire du Débarquement, en montrant des soldats des deux camps en dehors des périodes de combats. Les dernières heures avant le Jour J, les relations avec lesNormands, la santé et l'hygiène, les loisirs, la presse, la correspondance, la pratique religieuse, et leravitaillement sont évoqués à l'aide de lettres de combattants, de photos, de films d'archives et d'objets tirés descollections du Mémorial.

1/ Du 27 mars 2004 au 9 janvier 2005, Parcours Seconde Guerre mondiale. Ouvert tous les jours sans interruption. Un niveau de lecture enfants est proposé aux jeunes visiteurs.

Affiche « Paroles du jour J ». © Collection Mémorial de Caen.

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Jean-Bernard Moreau Centre de recherche d'histoire quantitative (CRHQ) CNRS-Université de Caen Tél. : +33 (0)2 31 56 57 98 Mél : [email protected]

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La Grande Guerre revisitée

La Grande Guerre n'en finit pas d'être revisitée. Les publications depuis l'origine foisonnent. Lesinterprétations sur cet événement majeur de l'histoire contemporaine varient même si aujourd'hui, lesfaits bien établis, ce sont sur les représentations de ce conflit global que l'on s'interroge le plus souvent.L'analyse de l'historien Jules Maurin.

L'engagement total des États-nations dans la guerre, la masse considérable des hommes engagés dans cet efforttitanesque, et le fait qu'ils aient « tenu » pour certains pendant cinquante-deux mois dans cet « enfer » qu'est la Grande Guerre, amènent à s'interroger, à chercher à comprendre, à avancer des explications. Pour cela, peut-être faut-il s'efforcer de bien situer dans son temps (un temps où pour les gens la notion de devoir est essentielle)et dans son contexte cet événement qui reste un fait majeur du XXe siècle. Cette guerre, qui est largement, à l'avant, sur les fronts, une guerre faite par des paysans devenus soldats puis combattants aguerris, n'est pas « une ». Il y a en réalité plusieurs guerres dans la Grande Guerre, que l'on se situe au niveau des faits, du tempsou de la durée. Car la guerre peu à peu change de nature ; la guerre en 1918 n'est plus celle de 1914 : on compte encore sur les hommes, mais le poids des armements, de la motorisation des armées est devenuconsidérable, essentiel même.

Autre questionnement : La Grande Guerre est-elle la matrice de la Seconde Guerre mondiale ? La filiation peut paraître évidente en ce qui concerne les enchaînements diplomatiques, l'émergence et l'affirmation d'idéologiesopposées qui réussissent à s'imposer au plan politique. Mais la « brutalisation », les violences guerrières, sont-elles de même nature ? Pour certains il y a filiation, pour d'autres c'est l'intentionnalité qui compte d'abord et dansce cas, les différences sont considérables entre la Première Guerre mondiale et la Seconde. On le voit, le champdes interrogations s'élargit au fur et à mesure que l'événement s'éloigne. Les interprétations en deviennent plus globales. Ne faut-il pas cependant prendre garde de trop conceptualiser et donc de trop globaliser et, partout, deminimiser le vécu des hommes de ce temps.

À LIRE

La Grande Guerre 1914-1918 : 80 ans d'historiographie et de représentations, UMR 5609, Université Montpellier 3, 2002, 413 p. Guerre, paix et sociétés. Pour une histoire totale, Revue Histoire, Défense et Sociétés, UMR 5609, Université Montpellier 3, n°1 2004, 145 p.

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Jules Maurin Professeur à l'Université Montpellier 3 États, sociétés, idéologies, défense (ESID) CNRS-Université Montpellier 3 Mél : [email protected] ou [email protected] Consulter le site web : ESID

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L'expérience de guerre au cœur de l'approche historique

Depuis quelques années, le traitement historique des séquences guerrières connaît, en France et dans le monde anglo-saxon, un renouveau considérable. Les chercheurs de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP) du CNRS sont engagés dans cette réflexion.

La guerre a certes de tout temps constitué un champ privilégié de la recherche historiographique : l'histoire-bataille injustement décriée par l'école des Annales a au moins le mérite de souligner la constante attention pour lephénomène guerrier des historiens. Il n'en reste pas moins que si l'histoire de la guerre constitue un champ bienbalisé, de l'Antiquité au XXe siècle, les différentes traditions historiographiques avaient cependant, jusque dans lesannées 1990, en commun de laisser dans l'angle mort l'expérience des individus et des groupes sociaux enguerre.

Depuis la fin des années 1990, le phénomène guerrier a fait un retour tragique dans l'horizon d'attente occidental. La séquence de violence paroxystique au Rwanda, mais plus encore peut-être l'irruption de la guerre dans l'ère européenne à Sarajevo ont incité les historiens à renouveler leur interrogation sur le phénomène guerrier, en s'appuyant notamment sur le concept d'expérience de guerre. Un renouveau général, des préhistoriens, qui ontmis en lumière des pulsions de massacre de masse dans les guerres du Néolithique (cf. Pour en savoir plus), auxhistoriens de la Grande Guerre qui, en développant le concept de « culture de guerre », ont restitué la cohérence d'un conflit qui fut loin d'être ressenti comme une boucherie inutile par les hommes qui la firent. Les historiens ontainsi fait un retour sur les principaux conflits du XXe siècle et tenté d'en approcher ce qui en constitue le cœur : l'affrontement sur les champs de bataille et les pratiques de violence, tournée contre les militaires autant quecontre les civils.

Les travaux actuels historicisent les émotions à l'œuvre dans les sociétés en guerre (haine, angoisse), soulignentle rôle des rumeurs, étudient la souffrance et les délabrements corporels. L'histoire culturelle de la guerre prendpar ailleurs pour objet les pratiques de cruauté et les discours légitimant les politiques exterminatrices (cf. Pour en savoir plus). Bref, elle cherche à atteindre, notamment par le recours à l'anthropologie, ce qui est en jeu dansl'expérience de guerre : le corps, le psychisme, la parenté. Pour tenter de comprendre, enfin, les ressorts du consentement des sociétés à la violence extrême immanquablement générée par l'ordalie guerrière.

POUR EN SAVOIR PLUS

Massacre de masse au Néolithique

À propos de la violence de guerre

CONTACT

Christian Ingrao Institut d'histoire du temps présent (IHTP) CNRS Tél. : +33 (0)1 47 40 68 19 Mél : [email protected] Consulter le site web : IHTP

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Massacre de masse au Néolithique Les historiens Lawrence Keeley (Les guerres préhistoriques, Monaco, Éditions du Rocher, 2002, 354 p.), Jean Guilaine, Jean Zammit (Les sentiers de la guerre. Visages de la violence préhistorique, Paris, Seuil, 2001) ont montré que contrairement à ce que pensaient jusqu'alors les archéologues, les sociétés néolithiques étaientéminemment guerrières et mettaient en place des pratiques de massacre de masse. En témoignent les fouilles archéologiques menées tant en Afrique qu'en Europe et sur le continent américain.

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À propos de la violence de guerre

Un groupe de travail « Violence de guerre. Approches comparées sur le siècle », associant historiens, sociologues, anthropologues, psychanalystes et médecins, est organisé conjointement par l'Historial de la GrandeGuerre et l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS). Les premiers résultats ont été publiés : La violence de guerre. Approches comparées des deux conflits mondiaux, Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Christian Ingrao, Henry Rousso (Dir.), Bruxelles, Complexe, 2002, 348 p.

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Christian Ingrao Institut d'histoire du temps présent (IHTP) CNRS Tél. : +33 (0)1 47 40 68 19 Mél : [email protected]

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Paix et droits de l'homme

Nouvelle alliance pour un « ordre international »

À travers l'histoire, la paix et les droits de l'homme ont pu être saisis de manière autonome et apparaîtrecomme des termes hétérogènes, voire antagonistes. L'analyse de Jean-Bernard Marie, directeur de recherche au CNRS et expert auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies.

La paix, conçue statiquement comme l'absence de guerre, résultant de la fin d'un conflit armé et inscrite dans destraités, n'implique pas nécessairement des exigences de dignité et de justice - conditions d'une paix stable et durable. Et l'on constate que par le passé, nombre de paix injustes ont préparé des « retours de guerre » prévisibles tôt ou tard. Les droits de l'homme, qui s'expriment en premier comme des limitations et descontestations du pouvoir, sont objets de lutte et de conquête. Plutôt que des facteurs de tranquillité sociale, ils peuvent jouer un rôle déstabilisateur. Surgis dans le conflit, c'est souvent à l'issue d'événements violents qu'ils ontété proclamés dans des déclarations aussi bien nationales qu'internationales. Et il a fallu attendre la fin de laSeconde Guerre mondiale pour que se tisse un lien puissant entre ces deux notions, lien consacré en 1945 par laCharte des Nations Unies, puis renforcé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en 1948, laquelle insiste sur « l'exigence de protéger les droits de l'homme par un régime de droit, afin de ne pascontraindre les individus à la "révolte contre la tyrannie et l'oppression" ».

Si, depuis lors, tel est l'ordonnancement légal qui trame le système international, de multiples conflits armés n'ensont pas moins venus écorner ce paradigme. Dans la pratique, ce n'est qu'au cours des dernières décennies queles droits de l'homme ont constitué une composante-clé de la mission dévolue à l'ONU dans le cadre de ses opérations de maintien (ou de rétablissement de la paix), comme dans les divers processus de négociation.

Sachant qu'aujourd'hui, les Nations Unies sont entrées dans une phase d'analyse et de réflexion susceptible deconduire à des réformes de fond et/ou de structure, et pour autant que leur mission fondamentale en faveur de lapaix et des droits de l'homme demeure, une question se pose : à la lumière des expériences, tant positives que négatives, du dernier demi-siècle et face aux nouveaux défis et aux recompositions du monde actuel, commentdonner à l'ONU (cf. Pour en savoir plus) les capacités et les moyens correspondant à ses ambitions originelles ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Paix et droits de l'homme. De l'utopie…

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Jean-Bernard Marie Unité « Société, droit et religion en Europe » CNRS-Université Robert Schuman, Strasbourg Tél. : + 33 (0)3 88 10 60 89 Mél : [email protected]

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Accueil > Guerre(s) et paix / N°2 2etrimestre 2004 > MOTS ET MAUX DE GUERRE, L'HOMME EN QUESTION(S) > Paix et droits de l'homme Paix et droits de l'homme. De l'utopie…

Buts principaux assignés à l'ONU et à ses membres, la paix partout dans le monde et les droits de l'homme pour tous ne relèvent-ils pas de l'utopie, projection d'un ordre mondial idyllique, irréalisable, sorte de course après la « paix perpétuelle » d'un Kant ?

Oui, si l'on regarde les conflits armés qui ont éclaté depuis (et dont certains sont toujours ouverts). Oui, si l'on voitles violations massives et atteintes nouvelles aux droits, jusqu'aux derniers génocides, électrochocs àretardement après avoir cru au plus jamais ça.

Non, si l'on compte tout autant les situations de guerre évitées ou contenues et de paix rétablie. Non, si l'oninterroge les victimes épargnées ou libérées parce que les droits sont aujourd'hui reconnus et censés être garantis. Des buts à poursuivre, énonce la Charte. Un idéal à atteindre, proclame la Déclaration universelle : telle est la distance à évaluer aujourd'hui, sans occulter les marquages du progrès dans la réalisation pas à pas d'une partde l'utopie.

CONTACT

Jean-Bernard Marie Unité « Société, droit et religion en Europe » CNRS-Université Robert Schuman, Strasbourg Tél. : + 33 (0)3 88 10 60 89 Mél : [email protected]

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La guerre économique n'aura pas lieu

Nouvelle forme de domination, la guerre économique va-t-elle remplacer la colonisation des anciennes puissances occidentales ? Pour Elie Cohen, chercheur du CNRS au Centre d'étude de la vie politiquefrançaise (CEVIPOF) et tenant de l'américaine Political Economy, cette lecture masque les véritables enjeux du nouvel ordre mondial.

Défense de l'exception culturelle française, guerre du Roquefort aux États-Unis… des querelles d'État ?

Elie Cohen. Il y a un vieux fond mercantiliste en France qui tend à voir dans les querelles commerciales l'ombre portée de la guerre économique, voire de la guerre par d'autres moyens. C'est une vision erronée des choses. Il ya certes des guerres picrocholines sur le camembert ou le foie gras. Il y a aussi des querelles plus sérieuses comme celles sur l'exception culturelle ou le principe de précaution où nous, Européens, manifestons d'autrespréférences collectives que les Américains, mais pour l'essentiel les échanges sont affaire d'avantagescomparatifs, de croissance et de développement. Pour éviter que les conflits ne dérapent, nous avons crééaprès-guerre des autorités internationales de régulation (ONU, FMI, Banque mondiale, GATT, OMC…). Le dramedu tiers-monde aujourd'hui n'est pas tant d'être exploité par les pays riches que d'être ignoré par ces mêmes pays riches.

S'agit-il alors, non pas de guerre économique, mais de performance économique ?

E. C. Oui, depuis Paul Krugman, on sait que le problème des nations n'est pas la compétitivité, c'est-à-dire faire mieux que le pays voisin, gagner des parts de marché. Le véritable enjeu est la productivité ou la capacité d'unpays à produire mieux et moins cher en utilisant son capital humain, son capital physique et en mobilisant lesressources technologiques et scientifiques. On avait prédit dans les années 1980 le déclin économique des États-Unis face au Japon en prolongeant les courbes et sur la foi de performances à l'exportation. Or la poussée auxUSA des technologies de l'information et de la communication et celle des biotechnologies leur valent aujourd'hui encore un point de croissance supplémentaire. Le ressort se situe donc dans la capacité à améliorer saproductivité, à développer de nouvelles richesses… C'est la base ensuite de politiques audacieuses deredistribution.

Qui est performant et où sont les prochains enjeux ?

E. C. Aux États-Unis, on observe un double décentrage du système productif. Le cœur manufacturier s'atrophiecontinûment, ce qui explique d'ailleurs l'immense déficit commercial américain et la montée en puissance de la Chine. L'économie « se tertiarise » et les activités migrent vers l'amont (spécialisation dans les ressources de l'intelligence) et l'aval (services aux entreprises et aux personnes). L'Europe reste une vieille terre industrielle, elle n'a pas investi autant qu'elle aurait dû dans le « high tech ». Pire, son taux de croissance ralentit pendant quecelui des États-Unis s'accélère.

Initiative intéressante, l'Union européenne a mis en place des indicateurs d'investissement dans l'intelligence, c'est-à-dire l'investissement en recherche et développement, équipement « high tech », enseignement supérieur… L'Europe prend ainsi la mesure de l'effort à faire pour rattraper les économies qui sont à la frontièretechnologique.

1/ Elie Cohen est membre du Conseil d'analyse économique (CAE) et du Conseil national de l'information statistique (CNIS).

À LIRE

L'ordre économique mondial : essai sur les autorités de régulation. Élie Cohen. 2001, Fayard. CONTACT

Elie Cohen Centre d'étude de la vie politique française (CEVIPOF) CNRS-Fondation nationale des sciences politiques Tél. : +33 (0)1 43 31 63 04 Mél : [email protected]

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Consulter le site web : CEVIPOF CAE : Conseil d'analyse économique. Auprès du Premier ministre, le CAE a pour mission d'éclairer les choix du gouvernement en matière économique. Consulter le site web : CAE CNIS : Conseil national de l'information statistique. Organisme public de concertation entre les producteurs et les utilisateurs de statistiques publiques. Consulter le site web : CNIS

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Enterrer la hache de guerre à l'heure de la mondialisation

Spécialiste des relations internationales et de l'histoire de la pensée politique, Pierre Hassner décrypte pour nous les âges de la guerre à l'ère de la globalisation et de la mondialisation.

Peut-on distinguer plusieurs âges de la guerre ?

Pierre Hassner. Oui, car la guerre est une activité humaine par essence. De tout temps, la guerre a fait partieintégrante de l'histoire. L'homme a pratiqué la chasse aux gibiers, mais aussi la chasse aux esclaves ou la guerreritualisée. Dans un premier temps, la guerre a été limitée par la paix de l'Empire (pax romana) ou par la paix de l'Église chrétienne. Ensuite, l'État moderne a tenté de réguler les guerres de religions ou les duels tout enmaintenant la guerre entre les États.

Après la Seconde Guerre mondiale, s'opère un changement de nature avec les armes nucléaires : la dissuasion tend à remplacer la guerre sur l'axe est-ouest et en Europe même si ailleurs, en Asie ou en Afrique, les guerresclassiques perdurent. La perspective d'une guerre nucléaire où il n'y aurait ni vainqueur ni vaincu, devientimpensable tant elle est irrationnelle. Enfin, l'après guerre froide, entre la fin de l'Union soviétique et le 11septembre, a vu resurgir des espoirs de paix. Il n'y a plus de menace apparente, mais génocides et nettoyages ethniques restent aux portes de l'Occident.

Coup de théâtre avec le 11 septembre, la tendance s'inverse : on assiste à une disparition des frontières entre l'ordre international et les droits de l'homme. Pêle-mêle, on trouve le droit international, le droit d'ingérence et des tribunaux, l'anarchie, des zones entières de non-droit, où sévissent les mafias, la drogue, etc. La menace reprendforme, mais elle est difficilement identifiable et localisable.

Un conflit global majeur est-il encore possible ?

P. H. À mon sens non. La menace d'une troisième guerre mondiale semble écartée. Mais qui peut affirmer qu'ungrand conflit n'éclatera pas dans cinquante ans entre les États-Unis et la Chine pour conquérir l'hégémonie mondiale ? Si des États comme l'Inde et le Pakistan emploient des armes nucléaires, cela n'entraînera pasforcément une guerre mondiale. Prenons le cas frappant de l'ex-Yougoslavie : 1914, Sarajevo, la première guerre mondiale éclate. 1991, Sarajevo toujours, mais l'intervention internationale (certes tardive) a permis d'éviterl'embrasement mondial.

Pourquoi, ce risque amoindri ?

P. H. C'est là le paradoxe le plus visible : nous vivons dans un monde globalisé et fragmenté. Certes, leterrorisme et les guérillas existent, mais le spectre de la grande guerre mettant fin à l'humanité est écarté. Maisles petits conflits peuvent aussi dégénérer. Le coût des armes diminue, l'argent abonde, des groupes isoléspeuvent causer des dommages dont la puissance n'était jusque-là réservée qu'aux seuls États. Donc, le risque de l'utilisation d'armes de destructions massives n'est pas négligeable même s'il émane de groupes terroristesplutôt que d'États.

Quant aux armes chimiques, je suis hésitant à les qualifier d'armes de destructions massives. Néanmoins, les armes biologiques, elles, sont une menace à prendre très au sérieux, surtout lorsqu'elles sont combinées à desattentats suicides. Pourtant, j'imagine mal un État utiliser des armes biologiques car il risquerait de se contaminer lui-même. L'humanité doit donc vivre avec la possibilité de sa propre destruction. Pour limiter les risques, il lui fautréduire les inégalités, éviter les sources de conflits et avoir un regard vigilant sur les conflits déjà existants.

Avec le nouveau rôle que les États-Unis se sont approprié depuis la guerre du Golfe, vers quel type d'équilibre mondial s'oriente-t-on ?

P. H. La célèbre phrase « on peut tout faire avec des baïonnettes sauf s'asseoir dessus… » me paraît plus que jamais de circonstance. Par exemple, Cuba est toujours présente sur la scène internationale. Il y a des forcesd'inertie, des résistances intérieures, des ennemis insaisissables. On ne se trouve plus dans un monde de droit nidans un monde de paix ou de régularité. Je n'imagine pas les États-Unis en nouvel Empire romain. La grande illusion de l'équipe Bush, c'est de croire qu'il suffit de montrer qu'on est résolu et d'avoir une supériorité militaireénorme pour pouvoir transformer un pays, le conduire vers la démocratie… à la fois donner les ordres et se faire

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aimer.

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Pierre Hassner Centre d'études et de recherches internationales (CERI) CNRS-FNSP Tél. : +33 (0)1 58 71 70 30 Mél : [email protected] Consulter le site web : CERI

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De la guerre froide aux nouveaux conflits

La guerre a-t-elle changé de formes ? Comment aujourd'hui penser les conflits, la paix, la sécurité ? Interview de Danielle Domergue-Cloarec, qui vient de co-diriger un ouvrage collectif sur le sujet1.

Quel intérêt y a-t-il à étudier les conflits qui déchirent la planète depuis 1947 ? Tout a déjà été dit et la guerre reste la guerre, n'est-ce pas ?

Danielle Domergue-Cloarec. Un historien ne prétendra jamais que « tout a été dit » ! L'ouverture des archives permet de réviser certaines approches et l'étude sur le long terme d'appréhender les tendances lourdes et de voir ce qui est réellement nouveau ou non.

Il y a, dites-vous, un « avant » et un « après guerre froide ». Quelles nouveautés majeures sont apparues depuis l'effondrement du bloc soviétique ?

D. D. C. Pendant la guerre froide, les grandes puissances ont fait la guerre par procuration et gelé les micro-conflits. Il n'en a plus été de même après et, d'une guerre « entre États », on est passé à une guerre « sans États » où les combattants, imperméables à toute règle du droit de la guerre, développent une violence hors normes dont l'objectif principal n'est pas la négociation, mais l'extermination de l'Autre. Le combat, d'autre part, estnon conventionnel : la panoplie de l'armement va de la machette aux armes de destructions massives. Ces conflits dits de « basse intensité » (parce qu'ils ne remettent pas en cause les relations internationales) présentent un coûthumain très élevé.

À quoi correspond la « privatisation » grandissante des conflits ?

D. D. C. Les pays recourent au mercenariat quand ils ont des intérêts à défendre et qu'il est délicat d'employerl'armée régulière, ou quand ils considèrent que leurs troupes pâtissent d'un déficit de professionnalisation.Autrefois à leur compte, les mercenaires sont aujourd'hui recrutés par des entreprises privées. Ils assurent des services de sécurité, des missions de conseil, d'encadrement et d'assistance militaire, et interviennent sur tous lesthéâtres des conflits. Il faut noter, à partir des années 1980, un nouveau type de mercenariat : le mercenariat islamique.

La gestion des futurs conflits va-t-elle obliger l'ONU et l'OTAN à se réorganiser ?

D. D. C. Destinée, au départ, à empêcher les conflits, l'ONU est devenue une agence de leurs règlements. Il lui a fallu surmonter le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États inscrit dans sa charte. Auxopérations classiques de maintien de la paix, se sont ajoutées celles de rétablissement, de consolidation et,parfois, d'imposition de la paix. L'ONU a dû adapter ses outils et même « sous-traiter » par le biais d'interventions sous reconnaissance onusienne. Aujourd'hui, elle préfère intervenir en amont et en aval, en laissant les phasesintermédiaires à d'autres comme les organisations à vocation régionale. Il lui faudra sans doute envisager de seréorganiser. Tout comme l'OTAN, compte tenu de son élargissement, de la mise en place d'une future défenseeuropéenne et de menaces très différentes de celles du passé.

1/ « Des conflits en mutation ? De la guerre froide aux nouveaux conflits », sous la direction de Danielle Domergue-Cloarec et Antoine Coppolani, Éditions Complexe, 2004.

POUR EN SAVOIR PLUS

« Zéro mort » : une « euphémisation » ambiguë CONTACT

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Danielle Domergue-Cloarec professeur à l'université Montpellier 3 États, sociétés, idéologies, défense (ESID) CNRS-Université Montpellier 3 Tél. : +33 (0)4 67 14 24 47 Mél : [email protected] Consulter le site web : ESID

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« Zéro mort » : une « euphémisation » ambiguë

« On connaissait les guerres sales des années 1950, on évoque aujourd'hui les guerres propres et même leconcept de "zéro mort" », écrivent Danielle Domergue-Cloarec et Antoine Coppolani en conclusion d'un ouvrage collectif consacré aux conflits armés. Mais que traduit, dans les faits, cette évolution sémantique laissant entendreque la guerre serait devenue une chose honteuse ? Avant tout une intolérance croissante des opinions face auxpertes humaines. Las, s'il est « militairement incorrect » de s'en prendre aux populations civiles, considérées comme innocentes, et si la fulgurante avancée technologique a laissé croire que le rêve de frapper l'adversaire enétant à l'abri était à portée de main, la guerre du Golfe (qui a donné corps au concept de « zéro mort ») a très vite montré ses limites. Et les attentats contre New York et Washington, le 11 septembre 2001, se sont chargés dedémontrer, à leur tour, que la guerre exigeait toujours un engagement total, c'est-à-dire une acceptation des pertes.

1/ « Des conflits en mutation ? De la guerre froide aux nouveaux conflits », sous la direction de Danielle Domergue-Cloarec et Antoine Coppolani, Editions Complexe, 2004.

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Danielle Domergue-Cloarec professeur à l'université Montpellier 3 États, sociétés, idéologies, défense (ESID) CNRS-Université Montpellier 3 Tél. : +33 (0)4 67 14 24 47 Mél : [email protected]

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« Un processus mental visant à détruire l'autre »

Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), Jacques Sémelins'intéresse aux violences extrêmes et, en particulier, à « ce qui préforme l'acte de massacrer ». Uneapproche par l'imaginaire qui doit servir la prévention.

Que sont les violences extrêmes ?

Jacques Sémelin. Ces violences tendent à l'extrême par leur ampleur : il s'agit de meurtres de masse, de génocides…, et par leur cruauté. De par leur « monstruosité », nous tendons à les lier à la folie. Or si la démarche est empreinte d'irrationnel, elle répond aussi à des buts politiques, économiques… Le chercheur doitdonc réintroduire de la rationalité. Il y a de la normalité dans la barbarie et ces bourreaux nous ressemblentterriblement. Pour comprendre, il faut étudier, dans la transdisciplinarité, le passage à l'acte mais aussi ce qui leprécède et analyser le massacre comme un processus mental visant à détruire l'Autre, par la soumission oul'éradication.

Quel en est le mécanisme ?

J. S. Il s'agit d'un processus imaginaire qui se construit avec des mots - ceux formulés par les intellectuels face à une crise - et qui se cristallise en idéologie. Mais d'autres éléments interviennent, notamment la guerre, qui peutmener à une radicalisation des discours et des pratiques. Le massacre découle souvent d'une double dynamique : construction d'une figure de l'ennemi à l'intérieur du pays et présence d'un ennemi à l'extérieur, et de leursupposée alliance. Tel fut notamment le cas au Rwanda.

Comment empêcher le massacre ?

J. S. Disposer d'indicateurs signalant l'essor des discours incendiaires et soutenir des intellectuels « antidotes » pour parer aux propos simplificateurs est une piste. L'intervention est parfois cependant la seule préventionpossible. Mais elle est souvent limitée par la structure des relations internationales et par le fait que les États sontdes monstres froids.

Quelle peut être la contribution des sciences sociales ?

J. S. Pour repenser la paix après un massacre et ce qu'il génère de séparation, d'identité, de traumatisme, ou pour éviter d'autres violences extrêmes, il faut analyser le passé. Les sciences sociales ont ici un rôle à jouer.Aujourd'hui, je travaille à un projet international d'encyclopédie électronique sur les massacres et génocides (cf. Pour en savoir plus) et c'est bien cet enjeu qui l'anime : la connaissance mais aussi la prévention.

1/ Jacques Sémelin a animé au CERI avec Béatrice Pouligny, de 2001 à 2003, un groupe de recherche transdisciplinaire : Faire la paix. Du crime de masse au peacebuilding. 2/ Pour faire œuvre de pédagogie et de citoyenneté, Jacques Sémelin a aussi écrit « La non-violence expliquée à mes filles » (Éd. Le Seuil, 2000). Un ouvrage traduit en plus de dix langues.

POUR EN SAVOIR PLUS

Encyclopédie électronique des massacres et génocides

À LIRE

Consulter le site web : Présentation de Jacques Sémelin et de ses publications (certaines sont téléchargeables) Consulter le site web : Violences extrêmes : cliquer sur “ Archives ”, puis sur “ 2001 ” Consulter le site web : Analyser le massacre

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Jacques Sémelin Centre d'études et de recherches internationales (CERI) CNRS-Fondation nationale des sciences politiques Tél. : +33 (0)1 45 58 18 37 Mél : [email protected] Consulter le site web : CERI

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Encyclopédie électronique des massacres et génocides

Le XXe siècle a été marqué par un progrès du droit international concrétisé par la création de la Cour pénale internationale. Une telle évolution tient évidemment à la multiplicité et à l'ampleur des cas de destruction depopulations civiles au cours des décennies passées. Ces massacres ont conduit les juristes à créer de nouvelles normes juridiques, telles les notions de crime de guerre, crime contre l'humanité ou crime de génocide.

Parallèlement à cette évolution du droit, il manquait un outil de référence en sciences sociales, rassemblant lesconnaissances en matière de destruction de populations civiles. Si les travaux existants, en histoire, en sciencepolitique, en sociologie…, ont permis d'importantes avancées dans l'analyse de tel ou tel massacre ou génocide,ils restent le plus souvent dispersés. D'où le projet d'encyclopédie lancé par Jacques Sémelin. La création et l'actualisation d'une telle base documentaire électronique sur les massacres et génocides s'avère en effet de plusen plus indispensable pour tous ceux qui travaillent sur la violence, la guerre et la paix.

Le projet repose sur la mobilisation d'étudiants (notamment ceux de Sciences Po) et de chercheurs français etétrangers, avec la création d'un comité scientifique international, en partenariat avec Henry Huttenbach, directeurdu “ Journal of Genocide Research ” (New York).

L'objectif est de travailler sur l'histoire du XXe siècle et, par la suite, également sur les siècles précédents.Bilingue anglais/français, mais ouverte à d'autres langues, l'encyclopédie est destinée aux étudiants et aux chercheurs, aux membres d'ONG, à des juristes ou experts internationaux, etc. Elle sera accueillie sur le site duCERI.

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Jacques Sémelin Centre d'études et de recherches internationales (CERI) CNRS-Fondation nationale des sciences politiques Tél. : +33 (0)1 45 58 18 37 Mél : [email protected] Consulter le site web : CERI

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Le viol comme instrument de guerre et d'extermination

Le 27 juin 1996, pour la première fois dans l'histoire, le Tribunal pénal international de la Haye qualifie leviol contre les femmes commis en temps de guerre de crime contre l'humanité à la suite du dossier de Foca. Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue au Centre d'études transdisciplinaires (sociologie,anthropologie, histoire) (CETSAH), a travaillé sur les lieux mêmes du génocide et témoigne sur cesnouveaux crimes de guerre.

Le dossier de Foca, du nom d'une ville bosniaque, établit qu'en avril 1992, une partie des forces armées serbeset surtout des paramilitaires se sont notamment livrés à des viols systématiques, collectifs et accompagnés de sévices et de meurtres de femmes et de petites filles. De nombreuses tortures sexuelles sont avérées à l'encontre de personnes de tous âges et tous sexes. Le sens de ces crimes de viols et de tortures sexuelles estexplicite : il s'agit de toucher la capacité de reproduction et de transmission du lien de filiation de la communauté définie comme ennemie « ethnique ».

À la fin du XXe siècle, on est loin de l'étonnement incrédule devant les événements de 1992. à côté des autrespratiques de répressions et de tortures. Les viols à large échelle font partie de la panoplie des pratiques de répressions et de tortures prédictibles en temps de guerre entre nations ou communautés. Mais leur visibilité, leursens au regard des acteurs, semble avoir pris une tournure un peu différente dans les conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda.

Ces pratiques s'inscrivent dans un contexte d'extrême violence relevant d'une idéologie de guerre plus ou moinsexplicitement imprégnée de racisme ou « d'ethnisme » : la haine adressée à la collectivité (définie par son « ethnicité » méphitique et transmise par la reproduction sexuelle) recouvre tous les membres de cettecommunauté quel que soit l'âge et le sexe : dans ce type de guerre, ce sont tous les civils en tant qu'appartenantà une même collectivité qui sont les ennemis. Lors des deux dernières guerres de Tchétchénie menées par l'État russe depuis les années 1990, les paysans tchétchènes violés dans les camps de filtration russes sont baptisésensuite d'un nom de femme : ils sont donc eux aussi victimes de ces mêmes crimes de tortures sexuelles quitentent de détruire la capacité de reproduction de l'ennemi.

Lors du génocide Rwandais (avril-juillet 1994) de nombreux cas de viols avec pour plus de la moitié des cascontamination délibérée par le virus du sida, ont été documentés : comme si ce qui était recherché était, en plus de la destruction de l'ennemi, « la défaite de sa naissance collective » dans le lieu où elle a germiné, le ventre de la femme, une terre comme matrice : la haine « ethnique » veut nettoyer l'ennemi de cet espace-là ; faire en sorte qu'il n'ait jamais été présent sur ce sol donné, « notre terre à nettoyer ».

Les guerres de nettoyage se veulent « purificatrices » et cherchent à éliminer des populations civiles définies comme « cancrelat » et « souillure » ; elles constituent les guerres les plus sales. Ces crimes auparavant pratiqués dans les guerres de répression coloniales, se retrouvent dans les conflits contemporains où lesidéologies de guerre instrumentalisent, réactivent, voire réinventent sur le terrain de vieux clivages définis comme « ethniques » pour mieux masquer les enjeux économiques et politiques de ces conflits.

1/ Dans le cas de grossesses forcées, les femmes enceintes n'étaient relâchées qu'au bout de six mois portant« l'enfant de l'ennemi ». Voir l'ouvrage de Stéphane Audoin-Rouzeau, « L'enfant de l'ennemi », Paris, Aubier Collection historique, 1995, 222 p.

À LIRE

Du rêve de vengeance à la haine collective. Véronique Nahoum-Grappe. Éd. Buchet/Chastel, 2003. CONTACT

Véronique Nahoum-Grappe Centre d'études transdisciplinaires (sociologie, anthropologie, histoire) (CETSAH) CNRS-EHESS Tél. : +33 (0)1 40 82 75 34 Mél : [email protected] Consulter le site web : CETSAH

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Un réseau de recherches sur les crises extrêmes

Un groupement de recherche (GDR) du CNRS fédère des travaux sur les crises extrêmes. JohannaSiméant, professeur de science politique à l'Université Lille 2 et responsable du GDR, répond à nosquestions.

Quel est le rôle du GDR « Face aux crises extrêmes » ?

Johanna Siméant Le rôle d'un GDR est de fédérer d'une façon plus transversale les chercheurs de différentslaboratoires travaillant sur des objets ou problématiques proches. Ce GDR répond au besoin de mettre en contactdes sociologues, des politologues, des juristes, des chercheurs en information et communication travaillant surdes crises extrêmes différentes (Rwanda, Bosnie, Sierra Leone, Kosovo…), afin de croiser certaines de leurs interrogations mais aussi de confronter leurs travaux avec ceux relatifs aux deux guerres mondiales et à la Shoah.

Comment s'est constitué ce GDR ? Quels en sont les thèmes d'étude ?

J. S. Le GDR s'est constitué en 2001, grâce notamment à l'action de deux sociologues spécialistes de l'Afriquecentrale qui mènent des recherches sur le génocide au Rwanda (Claudine Vidal) et sur le sort des réfugiésrwandais au Congo-Zaïre en 1996-1997 (Marc Le Pape). D'autres chercheurs du GDR travaillent sur les enquêtes internationales à finalité judiciaire relatives aux atteintes aux droits de l'homme, sur le témoignage des survivantsde certains génocides, sur les rapports des ONG relatifs à certaines crises...

D'autres groupes de recherche de ce type existent depuis longtemps à l'étranger. Pourquoi ce GDR est-il si récent ?

J. S. Il existe en effet, en Europe et aux États-Unis, de nombreux programmes qui recoupent des thèmes d'étudesimilaires, en particulier les « Genocide Studies » (« Genocide Studies Program » de l'Université de Yale, « Program for Holocaust and Genocide Studies » d'Uppsala, Suède). En France, des liaisons entre chercheurstravaillant sur les crises et les violences extrêmes existent depuis longtemps, constituées lors de séminaires ou de colloques (Institut d'histoire du temps présent, Sciences Po, Collège de France, EHESS...). Mais la création de ceGDR est essentielle car elle permet d'inscrire les recherches françaises dans un réseau institutionnel,interdisciplinaire. Sur ce thème des crises extrêmes, nous préparons pour octobre prochain un colloqueinternational (c.f. pour en savoir plus).

1/ Johanna Siméant a organisé en 2001 à La Rochelle le colloque international : « ONG et action humanitaire : entre militantisme transnational et action publique ». Les actes paraîtront fin 2004.

POUR EN SAVOIR PLUS

Colloque international

CONTACT

Johanna Siméant, GDR « Face aux crises extrêmes » Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS) CNRS-Université Lille 2 Tél. : +33 (0)3 20 90 74 52 Mél : [email protected] Consulter le site web : CERAPS (Simeant)

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Colloque international

« Face aux crises extrêmes » (Lille, 21-22 Octobre 2004)

Juristes, historiens, sociologues, politologues, épidémiologistes sont invités lors de ce colloque à une réflexionsur les « crises extrêmes », situations où l'existence d'un groupe humain est mise en danger : guerres, conflits internes et leurs conséquences : massacres massifs, assassinats de témoins, viols, famines organisées,épidémies, déplacements de populations, (réfugiés, déplacés…). Une mise en péril de groupes humains qui peut se poursuivre en situation d'après-guerre et de paix.

Les réalités de ces crises font l'objet de multiples contestations, mises en question et mises en doute,« manipulations », mais, en même temps, elles sont traitées par des récits et rapports d'enquête, qui visent à l'établissement de vérités et à l'analyse. De multiples agents non-belligérants, très différents les uns des autres par la nature de leurs engagements et de leurs objectifs, sont également impliqués. Devant la multiplicité et la diversité politique des acteurs se développent alors une forte incertitude (qui souvent se prolonge longtempsaprès la fin des crises) et de grandes controverses sur la vérité des discours : ce que les organisations et les États savaient ou ne savaient pas, ce qu'ils ont fait ou n'ont pas fait, ou auraient pu faire...

Comment transformer ces « crises extrêmes » en objet de réflexion collective ? Comment identifier, observer, comparer les diverses modalités de connaissance de ces crises ? Comment saisir et comprendre les conditionsdans lesquelles ces connaissances ont été construites ? Et aussi étudier les usages de ces connaissances dans les controverses publiques, dans les pratiques de communication liées aux engagements humanitaires ? C'est à ces questions que le colloque tentera de répondre. La période concernée est l'après-guerre froide, ce qui n'exclut pas les comparaisons avec d'autres périodes et d'autres situations.

CONTACT

Johanna Siméant, GDR « Face aux crises extrêmes » Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS) CNRS-Université Lille 2 Tél. : +33 (0)3 20 90 74 52 Mél : [email protected] Consulter le site web : CRAPS/contrib_gdr.pdf

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Débat sur la violence d'État

Maître de conférence en histoire contemporaine à l'université Rennes 2, Raphaëlle Branche est égalementassociée à l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS) et chercheuse au Centre de rechercheshistoriques sur les sociétés et cultures de l'ouest européen (CRHISCO). Elle a publié en 2001 « La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie ».

Vous avez beaucoup travaillé sur la violence et la guerre. Et, plus particulièrement sur la torture. Notez-vous une évolution de la manière dont sont perçues ces problématiques, notamment depuis lareconnaissance officielle des « événements d'Algérie » en 1999 ?

Raphaëlle Branche. La reconnaissance officielle de la guerre en Algérie n'a pas conduit à une modification dudiscours officiel sur la pratique de la torture pendant cette guerre. Alors qu'elle fut utilisée au sein d'un système derépression dont elle constituait un élément central, elle est toujours rapportée à des dérives d'élémentsminoritaires ! Ceci dit, indépendamment du discours des plus hautes autorités de l'État, il me semble que lareconnaissance de cette pratique et de sa place dans la guerre est de plus en plus nette dans l'opinion publique, surtout depuis, précisément, qu'un débat public a eu lieu sur cette question en 2000 et 2001.

Dans votre thèse sur « la torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie », vous développez l'idée selon laquelle les techniques des tortionnaires ont « naturellement » prospéré sur le terreau de plus d'un siècle de colonisation, pouvez-vous préciser votre pensée ?

R. B. La pratique de la torture pendant la guerre en Algérie a au moins deux origines : le terreau colonial propre à l'Algérie (la torture y était utilisée par la police dans le cadre du maintien de l'ordre colonial et en dehors des casd'affrontements armés) et un terreau plus spécifiquement militaire avec le poids de l'armée coloniale et del'expérience indochinoise en particulier qui conduisit l'État-Major à interpréter la guerre selon des grilles issues du conflit précédent.

Quel regard l'historienne que vous êtes porte-t-elle sur les actes terroristes du 11 mars 2004 en Espagne ? Quelle place accordez-vous à ces actes de violence dans « l'histoire de la violence d'État » que vous avez entreprise ?

R. B. Le terrorisme a connu différentes incarnations historiques et différentes finalités. Pour mon travail centrésur la violence d'État, le terrorisme a été celui de l'État choisissant de pratiquer la terreur envers une partie de la population de l'Algérie coloniale à des fins politiques. D'autres acteurs de la guerre ont aussi eu recours auterrorisme, au premier rang desquels le FLN mais aussi des européens activistes puis l'OAS. Le terrorisme du FLN peut être interprété dans une stratégie globale de conquête du pouvoir et de déstabilisation du pouvoircolonial : il s'agissait à la fois de montrer sa force aux autorités françaises et de s'installer comme le seul pouvoirpossible vis-à-vis de la population algérienne. C'est finalement en tant que discours (avec sa grammaire, sonvocabulaire, ses temps) que le terrorisme a pu alors m'intéresser. La dimension spectaculaire étant une desdimensions essentielles de cette violence, elle doit toujours être prise en compte dans l'étude de ces crimes. Lesrécents attentats de Madrid le confirment encore.

À LIRE

La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie. Raphaëlle Branche, éd.Gallimard. CONTACT

Raphaëlle Branche Centre de recherches historiques sur les sociétés et cultures de l'ouest européen (CRHISCO) CNRS-Université Rennes 2 Mél : [email protected] Consulter le site web : CRHISCO

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La mémoire retrouvée des « hommes-silence »

« On ne se guérit pas de la guerre d'Algérie… ». Cette phrase, depuis bientôt dix ans qu'il s'emploie à collecter les témoignages des officiers d'active, des professionnels sous contrat1 et des hommes du contingent2 ayant combattu en Algérie entre 1954 et 1962, Jean-Charles Jauffret, professeur à l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence, n'a cessé de l'entendre3.

Mais pourquoi tisonner obstinément les cendres du souvenir, écumer les archives départementales et privées à la recherche de carnets personnels, de livrets militaires, de lettres, de photos, etc. ? Parce que « chaque génération du feu a ses propres caractéristiques », explique-t-il, qu'il n'existe pas une, mais « des guerres d'Algérie » et que l'Homo bellicus algerianus, « homme mémoire » d'un conflit perdu, trop longtemps réduit au statut d'« homme-silence », n'existe qu'en « pièces détachées ».

Réalisée avec le concours d'étudiants en maîtrise, l'enquête a permis, à partir d'un formulaire de 152 questions, d'interroger déjà 590 hommes du contingent (auxquels s'ajoutent 210 témoignages recueillis par Jean-Charles Jauffret). Où l'on découvre que 78 % de ces témoins, issus de toutes les couches sociales, jugent favorablement le comportement de leur supérieur hiérarchique avec eux, ce qui infirme tout rapprochement« avec la guerre du Vietnam où les cadres de l'armée américaine ont subi force critiques ».

Impossible, pour autant, en l'absence de front et devant la très grande diversité des expériences, de faire émergerune mémoire commune de ce « continent-contingent » : quel point commun entre un « brav' petit gars » forcé de crapahuter des mois durant dans les djebels de Grande Kabylie et celui qui aura goûté à Oran « le calme d'une vie de garnison » ? Les témoignages (cf. Pour en savoir plus) mettent en évidence une mémoire éclatée, trèséloignée de la mémoire collective des soldats de 1914-1918. Quant au monde plutôt hermétique des officiers d'active, se manifestent avec le recul une grande réticence vis-à-vis des questionnements du scientifique, un exceptionnel esprit de corps, un respect indéfectible du culte de l'armée, un ressentiment à l'endroit de la Grande Zohra (le général de Gaulle). Des hommes-mémoires qui restent marqués par une succession d'expériencessouvent douloureuses, des interrogations encore lancinantes. Plus de quarante ans après les faits, le mot d'ordreest toujours de « ne pas oublier, même lorsqu'on reste muets…».

1/ Sous-officiers, engagés volontaires et rengagés. 2/ Officiers de réserve, sous-officiers sans contrat d'engagement, appelés et rappelés. 3/ De 1954 à 1962, il y eut 2.000 000 hommes en armes dont 1.200.000 appelés. Les recherches menées par J.-C. Jauffret sont limitées aux combattants français.

© D.R.

POUR EN SAVOIR PLUS

Un témoignage exceptionnel À LIRE

• Soldats en Algérie, 1954-1962 : expériences contrastées des hommes du contingent. Jean-Charles Jauffret. (Revue Autrement, novembre 2001). • Des hommes et des femmes en guerre d'Algérie. Ouvrage dirigé par Jean-Charles Jauffret. (Revue Autrement, novembre 2003).

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Jean-Charles Jauffret IEP d'Aix-en-Provence États, sociétés, idéologies, défense (ESID) CNRS-Université Montpellier 3 Tél. : +33 (0)4 42 17 01 87 (mercredi-jeudi-vendredi) Mél : [email protected]

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Un témoignage exceptionnel

De tous les documents écrits exhumés par Jean-Charles Jauffret et destinés à augmenter le capital de mémoiredes anciens combattants d'Algérie, Le journal de marche du sergent Paul Fauchon constitue la pièce la plus rare. « Brut de coulée » (pas une virgule n'en a été modifiée), écrit au jour le jour, au crayon, entre juillet 1956 et mars1957, au pire moment du conflit, ce carnet permet d'approcher au plus près le vécu d'un chef de poste affecté àTizi Gheriff, en Grande Kabylie. Jeté dans une guerre sans gloire, tenaillé par la peur et des problèmes de conscience (quand il s'agit d'utiliser des méthodes musclées) autant qu'amoureux fou de l'Algérie (au point de vider son compte à la Caisse d'Épargne pour édifier un système d'adduction d'eau dans les villages flanquant son poste), légèrement blessé au combat le 2 décembre 1956, Paul Fauchon, un ancien maçon aujourd'hui âgé de 73ans, regagnera la France dans un état d'épuisement total. Un livre de sang, de mort, de doutes, de courage et dejoie. In memoriam.

1/ publié par l'ESID, CNRS-Université Paul Valéry Montpellier 3, en 1997.

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Mémoire et réconciliation en Espagne

Espagne 1936-2004 : le passé conflictuel revisité

Le 20 novembre 2002, jour anniversaire de la mort du général Franco, le Congrès des députés espagnolvote une déclaration institutionnelle condamnant « le soulèvement militaire du 18 juillet 1936 ». Cette condamnation officielle du franquisme réclamée par les survivants du camp républicain, leurs familles, etl'ensemble des partis de gauche, symbolise la réconciliation des Espagnols, plusieurs décennies après la fin de la Guerre civile. Danielle Rozenberg, sociologue au Laboratoire d'analyse des systèmes politiques(LASP) retrace la volonté de toute une nation de regarder son histoire en face et de tourner la page d'unpassé traumatique.

Pacte d'oubli et réconciliation en trompe l'œil

En novembre 1975 à la mort du caudillo, la construction de la démocratie apparaissait comme une aspirationpartagée par l'immense majorité des Espagnols, mais représentait aussi un défi politique en raison des différents acteurs en présence et de l'urgence des problèmes à résoudre : nature du régime et des institutions, crise économique, prise en compte des nationalismes périphériques, reformulation des rapports Église/État, rôle desforces armées, positionnement au niveau international, etc. Cette situation à haut risque et le souvenir desaffrontements passés sont à l'origine du « consensus » espagnol, pacte d'oubli et de compromis (Loi d'amnistie de1977 ; Constitution de 1978) permettant d'associer dans un projet commun les adversaires politiques de naguère.

Souffrances prises en compte et mémoire des vaincus réhabilité

À partir des années 1990, la perception d'une démocratie stabilisée permet la résurgence d'une mémoirepopulaire longtemps interdite. Des voix s'élèvent au sein de la société civile, des collectifs de militants seconstituent pour s'insurger contre le silence imposé aux victimes de la Guerre civile et de la dictature, réclamerréparation et rappeler que la réconciliation nationale restait toujours un processus inachevé.

Une Espagne réconciliée ?

Une vague mémorielle semble emporter l'Espagne vers une relecture de son passé, un mouvement qui ne touchepas seulement la sphère des spécialistes ou des media mais implique aussi les protagonistes et les témoins des événements dramatiques. Parallèlement, la production éditoriale et artistique de la dernière décennie (d'AntonioMuñoz Molina à Dulce Chacon, en passant par Montxo Armendariz) atteste d'une mémoire enfouie aux multiplesfacettes.

L'Espagne post-franquiste est encore aujourd'hui perçue à l'étranger à partir de représentations-clichés (la movida, les commémorations du Quinto Centenario, les Jeux olympiques de Barcelone, l'Exposition universelle de Séville, la figure emblématique du roi Juan Carlos 1er, mais aussi le terrorisme de l'ETA) qui masquent une évolution certaine : l'Espagne est devenue un pays démocratique et moderne qui tente de se réapproprier sonhistoire. Tout récemment, les attentats du 11 mars 2004 à Madrid suivis de la victoire électorale de José Luis Rodríguez Zapatero ont aussi démontré qu'elle constitue désormais une nation solidaire et résolumenteuropéenne.

1/ La réussite de la transition politique espagnole a contribué à l'ériger en paradigme contemporain du passage pacifique de la dictature à la démocratie. D'autres pays d'Europe centrale et d'Amérique latine se sont inspirés du« modèle espagnol » à l'heure d'amorcer leur propre changement politique.

À LIRE

Danielle Rozenberg (coord.), Espagne. La mémoire retrouvée : 1975-2002. In Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 70, BDIC, avril-juin 2003.

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Danielle Rozenberg Laboratoire d'analyse des systèmes politiques (LASP) CNRS-Université Paris 10

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Tél. : +33 (0)1 40 97 76 52 Mél : [email protected] Consulter le site web : LASP

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Le rôle des forces terrestres dans la sortie de guerre

l'exemple du Kosovo

En 1999, 78 jours de bombardement ont amené la Serbie à retirer ses troupes du Kosovo et à conférer unstatut d'autonomie à cette province, sous tutelle de l'ONU et sous protection militaire de l'OTAN.

Cinquante mille militaires de vingt-cinq nations, formant cinq brigades multinationales, se sont installés dans lescinq régions militaires du Kosovo. Ils étaient armés de toute la panoplie de combat, depuis les blindés lourds jusqu'aux hélicoptères, en passant par l'armement individuel et le matériel du génie. En effet, il a fallu faire faceaux mines laissées par les forces serbes en retraite, empêcher que ces forces puissent encore sévir mais aussiqu'elles soient harcelées par l'UCK.

Plus tard il a fallu certes protéger le Kosovo contre les conséquences des rébellions albanaises au sud de laSerbie et au nord de la Macédoine, mais surtout contre lui-même, face à la tentation de la guerre civile : l'exemple de la ville de Mitrovitsa reste dans les mémoires.

Pour y parvenir, la KFOR a d'abord utilisé la dissuasion passive, par une présence massive et un quadrillagesystématique du pays : enclaves serbes transformées en places fortes ; églises orthodoxes protégées par des blindés ; patrouilles armées... Ce qui n'a pas empêché des manifestations violentes, notamment à Mitrovitsa.Comme il était impensable d'ouvrir le feu, il a fallu que les forces de combat apprennent les techniques de« contrôle des foules », et que des unités de gendarmerie viennent les renforcer.

Pour éviter le risque d'une insurrection armée ou d'actions de guérilla, la KFOR a associé une politiquesystématique de renseignement et des recherches systématiques de stocks d'armes. Enfin, il a fallu aussi créer un climat favorable, une certaine sympathie envers les militaires : c'est l'objectif de l'action civilo-militaire, qui aide les populations face aux difficultés quotidiennes et contribue à la reconstruction du pays, au maintien de sa pluri-ethnicité.

Il reste aujourd'hui au Kosovo environ 20 000 militaires de la KFOR. L'exemple de ce pays montre l'importancedes missions de stabilisation qui peuvent être menées après une guerre par des forces terrestres multinationales.Jacques Aben s'est intéressé à d'autres pays confrontés à la guerre, menant notamment des recherches sur lessorties de crises afghane et irakienne.

1/ Ces cinq brigades, sous commandements allemand, américain, britannique, français et italien, composent la KFOR, force internationale de sécurité au Kosovo. 2/ UCK : armée de libération du Kosovo créée en 1995, après les accords de Dayton. 3/ La ville est frontière entre une zone à dominante albanaise et une autre à dominante serbe.

À LIRE

Les nouvelles missions de stabilisation des forces terrestres après une guerre : les leçons du Kosovo, Jacques Aben. in Défense et Stratégie (Observatoire européen de sécurité, Université Paris 1) n°9, avril 2004. Consulter le site web : Défense et Stratégie

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Jacques Aben Professeur à l'Université Montpellier 1 États, sociétés, idéologies, défense (ESID) CNRS-Université Montpellier 3 Tél. : +33 (0)4 67 15 83 89 Mél : [email protected] Consulter le site web : ESID ---------------------------------------------- Ce texte a été rédigé avant les événements de mars 2004 au Kosovo.

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Du combat contre la maladie à l'engagement dans « l'humanitaire »

Marie-Christine Pouchelle est anthropologue au Centre d'études transdisciplinaires (sociologie,anthropologie, histoire)1. Son terrain d'étude est l'hôpital, un lieu de soin, mais aussi de violence, oùl'imaginaire de la guerre est fortement présent2.

« On va nettoyer cette zone, la bombarder ! » disent parfois les médecins aux patients en parlant de leur stratégiethérapeutique face à une tumeur cancéreuse. Sur le plan imaginaire, la médecine fait un large usage de métaphores militaires et guerrières ainsi que des valeurs sacrificielles propres aux héros combattant pour les plusjustes causes.

Apparemment opposés, le soin et la guerre sont deux pôles de l'activité humaine métaphoriquement associés. L'observation ethnographique de plusieurs hôpitaux français, au plus près de la vie quotidienne des services,montre que ces lieux ne sont pas toujours les havres de paix dont patients et professionnels rêveraient mais lethéâtre d'affrontements, contre la maladie et la mort, la fatigue, voire contre soi-même, contre des confrères ou contre l'administration.

Que l'imaginaire de la guerre puisse être, pour médecins et infirmières, « bon à penser » incite à s'interroger sur l'attrait de « l'humanitaire » pour certains d'entre eux. Hormis la générosité de leur élan, sur quoi reposel'enthousiasme qui les porte à s'engager courageusement jusque sur les théâtres des opérations militaires, àmettre leur propre existence en péril loin des structures habituelles de leur exercice quotidien, à travailler souventavec un manque dramatique de moyens ?

À la passion de sauver et au goût de l'aventure, il faut peut-être ajouter le désir de retrouver dans un ailleurs lointain une liberté d'exercice voire d'invention que les professionnels ont parfois le sentiment d'avoir perdu dansl'hôpital d'aujourd'hui. Certains évoquent leur malaise face aux prescriptions médico-légales et aux nouveaux droits des patients qui régissent désormais leur pratique, mais aussi devant le poids croissant des directions administratives dans la vie hospitalière. Pour ces hommes et femmes d'action (comme pour les militaires), lesadministratifs ne sont souvent que « les planqués de l'arrière ». Comment alors partager « le front » avec eux ? C'est le défi posé aujourd'hui aux équipes. L'engagement dans l'humanitaire peut être une tentative pour yéchapper. C'est pourquoi sans doute le Tiers-Monde, loin d'ici, suscite dans ce domaine plus de vocations que leQuart-Monde chez nous.

1/ CETSAH. 2/ Ce travail a fait l'objet d'une communication lors du colloque « Guerre et médecine : quel champ de recherche ? » organisé en février 2004 par l'Association « Guerre et médecine ».

À LIRE

De la violence, Françoise Héritier (dir.). Paris, Odile Jacob, 1996. L'Hôpital Corps et Âme, Marie-Christine Pouchelle. Paris, Seli Arslan, 2003. Consulter le site web : Bibliothèque interuniversitaire de médecine

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Marie-Christine Pouchelle Directrice de recherche au CNRS CETSAH CNRS-EHESS Mél : [email protected] Consulter le site web : CETSAH

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Accueil > Guerre(s) et paix / N°2 2etrimestre 2004 > LE FUSIL ET L'ÉPROUVETTE La guerre du futur, une science fiction ?

Face aux menaces actuelles et dans un contexte stratégique instable, le scientifique peut être amené àprendre part à l'analyse des défis et à repenser les outils de défense de la guerre de demain. Pour autant, l'objectivité doit rester de mise. Le point de vue de Jacques Citerne, directeur scientifique adjoint duDépartement des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC).

Quels sont les nouveaux défis de sécurité ?

Jacques Citerne. La stratégie nationale de sécurité et de défense vise à garantir quatre priorités : la dissuasion, la protection, la prévention et la projection. Les dangers ont plusieurs sources, mais le terrorisme reste la menacela plus flagrante après les attentats du 11 septembre 2001. D'autre part, l'Europe aborde aujourd'hui laproblématique de la menace liée à la prolifération des armes de destruction massive. Outre l'arsenal nucléaire,ces armes rassemblent des moyens d'action radiologiques, biologiques et chimiques. Ces guerres non-conventionnelles se démarquent de nos représentations traditionnelles.

La guerre du futur aura-t-elle lieu ?

J. C. Penser que la guerre du futur n'aura pas lieu n'interdit pas de s'y préparer. Les hommes d'État et lesresponsables militaires des grandes démocraties se soucient de renouveler l'art militaire en pensant la guerre enhommes de paix. Retenant les leçons de l'histoire, les nations adaptent leur appareil et leur doctrine de défenseau contexte international et aux évolutions technologiques dans une logique de politique de défense.

Robots et ordinateurs préfigurent-il le soldat de demain ?

J. C. Les révolutions technologiques préparent le futur. La guerre de demain tendra essentiellement à éloigner l'homme du champ de bataille. Les « nouveaux » conflits ignorent souvent toute ligne de front, brouillent lesdistinctions entre civils et militaires et ne laissent apparaître aucun adversaire en uniforme. Absorbé dansl'interface homme-machine, le soldat mènera avant tout une guerre de l'information.

Le CNRS participe-t-il à une réflexion prospective ?

J. C. Le CNRS et ses partenaires ont développé un programme sur le thème de la robotique mobile pour les troistypes d'armes (terre, mer, air). Des projets concernant les engins non pilotés ont été initiés : ces drones pourront servir non seulement des buts militaires mais également avoir des finalités civiles. La réflexion prospective menéeau CNRS s'inspire beaucoup du programme australien qui utilise les drones pour prévenir les incendies de forêt ou surveiller les zones côtières. L'observation de la Terre constitue un autre sujet important pour les scientifiques.Mais, en matière d'observation, le principal problème rencontré par les chercheurs réside encore dans la mise à disposition d'images. En délivrant un message scientifique, industriel, diplomate, militaire, la rechercheacadémique peut mieux appréhender la nature de la guerre du futur dans ses aspects stratégiques, industriels,technologiques et opérationnels.

POUR EN SAVOIR PLUS

La guerre du futur CONTACT

Jacques Citerne Directeur scientifique adjoint du Département des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) Institut d'électronique et de télécommunications de Rennes (IETR) CNRS-Université Rennes 1-INSA Rennes Tél. : +33 (0)2 23 23 82 90 Mél : [email protected] ou [email protected] Consulter le site web : IETR

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La guerre du futur

À l'occasion de la quatrième rencontre internationale de prospective du Sénat de l'année 2003, le groupe de prospective du Sénat a réuni l'ensemble des acteurs concernés pour évaluer ce que pourrait être la guerre du futur dans le champ prospectif de l'avenir des conflits. (La guerre du futur : analyse prospective sur l'avenir des conflits - Paris, Sénat, 27 novembre 2003)

Actes de la rencontre

À LIRE

Consulter le site web : Groupe de prospective du Sénat

CONTACT

Jacques Citerne Directeur scientifique adjoint du Département des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) Institut d'électronique et de télécommunications de Rennes (IETR) CNRS-Université Rennes 1-INSA Rennes Tél. : +33 (0)2 23 23 82 90 Mél : [email protected] ou [email protected]

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Historique : de la guerre au terrorisme chimique

De l'Antiquité jusqu'à la Première Guerre mondiale, les militaires ont développé et utilisé des armes chimiques. Depuis, la convention sur l'interdiction des armes chimiques est entrée en vigueur. Et c'est désormais le spectre du terrorisme qui plane sur le Monde moderne. Voici quelques dates repères.

- 428 Guerre du Péloponèse : les villes assiégées sont asphyxiées par la combustion de poix et de soufre. 673 Invention du feu grégeois que les Byzantins utiliseront contre les Turcs pendant cinq siècles. 1457 Première description de la bombe lacrymogène.

XVIe siècle Apparition des bombes à l'arsenic.

XVIIe siècle Utilisation de « pots puants » lors de la guerre de Trente ans.

XVIIIe siècle Lors de la Révolution, le révolutionnaire Antoine Santerre propose d'épandre des pluies de vitriol sur la Vendée insurgée. À la fin du XVIIIe siècle, l'acide cyanhydrique est isolé et un pharmacien allemand envisage aussitôt de l'utiliser comme une arme.

XIXe siècle Début de la chimie moderne. Quelques états-majors commencent à refuser d'utiliser des armes chimiques comme les gaz de combat.

Première Guerre mondiale C'est l'escalade vers la guerre chimique moderne : chlore, phosgène, ypérite, gaz moutarde... On estime que pendant la guerre de 1914-1918, plus de 112 000 tonnes de produits chimiques ont été utilisées de part et d'autre causant la mort de près de 500 000 hommes sur le front occidental.

Deuxième Guerre mondiale À l'exception du front en Extrême-Orient, aucune arme chimique n'est utilisée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des gaz toxiques sont utilisés par les Allemands dans les camps d'extermination.

1964-1973 Au Vietnam, les Américains utilisent l'agent orange, qui contient de la dioxine, comme produit exfoliant. Il fera des centaines de milliers de victimes. 1987-1988 L'Irak lance des attaques chimiques contre les populations kurdes.

1993 Signature de la convention sur l'interdiction des armes chimiques par 143 États, dont la France.

1994-1995 Au Japon, attentats au gaz sarin par la secte Aum.

2004 La Libye dévoile son arsenal chimique et s'engage à le détruire.

À LIRE

Consulter le site web : Guerre et terrorisme chimiques, Armand Lattes.

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Armand Lattes Président de la Société française de chimie Unité « Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique » (IMRCP) CNRS-Université Toulouse 3 Tél. : +33 (0)5 61 55 62 70 Mél : [email protected] Consulter le site web : IMRCP

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« Y a-t-il un pilote dans l'avion ? »

Objets volants bien identifiés

Les drones ou UAVs (Unmanned Aerial Vehicles) sont des engins volants sans pilote.Créés initialement à des fins militaires, ils ont vu leurs applications s'élargir dans le civil. Ils sont utiliséspour différentes missions dont les principales sont la photographie aérienne et le renseignement. LeLaboratoire d'analyse d'architecture des systèmes (LAAS) est très largement impliqué dans la création etla mise en route des drones.

Véritables systèmes d'observation volants, les drones font l'objet aujourd'hui de toutes les convoitises. De plus enplus performants, ils peuvent être équipés de caméras, de capteurs, de détecteurs, de brouilleurs, dedésignateurs lasers, etc.

Leurs applications militaires ont été largement médiatisées lors des opérations américaines en Afghanistan, suite aux attentats du 11 septembre 2001, mais aussi lors des dernières attaques en Irak en mars 2003. Les avions de renseignement deviennent alors des drones de combats, armés de missiles. Ces engins militaires se développent peu à peu dans le domaine civil. Ils sont même soumis cette année à un concours lancé par la Délégation générale de l'armement (DGA) dans les universités et écoles d'ingénieurs, pour la construction d'un drone miniature, qui devra être équipé de caméras de surveillance. Les drones civils possèdent toujours leur fonction de renseignement, mais sont aussi utilisés pour l'agriculture ou la météorologie par exemple.

Le LAAS fait partie du projet européen COMETS sur l'utilisation des drones. L'objectif est de créer et de mettre en œuvre des drones hétérogènes (hélicoptères, dirigeables, etc.) qui auront différentes applications dans le civil. En cas de feu de forêt, les drones seront capables d'aller plus près de l'incendie, là où la visibilité est très restreinte, donc dangereuse pour un pilote. Ils procureront une surveillance en temps réel, et fourniront des informations telles que la hauteur des flammes, l'étendue du feu de forêt... Ces engins volants pourront être aussi utilisés pour surveiller le trafic routier, afin d'identifier et de poursuivre des véhicules dangereux, de donner de façon instantanée et précise l'état du trafic. Néanmoins, l'une des missions phares du COMETS est la cartographie de terrain à l'aide des drones. Ceux-ci pourront en effet, en survolant un terrain, en fournir une carte précise et à jour, pour estimer par exemple la surface de terrain dévastée après un incendie. Les drones civils ont donc de nombreux champs d'action et un bel avenir devant eux.

Consulter le site web : Haut comité français pour la défense civile Consulter le site web : Colloque technique « L'utilisation des systèmes de drones pour des missions de défense civile » Consulter le site web : Projet européen COMETS

Dirigeable robotisé. © CNRS.

Vue aérienne du trafic routier à partir d'un drone.© COMETS.

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Consulter le site web : EDEN gallery Karma

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Raja Chatila Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS) CNRS Tél. : +33 (0)5 61 33 63 44 Mél : [email protected] Consulter le site web : LAAS

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« Big Brother » vous observe… La sécurité à l'ère du numérique

La sécurité du « cybermonde » est devenue un enjeu fondamental pour le citoyen (respect des libertésindividuelles, préservation de l'intimité numérique), pour l'entreprise (protection du patrimoine industriel,des transactions et des réseaux informatiques), et pour l'État (fiabilité de fonctionnement des grandesinfrastructures). Le Département des sciences et technologies de l'information et de la communication duCNRS a créé en 2002 un réseau thématique pluridisciplinaire (RTP) pour développer des modèles, méthodes et outils permettant de sécuriser l'accès aux systèmes d'informations, garantir l'intégrité desdonnées, l'identification des utilisateurs et la confidentialité des échanges.

Les motivations des menaces cybernétiques (appât du gain, malveillance,vandalisme, vengeance, déstabilisation d'un concurrent, espionnage) nesont pas propres aux systèmes d'information. Les attaquants exploitent toutes les vulnérabilités possibles, humaines ou techniques, en s'efforçantde n'être ni identifiés ni punis. Exit le hacker solitaire qui cède sa place à des organisations plus structurées.

Les actions de recherche du RTP associent cryptologues, informaticiens, traiteurs de signaux, électroniciens des hyperfréquences, opticiens destélécommunications, sociologues et juristes spécialistes des problèmes deconfidentialité, d'intégrité et de disponibilité des systèmes et del'information.

L'approche informatique concerne la modélisation de la sécurité del'information, l'analyse du risque, de la menace et des vulnérabilités dessystèmes, la mise en place de politiques de sécurité configurables pour ladéfense, l'attaque, la dissuasion, l'anticipation et la protection contre les menaces potentielles (intentionnelles ou accidentelles). Les approchesphysiques reposent sur de nouveaux principes cryptographiquesintervenant au niveau de la couche physique des réseaux optiques ethyperfréquences, par exemple à l'aide de masquage par dynamiqueschaotiques ou encore grâce à la distribution quantique de clé.

© William Langlois - 2001.

La sécurité des grandes infrastructures, la protection des édifices numériques (réseaux bancaires, téléphoniemobile, Internet), des matériels (ordinateurs, appareils périphériques), des logiciels (système d'exploitation, protocoles, applications), des contenus (textuels, logiciels, images, sons, audiovisuels), la protection de la vieprivée et les limites posées par des degrés de confidentialité de plus en plus élevés sont autant de défisscientifiques et techniques à relever.

© William Langlois - 2001.

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Laurent Larger Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique (FEMTO-ST) Équipe opto-électronique CNRS-Université de Besançon Tél. : +33 (0)3 81 66 64 68

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ou GTL-CNRS Telecom/FEMTO-ST Georgia Tech Lorraine Tél. : +33 (0)3 87 20 39 34 Mél : [email protected]

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Une technique militaire à l'origine des téléphones mobiles

La technique de l'étalement de spectre

Dans l'évolution des télécommunications, les techniques d'étalement de spectre ont permis d'améliorer laqualité et de sécuriser les communications numériques. Destinées à l'origine aux communications militaires, ces techniques voient aujourd'hui se multiplier leurs applications dans le domaine civil.

La télégraphie moderne est fondée sur l'emploi de l'électricité, pour autant il ne faudrait pas en conclure que cette transmission rapide de la pensée à distance est contemporaine de l'utilisation de la puissance électrique. En réalité, les modes de transmission à distance sont, pour ainsi dire, aussi vieux que le monde. On les trouve à tous les âges et dans les civilisations les plus reculées. Autrefois, les hommes recouraient à la lumière pour se communiquer des nouvelles importantes ou des événements graves. Mais les techniques des télécommunications ont dû attendre les publications de Claude Shannon en 1948 pour voir s'établir une théorie des communications digne de ce nom. Depuis les télécommunications n'ont cessé d'évoluer.

Les techniques d'étalement de spectre constituent un moyen efficace pour améliorer la qualité des communications numériques dans des milieux perturbés (brouillage, trajets multiples, accès multiple). Elles permettent aussi d'accroître la sécurité de la transmission (discrétion, difficulté d'écoute, tatouage). Ceci est dû au fait que la transmission occupe une bande très large. Dans le cas de l'étalement de spectre par saut de fréquence, la transmission « saute » en permanence d'une fréquence à une autre, ce qui rend le message difficile à brouiller. L'idée ayant conduit à cette technique vient de Hedy Lamarr, une des actrices les plus célèbres dans les années 1930.

Les premières applications ont eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Elles étaient destinées aux

télécommunications militaires, une conséquence naturelle d'une guerre électronique de brouillage et d'antibrouillage, mais aussi aux systèmes guidés et à des expérimentations sur la diversité de réception sous desformes primitives. Le département de la défense des États-Unis a beaucoup investi dans cette technologie. Au milieu des années 1980, l'armée américaine a « déclassifié » la technologie du spectre étalé, et le secteur commercial a commencé à la développer pour l'électronique grand public. Cette technologie est devenueaujourd'hui incontournable pour la téléphonie mobile, que ce soit les systèmes actuels de 2e génération (comme le GSM ou ceux de la 3e ou 4e génération en développement (comme l'UMTS, l'UWB.…).

1/ GSM : Global System for Mobiles. 2/ UMTS : Universal Mobile Telecommunications System. 3/ UWB : Ultra Wide Band.

Spectre d'un signal à étalement par saut de fréquence. © Laboratoire IETR.

Spectre d'un signal étalé par séquence directe. © Laboratoire IETR.

POUR EN SAVOIR PLUS

Étalement de spectre

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Quelques dates qui ont marqué l'évolution des télécommunications

Hedy Lamarr : l'histoire de la musique dans les torpilles CONTACT

Ghaïs El Zein Institut d'électronique et de télécommunications de Rennes (IETR) CNRS-Université Rennes 1-INSA Rennes Tél. : +33 (0)2 23 23 86 04 Mél : [email protected] Consulter le site web : IETR

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Étalement de spectre

Étalement de spectre, quelques dates importantes

1921-1924 FM (Armstrong - Goldsmith) 1925-1930 RADAR (Appleton - Barnett) 1930 Analyse spectrale (Wiener) 1940 Modulation Chirp (Huttman) Filtrage adapté (North) 1941 Théorie de l'information (Shannon) Saut de fréquence (Lamarr - Antheil) 1942 Corrélateur glissant (Marchand - Derosa) Saut dans le temps (Busignies - Derosa) 1948 Capacité des canaux de transmission (Shannon) Théorie du filtrage (Wiener) 1950-1960 Codes pseudo-aléatoires (Lehan - Ward) Séquence directe (JPL) 1953-1960 RAKE (Price - Green) 1970-1980 Radiolocalisation (GPS, …), CDMA 1985-2000 Applications civiles, ISM (industrielles, scientifiques et médicales) GSM, UMTS,

WLAN, UWB, …

Les principaux avantages offerts par l'étalement du spectre

* Accès Multiple par Répartition de Codes (A.M.R.C), (ou CDMA en anglais, pour Code Division Multiple Access)

* Possibilité d'adressage sélectif * Faible brouillage aux autres émissions * Faible probabilité d'interception * Difficulté d'écoute * Réjection des interférences * Suppression ou traitement des trajets multiples * Haute résolution temporelle

Les principaux domaines d'application attribués à l'étalement du spectre

* Les télécommunications militaires * La radiolocalisation * Les liaisons par satellites * Les réseaux cellulaires radio mobiles * Les réseaux locaux sans fil * Les applications industrielles, scientifiques et médicales (ISM) * Les transmissions par courant porteur * Le tatouage de l'information et des images * ...

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Quelques dates qui ont marqué l'évolution des télécommunications

1822 Joseph Fourier étudie la propagation de la chaleur 1837 Samuel Morse invente le télégraphe 1864 James Clerk Maxwell établit les équations de l'électromagnétisme 1876 Alexander Graham Bell invente le téléphone 1886 Heinrich Hertz vérifie la théorie de Maxwell sur le rayonnement 1901 Guglielmo Marconi invente la télégraphie sans fil (TSF) 1921 Edwin Armstrong invente la FM 1928 H. Nyquist et R.V. L. Hartley développent la théorie de la transmission 1930 N. Wiener et Khintchine développent l'analyse des signaux aléatoires 1938 Alec Reeves invente la modulation par impulsions codées (MIC) 1940 Bardeen, Brattain et Shockley inventent le transistor 1948 N. Wiener établit les fondements de la cybernétique 1948 C. E. Shannon établit la théorie de l'information et du codage 1956 Premier câble transatlantique téléphonique 1960 Maiman conçoit le premier laser 1961 Introduction des circuits intégrés … 1962 Première liaison par satellite avec "Telstar I" 1969 Transmission en direct des premiers pas d'un homme sur la lune

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Hedy Lamarr : l'histoire de la musique dans les torpilles

Savez-vous que l'idée qui a conduit à la technologie des téléphones cellulaires vient de la star de cinéma, Hedy Lamarr ?

Hedy Lamarr (1914-2000), star de cinéma dans les années 1930, apprit beaucoup sur les armes grâce à son premier mari, Fritz Mandl, un fabricant d'armement qui travaillait pour le compte d'Hitler. Elle décide de le quitterquand il devient très impliqué dans les affaires avec les Nazis et fuit vers Paris, puis vers Londres. Malgré tout, elle garde en mémoire tout ce qu'elle a pu entendre sur les problèmes des missiles télécommandés et sur lasimplicité à brouiller un signal de télécommande. Elle se rend compte que, si le signal émis « saute » rapidement en fréquence et si le récepteur saute lui aussi dans le même ordre et en même temps que le signal reçu, alors lesignal sera difficile à brouiller.

En 1940, avec l'aide de George Antheil (1900-1959), un compositeur américain, elle construit un dispositifutilisant un principe semblable à celui des cartons perforés des orgues de barbarie, pour garantir lasynchronisation des deux côtés. Ceci est à l'origine de la technique d'étalement de spectre. À l'époque, la marineaméricaine (US Navy) ne prend pas l'invention très au sérieux, ne retenant de tout l'exposé de ce projet que lesmots « orgue de barbarie ». Certains dirigeants iront même jusqu'à s'exclamer : « Mon Dieu ! Nous devons mettre des orgues de barbarie dans les torpilles ! ». Pourtant, dès lors que le transistor est devenu disponible, la marine a employé l'idée dans des communications militaires protégées.

Source : Couey : The Birth of Spread Spectrum. How « The Bad Boy of Music » and « The Most Beautiful Girl in the World » catalyzed a Wireless Revolution in 1941.

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Consulter le site web : sur l'article Hedy Lamarr Consulter le site web : Son histoire Consulter le site web : Le brevet Ghaïs El Zein Institut d'électronique et de télécommunications de Rennes (IETR) CNRS-Université Rennes 1-INSA Rennes Tél. : +33 (0)2 23 23 86 04 Mél : [email protected]

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Guerre et science, un mariage impossible ?

L'exposition « 39-45, ces inventions qui ont changé le monde »1 veut apporter un regard différent sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale en montrant les avancées technologiques que cette guerre a engendrées puis leurs retombées civiles tournées vers la paix.

Si les années 1930 furent propices aux découvertes scientifiques, le second conflit mondial est directement à l'origine de leur développement industriel en raison des applications militaires possibles. De scientifiques, ces découvertes deviennent stratégiques, enjeu majeur bien compris des puissances en guerre.

L'exposition pose la question de la relation entre recherche fondamentale et sciences appliquées en temps de guerre ; du changement d'image du scientifique après la bombe A ; de l'organisation de la communauté scientifique internationale ; des efforts de paix. « Détecter, communiquer, s'équiper, soigner, organiser, survivre, observer, maîtriser », tel est le parcours proposé au visiteur.

Détecter Le radar et la détection sous-marine furent les clefs de la victoire de la bataille d'Angleterre et de l'opération Overlord. Les recherches sur la réflexion des ondes ont abouti à l'installation d'équipements de repérage ou de conduite de tir. Fixes puis mobiles, grâce au magnétron, ils furent perfectionnés durant le conflit, et c'est en 1946, par un heureux hasard, que fut mis au point le four à micro-ondes.

Communiquer L'essor des télécommunications par ondes hertziennes, la radionavigation et la création du handie-talkie (ancêtre du téléphone portable), les besoins de l'armée en calculs (balistique) et le traitement des informations recueillies par les services secrets (codage, décodage, ENIGMA) poussèrent les mathématiciens à concevoir un « cerveau

électronique » considéré en 1948 comme le premier ordinateur.

S'équiper La chimie moderne a considérablement accru la diversité des macromolécules précurseures de nouveauxmatériaux (nylon, caoutchouc synthétique, silicones, bois lamellé-collé).

Soigner L'expérience de la première guerre mondiale a permis des avancées considérables en médecine grâce auxnouveaux médicaments, aux agents anti-infectieux (pénicilline, sulfamides), à la transfusion sanguine et auxnouvelles techniques d'anesthésie.

Organiser Production en série, gestion du ravitaillement, adaptation aux aléas, recherche opérationnelle, organisation rationnelle fondée sur des modèles mathématiques sont à l'origine des sciences de la logistique.

Survivre En Europe occupée, le manque de produits de base indispensables à l'alimentation humaine mena les chimistesvers des produits de synthèse (ersatz de sucres, de graisses ou de levures). Outre-Atlantique, des découvertes semblables furent utilisées pour la « ration K », repas quotidien des soldats. Les produits de synthèse et la culturehors sol ont influencé le développement du secteur agroalimentaire.

© EURO RSCG COMPAGNIE – crédit photo : Rodolphe Marics.

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Observer Les missions de bombardement et d'observation ont favorisé la naissance de l'aviation à réaction, les turbines à gaz permettant à ce nouveau type de chasseurs des performances inégalées. Dès 1944, le lancement despremières fusées V2 ouvre la voie vers la conquête spatiale.

Maîtriser La recherche nucléaire prend son essor à la fin des années 1930 grâce à la découverte du principe de la fissionet de la réaction en chaîne. C'est aux États-Unis que naîtra la première bombe atomique. Depuis Hiroshima et Nagasaki, cette énergie n'est fort heureusement utilisée que pour la paix : traitement médical, énergie électrique… 1/ Réalisée par l'association « Sciences de guerre - Sciences de paix, Normandie 44 » et inscrite au programme officiel des festivités du 60e anniversaire du débarquement, avec le label de « Normandie Mémoire », cette exposition est présentée au public du 28 mai au 30 octobre 2004, Salle de l'Échiquier, musée de Normandie,Château de Caen, (Calvados). Des chercheurs du CNRS font partie du comité scientifique.

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Gérard Van Caenegem Président de l'association « Sciences de guerre - sciences de paix, Normandie 44 » Tél. : +33 (0)2 31 74 71 38 Mél : [email protected]

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Accueil > Guerre(s) et paix / N°2 2etrimestre 2004 > LE SCIENTIFIQUE CITOYEN Réunion d'experts en biodéfense

Fédérer les spécialistes des agents pathogènes, mettre en commun leurs outils de recherche, créer un groupe capable de réagir vite en cas d'attaque biologique, tel est l'essence de ce regroupement.

En janvier 2004, un groupement de « Recherche sur les facteurs de virulence et en biodéfense » (GDR) a été créé sous l'égide du département des Sciences de la vie du CNRS. À sa tête, Jean-Pierre Gorvel, directeur de l'équipe « Biologie cellulaire et immunologie des interactions hôte-bactéries pathogènes » au centre d'immunologie de Marseille-Luminy. Ce GDR réunit près de 300 chercheurs spécialistes des agents pathogènes de classe A et B : les équipes marseillaises de Didier Raoult et Jean-Michel Claverie, des équipes associées localisées à la faculté de médecine (Timone, Marseille), des unités mixtes ainsi qu'une équipe de l'Inserm basées à Montpellier, et le laboratoire de chimie toulousain, spécialisé dans la détoxification des armes chimiques. Trois sociétés de biotechnologie montpelliéraines font aussi partie de ce GDR : Select Biotics spécialisée dans la découverte de nouveaux antibiotiques, Idenix qui se consacre à la pharmacologie antivirale et antibactérienne et Antidote Pharma qui développe des anticorps recombinants et des vaccins thérapeutiques.

« Il s'agit de réunir des gens qui travaillaient déjà ensemble et de mettre en commun nos plateformes

technologiques (laboratoires P3, génomique fonctionnelle, animalerie…). Notre but est de couvrir tous les domaines impliqués dans une crise bioterroriste : de la détection d'un pathogène en passant par sa caractérisation jusqu'aux premiers essais d'agents thérapeutiques », explique Jean-Pierre Gorvel. Le GDR souhaite aussi développer un contact privilégié avec le laboratoire P4 de Lyon et les grands centres nationaux de séquençage.

Macrophages infectés par Brucella (en vert) qui se répliquent dans le reticulum endoplasmique (en rouge), loin des lysosomes (en bleu). © Centre d'immunologie de Marseille Luminy (CIML).

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Jean-Pierre Gorvel Centre d'immunologie de Marseille Luminy (CIML) CNRS-INSERM-Université Aix-Marseille 2 Tél. : +33 (0)4 91 26 91 15 Mél : [email protected] Consulter le site web : CIML

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Faire face aux nouveaux risques infectieux

Didier Raoult dirige l'équipe de recherche française la plus compétente en matière de risques biologiqueset de nouvelles maladies infectieuses. À ce titre, il a rédigé pour le gouvernement français un rapport surle « bioterrorisme ».

Rickettsies, Coxiella (l'agent de la fièvre Q), peste, brucellose… Dans son laboratoire de Marseille, Didier Raoultet les quelque 70 chercheurs qu'il dirige travaillent sur des agents infectieux extrêmement pathogènes. Ilsdisposent pour cela d'un laboratoire de sécurité de niveau P3 et d'une animalerie de niveau A3. En 2003, à la demande des ministères de la recherche et de la santé, il rédige un rapport sur la situationfrançaise face aux risques bioterroristes. Le constat est sans appel : « le niveau d'équipement est insuffisant pour pouvoir répondre à une crise éventuelle. Nous ne sommes pas équipés pour pouvoir accueillir et isoler les malades, gérer les analyses biologiques et mettre en place des solutions thérapeutiques, déclare Didier Raoult.D'autre part, la recherche sur ces sujets est trop peu financée ». Dans son rapport, le microbiologiste préconise une refonte du réseau de surveillance et une réorganisation de la recherche par la création d'une dizained'infectiopôles qui, à la façon des génopôles et cancéropôles, réuniraient au niveau local la recherchefondamentale et la pratique hospitalière.

Pour consulter le rapport sur le bioterrorisme

Primé à plusieurs reprises par la communauté scientifique internationale, Didier Raoult a même le grand honneur, depuis 2001, d'avoir un genre bactérien à son nom : « les Raoultella ».

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Didier Raoult Unité des Rickettsies et des pathogènes émergents CNRS-Université Aix-Marseille 2 Tél. : +33 (0)4 91 32 43 75 Mél : [email protected] Consulter le site web : Rickettsies

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Un chercheur en lutte contre la guerre chimique

Armand Lattes, professeur émérite de chimie, a longtemps travaillé à des méthodes de destruction des armes chimiques et de décontamination de sites pollués.

En tant que chimiste, quelles relations entretenez-vous avec les militaires ?

Armand Lattes. De 1994 à 1998, j'ai été le président du Conseil scientifique de défense chimique et biologique.Ce Conseil a toujours été présidé par des universitaires. Le Secrétariat général de la défense nationale a en effetvoulu associer les chercheurs du CNRS dans sa lutte contre les armes chimiques. J'ai aussi travaillé avec l'OTAN pour mettre au point des méthodes de destruction d'armes chimiques (en collaboration avec l'université de Saint-Pétersbourg, Russie) et de décontamination de sites d'expérimentation d'armes chimiques (avec l'université deBoumerdès, Algérie).

L'Armée encourage-t-elle la recherche contre les armes chimiques ?

A. L. Il existe à la Direction générale de l'armement (DGA) des systèmes de bourses de doctorat pour promouvoirla recherche civile sur ces thématiques. Le Ministère de la Recherche soutient lui aussi ces projets. Les deuxvolets essentiels concernent les systèmes de détection (mise au point de capteurs) et les méthodes dedécontamination des sites pollués mais aussi des personnes éventuellement contaminées. En France, dans lecadre de la convention internationale contre les armes chimiques, 400 tonnes d'ypérite de la guerre de 1914-1918 doivent encore être détruites d'ici à 2007 !

Comment concilier la position de chercheur et de citoyen ?

A. L. Il s'agit avant tout de renoncer à participer à des travaux de mise au point de produits dangereux. Mais ils'agit aussi de faire attention lorsqu'on veut tirer la sonnette d'alarme. Il n'est pas toujours évident d'alerter lesautorités et la communauté scientifique sur la dangerosité d'un produit sans pour autant attirer l'attention de gensmal attentionnés comme les groupes terroristes. Nous restons cependant totalement libres de ce que nouspublions. Et c'est à nous de décider du risque que nous prenons en divulguant certains résultats.

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Armand Lattes Président de la Société française de chimie Unité « Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique » (IMRCP) CNRS-Université Toulouse 3 Tél. : +33 (0)5 61 55 62 70 Mél : [email protected] Consulter le site web : IMRCP Pour info Armand Lattes a été associé au Comité d'expert de Total en charge d'étudier les causes possibles de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse en septembre 2001.

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Ange gardien de la science

La fonction de sécurité de défense au CNRS

Guerre économique, pillage technologique, technologies proliférantes, terrorisme, attaques informatiques, intrusions, compromissions… tous ces concepts relèvent du langage quotidien d'unfonctionnaire de sécurité de défense au CNRS. Frissons de vocabulaire ou symptômes de conflits réelsremettant en cause la distinction historique des notions de « guerre » et de « paix » ? La neutralité présumée et l'universalité de la science n'offriraient-elles plus refuge au chercheur pacifique ?

L'image du « glaive » et du « bouclier » illustre la problématique attaque/protection et la dualité du conflit (attaquant/défenseur). La mission du « fonctionnaire de sécurité de défense » au CNRS est avant tout une fonction de protection. Protection du patrimoine scientifique et technique, mais également des intérêts de défenseet de sécurité civile qui pourraient être atteints par la compromission et l'utilisation malveillante de technologies,de produits ou de matériels dont le CNRS est porteur, détenteur ou utilisateur.

La richesse scientifique et intellectuelle du CNRS et son potentieltechnique et humain font l'objet de bien de convoitises. La structureouverte, diverse et éclatée de l'établissement, la mixité des structures derecherche avec les universités et la culture d'ouverture du chercheur sont autant de facteurs de vulnérabilité. L'accueil de nombreux visiteurs etstagiaires étrangers dans des laboratoires sensibles obligent en particulierà la vigilance. Il ne s'agit pas bien sûr de brider les échanges mais aucontraire de les faciliter et de les accompagner. La capacité d'unorganisme à protéger son patrimoine renforce sa crédibilité et inspire laconfiance chez ses partenaires.

La protection concerne aussi les systèmes d'information, ciblesprivilégiées de hackers (joueurs ou espions ?). L'objectif est d'empêcher les atteintes aux données (compromission, altération, indisponibilité) etaux outils (serveurs, postes de travail, messagerie).

La protection qui peut faire appel à la technologie et à la science(techniques de détection, de décontamination, logiciels, robots…) estd'abord un état d'esprit qui doit conjuguer réalisme et vigilance. Sil'approche « sécuritaire » peut froisser le chercheur pacifique imprégné de culture d'ouverture et de communication, l'enjeu de protection de

richesses nationales face à des convoitises effectives semble de mieux en mieux perçu. Le fonctionnaire desécurité de défense se doit donc de sensibiliser à un nécessaire discernement, dans un monde où mondialisationet disparition des blocs n'ont pas signifié la fin des conflits, loin s'en faut.

Dépôt de l'échantillon de thorium sur le filament qui sera ensuite introduit dans la source du spectromètre de masse. © CNRS Photothèque. Photographe : Laurence Médard.

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Joseph Illand Fonctionnaire de sécurité de défense du CNRS Tél. : +33 (0)1 44 96 41 88 Mél : [email protected] Consulter le site web : Sécurité et défense au CNRS

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Les paradoxes de l'information en temps de guerre

Dès que les menaces de guerre se précisent, l'information se pare des symboles de cette situationexceptionnelle et dramatique : titres, sujets, articles, analyses, points de vue, éditoriaux, éditionsspéciales. Le phénomène ne fait que rebondir et s'emballer lorsque la phase militaire s'ouvre véritablement. L'analyse de Jean-Marie Charon, chercheur au CNRS et spécialiste des médias.

Dès cet instant, l'intérêt du public est au rendez-vous. Il s'agit de prendre connaissance des arguments avancés de part et d'autre, de comprendre lesdonnées du problème, de percevoir les enjeux. Lorsque les combats commencent,l'audience atteint alors son paroxysme. Plusieurs types de motivations peuvent expliquer ce surcroît d'intérêt :

- la soif de connaissance des combats et de leurs débouchés ; - la prise de conscience des conséquences des combats pour l'individu, le groupe, la communauté, le pays (bombardements, limitations des libertés, perte de souveraineté) ; - la volonté d'obtenir des nouvelles de proches, notamment parmi les combattants ;- la communion avec l'élan patriotique, les buts de guerre poursuivis par le pays ; - la jouissance d'une forme de spectacle guerrier, la fameuse « guerre en direct », porteuse d'épisodes épiques, génératrice d'émotions.

Pour autant, les belligérants ne sauraient laisser l'information s'épanouir en touteliberté : il y a d'abord le risque de se voir exposer à une attaque ennemie, sur la foi des informations données par les médias (comme en 1870, lors du siège de Metz). Ilpeut être question de préserver un effet de surprise, lors d'une manœuvre. Il y asurtout cette tentation permanente d'instrumentaliser les médias pour intoxiquerl'adversaire, stimuler la combativité de la troupe, entretenir le moral des populations

civiles.

L'« entrée en guerre » de la presse

Philippe Pétain, général en chef, portera une attention particulière au rôle des médias dans le « moral du pays ». Ceci explique que lors des déclarations de guerre de 1914 puis de 1939, la France a fait le choix de suspendreles dispositions relatives à la liberté de la presse en instaurant un dispositif de censure, sans oublierl'omniprésence de militaires de haut rang qui, s'improvisant reporters, commentaient les combats dans lescolonnes des grands quotidiens de la première guerre mondiale. Et pratiquement toujours, l'accès desjournalistes aux combats se trouve interdit (comme les tranchées jusqu'en 1918) ou très contraint (systèmes de pools ou des « embedded », de la guerre d'Irak).

La sanction de ce paradoxe, c'est l'énorme frustration de l'opinion : en 1918, ce sera la dénonciation du « bourrage de crâne » auquel se serait livré la presse. En 1991, il s'agira, pendant la guerre du Golfe, de la « crise de confiance dans les médias », clairement perceptible dans le baromètre annuel de la SOFRES.

En 2004, les données n'ont pas tellement changé, si ce n'est le poids qu'occupent les grands médias, notammentinternationaux. Ce qui oblige chaque belligérant à sophistiquer sa « communication », sachant que si cela ne suffit pas, il peut recourir à la pure intimidation, comme le montre la multiplication des tirs contre les journalistesévoluant sur le terrain.

1/ Le « Canard Enchaîné » est né pendant la guerre de 1914 pour combattre le « bourrage de crâne ».

Affiche française, 1940, participation des civils. © Collection Mémorial de Caen.

À LIRE

Armes de communication massive. Informations de guerre en Irak : 1991-2003. Sous la direction de Jean-Marie Charon et de Arnaud Mercier. À paraître, septembre 2004. CNRS ÉDITIONS (CNRS Communication).

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Jean-Marie Charon Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)

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CNRS-EHESS Tél. : +33 (0)6 80 08 59 39 Mél : [email protected] Consulter le site web : CEMS

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Traitement de la guerre par les médias, guerre et déontologie

La guerre du Golfe en 1991 a marqué une rupture considérable dans l'histoire de l'information, particulièrement dans celle de l'information en images. Pour la première fois, un certain nombred'événements ont été vus en direct à la télévision. Dominique Wolton, sociologue, directeur dulaboratoire « Information, communication, enjeux scientifiques » au CNRS et directeur de la revueHermès, a mené une « recherche en direct » sur ce phénomène.

Après analyse du traitement de l'information pendant la guerre du Golfe, pensez-vous que la « guerre en direct » soit possible ?

Dominique Wolton. Il faut rester très vigilant quant à la notion de « guerre en direct ». Les journalistes ont d'ailleurs compris pendant la guerre du Golfe qu'elle ne serait pas possible lorsqu'ils se sont aperçus que leurtravail était réglementé par un pool d'information géré par les Américains. Dans le terme de « guerre en direct », il faut dégager deux notions, celle d'espace et celle de temps. Pendant la guerre du Golfe et encore aujourd'hui,dans les journaux télévisés, la tendance est aux envoyés spéciaux. Ceux-ci donnent une illusion de réel, et laissent penser aux téléspectateurs que leur présence sur place est une preuve d'authenticité. Dans la notion dedirect, il faut aussi détacher la notion d'instantanéité. Les journaux télévisés veulent traiter l'information tout de suite et, à la différence des magazines, ils ne prennent pas le temps de « réfléchir », de replacer l'événement dans son contexte. Pourtant, l'information se voulant universelle, est interprétée différemment selon l'espace culturel dans laquelle elle est reçue. Pendant la guerre du Golfe, elle a été perçue par les pays du Tiers-monde comme domination.

On a parlé pendant cette guerre de « diplomatie médiatique », qu'entend-on par là ?

D.W. La guerre du Vietnam était une guerre très médiatisée, les images de télévision y ont même joué un rôleessentiel dans la défaite américaine. En Irak, les journalistes ont eu le sentiment qu'ils pourraient aussi y jouer unrôle. Mais les Américains les en ont empêchés. Pourtant, pendant les négociations, les médias ont eu une fonction de médiateurs entre les deux camps, George Bush et Sadam Hussein s'envoyant des cassettes. Ils ontdonc voulu continuer à être un acteur intermédiaire, en restant le plus neutre possible. Mais cette neutralité ne peut pas exister. En temps de guerre, les médias, la plupart du temps, se calent sur les points de vue des États.Cela a toujours été comme cela. Avec la mondialisation de l'information, cela devient plus compliqué parce quecelle-ci est reçue dans tous les cas. Si, pendant la guerre du Golfe (1991) l'essentiel de l'information étaitoccidental, on constate un changement avec la guerre d'Irak (2003). Il y a eu trois pôles d'information : la coalition (les journalistes « embarqués »), les médias occidentaux qui n'étaient pas de la coalition (dont la France,l'Allemagne, la Russie, le Canada…) et trois chaînes d'information arabes.

Y a-t-il eu un triomphe de l'information ?

D.W. La première impression est celle d'un triomphe de l'information, avec beaucoup d'informations, beaucoup d'images etc. Mais la quantité d'informations, n'apporte pas forcément une bonne qualité. De plus dans cettenotion de quantité, il faut ajouter rapidité, direct, or il est nécessaire d'avoir de la distanciation pour faire de la bonne information. Par ailleurs, pour la première fois pendant cette guerre, on s'est aperçu d'une formed'« incompétence » des journalistes, plutôt habitués à dénoncer celle des autres. En effet, il est apparu que celuiqui délivrait l'information, qui se croyait au-dessus des autres, bien qu'étant sur le terrain, n'était finalement pasinformé.

L'attentat du 11 septembre 2001, pendant lequel les événements ont été suivis en direct, n'a-t-il pas entraîné des changements dans le traitement de l'information ?

D.W. Oui, dans la mesure où la mondialisation de l'information a renforcé les deux positions en présence : haine des U.S.A., soutien aux U.S.A. Cela montre que les stratégies de communication sont directement intégrées parles terroristes. Mais finalement, c'est une forme sophistiquée de la propagande qui a toujours existé. Simplement,le changement d'échelle créé un changement de nature. Cela oblige beaucoup plus les médias à une réflexion critique sur leur rôle et responsabilité. Il ne suffit plus d'informer le plus vite possible, au nom de la concurrence et du « droit de savoir », il faut réfléchir au moyen de résister à une forme d'hystérisation de l'événement. Lesjournalistes ne peuvent échapper à une réflexion critique sur leur nouveau rôle dans la mondialisation de l'information sous peine d'être instrumentalisés par les techniques et les intérêts politiques. Ici, être un contre-pouvoir, c'est inventer une autre déontologie de l'information.

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À LIRE

« Espaces publics en images », revue Hermès n°13-14, CNRS ÉDITIONS CONTACT

Dominique Wolton Laboratoire « Information, communication, enjeux scientifiques » CNRS Tél. : + 33(0)1 44 16 73 68 Mél : [email protected]

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La vidéothèque du CNRS

La vidéothèque du CNRS a pour mission la conservation et la diffusion des films et vidéos produits ou coproduits par le CNRS (CNRS Images médias, laboratoires...). Le fonds du CNRS comprend actuellement environ 1000films scientifiques, documentaires, reportages, images d'archives et d'actualité de la recherche, produits depuis 1980 pour les deux-tiers d'entre eux.

Toutes les disciplines scientifiques sont représentées par les films de ce fonds, toutefois une des principalesrichesse de CNRS Vidéothèque est constituée par les films ethnographiques (environ 300 titres).

Pour consulter quelques notices de films sur le thème de la "guerre"

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CNRS ÉDITIONS

CNRS ÉDITIONS, la référence du savoir. Dirigée et animée par des professionnels du livre, CNRS ÉDITIONS, la maison d'édition du CNRS, publie des ouvrages de référence dans tous les champs du savoir. Fort de 2000 références et de plus de 100 nouveautés par an, son catalogue est une véritable encyclopédie où vous pourrez trouver des ouvrages consacrés à la guerre.

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Les news sciences de TF1

Premier site d'information en continu en français, Les News de TF1.fr proposent un suivi de l'actualité généraliste en texte et vidéos. La rubrique Sciences s'attache plus particulièrement à faire découvrir et à décrypter les innovations, débats et grandes questions dans les domaines de la recherche, de la santé et de l'environnement.

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Archives Normandie 1939-1945

Archives Normandie 1939-1945 est une base de données accessible par Internet dont le but est de réaliser un inventaire aussi complet et exhaustif que possible des photographies qui ont été prises pendant l'occupation, la libération et la reconstruction de la Basse-Normandie.

Cette base constitue un outil de recherche et d'information historique pérenne et librement accessible.

Financé par le Conseil Régional de Basse-Normandie, cet outil de service public est utilisable par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la région normande pendant la Seconde Guerre mondiale.

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Fondation pour la Mémoire de la Shoah

La Fondation pour la mémoire de la Shoah inscrit son action, dans le cadre français et international, au nom desprincipes de vérité, de solidarité, de fidélité et de reconnaissance. Elle soutient principalement des projets dans les domaines suivants : projets de recherche, de mémoire et de transmission de la Shoah, initiatives pédagogiques, voyages sur les lieux de mémoire, attention aux formes contemporaines de l'antisémitisme. Elle apporte également une aide, par l'intermédiaire d'institutions médico-sociales, aux anciens déportés et victimes de la Shoah confrontés à des situations précaires. Enfin, elle encourage la préservation, le développement et le rayonnement de la culture juive et du judaïsme, dans le respect de leur diversité.

Fondation pour la Mémoire de la Shoah

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Centre de la mémoire. Oradour-sur-Glane.Village martyr.

Le parcours de mémoire donne à comprendre un contexte particulier, celui de la seconde guerre mondiale, et un processus de violence, conséquence de l'idéologie nazie, qui va s'appliquer le 10 juin 1944 au paisible bourgd'Oradour-sur-Glane. Des centaines d'archives, photographies, cartes, ont été consultées pour la première fois, pour tenter d'apporter des éléments de réponse à la question " Pourquoi Oradour ". Cinq espaces mènent levisiteur au travers d'un parcours de mémoire, jusqu'à l'entrée des ruines du village martyr...

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Médiathèque de la défense

Les archives photographiques conservées à l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), représentent environ 3,5 millions de clichés effectués de la fin du 19e siècle à nos jours. Les albums, diapositives et CD sont en libre accès. Un responsable de salle et un documentaliste sont là pour vous accueillir et vous aider dans vos recherches. Une sélection de 600 films d'actualité consultables dans des salles de vision individuelles est également à votre disposition.

ECPAD Médiathèque de la Défense

Fort d'Ivry 2 à 8, route du Fort

94205 Ivry-sur-Seine Cedex France

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COMMÉMORATIONS 2004

Repères chronologiques

Ce chapitre ne saurait mentionner tous les événements notables dont l'année 2004 marque un anniversaire. Il donne seulement des repères pour situer dans leur contexte historique divers événements, guerres ou batailles évoqués dans ce numéro de CNRS Thema.

1904 (8 avril) : centième anniversaire de l'Entente cordiale (France et Grande-Bretagne) 1914 : 90e anniversaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale 1944 (juin) : soixantième anniversaire du débarquement en Normandie 1944 (10 juin) : il y a soixante ans, le massacre d'Oradour-sur-Glane 1944 (juin) : soixantième anniversaire de la disparition de Marc Bloch 1944 (25 août) : la 2e D. B., commandée par le général Jacques Philippe Leclerc de Hauteclocque, entre dans Paris 1954 (mai) : bataille de Diên Biên Phu (défaite militaire française) 1994 (avril) : il y a dix ans, le génocide du Rwanda 2004 (27 mai) : date butoir pour la remise du rapport officiel d'enquête sur l'attentat du 11 septembre 2001

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INDEX DES CONTACTS

● Aben Jacques

Le rôle des forces terrestres dans la sortie de guerre. L'exemple du Kosovo ● Branche Raphaëlle

Débat sur la violence d'État ●

Charon Jean-Marie Les paradoxes de l'information en temps de guerre

● Chatila Raja « Y a-t-il un pilote dans l'avion ? »

● Citerne Jacques La guerre du futur, une science fiction ?

● Cohen Elie La guerre économique n'aura pas lieu

● Domergue-Cloarec Danielle De la guerre froide aux nouveaux conflits

● El Zhein Ghaïs Une technique militaire à l'origine des téléphones mobiles

● Gorvel Jean-Pierre Réunion d'experts en biodéfense

Hassner Pierre (1) Des difficultés à définir la guerre et la paix

● Hassner Pierre (2) Enterrer la hache de guerre à l'heure de la mondialisation

● Illand Joseph Ange gardien de la science. La fonction de sécurité de défense au CNRS

● Ingrao Christian L'expérience de guerre au cœur de l'approche historique

● Jauffret Jean-Charles La mémoire retrouvée des « hommes-silence »

● Larger Laurent Big Brother vous observe…

● Lattes Armand (1) Historique : de la guerre au terrorisme chimique

● Lattes Armand (2) Un chercheur en lutte contre la guerre chimique

● Marie Jean-Bernard Paix et droits de l'homme

● Maurin Jules La Grande Guerre revisitée

● Moreau Jean-Bernard Montrer la guerre : une autre façon d'agir pour la paix

Nahoum-Grappe Véronique Le viol comme instrument de guerre et d'extermination

Pouchelle Marie-Christine Du combat contre la maladie à l'engagement dans « l'humanitaire »

● Ramunni Girolamo 1938-1944: le CNRS par temps de guerre

● Raoult Didier Faire face aux nouveaux risques infectieux

● Rozenberg Danielle Mémoire et réconciliation en Espagne

● Sémelin Jacques Un processus mental visant à détruire l'autre

● Siméant Johanna Un réseau de recherches sur les crises extrêmes

● Van Caenegem Gérard Guerre et science, un mariage impossible ?

● Wolton Dominique Traitement de la guerre par les médias, guerre et déontologie