CNCDH Avis Suivi État d'Urgence

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    Avis sur le suivi de ltat durgence

    (Assemble plnire 18 fvrier 2016 - Adoption : unanimit, trois abstentions)

    1. Au lendemain des attentats terroristes qui ont frapp la France, l'tat d'urgence a t dclar par les dcrets des 14 et 18 novembre 2015 portant application de la loi du 3 avril 19551. Il a ensuite t prorog pour trois mois compter du 26 novembre par la loi n 2015-1501 du 20 novembre 2015, qui a galement modifi plusieurs articles de la loi n 55-385 du 3 avril 1955 relative ltat durgence, y insrant notamment un article 4-1 ainsi rdig : LAssemble nationale et le Snat sont informs sans dlai des mesures prises par le Gouvernement pendant ltat durgence. Ils peuvent requrir toute information complmentaire dans le cadre du contrle et de lvaluation de ces mesures .

    2. En application de larticle 5 ter de lOrdonnance n 58-1100 du 17 novembre 1958

    relative au fonctionnement des assembles parlementaires2, la Commission des lois de lAssemble nationale a dcid de mettre en place, ds le 2 dcembre 2015, une veille continue destine permettre un contrle effectif et permanent de la mise en uvre de ltat durgence3. Ce travail a pour objectif premier dvaluer la pertinence des mesures adoptes et de formuler, le cas chant, des recommandations.

    3. Par lettre du 9 dcembre 2015, Monsieur Jean-Jacques Urvoas, Prsident de la

    Commission des lois de lAssemble nationale, et Monsieur Jean-Frdric Poisson, vice-Prsident de cette mme commission, ont saisi la CNCDH pour recueillir toutes informations que celle-ci jugerait pertinent de leur transmettre.

    4. La CNCDH a aussitt cr en son sein un groupe de travail sur le suivi de la mise en

    uvre de ltat durgence. Elle a sollicit ses membres (personnes qualifies, associations et syndicats), ainsi que des ONG non membres, afin quils lui fassent part de leurs constats dventuelles drives, voire dabus, dans la mise en uvre des mesures concernes. Paralllement, la CNCDH a organis plusieurs auditions et cr un dispositif de signalement accessible sur son site internet4.

    5. A partir de ces diffrentes sources, la Commission a procd un travail de slection et

    de recoupement dinformations, qui a rvl un certain nombre de dysfonctionnements pouvant, le cas chant, tre constitutifs dabus. La CNCDH sattachera, dans le prsent avis, en faire une synthse, voulue la plus objective quil soit, en prcisant titre liminaire : - qu dfaut de disposer dun pouvoir dinvestigation, elle na pas t en mesure de

    vrifier lintgralit des allgations qui lui ont t rapportes ; - quil convient de se garder dextrapoler les constats dresss par le prsent avis

    lensemble du territoire de la Rpublique ;

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    - qutant dpourvue de comptence juridictionnelle, elle sest interdit, en labsence daccs aux dossiers contentieux, de porter une quelconque apprciation sur le bien-fond des dcisions prononces par la juridiction administrative ;

    - quelle se gardera bien, ntant pas professionnelle de la scurit, de formuler des apprciations globales sur lefficacit des mesures relatives ltat durgence pour lutter contre le terrorisme.

    I. LES CONSTATS DE LA CNCDH PORTANT SUR LA MISE EN UVRE DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE DE LETAT DURGENCE

    6. Depuis la dclaration de ltat durgence du 14 novembre 2015, trois types de mesures administratives ont t principalement ordonnes : les perquisitions (source ministre de lIntrieur : 3284 mesures au 3 fvrier 2016), les assignations rsidence (source ministre de lintrieur : 392 mesures au 3 fvrier 2016), les fermetures de lieux de culte (source ministre de lintrieur : 10 mesures au 3 fvrier 2016) et les interdictions de manifester (source CGT : un peu moins dune dizaine de mesures). En ce qui concerne ces dernires, la CNCDH regrette, linstar de la Commission des lois, quelles ne fassent pas lobjet dun recensement par le ministre de lIntrieur5. Si la CNCDH peut comprendre limpratif de scurit qui gouverne la mise en uvre de ces mesures administratives relatives ltat durgence, elle rappelle que ces oprations doivent se drouler dans un total respect de la lgalit, ainsi que des liberts et droits fondamentaux des personnes concernes et des engagements internationaux de la France.

    A. LES PERQUISITIONS ADMINISTRATIVES

    7. Sagissant des modalits dorganisation des perquisitions, la CNCDH a t informe de

    nombreux dysfonctionnements. Le dploiement et la mobilisation des forces de police et de gendarmerie sont parfois apparus dmesurs. A titre dexemple : la perquisition dune mosque Brest, le 20 novembre 2015 3h20 du matin, par une centaine de policiers, gendarmes et CRS. Cette opration naurait donn lieu aucune interpellation. Par ailleurs, les autorits ont pu manquer de discernement dans le choix du lieu perquisitionn, comme notamment une ferme biologique dans le Prigord.

    8. De plus, des ONG et associations entendues par la CNCDH ont fait tat dun nombre important de perquisitions ralises au domicile de personnes dj assignes rsidence. Dune part, ce manque darticulation entre ces deux mesures est trs vraisemblablement rvlateur de leur utilisation prcipite par lautorit administrative comptente. Dautre part, se pose la question de lutilit du recours une mesure de perquisition lgard dune personne dj assigne, celle-ci tant ncessairement informe de ce que ladministration la considre comme potentiellement dangereuse.

    9. Sagissant du droulement des perquisitions, le croisement des informations recueillies

    par la CNCDH a permis de mettre en exergue des dbordements. Doivent notamment tre signals : - labsence de prise en compte de la prsence potentielle de mineurs ou de

    personnes vulnrables (femmes enceintes, personnes ges, handicapes, etc.) sur les lieux de la perquisition, les oprations pouvant entraner chez ces dernires un choc, puis des squelles psychologiques ;

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    - la commission de violences physiques par les agents de police et de gendarmerie (plaquage au sol des personnes prsentes dans le lieu dhabitation, coups, immobilisation physique accompagne dune mise en joue avec arme) ;

    - les violences psychologiques (par exemple la mise en joue avec arme dune femme enceinte ou dun enfant) ;

    - la pratique du menottage dans des conditions contraires aux exigences poses larticle 803 du code de procdure pnale6 ;

    - la dgradation volontaire ou involontaire demblmes religieux ou dobjets cultuels ;

    - des dgts matriels quasi-systmatiques (bris de portes en labsence dun refus douverture pralable, destruction inutile du mobilier et deffets personnels) ;

    - des propos dplacs, vexatoires, voire injurieux, tenus par les agents de police et de gendarmerie (par exemple : Lisez a si vous savez lire , On est en tat durgence alors on fait ce quon veut ou encore Il reste encore quelques places Guantanamo ) ou effet discriminatoire (par exemple : vous pratiquez plus quil ne faut ) ;

    - la dure excessive des oprations (jusqu 12 heures), notamment en raison de la lenteur du processus denregistrement des donnes informatiques7 ;

    - labsence de remise de lordre de perquisition et du rcpiss rcapitulant le droulement des oprations.

    La CNCDH se flicite de ce que le ministre de lIntrieur a, par circulaire du 25 novembre 2015 relative aux perquisitions administratives dans le cadre de ltat durgence, rappel les forces de lordre au strict respect des rgles dfinies dans le code de dontologie de la police et de la gendarmerie nationales8.

    10. Sagissant enfin des consquences des perquisitions administratives, le cot des

    dgradations matrielles voques ci-dessus peut savrer extrmement lourd pour les intresss. A ce propos, la CNCDH relve que lengagement de la responsabilit de lEtat suppose la caractrisation dune faute lourde9, sous rserve dune volution de la jurisprudence sur ce point. En outre, du fait des mthodes peu discrtes entourant le droulement des perquisitions, plusieurs personnes concernes dclarent vouloir dmnager en raison de linvitable suspicion dappartenance la mouvance terroriste engendre chez les proches et voisins. A cela sajoutent les effets dstabilisants et traumatisants de toute perquisition, accrus lorsque celle-ci a lieu de nuit10.

    B. LES ASSIGNATIONS A RESIDENCE

    11. Tout dabord, la CNCDH a t informe de pratiques susceptibles de transformer

    lassignation rsidence, mesure restrictive de la libert daller et de venir11, en une privation de libert relevant de larticle 66 de la Constitution, du point de vue de son contrle. Cest le cas notamment de lobligation pour lintress de se prsenter quatre fois par jour dans un commissariat de police, alors mme que larticle 6 de la loi du 3 avril 1955 fixe une limite de trois prsentations par jour.

    12. Ensuite, il arrive que les mesures dassignation rsidence soient insuffisamment

    individualises au regard de la situation (personnelle, familiale, professionnelle, sociale, etc.) des assigns. En ce sens, il a t fait tat auprs de la CNCDH : - de nombreuses entraves lexercice de lactivit professionnelle due la

    frquence des pointages (difficult de se rendre sur son lieu de travail du fait de lloignement du domicile, difficults dorganiser des dplacements, des rendez-vous ou runions, recherche demploi entrave) ; ces entraves sont aggraves par le fait que, souvent, le lieu de pointage est trs loign du domicile de la personne concerne ;

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    - dobstructions la poursuite dtudes, ainsi qu laccs aux formations professionnelles et diplmantes ;

    - de bouleversements dans lorganisation de la vie prive et familiale, galement du fait des pointages imposs (difficults dans laccompagnement scolaire et extra-scolaire des enfants en raison de la multiplication des dplacements, notamment lorsque le lieu de scolarisation des enfants est diffrent du lieu de pointage ; cots exorbitants engendrs par ces dplacements).

    13. Enfin, limpossibilit de concilier obligation de pointage et vie professionnelle a donn

    lieu plusieurs licenciements. Plus gnralement, le contexte de ltat durgence a conduit certains employeurs mettre fin des relations de travail. A titre dexemple, la CNCDH a t informe de ce que des procdures de licenciement ont t engages par une socit de scurit lgard de deux vigiles exerant leur mtier laroport dOrly, au motif que la taille de leur barbe ne serait pas compatible avec les missions dfinies dans leurs contrats de travail. Doivent galement tre signals les multiples retraits, sans explication, de cartes daccrditation destines permettre lexercice de fonctions sur les plateformes de Roissy et de Genve, ce qui aboutit de facto des pertes demploi12.

    C. LES PRATIQUES CONSTITUTIVES DUN DETOURNEMENT DE LETAT DURGENCE

    14. En premier lieu, lautorit administrative peut certes ordonner une interdiction de

    manifester sur le fondement des articles 5 ou 8 de la loi du 3 avril 1955, mais la CNCDH sinterroge sur la proportionnalit de telles mesures lorsquelles sont justifies par des motifs sans lien avec le pril imminent ayant conduit la dclaration dtat durgence (voir infra 26). Tel est notamment le cas dinterdictions de manifester dans le cadre : - de la COP21 ; - dune grve de salaris ayant eu lieu Paris au sein dune entreprise de

    multimdias ; - dun rassemblement de syndicats de retraits Toulouse ; - dun rassemblement devant la Direction rgionale des entreprises, de la

    concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi de la rgion Rhne-Alpes, la suite de la mise en uvre dune procdure de licenciement lencontre dun salari protg.

    Par ailleurs, lorsquelles ninterdisent pas une manifestation ou un rassemblement, certaines prfectures ne les autoriseraient que trs tardivement, ce qui a pour consquence dentraver considrablement lorganisation de la mobilisation (source : CGT). De plus, des responsables syndicaux locaux ont subi des pressions pour mettre fin des conflits et actions collectives (par exemple : la convocation de dlgus syndicaux au commissariat avant ou aprs une manifestation ou un rassemblement). Pour la CNCDH, de telles pratiques pourraient tre constitutives dune atteinte disproportionne au droit de manifester garanti larticle 11 de la Convention europenne des droits de lhomme (CESDH) et larticle 21 du Pacte relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

    15. En deuxime lieu, doit tre signal un arrt du Prfet du Pas-de-Calais, en date du 1er

    dcembre 2015, instituant en application de larticle 5 de la loi du 3 avril 1955, une zone de protection sur lemprise de la RN 216 dite rocade portuaire de Calais 13. Concrtement, il sagit dinterdire aux migrants vivant sur la lande de pntrer et de circuler sur les voies routires, afin quils ne puissent sintroduire dans des vhicules en partance pour le Royaume-Uni. De mme, un communiqu de presse du Prfet de Mayotte indique que des mesures ont t prises dans le cadre de ltat durgence pour lutter contre limmigration clandestine14. Pour la CNCDH, le lien avec les circonstances lorigine de la dclaration de ltat durgence15 nest, ici encore, pas perceptible.

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    16. En troisime lieu, les perquisitions ralises dans le cadre de ltat durgence

    rvleraient une instrumentalisation par les forces de lordre des pouvoirs de police administrative, aux fins de traitement des petite et moyenne dlinquances16. A titre dexemple, sur les 571 procdures judiciaires engages la suite de la dclaration de ltat durgence, 202 concernent des infractions relatives la lgislation sur les stupfiants et 210 des infractions la lgislation sur les armes, toutes catgories confondues (source : ministre de lIntrieur). De plus et surtout, sur les 3289 perquisitions administratives recenses au 3 fvrier 2016, seules 28 infractions en lien avec le terrorisme ont t constates, tant prcis que si 5 dentre elles ont donn lieu la saisine du parquet antiterroriste de Paris, les 23 dernires relvent du dlit dapologie ou de provocation des actes de terrorisme (source : ministre de lIntrieur). La CNCDH ne peut donc que sinterroger sur ladquation de ces mesures de perquisition avec la lutte contre le terrorisme. Plus gnralement, elle se demande si cela ne dmontre pas quil aurait t juridiquement plus opportun de faire application au premier chef des dispositions du code de procdure pnale spcifiquement consacres la lutte antiterroriste.

    17. En quatrime et dernier lieu, il ressort des auditions conduites la CNCDH que les

    personnes faisant lobjet des mesures de police administratives voques plus haut ne sont pas seulement celles qui pourraient tre souponnes dappartenir la mouvance terroriste. Sont galement et trs largement viss les musulmans ayant une pratique certes intense et ostensible de lIslam, mais rsolument non violente. Il a galement t fait tat de perquisitions ordonnes sur le fondement de la loi de 1955 lgard de Roms sans papiers (notamment en Isre) ou comme cela a dj t indiqu, lgard de migrants. La CNCDH rappelle quaux termes de larticle 4-1 du PIDCP, les mesures prises dans le cadre de ltat durgence ne doivent en aucun cas entraner une discrimination fonde uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale .

    II. LES CONSTATS DE LA CNCDH PORTANT SUR LE CONTRLE DE LETAT DURGENCE

    A. LE CONTRLE INSTITUTIONNEL

    18. Selon larticle 11 de la loi du 3 avril 1955 relative ltat durgence dans sa version

    issue de la loi prcite du 20 novembre 2015, Il peut tre accd, par un systme informatique ou un quipement terminal prsent sur les lieux o se droule la perquisition, des donnes stockes dans ledit systme ou quipement ou dans un autre systme informatique ou quipement terminal, ds lors que ces donnes sont accessibles partir du systme initial ou disponibles pour le systme initial . Plusieurs auditions conduites la CNCDH ont permis dtablir quil est trs largement fait application de ces dispositions. A cet gard, la Commission formulera deux observations. Dune part, ces saisies de donnes informatiques, si elles sont destines collecter du renseignement, chappent au contrle pralable de la Commission nationale de contrle des techniques de renseignement mise en place par la rcente loi n 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ce constat renforce les doutes prouvs par la CNCDH quant leffectivit du contrle exerc par cette nouvelle autorit administrative indpendante17. Dautre part, larticle 11 prcit nonce que les donnes auxquelles il aura t possible d'accder dans les conditions prvues au prsent article peuvent tre copies sur tout support , sans davantage de prcisions. Or, ds lors que la collecte de

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    donnes personnelles dans le cadre de la mise en uvre de ltat durgence est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie prive et au droit subsquent la protection des donnes personnelles (articles 8 de la CESDH et 8 de la Charte des droits fondamentaux de lUE), elle doit faire lobjet dun encadrement strict. Aussi, la loi du 3 avril 1955 devrait-elle imprativement prciser la dure de conservation des donnes collectes et les modalits de leur destruction, ainsi que les conditions de leur exploitation. De plus, si cette collecte devait donner lieu un traitement de donnes caractre personnel, la CNCDH estime que celui-ci doit, en vertu de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne, tre loyal (article 8 paragraphe 2) et soumis au contrle dune autorit indpendante (article 8 paragraphe 3). Un tel traitement de donnes caractre personnel relverait plus prcisment de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative linformatique, aux fichiers et aux liberts. En consquence, la CNCDH appelle les pouvoirs publics accorder une extrme attention aux avis et recommandations de la CNIL, afin de garantir le respect le plus strict des dispositions de la loi prcite.

    19. Par ailleurs, sagissant des pratiques illgales des forces de lordre, voire de la suspicion de commission dactes de violences par ces dernires dans le cadre des perquisitions administratives (voir supra), il convient de prciser que le Dfenseur des droits - qui a pour mission de veiller au respect de la dontologie par les professionnels de la scurit -, a mobilis ses 400 dlgus territoriaux pour recevoir et traiter toutes les rclamations lies la mise en uvre des mesures prises en vertu de la lgislation sur ltat durgence18. Si la CNCDH peut comprendre les impratifs gouvernant lapplication de la loi prcite du 3 avril 1955, et ses incidences, elle rappelle que le droulement des oprations de police administrative doit avoir lieu dans un total respect de la lgalit, ainsi que des rgles dontologiques. Dans ces conditions, la CNCDH recommande aux pouvoirs publics de ne pas sous-estimer, voire dnier, les atteintes qui pourraient tre portes aux liberts et droits fondamentaux des personnes faisant lobjet de mesures lies ltat durgence, celles-l ne devant en aucun cas subir une contrainte tatique disproportionne. Des poursuites pnales et disciplinaires doivent tre systmatiquement engages en cas de suspicion avre de commission dinfractions pnales par les agents des forces de lordre. Une extrme attention doit tre accorde aux avis et recommandations du Dfenseur des droits19.

    B. LE CONTRLE JURIDICTIONNEL

    20. Entre la date de dclaration de ltat durgence et le 17 fvrier 2016, les tribunaux administratifs (environ 20 juridictions sont concernes) ont rendu 119 dcisions dans le cadre du contentieux relatif aux mesures prises au titre de ltat durgence, savoir : - 9 dcisions de fond prononces par des formations collgiales de jugement dans le

    cadre de recours pour excs de pouvoir (1 annulation, 8 rejets) ; - 18 ordonnances de rfr suspension en application de larticle L. 521-1du code de

    justice administrative (1 suspension totale, 1 suspension partielle, 1 non-lieu, 15 rejets) ;

    - 92 ordonnances de rfr libert en application de larticle L. 521-2 du code de justice administrative (10 suspensions, 3 injonctions mineures, 4 amnagements dassignations rsidence, 1 dsistement, 8 non-lieux statuer, 4 rejets pour incomptence territoriale, 11 rejets pour dfaut durgence, 51 rejets pour dfaut datteinte grave et manifestement illgale une libert fondamentale).

    Au cours de la mme priode, le Conseil dEtat a rendu 36 dcisions (11 non-lieux, 1 confirmation de suspension, 16 confirmations de rejet, 5 inversions de la solution du tribunal administratif20, transmission de 3 questions prioritaires de constitutionnalit) et deux affaires restent pendantes devant lui.

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    21. Premire observation, la faiblesse initiale du nombre de recours eu gard au nombre de mesures ordonnes sexplique trs vraisemblablement par la mauvaise connaissance des voies daccs la justice administrative pour des personnes peu informes et pour lesquelles se faire assister dun avocat nest pas une dmarche naturelle21. Cette situation est dautant plus regrettable que lexercice dun recours peut conduire lautorit administrative comptente reconsidrer la situation et abroger la mesure ordonne avant laudience22.

    22. Deuxime observation, en matire de perquisition, le nombre de recours forms devant

    le juge administratif est infime : 1 mesure conteste sur les 3284 ordonnes au 3 fvrier 201623. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce trs faible taux de contestation, notamment labsence de remise lintress de lordre de perquisition (arrt prfectoral) contenant les motifs la justifiant ou labsence de remise dun rcpiss rcapitulant les modalits de son droulement. Mais se pose surtout la question de lutilit dun recours, car le juge administratif se prononcera ncessairement aprs que la mesure aura produit tous ses effets. Lutilit des rfr libert et rfr suspension nest donc pas tablie en cette matire. Quant au recours pour excs de pouvoir, il peut cependant avoir une utilit symbolique24. Il convient ds lors, pour la CNCDH, denvisager un rgime de contrle a priori, qui devrait tre confi lautorit judiciaire, comme cest dj le cas pour les perquisitions fiscales (article L. 16 B du livre des procdures fiscales).

    23. Troisime observation, la majorit du contentieux porte sur la contestation des mesures

    dassignation rsidence25. Sur les 392 mesures ordonnes, 103 ont t contestes (en rfr et au fond) et ont donn respectivement lieu 7 suspensions, une suspension partielle, quatre amnagements et une annulation. Un tat de sidration semble avoir initialement frapp certains tribunaux administratifs au moment du jugement des premires affaires26. Sont dplorer plusieurs rejets de requtes en rfr (libert et suspension) pour dfaut durgence (12 affaires) et ce, dans la quasi-totalit des cas, sans audience publique dans le cadre de la procdure spcifique dordonnance de tri de larticle L. 522-3 du code de justice administrative (10 affaires sur les 12 prcites). Dans ces conditions, la CNCDH ne peut que se fliciter de la reconnaissance par le Conseil dEtat dune prsomption simple durgence en matire de rfr libert portant sur une mesure dassignation rsidence, ainsi que de lexercice dun contrle entier cest--dire de proportionnalit - sur les motifs justifiant le prononc dune telle mesure27, sous rserve de la condition textuelle de lillgalit manifeste. Ces volutions jurisprudentielles devraient valoir pour le rfr suspension, mais la jurisprudence nest pas encore fixe sur ce point. Pour autant, la CNCDH se demande sil ne serait pas juridiquement opportun de transcrire dans la loi prcite de 1955 ces volutions jurisprudentielles28 en prvoyant une procdure de rfr spcifique ltat durgence, afin dviter lavenir que certaines juridictions administratives ne manifestent une prudence excessive avant daligner leur position sur celle du Conseil dEtat. Leffectivit de la garantie des droits en serait renforce.

    24. Quatrime observation, sagissant toujours de la procdure dassignation rsidence, le

    Conseil dEtat a pu relever quelle est parfois standardise et ne tient pas compte des diffrences de situation. Il a ainsi contrl ladaptation de la mesure la situation personnelle de lintress avant denjoindre au ministre de lIntrieur de moduler les contraintes imposes lassign29. Rappelant son attachement au droit au respect de la vie prive et familiale, la CNCDH appelle lautorit administrative ne pas omettre de personnaliser les obligations imposes aux personnes assignes rsidence. En effet, il faut avoir prsent lesprit que linsuffisance dindividualisation de la mesure peut engendrer des contraintes disproportionnes pour la personne qui en fait lobjet, disproportion qui risque de transformer cette mesure de police administrative en une

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    vritable privation de libert relevant du contrle de lautorit judiciaire (article 66 de la Constitution). Il en est de mme lorsque lintress se voit imposer des obligations, dont le degr de gravit est tel au regard de sa situation (personnelle, familiale, sociale, etc.), quil subit non plus une restriction de sa libert de circulation (article 2 Protocole 4 de la CESDH), mais une privation de libert individuelle (articles 66 de la Constitution et 5 de la CESDH)30. De plus et surtout, la CNCDH recommande, en amont de toute procdure contentieuse, une meilleure information des personnes assignes rsidence quant la possibilit de demander lautorit administrative une adaptation des modalits de la mesure31.

    25. Cinquime observation, lassignation rsidence comme dailleurs les autres mesures

    de police administrative relatives ltat durgence - est souvent ordonne partir des seules informations rpertories dans des notes blanches rdiges par des fonctionnaires de la DGSI. Plusieurs auditions conduites la CNCDH ont tabli que les magistrats de lordre administratif prouvent les plus grandes difficults apprcier la valeur probante de tels documents, parfois imprcis, laconiques ou empreints de subjectivit et contenant parfois des erreurs factuelles32. Quant aux avocats, ils disent avoir souvent le plus grand mal apporter la preuve contraire (notamment du fait de la difficult de runir des lments de preuve dans des dlais trs contraints ou de la difficult de contester des informations non dates ou peu circonstancies)33. Aussi, la CNCDH doit-elle, une nouvelle fois, rappeler quune atteinte aussi grave la libert daller et de venir que lassignation rsidence34 doit toujours, pour viter tout risque darbitraire, tre fonde sur des critres objectifs et des lments tangibles destins en permettre le contrle35. En effet, les limitations la libert de mouvement doivent tre justifies par lexistence de faits ou renseignements propres persuader un observateur objectif que lindividu en cause constitue une menace pour la scurit et lordre publics (article 6 de la loi du 3 avril 1955)36. Pour la CNCDH, une note blanche ne peut tre considre comme probante quautant quelle est suffisamment circonstancie et prcise37, soumise au dbat contradictoire sans tre srieusement conteste et conforte par des lments complmentaires extrinsques38. En cas de document classifi secret dfense , sil est en pratique extrmement difficile de faire porter le contrle sur le contenu, il est nanmoins possible de vrifier la pertinence dun tel classement39.

    26. Sixime observation, 7 dcisions rendues par les tribunaux administratifs concernent des

    militants cologistes assigns rsidence en raison de la COP 21. A cet gard, la loi du 3 avril 1955 distingue clairement entre les motifs justifiant que soit dclar ltat durgence (le pril imminent rsultant datteintes graves lordre public , article 1er) et les motifs pouvant justifier que soient prononces, une fois ltat durgence dclar, des assignations rsidence dune personne lgard de laquelle il existe des raisons srieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la scurit et lordre publics (article 6). Partant, le Conseil dEtat a estim, dans une affaire relative lassignation rsidence dun militant cologiste, quil ny avait, selon lui, au regard de la loi de 1955, aucun lien entre le pril imminent ayant conduit la dclaration de ltat durgence et les motifs justifiant la mesure dassignation rsidence40. Quant au Conseil constitutionnel, saisi de cette question dans le cadre dune question prioritaire de constitutionnalit, il a considr que tant la mesure d'assignation rsidence que sa dure, ses conditions d'application et les obligations complmentaires dont elle peut tre assortie doivent tre justifies et proportionnes aux raisons ayant motiv la mesure dans les circonstances particulires ayant conduit la dclaration de l'tat d'urgence 41.Lexigence dadquation entre la mesure prise et lobjectif poursuivi nest donc pas respecte lorsquune mesure de police est prononce sur le fondement de motifs dpourvus de tout lien avec le pril imminent ayant conduit la dclaration de ltat durgence42. Afin dviter tout risque darbitraire, la CNCDH

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    recommande que les motifs du recours une mesure de police ordonne dans le cadre de ltat durgence soient explicitement et systmatiquement relis au motif dclencheur de ce rgime dexception.

    27. La septime et dernire observation est relative au plein contentieux. A ce sujet, la CNCDH a t informe du dpt dune vingtaine de demandes pralables dindemnisation par des personnes ayant fait lobjet dune mesure de perquisition administrative et de ce quaucun recours en rfr provision na t form, ce qui laisse prsumer que lEtat indemnise les dommages rsultant dune telle mesure dans le cadre de procdures prcontentieuses43. Toutefois, il ressort paralllement des auditions conduites la CNCDH que les intresss sont peu, voire pas du tout informs des voies de droit disponibles, du fait notamment que bien souvent, aucun document ne leur est remis lissue de la perquisition. Dans ces conditions, la CNCDH recommande la remise systmatique aux personnes faisant lobjet dune perquisition administrative dun rcpiss rcapitulant le droulement de la mesure et indiquant, dans un langage clair et accessible, lensemble des voies de recours.

    C. LE CONTRLE CITOYEN

    28. En premier lieu, la CNCDH note avec satisfaction que la loi n 2015-1501 du 20

    novembre 2015, modifiant larticle 11 de la loi du 3 avril 1955, a supprim les dispositions qui, antrieurement, prvoyaient la possibilit d'habiliter les autorits administratives prendre toutes mesures pour assurer le contrle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des missions radio-phoniques . La libert de communication se trouve ainsi renforce44. Ce mme article 11, dans sa nouvelle rdaction, exclut que des perquisitions soient effectues dans un lieu affect l'exercice de l'activit professionnelle (...) des journalistes . La protection de leurs sources d'information, chre la CNCDH45, est galement mieux assure46. Cest ainsi que le blog de Laurent Borredon ( Vu de lintrieur. Observatoire de ltat durgence )47, journaliste au Monde, a t mis en fonction partir du 23 novembre 2015, afin de regrouper des rcits de personnes ayant fait lobjet dune perquisition ou dune assignation rsidence. Le but de ce blog est, selon les mots de son auteur, de raconter la banalit de ltat durgence 48. Doit galement tre signal le travail de recensement de Mdiapart49, de lObs50 et du Huffington Post51.

    29. En deuxime lieu, la ministre du travail pilote un autre comit de suivi sur les

    consquences des attentats et de ltat durgence, qui runit les organisations syndicales. Cette instance a t cre afin dexaminer lesdites consquences - en termes dactivit conomique, demplois et de conditions de travail - pour les entreprises et les services publics. Elle a galement pour objet d'inciter les partenaires sociaux une vigilance au sein des entreprises, afin de renforcer les moyens de lutte contre la radicalisation, de dfinir des mesures de protection prendre durant ltat d'urgence et daider prvenir les amalgames par llaboration dun guide pratique du fait religieux dans les entreprises prives.

    30. En troisime lieu, plusieurs initiatives innovantes manant du secteur associatif doivent

    tre tout particulirement salues. Par exemple, La quadrature du net a mis en ligne un dispositif ddition collaborative ( PAD ) en invitant les citoyens recenser les articles de presse qui voquent des drives, voire des abus des forces de lordre dans le cadre de la mise en uvre de ltat durgence52. Cette initiative citoyenne originale a pour ambition de recouper des informations et den faciliter laccs par un classement chronologique53. Pour sa part, le Collectif contre lislamophobie en France met la disposition des intresss un dispositif de signalement54. Quant lObservatoire juridique de ltat durgence , il runit des membres de syndicats (Syndicat des

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    Avocats de France, Syndicat de la Magistrature) et de diverses ONG (notamment : Amnesty International, le GISTI, lObservatoire International des Prisons, La Quadrature du Net), des universitaires et des tudiants, aux fins dlaborer une analyse dominante juridique des textes qui ont t ou vont tre adopts sur la question de ltat durgence, ainsi que des mesures administratives prises et des dcisions rendues en matire administrative et judiciaire, au regard de leurs effets sur les liberts, y compris des datteintes potentielles lEtat de droit et aux dispositions constitutionnelles. Parmi les participants cet Observatoire juridique de ltat durgence , le Groupe dInformation et de Soutien aux Immigr-e-s (GISTI) a, dans le champ de sa comptence, mis en place un Observatoire des consquences de l'tat d'urgence sur les personnes trangres55. Par ailleurs, le travail considrable de la Ligue des Droits de lHomme (LDH) doit lui aussi tre relev. La LDH assume une mission de veille par le biais de ses antennes locales - un observatoire des drives de ltat durgence a ainsi vu le jour Toulouse, Nice, Lyon, plusieurs arrondissements de Paris, Caen, Perpignan, etc en mme temps quelle est lorigine de nombreux recours exercs devant le Conseil dEtat et le Conseil constitutionnel afin de contester la constitutionnalit de la loi du 3 avril 1955 sur ltat durgence56 et demander la suspension en tout ou partie de ltat durgence dclar le 14 novembre 201557. Enfin, une initiative plus politique, la cration dun Conseil durgence citoyenne, appelle les opposants ltat durgence constituer des comits locaux, soit sur des assises associatives existantes, soit ex nihilo, et consigner leurs travaux dans des cahiers de vigilance et de propositions . Lobjectif est dorganiser pour chaque comit une dlgation afin de participer, terme, une convention nationale qui aura pour mission de prsenter une srie de propositions destines lamlioration du droit en vigueur58.

    31. Cette prsentation non exhaustive tmoigne du rle fondamental de vigie jou par la

    socit civile. Une fois de plus, la CNCDH se doit de saluer lengagement exemplaire des associations, ONG et syndicats dans le sens de la garantie des liberts et droits fondamentaux et de la prservation de lEtat de droit. Par leurs initiatives et actions innovantes, elles assurent en outre linformation de tous et contribuent la transparence de la mise en uvre de ltat durgence.

    32. Plus fondamentalement, lengagement des reprsentants de la socit civile contribue

    indniablement prserver la Rpublique du dlitement du lien social. Noublions pas que les mesures exceptionnelles peuvent susciter un dsengagement chez les gouverns ou reprsentants associatifs, ds lors quils ne bnficient plus de lintgralit des droits et liberts fondamentaux reconnus dans la Constitution59. En effet, les gouvernants ne sauraient recourir trop systmatiquement aux tats dexception, sous peine de ruiner la dfrence que les citoyens prouvent envers lordre juridique ; or le respect de la loi est le ciment de la cohsion sociale60.

    33. En conclusion, la Commission des lois de lAssemble nationale a, par deux fois,

    communiqu sur le travail ralis dans le cadre de sa mission de suivi. Le Gouvernement a inform le Conseil de lEurope conformment aux dispositions de larticle 15 de la CESDH qu un certain nombre de mesures prises dans le cadre de ltat durgence sont susceptibles de ncessiter une drogation certains droits garantis par la Convention 61. La CNCDH juge ncessaire quil fasse savoir de faon prcise au Parlement quelles mesures drogatoires il a prises ou envisage de prendre. La CNCDH note au demeurant lessoufflement de ltat durgence , du fait de la diminution considrable du nombre de mesures ordonnes en application de la loi du 3 avril 1955, deux semaines aprs la dclaration de ltat durgence62. Se pose alors la question de la sortie de ltat durgence, qui est lvidence une dcision politique difficile prendre. Pour autant, la CNCDH rappelle avec force que ltat dexception, qui doit

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    demeurer provisoire, ne saurait devenir permanent : il a pour seul et unique objectif un retour rapide la normalit63. A cet gard, la prorogation de ltat durgence vote par le Parlement64, interroge sur les finalits relles dune telle mesure. Comment, en effet, justifier la persistance dune telle mesure alors quelle ne devrait sappliquer quen considration dun pril imminent ? Considrer que le danger dattentat terroriste, toujours prsent pour une dure imprvisible, et les engagements militaires extrieurs de la France l encore pour une dure indtermine, permettent de justifier la prorogation de ltat durgence, revient faire dun tat dexception un tat permanent. La CNCDH ne peut que salarmer de ce qui serait une relle dgradation de lEtat de droit.

    1Dcret n 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n 55-385 du 3 avril 1955, JORF n

    0264 du 14 novembre 2015, p. 21297 ; Dcret n 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n 55-385 du 3 avril 1955, JORF n 0268 du 19 novembre 2015, p. 21517. 2Article 5 ter : I. - Les commissions permanentes ou spciales et les instances permanentes cres au sein de l'une des deux assembles parlementaires pour contrler l'action du Gouvernement ou valuer des politiques publiques dont le champ dpasse le domaine de comptence d'une seule commission permanente peuvent demander l'assemble laquelle elles appartiennent, pour une mission dtermine et une dure n'excdant pas six mois, de leur confrer, dans les conditions et limites prvues par cet article, les prrogatives attribues aux commissions d'enqute par l'article 6 ci-dessous. II. - Lorsque les instances permanentes cres au sein de l'une des deux assembles parlementaires pour contrler l'action du Gouvernement ou valuer des politiques publiques dont le champ dpasse le domaine de comptence d'une seule commission permanente disposent, dans les conditions dfinies au I, des prrogatives mentionnes l'article 6, les rapporteurs qu'elles dsignent exercent leur mission conjointement . 3http://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-des-lois/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence. 4http://www.cncdh.fr/fr/travaux-en-cours/controle-de-letat-durgence. 5Voir J.-J. Urvoas, Deuxime communication dtape sur le contrle de ltat durgence. Runion de la commission des Lois du mercredi 13 janvier 2016, en ligne sur : http://www2.assemblee-nationale.fr/static/14/lois/communication_2016_01_13.pdf. 6Article 803 du code de procdure pnale : Nul ne peut tre soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considr soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-mme, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite . 7Assemble nationale, Rapport n 3451 fait au nom de la Commission des lois () sur le projet de loi constitutionnelle (n 3381) de protection de la Nation par Monsieur Dominique Raimbourg, Paris 2016, p. 93. 8Circulaire du ministre de lIntrieur NOR INTK1522850J du 25 novembre 2015 relative aux perquisitions administratives dans le cadre de ltat durgence, p. 3. 9Voir la circulaire prcite du 25 novembre 2015 relative aux perquisitions administratives dans le cadre de ltat durgence, p. 4 qui prcise que le fait pour les forces de lordre denfoncer une porte ou de causer des dgts matriels ne devrait pas tre, lui seul, constitutif dune telle faute, ds lors que les ncessits lies la lutte contre le terrorisme justifient leur intervention. 1050, 4% des perquisitions administratives ordonnes depuis la dclaration de ltat durgence ont eu lieu de nuit (J.-J. Urvoas, Deuxime communication dtape, op. cit.) 11Dans ce sens Cons. const. 22 dcembre 2015, n 2015-527 QPC, 4-7. 12Lun de ces refus dhabilitation peu motivs a t suspendu par le Tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil 20 janvier 2016, Douidi, n 54-035-02). 13Prfecture du Pas-de-Calais, Recueil des actes administratifs n 80 du 1er dcembre 2015. 14Ce communiqu de presse en date du 24 novembre 2015 mentionne que la lutte contre limmigration clandestine est une des priorits du Gouvernement qui sinscrit naturellement dans les mesures prises dans le cadre de ltat durgence (en ligne sur : http://goo.gl/esXjBJ). 15Telles quelles ont t prsentes par la France au Secrtaire gnral du Conseil de lEurope le 24 novembre 2015. 16Ce constat a au demeurant galement t dress par la Commission des lois de lAssemble nationale, voir J.-J. Urvoas, Deuxime communication dtape, op. cit. : Pour lautre moiti des perquisitions, dans la quasi-totalit des cas linitiative des services de scurit publique, les objectifs sont nettement moins prioritaires. Pour certains, le rattachement la problmatique de lislam radical se fait par le biais dune inscription au fichier dnomm FSPRT 5 quadministre lUCLAT et qui comprend des personnes dune trs ingale dangerosit. Pour dautres perquisitions, les objectifs poursuivis taient trs explicitement des infractions aux lgislations sur les armes et sur les stupfiants, soit du droit commun. La justification tient alors la porosit souvent voque entre radicalisation, terrorisme ou conomie souterraine . 17CNCDH 16 avril 2015, Avis sur le projet de loi relatif au renseignement dans sa version enregistre le 1er avril 2015 la prsidence de l'Assemble nationale, JORF n0171 du 26 juillet 2015, texte n 43, 32-48. 18http://www.defenseurdesdroits.fr/fr/letat-durgence

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    19Voir Dfenseur des droits, 25 janvier 2016, Avis n 16-03. 20Dans deux cas, le tribunal administratif avait suspendu et le Conseil dEtat a rejet. Dans deux autres cas, le tribunal administratif avait rejet et le Conseil dEtat a suspendu. Dans le dernier cas, le tribunal administratif avait rejet et le Conseil dEtat a ordonn un amnagement de la mesure. 21F. Borg (SAF) et L. Roques (SAF), Audition du 3 fvrier 2016. 22Voir par exemple CE (Ord.) 15 janvier 2016, M. B., n 396044 ; TA Limoges (Ord.) 18 janvier 2016, M. AD., n 1600061 ; CE (Ord.) 15 janvier 2016, M. B., n 396044. 23TA Paris 26 novembre 2015, n 1519341 (rejet du rfr suspension car la mesure a t entirement excute). 24M. Guyomar, Audition du 3 fvrier 2016. 25 Au 17 fvrier 2016, sur le total de 119 dcisions rendues par les tribunaux administratifs, 103 taient relatives des assignations rsidence. 26Y. Livenais (Syndicat de la Juridiction Administrative), Audition du 14 janvier 2016. 27CE 11 dcembre 2015, n 395009, 394990, 394992, 394993, 394989, 394991 et 395002 ; CE (Ord.) 23 dcembre 2015, M. B, n 395229 ; CE (Ord.) 6 janvier 2016, Mme C, n 395622 ; CE (Ord.) 6 janvier 2016, ministre de lIntrieur c. M. AB., n 395620 et 395621 ; CE (Ord.) 18 janvier 2016, M. C., n 396066 CE (Ord.) 22 janvier 2016, M. B., n 396116. 28Voir Assemble nationale, Rapport n3451 prcit, p.93 : La prsomption durgence thorise par le Conseil dEtat, en matire dassignation rsidence, pourrait tre tendue par la loi lensemble du contentieux sur les mesures prises dans le cadre de ltat durgence . 29CE (Ord.) 6 janvier 2016, Mme C., n 395622. 30Voir Cour EDH 6 novembre 1980, Guzzardi c. Italie, Srie A n 39, 92 ; Cour EDH 25 juin 1997, Amuur c. France, RSC 1997, p. 457, obs. Koering-Joulin. 31M. Guyomar, Audition du 3 fvrier 2016, qui a utilement prcis que bien souvent les personnes assignes rsidence ignorent quelles peuvent demander au prfet une adaptation des modalits de la mesure dont elles font lobjet. 32Amnesty International, Rapport : Des vies bouleverses, p. 17, cf. entretien avec Claire. 33F. Borg (SAF) et L. Roques (SAF), Audition du 3 fvrier 2016. 34Remarquons que les juridictions administratives noncent quune dcision prononant l'assignation rsidence dune personne, prise par lautorit administrative sur le fondement de larticle 6 de la loi du 3 avril 1955, porte atteinte la libert daller et venir, qui constitue une libert fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (voir notamment TA Clermont-Ferrand (Ord.) 15 janvier 2015, M. X., n 1600065). 35CE (Ord.) 9 fvrier 2016, M. C., n 396570. 36Dans ce sens, voir dj CNCDH 25 septembre 2014, Avis sur le projet de loi renforant les dispositions relatives la lutte contre le terrorisme, JORF n 0231 du 5 octobre 2014, texte n 45, 9 ( propos de linterdiction administrative de sortie du territoire). 37TA Clermont-Ferrand (Ord.) 15 janvier 2016, M. B., n 1600065, qui nonce quil appartient cependant au juge de s'attacher, dans le cadre du contrle de la ralit des faits, ce que seuls les lments de faits contenus dans la note soient regards comme probants, l'exclusion de toute interprtation ou extrapolation, et prendre en compte, pour l'apprciation porter sur la consistance de la menace, le caractre srieux des faits considrs comme constitutifs d'une menace . 38Voir TA Cergy-Pontoise (Ord.) 15 janvier 2016, n 1600238 : Considrant quil rsulte de linstruction que le ministre sest fond sur une note blanche des services de renseignement qui peut tre utilise comme lment de preuve pour autant quelle soit suffisamment circonstancie et prcise ; que la note blanche produite par le ministre comporte les mmes nonciations que celle de larrt, lesquelles sagissant du premier motif ne prcise aucun lment de fait ; quen rponse un supplment dinstruction destin connaitre la nature de la relation allgue avec les groupuscules Ansar Al Charia et la frquence des contacts que pourrait entretenir le requrant avec cette organisation, le ministre de lintrieur na pas fourni dexplication supplmentaire autres que limplantation essentiellement tunisienne de cette organisation terroriste et de ce que M. B... a effectu en Tunisie un sjour de deux semaines au printemps 2014 ; que le requrant, de nationalit tunisienne, qui admet avoir sjourn dans son pays dorigine pour des vacances familiales conteste toute appartenance un groupe terroriste ; que le ministre nallgue pas quil serait dans limpossibilit de faire tat des prcisions demandes dans le cas prcis de M. B... au regard des contraintes lies lactivit des services de renseignement quil voque de faon gnrale dans ses critures ; Considrant quen soutenant que le CD Rom ne contenait que des chants religieux sans propagande djihadiste, le requrant ne conteste pas utilement les nonciations prcises de la note blanche sur le contenu de ce CD Rom ; que toutefois, en se fondant sur ce seul fait, le ministre de lintrieur ne pouvait retenir lencontre de M. B... des liens avec la mouvance djihadiste ; que, par suite, en ltat de linstruction, le ministre de lintrieur ne pouvait lgalement considrer que ce seul lment caractrisait suffisamment lexistence dun raison srieuse donnant penser que le comportement de M. B... constitue une menace pour la scurit et lordre publics ; Considrant quau regard de lensemble de ces lments, la mesure dassignation rsidence prise par le ministre de lintrieur lencontre de M. B... par larrt du 17 dcembre 2015, doit tre regarde, en ltat de linstruction, comme tant de nature porter atteinte de manire grave et

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    manifestement illgale la libert daller et venir de lintress ; quil en rsulte, et sans quil soit besoin dexaminer lautre moyen, que larrt du ministre de lintrieur du 17 dcembre 2015 doit tre suspendu . 39CE, Ass., 11 mars 1955, Secrtaire dEtat la guerre c. Coulon, n 34036, Rec., p. 149 : Considrant quil appartient aux Tribunaux administratifs, saisis dun recours dirig contre une dcision administrative, de requrir des administrations comptentes la production de tous documents quils jugent de nature permettre la vrification des allgations du requrant, la seule exception de ceux dont la communication est exclue par une prescription lgislative () ; Considrant, toutefois, que si, dans le cas o il se trouve plac devant un tel refus de communication, quil ne lui appartient pas de discuter, le juge administratif du premier degr est tenu de ne statuer quau vu des seules pices du dossier dont il est saisi, rien ne soppose ce que, dans la mesure o ces renseignements lui apparaissent indispensables pour former sa conviction sur les points en litige, il prenne toutes mesures de nature lui procurer, par les voies de droit, tous claircissements ncessaires, mme sur la nature des pices cartes et sur les raisons de leur exclusion; quil a ainsi la facult, sil y chet, de convier lautorit responsable lui fournir, cet gard, toutes indications susceptibles de lui permettre, sans porter atteinte, directe ou indirecte, aux secrets garantis par la loi, de se prononcer en pleine connaissance de cause ; quil lui appartient, dans les cas o un refus serait oppos une telle demande, de joindre cet lment de prcision, en vue du jugement rendre, lensemble des donnes fournies au dossier . 40CE 11 dcembre 2015, Cdric D., n 395009. 41Cons. const. 22 dcembre 2015, n 2015-527 QPC, 12. 42Dans ce sens P. Wachsmann, Audition du 14 janvier 2016. 43M. Guyomar, Audition du 3 fvrier 2016. 44Dans ce sens E. Drieux, tat d'urgence et libert de communication , JCP d. gn. n 49, 30 novembre 2015, p. 1327. 45CNCDH 25 avril 2013, Avis sur la rforme de la protection du secret des sources, JORF n0134 du 12 juin 2013 texte n 90. 46E. Drieux, article prcit, p. 1327. 47http://delinquance.blog.lemonde.fr/ 48L. Borredon (Le Monde), Audition du 11 janvier 2016. 49https://www.mediapart.fr/journal/france/241115/l-etat-d-urgence-dans-tous-ses-etats 50http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/etat-d-urgence/20151127.OBS0323/carte-etat-d-urgence-panorama-des-abus-et-mesures-controversees.html 51http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/26/etat-urgence-carte-plaintes-controverses_n_8653882.html 52B. Sonntag (co-fondateur de La Quadrature du Net) et C. Talib (charg de campagnes La Quadrature du Net), Audition du 26 janvier 2016. 53https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Recensement 54http://www.islamophobie.net/ [email protected], Communiqu du GISTI du 8 fvrier 2016 : http://www.gisti.org/spip.php?article5223 56Notons que la LDH a form deux recours en premier ressort devant le Conseil dEtat pour attaquer dune part le dcret n 2015-1478 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n 55-385 du 3 avril 1955 (extension lensemble du territoire hexagonal de la possibilit de prendre des mesures prvues aux articles 6, 8 et 11 de la loi) et dautre part, la circulaire du 25 novembre 2015 relative aux perquisitions administratives dans le cadre de ltat durgence. A lappui de ces requtes, la LDH a soulev trois questions prioritaires de constitutionnalit (QPC) critiquant respectivement les articles 6 (assignation rsidence), 8 (fermeture provisoire de salles de spectacles, dbits de boissons et lieux de runion ; interdiction de runion) et 11-I (perquisitions administratives) de la loi du 3 avril 1955. Sagissant de larticle 6, le Conseil dEtat a transmis le 11 dcembre 2015 une QPC au Conseil constitutionnel qui la rejet le 22 dcembre et la LDH a t admise intervenir dans ces instances (CE, Sect. 11 dcembre 2015, n 395.009 ; Cons. const. 22 dcembre 2015, n 2015-527 QPC du 22 dcembre 2015). Sagissant des articles 8 et 11 I de la loi prcite de 1955, les deux QPC de la LDH ont t transmises au Conseil constitutionnel le 15 janvier 2016 (CE 15 janvier 2016, n 395091 ; CE 15 janvier 2016, n 395092). 57Par requte dpose le 19 janvier 2016 devant le juge des rfrs du Conseil dEtat, la LDH a demand la suspension de tout ou partie de ltat durgence aux motifs que sa persistance deux mois aprs les attentats qui ont justifi son dclenchement porterait une atteinte grave et manifestement illgale des liberts fondamentales. Une audience se tiendra le 26 janvier 2016 au Conseil dEtat. 58http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/18/face-a-l-etat-d-urgence-des-citoyens-font-de-la-resistance_4849014_3224.html#pZjEEszpaEDbqYlT.99 59Benjamin Constant cit par M.-L. Basilien-Gainche, Etat de droit et tats dexception. Une conception de lEtat, PUF 2013, p. 258. 60Ibid. 61Le Monde du 27 novembre 2015. 62Pour les donnes chiffres de la Commission des lois, se rfrer : http://www2.assemblee-nationale.fr/static/14/lois/analyses_chiffrees_1.pdf. Voir galement, J.-J. Urvoas, Deuxime communication dtape, op. cit., qui indique utilement que 907 perquisitions ont t ordonnes, dans les sept jours qui ont suivi les attentats, sur les 3099, soit prs dun tiers

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    de la mise en uvre de ltat durgence sur ce volet. Selon ce mme document : Partout o nous nous sommes dplacs, nous avons entendu que les principales cibles et les objectifs avaient t traits. De fait, leffet de surprise sest largement estomp et les personnes concernes se sont pleinement prpares elles aussi faire face dventuelles mesures administratives. Ces phnomnes dextinction progressive de lintrt des mesures de police administrative se lisent dailleurs dans les chiffres, qui montrent bien plus quun essoufflement . 63Voir N. Questiaux, Etude sur les consquences pour les droits de lhomme des dveloppements rcents concernant les situations dites dtat de sige ou dexception, Nations unies (Conseil conomique et Social), E/CN.4/Sub.2/1982/15, 27 juillet 1982, p. 16. 64http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/prorogation_application_loi_55-385.asp