Claude Simon_農耕詩extrait_1861

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    1981 by LES ED mO NS DE M IN urr7, rue Bernard-Pali ssy, 75006 Pariswww.leseditionsdeminuit.frEn application des articles L. 12210 a 1.12212 du Code de la propriete inte1lectuelle, toutereproduction a usage collectifpar photocopie, integralement ou partie1lement, du present ouvrageest interdite sans autorisation du Centre fran~aisd'exploitation du droit de copie (CFC, 20, ruedes GrandsAugustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, integrale ou partielle,est egalement interdite sans autorisation de l'editeur.

    ISBN 2-7073-0520-0

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    La scene est Ia suivante : dans une piece de vastesdimensions un personnage est assis devant un bureau,l'une de ses jambes a demi repliee sous son siege, Ie talondu pied souleve, le pied droit en avant et a plat, Ie tibiaformant avec Ia cuisse horizontale un angle d'environ

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    repos, Ie poids du corps portant sur la jambe gauche, Iebras droit pendant Ie long du corps, Ie bras gauche replieserrant contre la poitrine un carton rectangulaire surlequel la main vient se refermer. Chez lui egalementune pratique constante des exercices physiques a deve-loppe une forte musculature, pour l'instant sans defauts.On voit se gonfler le biceps du bras replie, Le torse,dont les pectoraux et les abdominaux sont fermementdessines, fait songer aces plastrons des cuirasses romainesartistiquement modeles, reproduisant dans Ie bronze lesdetails d'une academic parfaite. Au bas du ventre, apeine renfle et glabre, le sexecourt, termine en tetine parIe repli du prepuce, repose sur les bourses pleines destesticules qui Ie projettent legerement en avant. Sousla peau fine, on peut suivre les parcours des veines, plussaillantes sur les avant-bras, le dos des mains, les tibias etles pieds qu'elles enserrent comme les racines d'un arbre.Le contraste entre la nudite des deux personnages et Iedecor, les meubles de style, confere a la scene un carac-tere insolite, encore accru par la facture du dessin executesur une feuille de papier (ou une toile d'un grain tres fin)a l'aide d'une mine de plomb soigneusement et constam-ment (de facon presque maniaque) reaffUteepar l'artisteau cours de son travail. De meme que les corps nus sontdessines avec une froideur deliberee detaillant des anato-mies stereotypees apprises sur I'antique, les objets qui lesentourent, la piece ou se tiennent les deux personnages,sont figures avec cette secheressequi preside a l'executiondes projets d'architectes proposant aux regards non pasdes monuments deja existants mais des combinaisons etdes assemblages de formes nes de leur imagination, ne

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    ~envoyant qu'a eux-memes, et les Iignes grises, d'unemcroyable finesse, tirees au cordeau ou arrondies suivantdes courbes parfaites, tracent des frontieres non pas entredes solides (les chairs, Ie bois, Ie marbre) et l'air qui lesentoure, mais entre des surfaces blanches qui s'emboitentselon leurs inflexions ou leurs angles. II est evident quela lecture d'un tel dessin n'est possible qu'en fonctiond'un code d'ecriture admis d'avance par chacune desdeux parties, Ie dessinateur et Ie spectateur. Ainsi, dememe qu'en geometrie descriptive il est convenu quedeux droites qui se croisent signifient - et non pasrepresentent - l'existence d'un plan, l'espace qu'enfer-ment les murs est simplement suggere par quelques traitsindiquant les aretes des diedres qu'ils forment entre euxou avec Ie plaond, ou encore le carrelage dont Ie dessinapparait dans une perspective rigoureusement rcalculee,Au-dehors, par les rectangles des hautes bales, on aper-coit une longue facade (celle de que1que palais sansdoute) aux trois rangees de fenetres surmontees de fron-tons (triangulaires au premier etage, en arc de cercle ausecond, .les fenetres du .troisieme et dernier etage etantentourees d'un simple bandeau en saillie),, dessinee elleaussi avec la patiente et meticuleuse precision d'une ele-vation, seulement au trait, Ie tout (de meme que les meu-bles, Ie bureau, Ie fauteuil) sans ombres, celles-ci etantreservees au rendu des muscles sur les deux corps nusqui prennent dans ce cadre d'epure un relief d'autant plusbizarre qu'aucune ombre non plus ne s'etend a leurspieds, comme s'ils se trouvaient la, marmoreens et bosse-Ies, semblables a des personnages detaches d'un bas-relief et colles ensuite sur la feuille de papier et non pas

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    assis sur un siegeou debout sur Ie carrelage au froid decorgeometrique. II semble que l'artiste, suivant une selectionpersonnelIe des valeurs, ait cherche, dans la scene pro-posee, a nettement diflerencier les divers elements selonleur importance croissante dans son esprit comme entemoignent les factures particulieres dans lesquelles illesa traites soit, premierement : les objets inanimes (outreIe carreiage, les murs, les meubles, les fenetres et Iepaysage exterieur, on peut voir aussi, figures de la I?ememaniere, c'est-a-dire au trait: une grande carte anciennesuspendue sur run des panneaux, avec sa rose des vents,ses chaines de montagnes en formes de taupinieres, lescontours dechiquetes d'une cote aux caps rocheux, sesfleuvessinueux et branchus - et aussi une grosse mappe-monde, entouree a I'equateur d'un anneau zodiacal etmontee sur un socle a trois pieds) ; deuxiemement : lachair, les corps aux muscles, aux veines et aux accidentssoigneusement dessines et ombres, tout entiers sembla-bles a des marbres grisdtres ; troisiemement enfin : Iestetes des deux personnages qui sont non plussimplementdessinees et ombrees mais peintes a I'aide de couleursbroyees a I'huile, exactement comme s'il s'agissait destatues dont un plaisantin aurait entrepris de colorier lesvisages et les coiffures a l'imitation de Ia chair veritableet des cheveux. Pour I'un d'eux, celui qui se tient deboutde I' autre cote du bureau (en depit de l'existence d'unsiege qui semble etre Ia pour accueillir les visiteurs), lacouche de peinture appliquee sur le marbre s'arrete unpeu au-dessous du menton. Ses cheveux tres noirs sontramenes sur les tempes en meches comme plaquees parun coup de vent qui I'aurait assailli par-derriere. Son

    visage, aux traits deja durs quoique juveniles, est impassi-ble, dissimulant peut-etre une vague ironie ou un vaguemepris, Sa tete est legerement rejetee en arriere, dans uneposition reglementaire dont il semble exagerer a dessein laraideur. II emane de lui quelque chose d'a la fois servileet hautain, sans doute la reaction instinctive d'un hommejeune en presence d'un personnage plus age et plusimportant. Sur ce dernier, assis au bureau, Ie travail decoloriage a ete plus pousse. Non content de peindre Ievisagepuissant et sanguin, un peu congestionne, I'epaissechevelure chatain qui commence a grisonner, l'artiste,poursuivant plus loin, a habille les epaules d'une tuniquebleu roi, au col montant et rouge, sur lequel retombe laforte criniere. La couche de peinture bleue s'arrete net(hormis quelques derapages du pinceau) au-dessus desmamelons, et la tunique est ornee d'epaulettes aux frangesdorees qui pendent sur les bras a la chair grisatre, nuejusqu'aux mains que Ie coloriste a pour ainsi dire ganteesde peau humaine, legerement rougeaude aussi, surtoutvers l'extremite des doigts qui se serrent sur la feuillede papier d'un blanc jaunatre, peinte avecune minutie entrompe-l'eeil, avecles faibles ombres resultant des pliuresdu papier et les lignes .d'ecriture tracees d'une encre cou-leur rouille. II est significatif que les deux visages nesoient pas seulement esquisses, comme Ie fait d'habitudeun peintre lorsqu'il commence un tableau, posant ici etla quelques rapides touches de couleur pour etablirl'harmonie generale, quitte a revenir sur telIe ou telIepartie, la reprendre meme entierement selon revolutionde I'ceuvre en train : tout au contraire, la facture dechacun d'eux est d'un fini pousse jusque dans les

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