CI_1242

download CI_1242

of 48

Transcript of CI_1242

  • La course aux toiles

    La Chine, lInde, les Emirats

    et les acteurs privs bouleversent la donne dans

    lindustrie spatiale

    FRANCE ASTRIX, UN

    HROS EUROPENBOLIVIE

    MOURIR AU NOM DES DIEUX

    EbolaAnatomie du

    virus tueur

    Etat islamiqueLes raisons

    de la terreur

    N1242 du 21 au 27aot2014courrierinternational.comBelgique: 3,90

    EDITION BELGIQUE

  • DITORIALJEAN-HBERTARMENGAUD

    Petits pas pour lhumanit

    A ux plus froides des heures de la guerre froide, en 1961, les Sovitiques avaient remport la premire manche en envoyant un homme en orbite dans lespace. A peine un mois et demi plus tard, vexs, et terri s lide de perdre la course la Lune, les Amricains lanaient leur programme Apollo, qui allait leur permettre notamment de poser trois hommes sur le satellite terrestre.La guerre froide est-elle de retour? Peut-tre: aprs les sanctions amricaines prises contre Moscou avec la crise en Ukraine, les Russes menacent de quitter en 2020 la Station spatiale internationale, lISS. Ce laboratoire est pourtant lexemple type de ce qutait devenue la recherche spatiale il y a quelques annes: une collaboration entre pays. Lespace nappartient plus quaux seules ex-superpuissances. De nouveaux acteurs sont apparus, comme la Chine, lInde, et mme les Emirats. Lorbite terrestre est un territoire convoit et chacun veut son lanceur pour dcrocher les juteux marchs des satellites arti ciels.Plus haut, plus loin, la conqutede lespace nest pas abandonne pour autant. Plusieurs projets, dont un priv, visent envoyer des hommes vivre sur Mars. Un voyage de sept mois. Mais relativisons: pour lhumanit, ce ne sera quun pas minuscule lchelle de lUnivers. Car notre Soleil avec les plantes qui tournent autour nest nalement quune toile moyenne, en lointaine banlieue, parmi les centaines de milliards qui peuplent notre Voie Lacte, une galaxie parmi les centaines de milliards dautres que compte lUnivers. Aller sur Mars, cest comme frapper la porte de son voisin de palier. La course aux toiles a peu de chances de se terminer avant lextinction de lhumanit.

    En couverture: La course aux toiles : Photo Brand X Pictures/Getty Images Irak-Syrie : Illustration Haddad, Royaume-Uni Virus Ebola : Photo Sia Kambou/AFP

    p.26 la une

    LA COURSE AUX TOILES

    p.10

    Irak-Syrie. Les racines de lEtat IslamiqueAlors que les combats sintensi ent en Irak, la presse arabe se demandecomment lEIIL a pu merger.

    p.18

    Inde. Gouvernement recrute hackers, 18 ans si possibleNew Delhi sapprte embaucher des dizaines de milliers de pirates informatiques, jeunes et patriotes,pour scuriser ses installations stratgiques, raconte lhebdomadaire Open.

    360 p.40

    Au bout du monde avec George OrwellUn lieu, un artiste (5/5). Cest sur lle sauvage de Jura, au large de lEcosse, que lcrivain britannique sest isol dans limmdiat aprs-guerre pour rdiger 1984, son chef-duvre danticipation. Le magazine en ligne Roads and Kingdoms est revenu sur les lieux.

    SIGNAUX p.38

    Portrait du virus Ebola

    Avec plus de 1 200 morts

    au 19 aot, cette ambe

    de vre hmorragique

    particulirement ltale stend

    bien plus que toutes

    les prcdentes. Une infographie

    qui fait le tour du sujet.

    Face aux nouvelles puissances spatiales, comme la Chine, lInde ou mme les Emirats arabes unis, de jeunes entreprises prives aux grandes ambitions, comme lamricaine SpaceX, mettent en uvre leurs propres programmes.CHIN

    AFO

    TOPR

    ESS/

    GET

    TY IM

    AG

    ES

    SUR NOTRE SITE

    www.courrierinternational.comIrak Les djihadistes sous pression: les suites de lintervention amricaine.Ferguson LAmrique sembrase. Retrouvez tout le dbat de la presse amricaine sur la sgrgation, le racisme et la violence policire.Retrouvez-nous aussi sur Facebook, Twitter, Google+ et Pinterest

    Sommaire

    PETE

    R BO

    WAT

    ER/A

    LAM

    Y

    AD

    OLF

    O A

    RRA

    NZ

    MED

    I

    28

    16 8

    40

    42

    Courrier international n 1242 du 21 au 27 aot 20142.

  • Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    Sommaire Edit par Courrier international SA, socit anonyme avec directoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 . Actionnaire La Socit ditrice du Monde. Prsident du directoire, directeur de la publication: Arnaud Aubron. Directeur de la rdaction, membre du directoire: Eric Chol. Conseil de surveillance: Louis Dreyfus, prsident. Dpt lgal Aot 2014. Commission paritaire n 0717c82101. ISSN n1154-516X Imprim en France/Printed in France

    Rdaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baf, 75212 Paris Cedex 13 Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax gnral 33 (0)1 46 46 16 01 Fax rdaction 33 (0)1 46 46 16 02 Site web www.courrierinternational. com Courriel [email protected] Directeur de la rdaction Eric Chol Rdacteurs en chef Jean-Hbert Armengaud (16 57), Claire Carrard (dition, 16 58), Odile Conseil (dlgue 16 27), Rdacteurs en chef adjoints Catherine Andr (16 78), Raymond Clarinard, Isa-belle Lauze (hors-sries, 16 54) Assistante Dalila Bounekta (16 16) Rdactrice en chef technique Nathalie Pingaud (16 25) Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31) Conception graphique Javier Errea Comunicacin

    Europe Catherine Andr (coordination gnrale, 16 78), Danile Renon (chef de service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suisse almanique, 1622), Gerry Feehily (Royaume-Uni, Irlande, 16 95), Lucie Ge roy (Italie, 1686), Nathalie Kantt (Espagne, Argentine, 16 68), Hugo dos Santos (Portugal, 1634)Iwona Ostapkowicz (Pologne, 16 74), Caroline Marcelin (chef de rubrique, France, 17 30), Iulia Badea-Gurite (Roumanie, Moldavie, 19 76), Wineke de Boer (Pays-Bas), Solveig Gram Jensen (Danemark, Norvge), Alexia Kefalas (Grce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rnnqvist (Sude), Agns Jarfas (Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie, Kosovo), Miro Miceski (Macdoine), Kika Curovic (Serbie, Montngro, Croatie, Bosnie-Herzgovine), Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie) Russie, est de lEurope Laurence Habay (chef de service, 16 36), Alda Engoian (Caucase, Asie cen-trale), Larissa Kotelevets (Ukraine) Amriques Brangre Cagnat (chef de service, Amrique du Nord, 16 14), Gabriel Hassan (Etats-Unis, 16 32), Anne Proenza (chef de rubrique, Amrique latine, 16 76), Paul Jurgens (Brsil) Asie Agns Gaudu (chef de service, Chine, Singapour, Tawan, 16 39), Christine Chaumeau (Asie du Sud-Est, 16 24), Ingrid Therwath (Asie du Sud, 16 51), Ysana Takino (Japon, 16 38), Kazuhiko Yatabe (Japon), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), Elisabeth D. Inandiak (Indonsie), Jeong Eun-jin (Cores) Moyen-Orient Marc Saghi (chef de service, 16 69), Ghazal Golshiri (Iran), Pascal Fenaux (Isral), Philippe Mischkowsky (pays du Golfe), Pierre Vanrie (Turquie) Afrique Ousmane Ndiaye (16 29), Hoda Saliby (chef de rubrique Maghreb, 16 35), Chawki Amari (Algrie) Transversales Pascale Boyen (chef des informations, Economie, 16 47), Catherine Guichard (Economie, 16 04), Anh Ho Truong (chef de rubrique Sciences et Innovation, 16 40), Gerry Feehily (Mdias, 16 95), Virginie Lepetit (Signaux) Magazine 360 Marie Bloeil (chef des informations, 17 32), Virginie Lepetit (chef de rubrique Tendances, 16 12), Claire Maupas (chef de rubrique Insolites 16 60), Raymond Clarinard (Histoire), Catherine Guichard Ils et elles ont dit Iwona Ostapkowicz (chef de rubrique, 16 74)

    Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, responsable du web, 17 33), Carolin Lohrenz (chef ddition, 19 77), Carole Lyon (rdactrice multimdia, 17 36), Paul Grisot (rdacteur multimdia, 17 48), Pierrick Van-Th (webmestre, 16 82), Marie-Latitia Houradou (responsable marketing web, 1687), Patricia Fernndez Perez (marketing) Agence Cour rier Sabine Grandadam (chef de service, 16 97) Traduction Raymond Clarinard (rdacteur en chef adjoint), Isabelle Boudon (anglais, allemand), Franoise Escande-Boggino (japonais, anglais), Caroline Lee (anglais, allemand, coren), Franoise Lemoine-Minaudier (chinois), Julie Marcot (anglais, espagnol, portugais), Marie-Franoise Monthiers ( japonais), Mikage Nagahama ( japonais), Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais, espagnol), Danile Renon (allemand), Hlne Rousselot (russe), Mlanie Li schitz (anglais, espagnol), Leslie Talaga (anglais, espagnol) Rvision Jean-Luc Majouret (chef de service, 16 42), Marianne Bonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Grard, Franoise Picon, Philippe Planche, Emmanuel Tronquart (site Internet) Photo graphies, illustrations Pascal Philippe (chef de service, 16 41), Lidwine Kervella (16 10), Stphanie Saindon (16 53) Maquette Bernadette Dremire (chef de service, 16 67), Catherine Doutey, Nathalie Le Drau, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, Denis Scudeller, Jonnathan Renaud-Badet, Alexandre Errichiello, Cline Merrien (colorisation) Cartographie Thierry Gauth (16 70) Infographie Catherine Doutey (16 66) Calligraphie Hlne Ho (Chine), Abdollah Kiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon) Informatique Denis Scudeller (1684) Directeur de la production Olivier Moll Fabrication Nathalie Communeau (direc trice adjointe), Sarah Trhin (responsable de fabrication) Impression, brochage Maury, 45330 Malesherbes

    Ont particip ce numro : Alice Andersen, Jean-Baptiste Bor, Sophie Courtois, Genevive Deschamps, Rollo Gleeson, Thomas Gragnic, Sabrina Haessler, Sophie Laurent-Lefvre, Carole Lembezat, Jean-Baptiste Luciani, Pauline Machard, Valentine Morizot, Corentin Pennarguear, Anne Lise Pitre, Alexane Pottier, Diana Prak, Josphine Raynauld, Mlanie Robaglia, Pieranglique Schouler, Judith Sinnige, Isabelle Taudire, Yuta Yagishita

    Secrtaire gnral Paul Chaine (17 46) Assistantes Frdrique Froissart (16 52), Sophie Jan Gestion BndicteMenault-Lenne(responsable,1613) Comptabilit 01 48 88 45 02 Responsable des droits Dalila Bounekta (16 16) Ventes au numro Responsable publications Brigitte Billiard Direction des ventes au numro Herv Bonnaud Chef de produit Jrme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40) Di usion inter nationale Franck-Olivier Torro (01 57 28 32 22) Promotion Christiane Montillet Marketing Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), Vronique Lallemand (16 91), Vronique Saudemont (17 39), Kevin Jolivet (16 89)

    Les journalistes de Courrier international slectionnent et traduisent plus de 1500 sources du monde entier: journaux, sites, blogs. Ils alimentent lhebdomadaire et son site courrier interna-tional.com. Les titres et les surtitres accompagnant les articles sont de la rdaction. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilises cette semaine:

    Algrie-Focus (algerie-focus.com), Algrie, en ligne. An bia (revistaan bia.com), Buenos Aires, en ligne. The Conversation (the conver-sation.com) Londres, en ligne. Folha de So Paulo So Paulo, quotidien. The Guardian Londres, quotidien. Al-Hayat Londres, quotidien. Jingji Guancha Bao Pkin, hebdomadaire. Jornal de Angola Luanda, quotidien. La Nacin Buenos Aires, quotidien. Los Angeles Times Los Angeles, quotidien. Al-Modon (https://fr-fr.facebook.com/AlModonNp) Beyrouth, en ligne. Moskovski Komsomolets Moscou, quotidien. New Scientist

    Londres, hebdomadaire. Now. (now.mmedia.me/lb/ar) Beyrouth, en ligne. O Observador (observador.pt) Lisbonne, en ligne. Open New Delhi, hebdomadaire. El Pas Madrid, quotidien. Roads and Kingdoms (roadsandkingdoms.com), New York, en ligne. Sakartvelo da Msoplio Tbilissi, hebdomadaire. Scroll-in (scroll.in), New Delhi, en ligne. Il Sole-24 Ore Milan, quotidien. The Wall Street Journal New York, quotidien. The Washington Post Washington, quotidien.

    Toutes nos sources Chaque fois que vous rencontrez cette vignette, scannez-la et accdez un contenu multimdia sur notre site courrierinternational.com (ici, la rubrique Nos sources).

    7 jours dans le monde4. Palestine. Crise humanitaire : le Hamas critiqu Gaza

    6. Controverse. Larme amricaine doit-elle revenir en Irak ?

    Dun continent lautreMOYEN-ORIENT 8. Irak-Syrie. Les racines de lEtat islamique

    AFRIQUE12. Guine-Equatoriale. Obiang se met au portugais

    14. Algrie. Le bijou kabyle entre crativit et dclin

    ASIE16. Inde. Gouvernement recrute hackers, 18 ans si possible

    AMRIQUES18. Bolivie. Mourir pour les dieux

    EUROPE20. Ukraine. Mais o sont donc les convois de lUE ?21. Gorgie. La gense dun rgime fasciste22. Royaume-Uni. Cachez ces pauvres...

    FRANCE 23. Culture. Astrix, un hros terriblement europen

    BELGIQUE 24. Partis. La nouvelle donne amande

    A la une28. La course aux toiles

    Transversales36. Economie. Les loups de Wall Street ont perdu leurs crocs

    38. Environnement. La politique de la terre pollue

    38. Signaux. Portrait du virus Ebola

    36042. Un lieu, un artiste (5/5) Au bout du monde avec George Orwell

    46. Tendances. Des critiques et des clics

    48. Plein cran. Les dentiers de la gloire

    GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLCOURRIER INTERNATIONAL pour la Belgique et le Grand Duch de Luxembourg est commercialis par le GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBL qui est une association entre la socit anonyme de droit franais COURRIER INTERNATIONAL et la socit anonyme de droit belge IPM qui est lditeur de La Libre Belgique et de La Dernire Heure Les Sports. Co-grant Antoine LaporteCo-grant et diteur responsable Franois le HodeyDirecteur gnral IPM Denis PierrardCoordination rdactionnelle Pierre Gilissen

    + 32 2 744 44 33Ouvert les jours ouvrables de 8h 14h.Rue des Francs, 79 1040 BruxellesPublicit RGP Marie-France Ravet [email protected] + 32 497 31 39 78Services abonnements [email protected] + 32 2 744 44 33 / Fax + 32 2 744 45 55Libraires + 32 2 744 44 77Impression IPM PrintingDirecteur Eric Bouko + 32 2 793 36 70

    Marie Curie

    Dans la vie, rien nest craindre, tout est comprendre.

    3

  • Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    7 jours dansle monde.

    Nous allons nous battre jusqu la mort la ntre. Dessin de Schrank, paru dans The Independent, Londres.

    PALESTINE

    Crise humanitaire : le Hamas critiqu GazaSi publiquement les Palestiniens soutiennent encore le mouvement islamiste, des voix slvent pour dnoncer son enttement.

    The Washington Post (extraits) Washington

    Lahiya, bande de Gaza Ziad Abu Halool est fatigu de voir son quartier dvast. Fatigu de ne plus avoir leau courante depuis dix jours ni dlectricit depuis plus longtemps encore. Fatigu de voir le Hamas et dautres militants palesti-niens envoyer des roquettes sur Isral depuis son quartier et fatigu de prier pour que les reprsailles israliennes pargnent sa maison. Aprs plus dun mois et demi de guerre et de destruc-tions, Ziad tient donc des propos qui semblaient jusqualors impensables: malgr tout le mpris quil a pour Isral, il dclare juger le Hamas et les autres groupes arms palestiniens galement responsables de ses malheurs.

    A lheure o le bilan humain slve plus de 2 000morts ct palestinien [daprs le ministre de la Sant de len-clave palestinienne], un nombre grandis-sant de Gazaouis contestent les dcisions et les stratgies du Hamas qui tient la bande de Gaza sous sa coupe et qui est connu pour intimider et parfois prendre pour cible les dtracteurs de sa poli-tique. La plupart du temps, la dsappro-bation est encore timide et nmerge que dans les conversations prives. Mais dans les enclaves exsangues comme Beit Lahiya, la rvolte gronde ouverte-ment, alimente par le sentiment dim-puissance et la fatigue.

    Ces critiques ne traduisent pas nces-sairement une perte de soutien pour le Hamas. La plupart des Palestiniens, y compris les principaux dtracteurs du Hamas, disent soutenir la guerre en cours contre Isral, voyant en elle le seul moyen de satisfaire la reven-dication palestinienne court terme, savoir la leve des embargos cono-miques israliens et gyptiens de Gaza et louverture des postes-frontires de la rgion. Aucun habitant de Beit Lahiya naccuse le Hamas de les utiliser comme boucliers humains, comme le prtend Isral, mme sils reconnaissent que des militants tirent des roquettes depuis leurs quartiers.

    Toutefois, la frustration grandissante dans lopinion palestinienne porte croire que, malgr leur nationalisme fervent, beaucoup de Palestiniens tiennent le Hamas pour partiellement responsable de la crise humanitaire actuelle.

    Et si les ngociateurs palestiniens et israliens runis au Caire tombent daccord sur un trait de paix durable, lopinion pourrait bien faire pression sur le Hamas pour quil reconstruise Gaza et relance une conomie en ruine, ou tout au moins quil sabstienne den-traver les eorts de reconstruction internationaux.

    Si rien nest fait avant les prochaines lections palestiniennes, le Hamas se retrou-vera dans une trs fcheuse posture, ana-lyse Mkhamer Abou Saada, politologue luniversit Al-Azhar de Gaza. Oui, les

    Palestiniens sont derrire le Hamas et la rsistance palestinienne contre Isral. Mais, vrai dire, ils aimeraient bien que leurs maisons et leurs infrastructures soient rpares Si rien nest fait court terme, cela aura des rpercussions fcheuses sur le Hamas et sa cote de popularit dans les rangs palestiniens.

    Avant louverture du conit en cours, le 8juillet, le Hamas tait isol sur la scne politique. Il avait perdu lappui de ses principaux soutiens, la Syrie et lIran, aprs avoir refus de prter main-forte au rgime syrien contre la rbellion sunnite. Et le gouvernement gyptien, qui, soutenu par larme, a vinc le prsident islamiste Mohamed Morsi et ses Frres musulmans, consi-dre le Hamas comme une menace. Par ailleurs, la popularit du Hamas soure des allgations de corruption visant ses fonctionnaires.

    Mais lentre en guerre contre Isral a redor le blason du Hamas, qui a vu sa cote de popularit remonter. Dans la rue, la quasi-totalit des Palestiniens inter-rogs pendant les hostilits se sont fli-cits du combat men par les militants contre Isral.

    Aujourdhui, des voix palestiniennes contestent la dcision de rejeter la pre-mire trve [le 15juillet]. Tout le monde demande tout bas pourquoi le Hamas a refus linitiative gyptienne au dbut de la guerre, lpoque o le bilan humain tait encore limit, observe Hani Habib, jour-naliste et politologue palestinien. Un sen-timent rpandu autour de Beit Lahiya, une enclave tentaculaire et vallonne compose de grandes maisons ados-ses la frontire isralienne. Beaucoup dhabitants se disent puiss de subir la guerre de plein fouet, faisant obser-ver que les combats ont fait nettement moins de dgts en Isral.

    Ils auraient d accepter le cessez-le-feu, estime ainsi Hathem Mena, un ensei-gnant de 55ans, en parlant du Hamas et des autres militants palestiniens. Cela aurait mis n au massacre. Cest nous qui sommes sinistrs par la guerre, ce sont nos maisons et nos vies. Cest de ce ct quont lieu les destructions, pas du ct isralien.

    Sudarsan RaghavanPubli le 12aot

    Une candidate colo la prsidentielle

    BRSIL Lhritage dEduardo Campos titre lhebdomadaire Isto, avec un portrait pleine page du candi-dat du parti socia-liste brsilien (PSB) dcd dans un acci-dent davion le 13aot.

    Cest sa colistire, Marina Silva, qui va lui succder dans la course la prsidentielle. Entre au PSB en 2013, cette militante cologiste bnficiant du soutien des chrtiens vanglistes devait annoncer sa candidature le 20 aot. Depuis la mort de Campos, Marina Silva a vu doubler les intentions de vote en sa faveur (16%) et reprsente une menace pour le principal candidat de lopposition, Acio Neves. Certains sondages la donnent mme gagnante face la prsidente sortante Dilma Rousse. Le premier tour aura lieu le 5octobre.

    LInde tourne le dos au Pakistan

    DIPLOMATIE New Delhi a annul des pourparlers de paix avec Islamabad, prvus pour le 25aot prochain, inter-rompant dix ans de dialogue, annonce The Hindustan Times. La raison ocielle? Lambassadeur du Pakistan en Inde a ren-contr un leader sparatiste du Cachemire, dmarche juge ouvertement hostile par lInde dans cette rgion que se disputent les deux pays depuis plus de soixante-cinq ans. Il tait illusoire de penser que le Premier ministre Narendra Modi [membre du BJP, parti nationaliste hindou, lu le 16mai 2014, ouvertement islamophobe] vou-lait vraiment un dialogue approfondi avec le Pakistan, crit encore le quotidien. Le site indien Scroll.in donne quant lui les cinq raisons pour lesquelles cette dcision est pouvantable et, notamment, le risque de raviver le conit au Cachemire et de pousser Islamabad utiliser le terrorisme comme moyen de pression.

    SAU

    RA

    BH D

    AS/

    AP/

    SIPA

    4.

  • LE DESSIN DE LA SEMAINE

    7 JOURS.Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    ILS PARLENTDE NOUS

    ANNA MARIA MERLO, correspondante Paris du quotidien italien Il Manifesto

    Economie : Paris na aucune visionLInsee con rme une situation conomique proccupante pour la France: une croissance qui stagne et un d cit qui pourrait dpasser 4% du PIB. Faut-il y voir lchec de Franois Hollande? Sil y a eu un chec de sa part, cest de ne pas avoir su, pu ou voulu imposer un autre chemin conomique que celui que presque tous les pays europens ont choisi: celui de laustrit. Et encore, les Franais ont t plus pargns que leurs voisins portugais, italiens ou grecs. Mais les dirigeants franais, comme bien dautres, ont eu peur du spread (di rence de taux avec lAllemagne), des marchs,

    de lAllemagne et ont impos une politique qui a montr

    son ine cacit.

    Manuel Valls a annonc que la France ne

    changerait pas de politique et que lobjectif

    de 50milliards dconomies serait maintenu. Quen pensez-vous? Cest ridicule. Les plans dconomie se calent sur la temporalit lectorale: a na aucun sens, trois ans, cest bien trop court. Il faut faire des programmes sur dix ou vingt ans. Et surtout le discours qui consiste dire on ne changerien ne peut que faire le lit du populisme. Le Front national aura beau jeu de dire: Si vous voulez du changement, essayez-nous!

    Des observateurs estiment que si la France veut un changement de la politique europenne, elle doit faire alliance avec dautres pays europens. Avec lItalie? Je ne pense pas quune alliance des pays qui ne respectent pas les critres de convergence soit une bonne ide. La France a plutt intrt chercher des alliances avec les Pays-Bas, la Sude ou le Danemark et sengager sur un projet long terme. Franois Hollande et son gouvernement donnent toujours limpression de gesticuler et de navoir aucune vision. Il faut sortir de la logique selon laquelle il y aurait des bons et des mauvais lves. LAllemagne seule nira nulle part. Dans le pass, Berlin na pas toujours respect les critres. Quant la Commission europenne, jespre quelle saura sortir de son rle de gendarme, catastrophique pour limage de lEurope auprs des citoyens.

    DR

    Artillerie lourde FergusonTATS-UNIS Protger et servir: la clbre devise de la police de Los Angeles contraste trangement avec les vnements de la semaine dernire Ferguson, dans le Missouri. Un jeune Noir non arm, Michael Brown, a t abattu par un policier blanc dans des circonstances troubles, ce qui a dclench une vague de manifestations et relanc le dbat sur les discriminations envers les Africains-Amricains. La gestion de cette crise par les forces de lordre a t calamiteuse: rpression violente au moyen de gaz lacrymogne et de balles en caoutchouc, dploiement de vhicules blinds et de snipers, refus dinformer sur lincident. La police de Ferguson semble ne protger et servir [qu]elle-mme, crit le site The Daily Beast.

    Protger et servir (sur la casquette : police de Ferguson). Dessin de Randall Enos, Etats-Unis.

    C

    AG

    LE C

    AR

    TOO

    NS

    31MILLIONS DEUROS Soit 25millions

    de livres, cest le montant qui manque aux municipalits britanniques

    pour nancer les djeuners gratuits destins aux coliers

    de 4 7 ans, note The Independent. Les djeuners gratuits, une initiative du vice-Premier ministre Nick Clegg

    (libral-dmocrate), seront obligatoires partir

    de septembre2014 et fournis par les coles maternelles

    et primaires. Mais, depuis la rvlation du d cit budgtaire, ce programme est devenu lobjet dun dsaccord

    au sein du gouvernement, note le journal, qui cite lancien ministre

    de lEducation, selon lequel linitiative a t labore la va-vite sur

    un paquet de clopes.

    Ecrivains en colre contre AmazonALLEMAGNE Ils voulaient que leur lettre ouverte contre les pratiques discriminantes dAmazon rassemble un millier de signatures avant que se tienne la Foire du livre Francfort (8-12octobre), relate le magazine Stern. Ils sont dj plus de 1300 stre mobi-liss. Dnonant un boycott cibl des groupes Hachette et Bonnier (dont font partie de grands diteurs allemands tels Piper, Ullstein et Carlsen) et une prise en otage des auteurs, les grands noms de la littrature de langue allemande dont Christoph Hein, Daniel Kehlmann, le Prix Nobel Elfriede Jelinek et bien dautres appellent les dirigeants dAma-zon au fair-play, qui seul assurera lavenir du march du livre.

    Bruxelles naidera pas lItalieIMMIGRATION Le ministre des A aires trangres italien la annonc o ciellement le 15aot: lopration de sauvetage des migrants en Mditerrane

    Mare Nostrum, lance en octobre2013, prendra n en octobre, pour tre relaye par Frontex (lAgence europenne pour la gestion de la coopration opration-nelle aux frontires extrieures de lUnion europenne). Mais Bruxelles ne lentend pas ainsi. Un porte-parole de la Commission europenne a annonc que Frontex ne serait pas en mesure de prendre le relais. Frontex est une petite agence, sans moyens, ni bateaux, ni avions []. Tous les pays membres doivent ragir cette situation durgence, rapporte La Repubblica. Une douche froide pour lItalie, selon le quotidien italien.

    AJU

    BEL

    5

  • pour cela une stratgie militaire et poli-tique agressive. Commenons par armer et pauler les Kurdes. Travaillons avec le nouveau gouvernement irakien pour qui-per larme irakienne. Ensuite, aidons les Irakiens reconqurir les territoires perdus. Demandons de laide aux voisins sunnites et la Turquie, eux aussi mena-cs par lEtat islamique. Une dfaite en Irak porterait un coup majeur son pres-tige et au moral de ses troupes.

    Obama et la plupart des dmocrates se sont toujours prsents comme ceux qui ont mis n la guerre de George W. Bush et ils prfrent donc mettre en uvre le strict minimum pour empcher un dsastre comme par exemple la dfaite des Kurdes. Ce mode de pense a conduit lnorme bourde que fut le retrait total des troupes amricaines en 2011 et au refus de voir lavance de lEtat islamique toute cette anne. Comment vaincre celui-ci dans un tel tat desprit?

    Publi le 13aot

    seraient des cibles privilgies pour atti-rer lattention du reste du monde et notre mre-patrie ne serait pas pargne.

    Faire reculer lEI permettrait de rsoudre plus facilement les conits politiques en Irak. Les cheikhs sunnites dans louest de lIrak ne voudront jamais cooprer avec un nouveau Premier ministre chiite, mme plus accommodant [que Nouri Al-Maliki], sils savent que Bagdad ne peut les prot-ger. Idem pour les Kurdes.

    Barack Obama et son vice-prsident Joe Biden disent depuis des annes quune solution politique en Irak doit primer sur une solution militaire. Ctait galement leur argument pour sopposer lenvoi de troupes en Irak en 2007 pour scuri-ser Bagdad. Finalement cest le contraire qui sest produit, et une solution militaire est dsormais essentielle pour parvenir une solution politique. Pourquoi Obama et Biden ont-ils si peu dinuence Bagdad aujourdhui? En partie parce que les Etats-Unis nont pas russi tenir leurs promesses les plus lmentaires aprs le retrait de len-semble des troupes amricaines en 2011. Nous avions promis de reconstruire la base arienne militaire Balad mais cette pro-messe est reste lettre morte. Nous leur avons vendu 36 chasseurs F-16 mais nous ne leur en avons encore livr quun.

    Ladministration Obama a dpens tel-lement dnergie mettre en uvre sa grandiose solution politique Bagdad que pendant des semaines elle a refus dar-mer les Kurdes pour ne pas froisser Nouri Al- Maliki, tout en poussant ce dernier la dmission. Rsultat: avant le bombarde-ment amricain, lEtat islamique tait sur le point de renverser les Kurdes.

    Des frappes ariennes cibles ne rus-siront pas le mettre en droute. Il faut

    aussi tre interprtes comme une tentative de soutenir le gouvernement irakien face une insurrection que le Premier ministre chiite Nouri Al-Maliki [il a annonc jeudi 14aot quil renonait son poste] a large-ment contribu alimenter en excluant les sunnites du jeu politique. Quant lautre argument du prsident amricain en faveur de frappes ariennes (la protection des res-sortissants amricains), il pourrait gale-ment justier une intervention militaire Bagdad en cas dattaque. Mais les Etats-Unis pourront-ils faire marche arrire si lEtat islamique continue son avance et si le successeur dAl-Maliki [Hadar Al-Abadi] rclame dautres frappes ariennes ou plus de conseillers militaires? Et que se passera-t-il si ces mesures savrent inecaces?

    En juin dernier, quand Obama a annonc quil nexcluait aucune solution pour per-mettre au gouvernement irakien de Bagdad denrayer lavance de lEtat islamique, nous avons pris position contre une ventuelle campagne arienne amricaine en soutien au pouvoir irakien. Aussi dstabilisants et tragiques que soient les derniers vnements en Irak, nous navons pas chang davis.

    Publi le 9aot

    OUI

    Une troisime guerre dIrak est ncessaireThe Wall Street Journal (extraits) New York

    Le prsident Obama voudrait nous faire croire que les Etats-Unis ne repartent pas en guerre en Irak. Allez dire a aux djihadistes de lEtat isla-mique (EI, ou EIIL) tus par les F-18 am-ricains pour protger les Kurdes. Larguer des bombes est un acte de guerre et Obama a dj envoy 800soldats ou conseillers militaires en Irak. Les Etats-Unis doivent bel et bien faire la guerre en Irak pour la troisime fois en vingt-cinq ans. La prin-cipale priorit stratgique amricaine doit tre dsormais de repousser et de vaincre lEtat islamique an dempcher la mise en place dun califat terroriste. Un Etat de ce genre deviendrait la Mecque des djihadistes qui viendraient sy former pour ensuite sparpiller dans le reste du monde avec des vises meurtrires. Les Amricains

    NON

    Lintervention doit rester humanitaireLos Angeles Times (extraits)Los Angeles

    En autorisant des frappes ariennes cibles dans le nord de lIrak, le pr-sident Obama a dnonc le compor-tement barbare de lEtat islamique, dont les combattants jettent sur les routes et mena-cent de mort des Irakiens innocents consi-drs comme impies. Pour autant, Barack Obama ne devrait pas laisser ce quil a dcrit comme une intervention durgence pour raisons humanitaires se transformer en une campagne militaire de grande ampleur.

    Depuis maintenant plusieurs semaines, lEtat islamique, galement actif en Syrie, terrorise les chrtiens de Mossoul, deuxime ville dIrak, menace la rgion kurde semi-autonome et a conduit des milliers de Yzidis lexode dans une rgion monta-gneuse o ils sont condamns mourir de faim. Le 7aot, le prsident a annonc que des avions amricains parachuteraient des vivres et de leau pour les rfugis et quil avait autoris des frappes ariennes pour briser le sige des monts Sinjar et protger les civils retenus l-bas. Deux jours plus tard, Obama a laiss entendre que cette inter-vention militaire pourrait se prolonger, dclarant: Je ne pense pas que nous puissions rsoudre ce problme en quelques semaines.

    Selon Obama, deux arguments majeurs justient lintervention dans un pays dont les Etats-Unis se sont retirs militairement en 2011 aprs huit ans de prsence et prs de 4500 pertes humaines ct amricain. Premirement, il estime quil y va de la res-ponsabilit des Etats-Unis dintervenir du fait de leur capacit exclusive dempcher un massacre. Autre impratif: la nces-sit de protger les ressortissants amri-cains et les conseillers militaires Erbil [Kurdistan irakien]. Obama a tenu pr-ciser que cette opration aurait une enver-gure limite et il a promis que les Etats-Unis ne se laisseraient pas entraner dans une autre guerre en Irak.

    On ne doute pas de la sincrit du prsi-dent face aux sourances iniges par lEtat islamique aux Yzidis et aux autres mino-rits. Mais ces frappes ariennes peuvent

    CONTROVERSE

    Larme amricaine doit-elle revenir en Irak ?Aprs linvasion de 2003, les Etats-Unis se sont retirs en 2011. La lutte contre lEtat islamique annonce-t-elle une nouvelle guerre ?

    A la une

    DE RETOUR EN IRAKBarack Obama a autoris, le 7 aot, des frappes ariennes dans le nord du pays contre les positions de lEtat islamique (EI). De retour en Irak, titre The Economist. Les deux derniers prsidents amricains ont tous les deux fait de mauvais choix en Irak, de manire oppose, analyse lhebdomadaire. George Bush a envoy 148 000 soldats mais na rien fait pour stabiliser la situation politique aprs le renversement de Saddam Hussein. Barack Obama a autoris le retrait des troupes amricaines sans penser la suite. Lactuel prsident amricain a dsormais conscience quil ne pourra combattre ces djihadistes sans un pouvoir stable en Irak. Cest une bonne approche, selon lhebdomadaire britannique. En attendant les dirigeants occidentaux doivent prparer lopinion publique un engagement militaire de long terme dans cette partie du monde.

    ISIS est lacronyme en anglais de Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), transform rcemment en EI, Etat islamique. Dessin de Steph, Talande.

    7 JOURS Courrier international n 1242 du 21 au 27 aot 20146.

  • Une exposition conue et ralise par lUniversit libre de Bruxelles

    www.nassbelgica.be

    Place Xavier Neujean, 224000 Lige

    www.citemiroir.be

    Rue Boucquau 13, 7100 La Louvire

    Les Centres Rgionaux dIntgration prsentent lexposition

    NASS BELGICA

    LIMMIGRATION MAROCAINE EN BELGIQUE

    28.06.1414.09.14LA CIT MIROIR

    P.A.F : 1Heures douverture du lundi au vendredi de 9h 17h

    Le samedi de 11h 16h / ferm le dimancheRservations pour les groupes : Art and Fact

    Par mail : [email protected] ou par tl : 04 366 56 04Informations : CRIPEL 04 220 01 18

  • Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    Irak-Syrie.Les racines de lEtat islamique

    Afrique .......... 15Asie ............. 18Amriques ........ 20Europe ........... 22France ........... 25

    A lheure o les combats sintensifient dans le nord de lIrak, la presse arabe se demande comment le phnomne de lEIIL a pu merger et simposer.FOCUS

    envers les juifs sest ensuite dif-fuse au-del des cercles eccl-siastiques pour sinsinuer dans le tissu social et culturel de lOcci-dent chrtien.

    Lantismitisme a ni par int-grer des composantes nationalistes et ethniques en plus de ses origines thologiques (qui en constituent nanmoins le pilier historique). Pendant des sicles, lantismi-tisme sest structur par rapport une certaine dnition de la chr-tient. Cette notion a radicalement chang avec le concile Vatican II [1965], aprs lequel lEglise a dplor les haines, les perscutions et toutes les manifestations dantismitisme, qui ont t diriges contre les juifs, appelant au contraire clbrer un patrimoine partag.

    Comment les juifs sont-ils passs du statut dassassins du Christ celui de frres humains qui lEglise reconnat un hritage commun? Au-del du sentiment de culpabilit provoqu par lHolocauste, lEglise sest livre une nouvelle interpr-tation du dogme. Elle na pas sup-prim les textes hostiles aux juifs, mais elle enseigne dsormais aux catholiques que ces passages ne visent que certains juifs, ceux qui il y a deux mille ans appelaient la crucixion du Christ, et non pas tous les juifs de tous les pays et de toutes les poques. Autrement dit, lEglise a replac les textes sacrs dans leur contexte.

    Revenons maintenant lEtat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et la tragdie des chrtiens dIrak. Lexil et la destruction des communauts chrtiennes dIrak ont mu le monde entier. Le plus rvoltant est que ces chrtiens nont pris parti pour aucun des belligrants prsents dans leur pays et ne se sont rendus cou-pables daucun acte de violence. Ils ont pourtant t chasss des territoires passs sous le contrle de lEIIL. Chaque fois quun acte de haine est commis au nom de lislam, les rseaux sociaux sont

    Now. Beyrouth

    Les racines historiques de lantismitisme dans le monde chrtien occiden-tal sont aussi complexes que loin-taines. Si lidologie nazie a pouss lantismitisme son paroxysme criminel, ce nest toutefois pas elle qui la invent. Pendant des sicles, foi chrtienne et haine des juifs ont t inextricablement lies. Les Evangiles dsignent les juifs comme responsables de la cruci-xion de Jsus. Dans les Actes des aptres, Paul attaque vivement le peuple qui a mis mort le Seigneur Jsus et les prophtes. Selon Paul, les juifs ne plaisent point Dieu et sont ennemis du genre humain.

    Lamertume exprime dans les Evangiles et les Actes des aptres a servi de justication thologique et de fondement historique aux antismites. LEglise a tenu les juifs collectivement responsables de la mort du Christ. Lhostilit

    Lislam est-il innocent ?Il a fallu le concile Vatican II pour que la foi chrtienne nalimente plus lantismitisme. Il est temps que lislam replace les versets antijuifs et antichrtiens du Coran dans leur contexte historique.

    duncontinent lautre.moyen-

    orient

    EIIL (lEtat islamique) : un nouvel Etat religieux est n. Sur lache : Le ramadan, coutume et rglement. Pas le temps pour manger Pas le temps pour boire Beaucoup de temps pour tuer Ce quil faut lIrak, cest un chef modr comme Saddam. Dessin de Turner, paru dans The Irish Times, Dublin.

    LOccident en guerre Alors que les drones amricains prtent main forte aux peshmergas kurdes et une arme irakienne dboussole dans leur lutte contre les djihadistes de lEtat islamique (lire aussi p.8), lEurope fait le pari de soutenir les Kurdes, se flicite la presse dErbil. Si lAllemagne et lAutriche taient opposes une intervention militaire, la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Rpublique tchque envoient dj des armes et des munitions. Runis le 15aot Bruxelles, les ministres des Aaires trangres de lUnion europenne sont parvenus adopter une dcision commune favorable la livraison darmes, par certains Etats membres, aux autorits kurdes.

    1316182023

    8.

  • MOYEN-ORIENT.

    Al-Modon Beyrouth

    Face aux abominations de Daech [acronyme arabe de lEtat islamique en Irak et au Levant, EIIL], tout le monde sest mis clamer que le vrai islam, ce nest pas a. A commen-cer par les hommes de religion traditionnels, alors mme quau fond deux-mmes ils nont quune ide en tte, une ide qui a pr-sid leur formation et qui est au cur de leur mtier: lexten-sion de la charia au-del de son champ dapplication actuel, qui est celui du seul statut personnel et du code de la famille, et dont les femmes sont les premires subir le caractre discriminatoire.

    Cest aussi le cas des mouve-ments islamistes non djihadistes ou modrs. Ils prnent une approche graduelle en par-ticipant par exemple aux lec-tions pour avancer tape par tape vers leur but ultime, qui est, l encore, ltablissement du califat et lapplication de la charia, y compris les peines cor-porelles que lon sait. En n, il

    inonds de commentaires rappe-lant que lislam nest pas responsable de ces actes. Une rapide lecture du Coran nous permet de savoir que penser de ces a rmations.

    Combattez [les chrtiens et les juifs] jusqu ce quils paient direc-tement le tribut aprs stre humi-lis. (Coran 9/29)

    Ne prenez pas les juifs et les chr-tiens pour allis. Ils sont allis les uns

    des autres. Quiconque parmi vous les prend pour allis sera des leurs. Dieu ne guide pas les tratres. (Coran 5/51)

    Vous navez certainement pas oubli ceux dentre vous qui ont trans-gress le sabbat et auxquels nous avons dit: Soyez transforms en singes rpugnants! Ce fut l une sanction qui servira dexemple aux contemporains et leurs descen-dants. (Coran 2/65-66)

    Il su t de lire le Coran pour y trouver quantit de versets du mme acabit. Les islamistes nh-sitent dailleurs pas les citer pour justi er leurs actions. Cela signi- e donc bien que les versets du Coran hostiles aux juifs et aux chrtiens ont un impact direct sur le comportement et la pense des djihadistes. Les arguments selon lesquels lislam ne serait pas res-ponsable des atrocits commises en son nom ne sont tout simplement pas recevables. En ralit, le pro-blme ne se limite pas aux explo-sions de violence antichrtiennes

    qui secouent le monde arabe. Il sagit dune discrimination au quotidien. Les Constitutions de presque tous les pays arabes a r-ment que lislam est la religion dEtat. Cela vaut notamment en Egypte, o vivent pourtant des mil-lions de chrtiens. Les chrtiens arabes nayant aucune in uence politique, leur sort nmeut per-sonne en Occident. Ces popula-tions sont pourtant traites comme des citoyens de seconde classe dans leurs pays.

    Pensez aux Frres musulmans en Egypte, pour qui ni les chr-tiens ni les femmes ne peuvent prtendre la prsidence de la Rpublique. Ecoutez Mahdi Akef, hirarque du mouvement, a r-mer quun musulman non gyp-tien a le droit dtre lu prsident mais pas un chrtien gyptien. Imaginez que des hommes musul-mans aient le droit dpouser des femmes chrtiennes mais pas lin-verse. Songez tous les obstacles que doivent surmonter les chr-tiens dEgypte chaque fois quils veulent faire riger une nouvelle glise ou en rnover une ancienne. La liste est longue. Si lon compare le sort des chrtiens du monde arabe celui des chrtiens dIrak, on comprend rapidement que ces derniers ne sont gure plus mal-traits par lEIIL que leurs core-ligionnaires dans la rgion. Les militants de lEIIL ne font que pousser cette logique antichr-tienne lextrme, ainsi que les nazis avec lantismitisme.

    Tant que lislam ne proposera pas de lui-mme une nouvelle interprtation fondamentalement

    KarakochKarakochKarakochKarakochKarakoch

    BagdadDamas

    Deir ez-ZorKirkouk

    Erbil

    Abrviations :K. KarakochM. Mossoul

    M.

    Tigre

    Euphrate

    K.

    Dohouk

    Alep

    Barrage de Mossoul, repris par les forces irakienneset kurdes, aides par les bombardements amricains

    Rakka

    RamadiFalloudjah

    200 km

    Sinjar

    Baiji

    Tikrit

    I R A K

    IRAN

    TURQUIE

    LIBAN

    ISR.JORDANIE

    S Y R I E

    D s e r t

    d e

    S y r i e

    Zones et villes sous contrle de lEtat islamique (EI)Dernires oensives de lEI, entranant lexode des chrtiens

    Combats les plus rcents

    Rgion autonome du Kurdistan irakienet autres territoires sous son contrle Zones sous contrle des forces kurdes de Syrie

    Zones peuhabites

    Les islamistes buttent sur le Kurdistan irakien Situation au 19 aot 2014

    SOU

    RCES

    : T

    HE

    NEW

    YO

    RK T

    IMES

    , L

    E M

    ON

    DE

    Lhypocrisie des modrsCeux qui, parmi les musulmans, accusent les djihadistes de lEIIL de trahir lislam sont souvent en accord avec les buts ultimes des islamistes.

    y a les mouvements islamistes djihadistes non a lis Daech, dont la di rence se limite des questions de commandement et de calendrier. Ils pensent quil aurait fallu attendre le moment propice pour que la voie souvre delle-mme pour lapplication de la charia telle que Daech lim-pose ds prsent.

    Nous avons aussi un autre genre de religieux: ceux qui pratiquent les confrences, colloques, ate-liers et rencontres sur le dia-logue des religions. Grce la respectabilit dont ils jouissent au niveau international et auprs des instances gouvernementales, ils remplissent les mdias de leurs prnes di ants. Mais ils ne font que ressasser le discours sur le vrai islam, sans autres prcisions.

    Le chur du vrai islam est galement rejoint par une bande de libraux, de lacs, de baasistes surtout irakiens et dadeptes de la modernit dans lauthenti-cit qui entonnent eux aussi les louanges du vrai islam, comme si ctait un bouclier qui pouvait les mettre labri des vicissitudes

    di rente, les chrtiens du monde arabe seront perscuts. Voil exac-tement pourquoi les arguments pro-testant de linnocence de lislam sont la fois spcieux et contre-productifs. Ils ne font que retar-der lexamen de conscience que doivent imprativement faire les musulmans, aussi bien pour eux que pour les autres. Si lislamopho-bie ne saurait tre tolre parce quelle est aussi indigne que la dis-crimination impose aux chrtiens du monde arabe, laccusation dis-lamophobie ne devrait pas servir billonner tous ceux pour qui le problme va bien au-del de lEIIL.

    Hicham Bou NassifPubli le 24juillet

    Ni les chrtiens ni les femmes ne peuvent prtendre la prsidence

    Lexpulsion des chrtiens de Mossoul. Dessin de Haddad paru dans Al-Hayat, Londres.

    Courrier international n 1242 du 21 au 27 aot 2014 9

  • CONTREPOINT

    MOYEN-ORIENT Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014 FOCUS IRAK-SYRIE.

    Al-Hayat Londres

    Un certain nombre de per-sonnes se plaisent nous gratier dans les mdias de leurs jugements dnitifs sur lislam, en achant une franche phobie vis--vis de cette religion. Cest encore plus vrai depuis les avances de Daech (Etat islamique en Irak et au Levant) dans la rgion qui stend de la pro-vince dAl-Anbar, en Irak, jusqu Alep, en Syrie. Non seulement ces per-sonnes attribuent les exactions de Daech lislam, mais encore elles arment quil reprsente le vri-table islam. Elles en veulent pour preuve que les fatwas quil met sont appuyes par des sourates coraniques et des hadiths [dits et gestes attribus Mahomet].

    De telles prises de position sont inacceptables pour qui a ne serait-ce quun brin de hauteur de vue. Elles sont tout ce quil y a de plus faux. Non seulement du point de vue thologique, mais galement du point de vue historique et de lap-proche intellectuelle. Nous ne cher-chons pas dfendre lislam, son dogme et ses valeurs nous lais-sons cela aux thologiens , mais nous voudrions souligner deux

    autres aspects de leurs assertions.Pour ce qui est de lapproche intel-lectuelle, ceux qui tudient lislam savent que celui-ci rsiste tout jugement dnitif. Ds ses dbuts il a en eet t pluriel et vari, avec plthore de branches, sectes, confessions et autres ramica-tions. Cela rduit nant toute ten-

    tative de le limiter une seule dimen-sion. Chacun de ces groupes, sectes et confessions a pu pr-tendre reprsenter le vritable islam, accu-

    sant les autres dhrsie. Cela sest pass ainsi ds lpoque des quatre premiers califes, dits bien guids [de lan 632 661, cest--dire de la mort de Mahomet ltablissement de la dynastie des Omeyyades]. Mieux, les quatre coles sunnites, ainsi que la confession chiite, avec une grande pluralit thologique, taient fortement dtermines par des facteurs ethniques ou tribaux. La thologie de combat apparais-sait en temps de guerre ou lors de crises politiques, avant de dispa-ratre nouveau quand la situa-tion sarrangeait.

    Lexpansion de lcole [sunnite] du malkisme au Maghreb, par exemple, obissait la ncessit dune doctrine modre aprs la chute de la dynastie almohade, qui

    stait distingue par une idologi-sation excessive de la religion. On peut tendre le mme raisonne-ment aux autres groupes confes-sionnels. Chacun sest impos dans telle ou telle rgion pour des raisons objectives plus que pour des raisons thologiques. Compte tenu de lextrme complexit de lvolution des socits musul-manes pendant plus de mille ans, il parat drisoire de vouloir leur appliquer une dnition unique, hormis quelques grands principes gnraux de la foi.

    Par ailleurs, dun point de vue historique, tous ceux qui sint-ressent lislam doivent consta-ter son extrme imbrication avec des facteurs profanes relatifs aux constructions tatiques. Ds avant [la mort de Mahomet, en 632], les membres du clan omeyyade ont pu prendre de limportance grce au poids de leur tribu. Cest ce quex-pliquent sans dtour les chroniques musulmanes de la vie du Prophte.

    Ensuite, lpoque omeyyade, les instances tatiques taient obliges de tenir compte des ins-tances tribales. Ainsi, la dynastie a t entrane dans les antago-nismes entre tribus, qui avaient leur origine au Ymen et se sont transplants vers la Syrie et lIrak, o ils ont dgnr en guerres froces. On sait que ces luttes tri-bales ont caus la n de lempire omeyyade. Quand on arme que lislam correspond ce que Daech en fait et que Daech reprsente le vritable islam, cela revient dire que depuis lmergence de lislam, il y a quinze sicles, les socits arabes sont restes statiques, sans connatre ni volution, ni progrs, ni changement de leur vision du monde, delles-mmes ou encore de leur religion.

    On ne peut que conclure quil est impossible de saisir lislam dans son tat actuel par une approche unidi-mensionnelle. Il faut une approche plus complexe et beaucoup dau-dace intellectuelle. Mais il y en aura toujours qui sautoriseront formuler la lgre des jugements dnitifs pour expdier en quelques phrases le parcours dhommes, de cultures et de civilisations. Cest faire preuve de frivolit.

    Hussam ItaniPubli le 27juillet

    est-ce que lislam est la fois religion et Etat? Si la rponse nest pas un oui sans restrictions, alors quelle est prcisment la place de la religion dans lEtat? Quel est le rle de lEtat dans le domaine religieux? Comment tout cela se traduit concrtement dans la ralit? Peut-on imiter aujourdhui la vie du Prophte et de ses compagnons telle que nous limaginons? Cest--dire en rtablissant la servitude, les lapidations, les excutions sys-tmatiques, lexpansion ind-nie du territoire et labolition des frontires?

    Ce quil faut donc demander [tous ces modrs qui veulent appliquer la charia graduelle-ment], cest quelle est cette charia quils comptent appliquer. Nous avons un long et impor-tant travail faire pour savoir ce que nous entendons par vrai islam. Cela reviendra se frot-ter la ralit de la vie. Celle-ci est ravage, dsolante et marque par la vacuit des ides. Cest pr-cisment ce qui a permis lislam de Daech dmerger.

    Dalal Al-BizriPubli le 14aot

    Des accusations bien frivolesContrairement ce que prtendent certains, lislam a t pluriel et vari ds ses dbuts. La thologie de combat apparaissait en temps de guerre, avant de disparatre quand la situation samliorait.

    Impossible de saisir lislam par une approche unidimensionnelle

    Dessin dArend, Pays-Bas.

    Dessin de Mayk paru dans Sydsvenskan, Malm.

    du temps. Ils sont trop apeurs pour oser aronter lair du temps et dire clairement ce quils consi-drent comme le vrai islam. Dans la mme veine, on trouve toute une ope de politiciens, grands et petits, arrivistes ou dj arrivs des postes plus ou moins impor-tants au sein des rgimes. Ils sont parfois de gauche et libraux mais ils savent quils ne dureront pas sils ne font pas, eux aussi, de la surenchre religieuse, comme le fait encore tel cinaste gyptien aujourdhui, qui se prsente aux prochaines lections lgislatives et fait campagne dans une dbauche de sourates coraniques.

    Caricatures de Mahomet. Bref, nous sommes en prsence de mthodes direntes [mais qui aboutissent toutes au mme rsul-tat]. Dun ct, la mthode claire et nette de Daech, qui exhibe ses crimes commis au nom de la charia sur des vidos dex-cutions, de crucixions, de lapi-dations et dautres atrocits; de lautre ct, une arme de gens dhorizons divers qui rpondent Daech, par touches impression-nistes, que tout cela ne repr-sente pas le vrai islam. Mon Dieu, que de discours ressasss et de langue de bois agaante!

    Certains de ces dtracteurs modrs de Daech staient fait un nom dans le domaine de la dfense de lislam en participant il y a quelques annes lallumage de la mche contre les carica-tures de Mahomet parues dans un journal danois [2005] ou contre linterdiction du niqab dans les-pace public par certains gouver-nements europens. La violence de leurs ractions avait fait la une des journaux. Le tout accompagn dun ot de fatwas, de prches et de dclarations comme sil fallait riger une ligne Maginot contre les atteintes occidentales lislam.

    Evidemment, ce que fait Daech est inniment plus grave pour lis-lam. Nimporte qui de normale-ment constitu ne peut que les rprouver et dire quen eet lis-lam ce nest pas cela. Mais il ne sut pas que la chorale du vrai islam reprenne sa vieille chanson. Si lon veut tre srieux, il faut consentir faire un petit eort intellec-tuel et essayer de rpondre une question trs simple :

    SOURCE

    AL-MODONBeyrouth, LibanSite panarabealmodon.comFond en fvrier2013, Al-Modon (Les villes) est un site qui couvre lactualit du Liban et du monde arabe. De tendance gauche librale, il se veut lexpression des socits civiles libanaise et arabe impliques dans les printemps arabeset en lutte contre la tyrannie scuritaire et religieuse. Son quipe rdactionnelle est forme de journalistes et dcrivains bien connus Beyrouth.

    10.

  • BON renvoyer Courrier International service abonnements rue des Francs 79 1040 Bruxelles ou par fax au 02/211.31.65 ou directement sur internet ladresse http://shop.lalibre.be/cisac

    Oui, je dsire profiter de votre off re dabonnement au prix de 69 pour 26 numros. Je recevrai en cadeau le sac dos en cuir.

    Nom............................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Prnom .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    Rue ........................................................................................................................................................................................................... .. .................................. N....................................................... Bte .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    CP .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................Localit.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    TVA (si facture): BE0.................

    Tl ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................Date de naissance// ...........................................................................................................................................................................

    E-mail* ..........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    ................

    Off re non cumulable pour un nouvel abonn (nouveau nom-nouvelle adresse) en Belgique jusquau 31/08/14. En cas de rupture de stock un cadeau quivalent ou de valeur suprieure sera propos.

    Ce sac dos en cuir dagneau souple et impermable, est le partenaire idal de vos dplacements : quotidiens, balade dun week-end, De couleur noir, il est quip de nombreuses poches de rangement, dun filet porte bouteille latrale, de bretelles rglables, dune sangle clipable et dune poigne renforce. Dimensions : 38 x 28 x 12 cm.

    Nattendez plus et recevez un superbe cadeau !

    Votre cadeau

    ABONNEZ-VOUS !

    6 mois de Courrier international + un superbe sac dos en cuir en cadeau pour 69 seulement.

    *Pour consulter la version numrique.

    69101,40

  • Guine-Equatoriale. Le tyran Obiang se met au portugaisSous le joug de lun des pires dirigeants africains, le pays qui nest pas lusophone a rejoint la Communaut des pays de langue portugaise (CPLP). Une adhsion qui nest pas du got de tout le monde.

    O Observador Lisbonne

    Il y a un peu plus dun mois, au Brsil, dans la loge o cielle du stade qui accueillait la nale de la Coupe du monde, DilmaRousse avait pris place au ct de plusieurs dirigeants trangers: la chancelire allemande AngelaMerkel, le prince Albert deMonaco, le prsident russe VladimirPoutine et TeodoroObiang. Le prsident de la Guine-Equatoriale se classe tout en haut de la liste des pires dirigeants africains tablie par le magazine amricain Forbes, o il ctoie son homologue ango-lais Jos Eduardo dosSantos.

    Longtemps, Muammar Kadhafi et RobertMugabe sont rests les dictateurs africains les plus souvent cits. Le nom de Teodoro Obiang Nguema tait mconnu. Pourtant, ce dictateur dtient le record de longvit au pouvoir en Afrique. Car il sagit bien dun dictateur. Selon les rapports de di rentes organisations de dfense des droits de lhomme, son rgne a t marqu par des homicides arbitraires commis par les forces de scurit, la torture systmatique de prisonniers et de personnes arrtes par les forces de scurit, limpunit, les arrestations

    arbitraires. Des tribunaux internationaux ont par ailleurs lanc des poursuites pour corruption contre le prsident et son ls an, Teodorin [mis en examen en France dans une a aire de biens mal acquis].

    Teodoro Obiang sest rendu Dili [capi-tale du Timor-Oriental] pour le XeSommet de la Communaut des pays de langue por-tugaise (CPLP). Comme prvu, la Guine-Equatoriale a rejoint la CPLP. Le prsident quato-guinen, au pouvoir depuis trente-cinqans, cultive la discrtion. On sait peu de chose sur lhomme, beaucoup plus sur sa faon de gouverner et sur son parcours politique. Depuis 1979, anne o il a ren-vers son oncle la faveur dun coup dEtat, Obiang tient ce petit pays dune main de fer, djouant coups dEtat et procs pour cor-ruption. Peu importe, dailleurs, la super- cie du pays: la Guine-Equatoriale est surtout le troisime producteur de ptrole dAfrique, avec un PIB par habitant parmi les plus levs de la plante.

    Mais en Guine-Equatoriale, richesse en ressources naturelles ne signi e pas pros-prit de tous les habitants. Le pays a che un taux de mortalit infantile parmi les plus levs au monde: prs de 20% des

    afrique

    enfants meurent avant datteindre lge de 5ans. Quant aux 80% qui survivent, ils nont accs ni lducation ni la sant. La grande majorit de la population na pas mme accs leau potable.

    On sait quObiang est un fan de tennis et quil a tudi lacadmie militaire de Saragosse (Espagne) lpoque o son pays tait encore une colonie.

    Son rgne a dbut voil trente-cinqans, mais le triste sort de la Guine-Equatoriale, lui, remonte lindpendance, en 1968, et la prsidence de Francisco MacasNguema. La vague des indpendances bat son plein en Afrique quand la Guine-Equatoriale demande son autonomie lEspagne, qui laccepte sans heurt. Des lections libres sont organises et cest Francisco MacasNguema, loncle de TeodoroObiang, qui accde la prsidence en octobre1968. Issu de lethnie fang, majoritaire en Guine-Equatoriale, Macas met en place un systme

    despotique et brutal, et ordonne lassassinat de membres de lethnie bubi. Trs vite, prs de 10000Espagnols installs en Guine-Equatoriale quittent le pays. Deux ans aprs son lection, Francisco MacasNguema impose un rgime de parti unique.

    Pendant ses onze annes de prsidence, prs de 80000personnes sont assassines et un tiers de la population sexile. Ce qui vaut la Guine-Equatoriale le surnom dAuschwitz africain. Obiang tait une personnalit importante du rgime Macas, ne loublions pas, insiste Ana LciaS, chercheuse au Centre dtudes internatio-nales de lInstitut universitaire de Lisbonne ISCTE-IUL. Et la torture nappartient mal-heureusement pas au pass. Jai rencon-tr des gens qui ont subi la torture sous le rgime dObiang, ajoute la chercheuse, qui a sjourn en Guine-Equatoriale en 2010 dans le cadre dun projet de centres cultu-rels espagnols.

    Fantme. Quand Macas ordonne lassas-sinat de plusieurs membres de sa propre famille, dont un frre de TeodoroObiang, beaucoup, dans son entourage, le croient fou. Le prsident interdit le port des chaus-sures et la culture du cacao, bannit mde-cins et professeurs, dfend lusage du mot intellectuel ainsi que la rfrence Jsus-Christ, que les Equato-Guinens ne doivent plus dsigner que comme el hijo bastardo de una puta blanca barata con un coo pes-tilente, soit le btard dune pute blanche deux sous la chatte pestilentielle. Lors de chacun de ses anniversaires, Macas fait fusiller des prisonniers dans le stade de Malabo au son de sa chanson prf-re, Those Were the Days. Admirateur de Gandhi, de Franco et de Mao, il tient pour son bien le plus prcieux un exemplaire de MeinKampf dont il ne se spare jamais. Le tyran va jusqu faire inscrire cette men-tion sur des exemplaires de la Bible: Dieu nexiste pas, Macas est le seul dieu.

    Lors du coup dEtat de 1979, Francisco Macas senfuit dans la fort, dans la rgion de Mongomo, o il sera nalement arrt. Pour le fusiller, il faut faire venir un peloton de soldats marocains, aucun Equato-Guinen nacceptant de partici-per lexcution, de peur dtre poursuivi par son cruel fantme. Rien, lavenir, ne pourra tre pire que Macas, pensent alors les Equato-Guinens.

    En 2002, TeodoroObiang, candidat du Parti dmocrate de Guine-Equatoriale (PDGE), remporte llection prsidentielle avec 97% des voix. En 1996, lors de la pre-mire lection, il avait dj recueilli 98% des su rages mais les observateurs inter-nationaux avaient jug le scrutin truqu. En 2009, Obiang est rlu pour ce qui est cens tre son dernier mandat. Lors dun scrutin marqu, une fois de plus, par les intimidations et les soupons de fraude, il ra e 97% des voix.

    Sil existe bel et bien dautres partis en Guine-Equatoriale, comme lexige le droit

    Le gouvernement a adopt des lois qui interdisent la corruption. Donc ce nest pas un problme chez nous

    Dessin de Glez paru dans le Journal du Jeudi, Ouagadougou.

    D'UN CONTINENT L'AUTRE. Courrier international n 1242 du 21 au 27 aot 201412.

  • OPINION

    AFRIQUE.Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    international, le PDGE fonctionne en fait comme un parti unique. Obiang na pas besoin de grand-chose pour contrler sa popu-lation, explique Ana LciaS, qui ajoute que la peur instaure par le rgime de Macas rgne toujours, mme si loppression et la corruption qui caractrisent la prsidence dObiang sont plus faciles vivre que les assassinats de masse auxquels se livrait son prdcesseur.

    Interrog en 2012 par la journaliste de CNN, ChristianeAmanpour, sur la cor-ruption dans son pays, Obiang dclarait: Le gouvernement a adopt des lois qui inter-disent la corruption et je vous assure quen Guine-Equatoriale nous prenons au srieux les poursuites pour corruption. Donc, non, ce nest pas un problme chez nous.

    En fvrier dernier, le ministre portugais des Aaires trangres, RuiMachete, assu-rait au journal Pblico navoir aucune raison de douter de lengagement de la Guine-Equatoriale en matire dabolition de la peine de mort [remis en cause par un rap-port dAmnesty International].Si la n de

    Lhypocrisie portugaiseLes critiques venues du Portugal concernant ladhsion de la Guine-Equatoriale la CPLP sont drisoires, estime ce journal proche de la dictature.

    Jornal de Angola Luanda

    En soi, lvnement na rien dexcep-tionnel. Dautres organisations fon-des sur lappartenance de leurs pays membres une mme sphre linguistique ont dj accueilli en leur sein des Etats nayant pas la moindre anit linguistique. Le Mozambique [lusophone] appartient au Commonwealth, la Guine-Bissau [luso-phone galement] la francophonie. Et lon pourrait citer bien dautres exemples.

    Ce qui distingue ladhsion de la Guine-Equatoriale la Communaut des pays de langue portugaise (CPLP), ce sont les cris dorfraie que poussent les lites portu-gaises, pleines de prjugs. De nombreuses voix se sont le-ves Lisbonne contre len-tre de ce nouveau membre. Des voix? Parlons plutt de braiments. Parmi ces contes-tataires gurent des person-nalits politiques et des leaders dopinion qui se disent dmocrates. Voil qui rvle une incurable contradiction teinte dignorance, et une volont proc-cupante dinstaurer un apartheid dans les relations internationales. Dun ct, il y aurait les dmocrates purs, les dles, de lautre, les impurs, les indles.

    Nul ne comprend do les reprsentants de ces lites tireraient cette puret et cette dlit la dmocratie. Ni pourquoi ils traitent la Guine-Equatoriale et le pr-sident Obiang avec autant darrogance. A Lisbonne, on brandit un argument bien drisoire: le pays pratique la peine capi-tale. Tous les jours, de nombreux Etats des Etats-Unis excutent des condamns mort; les porte-parole de ces lites ne demandent pas pour autant lexpulsion de Washington de lOtan.

    Le Portugal a dautres partenaires poli-tiques et conomiques o la peine de mort est toujours en vigueur, et cela nempche nullement les Portugais de faire aaire et de trinquer leurs contrats coups de dli-cieux porto. Leurs arguments, plus encore que drisoires, sont primaires. Pire encore: ils servent de paravent lhypocrisie et une grande prsomption reposant sur des prjugs coloniaux culs. Certaines dcisions de la CPLP, nous lavons dj dit dans ces pages, peuvent avoir de grandes

    rpercussions sur la politique quato-gui-nenne. Le dcret prsidentiel qui suspend la peine de mort jusqu ladoption de la lgislation ncessaire son abolition en est la preuve. Puisque, ds maintenant, lEtat quato-guinen commence se rapprocher des modles constitutionnels en vigueur dans dautres pays membres de la CPLP, son adhsion est entirement justie.

    Les lites portugaises, ignorantes et cor-rompues, brandissent aussi la question de la lusophonie. La Guine-Equatoriale a adopt le portugais comme langue ocielle ga-lit avec lespagnol et le franais. Ds lors, leur argument est sans valeur. Examinons la ralit en dtail. Une partie de lactuelle Guine-Equatoriale fut un temps une colo-nie portugaise. Ce nest quau xviiesicle que le pays est pass sous souverainet espagnole. Ainsi lle Fernando P [plus connue sous le nom de Bioko] porte le nom du navigateur portugais qui la dcouverte, et celle dAnnobn tire le sien du portugais ano bom [bonne anne]. Plus rvlateur encore, cette dernire abrite un vritable trsor de la lusophonie: on y parle le f damb, un crole driv du vieux portu-gais parvenu jusqu nous intact.

    Les les de la Guine-Equatoriale, cest un fait avr, ont t peuples par des esclaves angolais: nous, Angolais, aimons

    y aller pour rendre hommage nos anctres. Aujourdhui que Fernando P et Annobn font partie de la CPLP, cest un devoir dont nous pouvons nous acquit-ter plus aisment. Mais sans la compagnie des lites aveugles qui nont mme pas t capables

    de dfendre leur chre langue portugaise contre laccord orthographique [qui la uni-e lchelle internationale].

    Les mdias portugais, eux, se rendent coupables tous les jours dattentats contre la langue portugaise. On trouve dans la presse plus de mots en anglais quen por-tugais. A la radio et la tlvision, la situa-tion est pire encore. Ecrire et parler ce portugais perclus danglicismes et de gal-licismes est une trahison lencontre de tous les locuteurs de la langue commune aux pays de la CPLP.

    La Guine-Equatoriale se prpare dj lenseignement du portugais. Il ne faudra pas longtemps avant que ce nouveau membre de la CPLP le parle mieux que les lites por-tugaises pleines de prjugs. Et il en sera de mme quand dautres pays en contact avec la lusophonie lpoque des dcouvertes intgreront leur tour la Communaut.

    Les Portugais sont trs ers de lexpan-sion maritime qui leur a permis de btir leur empire. Mais, aujourdhui, il est des pays et des peuples qui gardent le sou-venir de ce pass commun et qui veulent faire partie de la CPLP. Certains renient ce pass et sopposent llargissement. Ceux-l ne sont pas dignes de la noblesse de la langue portugaise.

    Publi le 24juillet

    Une entreprise familiale Indpendant de lEspagne depuis 1968, le pays est devenu une rpublique de type prsidentiel. En quarante-cinqans, seuls deux prsidents ont t lus, Francisco MacasNguema et son neveu, Teodoro ObiangNguema, actuellement en fonctions. Troisime pays producteur de ptrole de lAfrique subsaharienne (520000 barils/jour en 2012), la Guine-Equatoriale produit galement du gaz naturel en quantit importante. Les hydrocarbures reprsentent 99% de ses exportations et 88,7% de son PIB. La plupart de ses 720000habitants, qui protent peu de la manne ptrolire, vivent de lagriculture et de la pche vivrire. Si les Equato-Guinens parlent surtout le fang (une langue de la famille bantoue) et le pidgin (un crole utilitaire), 88% dentre eux parlent ou comprennent aussi lespagnol, ce qui en fait le seul pays dAfrique ayant la langue de Cervants comme langue ocielle. Bien que le portugais y soit essentiellement parl par quelques expatris angolais ou mozambicains, le portugais a t institu en 2011 troisime langue ocielle du pays, aprs lespagnol et le franais. Le but assum de la manuvre tait de pouvoir prtendre entrer dans la CPLP, un ssame pour le march lusophone.

    SOURCE

    O OBSERVADORLisbonne, Portugalobservador.ptLanc en 2014, O Observador se prsente comme un quotidien en ligne, indpendant et libre et se veut le journal numrique du xxiesicle. An de contribuer la construction dune socit mieux informe et dmocratique, OObservador consacre une rubrique au dcryptage des sujets dactualit et encourage la participation active de ses lecteurs.

    Malabo

    Ile de Bioko

    Mbini(Ro Muni)

    Ile dAnnobn

    Equateur

    Bata

    300 km

    GOLFEDE GUINE

    CAMEROUN

    GABON

    NIGERIA

    SO TOM-ET-PRNCIPE

    (territoireslusophones)

    SOU

    RCES

    : A

    TLAS

    GO

    POLI

    TIQ

    UE

    DES

    ESP

    ACES

    MAR

    ITIM

    ES

    (D.

    TEC

    HN

    IP),

    PN

    UD,

    FM

    I

    1

    2

    3

    LA GUINE-QUATORIALE ( )1 2 3+ +

    Supercie : 28 051 km2 ( la Belgique) qPopulation : 720 000 habitants q Classement selon lindice de dveloppe- ment humain (IDH 2014) : 144e sur 187 pays qPIB par hab. (en PPA, 2013) : 18 901 dollars q

    son mandat est prvue pour 2016, Obiang a arm en 2012: Ceux qui font appliquer la loi dtermineront si je dois poursuivre pour une nouvelle phase ou non. Il ncarte donc pas une nouvelle candidature, ajoutant: Ce nest pas moi, ce sont les gens, ce sont eux qui dcident. Les dmocraties occidentales ne peuvent pas comprendre le contexte qui justi-e quun homme reste longtemps au pouvoir, estimait encore le prsident quato-gui-nen, car il y a en Afrique ce quil appelle des individus charismatiques qui prennent le pouvoir cause de la situation dans laquelle se trouve leur pays.

    La dtermination de la Guine-Equatoriale adhrer la CPLP se mesure au fait que son prsident prend chaque jour des cours parti-culiers de portugais, peut-on lire dans le dossier dadhsion dj cit. CavacoSilva et Pedro Passos Coelho [prsident et Premier ministre du Portugal] assistaient au sommet de Dli mais en quelle langue ont-ils fli-cit le prsident quato-guinen?

    Fbio MonteiroPubli le 19juillet

    13

  • REPORTAGE

    AFRIQUE16. Courrier international no 1242 du 21 au 27 aot 2014

    prsents esprent battre ce record de frquentation.

    Dans la cour de la maison des jeunes Keddache Ali, transforme le temps du festival en bijouterie phmre, les quelques tentes ins-talles pour loccasion peinent apporter un peu de fracheur. Mais quimporte, la chaleur ne semble pas venir bout de la bonne humeur des exposants et des visiteurs. On ne, on regarde avi-dement, on tend la main pour attraper un bracelet ou un collier, on soupse une paire de boucles doreilles pour dterminer son prix. Les bijoux, certi s argent garanti, sont principalement kabyles, mais certains artisans venus du sud de lAlgrie ont ga-lement fait le dplacement pour promouvoir leurs crations.

    Car cest bien de cela quil sagit: au-del du chi re da aires ralis

    pendant ces huit jours de festi-val, ce qui importe surtout cest de dfendre un savoir-faire scu-laire qui est aujourdhui dans la tourmente.

    Plusieurs menaces psent en e et sur le bijou kabyle. Le prsident de lAPC [Assemble populaire communale], Ismail Deghoul, qui accueille les visi-teurs autour dun th lespace culturel Mouloud Mammeri, attire notre attention sur le dclin de cet artisanat. Les jeunes ne veulent plus reprendre la bijouterie de leurs parents, car le mtier est de plus en plus di cile, explique-t-il. En cause, labsence de soutien de lEtat algrien. LEtat met des btons dans les roues aux bijoutiers kabyles, notamment pour lachat des matires premires dont ils ont besoin, prcise un des organisa-teurs du festival.

    Ilyas, artisan bijoutier qui exporte ses crations dans toute la rgion, sinquite lui aussi pour son mtier, mais pour dautres rai-sons. Cest une tradition qui risque de mourir. A mesure que les femmes kabyles adoptent lislam oriental, elles changent leurs habitudes ves-timentaires et troquent leurs bijoux pour le foulard, regrette-t-il.

    Sur la table qui lui sert de stand, aux cts de ses confec-tions rcentes, sont exposs des bijoux anciens qui tmoignent de lancrage sculaire de lorf-vrerie dans la culture kabyle. Le bijou est une ide abstraite que lar-tisan transforme en objet concret, explique Ilyas. Dans la tradition,

    chaque bijou est por-teur dune signi ca-tion : tel mdaillon annonce une nais-sance, tel bracelet de pied indique que la jeune lle qui le porte

    est clibataire,etc. Pour Ilyas, le bijou kabyle est donc un hri-tage culturel quil faut prserver. Le port de bijoux, cest le symbole de la libert de la femme kabyle, conclut-il.

    Pour comprendre les origines de cette tradition, il faut remonter loin dans le temps. Premire tape,

    la naissance de lide du bijou, objet de nombreuses lgendes. A Ath Yenni, la lgende la plus frquemment raconte par les connaisseurs est celle dAdam et Eve. Chass du paradis, Adam est en colre contre sa femme Eve, qui na pas su rsister la tentation du serpent. Mais alors quAdam se retourne pour contempler une dernire fois le paradis perdu, il voit que sa femme a piqu une fleur dans ses cheveux. Adam trouve Eve si belle quil en oublie sa colre. Le bijou est n.

    Son arrive en Kabylie est plus rcente. En 1492, la reine dEs-pagne chasse de son royaume tous ceux qui refusent de se convertir au catholicisme. Juifs et musul-mans sont donc obligs de sexiler de lautre ct de la Mditerrane. Ils sinstallent dans les pays du Maghreb, dont lAlgrie. Certains artisans juifs se retrouvent ainsi Bjaa, apportant avec eux lart de faire les bijoux, art quils trans-mettent progressivement aux habitants de la ville. Le jeu des conqutes fait, dans les dcennies qui suivent, que des bijoutiers de Bjaa viennent sinstaller Ath Yenni. A lpoque, la commune est spcialise dans la production de fausse monnaie, quelle coule sur les marchs algriens pour fra-giliser lEmpire turc [ottoman]. Mais les espions du dey [titre port jusquen 1830 par le chef de la rgence dAlger] dcouvrent le secret des habitants dAth Yenni. Une centaine dentre eux sont arrts et un ultimatum est pos: soit les faux-monnayeurs donnent leurs machines aux envoys du pouvoir, soit les prisonniers sont excuts. La production de fausse monnaie sachve ainsi, et les habitants dAth Yenni se tournent alors vers la production de bijoux.

    Au nal, le bijou kabyle est le fruit des changes entre les Kabyles, les Isralites et les Touaregs, constate

    Ilyas. Symbole de libert, le bijou kabyle est donc galement le signe que les changes entre les peuples sont un atout pour le dvelop-pement culturel et commercial. Lchange, cest encore ce qui caractrise la fabrication des bijoux aujourdhui. Le plus sou-vent, chaque bijou est le rsultat de lalliage de trois matriaux: lar-gent, le corail et lmail. Largent est extrait en Algrie, trait en France et rimport; le corail provient du bassin mditerra-nen; et lmail est import de la ville de Limoges, en France. Ainsi, si le savoir-faire est propre aux artisans kabyles, la confec-tion du bijou kabyle est le rsultat dchanges qui dpassent large-ment les montagnes de Kabylie. Au-del de leur vidente beaut, les bijoux prsents cette semaine Ath Yenni ont donc une porte symbolique forte, quil est impor-tant de protger et de promouvoir.

    Philippine Le BretPubli le 11aot

    Algrie-Focus Alger

    Un soleil de plomb accable la commune dAth Yenni [situe dans la wilaya de Tizi Ouzou, en Kabylie]. Malgr la chaleur crasante, les volon-taires sont pied duvre pour accueillir les visiteurs. Des jeunes gens vtus de gilets jaunes orien-tent les automobilistes, dautres, portant un tee-shirt oqu sur lequel on peut lire 11edition de la Fte du bijou [du 6 au 15aot], vendent les tickets et distribuent des plans de la commune.

    Depuis maintenant onze ans, Ath Yenni sest impose comme le centre nvralgique dun artisanat sculaire. Chaque anne, la com-mune organise la Fte du bijou kabyle, qui runit de nombreux curieux et passionns. Lanne dernire, plus de 40000visiteurs sont venus admirer et acheter les bijoux exposs Ath Yenni. Cette anne, les 150exposants

    ALGRIE

    Le bijou kabyle entre crativit et dclinLa tradition tait au rendez-vous de la fte annuelle du bijou organise pour dfendre un mtier artisanal menac.

    SOURCE

    ALGRIE-FOCUSAlger (Algrie), Paris (France)www.algerie-focus.comLanc en novembre2008, ce webzine est le premier journal interactif cr en Algrie. Francophone, gratuit, il a che sur sa page daccueil, avec son logo, le slogan: Linformation pour vous et avec vous. Fort de 900000visiteurs uniques par mois et de plus de 67000fans sur Facebook (avril2014), il est laurat de lAlgeria Web Awards 2013 dans la catgorie pure player. Indpendant et participatif, il o re un espace o les internautes sont invits aux dbats. En plus de lquipe base Alger, la rdaction dispose de correspondants Paris. Le site couvre lactualit algrienne dans les domaines politique, conomique, social et culturel, et propose des dossiers thmatiques.

    Le port de bijoux, cest le symbole de la libert de la femme kabyle

    Jeune femme kabyle. Carte postale de 1910. Collection Neurideim Frres

    14.

  • votre bienEN DIRECT OU VIA UNE AGENCE

    SUR

  • New Delhi sapprte employer des dizaines de milliers de pirates informatiques pour scuriser ses installations stratgiques. La condition : tre jeune et patriote.

    Open New Delhi

    Selon Richard Jerey Danzig, conseil-ler en cyberscurit de Barack Obama, il sut dun cart dune gnration pour ne plus rien comprendre tout ce qui est cyber. Tous les pays feraient bien dlargir leur recrutement aux natifs numriques, y compris ceux qui ne sont pas passs par les lires de formation traditionnelles, arme-t-il. A son avis, il est absolument ncessaire de rallier les jeunes adultes et les adolescents la cause de la cyberscurit. Interrog sur les capa-cits oensives de lInde, Vinay Mohan Kwatra, responsable du contre-terrorisme

    et de la cyberscurit au ministre des Affaires trangres indien, rpond de faon trs claire: Elles sont nulles. LInde est devenue un pays non rsistant pour les hackers, explique-t-il. Si un militant pakistanais envoie par Skype son contact en Inde un plan dtaill pour assassiner le Premier ministre, nos gars ne pourront pas lintercepter, plaisante lancien responsable dun ambitieux projet de surveillance qui attend encore son coup denvoi.

    Il est vrai que la cyberscurit a long-temps t un concept tranger au gou-vernement indien, mais ce nest plus le cas aujourdhui. Selon au moins deux sources bien informes, le gouvernement

    de Narendra Modi envisage de lancer une discrte campagne de recrutement dans les lyces et les coles dingnieurs pour enrler des hackers potentiels capables de protger lInde, et si besoin de contrer les attaques visant dstabiliser le pays. Cette initiative viendra complter les eorts de New Delhi pour renforcer sa coopration sur le front de la cyberscu-rit avec des pays tels que les Etats-Unis dont, par une concidence ironique, on vient dapprendre quils ont espionn les activits de ministres et de hauts fonc-tionnaires indiens. Le but est de contrer les attaques lances rgulirement par dautres nations, comme la Chine. Selon un responsable de la Defense Research and Development Organisation [DRDO, Organisation de recherche et dveloppe-ment pour la dfense, rattache au minis-tre de la Dfense], lInde a demand Isral de laider former des divisions sp-cialises dans la cyberscurit, le cyber-terrorisme tant, la dirence des autres types de guerres, un monstre aux mul-tiples visages qui ne cesse de sadapter et de changer de forme, et les problmes rencontrs par lInde dans le cyberespace tant bien trop nombreux.

    Attaques. Des hackers chinois ont par exemple rcemment pntr dans des systmes informatiques sensibles de la marine indienne pour collecter des infor-mations sur le programme de sous-marins nuclaires. Isral en a fait autant et a suivi lacquisition par lInde de missiles de croi-sire Club, une variante des missiles russes Yakhont utiliss par lIran. Ces dernires annes, le nombre de cyberattaques lances depuis lextrieur a augment: des ordina-teurs sensibles de lAgence spatiale indienne ont t pirats, un virus de type Stuxnet a fait exploser des gazoducs en divers points du pays et des tentatives de sabotage ont t commises contre des systmes dali-mentation en lectricit. Selon plusieurs spcialistes, les principaux risques courus par lInde sont des coupures de courant dues des pannes du rseau lectrique, la paralysie des systmes de transport (par exemple du mtro), le piratage des places boursires et des banques, des troubles de lordre public causs par la dsinformation (comme les rumeurs qui ont pouss les tudiants originaires du Nord-Est fuir Bangalore par crainte dattaques racistes imminentes),etc.

    Les nouveaux plans ne sont pas vrai-ment nouveaux. Le prcdent gouver-nement avait des ides originales pour renforcer les infrastructures de cyber-scurit mais na pas pu les mettre en uvre. Il y a presque dix ans, les services de renseignement militaire avaient recrut quelques jeunes et brillants esprits pour une mission spciale impliquant ce que lon appelle aujourdhui du hacking, un mot que lon navait encore jamais entendu lpoque. Selon un ancien membre de

    lquipe soutenu par un fonctionnaire du ministre de la Dfense, ces petits gnies avaient t aects une mission ultra-secrte: ils devaient pntrer dans les rseaux informatiques du gouvernement pakistanais et dans celui de lambassade amricaine Islamabad pour rcuprer ce que le site dinformation Redi qui a pu consulter les donnes pirates a bap-tis la feuille de route amricaine pour le Pakistan. Les documents donnaient tous les dtails de la stratgie amricaine dans la rgion et stendaient longuement sur plu-sieurs sujets sensibles, dont le Cachemire [rgion que New Delhi et Islamabad se disputent depuis 1947]. Ils rvlaient ga-lement le plan amricain pour, selon lex-pression du South Asia Tribune, journal amricain dius sur Internet, couper les ailes du gnral Pervez Musharraf [prsi-dent du Pakistan de 2001 2008] avant 2004. Les Etats-Unis ont ni lexistence de tous ces plans. Lopration a nanmoins t un succs et, comme le dit un respon-sable du renseignement militaire indien, elle a montr que nos gars sont capables de remplir cette mission.

    Selon un responsable de la National Technical Research Organisation [NTRO, Organisation nationale de recherche tech-nique, qui dpend du bureau du Premier ministre], les autorits envisagent aujourdhui de recruter activement les petits gnies dans les lyces et les coles dingnieurs. On ma dit que cette fois le gouvernement les formerait en cherchant leur inculquer un sentiment patriotique pour viter quils ne soient tents par des opra-tions lucratives, comme cela a t le cas en Chine, explique-t-il.

    Hacking thique. Avec 62189 cyber-attaques et 9174 sites web pirats dans les seuls cinq premiers mois de 2014 en Inde, le gouvernement comme le sec-teur priv auraient intrt recruter des jeunes comme Saket Modi, 23 ans, pour protger leurs systmes. Lorsquil tait au lyce, Saket Modi, qui tait faible en chimie, pntra dans le systme infor-matique de son cole pour voler les ques-tions dun examen. Il russit mais, rong par la culpabilit, avoua ce quil avait fait un professeur. Aujourdhui il est PDG de Lucideus, entreprise qui propose des ser-vices de hacking thique. Nous sommes dans le camp des gentils, dclare-t-il. Son quipe est constitue de cyberanalystes et dexperts en scurit qui ont tous entre 18 et 30 ans, et il arme fournir un espace informatique sr des clients incluant le ministre de lEconomie et des Finances, le ministre de la Dfense, le ministre des Aaires intrieures, le Dpartement des

    Inde.Gouvernement recrute hackers, 18 ans si possible

    asieLeur inculquer un sentiment patriotique pour viter quils ne soient tents par largent

    Dessin de Medi, Albanie.

    D'UN CONTNINENT L'AUTRE. Courrier international n 1242 du 21 au 27 aot 201416.

  • 17ASIE

    SpcialHistoire

    Un hors-srie HistoireEn vente sur boutique.courrierinternational.comq

    HoHHHHoooHoHHHoooHoHHHoooHoHHHrrrrrrrrrrssssssssss-sssssss--sssrrrrrrrrrrrrriiiiiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeee

    1418

    histoireiiii

    ttttiiihhhh

    eeererrriiiiooototttssssiiihhhheeererrriiiiooototttssssiiihhhheeererrriiiiooototttssssiiihhhheeee

    ooootttssss

    enqutes criminelles, la Reserve Bank of India [RBI, banque centrale indienne], IBM, Microsoft et plusieurs agences dinvesti-gation nationales et rgionales (liste dont nous navons pas pu vri er lexactitude). Saket Modi pourrait donc tre un atout prcieux pour la cyberscurit de lInde.

    Nous prendrons bien entendu ceux qui ont environ une vingtaine dannes, mais dans lidal nous les voudrions plus jeunes, pr-cise un responsable. Cest le bon ge pour les avoir dans nos rangs. Daprs Gulshan Rai, chef de lIndian Computer Emergency Response Team (CERT-In) [agence gou-vernementale indienne charge de la protection des systmes informatiques], lInde aurait besoin dapproximativement 400000 experts pour assurer sa cyber-scurit. Elle nen compte actuellement que 32000 environ. La situation nest pas brillante, explique un autre respon-sable, do notre volont davoir des recrues jeunes, surtout pour protger les infrastruc-tures critiques. Selon lui, des virus tels que Stuxnet, Flame, Uroburos/Snake, Blackshades, FinFisher,etc., peuvent faire des ravages dans des installations extr-mement importantes.

    Cyberguerre. Le point crucial dans lac-tuel plan du gouvernement, dclare un res-ponsable de la dfense, est de considrer le cyberespace sur le mme plan que les-pace terrestre, maritime et arien. Dans les batailles et les con its modernes, la cyberguerre met des camps militairement faibles au mme niveau que les autres. Par

    exemple, le Hamas, Gaza, a demand des cyberagitateurs de pirater des tlphones portables en Isral pour quils envoient des messages de panique tous les numros gurant sur leurs listes de contacts. Mais, grce sa capacit de raction, Isral a russi contrer lattaque. A la di rence dautres Etats, Isral fait face des enne-mis dtermins lui faire autant de mal que possible. La cyberscurisation du pays est passe par plusieurs tapes importantes, explique Gabi Siboni, directeur des pro-grammes ddis aux tudes militaires et stratgiques et la cyberguerre de lInsti-tute for National Secur