Chroniques slovaques

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CHRONIQUES Jean Antoine Giansily SLOVAQUES colonna édition

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Extrait de l'ouvrage écrit par Jean Antoine Giansily et édité par Colonna Edition en septembre 2010. Ouvrage disponible sur www.editeur-corse.com 164 pages, 140 x 225 mm, 17 €

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CHRONIQUES

Jean Antoine Giansily

SLOVAQUES

colonna édition

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Ouvrage disponible à la vente sur

www.editeur-corse.com

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CHRONIQUES SLOVAQUES

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ISBN : 978-2-915922-41-7

Colonna édition, 2010Jean-Jacques Colonna d’Istria

La maison bleue - Hameau de San Benedetto20167 Alata– Tel/fax 0495253067Mail : [email protected]

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© Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traductionréservés pour tous pays.

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CHRONIQUES SLOVAQUES

Jean Antoine Giansily

Colonna édition

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Remerciements :

Robert Fico, Premier Ministre de la Slovaquie,Peter Kazimir, Secrétaire d’État aux Finances de la Slovaquie,Ivan Sramko, Gouverneur de la Banque Centrale de SlovaquieHenry Cuny, Ambassadeur de France,Philippe Boucly, Olivier Large, Patrick Luccioni, Vincent Barbier et tous lesCCEF de la section française de Slovaquie.Viktor Primus.

Du même auteur :

Le Pouvoir, le réel et l’illusoire–En finir avec les utopies, Denoël, 1993

Pinay, l’Indépendant, Denoël, 1995

L’Union européenne et la crise yougoslave–Illusions et réalités, Denoël, 1999

En collaboration :

L’Identité de la France, Albin Michel, 1985

L’Occident sans complexes, Carrère, 1987

La Démocratie confisquée, Jean Picollec 1989

Pourquoi croient-ils en Dieu? Critérion 1994

S’implanter en Slovaquie, Éditions Ubifrance 2008

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Introduction

Il y a dix ans, j’ai fait une démarche que je crois unique : après une viepolitique bien remplie et cinq années passées au Parlement européen,je suis retourné dans une administration financière, et je suis allé,après un détour par la Turquie, habiter quatre ans au cœur géogra-phique de l’Europe centrale, à Bratislava.

Ce choix n’était pas fortuit. Outre la proximité avec la Côte d’Azur (Bra-tislava est plus proche de Nice, où j’ai mes attaches, que de Paris) ils’agissait pour moi de mettre mes idées en harmonie avec mes activi-tés. Alors que le problème de l’intégration de ces pays était avant toutpolitique, j’avais pu constater que les réponses apportées à chacunedes questions posées par les nouveaux adhérents étaient la plupartdu temps des réponses techniques et normatives. De leur côté, les res-ponsables politiques des nouveaux États membres attendaient dessoutiens politiques basés sur l’assistance mutuelle, et non des« conseils », largement prodigués par des cabinets aussi onéreuxqu’anglo-saxons, qui campaient dans les administrations qui avaienteu la malchance de tomber sous leur coupe, uniquement au profit desbanques, qui spéculaient avec gourmandise sur la relance écono-mique et le rattrapage de la consommation que ce « retour à la nor-male » économique allait provoquer.

Il aurait fallu de la part des Européens des missionnaires politiques,prodiguant des conseils désintéressés allant dans le sens de l’inté-gration européenne et non dans celui du libre-échange et de la spé-culation.

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On ne refait pas l’Histoire. Mais la mémoire immédiate et fidèle deceux qui ont vécu en direct les événements qu’ils décrivent peut avoirvaleur d’exemple, et permettre d’anticiper sur les événements à venir.Vingt ans après la chute du Mur, je voudrais donner une approche pré-cise de ce qui s’est réellement passé dans les pays nouveaux adhé-rents, encore tiraillés entre un euroscepticisme qui est toujoursparfaitement illustré par la nomenklatura tchèque, et une méconnais-sance affligeante de la réalité de ces pays par ceux-là même qui plai-daient par ailleurs, au nom du principe de liberté, pour leur adhésionrapide à l’Union.

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Retour aux principes de base

La mécanique de la construction européenne repose sur des principesdont l’essence même est d’éviter les conflits. Alors que l’OTAN fut crééeen 1949 sur des bases tout à la fois défensives et conflictuelles, l’UnionEuropéenne, dans sa version CECA, fût portée en août 1952 sur desfonds baptismaux dont les principes de base étaient l’échange et lepartage du charbon et de l’acier, dont la concurrence entre la Franceet l’Allemagne furent à l’origine des guerres de 14-18 et de 39-45. Lafoi chrétienne des pères fondateurs excluait par hypothèse les situa-tions conflictuelles. Elle reposait sur des notions de répartition et departage, c’est-à-dire l’inverse des préceptes des ultralibéraux qui n’ontretenu de la Rome Antique que le vieux et terrible dicton vae victis :« malheur aux vaincus » et qui ont traité les nouveaux États membrescomme tels.

Or, la Slovaquie, pays profondément chrétien, est entrée en 2004 dansun système européen laïcisé, certes, mais de par sa nature, culturelle-ment opposée au système totalitaire qui lui avait été imposé pendantquarante-cinq ans. Mon premier contact avec une ressortissante slo-vaque remonte à juillet 1990. Je m’étais rendu à Prague pour participerà un colloque sur les perspectives ouvertes par la nouvelle économie.Pour moi, il y avait des Tchécoslovaques, et comme tout le monde enEurope de l’ouest, je croyais la fusion consommée. Or, mon interprète,qui parlait parfaitement le français et maniait l’art subtil de la litote,était slovaque. Au moment de partir, elle eut pour moi cette phrasedont je ne compris le sens que deux ans plus tard, au moment du « di-vorce de velours » : « Monsieur, vous aller retourner à Paris. Dites bienà tous ceux que vous rencontrerez que la Slovaquie n’est pas un pays

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communiste, mais un vieux pays chrétien, au centre de l’Europe, quia été temporairement gouverné par des communistes ».

Le grand savant roumain Mircéa ELIADE croyait au mythe de l’éternelretour. Cette idée, profondément européenne, dont on trouve les pre-mières traces chez les présocratiques, anime depuis toujours l’esprit despeuples européens. Les Slovaques n’y échappent pas plus que les au-tres. Ce que cette femme voulait me dire, c’est que la chute du mur deBerlin ne nous conduisait pas à une nouvelle ère, et réfutait le conceptsaugrenu de « nouvelle Europe », alors largement diffusée par les mé-dias qui masquaient leur ignorance sous les oripeaux de la nouveauté.Or, sur place, il m’apparut clairement que ce changement n’était sommetoute qu’un retour à une situation normale. Le concept était justementperçu par chacun au centre de l’Europe: c’est la liberté qui est naturelle,et la coercition qui est anormale.Pour les peuples, l’indépendance est la règle. Or, l’occupation par unautre peuple est privative de l’indépendance, donc totalement insup-portable. Le sacrifice de Jan PALACH venait de le démontrer à la face del’Europe libre. Ce vent de liberté était le vent du retour à une traditioneuropéenne qui veut que la liberté des individus et des peuples soit in-dissociable du libre arbitre. La liberté, c’est le choix.

1992 fut une année majeure dans l’histoire de la Slovaquie : la signaturedu Pacte de Visegrad, qui engageait le pays dans le cadre de la Tchéco-slovaquie à faire acte de candidature à l’Union Européenne, et la miseen œuvre de la séparation d’avec les Tchèques, effective le 1er janvier1993 resteront pour ce pays deux références historiques à marquerd’une pierre blanche.

Toutefois, il faut donner aujourd’hui tout leur sens à ces décisions cru-ciales, et se demander, uniquement au regard des fondements del’Union Européenne, si ce pays a bénéficié d’une réciprocité sans faillede la part des Européens.

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Le charbon et l’acier : première désillusion

Le principe de base de la création de l’Europe à travers la CECA leura été dénié d’emblée. La CECA avait été créée pour cinquante ans en1952, comme l’OTAN avait été créée en 1949 pour cinquante ans.Alors qu’en 1999, l’OTAN était reconduite à Washington pour cin-quante nouvelles années par la signature d’un Traité de prolongation,la CECA était enterrée en 2002, la décision de la liquider ayant été« actée » par un vote du Parlement européen en 1998, sous la pres-sion d’un lobby de sidérurgistes parmi lesquels figurait, hélas, ungrand patron français qui fût ensuite un ministre de l’Économie dontle départ de Bercy ne fût regretté par personne. L’unique motivationdes sidérurgistes européens était de ne plus payer la contribution àla CECA, qui était encore un instrument de collecte financière et derépartition au service de la rénovation de l’outil industriel. Ce que l’onappelait le prélèvement (0,2 % du chiffre d’affaires de ces sociétés)était à l’époque le seul véritable impôt communautaire. Cette attitudeà courte vue eut une conséquence immédiate sur la Slovaquie. Celle-ci ayant adhéré à l’Union en mai 2004, et la CECA ayant disparu deuxans plus tôt, sa puissante industrie de l’acier fut rachetée par les Amé-ricains de US. Steel, qui sont toujours présents dans le pays. Ainsi,pour économiser quelques sous, les sidérurgistes européens, quipourtant connaissaient le contexte, abandonnèrent l’industrie sidé-rurgiste slovaque à leurs concurrents, puisqu’ils s’étaient privés eux-mêmes des moyens financiers communautaires qui auraient permisla rénovation de l’usine de KOSICE. J’étais personnellement impliquédans cette affaire, car j’avais été de 1995 à 1999 le rapporteur du bud-get de la CECA au Parlement européen, et je pense que je connaissaisle dossier mieux que personne. Durant cette période, je n’ai cessé de

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combattre en faveur du maintien de la CECA au-delà de 2002, pourconserver l’outil CECA en marche pour l’élargissement prévu pour2004. Je fus battu de quelques voix lors du vote en séance plénière.J’en tirai la conclusion qu’il ne fallait pas attendre du patronat qu’ileût l’intelligence du politique. De fait, la dernière des choses à faireest de confier les décisions macroéconomiques de nature régalienneà des patrons.

Ceux-ci ne travaillent que pour ce qu’ils considèrent être l’intérêt im-médiat des membres de leur groupe de pression. Manifestement, l’in-térêt de l’élargissement de l’Europe, dans ce cas très précis, leur avaittotalement échappé. Une vision théorique des choses, à mille lieuesdu terrain, uniquement basée sur le rendement et les profits finan-ciers, avait écarté la sidérurgie slovaque du projet des pères fonda-teurs. C’est la raison pour laquelle, instruit par cette expérience, jen’accordais pas le moindre crédit en 2005 à ma hiérarchie de statisti-ciens et de futurs banquiers centraux qui me disaient être convaincuque les Slovaques ne seraient pas en état d’entrer dans l’euro en 2009.Ils n’avaient aucune connaissance du terrain, alors que j’étais surplace, que je visitais au moins une usine française par mois en Slova-quie, et que le discours et les préoccupations des patrons d’usine,notamment en matière de financement et de perte au change,étaient pour moi un vécu réel. Il en était de même pour leurs salariésqui devaient pouvoir circuler librement pour installer leur marchan-dise chez leurs clients en Europe. Schengen était une nécessité d’évi-dence.

Combattre l’Europe à deux vitesses m’apparut dès ce moment-làcomme une priorité absolue.

Mon arrivée à Bratislava, le 1er septembre 2005, fut à la fois la révéla-tion d’une situation politique terriblement tendue, avec des conflitsd’intérêts au sein même de la coalition gouvernementale, et la confir-mation d’une volonté indéniable de la population de profiter de la

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fin du communisme pour revenir dans le giron des pays « normaux »,comme me l’avait fait comprendre mon interprète slovaque quinzeans auparavant. Il m’échut alors, parmi mes nombreuses tâches, defaire vivre la publication mensuelle de la Mission Économique « Nou-velles de Slovaquie ».Je décidais immédiatement de donner à mes éditoriaux mensuels unton polémique et parfois grinçant, totalement en dehors de la tradi-tion liée à ce type de publication, dont le seul but est de donner àses lecteurs des indications statistiques sur les secteurs qui les inté-ressent, pour leur permettre de mesurer, avant d’explorer les possi-bilités d’exportation ou d’implantation, ce que les gens des métiersde l’export appellent le « risque pays ».

Ces éditoriaux composent l’essentiel de cet ouvrage. En près de qua-tre années, avec le soutien sans faille d’un ambassadeur de France àla fois très attentif au rôle que nous pouvions jouer pour guider laSlovaquie sur la voie de l’euro et soucieux des intérêts de nos entre-prises, et des chefs d’entreprises français dynamiques mais égale-ment parties prenantes dans la mise en place d’une stabilitémonétaire indispensable à la plupart d’entre elles, j’ai poussé les Slo-vaques vers le passage à l’euro.Parallèlement, j’ai rencontré chez beaucoup d’experts financiers slo-vaques un scepticisme directement inspiré par l’école ultralibéraleanglo-saxonne et américaine, qui avait formé dès le lendemain de lachute du mur de Berlin des cadres motivés par la fin du communisme,certes, mais totalement acquis à la loi du profit. Heureusement, le Se-crétaire d’État aux Finances qui siégeait à Bruxelles pour les Ecofin etl’Euro groupe, ainsi que le Gouverneur de la Banque Centrale étaientdes hommes de dialogue, soucieux de comprendre le mécanismecompliqué qui avait amené les Européens à s’unir autour de l’euro.Ils étaient, en dehors de toute affiliation politique, convaincus de lanécessité d’avoir une stabilité monétaire qui garantisse la pérennitéde leur industrie. Ils surent faire partager leur conviction à leur Pre-mier ministre. Ainsi, à la surprise générale, la Slovaquie fit son entrée

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dans l’euro le 1er janvier 2009. Ces éditoriaux sont le reflet de ce petitmystère, soigneusement organisé à la mode de Jean Giraudoux et àla grande déception des Anglo-Saxons présents dans la finance à Bra-tislava.

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Prise de contact– Octobre 2005–

Cette fin d’été fut marquée dans les médias slovaques par une intenseagitation autour de la succession de Monsieur Pavol RUSKO, ministrede l’Économie, et Président du parti libéral « ANO », révoqué par lePrésident de la République dans l’après-midi du 24 août, sur proposi-tion du Premier Ministre, pour avoir refusé, le matin même, de fournirdes explications en Conseil des Ministres sur des dossiers le concer-nant personnellement.Selon les diverses informations touchant à ce départ, le ministre enquestion aurait procédé à des opérations financières personnelles,que la morale réprouve, et que, parfois, la justice poursuit. Il peut pa-raître en effet curieux que pour rester ministre en vendant les partsd’une société de télévision dont la propriété est incompatible avecl’exercice de fonctions ministérielles, le choix du vendeur se porte sursa belle-sœur et son assistante. Cela peut troubler, à tout le moins, lespartenaires politiques d’une coalition fragile confrontée à une opinionpublique sourcilleuse.L’auteur de ces lignes, tout nouvellement arrivé dans le pays, croyaitnaïvement, comme nous avons pu le constater en France au cours desdeux derniers remaniements, que ce poste de Ministre, si convoité, fe-rait l’objet d’une attribution quasi immédiate. Le 26 septembre, doncun mois plus tard, le nouveau responsable slovaque de l’économien’est toujours pas nommé.On pourrait imaginer que l’économie va trébucher, et que l’absenced’un ministre en charge des dossiers délicats de l’investissement, dupouvoir d’achat, et des projets à long et moyen terme risque de com-promettre irrémédiablement les perspectives économiques du pays.

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Or, il n’en est rien : tout semble se passer comme si la crise gouverne-mentale répondait à un constat de bon sens que le sage HenriQueuille, Président du conseil écouté sous la quatrième république,définissait ainsi : « il n’y a pas de problème que l’absence de solutionne finisse par résoudre ».L’absence de ministre de l’économie n’est donc pas, pour l’heure, unproblème tel qu’il mette en péril la place de premier de la classe de laRépublique slovaque dans le concert des nouveaux membres del’Union européenne.Le cercle vertueux de l’économie slovaque s’inscrit en réalité dans leschiffres : une inflation de 2 % en juillet, après 2,5 % en juin et 2,4 % enmai. L’objectif que s’est fixé la Banque Nationale Slovaque (3,0-3,5 %)en 2005 pourrait être revu à la baisse. En ce qui concerne le taux dechange, le mois qui vient de s’écouler a vu la couronne slovaque s’ap-précier pour valoir aujourd’hui, 26 septembre, 38,56 SSK pour un euro.L’État lui-même donne l’exemple : le besoin de financement de la dettea diminué de moitié en deux ans, passant de 3,4 à 1,7 % du PIB.Rien ne semble donc remettre en cause une croissance annuelle trèsau-dessus de 5%, et la seule ombre au tableau, reste un chômage en-core élevé, mais qui pourrait s’atténuer avec les nombreuses créationsd’emplois attendues en 2006 avec le démarrage des chaînes de pro-duction automobiles, qui viendront plus que compenser les suppres-sions d’emplois que la mise aux normes communautaires desentreprises privatisées a entraînées.Ainsi, la Slovaquie serait ce petit paradis où l’économie fonctionne na-turellement et où les méchants sont punis lorsqu’ils prennent l’argentdu contribuable pour le leur… Rendez-vous dans trois ans, après avoirconstaté par expérience si cette première impression est la bonne.

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Confiance– Novembre 2005–

Le mois d’octobre aura été très positif pour ce qui est de l’approfon-dissement des relations entre la France et la Slovaquie. Qu’on en juge :les 7 et 8 octobre, la venue de Son excellence Philippe DOUSTE-BLAZY,Ministre des affaires étrangères et de Catherine COLONNA, Ministredéléguée chargée des affaires européennes a été une occasion privi-légiée de faire le point des relations économiques entre nos deux pays.Avec le Président de la République, Ivan GASPAROVIC, avec le premierMinistre, Mikulas DZURINDA, avec le Président de l’Assemblée Natio-nale, Monsieur Pavol HRUSOVSKY, avec le Ministre des Affaires Étran-gères, Eduard KUKAN ou encore avec le vice-premier Ministre encharge de l’Europe, Pal CSAKY, les aspects économiques de notre coo-pération ont été abordés dans un esprit de large ouverture.Le 12 octobre, c’était le tour d’Ivan MIKLOS, vice Premier Ministre, Mi-nistre des Finances, de venir à Paris, en présence du président de laChambre de Commerce, Pierre SIMON, et de 250 chefs d’entreprisesfrançais réunis avenue de Friedland, pour exposer ce qu’il peut y avoiraujourd’hui de positif dans la confiance à accorder aux Slovaques et àleurs dirigeants.Le tour d’horizon effectué à l’occasion de ces deux visites a permis demieux appréhender les points positifs, et de percevoir quelles pour-raient être les éventuelles lacunes dans un système d’échanges quis’accélère, et où le maître mot est « confiance ».La confiance française s’exprime tout d’abord par les investissements :le 20 octobre, France-Télécom a racheté à ses partenaires, pour 628mil-lions de dollars, les 36,12% du capital de l’entreprise Orange Slovaquiequi ne lui appartenait pas encore. Orange est le numéro 1 du télé-

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phone mobile dans ce pays, avec 57 % des parts de marché. En inves-tissant par ailleurs, avec Nortel, 50 millions d’euros dans l’UMTS pourles 5 années à venir, Orange montre bien sa détermination à accom-pagner un marché en pleine croissance où le chiffre d’affaires a aug-menté de 20% entre 2003 et 2004. Confiance dans l’avenir, est le credode France Télécom.La confiance française s’exprime aussi par le souci de privilégier la re-cherche. En remettant à Philippe DOUSTE-BLAZY, le 8 octobre, le di-plôme de membre d’honneur de la Société slovaque de cardiologie,les médecins locaux n’ont pas seulement honoré leurs collègues fran-çais en la personne du Ministre, lui-même cardiologue : ils ont vouluégalement souligner leur coopération avec les laboratoires SERVIER.Ceux-ci, en mettant la Slovaquie dans le groupe des 15 pays où ils dé-veloppent des laboratoires de recherche (sur 140 pays où ils sont pré-sents) considèrent que la Slovaquie a un réel potentiel dans le domainedes nouvelles technologies de la recherche médicale. Là encore,confiance dans l’avenir de la Slovaquie pour le premier laboratoire in-dépendant français.La confiance s’est exprimée enfin, le 14 octobre, lors de l’inauguration,en présence de l’Ambassadeur de France, de l’usine de la société COUR-BIS à Trnava.Cet équipementier du secteur automobile accompagnera la croissanceet relève le défi des autorités du pays de développer largement les in-dustries mécaniques. Confiance encore dans un avenir industriel pé-renne.Une seule ombre au tableau aura été le départ de CARREFOUR. Dansun pays où une quinzaine d’enseignes se partagent un marché de5,4millions de consommateurs, les échelles d’achat jouent fatalementsur les marges, et l’effet d’éviction inévitable dû aux concentrations lo-cales a provoqué le départ du numéro un français à l’export dans cesecteur. Ajoutons à cela des pratiques de contrôle administratif àl’égard du groupe frisant le déraisonnable, qui expliquent partielle-ment le retrait du géant français. Mais cet échec relatif ne doit pas êtrel’arbre qui cache la forêt. La confiance demeure.

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Neige en novembre : Noël en décembre…proverbe soi-disant belge

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Décembre, dominé sur le plan commercial par l’hypothétique clôturede cycle de DOHA de l’OMC à l’occasion de la conférence de Hong-Kong, devait aussi permettre à la Présidence britannique du Conseil eu-ropéen de conclure sur les perspectives financières de l’UnionEuropéenne pour la période 2007-2013. On sait désormais qu’il n’en serarien. En effet, nos partenaires britanniques, qui voyagent gratuitementdans le train communautaire depuis 1983, grâce au chèque donné gé-néreusement à Margaret THATCHER pour lui permettre de faire face àdes difficultés passagères, n’ont pas varié d’un iota depuis juillet.Au mois de juin, Jean-Claude JUNCKER, alors Président du Conseil enexercice, avait bien essayé d’expliquer que désormais, ce ticket gratuit,après 22 années d’un usage immodéré, n’était plus valable. Tony BLAIRn’en a cure : « I want my money back » est devenu l’alpha et l’oméga dela Présidence européenne actuelle et l’espoir d’une solution avant 2006est désormais exclu.Cela ne peut pas être sans dommages pour nos amis slovaques. Il fautsans cesse rappeler que la construction européenne est avant tout unsystème solidaire où les équilibres régionaux doivent être privilégiés etoù les plus riches doivent contribuer à une redistribution globale dontles nouveaux États membres sont désormais totalement solidaires. Or,la situation de la Slovaquie dans ce domaine est exemplaire et priori-taire, comme cela a été démontré lors de la conférence Euromontanaqui s’est tenue à JASNA, dans les Basses Tatras du 24 au 27 octobre (1).

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(1). À laquelle la France était représentée par le Président de la 2e section « agriculture,pêche et entreprises », M. Bernard Bourget.

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Tout d’abord, il faut se souvenir que les deux tiers du territoire na-tional slovaque sont situés en zone de montagne. Cela implique parconséquent la définition d’une stratégie d’aménagement de zone impli-quant d’importants financements communautaires, notamment à tra-vers les programmes de soutien traditionnels aux produits de montagne,mais également par l’usage des fonds « INTERREG » ou « FEDER ».

En second lieu, il faut avoir à l’esprit le taux de chômage slovaque :18 %, le deuxième d’Europe après la Pologne, concentré, commeon s’en doute, en zone de montagne.La réponse à ce défi du plein-emploi en zone rurale et montagneuse nepeut venir que d’une politique suivie et judicieuse de niches, pour des pro-duits agricoles à forte valeur ajoutée, avec à côté un tourisme écologiquefort et de petites industries à base de technologies de pointe.C’est la vocation des fonds communautaires d’aider à promouvoir ce typede projets.

Enfin, il faut être conscient que ces programmes n’ont d’effet que sileur réalisation s’inscrit dans la durée, donc que leur définition sefait avec la certitude de leurs financements sur le long terme. D’oùla programmation de la PAC réformée en 2003 avec une durée de vie mi-nimale de 10 ans : la fin du programme budgétaire 1999-2006 et l’inté-gralité du budget prévu pour la période 2007-2013.

Tout le reste n’est que littérature de gare, ou de tabloïds londoniens,et l’aveuglement de jeunes technocrates, certes sympathiques maismal informés, pour ne pas écrire intoxiqués par la propagande anglo-saxonne, ne changera rien à une réalité qui amène régulièrement desmaires ruraux slovaques à demander des conseils aux services de laMission économique.Ce qui peut se résumer en quelques mots : sans adoption du budgetcommunautaire, il n’y a pas de PAC ; sans PAC, il n’y a pas de fonds pourl’aménagement rural, et sans aménagement rural, on ne baisse pas letaux de chômage à l’Est du pays et en zone de montagne. Il a neigé

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en novembre à Bratislava : ceux qui pensent que c’est cela qui va nousamener à fêter Noël en décembre voient un effet là où il n’y a pas decause. Il en va de même pour la PAC : le budget communautaire n’estpas le budget générateur de la PAC : c’est parce que l’on a une vraiepolitique commune que l’on peut mobiliser 0,5 % du PIB des 25 pourles redistribuer entre zones riches et zones pauvres. La PAC est un outilde régulation des marchés et de redistribution des ressources dansl’aire intracommunautaire afin que 7 % des habitants de l’Europenourrissent les 93 % qui vivent en zone urbaine ou péri urbaine, sansrisquer d’être ruinés par des produits concurrents venus d’outre-at-lantique où ils sont largement subventionnés par les autorités fédé-rales. C’est aussi bête que ça. Pour beaucoup de néo-européens, laPAC n’a qu’un seul défaut : ce n’est pas une invention de Milton FRIED-MAN. Ils ignorent certainement que l’École de Chicago a toujours étéfinancée par la Bourse de cette ville, qui a perdu avec la PAC le mono-pole de la fixation mondiale des cours de la viande et des céréales, laprivant par là même de son rôle de deuxième capitale économiquedes Etats-Unis. Ceci explique cela. Mais à Chicago, les universitairesnéo-libéraux avaient la reconnaissance du ventre. Je cherche en vaindepuis trois mois à Bratislava la justification réelle d’une stratégie dontle résultat est en général de rendre les pauvres encore plus pauvres,et de faire travailler des ouvriers locaux pour se nourrir de produitsagricoles qui ont été récoltés à 20000 km de là alors qu’à 200 km dechez eux, on ne récolte plus les pommes de terre par manque de dé-bouchés (2). Comprenne qui pourra…

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(2). Voir Nouvelles de Slovaquie n° 123, « Culture de pommes de terre ».

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Le pire n’est jamais certain– Janvier 2006–

La crainte d’échouer et de ruiner pour longtemps le crédit duRoyaume-Uni auprès des NEM (nouveaux États membres) a finale-ment été plus forte que la pression des tabloïds londoniens sur le Gou-vernement britannique. Donc, Tony BLAIR a accepté de revenirpartiellement sur la ristourne obtenue par Margaret THATCHER il y aplus de vingt ans, et les crédits nécessaires pour le développementdes zones d’objectif 1b (cohésion) ont donc été adoptés pour la pé-riode 2007-2013, dans la configuration souhaitée en juin 2005 par laPrésidence luxembourgeoise.

Nul doute que la Slovaquie va en bénéficier. Cela va en effet se traduirepar la programmation des moyens destinés à un aménagement duterritoire dont le pays manque cruellement, alors qu’il semble se dé-gager lentement de la maladie infantile du néolibéralisme que l’onappelle communément « loi de la jungle », maladie confirmée récem-ment par les résultats de quelques appels d’offres qui ont laissé lessoumissionnaires et les observateurs pantois.

En fait, le décollage économique réel de la Slovaquie n’est tangible quedepuis le début des années 2000, et en 2004, le solde net entre son uti-lisation du budget communautaire et sa contribution était de 0,51 %,alors que la Grèce et le Portugal, pourtant plus riches mais vieux routiersde la subvention communautaire avaient un solde en leur faveur de2,49% et de 2,34%. Pour leur part, les trois États baltes, parrainés depuis1990 par les autres pays riverains de la Baltique, étaient tous bénéficiairesnets en raison de 2,15% (Lituanie), 1,85% (Lettonie) et 1,84% (Estonie).

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Pourquoi ? En premier lieu parce qu’un manque de cohérence dansl’aménagement du territoire se traduit automatiquement par l’impos-sibilité de postuler de façon efficace aux fonds communautaires ditsde cohésion. Il faut se souvenir que pour la période 2004-2006, laCommission européenne, au titre des autorisations de programme, amis à la disposition de la Slovaquie 1,18 milliard d’euros. Au 30 juin,seul 1,87 % avait été consommé. Au 31 décembre, les prévisions lesplus optimistes portaient sur 8%. Comment consommer 92% restantspendant l’année 2006, alors qu’il faudrait déjà entreprendre la miseen œuvre de la programmation 2007-2013?Il est patent que les règles d’attribution des fonds communautairessont compliquées, lourdes, très contrôlées et ne laissent pas de placeà des initiatives non transparentes dans le versement des fonds. Elless’accompagnent de surcroît d’expertises techniques suffisamment ca-drées pour ne pas laisser ensuite de « flou artistique » entre ce qui aété défini par le cahier des charges et ce qui est livré. Ceux qui l’ou-blient se font rappeler à l’ordre par la Cour des Comptes européenneet la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen,deux instances où ne souffle pas le vent de la fantaisie.

En second lieu parce que l’appel à des investisseurs étrangers permetde négocier directement avec celui qui prend le risque d’investir, horscontrôle des instances communautaires.Le scandale RUSKO, dont on découvre dorénavant qu’il ne se limitaitpas à MARKIZA mais s’appliquait aussi à KIA-MOTORS et à HANKOOK acontraint le Gouvernement et le Parlement à réagir et à réduire les « in-citations » financières et fiscales à des proportions raisonnables pour li-miter la part des « retours sur investissement » (pour être poli) dans lespoches personnelles de ceux qui participent au processus d’attribution.Comme par hasard, il faut constater que ces trois sociétés n’étaientpas européennes, mais américaines ou coréennes.

Les nouvelles perspectives budgétaires vont donc ouvrir en grandles robinets de la manne européenne, et peut-être permettre enfin à

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ce pays de s’engager dans la voie des équilibres territoriaux et del’aménagement sur le modèle européen classique. Selon EUROSTAT,20 % des Slovaques vivent encore en dessous du seuil de pauvreté.Ils vivent dans les régions où le besoin d’Europe est le plus criant etle plus utile.

Les Anglais ont ainsi fait preuve d’une conscience politique euro-péenne dont beaucoup, moi le premier, ne les croyaient pas capables.Il appartient aux NEM, et aux plus pauvres parmi lesquels se trouve laSlovaquie, de ne pas les décevoir en utilisant au mieux ces sommesconsidérables dont les Irlandais, les Portugais ou les Grecs ont si biensu profiter avant eux.

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Ouvrage disponible à la vente sur

www.editeur-corse.com

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L’auteur : Jean-Antoine Giansily est né à Ajaccio en 1947.Après des études de philosophie et de sciences économiques,il occupera à partir de 1972 divers postes à l’administrationcentrale du Ministère des Finances comme ContrôleurFinancier. Disciple d’Antoine Pinay, auquel il a consacré unouvrage, il conduit parallèlement une carrière politique, quil’amènera à être élu à Paris en 1983 avec Jacques Chirac. Ilsera ensuite l’adjoint de Jean Tibéri à l’Hôtel de Ville (de 1995

à 2001) et siégera au Parlement européen de 1995 à 1999. En 2001, écœuré par lespratiques qu’il juge profondément débiles de beaucoup de ses collègues de la majoritémunicipale sortante, il renonce à la vie politique et revient au Ministère des Financescomme Conseiller économique et commercial. Il va occuper successivement les postesd’expansion économique d’Istanbul, de 2001 à 2005, puis de Bratislava de 2005 à 2009.Il est aujourd’hui vice-président délégué du Centre International de Formation Européennede Nice, auprès du Président Jean-Claude Juncker.

La Slovaquie est le seul ancien membre du Pacte de Varsovie à avoir réussi sonentrée dans l’euro cinq ans après son adhésion à l’Union Européenne. Ceschroniques, qui vont de l’automne 2005 au printemps 2009, relatent, mois aprèsmois, les efforts réalisés par ce petit pays de 5,4 millions d’habitants, à la fortetradition industrielle, pour intégrer la zone euro. En soulignant, parfois avec unhumour grinçant, les entraves mises sur sa route par les « amis » anglo-saxons,en stigmatisant la cupidité des spéculateurs, et en mettant en exergue despratiques politiques d’un autre âge, l’auteur explique minutieusement ce quia paru, pour beaucoup d’observateurs, comme le miracle slovaque. Malgré lesembûches, le gouvernement socialiste de Robert Fico a relevé le défi, et a réussilà où ses voisins d’Europe centrale ont échoué, démontrant ainsi des qualitésque peu d’observateurs leurs accordaient.« Là où il y a une volonté, il y a un chemin » aurait pu être la devise de cetteéquipe jeune et inexpérimentée, mais qui a su pendant quatre ans, faire le choixde l’intégration européenne, en sachant résister à la pression ultralibérale desbanquiers d’outre-Atlantique.

17 €

ISBN : 978-2-915922-41-7