Chroniques de la BnF - n°43

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chroniques de la Bibliothèque nationale de France N°43 mars/avril 2008 www.bnf.frn Programme culturel en pages centrales Dossier L’accompagnement des jeunes vers les collections Expositions Daumier Sophie Calle Sorbonne-Plage

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chroniquesde la Bibliothèque nationale de France N°43 mars/avril 2008

www.bnf.frn

Programme culturel en pages centrales

Dossier

L’accompagnementdes jeunes vers les collectionsExpositions

DaumierSophie CalleSorbonne-Plage

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a BnF, une fois encore, est présente au Salon du livre,rendez-vous annuel incontournable du monde de l’édition pour y faire connaître son actualité au

public. En étroite collaboration avec le Syndicat nationalde l’édition, elle y propose une innovation : un prototypeexpérimental développé à partir de la nouvelle version de sa bibliothèque numérique, Gallica 2, permettant aux utilisateurs d’accéder gratuitement à des documents dans le domaine public et, moyennant un paiementraisonnable, à des documents sous droits de façon payante.Cette expérimentation financée grâce au soutien financierdu Centre national du livre constitue une avancée majeure vers le développement d’une offre numérique sousdroits, dans le respect de la loi sur le droit d’auteur. La BnF présente aussi dans cette édition 2008 du Salon,un panorama de sa production éditoriale et un aperçu de sa programmation culturelle. L’actualité dans ce domaine est éclectique, puisque la BnF proposesimultanément des expositions de natures diverses. De partet d’autre de la Seine, se font écho deux expositionsrelatives à la caricature : l’une consacrée à l’art d’HonoréDaumier, reconnu de son vivant comme le «Michel-Ange» de la caricature ; l’autre aux héritiers contemporains deDaumier, qui ont bénéficié de l’influence du lithographe,«père » et « frère » de tous les dessinateurs selon Wolinski.Une autre exposition, issue du don généreux fait à la BnFen 2007 des archives d’Irène et de Frédéric Joliot-Curie,montre l’histoire singulière d’un coin de Bretagne élu par un groupe de savants qu’unissaient des convictionscommunes et un engagement passionné dans leur siècle. Enfin, événement exceptionnel, l’exposition de SophieCalle, qui a représenté la France à la Biennale de Venise de 2007 est présentée site Richelieu dans la prestigieuseSalle Labrouste en amicale complicité avec CulturesFranceet l’Inha. Caractéristique des travaux de cette artistecentrés autour d’une mise en scène d’elle-même, Prenezsoin de vous, une lettre de rupture reçue par elle, y est luepar cent neuf femmes.Le dossier de ce numéro de Chroniques est, quant à lui,dédié à l’accompagnement des jeunes publics vers lescollections. Cette médiation revêt une importance capitalepour l’avenir. Elle répond à une forte attente scolaire et périscolaire autant que des familles. Les formes de médiation inventées par la BnF pour les plus jeunesouvrent également des perspectives pour des publics pluslarges, actifs, retraités, familles…, jetant ainsi les basesd’une politique éducative ambitieuse en direction de lanation tout entière, une nouvelle forme de service public.

Bruno Racine,président de la Bibliothèque nationale de France

Sommaire/Éditorial >

Édito

« Chroniques de la Bibliothèque nationale de France » est une publication trimestrielle.Président de la Bibliothèque nationale de France : Bruno Racine. Directrice générale : Jacqueline Sanson. Délégué à la communication : Marc Rassat.Responsable éditoriale : Sylvie lisiecki : [email protected] : [email protected]. Comité éditorial : Viviane Cabannes, Marie-Claire Germanaud, Élizabeth Giuliani,Jean-Loup Graton, Hélène Richard, Anne-Hélène Rigogne, Romuald Ripon,Catherine Vassilieff.Ont collaboré à ce numéro : Martin Andler, Anne Biroleau, Jocelyn Bouraly, Pascal Cordereix, Virginie Gallois, Geoffrey Girost, Stéphanie Groudiev, Noëlle Guibert, Frédérique Joannic-Seta, Françoise Juhel, Sylvie Lisiecki, Gisèle Nedjar,Carine Picaud, Cécile Portier, Michèle Sacquin, Françoise Simeray, Valérie Sueur-Hermel, Thierry Grillet, Dominique Versavel, Anne Zali. Coordination graphique : Françoise Tannières.Iconographie : Sylvie Soulignac.Maquette et révision : . Impression : Stipa ISSN : 1283-8683

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COUVERTUREHonoré Daumier, Galilée très surpris du nouvel aspect qu’offre la surface de la Terre, 1867. BnF/Estampes et photographie

Événements P. 03

Dossier P. 05• L’accompagnement

des jeunes vers les collections

Collections P. 11• La Fille Élisa

• De Gallica à Gallica 2

• Dons Matias et Claire Sombert

Expositions P. 15• Daumier

• Les héritiers de Daumier

• Sophie Calle

• Sorbonne-Plage

Conférences P.21• L’Europe et la fabrique des idées

• Femmes en littérature

• Un texte, un mathématicien

Coopération P. 24• La Bilipo et le CNBDI

Un livre BnF P. 27

Focus P. 28• Bogdan Konopka

L

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souci de représentativité la plus large pos-sible, sans exclusive, sans a priori «quali-tatif », en s’interdisant tout jugement devaleur tant sur les formes éditoriales quesur les contenus, collecter les documentsen l’état, dans la forme sous laquelle ilsont été diffusés à un public à un momentdonné, le dépôt légal est un formidableoutil pour l’histoire de notre société : his-toire de nos goûts, de notre culture; maisaussi : histoire politique, histoire des phé-nomènes de société, etc.Mémoire de notre passé, le dépôt légalest tout autant tourné vers le futur. Entémoigne la loi dite « DADVSI » du1er août 2006 qui institue le dépôt légal«de l’Internet » (formule là aussi un peusimplificatrice). Et à l’heure de la déma-térialisation de la musique notamment,le décret fondateur de 1938 s’en trouverenforcé : du support au «en ligne», la loide 2006 assure, en effet, une continuitédes collections et une continuité des mis-sions de dépôt légal.Dans ce contexte, 2008 sera en quelquesorte l’année du disque à la BnF. Paral-lèlement à un cycle d’initiation à l’his-toire du disque, une journée d’étude s’at-tachera à croiser des approches histo riques,sociologiques, musicales questionnant cessoixante-dix années, avec les interroga-tions des professionnels du disque quantau présent et à l’avenir de ce média.D’autres rencontres sont prévues, avecnotamment un colloque en fin d’annéeautour de l’histoire de l’interprétationmusicale dans ses rapports avec le disque,abordée du triple point de vue des réper-toires, des politiques éditoriales et desévolutions techniques.

Pascal Cordereix

La loi instituant le dépôt légal des«œuvres phonographiques » (du «dis -

que » serions-nous tentés de dire peut-être un peu trop schématiquement) estrestée lettre morte pendant près de trei-ze ans, faute de décret d’application etde structure d’accueil. C’est le 8 avril1938, sous l’impulsion de son ministrede l’Éducation nationale, Jean Zay, quele président de la République, AlbertLebrun, publie un décret instituant une« Phonothèque nationale » (néologismedû à l’homme de lettres Gabriel Timmo-ry) « où seront déposés les documentsphonographiques de toutes catégoriesdestinés à être conservés». Le dépôt légaldu « disque » devient alors une réalité.Tout phonogramme, dès lors qu’il estdiffusé à un public, au-delà du cercle defamille, doit être déposé en deux exem-plaires à la Phonothèque nationale.Soixante-dix ans après, la Phonothèquenationale est devenue le département del’Audiovisuel de la BnF, mais sa missionfondatrice demeure inchangée: collecter,

Les soixante-dix ansdu dépôt légal du « disque » Institué par une loi du 19 mai 1925, le dépôt légal des œuvres phonographiques fête ses soixante-dix ans.

conser ver, signaler, communiquer aupublic de chercheurs le dépôt légal desphonogrammes. Quel regard peut-on porter sur soixante-dix ans de dépôt légal des phono-grammes ? Les chiffres tout d’abord :entre le 25 janvier 1940 (date du premierdépôt effectif) et le 31 décembre 2007,ce sont plus de 610000 références pho-nographiques qui ont été déposées autitre du dépôt légal (et qui continuent del’être). Ce patrimoine unique en songenre est une mémoire irremplaçable del’édition phonographique. Cela est vraidu point de vue de l’évolution des sup-ports : du disque 78 tours aux fichiersnumériques, en passant par le disquemicrosillon, la cassette audio, ou ledisque compact, voire des utopies tech-niques aujourd’hui oubliées comme lacassette Téfi dans les années 1950. Maiscela est tout aussi vrai des contenus: tousles genres éditoriaux qu’ils soient musi-caux ou parlés sont représentés. Dans sadéontologie fondatrice: collecter dans un

Événements >

Premier disque entré par dépôt légal et première page du registre d’entrée.

BnF

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En bref >

À la suite de la nomination de Jacqueline Sansonà la direction générale de la BnF par le présidentBruno Racine en novembre 2007, une nouvelleorganisation a été mise en place avec la nomination de trois directeurs généraux adjoints aux compétences transversales.Arnaud Beaufort, directeur des services et des

réseaux, Denis Bruckmann, directeur des collections et Valérie Vesque-Jeancard,directeur de l’administration et du personnel, ont été nommés directeurs généraux adjoints.Le nouvel organigramme de la BnF estconsultable sur :

Le Petit Palais présente uneexposition consacrée à Goyagraveur. L’évolution de sonœuvre, depuis ses premiers essaisde gravure, en 1778, jusqu’auxlithographies réalisées à la fin desa vie, à Bordeaux, y est retracéeautour des séries phares desCaprices (1797-1799), desDésastres de la guerre (1810-1820)de la Tauromachie (1815-1816) et des Disparates (1816-1823).Plusieurs épreuves d’étatéclairent les étapes successives du travail de l’aquafortiste alorsque la confrontation entre lesépreuves éditées de son vivant et

les éditions posthumes permet demesurer la différence entre lestirages supervisés par l’artiste etles autres. Évoquant les influencesdont Goya a bénéficié,l’exposition prolonge son proposjusqu’à la réception et la fortunede son œuvre gravé au XIXesiècle.Aux deux cent-dix oeuvres dumaître espagnol s’ajoutent ainsiplus de soixante-dix dessins et gravures d’artistes qui, commeDelacroix, Manet et Redon, ontété marqués par son influence.Conçue à partir des collectionsparisiennes, principalement desfonds du Petit Palais (collection

Dutuit) et de l’Institut nationald’histoire de l’art (collectionJacques Doucet), l’expositionbénéficie de la collaboration de la BnF par le prêt d’unecinquantaine de pièces etpar une contribution au catalogueretraçant l’histoire de laconstitution de l’œuvre de Goyaau Cabinet des estampes auXIXesiècle. Le recueil des quatre-vingts planches des Capricesde la collection du baron VivantDenon, acquis en 1827 à sa venteaprès décès, a formé le noyauinitial de la collection que de nombreux artistes de la génération romantique ont puconsulter. Quarante planches de ces belles épreuves de la première édition de 1799 des Caprices sont présentées dansl’exposition. Outre ce fleuron du département des Estampes et de la photographie, d’autrespièces issues de ses collectionssont présentes sur les cimaisesdu Petit Palais parmi lesquelles la première eau-forte connue de Goya, ses premiers essais de lithographies ou encore l’une des rarissimes épreuves du Colosse, acquise en 1869 parla Bibliothèque nationale.

Valérie Sueur-Hermel

Du 13 mars au 8 juin 2007Paris. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Nouvelle organisation de la direction de la BnF

www.bnf.frn

Le 28e Salon du livre, dont Israël est l’invité d’honneur se tient du 14 au 19 mars 2008,Porte de Versailles. La BnF y est présente, comme chaqueannée, au côté des autresgrands établissements culturels.Les visiteurs peuvent ydécouvrir l’offre éditoriale de l’établissement ainsi quecelle de la Joie par les Livres,dont les équipes et les activitéssont intégrées à celles de la BnF depuis le début de l’année2008. Un espace multimédiapermet la consultation del’offre numérique proposée sur le site bnf.fr: Gallica 2, les catalogues, l’offreculturelle : expositionsvirtuelles et dossierspédagogiques, les servicesproposés aux professionnels.Des personnels de laBibliothèque sont constammentà la disposition des visiteurspour leur présenter cette offreet les guider dans leur navigation.Un test original d’offreéditoriale en ligne mené sousl’égide du Syndicat national de l’édition (SNE) avec le concours de quelques éditeursest également proposé auxvisiteurs (cf.P.13).

Salon du livre

L’association a pour missiond’enrichir les collections de la BnF et d’en favoriser le rayonnement. De nombreuxavantages sont accordés aux adhérents. Informations:comptoir d’accueil, siteFrançois-Mitterrand, hall EstTél.: 01 53 79 82 64

www.amisbnf.orgn

Association des amis de la Bibliothèquenationale de France

Goya graveur

Francisco de Goya, Le Colosse, 1808.BnF/Estampes etphotographie

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Dossier >

Si l’offre éducative de la BnF concernait à ses débuts de manière privilégiée les lycéens, elle s’est, depuis l’exposition Bestiaire médiéval(11octobre 2005-8 janvier 2006) largement ouverte aux publics enfants. Aujourd’hui, la Bibliothèque souhaite intensifier encorecette offre, parce qu’elle fait le constat d’une forte attente, aussi bien du milieu scolaire que des structures périscolaires ou des familles. Chemin faisant, il est avéré que les nouvelles formes de médiation inventées pour les plus jeunes, et détaillées dans le présent dossier, permettent de poser les bases d’une politique éducative plus large, à destination de tous les nouveaux publics de la Bibliothèque.

L’accompagnement des jeunes vers les collections

Quoi de neuf à la BnF

L’établissement connaît aujourd’huiun changement profond de son rap-

port au public. Conçue à l’origine commebibliothèque de dernier recours, devantse protéger d’un trop large public, la BnFest désormais, en tant que bibliothèquenumérique de très grande ampleur, enmesure d’offrir de très nombreux conte-nus. À la mesure de ce bouleversement,son public a changé, tant en ligne quesur place, tant qualitativement que quan-titativement. La Bibliothèque souhaitealler encore plus loin dans la diversifica-tion de ses publics. Elle est ainsi condui-te à se poser des questions de médiatisa-tion, d’accès démocratique au savoir,d’augmentation de l’audience de sonoffre, qu’elle n’avait pas jusqu’alors l’oc-casion de se poser. Or, c’est évidemmentavec le public le plus jeune ou avec celuiqui est sociologiquement le plus éloignédes pratiques de bibliothèque, que l’effortde médiatisation doit être le plus impor-tant. C’est un défi passionnant. L’ac-compagnement vers les documents par

une médiation, sur place telle que la pra-tique, à destination des enfants, dans lecadre du temps scolaire ou, pour unemoindre part, en dehors, de celui-ci, leservice de l’action pédagogique de la BnFest un des piliers de l’action de la Biblio-thèque dans ce domaine. Le pari ainsifait est de (re)nouer le lien avec le livre etl’écrit en en dévoilant la part de magie, en privilégiant dans un premier temps lesapproches sensibles de cet univers. Lesrécits d’expériences qui constituent cedossier, la présentation de la future mallepédagogique sur le livre et l’écrit, témoi-gnent de ces tentatives de frayer pour lesplus petits de nouveaux chemins d’accèsaux collections.Le multimédia, également, est riche degrandes potentialités. D’une part, parcequ’en tant que mode de structuration del’accès au savoir, il est au cœur des enjeuxsoulevés par les nouvelles technologies.Dans une période historique qui boule-verse profondément ces accès au savoir,la BnF a un rôle majeur à jouer pour pro-

poser de nouvelles pratiques culturellespermettant de construire du sens face auflux sans fin de textes, d’images et de sonsdisponibles désormais sur Internet. Elledoit le faire aussi sur le terrain même oùce flux grossit. D’autre part, parce que lemultimédia permet d’explorer de maniè-re interactive des documents, de lesconfronter les uns aux autres, d’enrichircette offre documentaire par les com-mentaires des conservateurs, les regardscroisés de la recherche. Il permet parailleurs de proposer à travers ces docu-ments des navigations personnelles selonles publics, les âges, les niveaux, les dis-ciplines, et par là même, il donne les pers-pectives d’un possible développement despropositions pédagogiques à des publicsdiversifiés.Ce dossier permet de montrer toute larichesse des enjeux d’une politique demédiation renouvelée et soucieuse desplus jeunes générations.

Thierry Grillet et Cécile Portier

Visite de la Bibliothèquecommentée par les Dames de la Bibliothèquepour les élèves du primaire.

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Dossier >

Cette nouvelle génération de l’Internetoffre l’occasion aux bibliothèques de

renouveler les relations qu’elles établis-sent avec leurs lecteurs, suscitant descommunautés autour d’un projet, ani-mant ces groupes par une communica-tion ciblée, modulant leurs offres autourde communautés d’intérêts. L’Internetoffre en effet de riches perspectives pourla mise en place de nouvelles pratiquesculturelles en réseau. La BnF met actuellement en place desoutils collaboratifs autour de la nouvelleversion de la bibliothèque numérique.Dans le même temps, elle tente d’expé-rimenter quelques pistes dans le domai-ne éducatif et culturel. Il est ainsi pos-sible de susciter d’authentiques pratiquesculturelles autour des collections de labibliothèque dès le plus jeune âge, et deproposer à chaque fois un travail appro-fondi autour d’une problématique suffi-

samment riche pour mobiliser deséquipes sur une certaine durée. Dans cetravail en réseau, les outils multimédiasne se substituent pas à des dispositifs plustraditionnels de l’action culturelle : laBibliothèque diffuse aussi largementfiches pédagogiques et expositions suraffiches afin de nourrir le travail deséquipes mobilisées sur un projet. L’idéal est de conduire ce type de projettrès en amont, parallèlement à la prépa-ration d’une exposition par exemple, endistillant progressivement aux équipespédagogiques les documents sur lesquelselle s’appuie. Il devient alors possibled’organiser la rencontre entre les collec-tions mises en scène dans une expositionou sous d’autres formes et un publicmotivé, averti, ayant conduit sesrecherches préalables et curieux desréponses que la Bibliothèque peut luiapporter.

Écriture en réseauC’est ainsi qu’à l’occasion de l’exposi-tion La Mer, terreur et fascination, l’écri-vain François Bon a été sollicité par laBnF pour animer un atelier d’écritureen ligne sur le territoire. L’académie deVersailles, l’association Carrefour desécritures et l’École des Lettres étaientpartenaires du projet : « Ce qui a guidéla démarche, précise François Bon : par-tir de l’expérience directe du participantet de la mer. Même minime, même des-criptive, même fugace ou seulement liéeaux loisirs, aux « vacances ». S’ancrerdans ce lien personnel, pour retrouverpar lui quelques grands textes ougrandes pistes de la littérature, et, unefois ces retrouvailles célébrées, s’aven-turer seul dans un imaginaire au pré-sent, où de nouveau compterait la mer,et où le dialogue avec la réflexion et lesdocuments proposés par la Bibliothèque

De nouvelles pratiques culturelles en réseau

Entre 15000 et 17000 élèves et enseignants sont reçuschaque année sur les sitesRichelieu et François-Mitterrand.La découverte matérielle de la Bibliothèque est proposéeselon trois formats, du majusculeau minuscule, du monument à l’objet patrimonial, en passantpar les collections.Voyages dans la Bibliothèque• visites animées et ateliers « les Dames de la Bibliothèque»pour les enfants du primaire,• visites romancées dont les élèves sont les héros pourles collégiens, suivies d’atelierscréatifs,• promenade poétique pour leslycéens et ateliers «projets pourune nouvelle bibliothèque».Apprendre à chercher• initiation méthodologique auxressources documentaires de la BnF pour les lycéens,• présentation des ressourcesnumériques pour les enseignants

et documentalistes.Arrêt sur patrimoine• formations à la lecture d’imagepour les enseignants à partir des expositions de photos du site Richelieu,• autour des Globes deLouis XIV : des visites-ateliersproposées aux élèves du CP à la terminale permettent deréfléchir autour de la carte, de l’observation du monde, des représentations de l’Autre,• autour des expositions :formations et visites guidéespour les enseignants.Visites guidées pour les élèvesAutour de l’exposition Héros ,un atelier sur « la fabrique du héros » invite les élèves à s’interroger sur la place du héros dans les sociétésd’aujourd’hui et peut-être à rêver d’un nouvel Achille ou d’un autre Lancelot…

Sur place : La découverte de la Bibliothèque

La nouvelle génération du web, appelée le web 2.0, ou web interactif, offre de nouveaux outils collaboratifs qui vont permettre l’éclosion de communautésd’usagers. Partager ses ressources bibliographiques, conduire des recherches à plusieurs, élaborer ensemble des outils pédagogiques, échanger sur ses lectures, se créer sa propre bibliothèque virtuelle… de nouveaux usages sont en train de naître, ouvrant aux lecteurs de nouveaux possibles.

La visite de la Bibliothèquecommence autour de la maquette.

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nationale serait refondé par ce lien per-sonnel. » Dans cette expérience, l’Inter-net a permis de relier des établissementsscolaires en France et à l’étranger avecl’exposition La Mer, et que se tisse unlien entre les établissements et l’écrivain.Au terme de trois mois d’ateliers, lesclasses d’Ile-de-France se sont réuniesà la BnF pour échanger et visiter l’ex-position qu’elles ne connaissaient quepar Internet.

Regards sur la villeDans le même esprit d’échange et deconfrontation a été lancé un travail surla ville. À l’occasion de l’expositionconsacrée à Atget, la BnF a proposé unprojet artistique et pédagogique impli-quant les élèves, du CM1 à la termina-le, les étudiants, les jeunes en dehorsdes structures scolaires. Les jeunes ont été invités à porter unregard personnel sur la ville et à revisi-ter des thèmes chers à Atget.Les ministères de la Culture et del’Education nationale, le Scéren-CNDP, la Ligue de l’enseignement, sesont associés à cette opération. Lesjeunes étaient invités à s’appuyer sur les

ressources iconographiques et les pistespédagogiques proposées en ligne pourconcevoir des albums-photos numé-riques sur l’un ou l’autre des cinqthèmes proposés : Aux marges des villes,la zone ; Enseignes, vitrines, mobilierurbain ; Petits boulots, petits métiers ;Les murs ont la parole ; Démolition,reconstruction, la ville en chantier.Ils ont choisi un angle de reportage.Parmi l’ensemble de leurs prises de vue,ils ont sélectionné des photos témoi-gnant d’un regard personnel sur la ville,les ont assemblées selon un fil conduc-teur de manière à construire un propos,renforcé par le commentaire et la miseen forme finale. Les réalisations sont regroupées sur unsite portail. La classe « ambition réussi-te », de Marseille dialogue ainsi avec lefoyer de jeunes travailleurs de Lyon oul’école d’architecture de Paris. De ce dialogue virtuel sont nées des ren-contres réelles à Paris et à Arles.Le regard sur la ville s’élargit en 2007-2008 au regard sur l’autre en prenantappui sur de nouvelles propositions enligne autour des collections photogra-phiques de la Société de géographie.

La BnF propose aux enseignants et aux élèvesdes dossiers pédagogiques autour d’un thème,d’un artiste ou d’une œuvre. Nourris par un ensemble de textes et de documents deréférence, issus des collections de la Bibliothèque, ils constituent une initiation à la démar che de recherche. La Bibliothè quefamiliarise ainsi une jeune génération de lecteursau cheminement dans ses collections, en s’appuyant sur les relais que sont les enseignants de let tres, d’histoire ou d’artsplastiques et tisse un fil continu entre la recherchequi s’élabore dans ses salles de lecture et un public, le plus large possible, désireuxd’apprendre et de comprendre.L’offre pédagogique en ligne représente plus de 35000 pages de dossiers, 12000 imagescommentées, des albums iconographiquesthématiques, des documents à explorer demanière interactive, des audiovisuels, des pistespédagogiques, des ateliers et des jeux, deschronologies, des bibliographies, des recherchesguidées dans Gallica… Avec 33 millions de pages vues et 3300000 visiteurs en 2007,ces dossiers connaissent une audiencecroissante. Les thèmes traités, le plus souvent à l’occasion d’une exposition, s’organisentautour de quatre grands domaines :

le livre et la littérature, l’histoire desreprésentations, l’art et l’architecture et la photographie. Outre la création de quatre ou cinq dossiers par an (en 2007 Atget, regardssur la ville, Livres carolingiens, Héros, Trois Regards sur le Monde avec la Société de géographie…), la Bibliothèque s’attache àdévelopper des pratiques pédagogiques autourde ces dossiers en renforçant sa collaborationavec les instances de l’Éducation nationale etdes partenaires tels le syndicat des professeursdes écoles, le Clemi et le Monde de l’Éducation.

Les dossierspédagogiques sur Internet

http://classes.bnf.fr/n

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De quoi s’agit-il ? Imaginez ungigantesque Intranet reliant à terme12,5 millions d’élèves, 16 millionsde parents, 900 000 professeurs,500000 personnels administratifs.Dans ce réseau, chacun disposerad’un portail personnalisé adapté àses besoins : bureau numérique(annuaire, espace de stockage,agenda, outils bureautiques…),outils de communication (courriel,accès Internet…), services de viescolaire (emploi du temps, notes,absences, information administra-tive…), services pédagogiques etdocumentaires (ressources péda-gogiques, dictionnaires et bases dedonnées, outils de création, depublication et de collaboration…).Ces fonctions seront accessibles àpartir d’une identification unique,depuis n’importe quel poste à l’in-térieur de l’établissement, maisaussi depuis l’extérieur : domicile,lieux d’accès public, etc.

Concrètement, chaque parent pour -ra vérifier notes, emploi du tempset menu de cantine, mais surtout,l’enseignant pourra construire soncours en s’appuyant sur des res-sources documentaires, proposerun devoir impliquant exploration dedocuments, comparaisons d’ima -ges, recherches documentaires quel’élève trouvera dans son cartablevirtuel. Il disposera d’outils pour élaborer sa réponse, éventuelle-ment en mutualisant son travailavec quelques camarades, parfoisavec le soutien personnalisé de son enseignant. Ces perspectivesouvrent évidemment un vastechamp d’action pour la BnF qui sefixe clairement pour objectif d’êtredisponible sur le bureau de chaqueenseignant et dans le cartable élec-tronique de chaque élève avec descontenus et des outils adaptés.Et ceci dans un avenir proche car300 000 élèves du secondaire uti-

lisent déjà couramment les Espacesnumériques de travail. Au-delà desdossiers pédagogiques déjà enligne, l’objectif est de créer unebase de ressources structurée dansle domaine du livre et de l’écrit, de l’histoire des représentations et del’approche de l’image et des outilscollaboratifs permettant aux ensei-gnants et aux élèves de les utiliser.L’enjeu est important : il s’agit eneffet de rendre accessible pourchaque enfant un socle culturel fondamental, au cœur de la culturede l’humanité – l’aventure des écri-tures, l’histoire du livre, l’histoiredes représentations, l’histoire dufait religieux – en confrontant lescultures de manière à faire place à toutes les origines culturelles mais aussi à créer un socle commun.Cet objectif rejoint les priorités du ministère de l’Éducation natio-nale au sein du socle commun des connaissances.

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Dossier >

La BnF dansle cartable de chaque élèveDepuis 2002, le ministère de l’Éducation nationale s’est engagé dans la mise en œuvre d’un Espacenumérique des savoirs, qui constitue un réseau de diffusion en ligne des ressources numériques pédagogiques,et, en partenariat avec les collectivités territoriales, dans le développement des Espaces numériques de travail.

Élargir les publics et les pratiques L’éducation au patrimoineimplique une relation vivante avecl’institution qui en est dépositaire.Celle-ci passe par une médiation à visage humain dont les stratégieset les modes ont à être enpermanence réinterrogés voireréinventés. L’accueil de très jeunesenfants dans le cadre de partenariatsavec des centres de loisirs ou avecle Secours populaire, comme les ateliers du livre organisés surquinze jours avec des collégiens de banlieue dans le cadre du dispositif École ouverte ont, en 2007, amené le service d’actionpédagogique à explorer d’autreschemins d’accès au livre et à la Bibliothèque : découverte descoulisses de la Bibliothèque et deses métiers de restauration, atelierd’improvisation calligraphique,enquête poétique dans l’expositionRené Char, écriture d’un conte sur la bibliothèque, réalisation d’un«vrai » livre avec l’aide d’un écrivain ont été autant demoments magiques.Dans le même temps, une action endirection des enseignants de prisonsa été mise en place. En février2007, une convention a été établieentre la BnF et l’Unité pédagogiquerégionale des services pénitentiaires(320 enseignants, 6000 élèves)visant à faciliter l’accès à la cultureet aux savoirs pour les personnesdétenues en prenant appui sur les ressources du site pédagogiquede la BnF. Après une premièreexpérience menée avec l’équipeenseignante de la maison d’arrêt de la Santé autour du thème de la famille, un deuxième projet a été lancé cet automne autour de l’écriture et du voyage et desmodules de formation à l’histoiredes écritures ont été mis en placepour les enseignants afin de les soutenir dans leur travail avecles détenus et de coopérer à sonrayonnement dans l’ensemble duréseau des lycées pénitentiaires.

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La malle pédagogiqued’initiation au livre

Construire à destination des jeunespublics (8-12 ans) et particulièrement

des publics « empêchés » ou éloignés despratiques culturelles traditionnelles, uneoffre permanente, sous forme d’ateliers àgéométrie variable permettant de tou-cher, voir, comprendre le livre dans tousses états au fil des époques et des culturesest l’enjeu d’un projet pédagogique enchantier depuis le mois de novembre2006 qui devrait s’achever avant l’été 2008.Une malle mobile en deux tomes degrand format implantée dans le HallOuest du site François-Mitterrand etconçue par Yorane et Delphine Lebovi-ci sur le modèle de deux malles qu’ils ontprécédemment réalisées à l’automne der-nier pour le musée Guimet, rendra vivantl’univers mystérieux du livre et invitera àentrer dans ses évolutions et révolutionssuccessives : des lointaines tablettes d’ar-gile de l’antiquité sumérienne aux e.bookdu XXIe siècle, en passant par le rouleaude papyrus, le codex manuscrit et le livreimprimé, jusqu’aux formes singulièresinventées par notre modernité pour ins-truire la question toujours vivante de sespossibles avenirs. Sans oublier d’autresformes, plus «orientales » du livre, rou-leaux chinois sur soie ou sur papier, ôlesindiennes ou livres-accordéon javanaissur écorce d’agalloche…Mais il s’agit aussi de retrouver le goûtpour la lecture et ses géographies imagi-naires, de plonger dans la mer des his-toires pour y éprouver peur, effroi, joies,éblouissements et peut-être réinventerde nouvelles postures de lecture critiquesou distanciées, rêveuses ou émerveillées.La malle proposera des matériaux à tou-cher, des illustrations, des récits àentendre, des bruits, des odeurs mais

aussi des parcours et des jeux permettantde questionner et de construire. Elle estconçue pour accueillir simultanément ungroupe de trente enfants. Pour qu’ilspuissent participer activement aux pro-positions d’atelier, elle est divisée en deuxtomes.

Les tomesLE PREMIER TOME organisé autour del’«écriture » du livre, de sa fabrique à tra-vers les âges et les cultures, rassemblequatre voyages autonomes : à Alexan-drie au IIIe siècle avant notre ère, àParis au XIVe siècle dans la « librairie » deCharles V, dans la librairie de Mon-taigne au XVIe siècle, sur la carte dumonde enfin, à travers « tous les temps ettous les univers ».LE DEUXIÈME TOME se fédè-re autour des 1001bonheurs de la lectu-re à partir de cinqgrands textes : leRoman de Renart, leLivre des Merveilles,les Mille et Une Nuits,Cendrillon, le Vo y agede Bougainville.Les ressources im por -tantes contenues dansles deux malles permet-tent à une même classe detravailler sur plusieursséquences et de développerainsi des liens privilégiés avec laBibliothèque, ses espaces, ses collec-tions, ses métiers. L’articulation avec lesite pédagogique en ligne offre la possi-bilité de préparer ou de prolonger la visi-te mais aussi d’ouvrir la proposition à despublics sans mobilité (prison, hôpital).

Enfin, la réalisation de mallettes théma-tiques plus faciles à transporter pourraitdonner à ce projet une ampleur nationa-le à travers un dispositif de prêts.

Voyages dans les univers du livre

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Dossier >

Les enfants sont déjà un public privilégiéde la politique culturelle en ligne

de la Bibliothèque mais ils sont jusqu’àprésent touchés par le biais de leurs enseignants. En ouvrant un sitedirectement destiné aux plus jeunes, la Bibliothèque souhaite s’appuyer sur la fascination du jeune public pour le multimédia afin de le conduire demanière ludique vers des univers moinsfaciles : le livre et l’écrit, l’histoire desreprésentations, la lecture d’images… Ce site devrait prendre place dans lesespaces numériques de travail des écolesafin de contribuer à l’émergence d’uneculture commune là où les enfants sonttous rassemblés, à l’école. Il devrait par ailleurs contribuer à éviter que ne se creuse une fracture numérique enproposant des outils gratuits, accessibles à toutes les associations, municipalités,centres de loisirs qui souhaiteront initiertrès tôt un jeune public à des pratiquesculturelles sur Internet.

Le public viséLe site s’adresse à un public de jeunes de 8 à 12 ans. L’enfant doit pouvoir se débrouiller seul, qu’il soit en famille,dans un atelier mis en place par uneassociation ou dans le contexte de la classe. Il proposera toutefois unegamme plus limitée de jeux et ateliersdécouvertes pour les très jeunes enfants.Ces programmes permettront aux pluspetits de maîtriser l’usage de l’ordinateur, le clavier, la souris, à partir des collectionsBnF. Ils proposeront de premièresapproches du livre et de l’écrit.

Le conceptIl s’agit de la Très Grande Bibliothèquedes plus petits ; on y trouve salles delectures, cabinets de curiosité, galeries desimages, auditoriums, coffre aux trésors,magasins des secrets, labyrinthes,chambres des histoires… Ces divers lieuxont chacun une âme, rassemblent des ressources, des surprises, des jeux, des itinéraires, des outils pour fabriquer et communiquer…

Le contenu du site• Des ressources: une base de donnéesregroupe des dossiers iconographiques,des récits, des images à explorer, deslivres à feuilleter, des trésors à découvrir,des secrets à déchiffrer…• Des parcours-découverte : conçuscomme des voyages au sein

de messages autour des écritures…• Des ateliers : le site laisse à dispositiondes outils de réalisation pour mettre enpage, réaliser un livre, écrire une histoire,concevoir un album ou une exposition,créer une carte postale…• Des outils de communication: ils’agit de pouvoir partager ses découverteset ses réalisations, en les rendantpubliques ou en les adressant à un ami.• La mascotte : un personnageaccompagne l’enfant dans sesdécouvertes, lui prodiguant conseils etencouragements. Il guide, explique, félicite.

Un site destiné aux enfants fin 2008

Dossier coordonné par Cécile Portier et réalisé par Anne Zali et Françoise Juhel. Photographies : Gisèle Nedjar.

de la Bibliothèque, ils conduisent l’enfant à travers jeux, surprises, rencontres… à découvrir un sujet. Les premiers voyagesaccompagneront la malle pédagogique sur l’histoire du livre et l’exposition sur les livres d’enfants. Les thèmes suivantsconcerneront l’histoire des écritures, les représentations du ciel et de la Terre, la photographie, le bestiaire, la représentation du corps humain.• Des jeux: ces jeux sont tous en rapportavec les thématiques et les collections dela BnF: jeux de lettres autour desabécédaires, jeux de codages et décodages Enfant s’initiant à

la cartographie dansle Hall des globes

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Chroniques de la BnF - n°43 - 11

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fantasmagorie et sans cauchemar, par la seule proscription du mensonge et la volonté de dire tout le réel, Lautrec a créé des œuvres terrifiantes, projeté la plus cruelle lumière sur un des enfersde misère et de vice abrités par notrefaçade de civilisation. […] L’artiste medisait son désir d’illustrer La Fille Élisa. Je souhaite qu’il réalise son projet.L’admirable livre humain de Goncourtqui a déjà si bien inspiré Jeanniot(1), peutcomporter la terrible documentation de Toulouse-Lautrec. » C’est à MauriceJoyant, l’ami de plus en plus fidèle, qu’ilrevient d’impulser le projet. Anciencondisciple de Lautrec, successeur de Théo Van Gogh à la galerie Boussod-Valadon où il organise en 1893 la première exposition personnelle de l’artiste, Maurice Joyant n’a de cessede presser Lautrec et, à cette fin, luiremet un exemplaire de l’édition originaledu roman. C’est donc très probablementà partir de janvier 1896 que Lautrecexécute en tête et fin de chapitres ainsique dans les marges de cet exemplaireonze aquarelles et cinq dessins au crayon.Les aquarelles présentent un caractèretrès avancé voire fini, ce qui n’est pas le cas des dessins crayonnés qui sont austade de l’ébauche. Lautrec illustre le texte à la lettre mais ses dessins ne sontpas sans évoquer certaines de ses peintures. L’entreprise s’interrompt à la page 57 correspondant au début du chapitre XII. Plusieurs causes peuventêtre invoquées pour expliquer cerenoncement. Voulant « commenterfidèlement » le roman, l’artiste a pu sesentir prisonnier du texte écrit de surcroît

vingt ans plus tôt. Par ailleurs, l’hostilitéexprimée par Goncourt dans son Journalà l’égard de cet «homuncule ridicule, dontla déformation caricaturale semble serefléter dans chacun des ses dessins(2) » n’a probablement pas échappé à Lautrec. Le projet avorté trouve finalement sonexutoire dans l’album Elles, suite de onzelithographies consacrée à la vie desfemmes de maisons closes, exposé à partirdu 22 avril 1896 à la galerie La Plume.Reste une dernière question : quelle étaitdans l’esprit de l’artiste la destinée de ces illustrations? Montrer à Edmondde Goncourt une possible illustration de son roman, puisée à la même source,le «document humain» ? Ou bien était-ceun exercice personnel, un carnetd’études ? Ou bien encore, ces aquarellessont-elles un premier état d’une éditionillustrée en chromotypie, techniquenouvelle à laquelle Joyant, directeur du Figaro illustré, avait initié Lautrec etque ce dernier pratique en 1895-1896 pour illustrer de courts textes de RomainCoolus. Maurice Joyant conservaprécieusement cet exemplaire orné par le peintre. À sa mort, la pièce passa à sacollaboratrice Madeleine Dortu qui, en1931, en fit une reproduction en fac-similétirée à 175 exemplaires. Ce témoignageexceptionnel d’un projet manifestementcher à l’artiste parce qu’au cœur d’un de ses thèmes de prédilection estdésormais conservé à la Réserve des livresrares de la BnF. Carine Picaud

(1) Georges Jeanniot réalise en 1895 dix eaux-forteset soixante vignettes gravées sur bois pour l’éditeurTestard(2) Journal, 20 avril 1896.

Classé trésor national en 2005, le roman naturaliste d’Edmond deGoncourt, La Fille Élisa, illustré parToulouse-Lautrec a pu être acquisgrâce au Fonds du patrimoine et au legs Pasteur Vallery-Radot. Il estdésormais conservé à la Réserve des livres rares de la BnF.

Edmond de GoncourtLa Fille Élisaroman illustré parHenri de Toulouse-Lautrec. BnF/Réservedes Livres rares

rtiste majeur du XIXe siècle, Henri de Toulouse-Lautrec est plus connuen qualité de peintre et affichiste

qu’en tant qu’illustrateur. Si l’on excepteles couvertures de livres qu’il a dessinées,ses dessins de presse ainsi que les deuxalbums que sont Le Café-concert et YvetteGuilbert, les livres qu’il a illustrés sont au nombre de deux: les Histoires naturellesde Jules Renard et Au pied du Sinaï deClémenceau, pour lesquels il réalise des lithographies en 1897. L’illustration du roman d’Edmond de Goncourt, La Fille Élisa, aurait dû être le troisièmelivre de l’artiste et chronologiquementpeut-être le premier. Ce projetd’illustration est, en effet, ancien. Seloncertains biographes, il remonterait au toutdébut de l’année 1891. Publié en 1877, le roman naturaliste de Goncourt peignantla prostitution et l’univers carcéral fémininavait un goût sulfureux. En dépit desinquiétudes de l’auteur abondammentexprimées dans son Journal, le livre ne futpas poursuivi. Mais la censure frappal’adaptation théâtrale qu’en fit JeanAjalbert treize années plus tard. Lautrec a-t-il assisté à l’une des représentations ouest-ce seulement le scandale de l’interditqui le conduit au roman? Quoi qu’il ensoit, il semble avoir en tête le projetd’illustrer le livre lorsqu’il élit domiciledans les maisons closes du quartier de la Bibliothèque nationale pour observer,dessiner et peindre une quarantaine de tableaux donnant à voir les coulisses etl’intimité des filles. Le fruit de ce travailest exposé confidentiellement galerieManzi-Joyant en janvier 1896. Au premierétage, dans une salle fermée à clé dontl’accès est réservé aux seuls amis, sontprésentées ses «peintures de bordels ».Gustave Geffroy en fait l’éloge dans La Vie artistique du 14 janvier : «Le soucide la vérité est ici le maître, plus fort quetoutes les curiosités et toutes lesintentions de ceux qui regardent. Sans

A

La Fille Élisa

BnF

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De Gallica à Gallica 2, l’évolution de la bibliothèque numérique de la BnF

La page d’accueil de Gallica 2.

et de nouveaux outils pour accompagnerleur démarche de consultation. Gallica2(http://gallica2.bnf.fr), en ligne depuis octobre 2007, entend répondre à ces enjeux : plusieurs versions de ce siteseront proposées tout au long de l’année2008 pour finir par remplacer, fin 2008,l’ancien site Gallica désormais périmé.Gallica2 est fonctionnellement ettechniquement l’héritier du prototypeEuropeana, développé sur demande de la présidence de la République pour offriraux partenaires européens un modèlepréfigurant une bibliothèque numériqueeuropéenne. Présenté par la BnF auSalon du livre 2007, ce site(2) permettaitl’accès à 7000documents numérisés enmode image et en mode texte par la BnF,ainsi qu’à 5000documents issus descollections numériques des bibliothèquesnationales de Hongrie et du Portugal.Europeana(3) a, en outre, servi delaboratoire pour expérimenter de nouvelles fonctionnalités, comme larecherche plein texte sur chacun des motsdes livres, la possibilité de créer un espacepersonnel et d’insérer des marque-pagesvirtuels(4) : Gallica2 intègre ces principalesinnovations, dont l’intérêt a été soulignépar une enquête de public menée par lasociété Orouk au 1er semestre 2007(5). Le site Gallica2 répond tout d’abord àune nouvelle charte graphique, qui sera déclinée dans les mois à venir surl’ensemble des sites de la BnF. Ses deuxprincipales innovations portent surl’intégration de la numérisation en modetexte de la quasi-totalité des documentsimprimés, jusque-là numérisés en modeimage et sur la mise en place d’un espacepersonnel offert aux internautes. Pourpermettre la recherche en mode texte,l’ensemble des documents, d’ores et déjàaccessibles en mode image dans Gallicaet postérieurs à 1750, font l’objet d’unmarché de traitement rétrospectifconsistant à passer des logiciels dereconnaissance optique des caractères(6).Dès lors que la qualité de cettereconnaissance aura été jugéesatisfaisante, le mode texte sera rendu

visible aux utilisateurs, qui pourront alorsfaire des copiés/collés vers leurs propresapplications. L’internaute pourraégalement choisir de faire sa recherchetextuelle sur l’ensemble des documents en mode texte de Gallica2 (recherchesimple), sur un ensemble de documentsidentifiés, par exemple, par un critère de date ou de discipline (rechercheavancée) ou au sein du seul livre qu’il esten train de consulter.L’espace personnel s’enrichira au fil des versions. Il constitue une premièreétape vers la mise en place d’espacescollaboratifs offerts aux chercheurs.L’internaute peut se constituer unebibliothèque classée et raisonnée en sélectionnant ses documents préférés ;il peut ajouter sur une page des étiquettesou « tags » et, à terme, des commentairessur ses documents. Il pourra en outreparamétrer un certain nombre de préférences, et notamment gérer desfils RSS par discipline lui permettant dese tenir informé des nouveaux documentsmis en ligne. L’ensemble des types dedocuments présents à ce jour dans Gallicaa vocation à être consulté à la fin de 2008dans Gallica2 : livres et images le sontd’ores et déjà par le biais d’un nouveloutil de visualisation conçu spécialementpour Gallica2. Les revues et la presseintégreront le site à la fin du premiersemestre 2008; archives sonores, cartes et plans et documents manuscrits offerts à la consultation dans Gallica2 à la fin de l’année 2008.

Un volet éditorialLe site Gallica2 comprendra un voletéditorial permettant de valoriser descorpus autour d’une thématiquespécifique, d’un espace géographique,d’un fonds ou d’un auteur : il importera à ce niveau de mettre en regard lesdocuments numérisés par la BnF et ceuxmis en ligne par les bibliothèquespartenaires, mais aussi d’élargir vers lesautres ressources disponibles : documentsconsultables en salles de lecture à la BnF,sites Internet, etc. Cette mise en réseau

e nombre de documents deGallica2, déjà considérable, seraencore augmenté dans les années

à venir. Un marché de numérisation de masse de 300000 imprimés, financé –via le Centre national du Livre – par une taxe parafiscale sur les appareils de reproduction, a été lancé. Il permettrade compléter les collections numériquesautour de plusieurs axes documentaires.On peut citer ainsi l’histoire de France;l’histoire coloniale ; les sources du droit ;les sciences naturelles ; la médecine ; les langues de France ; la littérature dejeunesse ou la poésie et le théâtre français.La bibliothèque numérique s’enrichira de la numérisation produite à des fins de sauvegarde par les ateliers internes de la BnF: documents manuscrits,iconographiques ou sonores(1). Enfin, le programme de numérisation de la presse,lancé en 2005 et concrétisé à ce jour par la mise en ligne de L’Humanité, La Croix,Le Figaro, Le Temps, La Presse, Le Journal desdébats et l’Ouest-éclair, se poursuit également.

Une nouvelle version de Gallica : Gallica 2Bien que connaissant un incontestablesuccès, la version du site datée de 2000 se devait d’être modernisée et de pouvoiroffrir aux internautes de nouveauxmoyens d’accès aux documents numérisés

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Riche au 1er janvier 2008 de près de 350000 documents — 100000 images, 250000 documents imprimés en mode image, fascicules de presse compris, et plus de trente heures de sons, la bibliothèque numérique de la BnF, Gallica (http://gallica.bnf.fr) est visitéechaque année par 2 millions de visiteurs qui consultent quelque 16 millions de documents en ligne.

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Chroniques de la BnF - n°43 - 13

des documents ne constitue qu’unepremière étape : un partenariat a étéconclu entre la BnF et France Telecom,pour ouvrir Gallica aux avancées du websémantique. L’une des pistes de travailconsisterait à offrir pour chaque documentdes rebonds vers des ouvrages relevantdes mêmes notions, que ce soit d’œuvre

(offrir tout Faust, ouvrages, musique,livrets d’opéra, iconographie, quelles quesoient les éditions) ou de concept. Estégalement en jeu la possibilité de rebondirà partir d’un ouvrage vers les documentscités dans cet ouvrage… Tout un champde recherche serait ainsi offert auxinternautes ! Cet ensemble ne prendratout son sens qu’en y incluant à la fois des documents récents et en faisant la synthèse des documents patrimoniauxnumérisés en France : une bibliothèquenumérique française est à créer, quiconstituera une étape intermédiaire versla bibliothèque numérique européenne et reposera sur une interopérabilité entredes partenaires publics, dont la BnF, et des partenaires privés, les éditeurs. Cette interopérabilité existe déjà dansGallica, où les utilisateurs peuventconsulter, outre les documents de la BnF,les documents de Medic@ (Bibliothèqueinteruniversitaire de médecine), des bibliothèques virtuelles humanistes(Centre d’études supérieures de laRenaissance), du Cnam (Conservatoirenational des arts et métiers) et du service

commun de la documentation del’université Louis-Pasteur de Strasbourg,soit 5000documents. Gallica2 poursuivracette ambition d’offrir aux utilisateurs des accès fédérés aux documentspatrimoniaux. Les enjeux portentégalement aujourd’hui sur le développementd’une offre numérique sous droits, dans le respect de la loi sur le droit d’auteur.

Frédérique Joannic-Seta

(1) La BnF a en effet choisi d’abandonnerprogressivement le recours à l’argentique(microfilm/microfiche) pour sa politique desauvegarde, au profit du numérique. L’ensemble des marchés de numérisation répond également à ce double objectif de diffusion et de conservation.(2) La BnF a d’ailleurs livré l’intégralité de ceprototype aux équipes chargées du développementdu projet EDL, qui devrait voir le jour en novembre 2008 : la reprise du nom Europeana,terme cédé par la BnF à la Commissioneuropéenne, vient d’en être validé.(3)Europeana a été fermé définitivement. (4) Le terme retenu en français, traduction de « tags», est «étiquettes » ;(5) L’ensemble des résultats de cette enquête est disponible à l’adresse :http://bibnum/usages/index.html. (6) Ou OCR (optical recognition caractere)(7) Le document est consultable en ligne àl’adresse : http://www.bnf.fr/pages/catalog/pdf/EUROPEANA-NUMILOG2007.pdf.

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En mars 2008, à la suite des conclusions exposées,notamment par Olivier Zwirn dans son Étude en vue de l’élaboration d’un modèle économique de participationdes éditeurs à la Bibliothèque numérique européenne(7), la BnF et le Syndicat national des éditeurs proposent au Salon du livre un prototype, développé à partir de Gallica 2 par les équipes de la BnF, permettant auxutilisateurs d’accéder simultanément à des documentsdans le domaine public en accès gratuit et à desdocuments sous droits, consultables de façon payante surles plates-formes de diffusion. Cette expérimentation,financée également sur crédits du Centre national du livre,ne concerne pour l’instant que les monographies. Il nerestera « plus » qu’à concrétiser cette expérimentation en élargissant les partenaires et les titres proposés. Un programme pour les semaines et les mois à venir…

UN PROTOTYPE D’ACCÈS AUX DOCUMENTSPRÉSENTÉ AU SALON DU LIVRE

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14 - Chroniques de la BnF - n°43

Don de costumes de Claire Sombert

danse, 1956), et a fait de nombreuses créationscontemporaines avec notamment Roland Petit(Le Loup, 1953), Maurice Béjart (Prométhée,1956), Dirk Sanders (L’Emprise, 1957) et SergeLifar (La Dame de Pique, 1960). Elle a été ins-pectrice de la Danse de la Ville de Paris entre1980 et 1999. La collection de Claire Sombert,comprenant environ cent-cinquante pièces decostumes, offre une vision variée de son travailau travers de nombreuses productions. Sa col-laboration avec Roland Petit est évoquée pardes costumes de Christian Bérard pour Le JeuneHomme et la mort, sur un argument de JeanCocteau. Claire Sombert reprend le rôle en1955 auprès de Jean Babilée. Produit par le fes-tival d’Enghien en 1957, Hamlet ou le noble fouchorégraphié par Serge Lifar présente les cos-tumes de Georges Wakhévitch pour NinaVyroubova (tenant le rôle d’Hamlet) et ClaireSombert (celui d’Ophélie). En complément dece riche palmarès, l’activité de Claire Sombertcomme inspectrice de la danse auprès de laMairie de Paris est illustrée par des costumespour ballets d’enfants dont certains conçus parFrançois Ganeau.

Noëlle Guibert

ortés par Claire Sombert, Nina Vyrou-bova, Jean Babilée et les interprètes desballets d’Enghien, les costumes récem-

ment entrés au département des Arts du spec-tacle, conçus, entre autres, par Georges Wakhé-vitch, Michel Drach, François Ganeau,Jean-Denis Malclès complètent la collectionde costumes de ballet, enrichie auparavant parceux de Nina Vyroubova. Claire Sombert a mené une carrière indépen-dante et internationale, aussi bien dans ledomaine de la création contemporaine quedans le répertoire classique (Le Lac des cygnes,Giselle, Suite en blanc, Casse-Noisette). Forméepar les maîtres Brieux et Gsovski, et mesdamesRousanne et Preobrajenskaya, elle fait sesdébuts à Lausanne en 1950 puis entre dans lacompagnie de Janine Charrat où elle danse Pas-sage de l’étoile, sur un argument de Gilles, leparolier du duo Gilles et Julien. Elle danse dansles troupes du Marquis de Cuevas, RolandPetit (1953-1954), Milorad Miskovitch (1956)et Jean Babilée (1957-1959), travaille avecMichel Bruel en Russie (1968) et de 1972 à1974, est étoile du Ballet du Rhin. Elle a danséà Hollywood avec Gene Kelly (Invitation à la

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La danseuse Claire Sombert et le producteur des ballets d’Enghien, Gérard Sayaret,viennent de faire don à la BnF d’un ensemble de costumes de scène.

Au début de l’année 2007, le départementdes Arts du Spectacle s’est enrichi d’unensemble de documents qui constitue unpanorama quasi complet du travail de Matias,décorateur de spectacles récemmentdisparu. Il vient s’ajouter aux pièces déjàprésentes dans le fonds Renaud-Barrault.

Favorisé par Jean-Pierre Dauriac, ce don a étéremis par Jacques Crozet, proche collaborateurde l’artiste, en accord avec la famille de Matias.Il comprend plus de neuf cents maquettes planes et onze maquettes en volume réaliséespar le décorateur. Sont également entrées des archives, constituées d’ouvrages, deprogrammes, d’affiches et de coupures de presseen relation avec les spectacles scénographiés de Matias. Le peintre et décorateur CharlesHenrioud dit «Matias», est né à Yverdon (Suisse)le 22 novembre 1926. Il s’est installé à Paris en1950 et y a vécu jusqu’à sa mort le 10 août 2006. Il commence sa carrière comme illustrateur de livres pour enfants. À partir de 1960, grâce à son travail de décorateur de spectacles, il noue des amitiés et des collaborations artistiques avec des auteurs dramatiques (Robert Pinget etSamuel Beckett notamment), des metteurs en scène et des comédiens (Jean-Louis Barrault,Roger Blin, Jean-Marie-Serreau, LaurentTerzieff, etc.), dont il épouse les textes et les esthétiques. Jusqu’en 1986, il décore plus de soixante-dix spectacles : théâtre, cinéma,opéra, music-hall. Ses maquettes, dans lesquellestransparaît une sensibilité marquée par sesorigines germaniques(plusieurs productionsqu’il décore sontd’ailleurs destinées à la Suisse et à l’Allemagne), sontstylisées, élégantes,d’une précisionrigoureuse, accompagnéesd’annotations (pour les décors), d’études de matières etd’échantillons de tissus(pour les costumes), etrévèlent une inspirationsans cesse renouvelée.En 1970, la galerieProscenium, rue deSeine à Paris, consacreson exposition d’inauguration à Matiasdécorateur, présentant ses maquettes de décorset de costumes pour les pièces de SamuelBeckett et pour le Rabelais monté par Jean-LouisBarrault en 1968 à l’Élysée Montmartre.Parallèlement à son activité scénographique,Matias mène une carrière de peintre, à laquelleil se consacrera totalement, de 1986 à sa mort.

Claire Sombert dansAntar, chorégraphie de Victor Gsovsky sur une musique de Rimsky-Korsakov,décors et costumes de Jacques Defradat,création au Casinod’Enghien, 2 juin 1955.

BnF/Arts du spectacle

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Maquette de costumepour Grippeminaud(Jacques Alaric) dans Rabelais.

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Matias,décorateur de spectacles

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Chroniques de la BnF - n°43 - 15

Daumier,l’écriture dulithographeLe 26 février 1808, naissait Honoré Daumier. La BnF célèbre ce bicentenaire par une expositionconsacrée à l’œuvre lithographié de l’artiste.

coloriste en noir et blanc, paradoxe queBaudelaire relevait dès 1847 : «Ses litho-graphies et ses dessins sur bois éveillentdes idées de couleur. Son crayon contientautre chose que du noir bon à délimiterles contours. Il fait deviner la couleurcomme la pensée ; or c’est le signe d’unart supérieur, et que tous les artistes intel-ligents ont clairement vu dans sesouvrages(1). » Il a développé, au fil desannées, une véritable écriture lithogra-phique, tant son dessin semble naturel etspontané : « Il dessinait sans efforts,presque aussi rapidement et aussi déli-bérément qu’on écrit », notait ArsèneAlexandre(2), en 1888. Intimement liées àl’art de la caricature, la concision et larapidité d’exécution de ses lithographiesne sont pas les seuls caractères de la gra-phie de Daumier. L’efficacité de la com-position, la vigueur du trait, l’expressivi-té de la ligne, l’instantanéité du rendu du

mouvement, la puissance des contrastesd’ombre et de lumière et surtout la maî-trise des spécificités du dessin sur pierrey participent de manière tout aussi capi-tale. Au-delà du seul caricaturiste, ce sontces qualités plastiques associées à des par-tis pris esthétiques originaux, d’unemodernité souvent déroutante pour sonépoque, que l’exposition s’attache àmettre en valeur.Le fonds Daumier du département desEstampes et de la photographie, riche dela quasi-totalité des 4000 pièces qui com-posent l’œuvre, constitue, par sa qualitémême, un hommage à la création dulithographe. Grâce à la loi sur le dépôtlégal qui, dès 1817, s’applique au toutnouveau procédé d’impression qu’est lalithographie, le département conserveune double suite presque complète de laproduction du lithographe dans desépreuves sur blanc, qui, contrairement

Honoré DaumierQuand il y a trentedegrés de chaleur,1847. BnF, Estampeset photographie

Longtemps enfermé dans sa seuleréputation de caricaturiste, qui ne lui

valut pas moins d’être reconnu de sonvivant comme le «Michel-Ange de la cari-cature», Daumier a bénéficié tardivementde la reconnaissance de l’ampleur de sestalents d’artiste. Lorsque la Bibliothèquenationale célébrait, en 1958, le 150e anni-versaire de sa naissance, par une exposi-tion consacrée au « peintre-graveur », lepropos de son principal organisateur,Jean Adhémar, était de présenter dansune même continuité chronologique tousles modes d’expression de l’artiste : pein-tures, dessins, sculptures, lithographieset gravures sur bois. L’importante rétrospective qui lui futconsacrée en 1999 et 2000 à Paris,Washington et Ottawa, reprenait cetambitieux programme et contribuait àdonner à Daumier une véritable statured’artiste, assortie de la place qui luirevient dans l’histoire de l’art.Parmi les moyens d’expression qu’ilexplora, la lithographie l’emporte sur tousles autres tant par l’assiduité avec laquel-le il s’y adonna pendant les quaranteannées que dura sa carrière de dessina-teur pour la presse que par la manièredont il est parvenu à s’approprier la tech-nique en l’enrichissant de ses recherchespicturales et sculpturales.Inventée en 1898 et introduite en Fran-ce à partir de 1815, la lithographie offraitla possibilité d’une diffusion plus largedes images, à un moindre coût, mais sur-tout permettait aux artistes, grâce à lasouplesse du procédé, de dessiner libre-ment sur la pierre. Si l’on excepte lesexplorations audacieuses de peintrescomme Géricault et Delacroix, séduitspar ces possibilités nouvelles, l’usage ducrayon lithographique restait, dans lespremières décennies de sa diffusion dansles ateliers, plutôt académique. Daumierest le premier artiste à s’en emparer avecautant de conviction et à en dominerl’éven tail des possibilités techniques. Cetteaptitude particulière en fait un véritable

Expositions >

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16 - Chroniques de la BnF - n°43

4 mars - 8 juin 2008

DAUMIER

Site Richelieu / Galerie Mazarine

Commissariat : Valérie Sueur-Hermel, conservateur au département des Estampes et de la photographie, BnF.

Expositions >

aux épreuves courantes sur papierjournal, dites « en Charivari », préserventtoutes les qualités originelles du dessinlithographique de l’artiste. D’autresépreuves uniques ou rarissimes, entréespar dons ou par acquisition, complètentce fonds. Épreuves avant la lettre, épreu -ves avec légendes manuscrites, épreuvesannotées, épreuves coloriées, ces piècesrecherchées par les collectionneurs del’œuvre de Daumier, ont le mérite d’illus-trer de manière démonstrative toutes lesétapes du travail du lithographe en lienavec l’imprimeur, les auteurs deslégendes, la rédaction du journal, maisaussi le bureau de la censure.

L’évolution de l’écriturelithographiqueCette double orientation du fonds a natu-rellement induit le plan de l’exposition.Une sélection d’environ 150 pièces pré-levées au sein de la collection homogène

d’épreuves du dépôt légal retrace l’évo-lution de l’écriture lithographique deDaumier tout au long de sa carrière, alorsque quelque 70 épreuves d’état et piècesuniques permettent d’entrer au cœur duprocessus d’élaboration de l’œuvre.La première partie de l’exposition dérou-le le fil de l’œuvre lithographié suivant lerythme de cinq grandes périodes, cor-respondant aux changements politiquesqui ont contraint Daumier à faire alternercaricatures politiques et scènes de mœurs.Il fait ses débuts dans La Caricature et LeCharivari, sous le signe d’une oppositionà Louis-Philippe conduite par CharlesPhilipon, le directeur de ces deux jour-naux. Certaines planches le mènent bienau-delà de la caricature : La Rue Transno-nain n’est autre qu’un tableau d’histoireen noir et blanc qui préfigure le courantréaliste pictural et s’impose comme unchef-d’œuvre de l’histoire de l’estampe.Les lois de septembre 1835 entravant laliberté de la presse l’obligent à se réorien-ter vers la caricature de mœurs. Le per-sonnage de Robert Macaire, l’affairistefilou protagoniste de la série des Carica-turana, que Daumier emprunte à l’acteurFrédérick Lemaître, et d’autres types dela société parisienne défilent sous les yeuxdes lecteurs du Charivari. Les grandesséries des années 1840 telles que L’Histoire

ancienne, parodies de l’Antiquité, Les Basbleus qui épinglent les femmes écrivains,Les Bons Bourgeois, Les Locataires et pro-priétaires et Les Gens de justice, concen-trent le meilleur du caricaturiste demœurs de la monarchie de Juillet. Lesévénements de 1848 redonnent à Dau-mier la liberté d’exprimer ses convictionsrépublicaines dans la satire politique,grâce notamment au personnage de Rata-poil à qui il fait incarner le type de l’agentde propagande bonapartiste. L’avène-ment du second Empire signe le retour àla caricature de mœurs. Un véritablereportage lithographique de la vie quoti-dienne naît sous le crayon de Daumier.D’une grande modernité, les planchessur le monde du spectacle apportent uncontrepoint aux études de plein air quien font un précurseur des impression-nistes. Après un régime autoritaire quicontrôle la presse, l’Empire libéral coïn-cide avec les dernières années de pro-duction de Daumier, pendant lesquelles,avec une économie de moyens saisissan-te, il se livre à d’ultimes attaques poli-tiques.

Le va-et-vient des tiragesAutour d’une presse lithographique, prê-tée par le musée des Arts et métiers, lespièces présentées dans la deuxième par-

Daumier photographiépar Nadar. BnF, Estampes et photographie

Le Distrait, 1841. Épreuve avant la lettre avec légende manuscrite. BnF, Estampes et photographie

Plaisanterie que se permettentmaintenant les chevaux, quartier

des Champs-Élysée, 1858. BnF,Estampes et photographie

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Chroniques de la BnF - n°43 - 17

tie de l’exposition concrétisent le va-et-vient des tirages entre l’atelier de l’artis-te, celui de l’imprimeur et le bureau desjournalistes chargés de rédiger leslégendes. L’ajout de la lettre, et plus par-ticulièrement des légendes, y occupe uneplace importante grâce à un rarissimeensemble d’épreuves avec légendesmanuscrites, acquis par la Bibliothèquenationale en 1928. On comprend ainsicomment elles étaient ajoutées au des-sin, non pas par Daumier, qui, contrai-rement à son contemporain Gavarni,n’en était que très rarement l’auteur, maispar des journalistes payés à la ligne. Ceuxque Balzac appelait des «pêcheurs à ligne»manquaient parfois d’inspiration, commel’atteste une annotation marginale sur uneplanche de la série Les Silhouet tes : «Ceschoses-là sont impossibles à faire. Dau-mier devrait m’obliger dans ce cas-là deme dire ce qu’il a voulu exprimer ».

L’importance du tirage coloriéQuelques pièces exposées portent lesannotations du bureau de la censure dontla réponse définitive se matérialisait parun laconique « oui » ou « non » signé etdaté. Enfin, la confrontation d’épreuvessur papier blanc avec des épreuves surpapier journal et, plus encore, avec desépreuves reproduites par le procédé pho-tomécanique du gillotage utilisé après1870 par le Charivari, rend sensible l’im-portance d’un tirage de qualité pour res-tituer toutes les subtilités du dessin litho-graphique. Quant aux épreuves coloriées,elles relèvent d’une pratique commercialequi permettait à l’imprimeur Aubertd’augmenter la vente de certaines sériesimprimées par ses soins. Daumier n’étaitpour rien dans ce coloriage à l’aquarellerehaussée de gomme arabique. Il étaitconfié à de petites mains chargées desuivre des modèles étalons indiquant larépartition des couleurs, modèles dontquelques très rares spécimens sontvisibles dans l’exposition.Toutes ces épreuves particulières quicontribuent à éclairer les pratiques édi-toriales de l’entourage immédiat de Dau-mier renvoient à l’une des dimensionsessentielles de son œuvre lithographié,celle de sa diffusion et de son ancragepopulaire, rappelant que le « maître del’estampe» dut d’abord sa célébrité à laparution régulière de ses dessins dans lapresse.

Valérie Sueur-Hermel

(1) Charles Baudelaire, Quelques Caricaturistesfrançais, inŒuvres complètes, II, Paris, Gallimard(coll. Bibliothèque de la Pléiade), 1976, p. 557.(2) Arsène Alexandre, Honoré Daumier, l’homme et l’œuvre, Paris, H. Laurens, 1888, p. 239.

Les héritiers de DaumierLes héritiers de Daumier poursuivent la même entreprise que leur prédécesseur :réintroduire la force subversive du dessin dans le jeu du commentaired’actualité pour nous donner à voir la face grotesque et grimaçante du monde.Nombre de caricaturistes d’aujourd’hui ont bénéficié de l’influence du lithographe. Une exposition, site François-Mitterrand, instaure un dialogue entre les œuvres deDaumier et celles de dix-sept dessinateurs, de Tim à Plantu.

Qu’ils le mentionnent ou non,de nombreux caricaturistescontemporains se sont inspirésde Daumier, «père » et « frère » de tous les dessinateurs, selonWolinski. Si Tim a nettementrevendiqué cet héritage à traverscitations et hommages, d’autresont employé des procédésgraphiques et iconographiquesprésents dans l’œuvre dulithographe et développé desidées et des thèmes chers audessinateur. Animés de convictionsprofondes, les caricaturistes depresse, de Daumier à Plantu, ont souvent défendu un socle devaleurs communes : la liberté de la presse toujours mise à malpar la censure, le pacifisme etl’antimilitarisme, une républiqueidéale présentée en attachantesallégories… Daumier a usé de la satire politique commed’une arme polémique contre les tenants de régimes qu’ilcondamnait. Il a ainsi influencéles représentations individuellesou collectives des hommespolitiques et contribué à mettreau point une série de procédésrepris par les dessinateursd’aujourd’hui : portraits charge,métaphores du jeu et du théâtre,pastiches, recours à des

personnages types… Du point de vue social, c’est toute unecommunauté de thèmes cruciaux,qui persiste dans la presse,rapprochant les dessinscontemporains des grandesséries de Daumier : la justice etles affaires, la bourgeoisie et sesformes de domination, la crisedu logement, la place desfemmes, l’enseignement et sonorganisation. L’exposition proposeun dialogue entre Daumier et des auteurs contemporainss’inspirant de son style et de son esprit ou travaillant sur dessujets semblables. Pour mettrel’accent sur cette filiation, les dessins choisis sont organisésautour de grandes thématiques,politique, société, valeurs,illustrées à chaque fois par une reproduction d’un dessin de Daumier suivie, en écho,d’exemples contemporains dedifférentes signatures assortisd’un texte d’explication pouréclairer le visiteur sur les usagesdu dessin dans les médiasd’aujourd’hui. Un point fort del’exposition est constitué par desreproductions d’originaux issusdes collections du départementdes Estampes et de la photographie,fructueusement enrichies ces

dernières années par des fondsde dessinateurs tels Jean Effel,Micha ou Tim. De nombreusespages de journaux satiriquescomme Hara-Kiri, L’Enragé, Siné Massacre et Charlie Hebdo,successeurs modernes duCharivari et de la Caricatureont été puisées dans lescollections du départementDroit et économie politique. Des affiches, enfin, signées decaricaturistes contemporains, tel Cabu, viennent ponctuer les séries thématiques de cetteexposition qui démontre quecertains sujets continuent d’êtretraités avec la même efficacitéstylistique par les dessinateursd’aujourd’hui.

Geoffrey Girost et Dominique Versavel

4 mars – 4 mai 2008

LES HÉRITIERS DE DAUMIER

Site François-Mitterrand-Allée Julien Cain

Commissariat : DominiqueVersavel, conservatrice (dépt. desEstampes et de la photographie),Geoffrey Girost, conservateur(dépt. Droit et économie politique).

Tim D’après Gauguin Paru dans L’Express12-18 septembre 1966

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Arcouest, vacances1919. CharlesSeignobos, Ève et IrèneCurie, Aline Perrin,Francis Perrin, FernandChavannes, Sabatier,Charles Lapicque,Albert Erb, GeorgesGricouroff, JeanMaurain, MargueriteChavannes.

Expositions >

Au début du siècle dernier, une peti-te communauté de professeurs à la

Sorbonne, s’installe pour les vacances àl’Arcouest hameau de la commune dePloubalzanec situé face à l’île de Bréhat,tout près de Paimpol.Les premiers arrivés, l’historien CharlesSeignobos et le physiologiste LouisLapicque, sont peu à peu rejoints par desconfrères et des amis : les physiciens JeanPerrin et Marie Curie, le mathématicienÉmile Borel, futur ministre de la Marinependant le Cartel des gauches, accom-pagné de son épouse, l’écrivain CamilleMarbo, le chimiste Victor Auger, le géo-logue Charles Maurain et son épouseJeanne, agrégée de mathématiques, lescouples de médecins Stodel et Gricou-roff, le sinologue Édouard Chavannes,l’historien Georges Pagès, l’historien del’art Georges Huisman et bien d’autresencore. Normaliens pour certains, ils onten commun leur engagement dreyfusard,leur attachement au combat laïc, leurintérêt pour l’éducation populaire, leurpacifisme enfin. Tous se situent à gauchesur l’échiquier politique et beaucoupsont socialistes tels Jules-Louis Breton,directeur du bureau des inventions etdéputé du Cher, ou l’historien AlbertMétin député du Doubs. Des maisonsse construisent qu’aucune barrière ne

Sorbonne-PlageLe don généreux fait à la BnF en janvier 2007 par Hélène Joliot-Langevin et Pierre Joliot des archives de leurs parents Irène et Frédéric Joliot-Curie est à l’origine d’une exposition. Réalisée avec le concours du Musée et des Archives de l’Institut Curie, elle montre, à travers des manuscrits, des dessins, des affiches et des documents audiovisuels, l’histoire singulière d’un coin de Bretagne élu par un groupe de savants qu’unissaient l’amitié, des convictions communes et un engagement dans le siècle tout à fait exceptionnel.

sépare : à Roch ar Vrad construite parLapicque succède la maison de Seigno-bos, Taschen Bihan. «L’Arcouest, écritCamille Marbo dans ses mémoires, c’estune sorte de royaume sans roi, clos surses traditions, animé par un seul être quirayonne en son centre : Charles Seigno-bos. » L’historien, né en 1854, exerce unelarge hospitalité, encourageant dans lemême temps l’installation dans une fermevoisine d’un petit groupe d’ouvriers, issudes Universités populaires. Il accueillechaque été les arrivants et promène les dames sur son cotre qu’il a baptiséL’Églantine – emblème de la Ligue desdroits de l’homme. Durant l’été 1914,

c’est lui qui rassure et regroupe la petitecommunauté, en particulier les deux fillesde Marie Curie, Irène et Ève, alors queleur mère est restée à Paris.

Un curieux phalanstère.Dans les années vingt, de nouvelles mai-sons sont édifiées dont celles de MarieCurie – qui meurt en 1934 - et de JeanPerrin. L’hôtel Barbu et la pension Che-voir reçoivent dans le même temps denombreux artistes tels Paul Signac, HenriRivière, l’affichiste anarchiste Jules Grand -jouan, dont la fille épouse le fils de Paul

17 mars-18 mai 2008

SORBONNE PLAGE, 1900-1950.

Site Richelieu / Crypte

Commissariat : Michèle Sacquin, Jérôme Van Wijland.

Le 15 avril 2008, une journée d’étude sera consacrée àl’Arcouest avec Pascal Ory, Christine Bard, Michel Pinault,Georges Vigarello, Annick Barberousse et ChristopheCharles.

Site François-Mitterrand / Petit auditorium.

LES PRÊTS DE LA BNF : EXPOSITIONS HORS LES MURS

les textes, jusqu’à aujourd’hui.Du 10 mars au 2 juin 2008 Musée du Louvre – Paris

Paris et les Parisiens (1830-1930) dans les chefs-d’œuvre des musées de FranceCette exposition se propose de montrer à travers les œuvres d’art de l’époque un reflet de l’intenseactivité culturelle que connaît la capitale entre 1830et 1930. Une place importante est faite aux artistes,aux écrivains, aux politiques, aux femmes,

BabyloneLe musée du Louvre présente pour la première foisune importante exposition consacrée à Babylone, dans son aspect historique et dans son aspectmythique et symbolique, en montrant à la fois son importance historique et culturelle et la manière dont le concept ultérieur de la Babylonelégendaire a pris son origine dans la réalité. Sont évoqués à la fois l’histoire, l’architecture et le décor de la ville, la culture babylonienne et sonrayonnement, la redécouverte de Babylone par

les fouilles archéologiques, son héritage dans les civilisations postérieures et sa place dans les racines de la culture occidentale. Pour cela sontregroupés de nombreux objets et documents enprovenance du monde entier, dont un grand nombreissus des collections de la BnF : monnaies, sceaux-cylindres, objets, manuscrits, gravures, ouvragesimprimés, projets de décors et de costumes de théâtre… Les périodes évoquées s’étendent de la fin du troisième millénaire avant J.-C., date des premières mentions de Babylone dans

Dans sa démarche d’ouverture à un plus large public, la BnF poursuit sa politique de prêts à des expositions extérieures. Cette action se renforce parfois par des partenariats, noués en France et à l’étranger, donnant lieu à d’importantes manifestations.

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Langevin, ou le décorateur Jacques Adnet.L’écrivain Rosny jeune qui a racheté lamaison construite en 1906 par l’affichis-te Jules Chéret décrit dans L’Erreur d’An-ne de Bretagne la vie de l’Arcouest cen-trée sur l’amour de la mer et de la natureet les activités sportives.Une jeune génération succède à la pre-mière et dans ce « curieux phalanstère »(Camille Marbo), des mariages se font,unissant un peu plus encore les familles :le fils adoptif de Louis Lapicque, lepeintre Charles Lapicque, épouse la fillede Jean Perrin dont l’un des fils, Francis

se marie avec Colette Auger… IrèneCurie se distingue en choisissant un jeunephysicien extérieur au groupe. Tout enpréservant sa singularité – il choisit defaire «bateau à part » - Frédéric Joliot netarde pas à s’intégrer à une communau-té dont il partage les idéaux et les enga-gements : comité de vigilance des intel-lectuels antifascistes en 1934, proximitéavec le Front populaire au gouvernementduquel participent Georges Huisman,Irène Joliot-Curie et Jean Perrin, soutienaux républicains espagnols… La plupartdes femmes de l’Arcouest exercent desprofessions de haut niveau: physiciennes,professeurs, médecins, écrivains et plai-dent, telle Irène Joliot-Curie, pourl’émancipation féminine. Cette communauté originale, qui comptequatre prix Nobel (Marie Curie, JeanPerrin, Irène et Frédéric Joliot-Curie)attire, dans les années trente, l’attentiondes journalistes qui la surnomment «Sor-bonne-Plage » ou «Fort la Science ». Desarticles abondamment illustrés paraissentdans Vu et dans Match. La légende del’Arcouest est née.La guerre disperse tout ce petit mondequi se retrouve à la Libération sans lesgrands anciens : Jean Perrin décédé auxÉtats-Unis et Charles Seignobos mort enrésidence surveillée à Ploubalzanec. LesArcouestiens, dont certains ont été empri-sonnés, tels Émile Borel et Paul Langevinet dont beaucoup se sont engagés dans laRésistance, sont alors très impliqués dansla création du CNRS d’une part, et duCommissariat à l’énergie atomique del’autre. Les descendants de ces famillesperpétuent la tradition et l’on trouve toujours à l’Arcouest des Perrin, desLapicque, des Joliot et des Langevin dontle témoignage nous a été précieux.

Michèle Sacquin

mais aussi à leur environnement, aux paysages de Paris et de ses environs, et un panorama des mouvements artistiques de cette période estdressé, parcourant le romantisme, le réalisme,l’impressionnisme et la révolution artistique du début du XXe siècle. L’exposition présente environsoixante-dix tableaux et sculptures, complétés par des documents visuels et graphiques, dont une trentaine, en grande majoritédes lithographies de Daumier, sont issus des collections du département des Estampes et de la photographie de la BnF; des plans de transformation de Paris et des plans architecturauxpermettent de découvrir la ville en pleine mutation

et des photos et films illustrent la modernitéémergente de la capitale française dans sa réalitéquotidienne.Du 22 avril au 29 juin 2008. Metropolitan Art Museum – Tokyo

Et aussi… à Paris :Marie-AntoinetteDu 13 mars au 16 juin 2008Galeries nationales du Grand Palais - Paris

Le mystère Lapérouse, enquête dans le Pacifique SudDu 18 mars au 20 octobre 2008Musée national de la Marine (Palais de Chaillot) - Paris

Planète MétisseDu 17 mars 2008 au 20 septembre 2009Musée du Quai Branly – Paris

En région :Henri Matisse, au fil de la ligneDu 21 mars au 15 juin 2008Musée des Beaux-Arts - Quimper

À l’étranger :Le roi Lustik !? Jérôme Bonaparte et l’État modèle du royaume de WestphalieDu 18 mars au 29 juin 2008Museum Fridericianum - Kassel

Carnets de laboratoire de Pierre et Marie Curie relatant les travaux sur la découverte de la radioactivité. 1897-1900. BnF, Manuscrits.

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20 - Chroniques de la BnF - n°43

Expositions >

Sophie Calle, artiste plasticienne, pho-tographe, écrivaine et réalisatrice fran-

çaise fait depuis plus de trente ans, de savie, notamment des moments les plusintimes, son œuvre, en utilisant tous lessupports possibles: livres, photos, vidéos,films, performances…, inventant des pro-cédés pour raconter sa vie, et finalementaussi celle des autres. Sophie Calle dévoi-le, entre performances et romans, unedémarche narrative où se mêlent féti-chisme, représentation et voyeurisme. LeCentre Pompidou lui rend hommage enlui consacrant une rétrospective en 2003.En 2007, elle publie Prenez soin de vous ,un roman construit autour d’une lettrede rupture, dont elle est la destinataire.Sophie Calle a demandé à cent septfemmes d’interpréter ce court texte. « J’aireçu un mail de rupture. Je n’ai pas surépondre. C’était comme s’il ne m’étaitpas destiné. Il se terminait par ces mots :Prenez soin de vous. J’ai pris cette recom-mandation au pied de la lettre. J’aidemandé à cent sept femmes – dont uneà plumes et deux en bois -, choisies pourleur métier, leur talent, d’interpréter lalettre sous un angle professionnel. L’ana-

lyser, la commenter, la jouer, la danser,la chanter. La disséquer, l’épuiser. Com-prendre pour moi. Parler à ma place. Unefaçon de prendre le temps de rompre. À mon rythme. Prendre soin de moi. »Présentée à la Biennale de Venise 2007,l’œuvre fait l’objet d’un bel ouvrage éditépar Actes Sud dans lequel se succèdentphotographies, textes, interventions ainsique performances et clips dans les quatreDVD qui l’accompagnent.C’est la réédition de la manifestation dela Biennale de Venise qui sera proposéeau public dans la prestigieuse SalleLabrouste, site Richelieu.

26 mars -15 juin 2008

PRENEZ SOIN DE VOUS

Site Richelieu / Salle Labrouste

Commissariat : Daniel Buren.

Exposition réalisée pour la Biennale de Venise avec CulturesFrance et les soutiens de Chanel et de la Fondation Jean-Luc Lagardère.

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Prenez soin de vousà la Biennale de Venise 2007

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Sophie Calle à la BnF

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L’EUROPE DES IDÉES

Cycle de conférences proposé parGeneviève Fraisse (de février à juin 2008)

Site François Mitterrand / Grand auditorium /Hall Est - 18h30

Dates des conférences : voir cahier central.

En coproduction avec France Culture.Diffusion été 2008 des conférencesenregistrées en studio : Jacques Rancière,Françoise Collin, Vassilis Alexakis.

Quel est selon vous l’impact del’Europe sur la production artistiqueet culturelle ? Jamais la circulation des produits cultu-rels n’y a été aussi intense. Il y a très long-temps que la musique a franchi les fron-tières partout ; mais aujourd’hui, avec ledéveloppement des nouvelles technolo-gies, c’est aussi le spectacle vivant qui setransmet d’un pays, d’une langue à l’autre.On peut, par exemple, voir une pièce dethéâtre dans sa langue d’origine grâce ausurtitrage. Bernard Faivre d’Arcier, notreinvité le 26 mars, a beaucoup œuvré durantsa présidence du festival d’Avignon et au-delà pour le développement des réseaux

et des échanges européens en matière despectacle vivant. De ce point de vue commede bien d’autres, l’Europe est à l’imagedu reste du monde ; empêtrée dans lesparadoxes d’un certain jésuitisme lorsqu’ils’agit de la circulation des personnes, affi-chant la plus grande ouverture démocra-tique quant à celle des biens culturels.Pour tant, lorsque la Commission euro-péenne publie enfin un texte sur la culture, c’est aussi parce que celle-ci estdevenue un enjeu très important pour leséconomies locales, grâce aussi au déve-loppement du numérique et des nou-velles technologies. Que l’Europe prenneen compte et réfléchisse à ces enjeux estune avancée en soi, et en même temps, ilfaut rester vigilant et ne pas prendre pouracquis qu’elle s’intéresse à la culture, àl’âme européenne, dans une vision pure-ment idéaliste.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

Chroniques : Comment est néel’idée de ces conférences ?

Geneviève Fraisse : Elle est née du rap-port que j’ai à l’Europe comme espaceparticulier de l’Histoire et de la politiqueen train de se faire, d’une part, et del’après-coup d’une expérience de dépu-tée au Parlement européen, d’autre part.Face aux représentations idéalistes d’uneEuro pe mythique et mythifiée qui seraitl’émanation d’une identité européenne,voire d’une « âme européenne », il m’aparu important de partir plutôt de lamatérialité des idées qui existent en Euro-pe dans toute leur diversité et leurscontradictions. Celles-ci sont visibleslorsque des réalités s’entrecroisent et s’en-trechoquent ; réalité historique, nationa-le, européenne. Un exemple: on peut voirle conflit actuel en Belgique entre Fla-mands et Wallons comme un avatar his-torique: mais on peut aussi y voir un effetde l’Europe, un produit de l’attentionaux régions engendré par la Commu-nauté européenne. En regard de la com-plexité des réalités politiques, écono-miques, culturelles, on peut tenter defaire avancer la réflexion en toute lucidi-té, sans a priori ni naïveté, en acceptantque l’histoire soit faite aussi de paradoxeset que ceux-ci soient porteurs d’une dyna-mique: ils suscitent la perplexité mais sontaussi moteurs de réflexion. Voyez lesPays-Bas, considérés dans les années1970 comme un pays extraordinaire detolérance et d’ouverture, notammentquant aux droits des femmes, puisquel’IVG y était légale. Trente-cinq ans plustard, ce pays est celui d’Europe où lenombre d’avortements est le plus faible,parce qu’y a été développée la meilleure

L’Europe et la fabrique des idéesEn coproduction avec France Culture, une série de conférences intitulée «L’Europe des idées » se tiendra de février à juin 2008 à la Bibliothèque. Geneviève Fraisse, philosophe, historienne, députée au Parlement européen de 1999 à 2004, est l’initiatrice de ce cycle. Entretien.

éducation à la contraception. C’est uneffet de l’Histoire. Mais ce pays est aussiaujourd’hui en butte à de multiples for mesd’intolérance: on se souvient de l’assassi -nat de Théo Van Gogh en 2004, des polé-miques autour des prises de position anti-islam de l’écrivaine somalienne Ayaan HirsiAli, de l’affaire des caricatures de Maho-met en 2006 au Danemark, pays voisin.

L’Europe est selon vous un espacemental en mouvement, dont lesavancées sont aussi parfois généréespar la dimension européenneproprement dite…Oui. L’Europe en tant que telle fait bou-ger les représentations, mais aussi crée des réalités nouvelles. La parité françaiseest un enfant de l’Europe! Lorsque l’Es-pagne édicte une loi contre les violencesconjugales, elle crée une dynamique.L’idée de ce cycle est de tisser une toileentre des points de vue, des réflexionsvenues d’horizons divers. La première deces conférences était animée par Bronis-law Geremek, européen emblématique :historien, il a travaillé sur la pauvreté auMoyen Âge mais s’intéresse aussi à la pau-vreté aujourd’hui. C’est un homme poli-tique engagé lors de la fondation du syn-dicat libre Solidarnosc dans les années1980, un candidat à la présidence du Par-lement européen en 2004, un opposantà la loi de lustration… Ce qui fait l’inté-rêt de son regard, c’est ce mélange, entrel’intellectuel, l’opposant politique, l’an-cien ministre… Le questionner, c’est créerles conditions pour que se créent des liensentre ces différents éléments…Il s’agit aussi de faire se rencontrer dessingularités : avec Daniel Cohn-Bendit,européen par sa double nationalité, éluen France et en Allemagne et passionnédepuis toujours par la politique étrangè-re de l’Union européenne, je parlerai dela Turquie. Avec Mireille Delmas-Marty,juriste internationale et professeur auCollège de France, nous évoquerons laréalité juridique européenne, entre lenational et l’international. Comment « lemonstre juridique européen», suivant sonexpression, en même temps qu’il fabriquede la jurisprudence, renouvelle l’imagi-naire juridique, entraîne une dynamiquehistorique. Avec Carmen Castillo, réali-satrice franco-chilienne, l’Europe forte-resse et terre d’accueil…

Conférences >

Daniel Cohn-Brendit,européen par sa doublenationalité, élu enFrance et en Allemagneet passionné depuistoujours par lapolitique de l’Unioneuropéenne, parlera de la Turquie le 11 juin.

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Conférences >

Madame de Graffignypar Louis TocqueParis - Musée du Louvre

LES LUNDIS DE L’ARSENAL

17 mars 2008

Françoise de Graffigny

Par François Bessire,université de Rouen.

Lecture par SimoneBergé de laComédie-Française

Bibliothèque de l’Arsenal-18h30.

«Depuis le XIIe siècle, grâce à Mariede France, des femmes ont été pré-

sentes en littérature, et chaque siècle acompté, en nombre, des œuvres de cellesappelées tour à tour femmes de lettres,femmes auteurs ou écrivaines. Cette pro-duction continue d’écrits de femmesconstitue l’une des singularités de la lit-térature de langue française. Elle est sanséquivalent dans les autres littératureseuropéennes », explique Martine Reid.« Toutefois, ce fonds d’une richesseexceptionnelle a été sensiblement réduitpar l’histoire littéraire telle qu’elle s’estconstruite à la fin du XIXe siècle. Celle-ci,entérinant un effacement progressif desfemmes en littérature, a isolé quelquesgrandes figures et s’est généralementmontrée peu soucieuse de faire sa placeà un ensemble cohérent et varié d’œuvresdiverses, ou de montrer les liens pro-fonds, structurels et thématiques, unis-sant ces œuvres entre elles. Le versantféminin de la littérature a ainsi été réduitpour longtemps à quelques œuvres, à unpetit nombre de noms. »Depuis une vingtaine d’années, de nom-breuses recherches ont été menées enFrance et à l’étranger, tout particulière-ment dans les universités anglaises etaméricaines. Des publications les ontsouvent accompagnées, permettant laredécouverte de textes, manuscrits ouimprimés, dont un inventaire beaucoupplus rigoureux a pu être dressé. Cesrecherches ont également permis deréévaluer les œuvres et de faire échapperà l’oubli certaines d’entre elles, que l’his-toire littéraire avait occultées. « Malgréun évident disparate des postures, desambitions, des histoires personnelles, desœuvres et des époques au cours des-

quelles elles furent produites, des convic-tions communes ont pu être entendues,qu’elles portent sur la condition desfemmes, sur la nécessité de leur éduca-tion ou sur les difficultés spécifiques ren-contrées dans l’exercice de l’activité lit-téraire », explique encore Martine Reid.Mêlant des noms connus à d’autres quile sont moins, le cycle de conférences desLundis de l’Arsenal souhaite désencla-ver les savoirs dans ce domaine. «S’il sup-pose de rendre aux voix familières leurdiversité, un tel geste entend aussi rap-peler l’inventivité de voix moins fami-lières. Il espère ainsi susciter des curio-sités durables, inviter à la lecture, à laréflexion, à la critique, façon de jeterquelques cailloux blancs sur le chemind’une histoire de la littérature où lesfemmes ont pleinement leur place ».Chaque conférence sera l’objet d’uneintervention à deux voix, celle du/de laconférencier(e) et celle d’une comédien-ne, qui fera entendre des citations ponc-tuant chaque portrait. Elle sera accom-pagnée d’une projection d’images.La première conférence du cycle seraconsacrée au mois de mars à Françoisede Graffigny, née d’Issembourg du Buis-son d’Happoncourt, en 1695. Son mari,chambellan du duc de Lorraine, épouséen 1712, se révèle violent. Ils sont juridi-quement séparés au bout de quelques

années. Madame de Graffigny vit d’abordà la cour de Lorraine, où elle fait ses pre-miers essais littéraires, puis séjourne untemps à Cirey chez madame Du Châte-let et Voltaire, dont elle décrit la vie inti-me dans la correspondance adressée à son ami François-Antoine Devaux, dit«Panpan». Elle s’installe ensuite à Parischez mademoiselle de Guise, devenueduchesse de Richelieu. Elle acquiert lacélébrité avec ses Lettres d’une Péruvien-ne en 1747 et Cénie, drame sur la condi-tion féminine en 1750. En butte à deconstants soucis financiers, elle parvienttoutefois, à partir de 1751, à tenir sonpropre salon dans son appartement duLuxembourg. Elle est l’auteur d’uneimportante correspondance, dans laquel-le elle relate les événements de sa vied’une manière vive et originale, soit 2500lettres écrites sur une période de vingt-cinq ans, qui permettent de reconstruireassez fidèlement le processus de venue àla culture, puis l’exercice d’une sorte demagister intellectuel de la part d’unefemme du XVIIIe siècle, qui doit travaillerpour vivre. Trois autres conférences pro-poseront au printemps les portraits litté-raires d’Isabelle de Charrière (ValérieCossy), de Marie de France (HowardBloch) et de Delphine de Girardin(Catherine Nesci). Le cycle se poursuivraà l’automne. Virginie Gallois

Des femmes en littératureDans le cadre des Lundis de l’Arsenal, Martine Reid,professeur de littérature à l’université de Lille III et directrice d’une collection consacrée aux femmesde lettres chez Gallimard (Folio), propose un cycle de conférences consacré à quelques figures fémininesde la littérature française du Moyen Âge au XIXe siècle.Ces dernières ont laissé derrière elles des œuvresnombreuses, importantes et diversifiées que quelquesuniversitaires français et étrangers se proposent de faire découvrir ou redécouvrir à un large public. La première soirée sera consacrée à Françoise de Graffigny, auteur du premier best-seller de lalittérature du XVIIIe siècle, Lettres d’une Péruvienne.

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participé aux travaux sur le décodage desmessages de l’armée allemande. Dans lesannées précédant sa disparition tragiqueen 1954, il s’est intéressé à la compré-hension mathématique de certains méca-nismes fondamentaux en biologie.

Martin AndlerSite du cycle :smf.emath.fr/MathGrandPublic/BNF/2008

Remplir le grand auditorium du siteFrançois-Mitterrand en proposant des

conférences de mathématiques peutparaître une gageure. Pourtant, au coursdes trois années passées, il a fallu plusd’une fois installer le public dans le foyerde l’auditorium devant des écransrelayant les interventions, tant le succèsétait au rendez-vous. À l’évidence, lesmathématiques intéressent un vastepublic pour peu qu’elles soient présen-tées de façon vivante. C’est le cas de cesconférences au cours desquelles d’excel-lents mathématiciens travaillant en Fran-ce donnent toute la mesure de leur talentde chercheurs et de conférenciers. Ilssavent faire comprendre que, derrière lafroideur apparente des concepts et deséquations, des hommes et des femmes sesont enthousiasmés, ont travaillé dure-ment, ont éprouvé les joies fulgurantesde la découverte, et ont connu, pour cer-tains d’entre eux, des destins tragiques.Car, que font les mathématiciens depuisla nuit des temps, si ce n’est d’écrire desarticles ou des livres dont la durée de viepeut être étonnamment longue, tant lesidées, les méthodes et les résultats per-durent. Les mathématiques avancent enapportant des réponses à des questionssur lesquelles les chercheurs se sont pen-chés d’une génération à une autre, d’uncontinent à un autre. Restituer les des-tins des acteurs et donner toute leurdimension aux questions posées et auxœuvres écrites est l’objectif de ces confé-rences.Les conférences sont destinées à tous lespublics. Mais une attention particulièreest apportée aux lycéens des classes depremière et de terminale scientifique.Une collaboration exemplaire a été misesur pied avec l’académie de Versailles,dont des classes viennent régulièrementassister aux conférences. C’est le cas éga-

Un texte, un mathématicienPour la quatrième année consécutive, la BnF et la Société mathématique de France proposent un cycle de conférences destiné à un très large public. Selon un principe maintenant bien établi, un conférencier présente un texte datant de quelques dizaines,voire de quelques centaines d’années qu’il replace dans son contexte historique, culturel et social en donnant quelques repèresbiographiques sur son auteur, pour retracer ensuite le cheminement des idées et des méthodes générées depuis la publication des textes jusqu’aux recherches les plus contemporaines. Point de vue de Martin Andler, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin et coordinateur du cycle de conférences.

lement avec des classes de Créteil et deParis. Préalablement aux conférences,des mathématiciens se rendent dans cesclasses pour présenter les thèmes quiseront traités dans le cadre d’un pro-gramme intitulé « Promenades mathé-matiques » organisé par Animath et laSMF. De son côté, la BnF leur proposedes visites des expositions de la Biblio-thèque et des salles de lecture, faisantainsi partager le rapport que les mathé-maticiens ont avec les bibliothèques, quisont aujourd’hui encore nos ateliers detravail, même si les bibliothèques vir-tuelles comme Gallica ou Numdam, pourne parler que de la France, et les basesde données de prépublications commeArxiv ou HAL jouent un rôle de plus enplus important. Après celles de janvier et février, deuxconférences sont prévues en mars et avril.Au cours de la première, DominiquePicard, professeure à l’université DenisDiderot présentera un texte récent (1964)du statisticien Lucien Le Cam, mathé-maticien américain d’origine française,qui, en utilisant des mathématiques trèsthéoriques a profondément modifié lavision des statistiques, sujet combienimportant tant elles jouent un rôle fon-damental dans notre vie quotidienne,mais sont un sujet d’incompréhensionpour les non-spécialistes.En avril, Henri Berestycki, directeurd’études à l’École des hautes études ensciences sociales exposera la partie del’œuvre d’Alan Turing consacrée à lamorphogenèse – la théorie des formes.Ce grand mathématicien anglais estcélèbre pour ses contributions à lalogique mathématique – les machines deTuring – qui ont ouvert la voie à laconception des ordinateurs et aux pro-grès de l’informatique en général. Pen-dant la guerre de 1939-1945, Turing a

CYCLE « UN TEXTE, UN MATHÉMATICIEN »

Site François Mitterrand – grand auditorium – 18h30.

19 mars 2008 > Lucien Le Cam : comprendre la géométrie d’une expérience statistique, par Dominique Picard.

9 avril 2008 >Alan Turing et la morphogenèse, par Henri Berestycki.

En partenariat avec la Société mathématique de France, Tangente, Animath et France Culture (émission « Continent Sciences »de Stéphane Deligeorges).

Alan Turing debout à droite devant la console de l’ordinateurManchester Mark 1 en 1951.

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cinéma policiers, qui demeure pour lesamateurs « le pape du polar », a fait don àla Bilipo de sa bibliothèque et de sesdocuments de travail. Pierre Billard, pro-ducteur pendant plusieurs décennies del’émission radiophonique Les Maîtres dumystère, a également remis à la biblio-thèque les scénarios originaux des piècesqui ont enchanté des générations d’au-diteurs de 1957 à 1974.L’ambition de la Bilipo est de fournir àson public français et étranger – étu-diants, enseignants, chercheurs, scéna-ristes, auteurs, simples amateurs – lepanorama le plus exhaustif possible d’uneproduction littéraire longtemps négligée,ce qui implique de combler les lacunes(en particulier pour la littérature duXIXe siècle) par des achats rétrospectifs,de maîtriser les entrées des romans pardépôt légal et d’acquérir des collectionsdestinées à la jeunesse ainsi que desbandes dessinées policières. Son ambi-tion est aussi de valoriser ses fonds excep-tionnels par des publications (Les Crimesde l’année), des animations et des expo-sitions. Une vingtaine d’expositions onteu lieu à la Bilipo depuis 1995, permet-tant d’évoquer des collections célèbres(Série noire, Le Masque, etc.), des per-sonnages (Sherlock Holmes), mais aussides sujets historiques (Crimes à Paris auXIXe siècle, les Détectives privées ou encoreles Trains du mystère, exposition présentéejusqu’au 29mars 2008).La Bibliothèque des littératures policièresest sans aucun doute une bibliothèqueoriginale qui, grâce à un enrichissementexceptionnel de ses collections parle dépôt légal, est devenue le passageobligé de tous les amateurs de romanspoliciers.48-50, rue du Cardinal-Lemoine 75005 Parishttp://www.paris.fr/portail/Culture/

La Bibliothèque des littératures poli-cières (Bilipo), située à Paris (Ve), est

une des bibliothèques spécialisées de laVille de Paris. Ouverte à tous les publics,elle occupe une place originale, sanséquivalent en Europe. Elle possède unfonds patrimonial exceptionnel acquispar le transfert des collections policièresreçues à la bibliothèque de l’Arsenaldepuis 1927, année de la création de lacollection Le Masque, première sériepolicière française, dont le premier titrefut Le meurtre de Roger Ackroyd d’Aga-tha Christie, jusqu’à 1983, date à laquel-le la Bilipo devient officiellement attri-butaire du dépôt légal pour les ouvragespoliciers publiés en France. Depuis lors,c’est la bibliothèque de référence pour lalittérature policière. Son transfert dansde nouveaux locaux, en 1995, a permisà ce pôle associé de la BnF de mieuxsatisfaire l’exigence d’exhaustivité quiétait la sienne lors de la création dufonds et d’offrir de bonnes conditionsde conservation et de communicationdes documents.Ses collections, en consultation unique-ment sur place, sont riches de 80 000ouvrages de fiction, 6 000 ouvrages deréférence français et étrangers, en libreaccès, sur la littérature policière et lesdomaines annexes (cinéma policier, cri-minologie, affaires criminelles, espionna-ge, faits divers), de cent titres de pério-diques vivants et 140 titres qui ont cesséde paraître, parmi lesquels figurent denombreux fanzines. S’y ajoutent 4 000dossiers de presse thématiques et biogra-phiques, des documents audiovisuels,10000 microfiches, une littérature «grise»obtenue grâce aux relations instauréesavec les universités, les instituts spéciali-sés et les associations. La Bilipo possède,enfin, un fonds iconographique d’affiches,

de cartes postales, de maquettes de cou-verture, de partitions illustrées et de pho-tographies.Au fil des années, des dons sont venusenrichir ces collections : le legs RégisMessac (auteur de la première thèse surle roman policier en 1929) constituéd’éditions originales de romans anglo-saxons et d’une remarquable collectionde revues américaines populaires desannées 1920 et 1930 (les pulps) ; le donGallimard comprenant une partie desarchives du créateur de la Série noire,Marcel Duhamel, et des ouvrages origi-naux sur lesquels ont travaillé les tra-ducteurs de la collection. Michel Lebrun,spécialiste reconnu de la littérature et du

Coopération >

Flynn’s Weekly

Coup de projecteur sur deux pôles associés de la BnF attributaires du dépôt légal Depuis les années 1980, la BnF coopère avec la Bilipo (Bibliothèque pour la littérature policière/Ville de Paris) et le CNBDI (Centre national de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême), notamment en leur attribuant un exemplaire du dépôt légaléditeur, dans leurs domaines d’excellence respectifs, le roman policier et la bande dessinée. Le décret modificatif de juin 2006 a réduit à deux le nombre d’exemplaires déposés par les éditeurs au titre du dépôt légal. Cette réforme s’est accompagnée d’une rationalisation de la redistribution, dans le but de constituer des fonds documentaires cohérents, de mettre en place une conservation partagée et d’établir une carte documentaire nationale, lisible et pérenne, appuyée sur des pôles d’excellencethématiques. Le nombre des établissements attributaires a été fortement réduit, de trois cents à soixante-neuf, tous signatairesd’une convention «pôle associé au titre du dépôt légal éditeur» avec la BnF. Cette rationalisation n’a pas affecté la redistribution à la Bilipo et au CNBDI, mais a, au contraire, permis de renforcer les liens avec ces deux établissements.

La Bibliothèque des littératures policières (Bilipo)

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Chroniques de la BnF - n°43 - 25

Le bâtiment des BrasseriesChampigneullesréhabilité par les architectes Roland Castro et Jean Rémond

ou illustrée pour la jeunesse (plus de108000 numéros), 60000 albums et ouvra -ges, des affiches, des cartes postales, desdisques, CD ou cassettes audio. LeCentre de documentation met à la dis-position d’un public plus retreint (cher-cheurs, journalistes, étudiants), accueillisur rendez-vous, thèses, études, revues,dossiers thématiques, soit un ensembled’environ 3 000 documents spécialisés.La bibliothèque propose des sélectionsthématiques d’albums telles que Les Reli-gions dans la BD, Découverte des mangas,La Bande dessinée espagnole…Le cœur du fonds patrimonial conservé àla bibliothèque du CNBDI est la collec-tion du « dépôt légal bande dessinée »,constituée grâce à une convention signéeen 1984 avec la BnF qui attribue auCNBDI un des exemplaires qu’elle reçoitau titre du dépôt légal. En 2007, leCentre a reçu 3241 livres, soit 8,4% desattributions totales aux partenaires fran-çais et 158 titres de périodiques.Le CNBDI a rejoint le 1er janvier 2008 laMaison des auteurs pour former unEPCC (établissement public de coopé-ration culturelle), la Cité internationalede la bande dessinée et de l’image, dontle directeur est Gilles Ciment. Le nou-vel ensemble est réparti sur trois sites : laMaison des auteurs, le CNBDI et lemusée de la Bande dessinée, qui ouvrirases portes en 2009.

Centre national de la bande dessinée et de l’image(CNBDI) - 121 rue de Bordeaux 16023 Angoulême Cedex - http://www.cnbdi.fr/

L’histoire débute en 1974, avec le lan-cement du Festival international de la

bande dessinée d’Angoulême. La déci-sion est prise en 1984 de construire unCentre national de la bande dessinée et

de l’image. Le bâtiment des BrasseriesChampigneulles, au pied des rempartsd’Angoulême, au bord de la Charente,est réhabilité par les architectes RolandCastro et Jean Remond, sur un site oùsont déjà implantés l’École d’art et l’Ate-lier-musée du Papier. Le CNBDI estinauguré en 1990. Au fil des années, les activités s’élar-gissent : bibliothèque, musée, librairie,cinéma art et essai. En dix-sept ans d’ac-tivité, le CNBDI a contribué à la créa-tion de dizaines d’expositions consacréesaux plus grands auteurs et aux grandscourants du 9e art, à l’édition de nom-breux ouvrages spécialisés, à la produc-tion de documents audiovisuels de toustypes, et à la mise en place de formationset d’animations à destination de tous lespublics. En collaboration étroite avec lefestival, le CNBDI a ainsi permis d’ac-cueillir et de sensibiliser des centaines demilliers de personnes à l’univers de labande dessinée.La bibliothèque du CNBDI rassemble la première collection de bandes dessi-nées et de documentaires sur la bandedessinée en France ; elle est égalementl’une des toutes premières en Europe.Elle propose en accès direct environ16000albums et ouvrages documentaireset une centaine de titres de périodiques.Depuis mars 2000, la bibliothèque pra-tique le prêt des collections de sa salle de lecture. Le fonds patrimonial, uniqueen son genre, abrite plus de 2700 titres dela presse spécialisée en BD et caricature,

Un fonds exceptionnel est entré dans les collections du départementLittérature et art de la BnF enoctobre 2006 dans le cadre d’unaccord avec le CNBDI : 168 titres deMarvel comics (soit 3765 fascicules). En 2004, l’association Gifts in Kind –organisme caritatif américain chargéde distribuer des dons en nature hors des frontières des États-Unis – a proposé en don au CNBDI septconteneurs comprenant toute laproduction de la firme américaineMarvel spécialisée dans l’édition de comics. Le CNBDI a retenu le conteneur correspondant à la production des années 1950aux années 1980 et a pu le faireacheminer en France grâce auxcrédits alloués par le département

de la Coopération de la BnF au titredes pôles associés. À l’intérieur, lesséries étaient présentes en plusieursexemplaires et cinq collectionsdistinctes ont pu être répertoriées.En contrepartie du financement de l’opération par la BnF, ledépartement Littérature et art s’estvu attribuer la deuxième collection,sélectionnée à partir des sériescomplètes traduites ou adaptées dansdes éditions françaises présentes dans les collections de la BnF au titredu dépôt légal. La société à l’originede la majorité des comics américains,Marvel Comics, a vu le jour enoctobre 1939 sous le nom de TimelyComics. Jusqu’alors l’édition de comics était une activitémarginale et sans rendement,

un hobby d’imprimeurs. Avecl’apparition de Superman en juin1938 et son ahurissant succèscommercial, d’innombrables petits

entrepreneurs américains se sontlancés dans l’aventure des comics.Marvel éditions est devenue au coursdu XXe siècle une maison d’éditionaméricaine de grande renommée,mettant en scène au fil des titres les aventures de super-héros comme les Fantastic Four, Hulk, CaptainAmerica, Spiderman, X-Men, etc., et contribuant ainsi à faire des comicsune partie intégrante de la cultureinternationale. Des scénaristes et des dessinateurs de talent ont fait le bonheur de Marvel. On peut citerles scénaristes, Stan Lee, John Byrne,Kurt Busiek, Chuck Dixon et lesdessinateurs, Gil Kane, Jack Kirby,John Romita sénior et son fils, John Quesada, Pérez, Mark Bagley,Alan Davis, et les frères Kubert.

UN EXEMPLE DE COLLABORATION ENTRE LE CNBDI ET LA BNF

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Coopération >

Impressions recueillies auprès de CatherineChauchard, directrice de la Bilipo, Alain Régnault, Bilipo, et de Jean-MarieCompte, ex-directeur de la bibliothèquedu CNBDI, aujourd’hui directeur dudépartement Littérature et art de la BnF depuis le 1er janvier 2008.Signe des temps, l’entretien a lieu aumoment même où un dossier Bandesd’écrivain consacré aux rapports entreécrivains et auteurs de bandes dessinéespolar paraît dans le numéro de l’hiver2007 de la revue 813.

Quelles est la vitalité de l’édition de bande dessinée aujourd’hui ?Jean-Marie Compte et Alain Régnault :Un premier constat transparaît : 4 314 albums de bande dessinée sontsortis en 2007 dans l’Europe francophone,

REGARDS CROISÉS SUR LA BANDE DESSINÉE POLICIÈRE

ses diverses formes : Comics danslesquels apparaissent les super-héros tels que Dick Tracy ou Batman, petitsformats, romans graphiques (un genreassociant des auteurs de fiction –Benaquista, Charyn, Joncquet… – et des illustrateurs de renom), strips(recueil de bandes parues dans lesjournaux). Dans la bibliographie annuelleproduite par la BILIPO, les Crimes de l’année, la bande dessinée occupe une rubrique à part entière.

Quelle place le CNBDI accorde-t-il aux bandes dessinées policières ?Jean-Marie Compte : Le CNBDI recueillesystématiquement les mangas quiprennent une place déterminante dans la production internationale et drainentun public spécifique. Les acquisitions de BD en langues étrangères complètentle dépôt légal pour offrir le plus largepanorama possible de la productioninternationale.Le Festival de la bande dessinée, associéau Centre, permet d’ailleurs de mesurerles tendances de ce secteur de l’édition ;José Munoz, grand prix du festival 2007,sera le président de la manifestation en 2008. Il est lui-même représentatifd’une jonction entre le roman policier et la BD. Un autre signe de l’importancede la bande dessinée aujourd’hui, le grand prix des lecteurs du Parisiena consacré dix titres, de même celui de Libération. Côté public, l’intérêtdes lecteurs de BD se porte d’abord sur le genre, chaque aspect ayant sonimportance (graphisme, scénario, etc.);il ne s’attache qu’accessoirement au caractère policier.

Comment voyez-vous les évolutionsdans ce secteur ?Jean-Marie Compte : L’imprimé, si vivace, n’est plus le support unique.Internet devenant le lieu d’une nouvelleproduction, il faudra être attentif au dépôt légal du web. Ce serait ignorerun moyen d’expression extrêmementlibre et créatif que de ne pas moissonnerles e-fanzines et les e-comics, qui font le bonheur des amateurs.

La Bilipo et le CNBDI voient la possibilitéd’une fructueuse collaboration reposantsur un croisement d’informations issuesde la veille sur l’édition et le dépôt légaldans le secteur de la bande dessinéepolicière. Et pourquoi pas au-delà…

Propos recueillis par Thierry Cloarec et Stéphanie Groudiev

parmi lesquels on identifie 43 % demangas. Ce secteur de l’édition est trèsflorissant en France. Selon Gilles Ratier,secrétaire général de l’Association descritiques de bande dessinée, qui établitchaque année un état des lieux, la BDreprésente 6,5 % du chiffre d’affaires dusecteur. On peut observer parallèlementque ces documents sont bien déposés au titre du dépôt légal.

Quelle est la part de l’édition de BD policières dans cet ensemble ?Jean-Marie Compte et CatherineChauchard : L’édition de «BD polar» est également très dynamique, mais le chiffrage est plus difficile à établir : en 2006, toujours selon le bilan de GillesRatier, 210 BD policières ont été éditées(soit 20,09 % de la production, contre 167 et 19,04 % en 2005). D’une certainefaçon, les genres ne sont pas étanches.Par exemple, science-fiction et intriguepolicière peuvent s’entremêlerfacilement.

Trouve-t-on des bandes dessinéespolicières à la Bilipo ?Catherine Chauchard : Au regard decette évolution, la bande dessinée et lesmangas sont bien représentés à la Bilipo,dans les secteurs adultes et jeunesse qui ne sont pas distingués, et sous

La BILIPO et le CNBDI voient la possibilité d’une fructueuse collaboration reposant sur un croisement d’informations

issues de la veille sur l’édition et le dépôt légal de la bande dessinée policière‘‘ ’’

Planches d’une BD policière des années1960, Gil Jourdan, premières aventures.

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Destiné à devenir un ouvrage deréférence, ce livre réunit les contributions

de Ségolène Le Men, Michel Melot et Philippe Kaenel, spécialistes de l’œuvreimprimé de Daumier, ainsi que de Valérie Sueur-Hermel, commissaire de l’exposition. Il permet de prendre la mesure de l’évolution de l’art lithographiquede Daumier et de le confronter auxréalisations de ses contemporains. Il inviteégalement le lecteur à une vivante plongéedans le processus de création de l’œuvre.De la monarchie de Juillet à la chute du second Empire, la longuecarrière du lithographe pour la presse estévoquée par des pièces phares telles queLe Ventre législatif, La Rue Transnonain ou laPage d’histoire, mais aussi par des piècesmoins connues, prélevées au sein d’unevaste « comédie humaine » en noir et blanc.Des réalisations contemporaines(Grandville, Traviès, Benjamin Roubaud,Gavarni, Cham, Beaumont, Nadar, etc.),placées en regard de ses œuvres,permettent de mesurer l’originalité et lamodernité de Daumier. On comprendalors comment ses innovations techniques,ses partis pris esthétiques lui ont nonseulement valu d’être reconnu comme le«Michel-Ange de la caricature » mais l’ontégalement inscrit parmi les «maîtres del’estampe». Outre ce parcours

chronologique, le lecteur pourra entrer aucœur du processus d’élaboration d’unœuvre destiné au plus grand nombre maisdont les épreuves choisies ont égalementsu séduire les collectionneurs avertis. De la matrice à l’épreuve du Charivari,

en passant par les épreuves sur blanc, avec et sans légendes, les épreuvesdestinées à la censure ou encore les épreuves coloriées, toutes les étapes de la fabrication des lithographies de Daumier sont ainsi évoquées.

Un livre BnF >IN

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Site Richelieu58, rue de Richelieu,

75002 Paris.

Renseignements

et inscriptions:

service d’orientation

des lecteurs.

Du lundi au samedi

de 9 heures à 17 heures.

Tél.: 0153798102 (ou 03).

Site François-MitterrandQuai François-Mauriac,

75013 Paris.

• Bibliothèque d’étude

Du mardi au samedi

de 10 heures à 20 heures,

le dimanche

de 13 heures à 19 heures

Fermé le lundi.

Renseignements

et inscriptions:

à l’accueil, de mardi à samedi

de 10 heures à 19 heures,

le dimanche de 12 heures

à 19 heures.

Tél.: 0153794041 (ou 43)

ou 0153796061 (ou 63).

• Bibliothèque de recherche

Du mardi au samedi

de 9 heures à 20 heures,

le lundi de 14 heures

à 20 heures.

Réserve des Livres rares:

du mardi au samedi

de 9 heures à 18 heures,

le lundi de 14 heures

à 18 heures.

Renseignements

et inscriptions:

orientation des lecteurs,

du mardi au samedi

de 9 heures à 19 heures,

dimanche de 13 heures

à 18 heures,

lundi de 14 heures

à 19 heures.

Tél.: 0153795503 (ou 06).

Bibliothèque-musée de l’OpéraPlace de l’Opéra, 75009 Paris.

Tél.: 0153 79 37 47.

Du lundi au samedi

de 10 heures à 17 heures.

Bibliothèque de l’Arsenal1, rue de Sully, 75004 Paris

Tél.: 0153012507.

Du lundi au vendredi

de 10 heures à 18 heures,

samedi de 10 heures

à 17 heures.

Tarifs cartes de lecteur.

Haut-de-jardin:

1 an: 35 ¤; tarif réduit: 18 ¤;

15 jours: 20 ¤;

1 jour: 3,30 ¤.

Recherche (François-

Mitterrand, Richelieu,

Arsenal, Opéra):

1 an: 53 ¤; tarif réduit: 27 ¤;

15 jours: 35 ¤; tarif réduit:

18 ¤; 3 jours: 7 ¤.

Réservation à distance

de places et de documents

Par Tél.: 0153795701

(ou 02 ou 03 ou 04).

Du mardi au samedi

de 9 heures à 19 heures,

le lundi de 13 heures

à 19 heures

Par Internet: www.bnf.fr

Visites guidées

sur réservation

Publics

Tél.: 0153794063.

Professionnels

Tél.: 0153794949.

Activités pour publics

scolaires et enseignants

Tél.: 0153794100.

Informations générales

Tél.: 0153795959.

Librairie de la BnFSite François-MitterrandHall Est Tél. 0145833981Site RichelieuTél. 0142968627

Daumier, le catalogue

Sous la directionde Valérie Sueur-Hermel, avec lescontributions de Ségolène Le Men, MichelMelot et PhilippeKaenel.

200 pages, 220 illustrations. Éditions de la BnF.Prix : 39 ¤.

DaumierL’écriture lithographique

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28 - Chroniques de la BnF - n°43

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L’histoire d’une famille s’édifie sur un nombre fini d’épisodes et lesphotographies conservées, agencées dans des albums, sont les singularités dece temps lacunaire. Elle peut se transmettre oralement, savoir fragmentaire lié à l’élaboration des codes familiaux, reconfigurée dans un récit intimetangent aux repères des grands récits d’Histoire. Les liens de parenté, lesnoms, les dates, les villes, les circonstances, engendrent alors une écriturefactuelle, quelques phrases modestes qui restituent le hors champ du roman familial. Ouvrir l’album d’une famille inconnue c’est éprouverl’impression que les photographies de famille sont interchangeables, se ressemblent toutes, que «toutes les photographies du monde forment un labyrinthe». Les individualités abrasées se réduisent à des typologies, les moments saisis évoquent les mêmes rites de passage, mariages, baptêmes,fêtes et anniversaires, temps constructeurs des sagas intimes. La maîtrisetechnique, habituellement approximative, produit par accident quelquesbonheurs esthétiques. C’est de cette maladresse qu’émane le miracle de la réelle présence. La photographie d’amateur adhère sans distance à son modèle ; et en cette adhésion réside la fascination qui saisit le regardeur, le mystère et la puissance de la photographie, précisément en ce type d’images-là. L’album, réceptacle des icônes familiales, espacefermé, préservé, tenu en retrait ne se visite que dans une forme de piété. Il faut y voir l’éclosion du sacré dans le domaine du banal, une forme minime et personnelle de croyance à la vie après la mort, un symbolique autel des ancêtres, «substitut du monument», comme le remarque Roland Barthes.La mutilation des albums, leur dépérissement, leur destruction provoquentalors la réaction épouvantée que fait naître un acte de barbarie.«Les images meurent aussi physiquement, tout comme un jour est mortl’album des photos de mon enfance, englouti par les inondations. La plupartétaient des exemplaires uniques, ce qui est souvent le cas dans les albums de famille. En accomplissant son œuvre de destruction, l’eau avait donné aux images une consistance nouvelle, difficile à définir… J’extrais l’album de la boue, je le sèche, je l’emporte avec moi à Paris. Je commence à photographier tous ces restes à moi, ces restes de moi, et c’est comme si je procédais à une vivisection. Je regarde avec horreur ces dizaines de restes se réduire en poussière sous l’effet de l’air. J’ai ainsi fait quelquesdizaines de tentatives de résurrection, avec la foi tout irrationnelle que je n’étais pas entièrement mort.» L’Album de Bogdan Konopka n’est aucunement un exercice de stylesupplémentaire sur le thème de la photographie de famille, mais uneméditation sur la mort et la résurrection. L’archive familiale se doit d’êtrepudique, et cette série est la plus intime de toutes ses œuvres. Peu importe,suggère-t-il, que ces photographies-là soient regardées – et elles le sont

rarement – pourvu qu’elles existent, même jaunissant, s’effaçant, mourantlentement. Konopka se place en face du cercle des disparus, se resitue dans sonlignage et en devient l’iconographe ultime. Pages mutilées et pourrissantes,photographies moisies sont mises en scène à la manière de la nature morte ou dela tradition du studio, et photographiées à la chambre. La «consistance difficileà définir» des objets, magnifiée par la lente prise de vue et l’imprégnationd’une lumière évanescente devient, au tirage, une matière somptueuse, saturéed’argent. La précision du tirage par contact, la large marge noire cernant le petit format, signatures du style de Konopka, ajoutent une puissanceplastique hypnotique, magnifient ces banales images vernaculaires. La mort, la magie et la photographie ont toujours eu partie liée. Spectateur, opérateur,spectre. Konopka, regardé par ses morts et les regardant lui-même réunit, en ce jeu vertigineux avec le temps, les trois attitudes possibles face à la photographie. Ressuscitant le corps des images, il sauve ce qui reste du«contour subtil des voix anciennes». Anne Biroleau

Bogdan Konopka, né en 1953 à Dynow (Pologne) vit en France depuis 1989. Auteur de nombreuses commandes publiques, présent dans les grandes collections françaises et étrangères, ses œuvres ont été exposées à maintes reprises. Il a publié récemment Chine, l’empire du gris, éd. Marval, 2007.

Icônes intimes

Album, 1999. Donation au département des Estampes en 2006

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