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    Perspectives actionnelles et perspectives culturelles en

    didactique des langues-cultures : vers une perspective co-

    actionnelle co-culturelle, par Christian PUREN

    vendredi 18 mai 2007Christian PUREN

    Article paru dans le n 3/2002 des Langues modernes, juil.-aot-sept. 2002, pp. 55-71, intitul Linterculturel (Paris, APLV,

    Association franaise des Professeurs de Langues Vivantes).

    par Christian Puren- Universit Jean Monnet, Saint-tienne christian.puren@univ-st-

    etienne.fr

    RsumDans cet article, lauteur passe en revue la succession, dans

    lenseignement scolaire franais des langues trangres, des

    diffrentes mthodologies constitues, en montrant comment chacunesest construite sur un mode dadquation entre sa perspective

    actionnelle ( savoir lesactions quelle prpare les lves raliser en

    langue trangre) et sa perspective culturelle (savoirles comptences culturelles auxquelles elle prpare les lves).

    Il dfend lide que la nouvelle perspective actionnelle propose dans

    leCadre europen commundu Conseil de lEurope constitue undpassement de la perspective actionnelle de lapproche

    communicative, et quelle implique par consquent un dpassement

    de la perspective culturelle qui lui tait lie, celle de linterculturel. Ilbauche enfin les grandes lignes de ce que devrait tre la nouvelle

    cohrence correspondante, quil nomme perspective co-actionnelle

    co-culturelle , tout en prcisant que dans le cadre de la didactiquecomplexe quil promeut, il ne sagit pas de substituer cette nouvelle

    cohrence aux cohrences antrieures, mais de lajouter la panoplie

    des instruments dj disponibles pour la gestion du processus

    denseignement/apprentissage.

    http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?auteur8http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?auteur8
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    Mots clsMthodologies, approche communicative, interculturel,

    perspective actionnelle, co-action, co-culturel

    La pense nat de laction pour retourner laction.

    Henri Wallon,De lacte la pense, 1942.

    La pense part de la pratique pour y retourner. Paul Langevin,crits philosophiques et pdagogiques, 1947.

    Introduction

    Le titre choisi pour cet article demande explication : jemprunte

    lexpression de perspective actionnelle aux rdacteurs duCadreeuropen commun de rfrence pour lapprentissage etlenseignement des languesdu Conseil de lEurope (1996, 1998, d.dfinitive 2001), qui la dfinissent ainsi au tout dbut du chapitre (3.1)

    quils lui consacrent :

    Un cadre de rfrence doit se situer par rapport

    unereprsentationdensemble trs gnrale de lusage et de

    lapprentissage des langues. Laperspectiveprivilgie ici est, trs

    gnralement aussi, detype actionnelen ce quelle considre avant

    tout lusager et lapprenant dune langue comme des acteurs sociaux

    ayant accomplir des tches (qui ne sont pas seulement langagires)

    dans des circonstances et un environnement donn, lintrieur dundomaine daction particulier. Si les actes de parole se ralisent dans

    des activits langagires, celles-ci sinscrivent elles-mmes

    lintrieur dactions en contexte social qui seules leur donnent leurpleine signification. (je souligne)

    Je vais donner ici cette expression de perspective actionnelle le

    sens plus large quelle me semble mriter, les diffrents cadres derfrence qui se sont succd dans lhistoire de la didactique

    des langues-cultures stant tous forcment dfinis chacun leur

    poque en fonction duneconception[1] densemble de lusage et de

    lapprentissage de ces langues.

    http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article844#nb1http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article844#nb1
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    Sur ce modle de lexpression de perspective actionnelle ,

    jutiliserai celle de perspective culturelle pourdsigner les conceptions successives de la culture envisage de

    mme la fois dans son usage et dans son apprentissage.Les deux thses que je vais dfendre dans cet articlesont les suivantes :

    1) La cohrence externe de chaque mthodologie est construite partir de sa perspective actionnelle au moyen de la mise en

    adquation maximale (cest--dire de la recherche de lhomologie) :

    des fins, savoir les actions quon veut que les lvessoient capables de raliser en langue trangre dans la socit leursortie du systme scolaire, actions dont lensemble constitue ce que

    jappelle lobjectif social de rfrence ;

    et des moyens, savoir les actions quon fait raliser aux lves enclasse dans le but de leur faire atteindre cet objectif.

    2) La cohrence interne de chaque mthodologie est construite au

    moyen de la mise en adquation maximale de sa perspective

    actionnelle et de sa perspective culturelle.

    Si ces deux thses sont exactes, la nouvelle perspective

    actionnelle du Conseil de lEurope implique ncessairement undpassement de la perspective interculturelle actuellement dominante

    en didactique des langues-cultures, puisque celle-ci correspond

    lapproche communicative labore il y a trente ans, au dbut desannes 70.

    Je me propose de modliser les diffrentes configurations historiques

    prises en France par cette double adquation au moyen de quatrepaires de concepts (le premier actionnel, le second culturel) :la

    traduction/les valeurs, lexplication/les connaissances,

    linteraction/les reprsentations, la co-action/les conceptions.

    Cest pour dsigner cette toute dernire configuration historique -

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    actuellement en train dmerger en Europe - que jutiliserai

    lexpression de perspective co-actionnelle co-culturelle .

    1. La double perspective traduction/valeurs

    Cette double perspective correspond la mthodologie traditionnelle

    scolaire denseignement/apprentissage des langues vivantes tellequelle sest calque lpoque sur celle de lenseignement scolaire

    du latin et du grec, et qui est reste dominante en France jusqu la fin

    du XIXe sicle.

    Lobjectif social de rfrence correspond celui dune poqueo les voyages ltranger - et les voyages des trangers en France -

    sont encore trs rares et limits et ne concernent quune infimeminorit de la population. Il correspond aussi une poque pr-

    mdiatique , dans laquelle les documents de langue-culturetrangre sont rares, les plus disponibles tant les grands textes

    littraires.

    Dans cette mthodologie traditionnelle, la perspective actionnelle estcelle de latraduction. Cette mthodologie est dailleurs appele

    aussi de grammaire-traduction , le thme y tant mis

    principalement au service de lenseignement de la langue, la version

    au service de lenseignement de la culture, lhomologie fins-moyensportant sur les deux types de traduction : dans lenseignement aux

    adultes, on entrane les apprenants au thme oral instantan

    pour les prparer communiquer en langue trangre ; danslenseignement scolaire, on leur fait traduire des textes classiques en

    classe pour les prparer pouvoir plus tard continuer les lire.

    Jusqu la fin du XIXe sicle, en effet, la didactique des langues-cultures fonctionne en rgime de paradigme indirect, cest--dire que

    lon y considre que comprendre parfaitement une langue trangre

    cest faire une version mentale instantane et inconsciente, la parler

    couramment faire un thme de mme type. On pensait donclogiquement - par application du mme principe de ladquation

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    maximale fins-moyens - que pour enseigner une langue trangre, il

    fallait faire traduire intensivement les apprenants jusqu ce que leurtraduction devienne instantane et inconsciente.

    On peut parler dans ce cas de perspective actionnelle universaliste , dans la mesure o non seulementtoutes les langues sont supposes relever du mme dispositif

    didactique, mais quelles y sont parfaitement rversibles : exception

    faite de la langue des consignes, un manuel pour lapprentissage delitalien langue trangre des Franais, par exemple, peut tre

    parfaitement identique dans ses textes et ses exercices un manuel

    pour lenseignement du franais langue trangre des Italiens.

    La perspective culturelle de cette mthodologie est tout aussi

    universaliste : cest celle dite des Humanits , dont le noyau duridologique est constitu des troisvaleurstroitement relies du Vrai,

    du Beau et du Bien. Comme lexplique mile Durkheim dans lune de

    ses confrences pdagogiques des annes 1900, ce que lon cherche

    faire retrouver aux lves dans les grands textes classiques, ce ne

    sont pas les particularits de telle ou telle culture, mais au contraire le fonds commun de toute lHumanit que sont suppos constituer

    ces valeurs universelles. On ne sintresse pas auxconnaissances culturelles, mais cette culture gnrale que

    linstruction du 15 juillet 1890 pour lEnseignement classique prsente

    en ces termes : La vraie fin que le matre, tout en sattachant avecpassion sa tche journalire, devra constamment avoir prsente

    lesprit, cest de donner, par la vertu dun savoir dont la majeure partiese perdra, une culture qui demeure.

    Dans la traduction professionnelle telle quelle est actuellement

    conue, la conscience des spcificitsculturelles du texte dorigineamne souvent les rendre au moyen dquivalences dans la

    culture du lecteur. Dans la mthodologie traditionnelle, au contraire,

    luniversalit postule des contenus culturels (du moins de ceuxauxquels on sintresse) lgitime une traduction cense les reproduire

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    au moyen de correspondances troites : le sens recherch est

    suppos donn demble par la traduction littrale, mme si celle-cidevra ensuite tre rcrite en bon franais . Perspective actionnelle

    et perspective culturelle y sont donc en parfaite adquation, lapremire tant mise au service de la seconde dans lenseignementscolaire.

    2. La double perspective

    explication/connaissances

    Cette double perspective correspond la mthodologie dite active qui est reste en vigueur dans lenseignement scolaire franais desannes 1920 aux annes 1960 (mais elle commence slaborer ds

    le dbut des annes 1900 dans la rflexion sur lapplication de lamthodologie directe au second cycle, et elle se prolonge comme on

    le verra jusqu nos jours), mthodologie dont lvolution est marque

    par les trois instructions officielles de 1925, 1938 et 1950.

    Comme dans la mthodologie traditionnelle, on retrouve dans lamthodologie active la mme homologie fins-moyens applique la

    nouvelle perspective actionnelle. Dans lobjectif social de rfrence, ilsagit maintenant de rendre les lves capables plus tard dentretenir

    et de dvelopper leurs connaissances en langue-culture trangre par

    lintermdiaire de ces documents varis dsormais de plus enplus accessibles tous : littrature encore, bien sr (avec logiquement

    une forte rorientation vers le roman moderne), mais aussi journaux,revues, plus tard missions de radio et de tlvision, les progrs de lareproduction photographique ouvrant trs tt laccs de nombreux

    autres types de documents authentiques. On y prpare les lves de

    la mme manire, en leur enseignant la langue et la culturetrangres au moyen dune exploitation didactique de ces mmes

    documents calque sur ce mme usage. Le statut et la fonction

    scolaires du document-support de base de lunit didactique cest

    le dispositif dit d intgration didactique , qui a perdur jusqu nos

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    jours dans la conception des preuves du baccalaurat

    correspondent donc exactement ceux qui leur taient assigns lpoque dans lobjectif social de rfrence.

    La perspective culturelle, quant elle, va devoir sorientervers les spcificits des cultures trangres : partir du moment olon accde des documents plus nombreux, plus varis et plus

    rcents, on peroit les cultures comme vivantes et diffrentes les unes

    des autres. Cest pourquoi la perspective actionnelle correspondanteva dsormais exiger de la part des lves laccs

    auxconnaissanceset leur utilisation (je propose pour cette raison de

    parler de perspective civilisationnelle ). Adrien Godart, lun des toutpremiers thoriciens de la lecture directe des textes littraires ensecond cycle, considre par exemple ds 1907 que ce qui importe,

    ce sont les impressions quils [les lves] reoivent du contact

    immdiat et personnel des uvres littraires, la conscience quils ontde se trouver devant une conception particulire de lart ou de la vie,

    la curiosit des problmes moraux, historiques et sociaux que pose la

    lecture de ces uvres (p. 281). Et prs dun demi-sicle plus tard, lerdacteur de linstruction de 1950 dfinit ainsi le double objet de

    lenseignement des languestrangres : exercer les lves lapratique de la langue et contribuer leur enrichissement intrieur par

    ltude de textes reprsentatifs de la vie et de la pense du peuple

    tranger. Ces deux proccupations ne devront jamais tredissocies .

    Dans la mthodologie active comme dans la mthodologietraditionnelle scolaire, cest la perspective actionnelle qui est mise auservice de la perspective culturelle, savoir dsormais la dcouverte,

    rception et mobilisation des connaissances correspondantes. Il sagit

    de la fameuse explication de textes la franaise (l tude de

    textes de linstruction de 1950), qui va tre ensuite adapte

    pourles autres types de documents, et qui sert encore actuellement

    en France de modle aussi bien pour lenseignement culturel en

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    second cycle scolaire que pour lvaluation terminale de ce cursus

    (lpreuve crite ou orale du baccalaurat). La seule analysedidactique possible de ce modle dexplication de documents nest

    pas de type mthodologique (chaque texte exige en effet uneapproche spcifique, do lindigence manifeste des fichesmthodologiques proposes dans lesmanuels scolaires) mais

    prcisment de type actionnel : ce qui dfinit cette explication

    nest pas une manire de faire exige des lves, cest ce quilsdoivent faire quel que soit le document (textuel, visuel, audiovisuel ou

    scriptovisuel), savoir un ensemble dactionsidentiques

    paraphraser et/ou dcrire, analyser, interprter, extrapoler, ragir,comparer et transposer mais quils devront eux-mmes raliser et

    organiser dune manire qui corresponde la spcificit de chaque

    document.

    3. La double perspective

    interaction/reprsentations

    Cette double perspective est lance par les premiers travaux du

    Groupe Langues du Conseil de lEurope, qui vont aboutir la

    publication des diffrents Niveaux-seuils du dbut des annes 70(Threshold Levelpour langlais, 1972 ;Niveau-Seuilpour le franais,1975 ; etc.), publications qui vont impulser dans toute lEurope la dite

    approche communicative (dsormais sigle AC ). Lesintroductions de tous ces documents sont trs claires

    quant au nouvel objectif social de rfrence : lesauteurs se proposent

    de faciliter le processus dintgration europenne en mettantlenseignement des langues au service du dveloppement de

    rencontres ponctuelles entre ressortissants de pays diffrents, dans

    un cadre touristique ou dans un cadre professionnel. Cest pour cetteraison que lessituations de rfrence retenues par les auteurs de ces

    Niveaux-seuils pour dterminer la liste des notions et des actes de

    parole sont celles dun sjour la fois initial et de courte dure. On y

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    apprend plus souvent commencer une conversation qu la

    reprendre, rserver une chambre pour une nuit qu louer unappartement, et les discussions entre un tranger et un autochtone y

    sont autrement plus frquentes que celles entre deux rsidents ou lintrieur dun couple mixte.

    Cest pour cette mme raison que la perspective actionnelle de lAC

    ou, si lon prfre, les actions de rfrence de cette mthodologie,

    savoir les actes de parole, qui correspondent la fois un parleravec et un agir sur lautre - sont trs clairement orientes la

    fois vers la gestion des situations de prise de contact et vers

    lefficacit immdiate de la communication interindividuelle, quiconstituent les enjeux les plus naturels dans ce type de situation :

    moins on connat quelquun et plus court doit tre lchange avec lui,

    en effet, plus lenjeu naturel consiste changer des informationssans se poser la question de savoir ce que lon pourrait ensuite en

    faire ensemble. Comme dans lesmthodologies antrieures, on

    retrouve dans lAC la mme homologie fins-moyens, applique

    logiquement au type de communication vis : lactivit de rfrence delAC correspond un exercice combinant lepair work(travail pardeux) et linformation gap(lcart dinformation combler). untudiant en mal de sujet de matrise ou de DEA et amateur de

    statistiques, je proposerais volontiers de dterminer le pourcentage

    dont je fais lhypothse quil est trs lev des actes de parole et

    des situations dchanges langagiers qui, dans tous les Niveaux-

    seuils et les manuels qui sen inspirent, sont marqus des sceauxconjoints de linchoatif (ils sont considrs au moment limit de leurdbut), du ponctuel (ils sont considrs comme devant avoir une

    dure limite) et de linterindividuel (ils sont considrs dans le cadrelimit dune communication entre deux interlocuteurs). Le concept

    dinteraction - qui est avec celui de communication lun des

    concepts centraux de lAC sest trouv historiquement dfini en

    rfrence ce type prcis dchanges, comme on le peut le constaterpar exemple chez C. Kramsch, pour qui tout discours est de nature

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    interactive [...] au sens largesicdinterprtation mutuelle, cest--diredajustement, dans son laboration, aux intentions communicativesduninterlocuteur rel ou potentiel (1984, p. 17, je souligne).

    La perspective culturelle de lAC qui est celle de linterculturel ne peut se comprendre quen fonction du mme objectif social de

    rfrence qui a dtermin la conception de sa perspective actionnelle.La citation suivante me parat trs significative ce propos :

    Lexercice de civilisation ne peut se rduire ltude de documents,ou la comprhension de textes. Cette dfinition minimale nestopratoire que dans un cadre strictement scolaire. Ce qui estpropos, cest de mettre en place des comptences qui permettrontde rsoudre les dysfonctionnements inhrents aux situations olindividu simplique dans une relation vcue avec ltranger etdcouvre ainsi des aspects de son identit quil navait pas eu encoreloccasion dexplorer : sa qualit dtranger qui lui est renvoye par leregard de lautre, les particularismes de ses pratiques qui lui taientjusque-l apparues comme des vidences indiscutables.(G. ZARATE

    1993, p. 98)

    On retrouve en effet dans ces quelques lignes, aprs la prise de

    distance vis--vis de la perspective actionnelle antrieure - celle de la

    mthodologie active ( ltude des documents et lacomprhension de textes ) -, les trois caractristiques de la

    perspective actionnelle de lAC que jai signales plus haut, savoir

    linchoatif (thmes de la dcouverte , de la prise deconscience , de l ouverture ), le ponctuel (thme de la

    rencontre ) et linterindividuel (thme de l Autre ). Quant la

    reprsentation - autre concept central de la perspectiveinterculturelle - on ne sera pas surpris quelle se trouve dfinie

    lintrieur de ce mme cadre : cest principalement la perception

    strotype, limage a priori que lon sest faite de l tranger avantde faire personnellement sa connaissance en ayant avec

    lui les premiers changes directs.

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    On retrouve par consquent dans lAC le mme degr lev

    dadquation entre la perspective actionnelle et la perspectiveculturelle que dans les deux mthodologies antrieures (traditionnelle

    et active). Mais cette similitude ne doit pas cacher linversion dcisiveque lAC opre : pour la premire fois (du moins dans lhistoire de ladidactique des langues-cultures en France), cest la perspective

    culturelle qui est mise au service de la perspective actionnelle, et non

    plus linverse, la culture y tant en effet considre comme unecomposante (dite socioculturelle ) de lobjectif vis, savoir la

    comptence de communication. Le hasard (heureux) des jurys de

    soutenance a voulu que je tombe rcemment, dans une thseconsacre linterculturel, sur lnonc trs clair correspondant :

    selon lauteur, lobjectif de lAC est de doter lapprenant dune

    comptence culturelle qui lui permettra de parler de sa propre culture,dtre prt souvrir, de respecter les diffrences, de sintresser aux

    convergencespour pouvoir communiquer efficacement. (Th.

    NIKOU 2002, p. 108, je souligne).

    4. La double perspective co-

    action/conceptions

    Les auteurs duCadre commun europen de rfrencede 1996-1998-2001 cits dans lintroduction du prsent article oprent - mme sils

    ne le disent pas clairement, voire sen dfendent certains moments -une nette prise de distance davec lAC des annes 70 et son autre

    concept central d acte de parole , dont ils relativisent doublement

    limportance en signalant que les actes ne sont pas seulement deparole, et que les actes de parole eux-mmes nont de signification

    que par rapport aux actions sociales quils concourent raliser

    (jinvite mes lecteurs relire maintenant ces lignes).

    Il y a l une volution qui nest que suggre, mais dont on voit bien la

    direction par rapport aux mthodologies antrieures, que lon peutaisment prolonger vers lavenir. Dans la mthodologie traditionnelle

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    on formait un lecteur en le faisanttraduire(des documents), dans

    la mthodologie active on formait un commentateur en le

    faisantparler sur(des documents) ; dans lAC on formait un

    communicateur en crant des situations langagires pour lefaireparler avec(des interlocuteurs) etagir sur(ces mmes

    interlocuteurs) ; dans la perspective actionnelle esquisse par

    leCadre europen commun de rfrence( laquelle je rserveraidsormais le sigle PA ), on se propose de former un acteur

    social ; ce qui impliquera ncessairement, si lon veut continuer

    appliquer le principe fondamental dhomologie entre les fins

    et les moyens, de le faireagir aveclesautres pendant le temps deson apprentissage en lui proposant des occasions de co-actions

    dans le sens dactions communes finalit collective. Cest cettedimension denjeu social authentique qui diffrencie la co-action de la

    simulation, technique de base utilise dans lapproche communicative

    pour crer artificiellement en classe des situations de simpleinteraction langagire entre apprenants.

    Ce concept de co-action nest pas nouveau : il est en particulierutilis par certains psychologues constructivistes - paralllement celui de conflit socio-cognitif - pour intgrer dans la thorie

    piagtienne la dimension collective de la relation sujet-objet qui leursemble y faire dfaut. Lune des formes de mise en uvre de cette

    conception de lapprentissage est connue depuis longtemps en

    pdagogie sous le nom de projet , dans ce que lon appelle

    prcisment la pdagogie du projet . Cest dailleurs ce terme de projet quont spontanment utilis les auteurs du premier cours de

    langue (pour lenseignement de langlais des enfants) o jairemarqu les units didactiques systmatiquement construites non

    plus partir dune situation de communication simule, comme dans

    lAC, mais en fonction dactions collectives authentiquesque les lves doivent prparer et raliser entre eux : un spectacle de

    Nol, la fte danniversaire de lun dentre eux, des mini-olympiadespour tous les lves de lcole,...

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    Jutiliserai nanmoins ici le terme de co-action et non celui de

    projet pour les trois raisons suivantes : 1) il nest pashistoriquement marqu par les diffrentes conceptions et mises en

    uvre passes de la pdagogie du projet ; 2) il marque clairementlvolution de la perspective actionnelle entre lAC et la PA, o lonpasse de l interaction la co-action ; 3) il me permet de

    proposer paralllement le concept de co-culturel en opposition

    celui d interculturel .

    Lapparition de la PA ne peut se comprendre, comme celle de

    lancienne AC, que par rapport lobjectif social de rfrence, et le

    passage de lune lautre que par lvolution de cet objectif. Alors quecelui de lAC, comme nous lavons vu, correspond principalement la

    problmatique des rencontres et changes ponctuels, celui de la PA

    sinscrit dans la progression de lintgration europenne : on vaconsidrer dsormais que tout lve doit tre prpar tudier en

    partie en langue trangre, aller suivre une partie de son cursus

    universitaire ltranger, faire une partie de sa carrire

    professionnelle dans un autre pays. Et mme travailler en France enlangue trangre : ctait dj le cas dans les changes distance

    (crire en portugais une entreprise brsilienne, tlphoner enallemand un collgue autrichien) ou sur place (tenir une runion de

    travail en espagnol avec des ingnieurs mexicains), mais il sagissait

    l dchanges plus ou moins ponctuels dont lanalyse et la gestionpouvaient encore relever de la perspective interculturelle.

    Laboutissement du processus de mondialisation dans certainesentreprises cre ds prsent des situations qualitativementdiffrentes qui ne pourront que se multiplier lavenir : dores et dj,

    par exemple - quon sen flicite ou quon le regrette -, des cadresfranais sur un site franais dune entreprise franaise sont amens

    travailler rgulirement en anglais non seulement avec des

    Allemands, des Amricains ou des Italiens, mais avec dautres

    Franais.

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    Certes, la perspective interculturelle en didactique des langues-

    cultures sest largie ces dernires annes aux questions lies auxsituations de contact permanent entre cultures diffrentes, comme

    cest le cas au sein des socits multiculturelles etdans les phnomnes individuels ou collectifs de mtissage culturel. tel point que Maddalena DE CARLO peut en 1998 assigner cette

    perspective, dans louvrage quelle lui a consacr, lobjectif de nous

    prparer vivre ensemble avec nos diffrences (p. 39). Maislorsquil sagit non plus seulement de vivre ensemble (co-exister

    ou co-habiter), mais de faire ensemble (co-agir), nous ne pouvons

    plus nous contenter dassumer nos diffrences : il nous fautimprativement crer ensemble des ressemblances. Or cette

    modification de lobjectif culturel de rfrence exige rien moins que de

    passer en didactique de la culture dune logique produit - la seulehistoriquement mise en uvre jusqu prsent, toutes mthodologies

    ou approches confondues - une logique processus qui se trouve

    tre plus conforme une reprsentation moderne, cest--diredynamique, des ralits culturelles. Il est vident quon na pu se

    focaliser ce point jusqu prsent, dans la perspective interculturelle,

    sur le thme de l altrit , que parce que ny tait pas envisageprioritairement laction commune, laquelle exige de se forgerdes

    conceptions identiques, cest--dire des objectifs, principes et

    modes daction partags parce qulabors en commun par et

    pour laction collective.

    Dans une interview pour le numro de septembre 1999 de larevueSciences Humaines, le psychologue et pdagogue AndrGiordan dfinissait la conception comme le systme de pense mis

    en branle propos dun projet . Elle est plus exactement, mon avis,

    un systme daction qui la fois produit un systme de pense etest produit par lui, dans une boucle rcursive que suggrentles deux

    citations places en exergue du prsent article. Cest le saut qualitatif

    impliqu dans le passage desreprsentations de lautre(mobilisesdans le parler avec et dans lagir sur) auxconceptions

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    communes(cres pour et par lagir avec) qui explique certains faits

    dexprience bien connus, comme celui (vcu par lauteur de ces

    lignes comme srement aussi par quelques-uns de ses lecteurs...) de

    vieux amis qui en arrivent ne plus se supporter au bout desquelques semaines du premier voyage ou du premier travail en

    commun. Contrairement aux reprsentations - qui ne sont lies qu laperception -, les conceptions sont en effet lies laction, de sorte

    que ce sont celles-ci, et non pas celles-l, qui se rvlent en dernire

    instance dterminantes lorsquil sagit de faire ensemble.

    Il en est de mme des valeurs, qui ne sacquirent ni par

    lenseignement (elles ne sont pas de lordre des connaissances) nipar le simple contact (elle ne sont pas non plus de lordre desreprsentations), mais par et pour laction elle-mme. Pour laction : il

    ny a ainsi de respect de lautre que sil y a volont de le respecter et

    actes correspondants. Par laction, comme lexplique par exemple .DURKHEIM dansLducation morale: Pour que la moralit soitassure sa source mme, il faut que le citoyen ait le got de la vie

    collective. Mais [...] pour goter la vie en commun au point de nepouvoir sen passer, il faut avoir prislhabitude dagir et de penser

    en commun (p. 197, je souligne). Cest pourquoi, contrairement

    largument principal utilis depuis deux dcennies par ses promoteursen milieu scolaire, la perspective interculturelle est elle seule

    insuffisante pour assurer la formation thique des lves dans le

    cadre de leur apprentissage dune langue-culture.

    Cette perspective interculturelle est tout aussi insuffisante au regarddu nouvel objectif social de rfrence. Lorsque lon travaille avec des

    trangers (mais peut-on encore considrer comme trangers ,par exemple, des collgues avec qui lon travaille depuis des annes

    dans leur propre pays, comme cela mest arriv plusieurs reprises

    au cours de ma carrire ?...), il ne peut plus sagir seulement de grerau mieux les phnomnes de contact (mme permanent) entre des

    cultures diffrentes en tant conscient des reprsentations qui vont

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    dterminer les perceptions, attentes, attitudes et comportements des

    autres et de soi-mme : il faut, pour parvenir faireensemble,laborer et mettre en uvre une culture daction

    commune dans le sens dun ensemble cohrent de conceptionspartages: cest trs prcisment ce processus qui constitue lobjet

    et lobjectif de ce que je propose dappeler la perspective co-culturelle .

    Conclusion prospective

    la fin de cet article, jaboutis la modlisation suivante de lvolution

    historique des formes dadquation entre perspectives actionnelles et

    perspectives culturelles en didactique scolaire deslangues-cultures :

    Llaboration de la toute dernire perspective, co-actionnelle-co-

    culturelle, nest pas seulement ncessaire pour 1) mettre notre

    discipline en adquation avec le nouvel objectif social de rfrence.Elle est indispensable pour au moins les quatre autres fortes raisons

    suivantes :

    2) Cette double perspective co-actionnelle-co-culturelle permet de

    repenser les deux questions relies - etdsormais incontournables dans nos classes scolaires, comme on le

    sait - de la motivation et de la responsabilisation des lves :

    En ce qui concerne la motivation, je ne puis ici que renvoyer mes

    lecteurs lexcellent chapitre que le pdagogue cognitiviste JacquesTARDIF a consacr, dans son ouvrage de 1992, la motivation

    scolaire . On y trouve dveloppe lide que cette motivation ne peut

    se construire que dans une perspective actionnelle - celle des

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    tches raliser -, parce quelle dpend simultanment de

    laperceptionet de laconceptionque les lves ont de ces tches.

    En ce qui concerne la responsabilisation (qui consiste en la volont

    personnelle dagir socialement en mettant en uvre certainesvaleurs), il se trouve que cest prcisment

    dans les classes les plusdifficiles que lenseignement/apprentissagedune langue trangre doit imprativement se faire lintrieur dun

    cadre la fois co-actionnel et co-culturel dfinissant explicitement, sur

    la base de valeurs partages, les conceptionscommunes indispensables au travail collectif.

    3) Plus gnralement, toute classe de langue constitue en tant quetelle un certain cadre co-actionnel-co-culturel, puisque lenseignant

    et les apprenants ont y raliser une action conjointe

    denseignement/apprentissage dune langue-culture quils ne pourrontmener bien ensemble que sur la base dun minimum

    deconceptionscommunes. La double perspective propose ici se

    trouve donc tre en adquation naturelle avec tout type

    denvironnement denseignement/apprentissage, contrairement lAC,dans laquelle lenvironnement scolaire tait constamment ressenti

    comme artificiel (do le recours systmatique la simulation danscette mthodologie).

    4) Cette double perspective co-actionnelle-co-culturelle est la mieux

    adapte tous les dispositifs collectifs - ils se sont multiplis cesdernires annes et il est probable quils se gnraliseront

    dansles annes venir - o la langue est enseigne/apprisepour et

    par laction dimension sociale, en particulier :

    lenseignement primaire : les enfants sont en effet moins intresss

    par la langue trangre en elle-mme que par les activits

    intressantes quon leur propose de raliser ensemble en languetrangre ;

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    les classes dites europennes et les cursus bilingues, o la

    langue trangre est un instrument collectif dapprentissage dautresmatires scolaires ;

    les diffrentes formes d apprentissage collaboratif (telles quelapprentissage en tandem), danslesquelles les apprenants mnent bien entre eux leur projet commun qui est la fois dapprentissage et

    denseignement ;

    les travaux personnels encadrs (TPE) en lyce, o la langue

    trangre peut tre mobilise en tant quoutil (documentaire, par

    exemple) au service de la ralisation dun dossier de recherche soutenir devant un jury ;

    la prparation au CLES (certificat de langues pour lenseignement

    suprieur), pour lequel lestudiants devront faire preuve dunecertaine comptence dans lutilisation de la langue trangre pour

    leurs tudes universitaires : tre capables de prendre des notes sur

    une confrence en langue trangre, de prparer un expos en

    langue trangre, etc.5) Cette perspective co-actionnelle-co-culturelle est aussi la plusadapte lInternet, dont la nouveaut et la spcificit consistent

    moins dans laccs la documentation (il existait

    dj lesbibliothques et les mdias), dans le multimdia (dj mis enuvre systmatiquement, par exemple, dans les cours audiovisuels

    des annes 60) ou dans la communication synchrone ou asynchrone

    (il existait dj le tlphone, le minitel, le fax et le courrier postal), quedans le travail collaboratif assist par ordinateur (TCAO, en anglais

    CSCW,Computer-Supported Cooperative Work), pour lequel ont tcrs des collecticiels , systmes informatiques intgrant letraitement de linformation et lesactivits de communicationaveccomme objectifdaider les utilisateurs raliser un travail collectif.

    ...maisavec comme objectif... , aurais-je pu crire ci-dessus pour

    marquer trs prcisment la ligne de partage entre lapproche

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    communicative et la perspective co-actionnelle. force dappliquer

    depuis 30 ans en didactique des langues-cultures le principe internede lhomologie fins-moyens la communication (faire communiquer

    pour enseigner communiquer), on a fini en effet par oublier quedans le monde extra-scolaire, la communication nest pas une fin ensoi mais un moyen au service dactivits socialement significatives.

    De la mme manire, force de focaliser dans la perspective

    interculturelle sur la relation entre la dcouverte personnelle delaltrit et la prise de conscience de sa propre identit, on a aliment

    le fantasme latent dune sorte d essence individuelle , en oubliant

    du coup deux questionsfondamentales que lobjectif thique delenseignement scolaire rend pourtant incontournables : la question

    existentielle (on connat par exemple la formule de Sartre, pour qui

    le problme nest pas tant de savoir ce que lon est que ce que lonvafairede ce que lon est), et la question sociale (quefaire

    ensemble, la fois malgr et avec nos diffrences ?).

    Llaboration de cette perspective co-actionnelle-co-culturelle, avec

    ses modes de mise en uvre dans les matriels didactiqueset les pratiques de classe, va bien au-del des limites de cet article

    aussi bien que de mes comptences actuelles : elle relve en effetdun programme de recherche qui reste concevoir et raliser. Mais

    il me parat vident que ce programme devra commencer par une

    nergique remise en cause des approches communicative etinterculturelle telles quelles se sont aujourdhui trop confortablement

    installes dans leur position dominante en didactique des langues-cultures. Aprs y avoir pendant trois dcennies impuls et reprsentlinnovation, elles se retrouvent en effet aujourdhui, comme

    toutes celles qui les ont prcd, leur tour fatalement dpasses par

    lvolution de la socit.

    Quelles soient dpasses ne signifie aucunement quil

    faille les rejeter pour les remplacer par dautres plus rcentes, si dumoins on a abandonn la conception ancienne du progrs par

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    substitution au profit dune conception moderne et plus adapte la

    nature complexe de la problmatique didactique, celle dun progrspar enrichissement de perspectives diffrentes devant tre utilises

    constamment les unes et les autres en fonction des objectifs,situations et besoins volutifs du processusdenseignement/apprentissage :

    Les conceptions mobilises dans les actions sociales, comme nous

    lavons vu, mettent en jeu lesvaleurs, et elles demandent de nos joursdes formes diversifies de traduction - la fois interlangue (traduction

    simultane ou conscutive, interprtariat,...) et intralangue (rsum,

    synthse, compte rendu, montage de citations, rcriture aprscollage dextraits dorigines diverses,...) - que les auteurs duCadreeuropenont regroupes sous lappellation gnrique de mdiations et dont ils considrent juste titre quelles tiennentune place considrable dans le fonctionnement langagier ordinaire de

    nos socits : on retrouve l, mme si sa conception en est bien sr

    modifie par lvolution des besoins, des ides et des techniques, la

    configuration caractristique de la mthodologie traditionnelle(traduction-valeurs).

    Il est vident dautre part que les configurations propres la

    mthodologie active (explication-connaissances) et aux approchescommunicative et interculturelle (interaction-reprsentations) restentactuellement toutes deux indispensables la gestion des processus

    denseignement/apprentissage en milieu institutionnel (en particulier

    scolaire).

    La perspective co-actionnelle-co-culturelle prsente ici est donc

    considrer dans une logique oppose celle qui a prvalu jusqu

    prsent en didactique des langues-cultures, non plus linaire maisrcursive, non plus exclusive mais intgrative :

    En ce qui concerne sa perspective

    culturelle, les connaissances culturelles et la conscience desreprsentations interculturelles aident bien videmment llaboration

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    de conceptions pour laction commune, mais cette laboration ne peut

    se faire elle-mme que sur la base de valeurs partages dont la miseen uvre dans laction suscite un besoin de nouvelles connaissances

    et amne rinterroger les reprsentations en place, ce qui entraneune modification des conceptions initiales, et ainsi de suite :

    En ce qui concerne sa perspective actionnelle, la notion de

    projet (dans le sens trs gnral de conception dune action) met

    en boucle le dplacement objet > sujet, dplacement dont jaimontr dans mon article dj cit de 1998 comment il permettait de

    mettre en vidence les trois versions historiques de la perspective

    interculturelle, en mme temps quil en limitait les possibilitsdvolution autonome, dsormais puises. Lide de projet, en effet,

    repose en pdagogie sur la valeur formative dun processus

    permanent de modification de lobjet par le sujet, et dadaptation du

    sujet lobjet ainsi modifi par lui-mme :

    En ce qui concerne enfin le prfixe appliqu sa double

    perspective (co-actionnelle-co-culturelle ), la notion d

    actionsociale duCadre europenrintroduit clairement en

    didactique deslangues-cultures la dimension collective quavait faitoublier dans lAC le dveloppement unilatral des notions de

    centration sur lapprenant et d autonomie . Lobjectif delenseignement/apprentissage scolaire des langues-cultures, en effet,

    nest pas seulement la formation dindividus autonomes, mais

    galement celle de citoyens tout la fois cratifs etresponsables,actifs et solidaires. De ce point de vue aussi, le dplacement

    historique objet (collectif) >

    sujet (individuel) en didactiquedes langues-cultures a dsormais atteint ses limites. Il est temps,

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    dans notre discipline, de nous rappeler quun individu ne peut pas tre

    libre seul ou dans une collectivit dpendante et quil ne peut trouverde sens sa vie que dans des projets qui vont forcment impliquer

    dautres que lui-mme ; dintgrer les notions d intelligencecollective et de socit apprenante dj dveloppes dansdautres lieux ; et de considrer par consquent que cest aussi le

    groupe-classe et les groupes restreints en tant que tels qui doivent

    devenir des apprenants autonomes . Dans sonIntroduction lapense complexe, Edgar Morin donne comme exemple de bouclercursive la socit produite par les interactions entre les individus,

    mais qui, une fois produite, rtroagit sur les individus et les produit (1990, p. 100). Il sagit de mme, dans nos classes, de mettre en

    boucle lapprenant individuel et lapprenant collectif :

    Ce nest certainement pas le moindre intrt historique de cetteperspective co-actionnelle co-culturelle que dimpulser enfin dans la

    rflexion sur lenseignement/apprentissage des langues-cultures ces

    mises en boucle rcursive caractristiques de la pense complexe, et

    en tant que telles constitutives de cette didactique complexedes langues-cultures dsormais indispensable pour

    penser lesnouveaux enjeux et rpondre aux nouveaux dfis de notretemps.

    Bibliographie

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  • 7/25/2019 Christian Puren

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    Paris : APLV.KRAMSCH Claire,Interaction et discours dans les classes de langue,Paris : Hatier-CRDIF (coll. LAL ), 1984, 191 p.

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    PUREN Christian,La didactique des langues la croise desmthodes. Essai sur lclectisme, Paris, Didier-CRDIF, 1994, 212 p.- La problmatique de la centration sur lapprenant en contextescolaire ,LA revue de didactologie des langues-culturesn 100,

    oct.-dc. 1995, pp. 129-149. Paris : Didier-rudition.- Perspective sujet et perspective objet en didactique des langues ,LA revue de didactologie deslangues-cultures n 109, janv.-mars

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    TARDIF Jacques,Pour un enseignement stratgique. Lapport de lascience cognitive, Montral (Qubec), Les ditions Logiques, 1992,474 p.

    ZARATE Genevive,Reprsentations de ltranger et didactiquedes langues, Paris : Didier-CRDIF (coll. Essais ), 1993, 128 p.

    [1] On comprendra plus avant pourquoi dans ce cas jutilise pour mapart conception , et non reprsentation .

    http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article844#nh1http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article844#nh1