CHEMISE BLANCHE

MAI 2016 27

CHEMISE BLANCHE

Depuis l’automne 2015, la jeune créatrice française fait le trajet entre son atelier de Paris et Genève, où elle dirige le département de mode de la HEAD,

la très renommée Haute École d’art et de design. P a r K AT H A R I N A S A N D P h o t o g r a p h i e N I C O L A S S C H O P F E R

«M a mère, productrice de cinéma, était toujours habillée comme une femme d’affaires, avec des costumes et de larges chemises blanches. Pas de couleurs, et surtout pas de chichis!», nous

raconte Léa Peckre dans son bureau tout blanc de la HEAD, la Haute École d’art et de design de Genève. On ne peut s’empêcher de penser à la devise d’une autre Française, Coco Chanel: «L’élégance, c’est refuser.» Pour Léa Peckre, 32 ans, la discipline est importante – elle a failli devenir danseuse classique. Elle a arrêté le ballet pour étudier la céramique – ce qui lui a appris à travailler avec les trois dimensions des volumes, explique-t-elle. C’est après, à La Cambre de Belgique, l’école mondialement connue sise à Bruxelles, qu’elle a découvert comment traduire celles-ci en vêtements, et ainsi le pouvoir de la mode.

C’est Jean-Paul Gaultier lui-même qui l’a sélectionnée lors de son jury de diplôme pour intégrer son studio de Haute Couture. Elle conçoit alors une robe du soir en forme de toile d’araignée, noire et géométrique. Ensuite, passages chez Givenchy et chez Isabel Marant (elle précise «pas vraiment mon style, mais intéres-sant commercialement»). Tout au long de sa carrière, Léa Peckre a su convaincre les jurys les plus prestigieux et enchaîner le Prix du Festival de Hyères, le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris et en 2015 le Prix d’ANDAM. Mais elle ne cherche pas qu’à séduire les jurés avec ses collections, elle vise aussi les clients. Avec

élégance et un soupçon de subversion.Léa crée des robes qui mettent à nu mais qui donnent du courage. La provocante transparence de sa collection Été 2016, apposée de délicats ruchés blancs, était accompagnée de vestes défensives, ses «Resistance Jackets». Cet automne, elle a fait monter sur le podium des robes et des tops près du corps aussi transparents que des bas résille, tranchés par des vestes et des pantalons sur-dimensionnés d’une brillance laquée. Malgré leur transparence, la résille évoque des cottes de mailles de guerrières, sauf qu’au lieu de petites boucles de métal entrelacées, elles sont constituées de fils de soie d’une extrême finesse. Au sein des deux collections, on retrouve des chemises blanches dont les manches et la taille sont lacées comme un corset. Des vêtements resserrés qui ont le pouvoir de libérer par l’assurance qu’ils transmettent: des vêtements pour amazones.

Léa se bat pour qu’à 32 ans, on la prenne au sérieux dans son rôle d’entrepreneuse. Elle est déterminée: «Je veux communiquer ma conception de la mode. Et aider mes étudiants à trouver leur propre identité.» Elle se bat aussi contre elle-même: «Je veux toujours me dépasser!» Avec sa démarche ferme dans ses Doc Martins et son ton parfois sec, elle semble même se rebeller contre son visage de poupée au teint de porcelaine, ses grands yeux et sa petite bouche. www.leapeckre.com

Chemise blanche, Armani Collezioni

Maquillage Luc Lesage pour DiorCoiffureEtienne Bertpour L’Oréal Professionnel

CHEMISE BLANCHE

LÉAPECKRE

MAI 2016 27

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26 MAI 2016