Chartres (1908)
Transcript of Chartres (1908)
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J.
K.
HUYSMANS
CHARTRES
CHARTRES
E
DITIONS DEPourla
C L
AI R E
FON
T A
I
N
France
:
Intercontinentale
du
Livre, 230, Bd. Raspail, Paris
LE TEXTE
DU PRSENT
OUVRAGE EST TIR DE LA CATHDRALE
AVANT-PROPOS
#V-L
/ 'est-ce
pas une gageure que de
vouloir, aprs tant d'autres,
*
donner une image de Chartres ? Mais, d'autre part, saisila
par tant de beaut, comment ne pas cder primerce qu'on a si
tentation d'ex-
vivement ressenti ?
Chartres!
ce
fut
d'abord pouret
moi un pur vagabondage,sur rien.et
le
regard errant sur tout
ne
s' attachant
Le premieron
contact ne pouvait tre que
de
dpaysement
de surprise;
ne comprend pas,
c'est
tellement au-dessus de soi.
7
8
Puis
ce
fut un plerinage
travers
la
Beauce blonde, Pguy
prsent.
Ce pays
est
plus ras que la plus rase tablesol,
A peine
un creux du
peine un lger
pli.
Ce sont deschariot
bls l'infini, des gerbes et des meules. Ici c'est un
laiss seul sur un
champ,court
l
c*cst
un paysan abreuvant baignant un
sonl
(lierai.
De Veauchaume
quigris.
tranquillement
avoir au toit de
Des femmes poussent
des brouettes
10
toutes
rebondies
de
linge.
Puis,
voici
les flchesici
inimitables
Un hommele
de chez nous a fait
jaillir,
Depuis
ras du sol jusqu'au pied de la croix,les saints,
Plus haut que tous
plus haut que tous
les rois,
La
flche irrprochable et qui ne peut faillir.
ii
C'est
la
gerbe
et
le
bl qui ne prira point,soleil
Qui ne fanera point au
de septembre,
Qui ne glera point aux rigueurs de dcembre,C'estvotre
serviteur
et
c'est
votre
tmoin.
12
Voicibruit.
la
vieille
villereflte
et
l'Eure coulant paisiblement, sans aucun
Son eau
d'anciennes maisons, une glise, des ponts,toits
une porte aux tours crneles. Leset
descendent en cascades,
l-haut,
dominant
tout,
c'est
Notre-Dame.
'3
Touterue,et
ma
vie
je
me
souviendrai de l'instant o, l'angle d'une
je fus mis en prsence du portail Royal.
Quemaissur
de noblessesereines.
que de majest dans ces statues, graves,
Etde
l'Ange de Chartres
comme un
oiseau perch
l'angle
14
quelquesolitude,
haut promontoire,
comme un
astre
vivant.
dans
une
rayonnant sur ces grandes assises de pierrecolore
Les portails, V immense nef sombremerveilleuses verrires.
des
feux
violets
des
15
ToutVoiciville,
n'est
qu'enchantement:
et
que recueillement.la
donc ce que j'ai vu
la plaine de
Beauce, unele
vieille
une cathdrale. Plac devant un double problme,
problme
technique et celui dela
V motion, f ai
prfr, la russite technique,
photo d'motion.
Maurice Blanc.
16
n
Ce bras dele
rivire,
coulant dans les fosss des anciens remparts,ct,
enveloppe
bas de Chartres, bord, d'un
par
les
arbres deslacets,
avenues, de Vautre,
par des bicoques, par des jardins enet relis
descendant jusqu'au fil de l'Eurepasserelles de planches,
l'autre rive par des
par des ponceaux suspendus de fonte.
18
*9
Et prstours,les
de la porte Guillaume dressant les pts crnels dedes
ses
maisons semblent ventres,
qui montrent,
ainsi
que
cagnards disparus de V Htel- Dieu Paris,
une cave
20
ouverteoivent,
au ras de
l'eau,
un sous-sol dall au fond duquel s'aperles
dans un jour de prison,
marches d'un escalier de
pierre
; et si
V on franchit
sur un petit pont dos d'ne, la porte...
21
...
Guillaume dont
la vote conserve encore la rainure de la herse,le soir,
que Von abattait nagure pour clore,
cette partie de ville,
22
Von
retrouve un nouveaubtisses,
bras de la rivire, baignant encoreles
le
pied des
jouant cache-cache dans
cours,
musant
entre des murs.
23
...le
long
du quai,
en face
d'une haie de grands peupliersdes scieries et des chantiers
ventant des moulins hydrauliques,
de
bois,
des
lavoirs
de
blanchisseuses
agenouilles
dans
des
24
botes sur de la paille et
Veau moussant devant
elles,
dcrivant
des cercles d'encre
clabousss
par
le
coup d'aile d'un oiseau,
des gouttes blanches...
25
26
Ces rues deles
la Foulerie, de la
Tannerie, du Massacre, envahies
par
mgissiers et les chamoiseurs,
par
les fabricants
de mottes,village
suggrentpauvre.
Vimpression
d'une
bourgade
malade,
d'un
27
Mais
il
manque a Chartres
le
charme fait de piti
et
de regret,
d'une dchance.
28
Telles
quelles cependant,
ces
rues,
qui dessinent une sorte de sur laquelle s'exhausse
mouvement tournant autour dela
cette colline
cathdrale,
sont
les
seules
vraiment curieuses parcourir
Chartres.
29
Tout
est clos et terne, tout se tait.
c'est
une
cit en
lthargie.
30
3*
3*
LES BATISSEURS DE CATHDRALES
cathdrale de Chartres est la cinquime difie sur la grotte des Druides; son histoire est trange.
La
La
premire, rige
que Aventin, fut rase par un autre prlat du nom de Castor, elle fut brle, en partie, par Hunald duc d'Aquitaine, restaure par Godessald, incendie nouveau par Hastings, chef des Normands, rpare, une fois de plus, par Gislebert et enfin compltement dtruite par Richard, duc de Normandie, lors du sige de la ville qu'il mit sac. Nous ne dtenons pas de bien vridiques documents sur ces deux basiliques; tout au plus, savons-nous que le gouverneur romain du pays de Chartres dmolit de fond en comble la premire, gorgea un grand nombre de chrtiens, au nombre desquels sa fille Modeste, et fit jeter leurs cadavres dans un puits creus prs de lade puits des Saints-Forts. Un troisime sanctuaire, construit par l'vque Vulphard, fut consum en 1020, sous l'piscopat de saint Fulbert qui fonda une quatrime cathdrale; celle-ci fut calcine, en 1194, par la foudre, qui ne laissa deboutgrotte et qui a reu le
du temps des Aptres, par l'vjusqu'au niveau du sol. Rebtie
nom
que
les
deux clochers
et la crypte.
33
de Philippe Auguste, alors que Rgnault de Mouon tait vque de Chartres, est celle que nous voyons aujourd'hui et qui fut consacre le 17 octobre 1260, en prsence de saint Louis elle n'a cess de passer par la fournaise. En tombe sur la flche du nord dont la car1 506, le tonnerre casse tait en bois revtue de plomb; une pouvantable tempte, qui dure de six heures du soir jusqu' quatre heures du matin, attise le feu dont la violence devient telle qu'il fond comme des pains de cire les six cloches. L'on parvient limiter les ravages des flammes et l'on ravitaille l'glise. Ds lors, le flau ne cesse plus. En 1539, en 1573, en 1589, la foudre croule sur le clocher neuf. Plus d'un sicle s'coule, et tout recommence; en 1701 et en 1740, la mme flche est encore atteinte. Elle demeure indemne, jusqu'en 1825, ann e pendant laquelle le tonnerre la bat et l'branl, le lundi de la Pentecte, tandis que l'on chante le Magnificat, aux
La cinquime
enfin, leve sous le rgne
;
Vpres.Enfin, le 4 juin 1836,
un formidable
incendie, dter-
min par l'imprudence de deux plombiers qui travaillent dans les fates, clate. Il persiste pendant onze heureset ruine toute la charpente, la fort entirec'est
de
la toiture;
miracle que
l'glise n'ait
pas compltement disparu
dans cette tourmente. Cette continuit de catastrophes est surprenante et ce qui est aussi bizarre, c'est l'acharnement que met la renverser le feu
du
ciel.
L'auteur de Parthenie, Sbastien Rouillard, pense que c'est en expiation de certains pchs, que ces dsastresfurent permis etil
insinue que la combustion de la troi-
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sime cathdrale fut peut-tre lgitime par l'inconduite de certains plerins, qui couchaient en ce temps, hommes et femmes, ple-mle, dans la nef. D'autres croient
quecas,
le
Dmon, qui peut msuser del'a,
la foudre,
en certains
a voulu supprimer tout prix ce sanctuaire.
empch d'tre intgralement rduit en cendres. Songez que Chartres est le premier oratoire que Notre-Dame ait eu en France. Il se relie aux temps messianiques, car bien avant que la fille de Joachim ne ft ne, les Druides avaient instaur, dans la grotte qui est devenue notre crypte, un autel la Vierge qui devait enfanter, Virgini Paritur. Ils ont eu, par une sorte de grce, l'intuition d'un Sauveur dont la Mre serait sans tache; il semble donc qu' Chartres, plus que dans tout autre lieu, il y ait de trs vieux liens d'amiti avec Marie; l'on comprend ds lors que Satan se soit entt les rompre. Cette grotte a t prfigure dans une annexe, humaine, quasi officieuse, de l'Ancien Testament. Dans sa Vie de Notre- Seigneur, l'admirable voyante que fut Catherine Emmerich nous signale, proximit du mont Carmel, une grotte et un puits prs desquels Elie aperut une Vierge; c'est cet endroit, dit-elle, que les juifs,fois,
La Vierge
nombre de
qui attendaient l'arrive d'un Rdempteur, se rendaient, plusieurs fois par an, en plerinage.N'est-ce pas l'image de la grotte de Chartres etpuits des
du
Saints-Forts
?
Remarquez, d'autre part, cette tendance du tonnerre choir non sur le clocher vieux, mais sur le clocher neuf; aucune raison mtorologique ne saurait justifier cette prfrence; et si l'on considre attentivement les deux35
flches,
on
est
frapp de la dlicatesse des vgtations
courant sous des dentelles, de tout le ct gracile et coquet du clocher neuf. L'autre, au contraire, n'a ni un ornement, ni une guipure; il est simplement papelonn comme un homme d'armes d'caills; il est sobreet svre, altier et robuste.est
L'on
dirait
vraiment que l'un
fminin et que l'autre appartient au sexe mle. Ne peut-on, ds lors, leur faire symboliser au premier lale Fils ?
Vierge et au second ne diffre point de
celle
Dans que l'on
ce cas, la conclusion vient d'exposer; les
incendies seraient attribuables Satan qui s'acharneraitsur l'image de Celle qui a le pouvoir de lui craser le chef.
En sommeetet
la
cathdrale actuelle est du douzimele
du treizime sicle, sauf, bien entendu, de nombreux dtails.
clocher neuf
Et l'on ignore le nom des architectes qui l'difirent, comme celui de presque tous les constructeurs de basiliques. L'on peut admettre cependant qu'au douzime et au treizime sicle, ce furent les bndictins de l'abbave de Tiron qui dirigrent les travaux de notre glise; ce monastre avait, en effet, tabli, en 1117, un couvent Chartres; nous savons galement que ce clotre contenait plus de cinq cents religieux de tous arts et que les sculpteurs et les imagiers, les maons-carriers ou matres
de pierre vive y abondaient. Il serait donc assez naturel de croire que ce furent ces moines, dtachs Chartres, qui tracrent les plans de Notre-Dame et employrent ces troupes d'artistes dont nous voyons l'image dansl'un
des anciens vitraux de l'abside,
des
hommes auquitail-
bonnet pelucheux, en forme de chausse lent et rabotent des statues de rois.
filtrer,
36
au commencement du seizime sicle, par Jehan Le Texier, dit Jehan de Beauce, qui est l'auteur du clocher Nord, dit clocher neuf, et de la partie dcorative, abritant dans l'intrieur de l'glise les groupes du pourtour cernant le chur. Et jamais, en somme, l'on n'a dcouvert le nom de l'un des premiers architectes, de l'un des sculpteurs, de l'un des verriers de cette cathdrale. L'on a entrepris bien des recherches mais cela en pure perte. Voici ce que nous connaissons en haut du clocher du Midi, dit clocher vieux, prs de la baie qui s'ouvre en face de la flche neuve, on a dml cette inscription Harman, 1164. Est-ce le nom d'un architecte, d'un ouvrier ou d'un guetteur de nuit post, cette poque, dans la tour ? On erre. De son ct, Didron a dchiffr sur le
Leur uvre a
t complte,
:
:
pilastre
du
portail Occidental, au-dessus de la tte brise:
d'un boucher assommant un buf, ce mot Rogerus , grav en caractres du douzime sicle. Est-ce l'architecte, le statuaire, le bienfaiteur de cette faade ou le boucher ? Une autre signature Robir , est galement incruste sur le support d'une statue du porche Septentrional. Qu'est-ce que Robir? Personne ne peut rpondre. D'autre part, Langlois cite un verrier du treizime sicle, Clment de Chartres, dont il a relev l'inscription, Clemens vitrearius Carnutensis, sur une verrire de la cathdrale de Rouen; bien, mais de l admettre, ainsi que d'aucuns l'insinuent, que ce Clment, par ce seul fait qu'il est originaire de Chartres, ait peint un ou plusieurs des tableaux vitrs de Notre-Dame, il y a loin. En:
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tout cas, nous ne possdons
aucun
indice, ni sur sa vie,
ni sur ses travaux, dans cette ville.
encore que, sur l'un des Petrus Bal... Est-ce la dsignation abrge ou complte:
Nous pouvons noter carreaux de l'glise, on lit
d'un donateur ou d'un peintre? Une fois de plus, nous devons attester notre ignorance. Si nous ajoutons enfin que l'on a retrouv deux des compagnons de Jehan de Beauce, Thomas Le Vasseur qui lui fut adjoint pour la construction de la flche neuve et un sieur Bernier dont le nom est crit sur d'anciens comptes; si, par de vieux marchs que dterra M. Lecoq, nous savons que Jehan Solas, imagier de Paris, a sculpt les plus beaux des groupes qui magnifient la clture du chur; si nous remarquons encore, aprs cet admirable sculpteur, d'autres statuaires dj moins intressants, car avec eux l'art paen reparat et la mdiocrit commence Franois Marchant, imagier d'Orlans, Nicolas Guybert de Chartres, nous avons peu prs tous les renseignements qui mritent d'tre conservs sur les vritables artistes qui travaillrent du douzime jusqu' la fin de la premire moiti du seizime sicle, Chartres. Quels sont donc les gens qui ont sculpt de telles uvres ? Et quelles mes ils avaient, ces artistes! Car nous le savons, ils ne besognaient que lorsqu'ils taient en tat de grce. Pour lever cette splendide basilique, la puret:
fut requise,
mme
des manuvres.si
Celasi
serait incroyable,
des documents authentiques,l'attestaient
des
pices
certainesla
ne
quifut
racontentrebtile
comment, aprs
ruine des incendies,
sanctuaire ddi la Vierge noire.
Ce qui advint
alors atteignit le sublime.
Ce
fut
une
38
Croisade,lutter sur
telle le
que jamais on n'en
vit. Il
ne
s'agissait plus
d'arracher
de forcer Notre-Seigneur dans ses retranchements, de livrer assaut au ciel, de le vaincre par l'amour et la pnitence; et le ciel s'avoua battu; les anges, en souriant, se rendirent; Dieu capitula et, dans la joie de sa dfaite, il ouvrit tout grand le trsor de ses grces pour qu'on le pillt.il
un des hommes,
Saint-Spulcre des mains des infidles, de champ de bataille contre des armes, contres'agissait
Ce fut encore, sous la conduite de l'Esprit Saint, le combat contre la matire, sur des chantiers, d'un peuplevoulant, cote que cote, sauver la Vierge sansasile,
de
qu'au jour o naquit son Fils. La crche de Bethlem n'tait plus qu'un tertre de cendres. Marie allait tre rduite vagabonder, sous le fouet des bises, dans les plaines glaces de la Beauce. Le mme fait se renouvellerait-il, douze cents ans de distance, de familles sans piti, d'auberges inhospitalires, de chambres pleines ? L'on aimait alors, en France, la Madone, comme l'on aime sa gnitrice naturelle, sa vritable mre. A cette nouvelle qu'Elle erre, chasse par l'incendie, la recherche d'un gte, tous, bouleverss, s'plorent; et non seulement dans le pays chartrain, mais encore dans l'Orlanais, dans la Normandie, dans la Bretagne, dans l'Ile-deFrance, dans le Nord, les populations interrompent leurs travaux, quittent leurs logis pour courir son secours, les riches apportant leur argent et leurs bijoux, tirant avec les pauvres des charrettes, convoyant du bl, de l'huile, du vin, du bois, de la chaux, ce qui peut servir la nourriture des ouvriers et la btisse d'une glise.39
mme
une migration ininterrompue, un exode spontan de peuple. Toutes les routes taient encombres de plerins, tranant, hommes, femmes, ple-mle, des arbres entiers, charriant des faisceaux de poutres, poussant de gmissantes carrioles de malades et d'infirmes qui constituaient la phalange sacre, les vtrans de la souffrance, ceux qui les lgionnaires invincibles de la douleur, devaient aider au blocus de la Jrusalem cleste, en formant l'arrire-garde, en soutenant, avec le renfort
Ce
fut
de leurs prires,Rien, ni
les assaillants.
les fondrires, ni les
marcages, niet,
les forts
sans chemins, ni les rivires sans gus, ne purent enrayer
l'impulsion de ces foules en marche,
un matin, parvue
tous les points de l'horizon, elles dbouchrent en
de Chartres. Et l'investissement commena; tandis que les malades traaient les premires parallles des oraisons, les gensvalides
dressrent les
tentes;
le
camp
s'tendit
des
ronde; l'on alluma sur des chariots des cierges et ce fut, chaque soir, un champ d'toiles dans la Beauce. Ce qui demeure invraisemblable et ce qui est pourtantlieues la
par tous les documents de l'poque, c'est que ces hordes de vieillards et d'enfants, de femmes et d'hommes, se disciplinrent en un clin d'il; et pourtant ils appartenaient toutes les classes de la socit, car il y avait parmi eux des chevaliers et de grandes dames; mais l'amour divin fut si fort qu'il supprimacertifiles
distances et abolit les castes; les seigneurs s'attelrentles roturiers
dans les brancards, accomplirent pieusement leur tche de btes de somme; les patriciennes aidrent les paysannes prparer le mortier et cuisi-
avec
40
nrent avecprjugs
elles;
tous vcurent dans tous
un abandon den'tre
unique;
consentirent
que des
manuvres, que des machines, que des reins et des bras, s'employer sans murmurer, sous les ordres des architectes sortis de leurs couvents pour mener l'uvre. Jamais il n'y eut organisation plus savante et plussimple;les
celleriers
des clotres devenus,
en quelquela dis-
sorte, les intendants
de cette arme, veillrent n'taient plus
tribution des vivres, assurrent l'hygine des bivacs, la
sant
du camp. Hommes, femmesluset
que dedela
dociles instruments entre les
mains de chefsl'tre
qu'ils avaient
eux-mmes
qui obissaient
des
quipes
moines, subordonns, leur tour,
prodigieux, le
l'inconnu de gnie qui, aprs avoir conu
plan de
cathdrale, dirigeait les travaux d'ensemble.
Pour obtenir un
tel
rsultat,
il
fallut
vraiment que
l'me de ces multitudes ft admirable, car ce labeur si pnible, si humble, de gcheur de pltre et de charretier, fut considr par chacun, noble ou vilain, ainsi qu'un acte d'abngation et de pnitence, et aussi comme un honneur; et personne ne fut assez tmraire pour toucher aux matriaux de la Vierge, avant de s'tre rconcili avec ses ennemis et confess. Ceux qui hsitrent rparer leurs torts, s'approcher des sacrements,furent enlevs destraits,
chasss tels
que des
tres
im-
mondes, par leurs compagnons, par leur famille mme. Ds l'aube, chaque jour, la besogne indique par les contrematres s'opre. Les uns creusent les fondations, dblaient les ruines, dispersent les dcombres, les autres se transportent en masse aux carrires de Berchrel'Evque, huit kilomtres de Chartres, et l, ils des4i
normes de pierre, si lourds que parfois un millier d'ouvriers ne suffisaient pas pour les extraire de leurs lits et les hisser jusqu'au sommet de la colline surcellent des blocs
laquelle devait planer la future glise.
Et quand, reints, moulus, ces troupeaux silencieux s'arrtent, alors on entend monter les prires et le chant des psaumes; d'aucuns gmissent sur leurs pchs, implorent la compassion de Notre-Dame, se frappent la poitrine, sanglotent dans les bras des prtres qui les consolent.
Le dimanche, des
processions se droulent, bannire
en tte, et le hourra des cantiques souffle dans les rues de feu que tracent, au loin, les cierges; les heures canoniales sont coutes genoux, par tout un peuple, les reliques sont prsentes en grande pompe aux malades... Pendant ce temps, des bliers d'oraisons, des catapultes de prires branlent les remparts de la cit divine; les forces vives de l'arme se runissent pour foncer sur
pour enlever d'assaut la place. Et c'est alors que, vaincu par tant d'humilit et par tant d'obissance, cras par tant d'amour, Jsus se rend merci, remet ses pouvoirs sa Mre et, de toute part, les miracles clatent. Bientt, le clan des malades et des infirmes est debout; les aveugles voient, les hydropiques dsenflent, les perclus se promnent, les cardiaques courent. Le rcit de ces miracles qui, quotidiennement, sele
mme
point,
rptent, qui prcdentrins Chartres,
mme
parfois l'arrive des plele
nous a t conserv par
manuscrit
latin
du Vatican.ce sont les habitants de
Chteau-Landon qui remorquent une voiture de froment. Arrivs ChanIci,
42
tereine,
ils
s'aperoivent que leurs provisions de boucheils
sont puises et
qui se
demandent du pain des malheureux trouvent eux-mmes dans une extrme gne. La
Vierge intercde et le pain de la misre se multiplie. L, ce sont des gens partis du Gtinais, avec un haquet depierres.
N'en pouvant
plus,
ils
font halte prs
du
Puiset;
venus leur rencontre, les invitent se reposer, tandis qu'eux tireront le fardier, mais ils refusent. Alors, les paysans du Puiset leur offrent une pice de vin, la transvasent dans un tonneau qu'ils juchent sur le camion. Cette fois, les plerins acceptent, et, se sentant moins las, ils continuent leur route. Mais ils sont rappels pour constater que le muid vide s'est rempli de lui-mme d'un dlicieux vin. Tous en boivent et les maladeset des villageois,
gurissent.
D'autre part, un habitant de Corbeville-sur-Eure, qui s'employait charger une voiture de bois de construction, a trois doigts coups par une hache et il pousse des cris affreux. Les compagnons lui conseillent de trancher compltement les doigts qui ne tiennent plus que par un fil la chair, mais le prtre qui les conduit Chartres s'y oppose. On implore Marie et la blessure disparat,la
main devient intacte. Ce sont encore des Bretons
gars, la nuit, dans les
plaines de la Beauce et qui sont subitement guids par
des brandons de feu; c'est la Vierge, en personne, qui
un samedi quand elleEtl'onil
soir,
aprs complies, descend dans son glise
est
presque termine et l'illumine d'blouiset des pages...estsi
santes lueurs...
y en a comme cela des pages comprend pourquoi ce sanctuaire43
Ah!
plein d'Elle;
de nos pres s'y sent encore... puis Elle veut bien, maintenant, ne pas se montrer trop dgote, ne pas regarder de trop prs... C'est gal, aujourd'hui l'on rige d'une autre faon les temples! Quand je songe au Sacr-Cur de Paris, cette morne et pesante btisse difie par des gens qui ont inscrit leur nom en rouge sur chaque pierre Comment Dieu s'accommode-t-il d'une glise dont les murs sont des moellons de vanit, scells par un ciment d'orgueil, des murs o l'on voit des noms de commerants connus, affichs en bonne place, tels que des rclames! Il tait si simple de construire une glise moins somptueuse et moins laide et de ne pas loger ainsi Notre-Seigneur dans un monument de pchs! Ah! les bonnes foules qui les charriaient, autrefois, en priant, ces pierres, l'ide ne leur serait pas venue d'exploiter l'amour, de l'affilier leurs besoins de superbe, leur faim de lucresa reconnaissance
pour
l'affection
!
!
44
L'ERE DES CATHEDRALES
Le treizimecres,il
sicle
a t la grande re des cathdrales.;
C'est lui qui les a presque toutes enfantes
puis,
une
fois
y eut pour
elles
un
arrt de croissance de prs
de deux cents ans. Le quatorzime sicle fut, en effet, agit par d'affreux troubles. Il dbute par les ignobles dmls de Philippe le Bel et du Pape; il allume le bcher des Templiers, rissole, dans le Languedoc, les Bgards et les Fraticelles, les lpreux et les juifs, s'affaisse dans le sang avec les dsastres de Crcy et de Poitiers, les excs furieux des Jacques et des Maillotins, les brigandages des tardvenus, finit par se relever en divaguant et il se reflte alors dans la folie sans gurison d'un roi. Et il s'achve, ainsi qu'il a prlud, se tord dans des convulsions religieuses atroces. Les tiares de Rome et d'Avignon s'entre-choquent et l'Eglise, qui subsiste seule debout sur ces dcombres, vacille son tour, car le grand schisme de l'Occident l'branl. Le quinzime sicle apparat affol ds sa naissance. Il semble que la dmence de Charles VI se propage; c'est l'invasion anglaise, le pillage de la France, les luttes enrages des Bourguignons et des Armagnacs, les pid45
mies et
les
famines, la dbcle d'Azincourt, Charles VII,la dlivrance, 1^
Jeanne d'Arc,
pays rconfort par l'nerles
gique mdication du roi Louis XL Tous ces vnements entravrentchantier des cathdrales.
travaux
en
Le quatorzime sicle, en somme, se borne continuer les difices commencs pendant le sicle prcdent. Il faut attendre la fin du quinzime, ce moment o laFrance respira, pour voir Parchitecture s'essorer encore. Ajoutons que de frquents incendies consumrent, diverses reprises, des parties entires de basiliques etqu'il fallut les reconstruire;
d'autres,
comme
Beauvais,
s'croulrent et l'on dut les rdifier
d'argent, se borner lestrous.
nouveau ou, faute consolider et boucher leurs
A part quelques-unes, telles que Saint-Ouen de Rouen,qui est un des rares exemples d'une glise presque entirement btie pendant le quatorzime sicle, sauf sestours de l'ouest et sa faade qui sont toutes modernes,et
Notre-Dame de Reims dont
la structure parat avoir
t tablie sans
trop d'interruption sur le plan initial
d'Hugues Libergier ou de Robert de Coucy, aucune de nos cathdrales n'a t rige en son entier suivant le trac de l'architecte qui les conut et aucune n'est depuis lors demeure intacte. La plupart assument donc les efforts combins de gnrations pieuses; mais on peut attester cette invraisemblable vrit jusqu' la venue de la Renaissance,:
le
gnie des constructeurs qui se succdrent reste gal;firent des modifications
s'ilsils
au plan de leur devancier,
surent y introduire des trouvailles personnelles, ex-
46
quises, sans
en offenser l'ensemble.
Ilsil
entrent leur gnie
sur celui de leurs premiers matres;
y eut une relique
perptue d'un concept admirable, un souffle continu de l'Esprit Saint. Il fallut l'poque interlope, l'art fourbe et badin du paganisme, pour teindre cette pure flamme,
pour anantir la lumineuse candeur de ce moyen ge o Dieu vcut familirement, chez lui, dans les mes, pour substituer un art tout divin un art purement terrestre. Ds que la luxure de la Renaissance s'annona, le Paraclet s'enfuit, le pch mortel de la pierre put s'taler l'aise. Il contamina les difices qu'il acheva, souilla les glises dont il viola la puret des formes; ce fut, avec le libertinage de la statuaire et de la peinture, le grandstupre des basiliques.
Cette
fois
l'Orante fut bien morte; tout croula. Cetteles
Renaissance, tant vante la suite de Michelet parhistoriens, elle est la fin
de l'me mystique, la fin de la thologie monumentale, la mort de l'art religieux, de tout le grand art en France!
47
LE
ROMAN ET
LE GOTHIQUE
Personne ne connat au juste l'origine des formes gothiques d'une cathdrale. Les archologues et les architectes ont vainement puis toutes les suppositions, tous les systmes; qu'ils soient d'accord pour assigner une filiation orientale au roman, cela peut, en effet, se prouver. Que le roman procde de l'art latin et byzantin, qu'il soit, suivant une dfinition de Quicherat, le style qui a cess d'tre romain, quoiqu'il tienne beaucoup du romain, et qui n'est pas encore gothique, bien qu'il ait dj quelque chose du gothique j'y consens; et encore, si l'on examine les chapiteaux, si l'on scrute leurs contours et leurs dessins, s'aperoit-on qu'ils sont
beaucoup
plus assyriens et persans
que romains
et
byzantins et
gothiques; mais quant avrer la paternitstyle ogival,c'est
mme du
autre chose. Les uns prtendent que
en Egypte, en Syrie, en Perse; les autres le considrent ainsi qu'un driv de l'art sarrasin et de l'art arabe; et rien n'est moins dmontr, coup sr. Puis, il faut bien le dire tout de suite, l'ogive ou plutt l'arc tiers-point que l'on s'imagine encore tre le signe distinccif d'une re en architecture, ne l'est pas enl'arc tiers-point existait
49
ralit,et,
commelui,
aprs
nettement expliqu Quicherat Lecoy de la Marche. L'Ecole des Chartesl'ont trs
a,
sur ce point, culbut les rengaines des architectes et
dmoli les lieux communs des bonzes. Du reste, les preuves de l'ogive employe en mme temps que le plein-cintre, d'une faon systmatique, dans la construction d'un grand nombre d'glises romanes, abondent la cathdrale d'Avignon, de Frjus, Notre-Dame d'Arles, SaintFront de Prigueux, Saint-Martin d'Ainay Lyon, Saint-Martin-des-Champs Paris, Saint-Etienne de Beauvais, la cathdrale du Mans et en Bourgogne, Vzelay, Beaune, Saint-Philibert de Dijon, la Charit-sur-Loire, Saint-Ladre d'Autun, dans la plupart des basiliques issues de l'cole monastique de Cluny. Mais tout cela ne renseigne point sur le lignage du gothique qui demeure obscur, peut-tre parce qu'il est trs clair. Sans se gausser de la thorie qui consiste ne voir dans cette question qu'une question matrielle, technique, de stabilit et de rsistance, qu'une invention de moines ayant dcouvert un beau jour que la solidit de leurs votes serait mieux assure par la forme en mitre de l'ogive que par la forme en demi-lune du plein-cintre, ne semble-t-il pas que la doctrine romantique, que la doctrine de Chateaubriand dont on s'est beaucoup moqu et qui est de toutes la moins complique, la plus naturelle, soit, en effet, la plus vidente et la plus juste. Il est peu prs certain pour moi, que l'homme a trouv dans les bois l'aspect si discut des nefs et de l'ogive. La plus tonnante cathdrale que la nature ait, elle-mme, btie, en y prodiguant l'arc bris de ses branches, est Jumiges. L, prs des ruines magni:
50
fiques de l'abbaye qui a gard intactes ses
deux tours
et
dont
le
vaisseau dcoiff et pav de fleurs rejointcercl par
un
chur de frondaisons
une abside d'arbres,
trois
immenses alles, plantes de troncs sculaires, s'tendent en ligne droite; l'une, celle du milieu, trs large, les deux autres, qui la longent, plus troites; elles dessinent la trs exacte image d'une nef et de ses bas-cts,soutenus par despiliers noirs et
vots par des faisceaux
L'ogive y est nettement feinte par les ramures qui se rejoignent, de mme que les colonnes qui la supportent sont imites par les grands troncs. Il faut voirfeuilles.
de
avec la vote arque et poudre de neige, les piliers blancs tels que des fts de bouleaux, pour comprendre l'ide premire, la semence d'art qu'a pucela, l'hiver,
de semblables avenues, dans l'me des architectes qui dgrossirent peu peu le roman et finirent par substituer compltement l'arc pointu l'arche ronde du plein-cintre. Et il n'est point de parcs, qu'ils soient plus ou moins anciens que le bois de Jumiges, qui ne reproduisent avec autant d'exactitude les mmes contours; mais ce que la nature ne pouvait donner, c'tait l'art prodigieux, la science symbolique profonde, la mystique perduefaire lever le spectacleet placide des croyants
qui difirent l'tat brut,
les
cathdrales.
que la nature la conut, n'tait qu'une bauche sans me, un rudiment; elle tait l'embryon d'une basilique, se mtamorl'glise restetelle
Sans eux,
phosant, suivantet vivante
les
saisons et suivant les jours, inerte
la
santes
des
ne s'animant qu'aux orgues mugisvents, dformant le toit mouvant de sesfois,
branches, au moindre souffle;51
elle tait inconsistante et
souvent taciturne, sujette absolue des
brises, serve rsi-
en somme, que par un soleil qu'elle tamisait dans les losanges et les curs de ses feuilles, ainsi qu'entre des mailles de carreaux verts. L'homme, en son gnie, recueillit ces lueurs parses, les condensa dans des rosaces et dans des lames, lesgne des pluies;elle n'tait claire,
reversa dans
les
alles
des futaies blanches; et
mme
par les temps les plus sombres, les verrires resplendirent, emprisonnrent jusqu'aux dernires clarts des couchants,habillrent des plus fabuleuses splendeurs le Christ etla
Vierge, ralisrent presque sur cette terre la seule
parure qui pt convenir aux corps glorieux, des robes varies de flammes! Elles sont surhumaines, vraiment divines, quand on
y songe,
les
cathdrales!
dans nos rgions, de la crypte romane, de la vote tasse comme l'me par l'humilit et par la peur, se courbant devant l'immense Majest dont elles osaient peine chanter les louanges, elles se sont familiarises, les basiliques, elles ont fauss d'un lan le demi-cercle du cintre, l'ont allong en ovale d'amande, ont jailli, soulevant les toits, exhaussant les nefs, babillant en mille sculptures autour du chur, lanant au ciel, ainsi que des prires, les jets fous de leurs piles! Elles ont symbolis l'amicale tendresse des oraisons; elles sont devenues plusParties,
confiantes,
plus lgres,
plus audacieuses envers Dieu.
Toutes se mettent sourire ds qu'elles quittent leur ossature chagrine et s'effilent. Le roman, je me figure qu'il est n vieux. Il demeure, en tout cas, jamais tnbreux et craintif. Encore qu'il ait atteint, Jumiges, par exemple,52
avec son norme arc doubleau qui s'ouvre en un porche gant dans le ciel, une admirable ampleur, il reste quand
mmesol,
triste.il
Le
plein-cintre est en effet inclin vers le
car
n'a pas cette pointe qui
monte en
l'air,
de
l'ogive.
larmes et les dolents murmures de ces paisses cloisons, de ces fumeuses votes, de ces arches basses pesant sur de lourds piliers, de ces blocs de pierre presque!
Ah
les
de ces ornements sobres racontant en peu de mots leurs symboles! le Roman, il est la Trappe detacites,
l'architecture;
on
le voit abriter
des ordres austres, des
couvents sombres, agenouills dans de la cendre, chan-
d'une voix plaintive, des psaumes de pnitence. Il y a de la peur du pch dans ces caves massives et il y a aussi la crainte d'un Dieu dont les rigueurs ne s'apaisrent qu' la venue du Fils. De son origine asiatique, le roman a gard quelque chose d'antrieur la Nativit du Christ; on y prie plus l'implatant, la tte baisse,
cable Adona que
le
charitable Enfant, que la douce
Mre. Le gothique, au contraire, est moins craintif, plus pris des deux autres Personnes et de la Vierge; on le voit abritant des ordres moins rigoureux et plus artistes; chez lui, les dos terrasss se redressent, les yeuxbaisssIl
seest,
relvent,
les
voix spulcrales se sraphisent.le
dploiement de l'me dont l'architecture romane nonce le repliement. C'est l, pour moi, du moins, la signification prcise de ces styles. Ce n'est pas tout, l'on peut encore dduire de ces remarques une autre dfinition Le roman allgorise l'Ancien Testament, comme le gothique le Neuf.:
en un mot,
53
Leur similituderflchit.
est,
en
effet,
exacte,
quand on y
terrible
La Bible, le livre inflexible de Jhovah, le code du Pre, n'est-il pas traduit par le roman dur etsi
contrit et les Evangiles
consolants et
si
doux, par
le
gothique plein d'effusions et de clineries, plein d'humbles espoirs?
semble alors que ce soit bien souvent le temps qui se substitue la pense de l'homme pour raliser l'ide complte, pour joindre les deux styles, ainsi que le sont, dans l'Ecriture Sainte, les deux Livres; et certaines cathdrales nous offrent encore un spectacle curieux. Quelques-unes, austres, ds leur naissance, s'gaient, se prennent sourire ds qu'elles s'achvent. Ce qui subsiste de la vieille glise abbatiale de Cluny est, ce point de vue, typique. Elle est coup sr, avec celle de Paray-le-Monial reste entire, l'un des plus magnifiques spcimens de ce style roman bourguignon qui dcle malheureusement, avec ses pilastres cannels, l'affligeante survie d'un art grec, import par les Romains en France. Mais, en admettant que ces basiliques, dont l'origine peut se placer entre iooo et 1200, soient, en suivant les thories de Quicherat qui les cite, purement romanes, leurs contours se mlangent dj et les liesses de l'ogive, en tout cas, y naissent. L, ce n'est plus ainsi qu' Notre-Dame la Grande de Poitiers la faade romane, minuscule et festonne, flanque, chaque aile, d'une courte tour surmonte d'un cne pesant de pierre, taill facettes comme unSi tels sont ces symboles,il
ananas.
A
Paray,
la
purile
dcoration
et
la
lourde
richesse de Poitiers ne sont plus.petit joujou
d'glise qu'est
La robe barbare de ce Notre-Dame la Grande est
54
remplace par le suaire d'une muraille plane; mais l'extrieur ne s'atteste pas moins singulirement imposant, avec la simplesse solennelle de ses formes. Ne sontelles pas admirables ces deux tours carres, perces d'troites fentres, domines par une tour ronde qui pose si placidement, si fermement, sur une galerie ajoure de colonnes unies par la faucille d'un cintre, un clocher tout la fois noble et agreste, allgre et fort ? Et l'auguste simplicit de cet extrieur d'glise se rpercute dans l'intrieur de ses nefs. L pourtant, le roman a dj perdu son allure souffrante de crypte, son obscure physionomie de cellier persan. La puissante armature est la mme; les chapiteaux gardent encore l'enroulement des flores musulmanes, le fabuleux alibi des contours assyriens, le rappeldes arts asiatiques transfrs sur notresol,
mais dj
le
mariage des baies diffrentes s'opre, les colonnes s'efforcent, les piliers se haussent, les grands arcs s'assouplissent, dcrivent une trajectoire plus rapide et moins brve; et les murs droits, normes et dj lgers, ouvrent, des altitudes prodigieuses, des trous mnags de jour.
A
Paray,
le plein-cintreles
qui s'affirme dans
s'harmonise dj avec l'ogive cimes de l'difice et annonce, en
somme, une
d'me moins plaintive, une conception plus affectueuse, moins rche du Christ, qui prpare, qui rvle dj le sourire indulgent de la Mre. Mais, si mes thories sont justes, l'architecture quire
symboliserait, seule, le catholicisme en son entier, qui
deux Testaments, ce serait ou le roman ogival ou l'architecture de transition, mi-romane et mi-gothique.reprsenterait la Bible complte, les
55
Il
est
vrai qu'il n'est peut-tre point indispensable
queici
le
paralllisme ait lieu dans l'glise
mme, quetome;
les
Saintes Ecritures soient runies en
un
seul
ainsi,
mme,
Chartres, l'ouvrage est intgral, bien que
contenu en deux volumes spars, puisque la crypte sur laquelle la cathdrale gothique repose est romane. C'est mme, de la sorte, plus symbolique; et cela confirme l'ide des vitraux dans lesquels les prophtes soutiennent sur leurs paules les quatre crivains des Evangiles; l'Ancien Testament sert, une fois de plus, de socle, de base, au Neuf. Ce roman, quel tremplin de rves! N'est-il pas galement la chsse enfume, l'crin sombre destin aux Vierges noires ? Cela parat d'autant moins indcis que les Madones de couleur sont toutes grosses et trapues, qu'elles ne se joncent point telles que les Vierges blanches des gothiques. L'Ecole de Byzance ne comprenait Marie
que basane, couleur d'beine grise luysante , ainsi que l'crivent ses vieux historiens; seulement elle la sculptait ou la peignait, contrairement au texte du Cantique, noire mais peu belle. Ainsi conue, Elle est bien une Vierge morose, ternellement triste, en accordavecles
caves qu'Elle habite. Aussi sa prsence est-elle
toute naturelle dans la crypte de Chartres, mais dans la
cathdrale
mme,
sur le pilier
o
Elle se dresse encore,
n'est-elle pas trange, car Elle n'est point
dans son vri?
table milieu, sous la blanche envole des votes
56
Cette
bourgade qui
s "veille
peine
au
lever
du soleil.
57
La
petite place que balaie,le
par tous
les
temps,
vent hargneux des plaines.
5*
Le porche plac dans l'ombre, enagonie de lumire.
cette
59
Cet aspect d'antre abandonn.
60
Un
porche
ouvert
sur
la
place.
67
a
A
travers la grille de UEvch,
un gte
us, clos et terne.
62
Les pierres
effrites,
bourres de coquil-
lages,
suscitentsec.
l'illusion
d'une
grotte
marine,
63
la
Au-dessus decathdrale
la
ville
indiffrente ,
veille.
64
LA CATHEDRALE
L'uvre architectonique de Chartresrieurement, entrois
se divise, ext-
grandes parties qui sont dcrtes par trois grands porches. Le porche de l'Occident, dit porche Royal, qui est l'entre solennelle du sanctuaire, entre les deux tours; le porche du Nord attenant l'vch et prcd de la flche neuve; le porche du Midi, flanqu de la vieille tour. Or, les sujets traits par le porche Royal et par le porche Sud sont similaires; l'un et l'autre clbrent le triomphe du Verbe, avec cette diffrence qu'au portail Mridional, Notre-Seigneur n'est plus seulement exalt par Lui-mme, ainsi qu'au portail de l'Occident, mais aussi dans la personne de ses lus et de ses saints. Si, ces deux sujets qui peuvent se runir en un seul, le Sauveur glorifi en Lui-mme et dans les siens, nous ajoutons le pangyrique de la Vierge que prononce le portail du Nord, nous aboutissons ces fins un pome chantant la louange de la Mre et du Fils, publiant la raison d'tre de l'Eglise mme. En tudiant de prs les variantes des portiques de l'Occident et du Sud, on observe que si Jsus bnit, d'un geste uniforme, dans l'un comme dans l'autre, la terre,:
65
quela
si
tous
deux
se confinent
presque exclusivement dans
reproduction des Evangiles, abandonnant la traduction de l'Ancien Testament aux baies du Nord, ils n'en varient pas moins entre eux et sont galement distincts des porchesdes autres cathdrales.
Contrairement aux rituels mystiques presque partout suivis, Notre-Dame de Paris, Bourges, Amiens, pour en citer trois, le Jugement dernier, qui pare l'entre principale de ces basiliques, est relgu sur le tympan de la porte du Midi, Chartres. De mme, pour la tige de Jess; Amiens, Reims, la cathdrale de Rouen, elle s'lve au portail Royal, mais elle pousse au septentrion, ici; et combien d'autres dplacements que l'on pourrait encore noter! Mais ce qui n'est pas moins trange, c'est que le paralllisme des scnes qui se remarque si souvent l'envers et l'endroit de la mme muraille, cisel dans la pierre, d'un ct, et peint sur vitre de l'autre, n'existe pas rgulirement Chartres. Ainsi, l'arbre gnalogique du Christ est plant dans une verrire interne du porche Royal, tandis que son espalier s'tend en sculpture, sur les parois externes du portique Nord. Seulement, si parfois les sujets ne concordent point au recto et au verso de la mme page, souvent ils se compltent ou se supplent. Tel le Jugement dernier qui ne se droule pas au dehors de la faade Royale, mais qui resplendit l'intrieur, dans la grande rosace vide dans le mme mur. Il n'y a donc point, dans ce cas, cumul, mais appoint, histoire commence dans un dialecte et acheve dans un autre.Enfin, ce qui
domine tous
ces dissentiments
ou
ces
ententes, c'est l'ide matresse
du pome, dispose
ainsi
66
qu'un refrain aprs chacune des strophes de que la cathdrale appartient notre Mre;fidle
pierre, l'idel'glise reste
son vocable, fale sa ddicace. Partout la Vierge est suzeraine. Elle occupe tout le dedans et l'extrieur mme, dans ces deux portails de l'Occident et du Sud qui ne lui sont pas rservs, Elle apparat encore, dans uncoin, sur
un
dessus de porte, dans des chapiteaux, en haut
d'un fronton, en l'air. La salutation anglique de l'art a t rpte sans interruption par les imagiers de tous les temps. Jamais cette pieuse filire ne fut rompue. La basilique de Chartres est bien le fief de Notre-Dame. En somme, malgr les dissidences de quelques-uns de ses textes, la cathdrale est lisible. Elle contient une traduction de l'Ancien et du Nouveau Testament; elle greffe en plus sur les Ecritures Saintes les traditions des apocryphes qui ont trait la Vierge et saint Joseph, les vies des saints recueillies dans la Lgende dore de Jacques de Voragine et les monographies des Clicoles du diocse de Chartres. Elle est un immense dictionnaire de la science du moyen ge, sur Dieu, sur la Vierge et les lus. Elle est un rsum du ciel et de la terre; du ciel dont elle nous montre la phalange serre des habitants, prophtes, patriarches, anges et saints clairant avec leurs corps diaphanes l'intrieur de l'glise, chantant la gloire de la Mre et du Fils de la terre, car elle prche la monte de l'me, l'ascension de l'homme; elle indique nettement, en effet, aux chrtiens, l'itinraire de la vie parfaite. Ils doivent, pour comprendre le symbole, entrer par le portail Royal, franchir la nef, le transept, le chur, les trois degrs successifs de l'ascse, gagner le haut de la croix,;
67
o repose, ceinte d'une couronne par les chapelles et l'abside, la tte et le col penchs du Christ que simulent l'autel et l'axe inflchi du chur.l
Et ils sont alors arrivs la voie unitive, tout prs de la Vierge qui ne gmit plus, ainsi que dans la scne douloureuse du Calvaire, au pied de l'arbre, mais qui se tient, voile sous l'apparence de la sacristie, ct du visage de son Fils, se rapprochant de lui pour le mieux consoler,
pour
le
mieux
voir.
Et cette allgorie de la vie mystique, dcele par l'intrieur de la cathdrale, se complte au dehors par l'aspectsuppliant de l'difice. Affole par la joie de l'union, l'me,dsespre de vivre, n'aspire plus qu' s'vader pour toujours
de
la
ghenne deles
sa
chair;
aussi
adjure-t-elle
l'Epoux, avecd'elle,
bras levs de ses tours, d'avoir piti
de venir la chercher, de la prendre par les mains jointes de ses clochers pour l'arracher de terre et l'emmener avec lui, au ciel. Elle est enfin, cette basilique, la plus magnifiqueexpression de l'art que le
moyen ge nous
ait lgue.
Sa
faade n'a ni l'effrayante majest de la faade ajoure de
de Notre-Dame de Paris, ni la grce gante d'Amiens, ni la massive solennit de Bourges; mais elle rvle une imposante simplicit, une sveltesse, un lan, qu'aucune autre cathdrale ne peut atteindre. Seule, la nef d'Amiens se lamine, s'charne, s'effile, Reims, nila lenteur,
ni la tristesse
se
filise,
fuse aussi
ardemment que
la
sienne,
du
sol;
mais le vaisseau d'Amiens est clair et morne et celui de Chartres est mystrieux et intime et il est, de tous, celui qui voque le mieux l'ide d'un corps dlicat de sainte,68
/
macie par
les
prires,
rendue parle
les
jenes presque
lucide. Puis ses verrires sont sans pareilles, suprieures
mmefleuri
celles de Bourges dont
sanctuaire est cependant
de somptueux bouquets de Dicoles! Enfin, sa sculpture du porche Royal est la plus belle, la plus extra-terrestre qui ait jamais t faonne par la main de l'homme. Elle est encore presque unique, car elle n'a rien de l'aspect douloureux et menaant de ses grandes surs. C'est peine si quelques dmons grimacent aux aguets sur ses portails, pour tourmenter les mes; la liste de ses chtiments est courte; elle se borne numrer en quelques statuettes la varit des peines; au dedans, la Vierge reste surtout la Vierge de Bethlem, la jeune mre, et Jsus est toujours un peu enfant avec Elle et II luiobit lorsqu'Elle l'implore.Elle avre,charit,la
par le largeur de sa nef qui surpassentElle est, en
l'ampleur de sa patience, de sa symbole de la longueur de sa crypte et dereste,
du
celles des autres basi-
liques.
somme,la
la cathdrale
mystique, par excel-
lence, celle
o
Madone
accueille avec le plus de
man-
sutude
les
pcheurs.
69
SYMBOLIQUE EXTRIEURE
Les Ecritures, la thologie, l'histoire du genre humain rsume en ses grandes lignes, tout est dans cet difice de Chartres; grce la science du symbolisme, on a pufaire
et
d'un monceau de pierres un macrocosme. Tout tient dans ce vaisseau, mme notre vie matrielle morale, nos vertus et nos vices. L'architecte nous prend
ds la naissancefin des sicles.le
d'Adam pour nous mener
jusqu' la
plus
Notre-Dame de Chartres est le rpertoire colossal qui soit du ciel et de la terre, de Dieu etses
de l'homme. Toutes ses figures sont des mots; toussont des phrases.
groupes
Ainsi que les difices qu'elles surmontent, les tours sont presque constamment situes sur une hauteur qui
rpandent autour d'elles, de mme qu'une semence dans la terre des mes, les notes essaimes de leurs cloches, rappellent aux chrtiens, par cette prdication arienne, par ce rosaire gren de
domine
la
ville
et
elles
sons, les prires qu'ils ont ordrequ'il leur faut remplir;
de
rciter, les obligations
et
auprs de Dieu l'indiffrence
au besoin, elles supplent des hommes, en lui tmoile supplient,
gnant au moins qu'elles ne l'oublient pas,70
avec leurs bras tendus et leurs oraisons de bronze, compensent de leur mieux tant de suppliques humaines plusvocales peut-tre que les leurs!
de l'glise est le symbole de la charit qui couvre une multitude de pchs; ses ardoises, ses tuiles, sont les soldats et les chevaliers qui dfendent le sanctuaire contre les paens parodis par les orages; ses pierres, qui se joignent, diagnostiquent, l'union des mes ou la fouletoit
Le
des fidles,les
les pierres les
plus fortes manifestant les
plus avances dans la voie de la
mes perfection qui em-
pchent leurs surs plus faibles, interprtes par les plus petites pierres, de glisser hors des murs et de tomber. D'autre part, ces moellons, de diverses tailles, sont lis par un ciment compos de chaux, de sable et d'eau; la chaux, c'est la charit ardente et elle se marie par l'eau, qui est esprit, aux choses de la terre, au sable. Et ces pierres ainsi agrges, formant les quatre grandes murailles de la basilique, sont les quatre vanglistes, affirme Prudence de Troyes; d'aprs d'autres liturgistes, elles lapidifient les quatre vertus principales de la religion la Justice, la Force, la Prudence et la Temprance, dj configures par les quatre parois de la Cit de Dieu dans l'Apocalypse. Les fentres sont l'emblme de nos sens qui doivent tre ferms aux vanits du monde et ouverts aux dons du ciel; elles sont, en outre, pourvues de vitres, livrant passage aux rayons du vrai soleil qui est Dieu; mais c'est encore dom Villette qui a le plus nettement nonc leur symbole:
:
Elles sont, suivant lui, les Ecritures qui reoivent la71
clart
du
soleil et
repoussent
le vent, la neige, la grle,
similitudes des fausses doctrines et des hrsies.
Quant aux
contreforts,
ils
feignent la force morale
qui nous soutient contre la tentation et ils sont l'esprance qui ranime l'me et qui la rconforte; d'autres
y contemplent l'image des puissances temporelles appeles dfendre le pouvoir de l'Eglise; d'autres encore, s'occupant plus spcialement de ces arcs-boutants qui combattent Pcartement des votes, prtendent que ces trajectoires sont des bras plors, se raccrochant dans le pril au salut de l'arche. Enfin, l'entre principale, le portique d'honneur de certaines glises, telles que celles de Vzelay, de Parayle-Monial, de Saint-Germain l'Auxerrois, Paris, est prcd d'un vestibule couvert, souvent profond et volontairement sombre, appel narthex. Le baptistre tait autrefois sous ce porche. C'tait un lieu d'attente et de pardon, une figure du purgatoire; c'tait l'antichambre du ciel dans laquelle stationnaient, avant d'tre admis pntrer dans le sanctuaire, les pnitents et les nophytes.
Gnralement encore, l'glise a trois portails, en l'honneur de la Trinit sainte; et celui de la grande faade, de la faade du milieu, qualifi de porche Royal, est divis par un trumeau, par un pilier, sur lequel repose une statue de Notre-Seigneur qui a dit de lui-mme dans les Evangiles Je suis la porte , ou de la Vierge si l'glise lui est ddie, ou mme du patron sous le vocable duquel elle est fte. Tranche, de cette faon, la porte indique les deux voies que l'homme est libre de suivre.:
72
73
La
cathdraleciel
tend au
ses
deux tours ainsique
deux
bras,
simulant avec la
forme dechers
ses clo-
les
deux
mains
jointes.
74
75
Les
colonnes
accotes
fient
en
de
minces faisceaux,
en
de fines gerbes...
76
...
si frles
que Von
s* attend
les
voir
plier au moindre souffle.
77
^BMHflHMK
H^^HI^HB^BHMHBflBI
L'horloge Renaissance au cadran dor.
78
Les piliers carrs sous la vote du porche.
79
L'Ange du mridien.
80
LES PORCHES
L'ensemble de la cathdrale de Chartres peut rsumer en trois mots Latrie, hyperdulie, dulie.:
se
Latrie,
culte
de Notre-Seigneur,
au Porche Royal;
Hyperdulie, culte de la Sainte Vierge au porche du Septentrion;Dulie, culte des saints, au porche du Sud.
PORCHE ROYAL(ou Portail de V Occident)
Le porche Royal de mense palimpseste, avecest facile
l'Occident, enses
somme,
cet im-
sept cent dix-neuf figures,
dmler
si
l'on se sert de la clef dont usa,
dans sa monographie de la cathdrale, l'abb Bulteau. En partant du clocher neuf et en longeant la faade jusqu'au clocher vieux, l'on feuillette l'histoire de NotreSeigneur narre par prs de deux cents statues, perdues dans les chapiteaux. Elle remonte aux aeux du Christ, prlude de la biographie d'Anne et de Joachim, traduit, en de microscopiques images, les apocryphes. Par dfrence peut-tre pour les Livres inspirs, elle rampe le81
long des murs,
pour ne pas tre trop aperue, nous relate, comme en cachette, en une curieuse mimique, le dsespoir du pauvre Joachim, lorsqu'un scribe du temple, nomm Ruben, lui reproche d'tre sans postrit et repousse, au nom d'un Dieu qui ne l'a point bni, ses offrandes; et Joachim navr quitte sa femme, s'en va pleurer au loin sur la maldiction qui le frappe; et un ange lui apparat, le console, lui ordonne de rejoindre son pouse, qui enfantera de ses uvres une fille. Puis c'est le tour d'Anne qui gmit seule sur sa strilit et son veuvage; et l'ange la visite, elle aussi, lui prescrit d'aller au-devant de son mari qu'elle rencontre la porte Dore. Ils se sautent au cou, retournent ensemble au logis et Anne accouche de Marie qu'ils consacrent au Seigneur. Des annes s'coulent; l'poque des fianailles de la Vierge est venue. Le grand prtre invite tous ceux qui, nubiles et non maris, sont issus de la maison de David, s'approcher de l'autel, une baguette la main. Et pour savoir quel est celui des prtendants auquel se fiancera la Vierge, le pontife Abiathar consulte le Trs-Haut quise fait petite
rpte la prophtie d'Isae, avrant qu'il sortira de la
de Jess une fleur sur laquelle se posera l'Esprit. Et aussitt la baguette de l'un d'eux, de Joseph le charpentier, fleurit, et une colombe descend du ciel pour se nicher dessus. Marie est donc livre Joseph et le mariage a lieu le Messie nat, Hrode trucide les Innocents et alors l'vangile de la Nativit s'arrte, laissant la parole aux Lettres saintes qui reprennent Jsus, et le conduisent jusqu' sa dernire apparition, aprs sa mort.tige;
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Ces scnes servent de bordure au bas de la grande page qui s'tend entre les deux tours, au-dessus des troisportes.
C'est
l
que
se
placent
les
tableaux qui
doivent
sduire, par de plus claires, par de plus visibles apparences,les foules; l
que resplendit
le sujet
gnral du porche,
celui qui concrte les Evangiles, qui atteint le but assign
l'Eglise
mme.
gauche, l'Ascension de Notre-Seigneur, montant glorieusement dans des nues que frime une banderole
A
ondule tenue de chaque ct, suivant le mode byzantin, par deux anges, tandis qu'au-dessous, les aptres lvent la tte, regardent cette Ascension que d'autres anges qui descendent, en planant au-dessus d'eux, leur dsignent de leurs doigts tendus vers le ciel. Et le cadre arqu de l'ogive enferme un almanach depierre et
un zodiaque.
triomphe de Notre-Dame, encense par deux archanges, assise le sceptre au poing sur un trne, et accompagne de l'Enfant qui bnit le monde; puis en bas les sommaires de sa vie l'Annonciation, la Visitation, la Nativit, l'Appel des bergers, la Prsentation de Jsus au grand prtre; et la voussure qui serpente, se dressant en pointe de mitre, au-dessus de la Mre, est dcore de deux cordons, l'un, garni d'archanges thurifraires, aux ailes cloisonnes, comme imbriques de tuiles, l'autre habit par les figures des sept arts libraux, symboliss, chacun, par deux statuettes reprsentant, la premire, l'allgorie et la seconde le personnage de l'antiquit qui fut l'inventeur ou le parangon de cet art; c'est le mme systme d'expression qu' l'glise dedroite, le:
A
83
Laonmant,
et la
paraphrase image de la thologi
la version sculpturale
du
texte d'Albert le
lorsqu'il cite les perfections
possdait la
de la Vi h science parfaite des sept arts:
la rhtorique,trie,
la
dialectique, l'arithmtiqule savc
l'astronomie et la musique, tout
ge.
au milieu du porche central, sujet autour duquel ne font que graviter le: autres baies, la Glorification de Notre-Seign< la conut Pathmos saint Jean le livre fina l'Apocalypse ouverte, en tte de la basiliqiEnfin,;
de l'entre solennelle de la cathdrale. Jsus est assis, le chef ceint du nimbe ci de la talaire de lin, drap dans un manteau
en une cascade serre del'escabeau,
plis,
les
pieds n
emblme
affect la terre par
L
d'une main, le monde et tient le livre fei sceaux de l'autre. Autour de lui, dans l'ova ronne, le Ttramorphe, les quatre animaux aux ailes papelonnes d'caills, l'homme lion, l'aigle, le buf, symboles de saint Matti Marc, de saint Jean et de saint Luc. Au-dessous, les douze aptres arborentet des livres.
Et,
pour parfaire
la scneles
cordons des voussures,
de l'Apocaly douze anodes et les
les gloires
du Trs-Haut,
se prosternant
qu