Chapitre32_Augures

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Chapitre 32 : Augures

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Chapitre 32 : Augures

: Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste)

: Svynge (norn, gardienne)

: Nezumy (asura, ingénieur)

: Pug (asura, élémentaliste)

: Alia Arkady (humaine, voleuse)

: Shalimar (sylvari, élémentaliste)

: Ayrin Fields (humaine, guerrière)

: Aboune (asura, envoûteur)

: Stathor (asura, ingénieur)

: Guess (humaine, élémentaliste)

: Lianis (sylvari, élémentaliste)

: Agaéti (sylvari, gardienne)

: Lazare (humain, nécromant)

: Pogonar (humain, guerrier)

: Gledinia (norn, rôdeuse)

: Pajim (norn, rôdeuse)

: Yaddle (charr, guerrière)

: Oméga (asura, guerrier)

: Pan d’Orr ( ?)

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Chapitre 32 : Augures

Sur le seuil de la demeure de Svynge, méditative, je regardais le petit groupe sortir d’Hoelbrak

de bon matin pour se rendre au Mont Maëlstrom afin de détruire cette malédiction que

représentait Jormun-Anda. Aboune et les autres n’étaient toujours pas revenus et continuaient

de rechercher, du moins je l’espère, quelques choses dans l’antre de Primordus. Pan d’Orr, enfin,

avait disparu, et ça, ça ne m’enchantait guère. Même si ces derniers jours elle semblait relativement

plus proche de nous et plus « humaine » dans son attitude, ce n’est pas pour autant que je lui

accordais plus de confiance. Il y a quelquechose que je ne sentais pas dans cette fille, elle n’était pas

sincère avec nous. Je ne sais pas ce qu’en pensaient les autres et, à dire vrai, je ne voulais pas leur

embrouiller l’esprit avec mes sombres doutes, d’autant plus qu’ils ont la gentillesse de

m’accompagner dans la dangereuse traversée du Désert de Cristal et ça, ce n’est pas donné à tout le

monde. Je sais que Svynge s’en contrefous de la disparition de Pan d’Orr, qu’Aelwynn est autant

distante que moi par rapport à elle, que Nezumy aime tout le monde, que Lazare est inconsolable et

qu’Aboune avait une attitude digne de la plus grande suspicion auprès de Pan d’Orr. Autrement, les

autres n’y prêtaient guère d’attention au final, à première vue, ce qui n’est pas plus mal.

Le petit groupe avait fini par passer l’imposante porte barricadée d’Hoelbrak et leurs silhouettes

disparurent de nos champs de vision. Il ne restait plus que les trois sylvaris, Lianis, Agaéti, Altyon, et

la charr Yaddle et moi enfin. Concentrée sur mes expectatives, j’écoutais d’une demi oreille le

dialogue qui s’était noué entre les trois sylvaris, à commencer par Lianis qui parla en ces termes :

- J’ai encore fait un rêve cette nuit.

- Encore ? lui répondit Agaéti. C’est très étrange. Un sylvari n’est plus censé avoir de rêves

après son réveil, alors pourquoi toi tu continues à en avoir ?

- Je ne sais pas.

- Elle doit être ce qu’on appelle un oracle, intervient Altyon.

- Un oracle ? Tu es sérieux là, Alty ? lui répondit Agaéti. C’est très grave.

- Je ne vois pas d’autres explications.

- Qu’est-ce qu’un oracle ? finis-je par leur demander, curieuse.

Agaéti baissa la tête et ronchonna. Altyon pris la parole, en s’allumant une pipe d’où sortait une

fumée légère, à l’odeur épicée d’herbes et autres aromates.

- Les oracles sont très rares parmi nous. Ce sont des jeunes pousses qui continuent de rêver

malgré le fait qu’ils soient réveillés.

- Où est le problème ? Moi aussi je rêve régulièrement.

- Pour nous, ce n’est pas normal, Alia. Les rêves des autres espèces sont des projections des

énergies qui les entourent. Nous autres sylvaris ne rêvons plus une fois réveillés, car nos

rêves tiennent de l’augure. Ce que nous rêvons est une projection de l’avenir, souvent

imagée, qu’il faut décortiquer pour en comprendre le sens.

- Tu veux dire que Lianis a des visions de l’avenir ?

- C’est exactement cela.

- Pourquoi est-ce dangereux ?

- Les oracles sont des cibles privilégiées pour la Cour des Cauchemars, qui les traque sans

vergogne.

- Je comprends. Nous tâcherons de la protéger au mieux.

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- Bien sur, mais ce n’est pas tout. Le plus gros danger qui menace les oracles, c’est qu’ils

finissent par vivre à moitié.

- A moitié ?

- Comment dire ? Leur enveloppe charnelle est parmi nous certes, mais leur esprit finit par se

noyer et par perdre la notion de réalité. Ils se mélangent au rêve et à la réalité et ont de plus

en plus de mal à faire la différence entre ces deux mondes.

- Y a-t-il un remède ?

- A ma connaissance, non. Peut être que Mère nous en dira plus.

- Voulez-vous qu’on aille la voir ?

- Non non, tout ne se passe pas en un jour. Lianis a encore beaucoup de temps devant elle

avant de se perdre dans les méandres de l’onirique.

- D’accord. On s’occupe de ça après notre voyage ?

- Ça me semble judicieux.

- Mais de quoi parlait son rêve en fait ?

Devant moi, il y avait un volcan en éruption. Terrible. Des fleuves de lave coulaient sur ses pans

et se déversaient de ses flancs. Les roches et les scories chutaient tout autour de moi dans un

déversement apocalyptque. Tout en haut du volcan, je voyais Jormag luttant de toutes ses forces

contre des visages qui m’étaient familiers. Le dragon était acculé, le cratère mortel derrière lui, et il

luttait, il luttait avec l’énergie du désespoir, les ailes brisées, pour ne pas tomber dedans le cratère.

Étrangement, le dragon avait quatre têtes, je ne comprenais pas pourquoi. Les cieux ressemblaient à

une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes.

Derrière moi, il y avait le désert. Aride, froid, austère, dangereux. J’y voyais mes compagnons et moi-

même, à bout de force, se tenant devant un spectre gris et froid. Nous étions à genoux devant

l’entité, qui nous vidait de nos forces, et nous luttions énergiquement pour récupérer ce qui nous

appartenait. Derrière le spectre, il y avait Zhaïtan qui nous observait, sans bouger. Les cieux

ressemblaient à une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes.

Sous mes pieds, le sol se brisa. Des entrailles de la terre jaillit Primordus qui s’extirpa de sa prison

comme un tourbillon déchainé. Il s’arrêta un instant pour me fixer de son œil rouge plus grand que

moi - dans le reflet duquel je voyais les cendres de notre monde - avant de se diriger vers Ælwynn

toute proche qu’il enveloppa de son aile aussi doucement qu’une mère enlasserait son propre

enfant. En regardant la crevasse fraîchement ouverte, j’y voyais quatre asuras et une humaine

évoluant au milieu de ruines, en compagnie d’un moa doré aux ailes blanches. Zhaïtan s’engouffra

d’un coup dans les entrailles de la terre, et je perdis de vue, l’espace d’un instant, le petit groupe.

Lorsque je rouvris les yeux, tout avait disparu.

Je me retrouvais au milieu d’un désert gris et sans couleurs. En face de moi se tenait une petite fille

humaine, toute vêtue de rouge, dans les bras d’Ayrin qui pleurait. Avant même que je sache si la

petite fille était en vie, je me suis réveillée en sursaut. Le silence de la nuit me murmurait des mots

incompréhensibles, j’avais du mal à reprendre conscience de ce qui m’entourait.

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Ouais, un rêve quoi. On va pas en faire un steack. Moi aussi je rêve de trucs, des dragons à qui

je botte le train par exemple, et alors, on va pas en faire un fromage, si ? Le vent vivifiant

soufflait dans mon pelage tandis que Lianis racontait son songe. Pourquoi ai-je voulu les

aider ? Je m’en fous un peu de sa maman moi. Le truc, c’est que le Désert de Cristal est très peu

répertorié par mon peuple, si ça me permet d’obtenir des informations intéressantes sur ce lieu au

sud de la Citadelle Noire, ça me fera peut être une promotion.

Et puis merde, sans trop réfléchir, j’ai consenti à les aider. Bof, c’est pas pour me déplaire je pense, ils

se battent bien et, pour moi, c’est l’occasion de m’ouvrir aux autres cultures. Bon, si c’est pour parler

de rêves, ça va vite me gonfler. Mais depuis que les dragons se sont réveillés, la guerre entre les

charrs et les humains a pris fin. Ouais, une longue guerre sanglante que mon peuple remportait haut

la main. S’il n’y avait pas eu ces dragons de malheur, il n’y aurait plus eu d’humains sur ce continent,

et mon peuple aurait retrouvé ses terres ancestrales. Pourtant…

Pourtant, je finis par m’y habituer, à ces humains. Je fais partie de la nouvelle génération de charr,

notre guerre à nous, c’est celle qu’on livre aux dragons. Nos unions à nous, c’est celles que l’on

forme avec les autres peuples. Réussirons-nous à vivre dans la paix et l’harmonie même si les

dragons chutent ? C’est mettre la charrue avant le dolyak je pense. On verra bien.

Mais une chose est sure : je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois penser des autres. Alors partir

en expédition avec d’autres expèces me permettra de me donner un avis qui me sera propre tout en

me déroullant un peu les muscles. Le désert est connu pour son inhospitalité, une bonne occasion de

m’aguerrir.

On a attendu l’après-midi pour partir. Alia espérait je ne sais trop quoi, le retour de Pan d’Orr peut

être, ou de Guess et des quatre asuras. Il n’en fut rien, Hoelbrak vaquait à ses occupations

habituelles sans rupture aucune dans sa monotonie. Alia finit par se lever et, en soupirant, nous

déclara :

- En route.

Le problème avec les déserts, en plus d’être arides et de posséder une faune sauvage pas très

sympathique, c’est que c’est grand. Lorsque Logan me fit le signalement de ma mère aux

alentours du désert, c’est tellement enjouée que je partis en oubliant de demander des détails.

Grossière erreur. Par où commencer ? Le groupe de Svynge en avait pour deux semaines aller-retour

si tout se passait bien, alors il me fallait relever le défi.

Il y avait plusieurs moyens d’accéder à cet espace : partir de l’Arche en bateau pour traverser les

régions d’Orr et débarquer au Détroit du Cristal où, paraît-il, une antique ville serait enterrée sous

des tonnes de sable. Trop long malheureusement, trop dangereux aussi (les régions d’Orr ne sont pas

encore tout à fait sécurisées, je n’aimerais guère me retrouver face à un kraken ou créature du

même genre). Il y avait bien entendu l’escale Noifaucon, celle qu’avait emprunté les Fils de la

Destinée il y a de cela des années. La plus rapide certes, mais depuis que Kralkatorrik a survolé la

région, ses pantins maléfiques patrouillent ces régions et ce serait courir au suicide que de traverser

ses armées pour retrouver mère. Il nous restait la possibilité de couper à travers les hautes chaines

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Chapitre 32 : Augures des Cimefroides, les antiques terres des nains, mais nous en aurions pour des semaines, sans

compter la dangerosité d’un tel voyage. Je ne voyais plus qu’une solution…

M’endetter. Nous nous rendîmes à l’Arche dès le premier jour à la recherche d’un… Aéronef. Avec un

tel engin, nous serions au désert en quelques jours. Oui, mais où trouver ce bijou de technologie ? Et

comment financer une telle expédition ? Nos demandes firent chou blanc jusqu’à ce qu’un

aubergiste nous mette sur la piste d’un asura du nom de Splif, se préparant soi-disant pour une

expédition dans le désert convoité. La chance me souriait. Nous allâmes le voir le soir-même, dans

une partie excentrée de l’Arche. Qui avait tout du quartier des ateliers, où l’activité restait aussi

intense de jour comme de nuit, où les sons des marteaux se joignaient à la mélopée des scies, où les

vois hêlantes des chefs d’atelier réprimandaient les travaux des ouvriers… Toutes les races y étaient

réprésentées, et même des skritts comme des hyleks pouvaient se faire voir.

Un contremaître nous indiqua l’atelier du fameux Splif : un bateau renversé dont la coque faisait

office de toiture. Derrière se discernaient les mâts d’un aéronef. Un asura à la peau bleue gris se

dirigea vers notre petit groupe à notre approche.

- Mesdames et mesdames et messieurs, excelsior à vous. Que puis-je pour vous aider ?

- Excelsior à vous. Pourrions-nous nous adresser à maître Splif ?

- Lui-même, pour vous servir.

- Ah. Enchanté. Nous sommes ici sur les conseils du tenancier de l’auberge des Dolyaks

Assoupis, nous…

- Ah, Dezo, ce cher Dezo, un bon bonhomme. Je vous écoute.

- Et bien voilà, nous aimerions nous rendre au Désert de Cristal, le plus rapidement possible.

- Vous vous adressez à la bone personne ! Splif, organisateur de croisières et d’expéditions

pour les retraités, guide émérite et octolangue. Figurez-vous que je sais parler l’asurien bien

sur, l’humain, le charr, le sylvari, le skrittois, le quaggannais, et le zhaïtanique !

- Le zhaïtanique ?

- Oh, c’est une langue basée surtout sur des grognements, mais en y mettant les bonnes

intentions et intonations, vous pouvez entretenir de palpitantes discussions avec des

zombies.

- Hum… Oui, je vois. Et combien pour se rendre au dit désert.

- Tous ensemble ?

- Oui.

- Vous êtes tous majeurs ? Parce que, voyez-vous, nous faisons des réductions aux moins de

douze ans.

- J’ai 3 mois, répondit Lianis.

- Ah oui… Fichus sylvaris. Va falloir que je fasse un tarif spécial pour eux. Alors, voyons-voir,

trois sylvaris, une boule de poil et vous…

- Qui traites-tu de boule de poil, le nabot ?

- Oh… Eh bien, vous, en fait.

- Tu vas voir !

- Non, Yaddle, non, reste calme je t’en prie.

- Humph.

- Donc, tout ce joli monde… Première ou troisième classe ?

- Euh… Troisième ?

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Chapitre 32 : Augures

- Bien bien. Ça fera quarant pièces d’or je vous prie.

- Combien ?

- Quarante.

- Mais c’est hors de prix !

- Eh, c’est que ça coûte cher ces petits engins, dit-il en montrant du doigt l’aéronef derrière le

bâtiment. Et le Désert de Cristal, c’est pas sans risque.

- Ne pouvons-nous pas trouver un arrangement ?

- Oh, si bien sur. Laissez-moi y réflechir et revenez me voir demain matin à la première heure.

Vos noms s’il vous plaît.

Que nous lui donnâmes.

- Hum, dites-moi, reprit-il en se frottant le menton, ne seriez-vous pas le groupe qui a occis le

sbire de Primordus, vulgairement appelé par un confrère le Flammotaure.

- C’est nous si… Comment se fait-ce que vous soyez au courant ?

- J’ai mes sources.

- Vos sources ?

- Oui.

Une courte pause s’immisça dans la discussion. Il reprit en relevant la tête, les yeux plus acérés.

- Repassez demain, nous pourrons peut-être trouver un arrangement.

- Très bien, merci à vous, maître Splif.

Maître Splif maître splif. Non mais y sait où il peut se le fourrer son titre ronflant ? Boule de

poil. Si ça ne tenait qu’à moi, je lui aurais fracassé la tête sur son épave et tout ça

appartiendrait au passé. Ça ne tient pas qu’à moi...

La nuit fut très calme, au bout de laquelle nous sommes revenus sur le chantier. Après quelques

courbettes et conneries de ce genre, la nabot prit la parole :

- Bon, voilà le topo. Vous n’êtes pas sans savoir que mon peuple est né avec l’arrivée de

Primordus.

- Vous êtes liés au dragon, demanda Lianis, un peu inquiète ?

- Oui et non. Nous les asuras vivions sous terre avant que les dragons ne se réveillassent.

Manque de bol pour nous, Primordus est une grosse bébête, et lorsqu’il s’est étiré pour

prendre son envol, il a cassé tout simplement notre habitat (en croquant quelques habitants

au passage). Livrés-à nous-mêmes, nous n’avions plus d’autres choix que de vivre à la

surface.

- Comme les skritts non ?

Splif devint rouge à travers sa peau bleue et fulminait !

- Ne nous comparez jamais, j’ai bien dit jamais ! A ces détritus de la nature. Bien compris ?!

- Compris.

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Chapitre 32 : Augures

- Où en étais-je. Ah oui, Rata Sum fondée, bla bla bla, les asuras qui sauvent la Tyrie, bla bla

bla. Le classique quoi. Et des ruines, des multitudes de ruine où sommeille le savoir des

anciens.

- Je commence à comprendre.

- Voilà le bidule : proche de l’Estuaire de Cristal, il y avait une merveille d’architecture, un lieu

magnificient et d’une richesse incomparable : la cité de Louran Sum, enfouie maintenant

sous des tonnes de sable. Ce que je vous demande contre le prix de la croisière, c’est un petit

coup de main pour farfouiller dans les antiques couloirs.

- Eh oh, le nabot, tu nous prends pour tes larbins ou quoi ?

- Si ça peut vous éviter de payer. C’est ça ou quarante pièces d’or.

- Ça me va, répondit Alia. Vous autres ?

- Peu de Sylvaris ont du se rendre là-bas, nous sommes du voyage aussi.

- Yaddle ?

- Ah faites pas chier. Bien sur que je viens. Il faut bien quelqu’un pour veiller sur vous.

- Merci. Eh bien, maître Splif, c’est quand vous voulez.

- À la bonne heure. Départ cette après-midi.

En farfouillant, en compagnie de Guess, dans les artefacts sommeillant dans les rares

demeures naines qui avaient échappées à l’incendie, je reconnus des traités de commerce

entre nains et asuras, dont l’origine était aussi lointaine que Louran Sum. Voilà quelque chose

de rare et d’une richesse historique exceptionnelle !

- Oh, Guess, vous ai-je déjà parlé de Louran-Sum, notre cité commerçante la plus fastueuse à

nous les asuras. Un comptoir de commerce et de technologie où toutes les marchandises du

monde s’y retrouvaient, ou toutes les langues étaient parlées, où toutes les cultures, ou

presque, y étaient mélangées ?

- Vous autres asuras, n’avaient pas que Rata Sum comme florilège et richesse de votre

culture ?

Ah, décidément, cette Guess parle drôlement bien.

- Malheureusement si. Maintenant en tout cas. Il fut une époque où nos cités fleurissaient en

Tyrie, nombreuses sous terre, à l’instar des nains ou des fichus skritts. Mais quand le maître

des profondeurs, je nomme Primordus, s’est réveillé, il a tout ravagé et nous n’eûmes

d’autres choix que de fuir à la surface. Oh, certains peuples comme les nains ont eu le

courage ou la folie de rester sous terre mais nous autres, nous préférâmes reculer pour

mieux contre-attaquer.

- Je vois.

- Louran-Sum, c’était quelque chose ! Une splendeur qui s’épanouissait dans les contrées

arides du désert. Le joyau du désert. Telle un iceberg, seuls quelques minarets et pyramides

fleurissaient à la surface. Mais sous cette petite forêt de toitures, la cité s’étendait des lieues

sous le sable, aussi loin qu’au cœur de la terre. Rata Sum à côté, ce n’est qu’une pâle copie

dix fois, non que dis-je, cent fois inférieure en taille et en beauté à côté de Louran Sum.

- Et maintenant ?

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Chapitre 32 : Augures

- Primordus était trop occupé pour prendre possession des lieux et maintenant ? C’est un

tombeau dont les couloirs silencieux et poussiérieux sont arpentés, dit-on, par divers

charognards, golems défectueux et spectres.

- Des spectres ?

- Des fantômes, des esprits égarés comme vous les appeleriez vous les humains.

- Comme ceux d’Ascalon ?

- Oui, pas exactement. Les rares rescapés qui reviennent des couloirs hantés en parlent, à

travers leur folie, comme d’esprits indépendants, des fantômes libres et de toute espèce,

contrairement à ceux d’Ascalon qui sont rattachés à leur roi défunt.

- De toute espèce ?

- Des spectres de tout genre oui.

- Tu comptes t’y rendre un jour Aboune ?

- Ah ah ! Non ! Il faudrait être fou, complètement fou et suicidaire, pour aller là-bas !

Le contrat était signé, nous voilà maintenant archéologues du patrimoine asura prêts à faire

les poussières de Louran Sum pour récupérer quelques bibelots appartenant à de lointaines

époques. Les pales de l’aéronef vrombrissaient. La machine tremblait et des spasmes se

saisissaient d’elles maintenant. Les voiles s’agitaient, se gonflaient. La magie se faisait sentir à plein

nez. Dans un toussotement grinçant des machines, le métal crissa d’abord, puis l’engin prit son envol

lourdement. Les matelots couraient dans tous les sens sur le pont, ici pour élever une voile, là-bas

pour délier un cordage, plus loin pour donner des ordres. Une vraie petite fourmilière d’une

vingtaine de membres que nous regardions faire.

Déjà l’Arche du Lion se dessinait en contrebas. Certains habitants nous faisaient signe de la main, et

leurs sihouettes disparaissant à mesure que nous nous élevions dans le ciel. L’aéronef finit par

tourner sur lui-même, laissant le soleil dans nos dos.

- Louran Sum, nous voilà ! s’écria maître Splif.

Les hélices gagnèrent en intensité et battèrent des ailes à toute allure. L’aéronef avança timidement

puis gagna en vitesse progressivement. L’Arche était déjà derrière nous lorsque l’aéronef était au

meilleur de sa vitesse. L’ingéniosité des autres peuples est surprenante et ne cessera de

m’émerveiller.

Au dire de maître Splif, il nous faudrait quatre jours de voyage pour se rendre à bon port. Je ne

sais pas si j’ai fait le bon choix, mais il fallait en faire un de toute façon. Sans plus d’informations

pour retrouver ma mère, il fallait bien que je tente ma chance quelque part. Et, à vrai dire,

l’estuaire de Louran Sum me semblait être un bon départ. Peut-être y trouverais-je des indices quant

à la présence de ma maman. Maman… Pourquoi es-tu partie aussi loin ? Qu’est-ce qui t’a poussé à

m’abandonner pour te rendre dans des contrées aussi hostiles ? Prends soin de toi, je t’en prie.

Les paysages se succédaient au gré de la rapide avancée de notre vaisseau. A bâbord se discernaient

les brumes éternelles des marais de Lumillule. Un chemin meurtrier et hostile pour qui ose affronter

les brumes. Un chemin potentiel pour nos amis… J’espère qu’ils s’en sortent bien et qu’ils auront su

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Chapitre 32 : Augures trouver meilleure route. A tribord, les hautes chaînes des Cimefroides, aux sommets enneigés pour

l’éternité. En dessous, nos compagnons, et le tombeau d’Ayrin. Paix à son âme.

L’aéronef filait à toute allure. Les matelots maintenant se prélassaient sur le pont, en vérifiant

occasionnellement les machineries. Des humains, des asuras, et même des norns. Je vins m’encquérir

auprès du capitaine de l’équipage, qui n’est autre que Splif lui-même, bien sûr.

- Maître Splif ?

- Madame Arkady ?

- Comment va se dérouler l’exploration ?

- Oh, facile. Nous amarrons l’aéronef au-dessus des ruines. Nous descendons. Nous explorons.

- Ces ruines ont la fâcheuse réputation d’être maudites.

- Ce ne sont que des rumeurs.

- Mmh. Il faudra rester vigilant tout de même.

- Bien sûr, la vigilance, ça nous connaît nous les asuras.

Allez donc dire ça à Nezumy… Quatre jours où les magnifiques paysages se succédaient sous nos yeux

émerveillés. Le désert se dessinait enfin à la fin du quatrième jour, après avoir franchi l’immense

détroit qui le sépare du reste du continent. Le soleil se couchait à l’horizon, projetant de magnifiques

couleurs orangées tout autour de nous, reflet de la mer de sable que nous survolions maintenant,

dont les dunes formaient des vagues figées dans le temps. Le delta se dessinait enfin.

Tous les matelots se mirent au travail. Le même manège qu’au départ, mais dans l’autre sens cette

fois-ci. Ces gens connaissaient bien leur métier et notre vaisseau s’ammarra au pied d’une dune, se

posant doucement, sans aucun choc notoire. Dans les ombres tombantes du crépuscule se

dessinaient les toitures de quelques minarets se dégageant du sable, des petites pyramides à jamais

ensevelies sous ce désert, où seules quelques reliques s’extirpaient du sable, comme pour témoigner

de leur magnificence une dernière fois aux visiteurs de passage.

- Nous dormirons dans le clocher de ce minaret. Demain, nous commencerons nos recherches,

s’exclama Splif, tout enjoué et impatient qu’il était.

Le bivouac installé, les rondes de garde réparties, je me laissai aller à un sommeil reposant. Le vent

soufflait fort et le sable nous fouettait au visage quand nous n’étions pas à l’abri dans nos tentes. Il

gagna même en intensité dans la nuit, et son souffle projettait parfois des cris, du moins pourrait-on

penser à des cris, à des hurlements, qui m’empêchaient de trouver le sommeil. Au milieu de toutes

ces clameurs, un chuchotement me vint aux oreilles.

- Ma fille. Ma tendre, ma bien-aimée… Je suis désolée.

Je sortis en trombe de ma tente. Il n’y avait rien, strictement rien, à part les hurlements que

projettaient le vent, tout était calme. Et un oiseau qui m’était inconnu, aux ailes blanches, devant la

tente, prit son envol à mon approche. L’augure ne présageait rien de bon. Je n’aurais retrouvé que

difficilement le sommeil avant le départ du groupe au bon matin.

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Chapitre 32 : Augures

J’ai fait un nouveau rêve cette nuit-là. Dans un néant était agenouillée Alia, deux grandes ailes

blanches et brillantes battaient doucement dans son dos. Elle me tenait dans ses bras. La vie

s’échappait avec délice de mon corps meurtri. Je voyais son visage mat. Des larmes de sang

coulaient de ses yeux.