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Chapitre n°5 Chapitre n°5 Chapitre n°5 Chapitre n°5 : génétique bactérienne : génétique bactérienne : génétique bactérienne : génétique bactérienne 1. Structure et fonctions du génome bactérien 1.1. Organisation Le matériel génétique des Procaryotes est généralement constitué que d’une seule molécule d’ADN double-brin et circulaire * (figure 1 ). Sa longueur est de l’ordre du mm (1,3 mm chez E. coli) : le chromosome bactérien est donc fortement compacté à l’intérieur de la cellule, occupant une région délimitée irrégulièrement au contact du cytoplasme, le nucléoïde (le matériel génétique n’est donc pas dans un noyau). Le nucléoïde présente un point d’ancrage dans la membrane plasmique. Figure 1 Figure 2 * Chez les spirochètes (Treponema, Borrelia, Leptospira), le chromosome est linéaire. Les bactéries du genre Brucella possèdent deux chromosomes.

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1. Structure et fonctions du génome bactérien

1.1. Organisation

Le matériel génétique des Procaryotes est généralement constitué que d’une seule molécule d’ADN

double-brin et circulaire* (figure 1). Sa longueur est de l’ordre du mm (1,3 mm chez E. coli) : le

chromosome bactérien est donc fortement compacté à l’intérieur de la cellule, occupant une région

délimitée irrégulièrement au contact du cytoplasme, le nucléoïde (le matériel génétique n’est donc pas

dans un noyau). Le nucléoïde présente un point d’ancrage dans la membrane plasmique.

Figure 1 Figure 2

* Chez les spirochètes (Treponema, Borrelia, Leptospira), le chromosome est linéaire. Les bactéries du genre Brucella

possèdent deux chromosomes.

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L’ADN est associé à des protéines basiques différentes des histones présents chez les Eucaryotes. Les

bactéries possèdent un génome dont la taille est comprise entre 7,0.105 paires de bases chez Mycoplasma

et 7,0.106 pb chez Streptomyces (4,6.10

6 pb chez E. coli), soit entre 3000 et 4000 gènes. Chez les

Eubacteria, les gènes sont séparés les uns des autres par des séquences de quelques dizaines à quelques

centaines de paires de bases appelées « spacers » (les gènes sont rarement chevauchants comme chez les

virus). L’information codante est continue (les gènes sont transcrits d’un seul tenant : il n’y a pas

d’introns, les ARN messagers ne sont pas épissés comme chez les Archaea et les Eucarya).

Avant de se diviser, une bactérie doit répliquer son chromosome bactérien afin d’en transmettre une copie

à chacune de ses cellules filles. La réplication de l’ADN est semi-conservative : chaque molécule fille

contient un brin parental et un brin néosynthétisé. Chez les Procaryotes, lorsque le chromosome circulaire

est copié, la réplication commence en un seul point appelé « origine de réplication », où se forme une

petite zone de dénaturation de l’ADN, afin que chacun des deux brins puisse servir de matrice. Deux

fourches de réplication partent de part et d’autre de cette origine jusqu’à ce que toute la molécule

d’ADN soit copiée (figure 2).

Le chromosome bactérien peut comporter de l’ADN « étranger » :

- des transposons (éléments génétiques mobiles) ;

- des prophages (ADN provenant de virus bactériens appelés « bactériophages »).

Les transposons (ou éléments transposables) n’ont pas d’origine de réplication. Les plus simples sont de

courtes séquences de 750 à 1600 pb, contenant uniquement le gène de la transposase encadré par des

séquences d’insertion (séquences « répétées inversées »). La transposase est l’enzyme nécessaire à la

transposition : elle permet l’insertion du transposon dans l’ADN cible. Les transposons composites

contiennent des gènes supplémentaires (gènes de résistance, codant pour des toxines…).

Les bactéries possèdent également des éléments d’ADN extrachromosomique, les plasmides. Ce sont de

petites molécules d’ADN double-brin circulaire de quelques µm (103 à 10

5 pb environ). Leur réplication

est autonome : ils possèdent leur propre origine de réplication (« ORI-R »). Ils portent un nombre réduit

de gènes (<30) qui confèrent aux bactéries hôtes des propriétés non essentielles à leur survie :

- gènes codant pour les pili sexuels et autres facteurs de conjugaison ;

- gènes de résistance aux antibiotiques et aux métaux lourds ;

- gènes de virulence (toxines, sidérophores…) ;

- gènes codant pour des bactériocines.

Certains plasmides possèdent des séquences d’insertion permettant leur intégration au chromosome

bactérien (cette propriété en fait des « épisomes »).

Les plasmides sont transmis verticalement dans le clone bactérien, au fur et à mesure des divisions. Ils

peuvent aussi être transmis horizontalement, même entre bactéries d’espèces différentes, au cours du

processus de conjugaison.

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1.2. Structure des gènes

Les gènes codant pour les protéines présentent en amont de la région codante un site de régulation

permettant la reconnaissance et la liaison de l’ARN polymérase : le promoteur.

- Le site de reconnaissance de l’ARN polymérase comporte sur le brin non copié une séquence

5’-TTGACA-3’ (« boîte GACA ») située à 35 paires de bases du point d’initiation de la

transcription (+1).

- Le site de liaison de l’ARN polymérase comporte sur le brin non copié une séquence

5’-TATAAT-3’ (« boîte TATA » ou « boîte de Pribnow ») située à 10 paires de bases du

point d’initiation de la transcription. C’est l’endroit où l’ARN polymérase provoque

l’ouverture de la double hélice d’ADN.

Les séquences de ces deux sites sont relativement constantes d’une espèce bactérienne à une autre : elles

sont appelées « séquences consensus ».

L’ARN polymérase copie l’ADN en ARN à partir du point d’initiation de la transcription. Au début de

l’ARN messager (ARNm), il existe une séquence non traduite (comprise entre le point +1 et le codon

initiateur AUG). Il s’agit d’une séquence de tête, qui contient également une séquence consensus

5’-AGGAGG-3’ dite de Shine-Dalgarno. Celle-ci intervient comme un signal dans la fixation de la petite

sous-unité du ribosome, par l’intermédiaire de l’ARNr 16S.

La région codante commence par le triplet AUG (codant pour une méthionine) et se termine par l’un des

trois codons stop (UAA, UAG, UGA).

A la fin de l’ARN messager (du côté 3’), on trouve un séquence de queue non traduite, au niveau de

laquelle s’arrête la transcription. Elle est constituée de régions auto-complémentaires riches en GC

susceptibles de s’apparier et de former une boucle permettant l’expulsion de l’ARN polymérase.

Figure 3

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Chez les Procaryotes, la plupart des gènes sont organisés en unités structurales et fonctionnelles appelées

opérons, succession de gènes codant chacun une chaîne polypeptidique. Un opéron rassemble des gènes

intervenant dans un même domaine métabolique :

- l’opéron lactose rassemble les gènes permettant l’utilisation du lactose (figure 5) ;

- l’opéron tryptophane rassemble les gènes permettant la synthèse du tryptophane (figure 6).

Un opéron est transcrit en un seul ARNm polycistronique (ou polygénique).

Certains gènes ne codent pas pour des protéines, mais pour les ARN de transfert (ARNt) et les ARN

ribosomaux (ARNr).

Chez les Procaryotes, le matériel génétique est directement au contact du cytoplasme, donc des

ribosomes. De ce fait, la synthèse protéique peut démarrer sur un ARNm dont la synthèse n’est pas

terminée : transcription et traduction sont simultanées. De plus, un ARNm peut être lu simultanément

par plusieurs ribosomes, formant ainsi une structure en « collier de perles » appelé polysome (figure 4).

Figure 4

1.3. Régulation de l'expression des gènes

Pour transcrire leurs gènes, les bactéries possèdent une ARN polymérase. Il s’agit d’un complexe

enzymatique de 450 kDa, constitué de 5 sous-unités (α, α, β, β', σ). Le facteur σσσσ est capable de

reconnaître les séquences consensus des promoteurs qui permettent le démarrage de la transcription.

Cependant, seuls les gènes codant pour les protéines constitutives sont exprimés de manière constante,

les enzymes de la glycolyse par exemple. Il existe donc une régulation permettant à la cellule de ne

synthétiser que les enzymes qui lui sont nécessaires, en fonction de la nature du milieu. Ce contrôle est

effectué au niveau transcriptionnel selon deux modes principaux : l’induction et la répression.

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1.3.1. Systèmes inductibles : exemple de l’opéron lactose (figure 5)

Lorsqu’une souche d’E. coli est cultivée dans un milieu contenant du glucose puis transférée dans un

milieu contenant du lactose, elle se met à synthétiser une enzyme jusqu’alors indétectable : la

ββββ-galactosidase (qui catalyse l’hydrolyse du lactose en glucose et galactose). On dit que le lactose est un

inducteur : sa présence dans le milieu augmente la quantité de β-galactosidase, mais aussi de

ββββ-galactoside perméase* et de thiogalactoside transacétylase. Les trois gènes (respectivement appelés lac

z, lac y et lac a) codant pour ces trois enzymes appartiennent à l’opéron lactose (Jacob et Monod, 1960).

- En amont de l’opéron lactose, il existe un gène régulateur (lac i) qui code pour un

répresseur capable de se fixer sur l’opérateur en absence de lactose. Dans ce cas l’ARN

polymérase est bloquée et les gènes ne sont donc pas transcrits.

- En présence de lactose, le répresseur fixe le lactose et devient alors incapable de se fixer

sur l’opérateur : l’ARNm polycistronique est synthétisé par l’ARN polymérase puis traduit.

Figure 5

* Au laboratoire, le déficit en β-galactoside perméase est mis en évidence par le test ONPG : une souche bactérienne

apparaissant lactose + sur milieu lactosé (Kligler-Hajna, BCP-lactose, Drigalski…) possède les deux enzymes (β-galactosidase

et β-galactoside perméase), dans ce cas le test ONPG est inutile. Par contre, une souche bactérienne apparaissant lactose - sur

milieu lactosé peut être soit ONPG + (β-galactosidase + et perméase -) ; soit ONPG - (β-galactosidase - et perméase -).

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Par ailleurs, il existe des β-lactamases (enzymes de résistance aux β-lactamines) constitutives, exprimées en permanence par la

bactérie possédant le gène ; d’autres sont inductibles et ne sont donc synthétisées que si l’antibiotique est présent dans le

milieu. Pour détecter une β-lactamase inductible par le test Céfinase®, il faut donc prélever une colonie sur l’antibiogramme à

proximité d’un disque imprégné de β-lactamine.

1.3.2. Systèmes répressibles : exemple de l’opéron tryptophane (figure 6)

Lorsqu’une souche prototrophe d’E. coli est cultivée dans un milieu minimum, elle fabrique tous ses

constituants organiques à partir de la seule source de carbone disponible. Si du tryptophane est ajouté à ce

milieu minimum, la cellule cesse de fabriquer les enzymes qui interviennent dans la synthèse de cet acide

aminé. Les gènes codant pour ces enzymes font partie de l’opéron tryptophane.

Un gène régulateur commande la synthèse d’un répresseur inactif qui n’est capable de se fixer sur

l’opérateur qu’en présence de tryptophane, qui constitue le corépresseur. La présence du complexe

répresseur – corépresseur sur l’opérateur empêche la transcription des gènes intervenant dans la

biosynthèse du tryptophane.

Figure 6 : structure et fonctionnement de l’opéron tryptophane

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2. La variabilité génétique des bactéries

2.1. Mutations

Lorsque l’enchaînement des nucléotides au sein de l’ADN est modifié, les séquences des gènes peuvent

varier : ce sont les mutations. Ces modifications sont stables et héréditaires, et elles peuvent

s’accompagner ou non de modifications phénotypiques.

Les mutations spontanées apparaissent occasionnellement dans n’importe quelle cellule : elle résultent

d’erreurs dans la réplication de l’ADN ou de lésions de l’ADN.

Il existe différents types de mutations :

• les substitutions :

� une transition est un remplacement d’une purine par une autre purine (A ↔ G)

ou d’une pyrimidine par une autre pyrimidine (C ↔ T) ;

� une transversion est un remplacement d’une purine par une pyrimidine (ou

l’inverse).

• L’addition ou la délétion d’un ou plusieurs nucléotides entraîne un décalage du cadre

de lecture. Ces mutations se produisent souvent lorsqu’une courte séquence

nucléotidique est répétée.

Les erreurs commises lors de la réplication sont souvent corrigées par différents mécanismes (correction

d’épreuve, réparation par excision-resynthèse, réparation par recombinaison, réparation « SOS »)

Le taux de mutation peut être nettement augmenté en utilisant des agents mutagènes (substances ou

rayonnements qui altèrent directement l’ADN ou interfèrent avec ses mécanismes de réparation).

Par exemple, les rayons X et ultra-violets sont de puissants agents mutagènes. A 260 nm (longueur

d’onde d’absorption maximale de l’ADN), les bactéries sont en majorité tuées, tandis que les rares

survivantes sont souvent des mutantes. La modification chimique la plus fréquente dans ce cas est la

formation de dimères de thymine lorsqu’elles sont adjacentes.

2.2. Conséquences phénotypiques des mutations

Les mutations sont soit silencieuses, soit elles modifient le phénotype du micro-organisme mutant.

• Les mutations morphologiques changent la forme ou la couleur de la colonie issue

d’une cellule mutante (exemple : variation type « S » type « R » due à une mutation

affectant un gène de synthèse du LPS, au niveau de la chaîne latérale O). Ces

mutations peuvent également affecter les flagelles, la spore (chez B. anthracis, il existe

des mutants asporogènes)…

• Certains mutants peuvent acquérir une résistance à un agent antimicrobien, tel qu’un

antibiotique. Si la cible de l’antibiotique est une enzyme, la mutation au niveau du gène

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codant pour cette enzyme peut entraîner une diminution voire une suppression de

l’affinité de l’antibiotique pour l’enzyme (modification de cible). Ce phénomène est à

l’origine de la résistance des Staphylococcus aureus résistants à la méticilline

(SARM) : une mutation entraîne un changement de structure de la PLP2 (l’enzyme

« mutée » est appelée PLP2a) qui ne fixe plus l’antibiotique (Cf. mise en évidence de la

résistance hétérogène aux β-lactamines).

• Les mutations biochimiques inactivent fréquemment les voies de biosynthèse et

engendrent des mutants auxotrophes, incapables de se développer sur un milieu

minimum. Il existe également des mutations réverses, restaurant le type sauvage

prototrophe (application : test de Ames, voir figure 7).

Le test de Ames est un test de mutagenèse proprement dit. Il consiste à examiner si une substance chimique ou un agent

physique est capable d'induire des mutations spécifiques chez différentes souches de Salmonella typhimurium. Les souches

utilisées dans le test sont des souches porteuses d'une mutation dans un des gènes gouvernant la synthèse de l'acide aminé

histidine. Cette mutation His- rend les souches incapables de pousser sur un milieu sans histidine. Avec une fréquence très

faible, ces mutations His- reversent spontanément vers His+ et donc les cellules retrouvent leur capacité à pousser sur un milieu

dépourvu d'histidine. Cette fréquence de réversion peut augmenter en exposant les bactéries His- à des agents mutagènes.

Ainsi, le test d'Ames permet de quantifier l'induction de ces mutations réverses His+.

Figure 7 : Test de Ames

2.3. Les transferts génétiques

Chez les Procaryotes, les transferts génétiques sont unidirectionnels. Un fragment de matériel génétique

exogène pénètre dans une cellule receveuse. Cet ADN peut persister dans le cytoplasme (cas de

nombreux plasmides) ou être intégré au chromosome bactérien par recombinaison.

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2.3.1. La conjugaison

La conjugaison est un mécanisme de transfert unidirectionnel de matériel génétique par contact entre

deux cellules bactériennes (figure 8).

Figure 8

• Mise en évidence (Lederberg et Tatum, 1946)

On utilise deux souches d’Escherichia coli auxotrophes (–) pour plusieurs facteurs de croissance :

Facteur de croissance SOUCHE 1 SOUCHE 2

Biotine – +

Phénylalanine – +

Cystéine – +

Thréonine + –

Leucine + –

Thiamine + –

Ces souches « triples auxotrophes » sont incapables de se développer sur milieu minimum. Par

contre, si on incube un mélange de ces deux souches pendant plusieurs heures dans un milieu nutritif, et

qu’on les transfère ensuite sur un milieu minimum, des colonies prototrophes apparaissent après

incubation. Les bactéries formant ces colonies sont donc Biotine +, Phe +, Cys +, Thr +, Leu + et

Thiamine +. Ces bactéries sont dites recombinantes car il y a obligatoirement eu transfert d’information

génétique entre les deux souches initiales.

• L’exemple du facteur F

A la suite des expériences de Lederberg et Tatum, Hayes montra en 1952 que le transfert de gènes

s’effectue dans un sens déterminé, d’une cellule donneuse à une cellule receveuse.

Le facteur F, ou facteur de fertilité, est un plasmide portant les gènes nécessaires à l’attachement

cellulaire et au transfert de matériel génétique. Certains de ces gènes sont impliqués dans la formation des

pili sexuels, responsables de la première étape de la conjugaison. La souche donneuse est dite « F + » car

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elle possède ce facteur F. La souche receveuse est dite « F – » car elle ne le possède pas (et ne produit

donc pas de pili sexuels). Au cours de la conjugaison (c’est à dire le croisement F + x F –), le facteur F

est répliqué et c’est une copie du plasmide qui est transférée (sous forme simple-brin) dans la cellule

receveuse. Au terme de ce transfert (après réplication et recircularisation du plasmide), la cellule

receveuse est devenue à son tour F +. Dans ces conditions, la fréquence de recombinaison des gènes

chromosomiques est faible, car le chromosome bactérien n’est que très rarement transféré dans la cellule

receveuse.

Le facteur F contient des séquences d’insertion permettant l’intégration du plasmide dans le

chromosome de la cellule hôte (ce qui fait du facteur F un épisome). Dans le cas ou le facteur F est

intégré au chromosome bactérien, la cellule hôte est dite « Hfr », pour haute fréquence de

recombinaison. Cette cellule possède en effet un grand pouvoir de transfert de gènes

chromosomiques. Au cours du croisement Hfr x F –, l’intégralité de la copie du chromosome de la

cellule Hfr est rarement transférée à la souche F –, car le temps de contact nécessaire est trop important

(100 minutes chez d’Escherichia coli). Le contact entre cellules est souvent rompu (rupture du pont

cytoplasmique permettant le transfert) avant la fin du processus. L’origine de transfert (ORI-T) étant

située au sein du facteur F, la cellule receveuse reste F – si le transfert n’est pas complet. Par contre, des

gènes chromosomiques (« gènes marqueurs ») de la souche Hfr peuvent être intégrés dans le

chromosome de la souche F –.

2.3.2. La transformation (figure 9)

La transformation est l’entrée dans la cellule d’un fragment d’ADN « nu » présent dans l’environnement

(et son intégration dans le chromosome receveur, l’endogénote, s’il ne s’agit pas d’un plasmide).

Une bactérie capable d’effectuer une telle opération est dite compétente. L’état de compétence est un

phénomène transitoire, qui intervient chez certaines bactéries pendant 15 à 30 minutes à la fin de la phase

exponentielle de croissance. Les pneumocoques, par exemple, sécrètent une protéine appelée facteur de

compétence qui active la production d’autres protéines requises pour la transformation.

La transformation artificielle en laboratoire fait appel à des agents rendant perméable la membrane la

membrane à l’ADN (chlorure de calcium), à des traitements thermiques ou électriques (électroporation).

Les cellules transformées ne deviennent recombinantes que si le(s) gène(s) porté(s) par l’ADN exogène

s’exprime(nt). La transformation des bactéries est plus efficace avec de l’ADN plasmidique, moins

facilement dégradé que des fragments linéaires et se répliquant de façon autonome.

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Figure 9

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2.3.3. La transduction

• Cycle lytique et cycle lysogénique (figure 10)

Les bactériophages (virus bactériens) participent à ce mode de transfert de gènes bactériens. Ils

possèdent une capside protéique qui protège leur génome. Lorsqu’un phage infecte une bactérie, il

introduit uniquement son matériel génétique dans le cytoplasme de celle-ci.

Le génome viral a la capacité de forcer la bactérie à synthétiser de nouveaux constituants viraux (acides

nucléiques et protéines) qui s’assemblent en nouveaux phages. La lyse de la bactérie libère les nombreux

phages produits au cours de ce cycle lytique. Ces phages sont dits virulents.

Au cours du cycle lysogénique par contre, le génome viral reste dans le chromosome de la cellule hôte

sans s’exprimer et il est reproduit en même temps que le chromosome bactérien. Ces phages sont dits

tempérés car ils résident dans leur hôte sans le détruire, à l’état de prophage. Cependant, les conditions

de l’environnement (ex : UV) peuvent modifier cet état et déclencher la multiplication du phage

(induction).

Figure 10

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• Transduction généralisée et transduction spécialisée

Transduction généralisée Transduction spécialisée

La transduction généralisée a lieu au cours du cycle lytique

d’un phage et transfère n’importe quelle partie du génome

bactérien. Pendant l’assemblage des nouveaux virus, des

fragments de chromosome bactérien partiellement dégradé

sont incorporés dans la capside par erreur. Ces phages

contenant de l’ADN bactérien sont appelés particules de

transduction généralisée. Lorsqu’ils infectent de nouvelles

cellules, ils injectent cet ADN qui peut être intégré ou non au

génome bactérien. Dans le cas négatif, on parle de

transduction abortive. Figure 11

La transduction spécialisée ou restreinte résulte d’une

erreur dans le cycle lysogènique. Les gènes bactériens qui

entourent le génome viral incorporé au nucléoïde, peuvent être

incorporés dans les nouvelles capsides phagiques après

induction. Ces nouveaux virus vont alors transporter ces gènes

d’une bactérie à une autre : ce sont des transducteurs.

Au moment de l’induction, l’excision du prophage est erronée

et une partie adjacente du chromosome bactérien (5 à 10 % de

l’ADN bactérien) est excisée également. Ce sont des phages

transducteurs incomplets, car ils ne transportent qu’une

partie du génome viral. De ce fait, ils perdent une ou plusieurs

propriétés : il sont donc défectifs.

Une particule transductrice injectera les gènes bactériens

dans une autre bactérie, où ils pourront être intégrés au

nucléoïde de manière stable. L’acquisition de propriétés

nouvelles chez les bactéries infectées par un bactériophage est

appelée conversion lysogènique (exemple : synthèse d’une

exotoxine) . Figure 12

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3. L’identification génotypique (ou moléculaire) des bactéries

Les techniques de biologie moléculaire ont bouleversé l’identification des bactéries, notamment par leur

capacité de détection des bactéries dont la culture au laboratoire est impossible, fastidieuse ou lente. Elles

ont également montré les limites de l’identification phénotypique traditionnelle.

Il est désormais possible de détecter des bactéries responsables de maladies infectieuses directement

dans les prélèvements cliniques. D’une part, des méthodes de détection standardisées sont

commercialisées sous forme de kits (ou de « trousses ») ; d’autre part, des laboratoires ont mis au point

des méthodes internes (plus ou moins fiables). D’un point de vue organisationnel, l’unité de biologie

moléculaire doit être séparée du laboratoire de microbiologie classique, afin de réduire les risques de

contamination des échantillons, les résultats faussement positifs constituant le problème majeur de

l’utilisation de ces techniques. Il est donc fondamental de réaliser des témoins négatifs d’extraction et

d’amplification afin de valider les résultats d’une analyse moléculaire. Les protocoles seront rédigés

dans le cadre du GBEA (guide de bonne exécution des analyses).

3.1. Les étapes de l’analyse

Figure 13 : identification ou typage moléculaire des bactéries

3.1.1. Extraction de l’ADN

Dans tous les cas, il est nécessaire de procéder à l’extraction de l’ADN bactérien (chromosomique et/ou

plasmidique) afin de le rendre disponible pour les opérations suivantes. Cela comprend la destruction des

enveloppes cellulaires (capsule, paroi, membrane plasmique) par chauffage à 70°C, utilisation de

lysozyme, action du SDS (sodium dodécyl sulfate) ; ainsi qu’une élimination des protéines par la

protéinase K. La purification de l’ADN se poursuit par sa précipitation à froid par un mélange

phénol/chloroforme puis une solution d’éthanol. Il existe également des colonnes de purification de

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l’ADN et des automates de purification de l’ADN. Une fois purifié, l’ADN peut être conservé à – 20°C.

3.1.2. Amplification de l’ADN

Pour faciliter la détection de l’ADN cible (c’est à dire l’ADN appartenant à l’espèce bactérienne

recherchée), celui-ci est amplifié in vitro par réaction enzymatique (Polymerase Chain Reaction ou

PCR*). Lors de la détection directe des bactéries dans les prélèvements cliniques, cette étape peut être

rendue difficile par la présence d’inhibiteurs qui diminuent la sensibilité de la méthode et par l’éventuelle

contamination de l’échantillon par des micro-organismes exogènes rendant les résultats faussement

positifs.

Par contre, la sensibilité et la spécificité sont nettement améliorées si la réaction d’amplification de

l’ADN est réalisée sur une souche isolée sur milieu solide ou cultivée en milieu liquide. Cette méthode

peut être utilisée pour l’identification des souches bactériennes, pour la mise en évidence des gènes de

résistance aux antibiotiques, ou pour le génotypage des bactéries à des fins taxonomiques.

* : le principe et le protocole de la PCR sont détaillés en cours de biologie moléculaire.

3.1.3. Analyse de l’ADN amplifié

L’amplification par PCR n’étant qu’une étape permettant d’obtenir suffisamment d’ADN bactérien, il est

nécessaire d’utiliser une méthode permettant de caractériser cet ADN.

• Migration sur gel d’agarose

Le produit d’amplification peut être détecté par électrophorèse et action du bromure d’éthidium* (BET,

substance intercalante fluorescente). La migration d’un marqueur de taille à chaque extrémité du gel

permet la détection de l’ADN amplifié. L’ADN amplifié peut alors faire l’objet d’une étude de profil de

restriction : il s’agit d’une nouvelle migration sur gel d’agarose (ou de polyacrylamide*), cette fois après

action d’une ou plusieurs endonucléases de restriction. Le profil électrophorétique obtenu est

caractéristique de la séquence amplifiée : il peut être utilisé pour identifier une souche bactérienne

inconnue.

* le bromure d’éthidium et le polyacrylamide sont des substances cancérigènes qui doivent être manipulées en respectant

scrupuleusement les consignes de sécurité, notamment le port des gants.

• Hybridation avec des sondes marquées

Cette détection peut être faite sur des bandelettes de nitrocellulose comportant des sondes

complémentaires de l’ADN recherché. La mise en contact du produit d’amplification avec la bandelette

permet de déterminer si la souche étudiée correspond à l’espèce recherchée. Ce type de test est disponible

pour l’identification des mycobactéries.

L’hybridation peut également être réalisée directement dans l’appareil chargé de la PCR (thermocycleur).

La formation du produit d’amplification est suivie en temps réel grâce à l’utilisation d’amorces

oligonucléotidiques fluorescentes lorsqu’elles sont hybridées à leur cible. L’intensité de la fluorescence

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émise est alors proportionnelle à la quantité d’amorces hybridées.

• Séquençage

Il s’agit d’une méthode permettant d’obtenir l’intégralité de la séquence nucléotidique du fragment

amplifié. La comparaison de la séquence obtenue avec des séquences disponibles dans des bases de

données informatiques (GenBank) permet l’identification de souches inconnues. Ce séquençage est

généralement réalisé par la technique de Sanger, et automatisée dans des séquenceurs capillaires (700 à

800 pb séquencées en quelques heures).

3.2. Gènes couramment utilisés pour l’identification moléculaire des bactéries

3.2.1. Le gène codant pour l’ARNr 16 S

L’ARNr 16 S est l’acide ribonucléique constitutif de la petite sous-unité du ribosome procaryote. Son

coefficient de sédimentation est de 16 Svedberg (la grande sous-unité du ribosome procaryote contient un

ARNr 23 S et un ARNr 5 S). L’ARN ribosomal 16 S est codé par un gène chromosomique d’environ

1500 paires de bases dont les extrémités 5’ et 3’ sont conservées chez un grand nombre d’espèces

bactériennes. Ces séquences universelles ont permis la fabrication d’amorces complémentaires de ces

extrémités. Ainsi, presque tous les gènes ARNr 16S peuvent être amplifiés avec ces amorces universelles,

tandis que la spécificité de la séquence de ces gènes permet par la suite l’identification des bactéries. Si la

technique d’analyse utilisée est le séquençage, l’interprétation des résultats est conduite de la manière

suivante :

- s’il y a entre 99 et 100 % de similarité entre une séquence expérimentale et une séquence de

référence, la souche étudiée appartient à la même espèce que la souche de référence ;

- s’il y a entre 97 et 98 % de similarité entre une séquence expérimentale et une séquence de

référence, la souche étudiée appartient au même genre que la souche de référence ;

- si la similarité de séquence est inférieure à 97 %, il s’agit d’un genre bactérien qui n’est pas

encore décrit (ou publié dans la base de données).

Les résultats des études portant sur les gènes ARNr 16 S ont engendré de nombreuses modifications de la

classification du monde vivant, tout particulièrement la séparation entre Archaea et Bacteria (C. Woese).

3.2.2. Le gène rpoB

Le gène rpoB code pour la sous-unité ββββ de l’ARN polymérase bactérienne. Il s’agit également d’un

gène chromosomique de 4000 à 4500 paires de bases. Certaines régions de ce gène contiennent des

séquences conservées (permettant l’obtention d’amorces complémentaires) séparant des régions variables

utiles pour l’identification des espèces.

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3.3. Exemples d’applications

Parmi les kits de détection moléculaire commercialisés ou développés « en interne », on peut citer la mise

en évidence :

- de Neisseria meningitidis dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) en trois heures seulement

(figure 14),

- de Chlamydia trachomatis dans les prélèvements génitaux,

- de Sreptococcus agalactiae (groupe B) dans le prélèvement vaginal chez la femme enceinte,

- de Bordetella pertussis (coqueluche) dans l’aspiration naso-pharyngée chez les enfants,

- de Mycobacterium tuberculosis dans les expectorations (en cas de coloration de Ziehl

positive).

Figure 14

Il est également possible détecter :

- des gènes codant pour des résistances aux antibiotiques, comme le gène mecA responsable

de la résistance à l’oxacilline chez Staphylococcus aureus ;

- des mutations dans les gènes codant pour les cibles des antibiotiques, telles que les

mutations du gène rpoB (codant pour la sous-unité β de l’ARN polymérase) associées à la

résistance à la rifampicine chez Mycobacterium tuberculosis, Staphylococcus aureus,

Rickettsia et certaines entérobactéries.