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Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Introduction aux méthodes de greffage
et Oxydation du silicium poreux
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
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Introduction
La fonctionnalisation chimique et biologique de la grande surface spécifique du
silicium poreux offre des perspectives intéressantes pour l’utilisation de ce matériau
pour le contrôle de l’écoulement des liquides dans les systèmes microfluidiques et
comme phase stationnaire fonctionnalisée pour la séparation de molécules dans les
laboratoires sur puce.
Après une présentation des techniques de caractérisation de la chimie de surface du
silicium poreux, nous nous attacherons à faire un bilan des méthodes de
fonctionnalisation de surface rapportées dans la littérature.
Une présentation de la chimie de surface du silicium poreux fraîchement anodisé
nous permettra d’introduire nos choix en terme de fonctionnalisation de surface.
Parmi les deux grandes familles de fonctionnalisation utilisées dans ce travail que
sont l’hydrosililation et la silanisation, la deuxième, qui est une méthode de
greffage sur oxyde de silicium, nécessite une étude approfondie sur les conditions
d’oxydation et de densification du silicium poreux, également présentée dans ce
chapitre.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
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1 Techniques de caractérisation de la chimie de
surface
1.1 Spectroscopie infrarouge
1.1.1 Principe
L’interférogramme est le signal enregistré lors d’une mesure par spectroscopie
infrarouge FT-IR (Fourrier Transform Infrared Spectroscopy). Il est obtenu à l’aide
d’un interféromètre de Michelson dont un des miroirs est en translation à vitesse
constante. Cet interférogramme est constitué d’une combinaison complexe de
sinusoïdes de fréquences différentes et dont l’intensité est fonction du signal reçu
pour chaque longueur d’onde. Un traitement par transformée de Fourier conduit au
spectre final en fonction du nombre d’onde (en cm-1).
Les bandes d’absorption infrarouge correspondent à des transitions d’énergie de
rotation et de vibration moléculaires. Les modes vibrationnels sont de deux types :
L’élongation (ν) avec variation de la distance interatomique,
La déformation angulaire (δ) avec variation de l’angle entre deux
liaisons adjacentes.
Les groupes d’atomes ayant au moins deux atomes identiques ont deux modes
d’élongation et de déformation angulaire : symétriques (νs et δs) et asymétriques
(νas et δas).
Le spectre infrarouge est donc porteur d’informations sur la nature des liaisons
chimiques caractéristiques du matériau. Il permet d’identifier des composés
organiques ou inorganiques, d’analyser la présence d’espèces adsorbées ou
greffées, ou encore d’étudier l’évolution d’un matériau en fonction d’un paramètre
expérimental.
Un spectre infrarouge peut représenter l’absorbance, A, ou la transmittance, T, de
l’échantillon en fonction de la longueur d’onde. Ces deux grandeurs sont sans
unités. La transmittance est le rapport de l’intensité de la lumière transmise par
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l’échantillon (I) et de l’intensité incidente reçue (I0) et on peut en déduire
l’absorbance :
0IIT = (Équation 11) TA log−= (Équation 12)
Dans ce travail, la spectroscopie FT-IR de couches poreuses est principalement
utilisée comme outil d’analyse qualitatif de la chimie de surface. Cependant, la
détermination de la quantité d’une espèce greffée au sein d’un échantillon de
silicium poreux peut être calculée à partir de la loi de Beer-Lambert :
ClA ..ε= (Équation 13)
avec ε, l’absorptivité molaire32 des groupements considérés à une longueur d’onde
donnée (m².mol-1), l, l’épaisseur de l’échantillon de silicium poreux (m) et C, la
concentration des groupements (mol.m-3). Nous utiliserons ce calcul avec
précaution sachant que la valeur calculée dépend de l’épaisseur de l’échantillon.
1.1.2 Echantillons pour la spectroscopie infrarouge :
couches décrochées de silicium poreux
La spectroscopie infrarouge étant plus sensible en mode transmission33, des
échantillons transparents aux infrarouges sont réalisés. La Figure 45 a représente
une couche poreuse fabriquée par anodisation pulsée 2 s / 2 s, de porosité 60%,
d’épaisseur 50 µm et de diamètre 1 cm, décrochée en fin de gravure par une étape
d’électropolissage34 à courant élevé composée de deux pulsations de 1 A durant
5 s.
1 cm
a)
b)
Figure 45. Photographies : a) Couche décrochée de silicium poreux adaptée aux mesures
par spectroscopie FT-IR ; b) Substrat de silicium après décrochage de la couche poreuse.
32 Appelée également coefficient d’extinction molaire. 33 Par rapport aux modes réflexion et ATR. 34 Zone d’électropolissage : voir Figure 22.
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1.2 Désorption programmée en température associée à
un spectromètre de masse
Cette méthode d’analyse, appelée également TPD-MS (Temperature Programmed
Desorption - Mass Spectrometry), permet l’enregistrement d’un spectre
caractéristique de la composition chimique de l’échantillon et/ou des groupements
présents à sa surface en fonction de la température dans l’intervalle [TA35-800]°C.
Le silicium étant un matériau très stable en température, il ne se dégrade pas dans
cet intervalle de température, et le spectre obtenu est représentatif des
groupements greffés à la surface du silicium poreux. L’analyse de l’échantillon de
SiP est réalisée selon une rampe de température de 10°C.min-1 sous une pression
de 10-3 Pa. Les gaz issus de la décomposition de l’échantillon sont ionisés par un
impact électronique à -70 eV et les fragments résultants, de masses comprises
entre 2 et 200 unités de masse atomique (amu pour atomic mass unit), sont
analysés par un spectromètre de masse (Figure 46).
Spectromètre de masse
Porte-échantillon
Unité de chauffage
Echantillon de silicium poreux
Enceinte sous vide
Jauge d’ionisation
Figure 46. Schéma de principe d’un banc de mesure par désorption programmée en
température associée à un spectromètre de masse (TPD-MS).
35 TA : Température ambiante
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2 Etude bibliographique sur les méthodes de
greffages covalents sur silicium et silicium
poreux
La fabrication de monocouches auto-assemblées (SAM pour Self Assembled
monolayer) sur silicium permet la manipulation de la surface au niveau moléculaire
et ainsi la création de nouvelles fonctionnalités. La majorité des monocouches
existantes sur silicium sont obtenues selon deux types de réactions illustrées sur la
Figure 47 :
Le greffage d’organosilanes sur oxyde de silicium (a) : la silanisation.
Le greffage d’organothiols sur une couche d’or déposée sur silicium (b)
[102].
Cette prédominance s’explique par la simplicité, la fiabilité et le faible coût de ces
réactions qui ont été développées et perfectionnées depuis longtemps dans le
domaine de la chimie de surface. La silanisation du silicium poreux oxydé a
également déjà fait l’objet de plusieurs publications [77, 103 et 104].
La réalisation de monocouches alkyles sur silicium poreux « frais » (non oxydé) est
une autre voie moins explorée mais qui présente des perspectives intéressantes
pour l’élargissement des applications du silicium poreux fonctionnalisé. Ces
monocouches sont liées au substrat silicium par l’intermédiaire de liaisons Si-C36, ce
qui leur confère une bonne résistance mécanique et chimique (couche peu polaire)
(Figure 47 c). On peut classer les méthodes de fabrication des monocouches
alkyles en deux catégories : celles inspirées du greffage des organosilanes et celles
qui mettent à profit le caractère semiconducteur du silicium poreux pour le
greffage.
Dans la première catégorie, l’attaque par des carbanions37 est une méthode qui
permet le greffage de groupes alkyles directement à la surface du silicium recouvert
de liaisons hydrures (Si-H) par l’intermédiaire de réactifs de type organométalliques
alkylants (les carbanions) [105]. L’hydrosililation thermique ou l’utilisation d’un
composé métallique sont les deux autres méthodes utilisées. La première est basée
sur la réaction d’alcènes ou d’alcynes à haute température (>100°C) dans des
36 Energie de dissociation des liaisons C-C : ED C-C=370 kJ.mol-1. 37 Ions dérivés d’un composé organique qui possèdent une charge négative sur un ou plusieurs atomes de carbone.
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conditions anhydres et sans oxygène pendant plusieurs heures [103, 106] et la
deuxième repose sur la réaction de ces mêmes composés en présence d’un acide
de Lewis38 [107, 108].
Dans la seconde catégorie, l’électro-greffage de carbanions, d’halogénures alkylés39
ou encore d’alcynes sous l’action d’une différence de potentiel entre le substrat et la
solution réactive permettent le greffage de molécules organiques. L’hydrosililation
sous lumière blanche conduit également à la formation d’une monocouche
organique à la surface du silicium poreux [109].
Figure 47. Préparation de monocouches auto-assemblées (SAM) :
a et b) sur silicium mono ou silicium poreux ; c) sur SiP.
38 Molécule susceptible d’accepter un doublé électronique. 39 Composés d’un ion halogénure (iodure, bromure, etc.) et d’un groupement alkylé.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
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3 Oxydation et densification du silicium poreux
3.1 L’oxydation : une étape clef pour la
fonctionnalisation du silicium poreux ?
Pour introduire nos choix en terme de fonctionnalisation de surface, il est
nécessaire de présenter la chimie de surface du silicium poreux « frais », c'est-à-
dire fraîchement anodisé. Ce matériau possède une surface très peu oxydée,
recouverte de groupements (SiHx) avec x = 1, 2 ou 3 (Figure 48) [110]. Le
spectre FT-IR par transmission de la Figure 49 montre que la surface du silicium
poreux « frais » est remarquablement simple, avec des pics caractéristiques des
vibrations d’élongation40 ν(SiHx) autours de 2100 cm-1, et de déformations
angulaires41 δ(SiHx) vers 900 et 600 cm-1, des liaisons Si-Hx 42.
Silicium monorecouvert d'oxydenatif
gravureélectrochimique
H HH
SiH HH
SiH
SiH
Si
Si SiSiSi
Si Si
HH HH
HH
Silicium poreux recouvertde liaisons Si-Hx
Figure 48. Surface du silicium poreux fraîchement anodisé recouvert de liaisons Si-Hx.
400900140019002400290034003900
nombre d'onde (cm-1)
Abs
orba
nce
(u.a
.)
ν(SiHx)
δ(SiHx)
Figure 49. Spectre FT-IR en mode transmission d’un échantillon de silicium poreux « frais »
préparé par anodisation pulsée 2 s / 2 s, de porosité 60% et d’épaisseur 50 µm.
40 Stretching band 41 Bending band 42 Une liste des principaux pics infrarouges est proposée en annexe 2.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
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Selon le type de molécules greffées et l’utilisation visée par ces couches poreuses
fonctionnalisées, différentes méthodes de greffage covalent ont été choisies et
développées au cours de cette thèse. La stabilité des couches poreuses oxydées en
présence d’un milieu aqueux est meilleure que celle des couches non oxydée car
ces dernières sont oxydées spontanément et de manière non contrôlée suivant les
réactions (1) et (2) (Figure 50). Ainsi, la plupart des chimies de surface sont
développées sur silicium poreux oxydé et la présentation des méthodes de
fonctionnalisation du chapitre 5 est précédée d’une étude sur l’oxydation du silicium
poreux.
(1) Si
H
H2O Si
OHH2++
(2) Si Si
H2O H2Si O Si
Si OH SiOH H2
-H2O
2H2O
+
+ +
Figure 50. Oxydation du silicium poreux en milieu aqueux basique selon deux voies.
3.2 Les différentes méthodes d’oxydation du silicium
poreux
L’importante surface spécifique du silicium poreux lui confère une forte réactivité
chimique dont la principale conséquence est son oxydation spontanée au bout de
quelques heures de stockage dans des conditions ambiantes [111, 112]. Cette
propriété est exploitée pour la première fois par K. Imai qui procède à l’oxydation
thermique complète du silicium poreux pour la réalisation de couches diélectriques
isolantes utilisées pour le procédé FIPOS (Full Isolation by Porous Oxydized Silicon)
[113]. De nombreuses études sur les capacités d’oxydation du SiP succédèrent ce
travail [111, 112, 114 et 115].
Différentes méthodes sont disponibles pour l’oxydation du silicium poreux :
En général, une oxydation par voie chimique est utilisée dans les
travaux issus du domaine de la chimie (ex. : gaz bromure [116],
solution d’acide nitrique [117], etc.).
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
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L’utilisation d’ozone en combinaison avec une lumière UV43 est
également une méthode exploitée pour l’oxydation du silicium poreux
[61, 118].
L’oxydation thermique classique et RTO44, pouvant s’insérer facilement
dans les étapes technologiques de fabrication d’un microsystème, sont
plus largement utilisées dans le domaine des micro et nanotechnologies
[114, 115 et 119].
L’oxydation thermique classique a été choisie dans cette étude pour sa compatibilité
avec les étapes standard de la microélectronique. De plus, lors de la réalisation des
microcanaux porosifiés en surface (cf. chap. 6), l’oxydation est suivie d’une étape
de collage anodique silicium poreux / verre particulièrement sensible à la présence
de particules. Ainsi, en réalisant l’oxydation thermique en salle blanche, les risques
de pollution sont minimisés.
3.3 Oxydation thermique et densification du silicium
poreux
3.3.1 Etudes des conditions d’oxydation
Comme nous l’avons mentionné précédemment, du fait de sa grande surface
spécifique, la nanostructure du silicium poreux est très sensible aux traitements
thermiques. Dès 400°C, des changements structuraux tendent à faire diminuer
cette surface par un phénomène de coalescence des grains. J. J. Yon et al.
montrent que ce phénomène de coalescence peut être évité en effectuant une pré-
oxydation d’une heure à 300°C avant une oxydation à plus haute température.
Cette étape entraîne la croissance d’une fine couche d’oxyde de silicium dont
l’épaisseur est de l’ordre du nanomètre sur la surface interne du silicium poreux
[114, 120 et 121]. D’après G. Gracium et al. qui étudient l’évolution de l’amplitude
des bandes infrarouges en fonction de la température et de la durée d’oxydation,
l’oxydation du silicium poreux sous air est effective à partir d’une température de
250°C et 30 minutes d’oxydation [122].
43 Dans un nettoyeur UV-Ozone 44 Rapid Thermal Oxydation
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
100
Notre objectif étant de conserver la morphologie (taille des pores, porosité) du
silicium poreux tout en faisant croître un oxyde de bonne qualité pour la
fonctionnalisation et l’utilisation en milieu biologique et/ou chimique, une étude sur
l’oxydation à basse température (T ≤ 300°C) est réalisée. L’influence de la durée de
d’oxydation et de la composition du gaz utilisé (air ou oxygène sec) est évaluée.
3.3.1.1 Oxydation à 250°C sous air : évolution de la chimie de surface du
silicium poreux
Les spectres FT-IR d’un échantillon de SiP sont enregistrés en cours d’oxydation à
250°C sous air à différents temps. Cette mesure est effectuée en ligne (durant
l’oxydation) à l’université de Kiev avec un spectromètre infrarouge pouvant
travailler en température. Pour plus de clarté, ces spectres sont décomposés en
trois zones.
20002100220023002400Nombre d'onde (cm-1)
Abs
orba
nce
(u.a
.)
30°C/0min240°C/0min250°C/0min250°C/6min250°C/10min250°C/16min250°C/34min
O3SiHO2SiH
SiHSiH2
SiH3
Figure 51. Spectres FT-IR en transmission, enregistrés en ligne lors de l’oxydation
thermique d’une couche de SiP à 250°C sous air.
Sur la Figure 51, les pics caractéristiques des vibrations d’élongation des
groupements SiHx : ν(SiH3) à 2137 cm-1, ν(SiH2) à 2114 cm-1 et ν(SiH) à 2088 cm-1
diminuent progressivement, tandis que ceux correspondants aux groupements
OxSiH : ν(O2SiH) à 2208 cm-1 et ν(O3SiH) à 2264 cm-1 augmentent en fonction de la
température et du temps d’oxydation. La première étape de l’oxydation est appelée
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
101
« back-bond oxidation » car l’incorporation des atomes d’oxygène est effectuée,
dans un premier temps, par la rupture des liaisons Si-Si en arrière plan dont
l’énergie de dissociation est plus faible que celles des liaisons Si-H
(ED Si-Si45 = 210 kJ.mol-1 et ED Si-H = 320 kJ.mol-1) [112, 123]. Le déplacement du pic
des liaisons Si-H vers des longueurs d’onde plus faibles lors de l’incorporation de
l’oxygène peut être attribué à la redistribution des charges issues de la différence
d’électronégativité entre le silicium et l’oxygène [111].
Accompagnée d’une décroissance des pics caractéristiques des vibrations δ(SiHx) à
625 cm-1 et à 910 cm-1, la croissance des pics correspondants aux vibrations du
réseau de SiO2, c'est-à-dire νS(O-Si-O) à 875 cm-1, νas(O-Si-O) et δ(O-Si-O) entre
980 et 1210 cm-1, confirme la formation d’une couche d’oxyde à la surface du
silicium poreux (Figure 52).
600800100012001400Nombre d'onde (cm-1)
Abs
orba
nce
(u.a
.)
30°C/0min240°C/0min250°C/0min250°C/6min250°C/10min250°C/16min250°C/34min
Si-Hx
O-Si-O
Si-Hx
Figure 52. Spectres FT-IR en transmission, enregistrés en ligne lors de l’oxydation
thermique d’une couche de SiP à 250°C sous air.
La surface d’un oxyde de silicium non hydraté est uniquement composée de ponts
siloxanes Si-O-Si. Le spectre du silicium poreux oxydé présente une large bande
entre 3500 et 3750 cm—1 caractéristique de la présence de groupements silanols
(Si-OH) dit « liés » car ils interagissent entre eux par des liaisons hydrogène, et un
pic bien défini à 3745 cm—1 caractéristique des groupements silanols dits « libres »,
c'est-à-dire sans interactions [124, 125] (Figure 53). La surface du SiP
« fraîchement » oxydée est donc partiellement hydratée.
45 ED : Energie de dissociation
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
102
330034003500360037003800Nombre d'onde (cm-1)
Abs
orba
nce
(u.a
.)
30°C/0min240°C/0min250°C/0min250°C/6min250°C/10min250°C/16min250°C/34min
Si-OH SiOH "libres"
Figure 53. Spectres FT-IR en transmission, enregistrés en ligne lors de l’oxydation
thermique d’une couche de SiP à 250°C sous air.
3.3.1.2 Influence du temps d’oxydation et du gaz oxydant sur la composition de
l’oxyde
Les spectres FT-IR de couches de silicium poreux oxydées pendant 30 minutes ou
1 heure sous air ou sous oxygène sec (Tableau 1) sont représentés sur la
Figure 54.
Echantillons Température Durée Gaz Conditions
d’enregistrement
des spectres FTIR
Ox-air-250°C-30min 250°C 30 min Air 250°C Ox-air-250°C-1h 300°C 1 h air TA Ox-02-300°C-1h 300°C 1 h O2 sec TA
Tableau 1. Conditions d’oxydation des échantillons.
Tout d’abord, on remarque que pour les échantillons dont le spectre FT-IR a été
enregistré à température ambiante (TA), la bande correspondant aux groupements
silanols (Si-OH) s’étale entre 3000 et 3750 cm-1. Les vibrations des molécules d’eau
adsorbées à la surface du silicium poreux oxydé et celles des sites silanols liés à ces
molécules d’eau par des liaisons hydrogènes entraînent l’élargissement de cette
bande par rapport à l’enregistrement à température élevée (250°C).
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
103
150020002500300035004000Nombre d'onde (cm-1)
Abs
orba
nce
(u.a
.)
Ox-air-250°C-30min
Ox-air-300°C-1h
Ox-O2-300°C-1h
Figure 54. Spectres FT-IR en transmission d’échantillons de silicium poreux oxydés dans
différentes conditions.
Les trois spectres FT-IR présentent un pic à 3745 cm-1 correspondant aux
groupements silanols « libres ». Les pics associés aux vibrations des groupements
(O2SiH) et (O3SiH) diminuent de 250°C à 300°C mais également quand le gaz
oxydant est de l’oxygène : les atomes d’hydrogène contenus dans les groupements
(Ox-Si-H) désorbent en plus grande quantité de l’échantillon de SiP subissant une
oxydation à 300°C pendant 1 heure sous O2. Cette oxydation est donc préférée car
elle conduit à la formation d’une couche d’oxyde dont la composition est plus
proche d’un oxyde massif essentiellement constitué de groupements siloxanes (Si-
O-Si) et silanols (Si-OH).
3.3.2 Influence de la densification du silicium poreux oxydé
Une couche de silicium poreux ayant subi une oxydation et un recuit à haute
température (entre 300 et 700°C) dans une atmosphère neutre est plus dense donc
plus résistante aux attaques physico-chimiques car les atomes d’hydrogène
désorbent de la couche [126].
Une étude de la densification sous azote en fonction de la température de
densification a été réalisée afin d’évaluer l’impact de cette étape sur la chimie de
surface du silicium poreux oxydé. Les schémas représentant la chimie de surface et
les spectres FT-IR de ces échantillons, présentés dans le Tableau 2, sont illustrés
sur la Figure 55 et la Figure 56 respectivement.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
104
Echantillons Oxydation Densification
T(°C) Durée (h) Gaz T(°C) Durée (h) Gaz
PS0 / / / / / / PS1 300 1 O2 sec / / / PS2 300 1 O2 sec 500 1 N2 PS3 300 1 O2 sec 700 1 N2
Tableau 2. Conditions d’oxydation et de densification des échantillons.
L’oxydation à 300°C (PS1) entraîne la forte diminution des modes de vibration des
liaisons Si-Hx de l’échantillon de silicium poreux « frais » (PS0), l’apparition des
modes de vibration ν(O2SiH) à 2208 cm-1 et ν(O3SiH) à 2264 cm-1 et des bandes
intenses entre 1200 et 1000 cm-1, à 880 cm-1 et à 470 cm-1 qui sont attribuées aux
vibrations du réseau de la couche d’oxyde et des groupements silanols (Si-OH).
Figure 55. Schémas de la chimie de surface des échantillons PSO, PS1, PS2 et PS3.
La densification de la couche d’oxyde à 500°C (PS2) entraîne la disparition
complète des pics relatifs à SiHx et O2SiH tandis que le pic correspondant aux
groupements (O3SiH) reste inchangé et que l’intensité du pic des silanols « libres »
augmente (3745 cm-1). La densification à 700°C (PS3) entraîne la disparition totale
des bandes de vibration des groupements (OxSiH) et une nouvelle augmentation du
pic des groupements silanols « libres ».
Comme les sites silanols sont connus pour être les sites actifs lors de la réaction de
silanisation [127], les échantillons ayant subi une densification à 500 et 700°C sont
les plus propices pour cette fonctionnalisation. Cependant, les contraintes
mécaniques induites par ces traitements thermiques entraînent une déformation
plastique des échantillons contenant une couche poreuse. Le collage anodique des
microcanaux porosifiés, qui nécessite un contact intime entre les deux surfaces à
sceller (cf. chap. 6), est difficile après un tel recuit et dépend de l’épaisseur de la
couche poreuse. En conséquence, les fonctionnalisations de surface mise en oeuvre
dans ce travail sont également testées sur des échantillons non densifiés bien que
l’oxyde soit de moins bonne qualité.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
105
4000 3000 2000 1000 0nombre d'onde (cm-1)
Tr
ansm
ittan
ce (a
.u.)
PSO
PS1
PS2
PS3
Figure 56 . Spectres FT-IR en transmission des échantillons PSO, PS1, PS2 et PS3.
Chapitre IV – Techniques de caractérisation de la chimie de surface, Méthodes de greffage et Oxydation du SiP
106
Conclusion
L’étude sur les conditions d’oxydation du silicium poreux à basse température a
permis de déterminer les conditions d’oxydation nécessaires à la formation d’une
fine couche d’oxyde (1 à 2 nm) pour la fonctionnalisation chimique. Cette étape
d’oxydation est réalisée à 300°C pendant 1 heure sous oxygène sec.
Dans la perspective d’une fonctionnalisation, l’augmentation des sites silanols, effet
principal de la densification sur la composition de l’oxyde, avantage les couches
poreuses densifiées. Selon les molécules greffées, l’impact de la densification est
évalué dans le chapitre suivant, dédié à la présentation des méthodes de greffage
de molécules chimiques et biologiques mises en œuvre durant cette thèse
Bibliographie
108
Bibliographie
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