Chapitre II : Estimation du bruit routier

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Chapitre II : Estimation du bruit routier 31 Chapitre II : Estimation du bruit routier L’acoustique se définit comme « la science qui étudie les propriétés des vibrations des particules d’un milieu susceptibles d’engendrer des sons, infrasons et ultrasons, de les propager et de les faire percevoir » 1 . Appliquée à l’étude du bruit routier, l’acoustique rassemble les phénomènes physiques se déroulant depuis l’émission du bruit par les différentes sources sonores des véhicules jusqu’à la réception de celui-ci en des points donnés en passant par la propagation du son. Si l’appréciation du bruit ne peut se faire qu’au niveau d’un récepteur, il est néanmoins justifié dans le cadre de cette thèse de se concentrer uniquement sur l’étude de l’émission du bruit à la source. En effet, des modèles de propagation 2 existent et font l’objet de recherches effectuées par ailleurs. Il sera tout à fait possible le moment venu de coupler les sorties du modèle d’émission avec un modèle de propagation adapté pour calculer le bruit reçu à une certaine distance de la voie. De plus, au voisinage immédiat d’une route, la propagation peut être approchée par un simple calcul d’atténuation géométrique, en négligeant les autres phénomènes (réflexion, effet météo…). La construction d’un modèle d’estimation dynamique du bruit routier requiert un certain nombre de connaissances en acoustique concernant le phénomène physique en lui- même et la détermination des différentes sources de bruit des véhicules. Ces connaissances établies, il sera possible d’étudier les différents modèles existants qui décrivent l’émission du bruit par le trafic et de déterminer les lois qui caractérisent le mieux cette émission. II.1 Notions d’acoustique Ce paragraphe, qui s’appuie en partie sur le cours d’acoustique [Beaumont et Guarracino, 1996] de l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE), présente les éléments nécessaires pour comprendre la nature du bruit et les différents indicateurs utilisés pour le mesurer. 1 Définition issue de l’encyclopédie Larousse de la langue française 2 Le modèle utilisé actuellement en France est la méthode NMPB (Nouvelle Méthode de Prévision du Bruit) qui prend en compte la propagation du son (réflexion, absorption et diffraction) pour des conditions homogènes ainsi que l’influence de la météo [Defrance et Gabillet, 1999].

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

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Chapitre II :Estimation du bruit routier

L’acoustique se définit comme « la science qui étudie les propriétés des vibrationsdes particules d’un milieu susceptibles d’engendrer des sons, infrasons et ultrasons, de lespropager et de les faire percevoir »1. Appliquée à l’étude du bruit routier, l’acoustiquerassemble les phénomènes physiques se déroulant depuis l’émission du bruit par lesdifférentes sources sonores des véhicules jusqu’à la réception de celui-ci en des pointsdonnés en passant par la propagation du son. Si l’appréciation du bruit ne peut se fairequ’au niveau d’un récepteur, il est néanmoins justifié dans le cadre de cette thèse de seconcentrer uniquement sur l’étude de l’émission du bruit à la source. En effet, des modèlesde propagation2 existent et font l’objet de recherches effectuées par ailleurs. Il sera tout àfait possible le moment venu de coupler les sorties du modèle d’émission avec un modèlede propagation adapté pour calculer le bruit reçu à une certaine distance de la voie. Deplus, au voisinage immédiat d’une route, la propagation peut être approchée par un simplecalcul d’atténuation géométrique, en négligeant les autres phénomènes (réflexion, effetmétéo…).

La construction d’un modèle d’estimation dynamique du bruit routier requiert uncertain nombre de connaissances en acoustique concernant le phénomène physique en lui-même et la détermination des différentes sources de bruit des véhicules. Ces connaissancesétablies, il sera possible d’étudier les différents modèles existants qui décrivent l’émissiondu bruit par le trafic et de déterminer les lois qui caractérisent le mieux cette émission.

II.1 Notions d’acoustique

Ce paragraphe, qui s’appuie en partie sur le cours d’acoustique [Beaumont etGuarracino, 1996] de l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE), présenteles éléments nécessaires pour comprendre la nature du bruit et les différents indicateursutilisés pour le mesurer.

1 Définition issue de l’encyclopédie Larousse de la langue française2 Le modèle utilisé actuellement en France est la méthode NMPB (Nouvelle Méthode de Prévision du Bruit)qui prend en compte la propagation du son (réflexion, absorption et diffraction) pour des conditionshomogènes ainsi que l’influence de la météo [Defrance et Gabillet, 1999].

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II.1.1 Le bruit routier

II.1.1.a Phénomène physique

Le milieu atmosphérique en équilibre stable est caractérisé par sa température T0, samasse volumique !0 et la pression atmosphérique P0. Divers phénomènes - en particulierles vibrations des corps solides - peuvent provoquer des fluctuations de ces quantitésaccompagnées d’une propagation dans l’atmosphère. Ce sont les rapides variations de lapression captées par l’oreille qui engendrent la sensation sonore. Si P(t) est la pressioninstantanée et P0 la pression atmosphérique moyenne, la différence 0( ) ( ) [Pa]p t P t P= −est appelée pression acoustique instantanée.

L’analyse de ce signal p(t) peut se faire au moyen d’une transformée de Fourier,afin d’obtenir la répartition en fréquence. Il existe plusieurs cas de figure :

- Si le spectre fréquentiel se réduit à une seule valeur f, le son est dit pur . Lavariation de la pression acoustique au cours du temps est alors sinusoïdale. Lafréquence f [Hz] donne la hauteur du son perçu (grave ou aigu). L’amplitude Pmax,caractérise en fonction de la fréquence f l’intensité du son (faible ou forte).

- Si le spectre fréquentiel n’est composé que de multiples entiers d’une fréquencef1, le son résultant est un son musical. La fréquence f1 est appelée fondamentale etses multiples harmoniques.

- Le bruit , quant à lui, ne possède pas la simplicité des sons purs ou musicaux. Ilse définit comme « une vibration erratique, intermittente ou statistiquementaléatoire »3. Il est donc caractérisé par une variation aléatoire de p(t), ce qui donneun spectre fréquentiel continu et variable.

L’analyse fine du bruit routier peut donc s’assimiler à une analyse de signal. Parmil’ensemble des caractéristiques de ce signal, l’intensité est le caractère synthétique lemieux corrélé aux les nuisances engendrées.

II.1.1.b Perception du bruit

La pression acoustique instantanée correspond au signal « brut » reçu en un point.Elle ne tient pas compte de la sensibilité de l’oreille qui est différente pour chaquefréquence. Les sons ne sont audibles qu’entre 20 Hz et 16 000 Hz ; l’oreille estparticulièrement sensible entre 200 et 8 000 Hz. Pour tenir compte de la physiologie del’oreille, des facteurs de pondération ont été introduits par bandes de fréquences. Quatreprincipaux types de filtres (A, B, C ou D) existent pour transformer un signal p(t) en unsignal pX(t) rendant compte de ce phénomène (Figure II-1).

Le choix de la pondération dépend de la source sonore à analyser. Par exemple, lefiltre D est utilisé pour étudier le bruit des avions. En ce qui concerne la gêne due au bruitroutier, le filtre A est conventionnellement appliqué. Par conséquent, l’ensemble despressions acoustiques utilisées par la suite seront pondérées A et les niveaux de pression

3 Définition AFNOR (NFS 30.101)

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sonore (cf. II.1.2.a) seront exprimés en dB(A). Cette pondération sera notée par un Amajuscule juste après la première lettre de l’indicateur considéré.

Figure II-1: Caractérisation spectrale des différentes pondérations4

II.1.2 Les différents indicateurs de niveau sonore

II.1.2.a Niveau de pression acoustique équivalent (LAeq)II.1.2.a.i Cas d’une source unique

Un point de l’espace reçoit, en provenance d’une source, un signal p(t). Afin decaractériser ce signal de manière synthétique sur un intervalle de temps T donné, lapression acoustique efficace peff,T(t) est utilisée. Elle correspond à la moyenne quadratiquede la pression acoustique reçue durant l’intervalle de temps5 T :

2 22,

2

1( ) ( )

Tt

eff T Tt

p t p u duT

+

−= ∫

Selon l’intervalle d’intégration considéré, la représentation du signal est plus oumoins exacte en terme d’amplitude mais reste parfaitement équivalente d’un point de vueénergétique. Le niveau de pression acoustique associé à cette pression est ainsi appeléniveau de pression acoustique équivalent (LAeq) et est défini comme suit :

,, 2

0

² ( )( ) 10 log eff T

eq T

p tLA t

p=

LAeq,T(t) : Niveau de pression acoustique équivalent (en énergie) sur la période T exprimé endécibels6 [dB(A)].

p0 : Pression acoustique de référence choisie par convention égale à 2.10-5 Pa. Cette pressioncorrespond sensiblement à la plus faible valeur perceptible par l’oreille pour un son pur defréquence 1000 Hz.

Deux types de LAeq peuvent être distingués suivant la période d’agrégation T : lesLAeq courts lorsque T est de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines demillisecondes et les LAeq longs avec T de l’ordre de une heure à plusieurs jours. Dans lepremier cas, le LAeq,T(t) est appelé niveau de pression acoustique LAp(t) (level of pressure).

4 Les pondérations présentées ici sont données pour des niveaux de pression acoustique (cf. II.1.2).5 Le pas de temps d’intégration T doit être grand par rapport à la fréquence du signal étudié pour gommer lesoscillations fréquentielles (ex : pour f=20 Hz => T>>50 ms).6 Pour le niveau de pression acoustique équivalent LAeq, la valeur de 0 dB correspond au seuil d’audibilité et120 dB au seuil de la douleur pour l’oreille.

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Le pas de temps d’intégration étant petit par rapport à l’évolution temporelle du signal, ceniveau permet de représenter l’enveloppe de celui-ci. Cette valeur peut être directementmesurée en dB(A) sur les sonomètres numériques actuels. Pour les LAeq longs, ladépendance temporelle instantanée t n’a plus de sens par rapport au pas de tempsd’intégration. Ces niveaux sont alors notés LAeq(T). Ils permettent de caractériser le niveaude bruit moyen reçu en un point et fournissent donc une information sur l’exposition aubruit pour la période considérée.

II.1.2.a.ii Cas de plusieurs sources non corrélées

La superposition de bruit provenant de plusieurs sources en un point est traduite parl’additivité des pressions instantanées (propriétés de l’acoustique linéaire). Dans le cas deN sources non corrélées entre elles, la pression efficace résultante est :

, , ,1

² ( ) ² ( )N

eff T eff T ii

p t p t=

= ∑

Ceci se traduit en niveau de pression acoustique, pour N bruits non corrélés deniveaux respectifs , , ( )eq T iLA t par :

, , ( )

10,

1

( ) 10log 10eq T iL tN

eq Ti

LA t=

= ∑

Dans le cadre du bruit routier, il est admis que les sources qui composent unvéhicule (pneumatique, moteur,…) sont indépendantes entre elles et avec celles des autresvéhicules. Les propriétés énoncées ci-dessus peuvent être appliquées.

II.1.2.a.iii Utilisation du niveau de pression acoustique équivalent LAeq(T)

Le bruit routier, par nature, est un phénomène fluctuant dans le temps. Le LAeq longpermet de représenter l’exposition moyenne à ce bruit et est utilisé par de nombreux payspour caractériser la gêne associée au moyen d’un seul indicateur. C’est le cas del’ensemble des pays européens à l’exception du Portugal et du Royaume-Uni [Gualezzi,1998], qui utilisent des indicateurs statistiques.

Les périodes de calcul T du LAeq varient suivant les pays qui considèrent soit unepériode de 24h pour qualifier l’exposition globale au bruit, soit distinguent jusqu’à troispériodes pour le jour, la soirée et la nuit. En France, l’exposition au bruit pour lescirculations routière ou ferroviaire est réglementairement calculée entre 6h et 22h pour lapériode « jour » et entre 22h et 6h pour la période « nuit » [CETUR, 1980] ; le seuilréglementaire est de 60 dB à deux mètres en façade d’un bâtiment pour le niveau de jour et55 dB pour celui de nuit (cf. I.4.1.b). Afin de faciliter les comparaisons à l’échelleeuropéenne, la Commission de l’Union Européenne travaille actuellement à la définitiond’un indicateur unique, nommé denL (den : day, evening, night) [Van den Berg, 2001]. Ce

niveau utilise trois périodes de référence en pondérant l’impact du bruit en soirée de 5 dBet celui du bruit de nuit de 10 dB :

( ) ( ) 5 ( ) 10

10 10 10110log 12 10 4 10 8 10

24

eq eq eqLA jour LA soirée LA nuit

denL+ +

= × + × + ×

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Le choix des plages de temps caractérisant chaque période n’a pas encore étéeffectué. La commission européenne préconise une période de 12 heures pour le jour, 4heures pour le soir et 8 heures pour la nuit.

Pour comparer les LAeq(T) provenant de différents pays, outre la définition de lapériode d’intégration, il est important de prêter attention à l’emplacement où ces niveauxsont calculés (à l’intérieur des bâtiments, en façade, en bord de route, à une distancedonnée de la source,…). En effet, suivant les pays, l’emplacement de calcul diffère. EnFrance par exemple, le LAeq(T) est calculé à deux mètres en avant de la façade desbâtiments, alors qu’en Allemagne, le LAeq(T) est exprimé en champ libre7. Il s’ensuit, pourune même situation, une différence sur les niveaux exprimés de 3 dB correspondant à laréflexion sur le bâtiment considérée par la méthode française.

Le LAeq est bien adapté pour évaluer l’exposition moyenne associée au trafic. Iln’est cependant pas conçu pour rendre compte des effets d’un trafic très fluctuant (ce quiest le cas en milieu urbain). Ainsi, il ne permet pas d’évaluer les effets de crête (niveauxmaximums observés) ni l’amplitude et la fréquence de variation du niveau de bruit sur lapériode d’étude alors que ces éléments participent à la sensation de gêne ressentie par lesriverains. Le calcul d’indicateurs statistiques peut permettre d’affiner la description del’exposition au bruit.

II.1.2.b Indicateurs statistiques (L%)

L’enregistrement, en un point donné, de l’évolution du niveau de pression sonoremesuré avec une période d’agrégation suffisamment courte (250 ms par exemple) permetl’étude statistique du signal obtenu. Ce signal peut être caractérisé par ses quantiles ouniveaux dépassés pendant une fraction donnée de la période d’étude. Ces quantilespermettent de qualifier la distribution du signal sonore en mettant notamment en évidenceun niveau maximum significatif observé sur la période d’étude, un niveau médian et unniveau en dessous duquel le bruit ne descend pas. Les principaux indicateurs statistiquesutilisés sont les suivants :

- L1, niveau de pression acoustique atteint ou dépassé pendant 1% du temps durantla période d’étude considérée. Ce niveau est utilisé pour représenter le bruit maximalobservé ;

- L10, niveau atteint ou dépassé pendant 10% du temps. Il représente le bruit decrête ou bruit dont l’intensité élevée est significativement observée sur la périoded’étude ;

- L50, niveau de pression médian. Il peut être utilisé comme définition du bruitmoyen ;

- L90. Le bruit sur le site d’étude n’est inférieur à ce niveau que durant 10% dutemps total. Le bruit de fond peut être caractérisé à l’aide de cet indicateur.

7 Absence de bâtiment

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Ces différents indices sont pour l’instant peu utilisés en France car les modèlesfrançais ne permettent pas de les estimer et ils ne peuvent donc être obtenus que par lamesure in situ. Certains pays utilisent l’un d’entre eux comme indicateur de niveau de bruitmoyen. Le Royaume Uni, par exemple, retient comme critère de gêne la moyennearithmétique des L10 enregistrés heure par heure de 6h à 24h. Ce type d’utilisation consisteuniquement à définir un autre critère que le LAeq comme indicateur du niveau d’expositionmoyen sans chercher à décrire de manière plus précise l’environnement sonore. Combinerplusieurs indicateurs statistiques peut en revanche permettre d’affiner la représentation del’exposition au bruit et du degré de gêne pour une situation donnée, si tant est que desmodèles capables d’estimer l’ensemble de ces indicateurs soient disponibles.

II.1.2.c Niveau de puissance acoustique émiseII.1.2.c.i Par un véhicule (LAw)

Le LAeq et les indicateurs statistiques qui en dérivent permettent de caractériser lebruit reçu en un point. Pour caractériser l’émission d’une source, comme celle d’unvéhicule par exemple, le niveau de puissance acoustique est utilisé. Pour déterminer celui-ci, le véhicule est assimilé à une source ponctuelle8 omnidirectionnelle rayonnant dans undemi espace. Sous cette hypothèse, la puissance acoustique wind et la pression acoustiqueefficace peff reçue à une distance r de la source sont reliées, en absence d’absorption parl’air 9, par la relation suivante :

2

0

2 ²effind

pw r

ρ=

!0 : Masse volumique de l’air au reposc : Célérité du son dans l’air

Le niveau de puissance acoustique LAw [dB(A)] s’exprime par :

0

10 log indw

wLA

w=

w0 : Puissance acoustique de référence égale à 10-12 Watt

Pour une source donnée, il est impossible de déterminer directement le niveau depuissance émis car les appareils de mesure n’enregistrent que des niveaux de bruit reçu. Ilest cependant possible de démontrer que pour une source ponctuelle la mesure du niveaude pression maximum LAmax reçu en un point suffit pour déterminer son niveau d’émissionLAw [Hamet et al, 1986]. Pour les véhicules, des procédures standardisées existent. Leniveau de pression LAmax est mesuré à 7,5 mètres de la voie ce qui permet de déterminer leniveau de puissance acoustique LAw émis par la source en fonction de ses caractéristiques(vitesse, accélération, rapport de boite…) :

( )max max25,5 car 10log 2 ²w wLA LA LA LA dπ= + = +d : distance orthogonale entre le point de mesure et la voie

8 Cette hypothèse se justifie si le calcul du bruit reçu provenant de la source est effectué loin de celle-ci(distance de calcul >> dimension du véhicule).9 Seule l’atténuation géométrique est ici considérée.

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Le LAw caractérise la source et ne dépend pas de l’endroit où le bruit est calculé oumesuré.

II.1.2.c.ii Par unité de longueur de voie (LAw)m ou LAW

Plusieurs véhicules circulant sur un tronçon peuvent être assimilés à une lignesource d’émission à condition que l’échelle de temps à laquelle le bruit est étudié soitsuffisamment grande devant l’inverse du débit ou que la distance à laquelle les sourcessont observées soit suffisamment grande devant l’interdistance entre deux véhiculessuccessifs (cf. Annexe 2). Le réseau étudié est alors décomposé en différentes lignessources homogènes, caractérisées par leur niveau de puissance par mètre (LAw)m (densitélinéique de niveau de puissance). Cette grandeur sera notée LAW. Elle caractérisel’émission d’une ligne source homogène par rapport à LAw qui représente l’émission d’unvéhicule.

Pour un ensemble de véhicules de même type, de puissance acoustique LAw, roulantà une vitesse V, sur un tronçon dont le débit est Q, le niveau de puissance par unité delongueur [dB(A)/m] s’écrit :

10 log car W w ind ind

Q QLA LA W Kw w

V V = + = =

w : puissance acoustique d’un véhiculeW : puissance linéiqueK : densité de véhicules ou nombre de véhicules par mètre de voie [véh.m-1]

En cumulant les niveaux de puissance de diverses catégories de véhicules pour untronçon donné, il est possible de calculer la puissance acoustique d’une circulation parunité de longueur de voie.

II.2 Les différentes sources de bruit d’un véhicule

Les sources de bruit d’un véhicule sont multiples. Pour déterminer les différentsparamètres qui influencent le niveau de bruit émis, il convient d’identifier celles-ci. Il n’estpas possible de caractériser les sources de l’ensemble des véhicules existants. Descatégories de véhicules acoustiquement homogènes doivent donc être définies.

II.2.1 Typologie des différents véhicules

La typologie des véhicules peut différer suivant les pays. En France, le Guide duBruit et des Transports Terrestres (GdB) [CETUR, 1980] définit les catégories devéhicules ayant une influence dans l’évaluation du bruit de trafic :

- Les véhicules légers, et par extension, tous les véhicules dont le Poids Total enCharge (PTC) n’excède pas 3,5 tonnes. Ces véhicules ont des caractéristiquesgénérales comparables ;

- Les poids lourds, c’est-à-dire les véhicules dont le PTC dépasse 3,5 tonnes.Cette catégorie englobe des véhicules d’une grande diversité, le PTC pouvantatteindre 38 t. Les moteurs sont généralement des Diesel à injection directe. Le GdBconseille, si les moyens de mesures de trafic utilisés le permettent de distinguer lespoids lourds (PTC<12 t) et les trains routiers (PTC>12 t ou présence de 3 essieux).

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Cependant, il semble que d’un point de vue acoustique la différence entre ces deuxcatégories ne soit pas franchement significative (de l’ordre du décibel [Lelong,1997]), en milieu interurbain en tout cas ;

- Les autobus et les autocars ;

- Les deux roues motorisés, en distinguant essentiellement trois catégories : lesmotocyclettes (cylindrée supérieure à 125 cm3), les vélomoteurs (cylindrée compriseentre 50 et 125 cm3) et les cyclomoteurs (cylindrée inférieure à 50 cm3). Seules lesmotocyclettes de fortes cylindrées ont des moteurs à 4 temps, les autres deux rouesdisposent de moteurs 2 temps à allumage commandé.

A titre de comparaison, le modèle de prévision allemand RLS 90 (dont Hametpropose une étude synthétique [1996b]) adopte une classification assez proche de celleprésentée ci-dessus. La principale différence est la limite entre les véhicules légers et lespoids lourds qui est fixée à 2,8 t. Le modèle américain FHWA TNM (étudié par Hametdans [1996a]) divise explicitement la catégorie poids lourds en deux entre les MediumsTrucks (PTC<12 t) et les Heavy Trucks. La limite entre les véhicules légers et les poidslourds est dans cette classification fixée à 4,5 t.

II.2.2 Les différentes sources de bruit d’un véhicule

Le bruit émis par un véhicule peut provenir d’une multitude de sources dontl’importance relative dépend de l’allure du véhicule et des conditions de trafic. La FigureII-2 présente l’ensemble de ces sources. Celles-ci vont être étudiées par la suite pourdéterminer les paramètres qui influent sur le niveau d’émission de chacune d’entre elles.

Figure II-2: Différentes sources de bruit d'un véhicule

II.2.2.a Bruit rayonné par le groupe moto propulseur (Figure II-2-d)

Ce type de bruit est dû aux explosions dans les cylindres du moteur et au choc despistons contre les chemises. Ces phénomènes excitent le bloc moteur et les diversaccessoires, notamment les carters. Parmi ces derniers, la cuvette d’huile et le cacheculbuteur ont souvent une contribution élevée dans le rayonnement acoustique global dumoteur.

Pour les moteurs Diesel, la majeure partie du bruit émis est dû à la rapide montéeen pression dans les cylindres qui suit la combustion. Pour les moteurs à essence et lesmoteurs Diesel turbochargés, la montée en pression étant plus douce, les sourcessecondaires prennent de l’importance (pistons, système d’injection…).

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Le bruit émis par le groupe motopropulseur dépend du régime N et de la charge dumoteur, celle-ci déterminant le couple développé. D’autres paramètres tels que la taille dumoteur (reliée à la cylindrée) et la forme interne jouent aussi un rôle.

Pour les moteurs Diesel, la charge intervient peu sauf pour l’injection indirecteretardée qui peut réduire de 5 dB l’émission à faible charge. L’effet du régime moteur Nvarie suivant le type de moteur entre 30logN pour les Diesels et 50logN pour les moteurs àallumage commandé. Le niveau de bruit émis croît relativement moins avec la cylindrée C,17,5logC [Beaumont et Guarracino, 1996]. Ainsi, à puissance développée égale, un moteurplus gros donc tournant plus lentement est plus silencieux qu’un moteur rapide.

De plus, il convient de noter que pour une vitesse donnée, le régime et la charge dumoteur dépendent du rapport de boîte engagé, de l’accélération du véhicule, du type demoteur, de la charge embarquée, de la pente de la voie…

Dans les années 80, le bruit émis par le moteur (avec celui des gaz d’échappement)était prédominant dans le bruit total émis par un véhicule pour toute la gamme de vitessesinférieures à 60 km.h-1 [Myncke et al, 1980]. De nos jours, il apparaît que le bruit moteurn’est prépondérant que pour les deux premiers rapports de boîte pour de faibles vitesses(< 30 km.h-1), et durant les phases d’accélérations [Sandberg, 2001] [Lelong et Michelet,2000].

II.2.2.b Bruit dû au contact pneumatique/chaussée (Figure II-2-a)

Cette émission acoustique, qui met en jeu le solide déformable et complexe qu’estle pneumatique et la chaussée, recouvre des phénomènes compliqués et encore mal connus.Les mécanismes générateurs de bruit sont de deux natures : vibrations (basses et moyennesfréquences) et résonance de l’air (moyennes et hautes fréquences).

L’influence des pneumatiques est déterminée par trois facteurs : le dessin dessculptures, la nature des matériaux et l’assemblage des constituants de la bande deroulement. Les pneumatiques à empreintes marquées sont en général plus bruyants queceux munis d’empreintes plus douces, les pneumatiques neufs sont en général moinsbruyants que les usés.

Le type de chaussée influe aussi sur le niveau de bruit émis. Les revêtementscaractérisées par une forte porosité et une forte communication entre les vides offrent lesmeilleures qualités acoustiques. En particulier, les enrobés drainants font partie à ce jourdes revêtements offrant la meilleure qualité acoustique.

Niveau LAp max 7,5 m NF 31 119 Moyenne Mini-MaxiBétons bitumineux drainants 73,5 dB(A) 70 à 77

Bétons bitumineux semi-grenu 77 dB(A) 75à 79Enduits superficiels 79 dB(A) 78 à 80

Bétons de ciment 80,5 dB(A) 79 à 82

Tableau II.1: Bruit émis par un véhicule en fonction du type de revêtement10

10 Source : Base de données Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées (LRPC) de Strasbourg

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La météorologie peut aussi avoir une influence sur l’émission du bruit de contactpneumatique/chaussée. En effet, une route recouverte d’un film d’eau génère un bruitcaractéristique. Celui-ci peut entraîner une augmentation de l’émission acoustique de 2 à 5dB en fonction du type de surface [Descornet, 2000].

Les paramètres qui permettent de caractériser le bruit de contactpneumatique/chaussée sont donc le type de pneumatique et de chaussée ainsi que la vitessedu véhicule. De nos jours, ce bruit est prépondérant sur toutes les autres sources d’émissiond’un véhicule léger pour toute la gamme de vitesse lorsque le rapport de boîte est supérieurà trois [Lelong et Michelet, 2000]. Pour les poids lourds, il est prépondérant dès 50 km.h-1

même en accélération [Sandberg, 2001].

II.2.2.c Les autres sources de bruit d’un véhicule

Le groupe motopropulseur et le contact pneu/chaussée sont les deux sourcesprincipales de bruit d’un véhicule. D’autres sources peuvent également être identifiées :

- Les tubulures (Figure II-2-c) : les bruits provenant des tubulures sont dus auxvibrations à hautes pressions de la colonne de gaz ;

- Les bouches d’admission et d’échappement (Figure II-2-b) : les bruitsd’admission proviennent de la valve d’entrée qui s’ouvre et se ferme périodiquement.Ces bruits augmentent avec la charge du moteur. Les bruits d’échappement des gazont pour origine la brusque détente de ces derniers lors de l’ouverture de la valve desortie. Sans silencieux, ces sources seraient prédominantes sur l’ensemble des autressources du véhicule ;

- Le système de ventilation (Figure II-2-f) et en particulier le ventilateur de typeflux axial qui sert à refroidir le moteur par l’intermédiaire du circuit derefroidissement ;

- Le système de transmission (Figure II-2-e) : le phénomène de génération dubruit émanant de cette source est encore mal connu. Il semble que la boîte de vitessejoue un rôle important ;

- Les bruits aérodynamiques : la cause principale de ce type de bruit est lacréation de vortex à la surface du véhicule. Ce bruit ne dépend quasiment que de lavitesse du véhicule ;

- Les bruits de freinage : ils sont dus à la fois au crissement des freins et à ladécharge de pression dans le système de freinage. Ce type de bruit est particulier carbien qu’il ne se produise pas assez souvent pour contribuer de manière significativeau niveau de bruit globalement émis, il peut être source de désagréments importantspour les riverains proches des zones de décélération.

Peu d’informations sont disponibles pour caractériser spécifiquement cesdifférentes sources. Lors de mesures, leur contribution respective est intégrée dansl’émission globale du véhicule. Ainsi, ne sont bien souvent distingués que le bruit moteuret le bruit de contact pneumatique/chaussée, car ils correspondent à deux plages biendistinctes d’utilisation des véhicules. Pour des vitesses associées à l’utilisation des deuxpremiers rapports de boîte, le bruit moteur est prépondérant. Pour des vitesses plus élevées,c’est au tour du bruit de contact pneumatique/chaussée de primer.

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II.2.3 Synthèse des différents paramètres caractérisant l’émission du bruit

Le niveau de bruit émis par chaque source sonore d’un véhicule dépend de l’état etde l’environnement de celui-ci. L’émission globale d’un véhicule est donc sensible à unensemble de paramètres qu’il convient de synthétiser. Ces paramètres ont un doubleintérêt : d’une part, ils servent de variables explicatives aux modèles acoustiques quicherchent à déterminer l’émission de bruit (lois d’émission) ; d’autre part, ils représententla liste des variables de trafic qu’il convient d’estimer le plus précisément possible (par lamesure directe ou par la modélisation) pour déterminer l’émission de bruit par applicationdes lois.

II.2.3.a Cas d’un véhicule isolé

Les paramètres caractérisant l’émission acoustique d’un véhicule individuelpeuvent être regroupés schématiquement en trois grandes familles [Lelong et Leclercq,1998] :

- Les paramètres cinématiques : il s’agit classiquement de la vitesse et del’accélération ;

- Les paramètres mécaniques qui décrivent le fonctionnement du moteur :rapport de boîte, régime moteur et charge appliquée au moteur ;

- Les paramètres du véhicule et de l’infrastructure donnant une indication surl’environnement dans lequel évolue le véhicule (type de revêtement, profil en long,type du véhicule, pneumatique, poids total en charge, type de motorisation…).

Les paramètres de l’infrastructure sont des paramètres descriptifs qui interviennentcomme des correctifs par rapport à un environnement standard. Leur influence sur le bruitémis est constant quels que soient l’état cinématique et mécanique des véhicules. Il en estde même pour les paramètres définissant le véhicule. Le plus important d’entre eux est lacatégorie du véhicule (d’où l’intérêt de définir des classes de véhicules cf. II.2.1), le poidstotal en charge étant directement corrélé avec celui-ci. Le type de pneumatique peut êtreapproché par une définition moyenne car, sur une portion de voie, la probabilité de trouverdes véhicules significativement équipés de manière identique au point d’influencer leniveau de bruit est assez faible. Il en est de même pour le type de motorisation.

La vitesse V est un paramètre primordial pour déterminer le bruit émis par unvéhicule. Elle peut être utilisée comme unique variable descriptive lorsque le bruit decontact pneumatique/chaussée devient prédominant. A basse vitesse, la puissanceacoustique dépend plutôt du régime moteur. Ce paramètre étant difficile à estimer, il estpréférable d’utiliser la vitesse, l’accélération et le rapport de boîte comme variablesexplicatives. L’influence de l’accélération est très importante lors des démarrages et desreprises pour les faibles rapports de boîte (1ère et 2ème). L’enjeu peut alors être supérieur à 5dB (cf. II.3.4). Enfin, le rapport de boîte joue un rôle moindre pour les poids lourds quepour les véhicules légers, car pour maintenir le fonctionnement du moteur dans la zone deconsommation minimale les constructeurs essayent de garantir un régime moteur variantfaiblement en multipliant le nombre de rapports sur la boîte de vitesse.

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Le bruit routier : une nuisance à estimer

42

En résumé, outre les variables d’environnement qui peuvent être formulées sousforme d’abaques, les variables caractérisant le bruit émis par un véhicule sont la vitesse, lerapport de boîte et l’accélération du véhicule.

II.2.3.b Cas d’un flux de trafic

Le bruit émis par un flux de trafic correspond à la somme des bruits individuelsgénérés par les différents véhicules qui le composent. Les paramètres permettant de décrireun flux sont donc la vitesse, l’accélération et le rapport de boîte des véhicules ainsi que laposition, le nombre de véhicules et leur type.

Pour une circulation importante, il est impossible de connaître le comportement dechaque véhicule individuellement. Le comportement du flux peut être approché grâce à desvariables plus globales telles que le débit Q (nombre de véhicules qui passent en un pointpar unité de temps) ou la densité K (nombre de véhicules par unité de longueur à un instantdonné). La vitesse, l’accélération et le rapport de boîte peuvent être définis constants pourdes portions de voies homogènes et appliqués à tous les véhicules de cette section.

Considérer la vitesse, l’accélération et le rapport de boîte constants n’est justifiéque si le comportement global du trafic est stationnaire et si la dispersion descomportements individuels des véhicules n’est pas trop importante. Représenter lesvéhicules par un flux homogène de débit Q nécessite que l’approximation des véhiculespar une ligne source soit valide. Pour cela, il faut que le temps d’agrégation des niveaux debruit calculés à partir de cette représentation du flux soit assez grand et que le débit soitsuffisamment important (cf. Annexe 2).

La précision de la description du trafic est un point important notamment lorsquel’écoulement est pulsé, c’est-à-dire soumis à d’importantes variations (aux abords des feuxtricolores en milieu urbain par exemple). Ce point sera étudié par la suite.

II.3 Revue des modèles d’émission acoustique expérimentaux

Après avoir identifié les paramètres caractérisant l’émission de bruit, il convientd’étudier les modèles d’émission existants pour connaître les paramètres réellement utiliséset le niveau de précision obtenu. L’objet de ce paragraphe est de comparer ces différentsmodèles pour justifier le choix du modèle d’émission qui sera intégré dans le modèledynamique d’estimation des nuisances sonores, objet de cette thèse. Ces modèlesacoustiques sont des modèles expérimentaux qui, à partir de mesures, essaient dedéterminer l’influence respective des différentes variables explicatives retenues.

II.3.1 Méthodologie

L’établissement de lois d’émission de bruit se fait par mesures pour des véhiculesconsidérés individuellement. Ces mesures peuvent se faire soit in situ soit sur piste d’essai.Le protocole concernant les mesures in situ est normalisé (norme AFNOR NFS 31 11911 et

11 AFNOR NFS 31 119 : Caractérisation in situ des qualités acoustiques des revêtements de chaussée

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

43

ISO 11819-112). Un microphone est placé à 7,5 mètres de la chaussée et enregistre leniveau de pression instantané LAp(t) au passage du véhicule. A partir du niveau de pressionmaximum enregistré LAmax, il est possible de déterminer le niveau de puissance duvéhicule (cf. II.1.2.c.i). Il suffit alors de mesurer les paramètres d’état du véhicule pourconstruire la loi d’émission.

In situ, le seul paramètre qu’il soit possible de mesurer facilement est la vitesse.Ainsi, ce type de mesure est bien adapté pour caractériser l’émission d’un véhicule lorsquele bruit de contact pneumatique/chaussée est prédominant et que les véhicules ont uncomportement homogène durant la période de mesure (trafic fluide). Pour les plus bassesvitesses ou lorsque les véhicules sont en phase d’accélération ou de décélération, il estpréférable de faire les mesures sur piste en utilisant des véhicules équipés de capteurs. Leprotocole utilisé [Lelong, 1998] s’inspire alors de ceux décrits dans les procéduresnormalisées. Ce type de mesure permet également d’étudier l’émission des véhicules pourdes allures urbaines sans enregistrer de phénomènes parasites induits par le tissu urbain(rues en U, présence d’obstacles acoustiques réfléchissants).

A partir d’un échantillon de mesures statistiquement représentatives, desrégressions sont effectuées par rapport aux variables explicatives retenues pour déterminerles lois d’émission de bruit.

II.3.2 Les principaux exemples de lois d’émission

Plusieurs pays dans le monde ont réalisé des études destinées à déterminer lesémissions de bruit routier. Ces lois sont intégrées à l’intérieur de méthodes ou d’outils decalcul des nuisances sonores qui sont couramment utilisés pour évaluer l’impact acoustiquedes infrastructures routières (cf. Chapitre III).

II.3.2.a Le modèle américain : FHWA Trafic Noise Level (1995)

Le modèle américain de prévision du bruit routier (d’après [Hamet, 1996a]) estbasé sur des campagnes de mesures réalisées entre 1994 et 1995 pour le compte de laFederal HighWay Administration (FHWA). Ces mesures ont été regroupées dans une basede données d’émission. A partir de cette base, les niveaux d’émission moyens de référence(REMELS : Reference Energy Mean Emission LevelS) ont été déterminés par régressionpour les cinq catégories de véhicules représentatives du réseau routier inter état (interstatehighway system). La moyenne statistique résultante est basée sur des énergies acoustiqueset non sur des niveaux.

Le modèle américain propose une loi d’émission unifiée, ne dépendant que de lavitesse sur le tronçon et paramétrable en fonction du type de revêtement, de la pente de lavoie et des conditions de trafic (deux types d’écoulement sont pris en compte : les phasesd’accélération et les phases de vitesse stabilisée).

12 ISO 11819-1 : Influence des revêtement sur un bruit de trafic – méthode statistique de passage

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Le bruit routier : une nuisance à estimer

44

Cette loi détermine le niveau de pression maximum LAmax à 15 mètres du bord de lachaussée :

log( )

10 10max( ) 10 log 10 10

c bC E A s B E

LA s+∆ + +∆

= +

s : vitesse

A, B, C constituent les trois paramètres de la loi d’émission. Ils sont définis enfonction de la catégorie des véhicules, du type de revêtement, de la pente de la voie et de lanature de l’écoulement du trafic. û(c et û(b correspondent à l’ajustement de la moyennearithmétique à la moyenne énergétique. Ces valeurs sont consignées dans des abaques[Fleming et al, 1995] dont le détail ne sera pas exposé ici. Plus que les résultats en eux-mêmes, l’important dans le cadre de cette revue de modèles est d’étudier les hypothèseseffectuées lors du choix de la forme de la régression :

- Le coefficient C représente la contribution du bruit moteur. Cette contributionest supposée indépendante du revêtement, ce qui est légitime, mais aussi de lavitesse : cette dernière hypothèse est fausse car sur la plage des basses vitesses lebruit moteur dépend de la vitesse de manière non négligeable. Le rapport de boîteinflue lui aussi mais moins que pour les voitures européennes étant donné que laquasi-totalité des voitures américaines disposent d’une boîte automatique.

- Le terme Alog(s)+B correspond au bruit de contact pneumatique/chaussée quidépend de manière logarithmique de la vitesse13. Le taux d’évolution A de ce type debruit en fonction de la vitesse est supposé indépendant du revêtement dontl’influence n’affecte que le coefficient B.

- L’impact d’une voie en pente est modélisé par une variation du coefficient C.Seul le bruit moteur/échappement est donc supposé affecté. Cet effet n’est pris encompte que pour les « heavy trucks ».

- Pour un trafic en accélération, le coefficient C est modifié uniquement si la voieconsidérée est de pente nulle.

Le modèle américain a l’avantage de la simplicité car il utilise peu de paramètres etune seule variable explicative : la vitesse. D’un autre côté, avec de telles hypothèses,l’utilisation de ce modèle pour représenter l’émission du trafic en milieu urbain apparaîtpeu pertinente. En effet, un bruit constant sur toute la plage des basses vitesses, commesupposé par le modèle, (Figure II-3), même s’il existe un correctif pour prendre en compteun écoulement accéléré, ne correspond pas au bruit réellement émis aux allures urbaines.Ces lois d’émission sont donc plus adaptées au milieu interurbain pour des traficshomogènes et fluides. Enfin, il est à noter que ce modèle rend assez bien compte del’influence du revêtement (quatre types de chaussées différentes peuvent être paramétrées).

13 Cette dépendance est communément admise et se vérifie pour des hautes vitesses dans tous les modèles.

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

45

Figure II-3: Loi d'émission de bruit (modèle FHWA)

II.3.2.b Le modèle allemand : RLS 90 (1990)

Les procédures à suivre, en Allemagne, pour effectuer les prévisions de bruit detrafic routier sont regroupées dans les « Directives sur la protection contre le bruitroutier »14. L’idée de base de ces directives est de définir des conditions normalisées decirculation des véhicules pour lesquelles l’émission acoustique est déterminée, puis deproposer un ensemble de correctifs pour représenter les écarts par rapport à la situation deréférence. Ce modèle n’utilise pas directement de variables explicatives caractérisant lacinématique des véhicules. Le niveau de référence Lm

25, correspondant à un LAeq calculésur une heure à une distance de 25 mètres de la voie, est donné en fonction du débit detrafic M et du pourcentage de poids lourds p, pour un revêtement de type asphalte coulénon rainuré, une vitesse maximale autorisée de 100 km/h et un profil en long dont la penteest comprise entre + ou – 5% :

( )25 37,3 10log 1 0,083mL M p= + +

A partir de ce niveau de référence, les correctifs appliqués tiennent compte de lavitesse maximale autorisée (DV), du type de revêtement (DStrO) et de la pente (DStg) :

25,m E m V StrO StgL L D D D= + + +

Un autre correctif est utilisé pour représenter l’impact des carrefours gérés par desfeux tricolores. Ce correctif introduit une pondération linéaire K par rapport au niveaucalculé en absence de carrefour, pondération qui est fonction de la distance d du point demesure par rapport au centre de l’intersection (Tableau II.2).

d K [dB(A)]d � �� P 3

40 m < d � �� P 270 m < d � ��� P 1

100 m < d 0

Tableau II.2: Pondération représentant l'influence d'un feu tricolore sur une voie

L’analyse des variables et des paramètres qui caractérisent le modèle allemandmontre que celui-ci est plutôt adapté au milieu interurbain. Pour une application en milieuurbain, ce modèle propose une représentation approchée des carrefours à feux. Cette

14 Richlinien für den Lärmschutz an Straßen (RLS 90) (étudié par Hamet [1996b])

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Le bruit routier : une nuisance à estimer

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représentation reste très grossière car l’impact de ce type d’aménagement n’est évalué quepar un correctif simpliste sur des niveaux moyens calculés sur une heure. La dynamique dutrafic correspondante et les variations de l’émission de bruit qui en résultent ne sont pasprécisément évaluées.

II.3.2.c Le modèle français : le Guide du Bruit (GdB 1980)

Le GdB a été conçu par le Centre d’Etudes des Transports Urbains (CETURactuellement CERTU), avec l’aide notamment de l’Institut de Recherche des Transports(IRT devenu depuis l’INRETS, Institut National de Recherche sur les Transports et leurSécurité) et du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) [CETUR, 1980]. Ilest basé sur une campagne de mesures réalisée courant 1976. Le GdB propose deuxméthodes qui diffèrent par leur finesse de description des émissions de bruit par une voie.

II.3.2.c.i Le modèle simplifié

La méthode simplifiée a été conçue pour déterminer par un calcul très rapide lebruit reçu en façade de bâtiment sous la forme d’un LAeq entre 6 h et 22h. Deux cas sontdistingués suivant la forme du bâti entourant la route : rue en U ou tissu ouvert. Cettedistinction a été introduite principalement pour des raisons qui relèvent de la propagationdu bruit, très différente dans ces deux cas. Dans le deuxième cas, le bruit est reçudirectement par le récepteur ou alors après une unique réflexion sur le sol alors que, dans lepremier cas, de multiples réflexions sur les façades des bâtiments se produisent.

La distinction entre tissu ouvert et rue en U n’est cependant pas exclusivementbasée sur des critères propagatifs et des différences existent en ce qui concerne lareprésentation du trafic. Ainsi, les rues en U sont associées à des circulations urbaines où letrafic est pulsé (alternance de phases d’accélération et de décélération sans qu’il soitpossible de distinguer les deux états). Le LAeq calculé à 2 mètres en façade des bâtimentsqui bordent la voie est dans ce cas :

55 10log( ) 10logeq Vl Pl h v r cLA Q EQ l k k k k= + + − + + + +QVl : débit représentatif15 de véhicules légers [véh.h-1]QPl : débit représentatif de véhicules lourds [véh.h-1]E : facteur d’équivalence acoustique entre les véhicules légers et les véhicules lourdskh : correction de hauteur (fonction de la hauteur du point d’observation par rapport à la voie)kv :correction de vitesse (pour des vitesses supérieures à la vitesse de référence, 60 km.h-1)kr : correction de rampekc : correction de carrefourl : largeur entre façades d’immeubles [m]

La vitesse n’est pas utilisée directement comme variable explicative de ce modèle.Ceci revient à supposer que le bruit moteur prédomine pour ces conditions de trafic et qu’ilest constant. Le correctif kv introduit pour prendre en compte la vitesse réelle des véhiculesest d’ailleurs constant jusqu’à 60 km/h puis linéaire ensuite. Par contre, ce modèledistingue les véhicules légers et les poids lourds et utilise le débit représentatif commevariable pour ces deux types de véhicules. Les autres paramètres pris en compte sont les

15 Le débit représentatif est considéré comme le trafic journalier divisé par 17.

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

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rampes et les carrefours. Pour ces derniers, le modèle considère uniquement l’influence dela voie perpendiculaire à la voie principale.

Les voies en tissu ouvert correspondent plus à des situations de trafic interurbainesou alors à des voiries urbaines plutôt rapides et bien dégagées. L’influence de la vitesse desvéhicules est ici directement prise en compte. Par contre, les carrefours ne sont plusmodélisés et le facteur de correction de rampe est directement intégré dans le facteurd’équivalence acoustique entre poids lourds et véhicules légers :

( )18 10log 20log 12log 10log3 180c

eq Vl Pl

lLA Q EQ V d

θ = + + + − + + ° d : distance du point de calcul du bruit au bord de la route16 [m]lc : largeur de la chaussée [m]� : angle sous lequel la route est vue depuis le récepteur17 [°]

La principale lacune de ces lois d’émission et de ne pas prendre en compte le typede revêtement. Par contre, une approche de l’émission du bruit des véhicules en milieuurbain est proposée. Cette approche reste cependant très sommaire car elle regroupe sous lanotion de trafic pulsé l’ensemble des comportements du trafic en ville. En particulier, laméthode simplifiée ne tient pas compte de la cinématique spécifique du flux à l’approchedes intersections, situation qui en terme de bruit est loin d’être négligeable. La méthodedétaillée du GdB tente de répondre à ce manque.

II.3.2.c.ii Le modèle détaillé

La méthode détaillée définit le bruit émis E comme le bruit dû au trafic reçu surl’isophone de référence en ne considérant pour la propagation que l’effet de la distance.L’isophone de référence se définit comme « la surface fictive ou réelle passant par tous lespoints où le niveau acoustique LAeq est égal à celui qui existerait au point situé à 30 m dubord de la voie à 10 m au dessus du plan de la chaussée ». Sur cet isophone, E est donnépar :

10 log 50 10logwE LA V Q= − − +Q : débit représentatif pour la catégorie de véhicules considérée [véh.h-1]V : vitesse moyenne [km.h-1]LAw : niveau de puissance acoustique émis par le véhicule considéré comme représentatif de la

catégorie considérée [dB(A)]

Le niveau d’émission E est donné dans des abaques (cf. Annexe 3) séparément pourles poids lourds et pour les véhicules légers, ceci pour quatre types d’écoulement différent(fluide, pulsé, accéléré ou décéléré) et pour trois types de déclivité (plat, montée etdescente). Pour déterminer le niveau global de bruit, il suffit d’identifier le typed’écoulement et de déclivité pour chaque catégorie de véhicules et de sommer lesémissions en les pondérant suivant les débits de chacune des classes de véhicules.

La méthode détaillée propose également une méthode plus fine pour représenter lescarrefours. Tout d’abord, il faut identifier le type d’écoulement du trafic sur la voie au

16 Le terme intégrant cette variable correspond aux effets propagatifs.17 Ce paramètre est introduit pour prendre en compte les effets de masque dus à d’autres bâtiments.

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niveau de l’intersection, parmi les quatre précédemment cités. Par exemple, dans le casd’un sens unique, l’écoulement est de type décéléré en amont du feu et de type accéléré enaval. Puis, en fonction d’une vitesse de base valable pour toute la voie, le GdB considèreque les véhicules décélèrent à l’approche du point d’arrêt suivant une courbe préétablie(Figure II-4). En découpant les abords de l’intersection en segments de vitesseshomogènes, il est possible de calculer l’émission par segment qui tient compte d’unereprésentation cinématique moyenne du flux. Ainsi, plutôt que de représenter une lignesource homogène sur toute la voie étudiée, cette ligne source est décomposée pour tenircompte des variations d’émission aux abords de l’intersection dues aux variations devitesses.

100 m-100 m 200 m-200 m

Figure II-4: Variation de la vitesse des véhicules à l'approche d'une intersection

Parmi l’ensemble des modèles étudiés, cette méthode apparaît comme la plusprécise en ce qui concerne l’évaluation du bruit en milieu urbain. En contrepartie, elle estassez difficile à utiliser. La base de ce modèle est l’identification de cas, ce qui demande àce que des hypothèses sur le trafic soient faites, hypothèses souvent bien difficiles àvalider. Au niveau du trafic, l’entrée de base est un type d’écoulement supposé par leprojeteur et non une représentation fine de celui-ci. De plus, cette méthode est limitée àune voirie unique et elle est difficilement applicable à l’échelle d’un réseau. Enfin, cemodèle ne sait pas prévoir les conséquences d’une variation du trafic de manière simple. Ilfaut à chaque fois redéfinir les zones de comportement homogène et refaire des hypothèsessur le type d’écoulement dans chaque zone.

II.3.3 Comparaison des modèles

II.3.3.a Comparaison des niveaux d’émission

La comparaison directe des trois modèles présentés précédemment est délicate carles lois d’émission ne sont pas exprimées selon une formulation similaire avec notammentle même indicateur de bruit. En choisissant la notion d’émission acoustique E du GdB(cf.II.3.2.c.ii) et en exprimant toutes les lois en fonction de la vitesse, il est toutefoispossible de confronter les différents modèles [Hamet, 1996a] [Hamet, 1996b].

Pour les vitesses élevées (V>60 km/h) l’allure des courbes E=f(V) est semblable.Les niveaux du modèle français sont surévalués d’environ 2 dB pour les véhicules légersque ce soit par rapport au modèle américain ou au modèle allemand. Cette différences’explique notamment par la période de vingt ans qui séparent les mesures effectuées sur leparc français de celles réalisées en Allemagne et aux Etats-Unis. Cette analyse est

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

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d’ailleurs confirmée par des mesures faites plus récemment en France. Ce point estimportant car si on cherche à utiliser le GdB comme instrument de comparaison parrapport aux résultats développés dans cette thèse, il faudra tenir compte de la vétusté desmesures comme élément expliquant une différence uniforme de niveau.

Pour les basses vitesses, les lois d’émission allemandes restent, pour les véhiculeslégers, très proches des lois d’émission françaises (écart d’environ 2 dB(A)). Par contre, lemodèle américain prévoit des niveaux de bruit moteur plus faibles de 5 à 10 dB(A). Cecipeut s’expliquer par la mauvaise qualité de la régression effectuée par le modèle américainpour les basses vitesses (peu de valeurs mesurées et niveau supposé constant sur toute laplage des basses vitesses sans qu’il soit fait mention de la dispersion observée). D’autresexplications d’ordre culturel peuvent aussi être avancées : les véhicules américains sont decylindrées plus grosses que les véhicules européens. Ces véhicules sont donc moinsbruyants quand la composante moteur prédomine. En accélération18, les niveaux proposéspar le modèle français et le modèle américain sont très proches (différence inférieure à2dB(A)).

En ce qui concerne les poids lourds, la comparaison des lois d’émission est rendueplus difficile par le fait que la définition des poids lourds est différente suivant les pays.Cependant, l’influence des variables cinématiques sur le bruit moteur étant moindre pourcette catégorie de véhicule, la forme des lois est plus simple et se retrouve dans chacun desmodèles.

II.3.3.b Comparaison des fonctionnalités

Steele [Steele, 2001] a récemment publié un article de synthèse sur les capacités dereprésentation des différents modèles acoustiques existants. Outre les trois modèlesprésentés ci-dessus, deux autres modèles sont étudiés : le modèle suisse MBTREP (Modèlede Bruit du Trafic Routier dans les Zones Habités [Lelong, 1998]) et le modèle japonais,ASJ-1998 [Oshino et al, 2000]. Ces deux modèles ne seront pas présentés car ils utilisentdes hypothèses analogues à celles déjà évoquées lors de la revue des trois premiersmodèles. L’ensemble de ces modèles présentent les mêmes grandes caractéristiques àsavoir qu’ils donnent de bons résultats lorsqu’il s’agit d’estimer les niveaux de bruit devoiries interurbaines ou périurbaines lorsque le trafic est fluide. Par contre, ces modèles nesont pas capables de représenter l’impact de voies urbaines où le trafic est complexe etsouvent interrompu. Par exemple, l’effet de feux tricolores, de déviations de trafic, de laprésence de passages piétons ou de tout autre système de régulation de trafic est difficile àestimer alors que ces aménagements sont fréquents en ville.

Steele définit en conclusion de sa synthèse les caractéristiques d’un modèle« idéal » capable de répondre aux besoins d’expertise des nuisances sonores, notamment enmilieu urbain. Pour atteindre ses objectifs, le modèle « idéal » doit nécessairement affinersa connaissance de la source d’émission qu’est le trafic, ce qui recouvre deux aspects :

18 Le modèle allemand ne caractérise pas l’influence de l’accélération.

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Le bruit routier : une nuisance à estimer

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- La description plus précise du comportement des sources que sont les véhicules(comportement cinématique et impact des systèmes de régulation du traficnotamment) ;

- La connaissance de l’émission de ces sources dans les situations complexes quesont les redémarrages, les accélérations et les décélérations. Il s’agit ici d’affiner lacaractérisation des émissions aux basses vitesses pour des allures urbaines.

Le premier point sera développé au Chapitre III. En parallèle de toutesaméliorations de la représentation du trafic, il est nécessaire que soient affiner les loisd’émission de bruit pour qu’elles répondent aux critères édictés ci-dessus. C’est l’objet duparagraphe suivant.

II.3.4 Amélioration et actualisation des lois d’émission unitaire

Le Laboratoire Transport et Environnement (LTE) de l’INRETS mène depuis 1997des campagnes de mesures destinées à actualiser les abaques du GdB, notamment en ce quiconcerne les différentes allures urbaines. Ces travaux sont coordonnés par Joël Lelong[Lelong et Michelet, 1998] [Lelong et Michelet, 2000].

Les mesures ont été réalisées sur piste d’essai soit en vitesse stabilisée, soit enaccélération et en décélération. Les véhicules enquêtés, au nombre de 25, ont été choisisafin de constituer un panel représentatif de la classe des véhicules légers19 (motorisationessence et diesel). Pour chaque passage d’un véhicule, les paramètres relevés sont leniveau LAmax à 7,5 mètres, la vitesse instantanée, l’accélération et le rapport de boîteengagé20. Une dizaine de passages ont été effectués en vitesse stabilisée et en accélérationsur toute la plage de vitesse couverte par chaque rapport engagé.

A partir de l’ensemble de ces mesures, des régressions ont été effectuées afin dedéterminer pour chaque rapport de boîte l’émission acoustique correspondant à un véhiculemoyen représentatif de la classe étudiée (ici les véhicules légers). Ces régressions21 sont dela forme :

log avec 90 km/hw refref

VLA A B V

V

= + =

19 Afin d’actualiser les lois d’émission unitaire par rapport à celles du GdB, le panel a été constitué devéhicules récents (année modèle 1996 à 2000).20 Pour les véhicules diesels, un paramètre supplémentaire a été relevé : le régime moteur.21 Le choix de Vréf a été effectué uniquement dans un souci de lisibilité des coefficients de régression. Iln’influence en rien les résultats.

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Chapitre II : Estimation du bruit routier

51

Ainsi, les lois acoustiques en vitesse stabilisée se présentent sous la forme suivante(Figure II-5) :

0 20 40 60 80 100 120 14070

75

80

85

90

95

100

105

110

1ère 2ème

3ème

4ème5ème

Rapport engagé

Vitesse [km/h]

Niv

eau

de p

uiss

ance

aco

ustiq

ue L

w [d

B(A

)]

Figure II-5: Lois d'émission en vitesse stabilisée pour les véhicules légers

La vue de ces lois montre bien que pour les basses vitesses, supposer que le niveaud’émission est constant est très réducteur. L’influence du rapport de boîte engagé estimportante et il convient de prendre en compte ce paramètre. Il en est de même pourl’accélération ��ORUV�GHV�UHGémarrages [Lelong et Michelet, 1999] et plus particulièrementpour les deux premiers rapports de boîte (Figure II-6). En 1ère, la différence entreaccélération et vitesse stabilisée peut excédée 5 dB. Par contre, les mesures réalisées envitesse stabilisée et en décélération ne révèlent pas de différences, pour une vitesse et unrapport de boîte donnés. Les mêmes lois peuvent donc être appliquées dans ces deux cas.

Les lois22 présentées ici utilisent l’ensemble des variables explicatives relevéescomme influentes dans l’analyse des sources de bruit. Ces lois sont donc plus précises etmieux adaptées pour représenter le comportement acoustique des véhicules, notamment enmilieu urbain. De plus, elles sont le fruit de mesures récentes et sont donc plusreprésentatives des véhicules constituant le parc automobile français actuel. Ainsi,comparés au GdB, les résultats de ces lois peuvent être inférieurs, selon le comportementde conduite, de 5 dB aux vitesses « urbaines » et de 4 dB aux vitesses plus élevées.

Ces lois seront donc utilisées dans le modèle dynamique d’estimation du bruitdéveloppé dans cette thèse. Pour l’instant ces lois ne sont disponibles que pour la catégoriedes véhicules légers. Ainsi, dans un premier temps, le flux représenté par le modèle detrafic sera considéré comment étant constitué exclusivement de véhicules légers. Par lasuite23, pour affiner la description du bruit, les autres classes de véhicules devront êtreprises en compte à la fois dans le modèle de trafic et dans les lois d’émission.

22 Le descriptif détaillé des paramètres de ces lois peut être trouvé dans le rapport LTE n°2024 [Lelong etMichelet, 2000].23 Des travaux vont être lancés dans ce sens en 2002, notamment en ce qui concerne la caractérisation desémissions des autobus. Ces travaux font l’objet d’une convention entre l’Agence pour le Développement et laMaîtrise des Energies (ADEME) d’une part et les laboratoires LICIT et LTE de l’INRETS d’autre part.

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52

6 7 8 9 10 20 3070

75

80

85

90

95

100

105

110

Vitesse [km/h]

L w [d

B(A

)]1èreVitesse stabilisée

0 < γ ≤ 0.5 m.s−2

0.5 < γ ≤ 1 m.s−2

1 < γ ≤ 1.5 m.s−2

γ > 2 m.s−2

30 40 50 6070

75

80

85

90

95

100

105

110

Vitesse [km/h]

2ème

Vitesse stabilisée0 < γ ≤ 0.5 m.s−2

0.5 < γ ≤ 1 m.s−2

1 < γ ≤ 1.5 m.s−2

γ > 2 m.s−2

Figure II-6: Lois d'émission corrigées pour prendre en compte l'accélération des véhicules

II.4 Conclusion

L’analyse des différentes sources de bruit des véhicules fait ressortir deux sourcesprincipales : le bruit du groupe motopropulseur, prépondérant pour les deux premiersrapports de boîte et le bruit dû au contact pneumatique/chaussée, prépondérant à hautevitesse. Dans le premier cas, les variables caractérisant l’émission sont la vitesse, lerapport de boîte et l’accélération alors que dans le deuxième cas seule la vitesse estimportante, en considérant bien sûr les variables d’environnement données (type derevêtement…). L’influence respective de ces deux sources ainsi que leurs niveauxd’émission dépend de la catégorie de véhicules considérée.

L’étude des émissions sonores montre que leur détermination est assez simple pourdes vitesses élevées et des trafics fluides, ce qui est le cas en milieu interurbain oupériurbain. En milieu urbain l’estimation des nuisances sonores est plus délicate. En effet,les lois d’émission doivent prendre en compte les différents états possibles des véhicules,nombreux aux allures urbaines, ce qui nécessite d’utiliser conjointement les trois variablesexplicatives caractérisant le bruit moteur. Mais, pour utiliser de telles lois, encore faut-ilêtre capable de décrire de manière assez précise le comportement du trafic.

Les modèles de prévision du bruit n’ont longtemps considéré le trafic que demanière statique, en ne tenant compte que du débit horaire et des vitesses moyennesobservées sur le tronçon. Pour améliorer l’estimation des impacts sonores de la circulationautomobile en milieu urbain, il faut chercher à affiner la description du trafic.

Page 23: Chapitre II : Estimation du bruit routier

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