Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques 3 Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques Introduction Un réseau électrique est un ensemble d'infrastructures permettant d'acheminer l'énergie électrique des centres de production vers les consommateurs d'électricité. Il est constitué des lignes électriques exploitées à différents niveaux de tension, connectées entre elles dans des postes électriques. Les postes électriques permettent de répartir l'électricité et de la faire passer d'une tension à l'autre grâce aux transformateurs. Un réseau électrique doit aussi assurer la gestion dynamique de l'ensemble production et transport et consommation, mettant en œuvre des réglages ayant pour but d'assurer la stabilité de l'ensemble [1]. Actuellement, la très grande majorité de l’énergie électrique consommée dans le monde est acheminée par l’ensemble des réseaux électriques existants. En un peu plus d’un siècle, ce que représente le terme de réseau électrique est passé de la mutualisation de quelques unités de production à une interconnexion généralisée au niveau des continents tout entiers. Si les étendues et les ramifications qui caractérisent ces réseaux en multiplient les performances et les potentiels, il faut savoir qu’elles en font également des systèmes complexes, gérés par une multitude d’intervenants et tiraillés par des contraintes technico-économiques de plus en plus pesantes.

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

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Chapitre I

Généralités sur les Réseaux électriques

Introduction

Un réseau électrique est un ensemble d'infrastructures permettant d'acheminer

l'énergie électrique des centres de production vers les consommateurs d'électricité.

Il est constitué des lignes électriques exploitées à différents niveaux de tension,

connectées entre elles dans des postes électriques. Les postes électriques permettent de

répartir l'électricité et de la faire passer d'une tension à l'autre grâce aux

transformateurs.

Un réseau électrique doit aussi assurer la gestion dynamique de l'ensemble production

et transport et consommation, mettant en œuvre des réglages ayant pour but d'assurer la

stabilité de l'ensemble [1].

Actuellement, la très grande majorité de l’énergie électrique consommée dans le

monde est acheminée par l’ensemble des réseaux électriques existants. En un peu plus

d’un siècle, ce que représente le terme de réseau électrique est passé de la

mutualisation de quelques unités de production à une interconnexion généralisée au

niveau des continents tout entiers. Si les étendues et les ramifications qui caractérisent

ces réseaux en multiplient les performances et les potentiels, il faut savoir qu’elles en

font également des systèmes complexes, gérés par une multitude d’intervenants et

tiraillés par des contraintes technico-économiques de plus en plus pesantes.

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Sur le plan purement technologique, ces contraintes sont principalement liées au

fait que l’électricité ne se stocke pratiquement pas, et que par conséquent, l’intégralité

des transferts d’énergies est gérée en « temps réel » de telle manière à conserver à la

fois les valeurs normalisées des tensions et de la fréquence, ainsi que des marges de

puissance permettant d’assurer la sûreté du système. Parallèlement à cela, les

particularités géographiques, la répartition des populations et des lieux de

consommation, l’interconnexion internationale, l’aspect imprévisible des avaries, etc.,

sont autant de contraintes supplémentaires qui façonnent la réalité technique et

stratégique des réseaux d’aujourd’hui.

Enfin, « le réseau » électrique est un acteur incontournable et extrêmement

familier de notre vie quotidienne. Ses rares défaillances font réaliser à chacun à quel

point nos sociétés en sont dépendantes. De par cette proximité, l’étudier, appréhender

ses contraintes, connaître son mode de fonctionnement constituent une approche très

instructive et absolument centrale dans la « culture électrotechnique » [2].

I-1. Structure générale des réseaux électriques

De façon très générique, un réseau électrique est toujours dissocié en quatre

grandes parties : [2]

I-1-1. Production

Elle consiste en la génération de l’ensemble de la puissance active consommée

par le réseau tout entier. En grande majorité, les tensions associées à cette production

sont produites sous la forme de systèmes triphasés par l’intermédiaire d’alternateurs

entraînés à partir de divers types de sources d’énergie dites « primaires ».

I-1-2. Transport

Il consiste à acheminer les puissances produites par les unités de production

auprès des lieux de consommation. Les grandes centrales étant en général groupées

autour des fleuves, des cours d’eau et des océans, le « grand transport » consiste à

parcourir de longues distances en direction des extrémités des territoires nationaux.

L’ordre de grandeur de ces distances impose, entre autre, le fait de véhiculer l’énergie

électrique sous très haute tension.

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I-1-3. Distribution

Elle consiste en un maillage fin du territoire permettant à chaque utilisateur d’être

à proximité d’une liaison au réseau. C’est l’ultime ramification des lignes et des

installations qui permet également un passage progressif des très hautes tensions du

transport aux basses tensions de la consommation.

I-1-4. Consommation

Chaque récepteur électrique connecté au réseau consomme une puissance active

et une puissance réactive. La consommation domestique, qui est généralement

majoritaire, est très ramifiée et se fait sous basse tension souvent monophasée 220 V ou

triphasé 380 V. Certains « clients » industriels (grosses usines, ferroviaire, etc.) sont

directement reliés en moyenne, haute ou très haute tension.

I-2. Production de l’énergie électrique

La production de l’énergie électrique consiste en la transformation de l’ensemble

des énergies convertibles (on parle d’énergies « primaires ») en énergie électrique. De

façon prépondérante, la production se fait à partir du pétrole, du charbon, du gaz

naturel, de réactions nucléaires, du vent ou de la force hydraulique. En réalité, quelques

sources d’énergie supplémentaires et renouvelables, telles l’énergie solaire, la

biomasse, la géothermie, etc., existent, et représentent aujourd’hui une part très faible

mais croissante de la production mondiale [2].

Si les sources d’énergies sont assez diversifiées, il est aujourd’hui très net que

leur répartition est souvent très inégale et dépend principalement de critères et de choix

économiques et politiques. L’origine des énergies converties ne constitue pas le seul

critère de classement existant, en effet, les différents types de centrales de production

présentent des capacités et des temps de réaction très divers, d’ailleurs, la

caractéristique principale de la production est qu’elle correspond de façon instantanée à

la consommation (étant donné que l’électricité ne se stocke pratiquement pas). Cette

adaptation en « temps réel » aux fluctuations de la consommation impose ainsi deux

contraintes :

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Des moyens de production de masse doivent fournir la partie « moyenne » de la

consommation journalière.

Des moyens de production « de pointe » doivent permettre l’ajustement exact à la

consommation effective.

De façon plus pragmatique, il est ainsi d’usage de classer les unités de production

électriques à la fois en fonction du type d’énergie convertie et en fonction de leur

dynamique propre. On distingue alors :

I-2-1. Centrales de production de masse

Leur fonction est la production de masse de produire la plus grande partie de

l’énergie électrique fournie à l’ensemble du réseau. Les puissances générées (jusqu’à

quelque 100 GW) correspondent à des processus dont les temps de réponse sont grands

(quelques heures). La mise en œuvre de ces centrales est donc programmée à partir

d’une prévision journalière de la consommation moyenne. Les unités de production de

masse utilisent principalement l’énergie nucléaire et thermique (Fig. I-1).

Figure. I-1. Production de masse nucléaire

I-2-2. Centrales de production intermédiaire

Leur capacité de production moindre (inférieure à 1 GW) correspond en général

à une production de pointe inertie de fonctionnement également moindre. Leur utilité

réside dans l’ajustement de la production, en fonction d’éventuelles en maintenances

ou modifications des moyens de production de masse, de façon plus générale, elles

permettent dans certains pays un meilleur équilibrage des sources d’énergie primaires,

ces unités sont en général des centrales thermiques (pétrole, charbon et gaz), mais

certains pays possèdent des parcs très importants de centrales hydroélectriques au fil de

l’eau et d’éoliennes de production intermédiaires (Fig. I -2).

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Figure. I-2. Production d’énergie électrique par éolienne

I-2-3. Centrales des productions de pointe

Ces unités sont caractérisées par des temps de mise en fonctionnement très brefs

(quelques minutes ou dizaines de minutes) permettant une réaction rapide par rapport

aux fluctuations de la consommation, ces unités sont principalement des centrales

hydroélectriques dont les puissances ne dépassent pas en général quelque 100 MW, un

avantage supplémentaire, même s’il est assez discret dans beaucoup de pays, est de

permettre un stockage d’énergie potentielle dans des bassins ou les parties hautes de

certains barrages (le « pompage » est un stockage d’énergie (Fig. I-3).

Figure. I-3. Production de pointe hydroélectrique

I-3. Caractéristiques générales du transport et de la distribution [2]

Les réseaux électriques, en très grande majorité, transportent l’énergie électrique

sous la forme de systèmes triphasés. Les dispositions et grandeurs caractéristiques de

ces systèmes sont ainsi :

Leur fréquence.

Leurs niveaux de tension.

Leurs différents types de couplage.

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I-3-1. Fréquence normalisée

Les grands réseaux électriques sont des systèmes interconnectés qui présentent

une fréquence uniforme afin de garantir le bon fonctionnement de leurs appareillages,

ces derniers étant optimisés pour une valeur précise de la fréquence.

Dans le monde, on ne recense que deux valeurs distinctes de fréquence :

« Le 50 Hz » caractérise les réseaux Européens, Asiatiques, Russes et Africains.

« Le 60 Hz » caractérise les réseaux Américains, Canadiens et Japonais (en réalité,

au Japon, les deux fréquences sont utilisées).

Figure. I-4. Fréquences et tensions domestiques dans le monde

La figure I-4 représente la répartition mondiale de ces deux fréquences. Par

curiosité, il est intéressant de se demander pourquoi des fréquences si basses (50 Hz et

60 Hz) ont été choisies. Ces valeurs sont justifiées, en partie, par le fait que les

conducteurs qui constituent les réseaux électriques représentent des « iso-potentielles »,

c’est-à-dire présentent en tout point le même potentiel électrique. Ceci n’est possible en

alternatif que si la « longueur d’onde » de la tension est très supérieure à la longueur de

la ligne, dans le cas contraire, des courants de « déplacement » circulent dans les

conducteurs du fait même de la différence de potentiel existant entre leurs extrémités.

À la fréquence f = 50 Hz , la longueur d’onde s’écrit : λ = c/f = 3.108/50 = 6 000 km.

Cette valeur autorise ainsi l’utilisation de lignes en antenne pouvant parcourir des

centaines à des milliers de kilomètres.

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I-3-2. Tensions normalisées

Chaque réseau électrique est organisé à partir de quelques niveaux de tension

normalisés, le respect, de ces valeurs précises (à quelques % près) est une nécessité

pour exploiter les structures de transport en assurant leur sûreté, le respect des plages

contractuelles, et de façon générale afin de réduire les coûts et les contraintes sur les

appareillages.

À titre d’exemple, les tensions normalisées du réseau électrique en Algérie

(SONELGAZ) sont indiquées dans le tableau I-1, accompagnées de photographies qui

illustrent l’allure les lignes correspondantes : [4]

Usage Tensions Tensions

Normalisée

Noms (standard

Européen)

Aspect visuel des

lignes

HTB

Grande

Transport national et

interconnexion

220/400 kV

THT

60 kV

HT

HTB (50 kV à

400 kV)

HTB 3 : 400 kV

HTB 2 : 225 kV

HTB 1 : 90 et 63

kV

HTA

Lignes

interrégionales et

repartions régionale

MT

30 kV

HTA

(1 kV à 50 kV)

BT

Répartition locale

distribution et

consommation

220 V

(monophasé)

380 V

(triphasé)

BT < 1 kV

Tableau I-1. Tension normalisées du réseau national Algérienne, les lignes BT, HTA, et

HTB

Les plus hautes valeurs de tension correspondent au domaine du « grand

transport» et les plus petites au domaine de la consommation. Parallèlement, la figure

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I-5 précise également les différentes valeurs des tensions domestiques (BT)

monophasées dans le monde. Si ces tensions ne sont pas toujours les mêmes en

fonction des pays, il faut savoir que les ordres de grandeurs qui les caractérisent sont

identiques.

I-3-3. Couplages des systèmes triphasés

Les réseaux électriques sont organisés à partir de systèmes triphasés. Ces derniers

peuvent présenter des couplages triangle ou étoile et, plus précisément, présenter un

neutre relié ou non. Cette dernière remarque constitue une caractéristique majeure des

différents types de tronçons et on retiendra les notions suivantes :

Les domaines du transport et de la répartition (HTB et HTA) sont organisés sur le

respect prioritaire des contraintes liées à la minimisation des pertes et des coûts des

installations. En conséquence, ces tronçons de réseau sont conçus de telle manière

à présenter un nombre minimal de conducteurs électriques. Autrement dit, le

transport et la répartition représentent quasi exclusivement des systèmes triphasés

« trois fils » (c’est-à-dire sans neutre). Une conséquence majeure de cette

remarque est que, pour garantir l’équilibre des tensions produites, ces parties du

réseau doivent être équilibrées (en courant), ce qui constitue une contrainte de

répartition des puissances et des impédances sur les trois phases de l’ensemble de

la structure.

À l’opposé, les installations BT (c’est-à-dire la distribution locale) sont organisées

dans le respect prioritaire de l’équilibre des tensions fournies, le plus souvent à des

clients monophasés indépendants. En conséquence ces parties du réseau sont

constituées de systèmes triphasés dits «quatre fils», dont le neutre est créé

localement, au secondaire des postes de transformation de quartiers. Le neutre

ainsi fourni aux clients entre d’ailleurs dans l’aspect contractuel de l’apport

d’énergie et dans la constitution des régimes de protection des installations (ou «

régimes de neutre »).

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I-4. Principes fondateurs des réseaux électriques

En règle générale, les grands réseaux électriques du monde se ressemblent, cette

similitude s’explique par l’existence de grands principes, de grandes contraintes, qui

justifient les structures et la nature des installations propres au transport et à la

distribution de l’énergie électrique [3].

Il est important, pour un électrotechnicien, de bien saisir ces différentes notions

fondatrices.

I-4-1. Transport en haute tension, facteur de puissance quasi unitaire :

De façon absolument générale, il n’est concevable de transporter l’énergie

électrique sur de grandes distances qu’à partir d’une tension relativement élevée. Il

suffit, pour s’en convaincre, de considérer le schéma simplifié d’un transport d’énergie

électrique représenté sur la figure I- 5, et de noter les points suivants :

Tout conducteur électrique possède une certaine impédance. Transporter l’énergie

électrique sur de longues distances revient à utiliser des conducteurs très longs

dont l’impédance équivalente n’est absolument pas négligeable. Sur la figure I-7,

La partie réelle de cette impédance correspond à une résistance notée R.

Le transport de l’énergie électrique revient, de façon générale, à la liaison par une

ligne (ou un câble) d’une source vers un récepteur. L’objectif principal de cette

liaison est la fourniture de la puissance :

P = V .I. cos (I-1)

Avec V : est la tension efficace appliquée à la charge.

I : le courant efficace.

Cos : le facteur de puissance du récepteur.

La puissance perdue par effet Joule dans la ligne s’écrit ainsi :

PR = R.I 2 = R

.

(I-2)

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Pour acheminer la puissance P avec un minimum de pertes :

– La tension V doit être la plus grande possible.

– Le facteur de puissance doit être le plus proche possible de l’unité.

Autrement dit, le transport lointain de l’énergie électrique ne peut se faire à bon

rendement que sous haute tension, voire très haute tension. On montre parallèlement

que l’usage de hautes tensions permet à la fois de réduire la sensibilité des tensions à la

circulation d’énergie réactive et d’augmenter les puissances maximales transmissibles.

Figure. I-5. Transport simplifié de l’énergie électrique

En pratique, les plus hautes tensions utilisées dans le monde correspondent à des

territoires très étendus où les distances entre production et consommation sont très

grandes. Si la valeur de 400 kV constitue la tension d’exploitation la plus haute d’une

majorité de grands réseaux, il existe au Canada des lignes à 750 kV entre phases, et on

recense même en Russie la valeur de 1 MV. Concrètement, il devient très difficile

d’aller au-delà de ces tensions en raison des difficultés d’isolement des câbles par

rapport aux pylônes. Parallèlement, les réseaux fonctionnent de telle manière à ce que

le facteur de puissance associé à l’ensemble des récepteurs soit très proche de l’unité.

C’est, sous un certain angle, cette règle qui justifie l’énorme travail de régulation et de

compensation des énergies réactives.

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Remarque : à tension donnée, il est également possible de minimiser les pertes en

minimisant la résistance des lignes. Ceci n’est possible qu’en augmentant la section

équivalente des conducteurs, c’est-à dire également leur poids et le gabarit de

l’ensemble des infrastructures. Concrètement, ce n’est pas envisageable sur de longues

distances.

I-4-2. Utilisation du régime alternatif sinusoïdal

Si la nécessité d’utiliser des hautes tensions paraît très claire, il faut reconnaître

que le choix du régime alternatif sinusoïdal n’est pas tout à fait aussi évident. Pour la «

petite histoire », ce choix a d’ailleurs fait, à la fin du XIXe siècle, l’objet d’une terrible

opposition des deux inventeurs à l’origine de l’électrification : Tomas Edison et

Nicolas Tesla. Si c’est finalement le régime alternatif qui s’est imposé (grâce à Nicolas

Tesla et électrification convaincante de plusieurs dizaines de kilomètres), il est

intéressant de comprendre pourquoi, sachant que la question de l’électrification

générale en courant continu s’est posée jusque dans les années 1950.

De façon tout à fait naturelle, il est possible de comparer les avantages et

inconvénients des régimes alternatif et continu, ceux-ci sont énoncés dans le Tableau I-

2 [5].

Régime alternatif Régime continu

Avantages

- Permet l’utilisation de

transformateurs pour élever et

abaisser la tension.

- Facilite la coupure des

courants

par le passage naturel par zéro 2

fois par période c’est-à-dire 100

fois par seconde.

- production directe par

alternateurs

- Pas d’effets réactifs, le facteur

de puissance est unitaire (en

dehors de déformation).

- facilite l’interconnexion de

deux réseaux, il suffit d’avoir

partout la

même tension.

- Pas d’effet de peau, les câbles

et

les lignes sont plus simples et

moins chers.

- Implique des effets inductifs

-Difficulté de couper les

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Inconvénients

et capacitifs pénalisants pour un

certain nombre de raisons

(facteur de puissance < 1

principalement).

- Difficulté d’interconnexion de

plusieurs réseaux (il faut

garantir

l’identité de la tension, de la

fréquence et de la phase).

- Implique un effet « de peau »

d’où la nécessité de câbles et

lignes adaptés et donc plus

chers.

courants

continus, d’où des dispositifs de

coupure plus performants et plus

chers.

- Terminaisons très coûteuses.

- Impossibilité de produire ou

d’élever la tension dans le

domaine des très hautes tensions

d’où des pertes importantes sur

les lignes.

Tableau I-2. Comparaison des régimes alternatifs et continus dans le transport

de l’énergie électrique

Il apparaît donc qu’à chaque avantage de l’un correspond un inconvénient de

l’autre et vice versa. De façon prépondérante cependant, il est possible de dégager deux

éléments principaux qui sont à l’avantage du régime alternatif :

L’utilisation (massive) du transformateur n’est possible qu’en régime alternatif,

c’est le seul moyen, encore actuellement, permettant d’élever la tension à hauteur

de 400 kV (750 kV ou même 1 MV).

Le coût au kilomètre d’un réseau en régime alternatif a tendance à augmenter avec

la distance à parcourir, à cause essentiellement du coût des conducteurs qui sont

plus complexes qu’en continu. À l’inverse, le coût au kilomètre d’un réseau

continu a tendance à chuter avec la distance étant donné que ce sont uniquement

les terminaisons de ce réseau qui sont complexes.

En définitive, la distance critique en dessus de laquelle un réseau continu revient

moins cher correspond à environ 800 km. Il est donc en moyenne économiquement

plus avantageux de concevoir un réseau en alternatif qu’en continu, surtout pour les

petits pays.

La justification de la nature sinusoïdale des tensions et courants utilisés est

également intéressante. Il est en effet légitime de se demander pourquoi le régime

sinusoïdal pur est le seul utilisé et non pas des régimes de tension carrées, triangulaires,

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etc. Pour répondre à cette question il suffit d’avoir conscience que les grandeurs

électriques alternatives mais non sinusoïdales sont décomposables en un « fondamental

» auquel s’ajoute une série d’harmoniques dont les fréquences sont multiples de la

fréquence fondamentale. À partir de là, la réponse tient en deux points :

La puissance active consommée par un récepteur consommant un courant non

sinusoïdal n’est liée, dans la plupart des cas, qu’à la composante fondamentale de

ce courant L’ensemble des harmoniques impose alors un courant efficace plus

important qu’il l’aurait été en régime sinusoïdal, ce qui revient à la considération

d’un facteur de puissance de moindre valeur (autrement dit, la présence de

puissance déformante nuit au facteur de puissance).

En régime alternatif, l’effet de peau est d’autant plus sensible que la fréquence des

grandeurs est élevée. Les composantes harmoniques, de fréquence multiple de la

fréquence fondamentale, circulent ainsi dans des sections réduites par rapport à la

section principale des conducteurs. La résistance apparente des lignes et câbles est

alors beaucoup plus importante pour les harmoniques, les pertes en lignes

correspondantes le sont également.

En conséquence, il est impératif, dès lors que le transport et la distribution de

l’énergie électrique sont effectués en régime alternatif, que ce régime soit plus

particulièrement « alternatif sinusoïdal ».

I-4-3. Utilisation de systèmes triphasés

Les systèmes triphasés, dans le cas de la production, du transport ou de la

distribution de fortes puissances électriques, sont toujours utilisés au dépend des

systèmes monophasés. Pourtant, il est légitime de se demander pourquoi alors que leur

apparence plus lourde et plus complexe laisserait penser le contraire. La justification de

cet état de fait, s’articule autour des remarques suivantes :

À puissance active constante, un système triphasé « trois fils » requiert deux fois

moins de volume de conducteurs électriques qu’un système monophasé. En

conséquence, un système triphasé permet de gagner un « facteur 2 » sur

l’ensemble du poids, du coût, du gabarit de pylônes, etc., relatifs aux lignes et

câbles qui le constituent.

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La puissance massique des machines triphasées (notamment des alternateurs) est

supérieure à la puissance massique de leurs équivalents monophasés.

Les alternateurs, pour des raisons d’optimisation ont intérêt à être triphasés et

équilibrés. L’utilisation d’un réseau et de charges triphasées est directement

adaptée à cet objectif.

La puissance fluctuante, dans un système triphasé équilibré, est nulle. En

conséquence, l’apport d’énergie électrique opéré par un tel système est

parfaitement continu. Cette particularité, dans le fonctionnement de tous les

actionneurs électriques triphasés, permet d’éviter les vibrations et le phénomène de

« balourd » qui sont causés par la présence de couples « vibratoires » liés à la

puissance fluctuante.

I-5. Phénomènes liés au fonctionnement des réseaux électriques

Pour bien comprendre les principes de fonctionnement des réseaux électriques, il

est nécessaire de prendre conscience d’un certain nombre de phénomènes qui limitent

leurs possibilités, ou même mettent en péril leur sûreté. C’est de la gestion optimisée

de ces phénomènes et de leurs conséquences que découlent les grandes stratégies de

conduite [2].

I-5-1. Puissance maximale transmissible

Toute association «générateur/récepteur» présente une limite de puissance

transmissible de l’un vers l’autre. Tout réseau électrique, dès lors qu’il est globalement

équilibré, peut être ramené à une telle association et est alors tributaire d’une grandeur

importante appelée «puissance maximale transmissible ».

La figure I-6 représente le schéma équivalent monophasé de tout réseau, ou toute

partie de réseau, en régime permanent équilibré. Sur ce schéma, la source de tension Vr

est la tension à vide des alternateurs, l’impédance Zl est équivalente à l’ensemble des

lignes et des transformateurs, la charge est représentée par l’impédance Zc.

La règle, souvent utilisée en électronique, de « l’adaptation d’impédances » décrit

le fait que la puissance P transmise au récepteur est maximale si Zc = Zl * (ce qui

implique que Zc = Zl ).

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En d’autres termes, la modification de la charge ne permet pas de dépasser une

certaine puissance :

(I-3)

La figure I-6 représente également l’évolution de P/ Pmax et du rendement

du système en fonction de la résistance de la charge.

Figure. I-6. Puissance maximale transmissible

Le point de puissance maximale est facile à repérer sur ce graphique et

correspond à un rendement de valeur 0,5. Ne pas confondre l’état de puissance

maximale à celui de rendement maximal. Les réseaux électriques nécessitant des

valeurs élevées de leur rendement global, on comprendra que la puissance maximale

transmissible constitue une limite haute qu’il est maladroit de penser atteindre. En

d’autres termes, chaque partie des réseaux électriques « travaille » bien en de çà de

cette puissance.

I-5-2. Couplage « fréquence/puissance »

Tout alternateur, lorsqu’il débite de la puissance vers une charge, est tributaire du

principe fondamental de la dynamique en rotation (Fig. I-7) :

∑ couples = Cmeca - Cm - Célec =j

(I-4)

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En négligeant les pertes associées à l’alternateur, il est possible de relier alors

l’évolution de sa vitesse aux puissances amenées et reçues :

Cmeca - Célec =

é

(I-5)

Figure. I-7. Alternateur débitant sur une charge

La fréquence des tensions produites par l’alternateur étant proportionnelle à la

vitesse de rotation, cette équation permet de comprendre l’origine de ses fluctuations, à

savoir :

En régime permanent, c’est-à-dire à vitesse et fréquence constantes, il y a égalité

entre la puissance produite et la puissance consommée.

Lors d’une évolution à la hausse de la puissance consommée (Pélec), il y a

« freinage » de l’alternateur (

et diminution de la fréquence.

Lors d’une évolution à la baisse de la puissance consommée, il y a « accélération »

de

l’alternateur (

> 0 ) et augmentation de la fréquence.

Autrement dit, de par la proportionnalité entre vitesse et fréquence, il existe un

couplage fort entre la fréquence d’un réseau (qui n’est autre qu’un « regroupement »

d’alternateurs) et le bilan des puissances, le fait de garantir la constance de la fréquence

consiste ainsi à adapter en permanence le « niveau de production » à celui de la

demande en permettant aux divers appareillages de fonctionner à leur pulsation

optimale (c’est-à-dire de ne pas « subir » l’égalité : production = consommation).

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

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Remarque : Les fluctuations admissibles de la fréquence des réseaux sont de

l’ordre de ± 1 % de la valeur nominale.

I-5-3. Couplage « tension / puissance active »

Lorsqu’une charge consomme une puissance, le courant qu’elle appelle sur le

réseau contribue à faire varier la tension produite par ce dernier. Si la notion de «chute

de tension» provoquée par la charge n’est pas surprenante, il est important de

comprendre comment elle s’exprime dans une optique de «transit de puissance». Pour

cela, il est possible de repartir du schéma équivalent représenté sur la figure I-6 et de

calculer l’évolution de la tension efficace Vc aux bornes de la charge en fonction de la

puissance P qu’elle consomme. De façon absolument générale (mais non démontré ici

en raison de la lourdeur inutile des calculs), les allures des courbes Vc (P) sont

conformes à celles représentés sur la figure I-8, l’impédance de la ligne étant alors

considérée comme globalement inductive et la charge successivement inductive,

résistive et capacitive.

Les conclusions relatives à ces courbes sont les suivantes :

Les charges globalement inductives et résistives contribuent à faire chuter la

tension.

Les charges globalement capacitives contribuent à élever la tension dans la zone

de travail.

Quels que soient la nature de la charge et l’ordre de grandeur de l’impédance de

ligne, une limitation en puissance active apparaît : c’est la puissance maximale

transmissible.

Au-delà de cette limitation, la tension produite s’écroule de façon irréversible.

Il est alors important de comprendre que le phénomène de chute de tension est

très local, qu’il est lié à la fois à la puissance consommée par la charge et à la nature

de cette charge. Par ailleurs, un phénomène supplémentaire, portant le nom

«d’écroulement de la tension», apparaît. Cet écroulement est une réalité physique

associée aux réseaux contre lequel un certain nombre de sécurités sont mises en

œuvre

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Figure. I-8. Ecoulement de la tension d’un réseau simplifié

Remarque : les fluctuations admissibles des tensions sur les réseaux sont de l’ordre de

±5 % des valeurs nominales.

I-5-4. Couplage « tension /puissance réactive»

La puissance réactive qui transite sur les réseaux joue également un rôle

déterminant à cause de l’aspect globalement inductif des charges et des lignes. À cet

effet, il est très important de comprendre et retenir les notions suivantes :

Par nature, la majorité des charges de puissance supérieure à quelques kilowatts

qui sont connectées aux réseaux sont globalement inductives (moteurs, machines,

transformateurs, etc.).

Les éléments mêmes qui constituent de façon prépondérante les réseaux, à savoir

les transformateurs et les lignes, sont globalement inductifs. Le fait de négliger,

dans leurs schémas équivalents, les résistances devant les réactances revient au fait

de considérer que les défauts constitutifs de ces éléments se ramènent à une

consommation d’énergie réactive.

La présence généralisée de puissance réactive justifie, à puissance active constante

(c’est-à dire à consommation constante), la détérioration du facteur de puissance et

l’élévation des courants de ligne.

L’élévation des courants justifie des pertes plus importantes sur les lignes (donc

également des pertes économiques) ainsi qu’une aggravation des chutes de tension

dues aux réactances de lignes et aux transformateurs.

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

21

La figure I-9 représente le schéma équivalent monophasé d’un réseau ou d’une

partie de réseau en régime permanent équilibré. Il est possible de calculer et de

représenter les évolutions de la tension Vc fournie à la charge en fonction du courant

I, et ensuite de la puissance réactive Q. Pour cela, et lorsque la chute de tension est

faible est qui est calculée par :

∆V = Vr - Vc (I-6)

en écrivant :

Vr - Vc ≈ X. I. (I-7)

Pour simplifier l’écriture, on fait apparaître dans les formules une tension

unique :

V = Vr ≈ Vc (I-8)

Ainsi, en utilisant le fait que

Q = 3. Vc. I. (I-9)

il vient :

Vr – Vc =

(I-10)

En considérant alors une variation de puissance réactive -∆Q (une injection)

dans le réseau, il est possible d’écrire :

Vr - (Vc + ∆Vc ) ≈

(I-11)

Ou encore, en ne considérant que les variations :

(I-12)

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

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Figure. I-9.Couplage (Tension / Puissance réactive)

Le terme

correspond à la puissance dite « de court-circuit », Scc, qui est une

constante associée au réseau, elle représente la puissance apparente fournie par le

générateur lorsque Vc = 0. Ainsi, il est possible d’écrire ;

(I-13)

Cette formule est très intéressante car :

Elle formalise le fait qu’une variation de puissance réactive induit une variation de

tension.

Une injection de puissance réactive (c’est-à-dire le fait de consommer une

puissance réactive négative) revient à élever la tension Vc.

Une consommation de puissance réactive (c’est-à-dire le fait de consommer une

puissance réactive positive) revient à faire chuter la tension Vc.

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Chapitre I Généralités sur les Réseaux électriques

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I-6. Conclusion

On a fait dans ce chapitre une étude générale du réseau électrique, avec l’étude

de ses différents composants nécessaire à la production, au transport, à la distribution

et à la consommation de l’énergie électrique. Le but premier d'un réseau d'énergie est

de pouvoir alimenter la demande des consommateurs. Comme on ne peut pas stocker

l’énergie et en grande quantité d'énergie électrique il faut pouvoir maintenir en

permanence l'égalité : Production = Consommation + pertes

Le réseau électrique doit permettre de livrer aux utilisateurs un bien de

consommation adapté à leurs besoins, caractérisé par :

• Une puissance disponible, fonction des besoins quantitatifs du client.

• Une tension fixée, fonction de cette puissance et du type de clientèle.

• Une qualité traduisant la capacité à respecter les valeurs et la forme prévues de ces

deux paramètres et à les maintenir dans le temps.

Une fois on a présenté un aperçu sur les réseaux électriques, on va présenter dans

le chapitre suivant, les différents types de défauts, leurs causes et leurs conséquences.