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Chapitre I : Aciers inoxydables et principe de leur

évaluation non destructive

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Introduction Pendant un essai de fatigue sur l’acier inoxydable 304L, l’austénite peut se transformer en

martensite. Cette transformation peut être détectée par différentes méthodes non destructives comme les ultrasons, l’émission acoustique et les courants de Foucault.

Le but de ce chapitre est de préciser les mécanismes établis ou encore débattus par la littérature selon lesquels la transformation martensitique peut s’effectuer. Et de préciser l’apport et les limites des méthodes non destructives pour les détecter.

Ce chapitre est divisé essentiellement en deux grandes parties. Dans la première, nous

rappellerons des généralités sur les aciers inoxydables austénitiques. Une synthèse bibliographique décrit la déstabilisation cyclique de l’austénite et le comportement mécanique pendant la déformation plastique.

La deuxième partie aborde d’abord différentes méthodes non destructives capables d’évaluer la transformation martensitique et l’endommagement dans ces aciers : émission acoustique, ultrasons et courants de Foucault. Dans un second temps, nous rappelons les autres méthodes qui peuvent être utilisées dans le but de confirmer et de valider les résultats obtenus par les méthodes susmentionnées, comme la technique de diffraction des rayons X et l’observation métallographique.

Une synthèse sur la comparaison des ces méthodes concluera cette bibliographie.

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1. Aciers Inoxydables

1.1 Généralités Les aciers inoxydables sont des alliages métalliques à base de fer (alliage : fer-carbone)

qui doivent contenir au moins 10,5 % de chrome et des éléments d’alliage comme le carbone, le nickel, le molybdène, le silicium, etc. Selon le pourcentage de ces éléments, la structure d’acier en condition d’emploi sera martensitique, austénitique ou ferritique.

1.2 Propriétés et applications La principale propriété des aciers inoxydables est leur excellente résistance à la corrosion.

Cette propriété donne au matériau une durée de vie quasi exceptionnelle dans la très grande majorité des milieux. A cette propriété fondamentale, s’ajoutent les caractéristiques mécaniques intéressantes comme la résistance mécanique, la ductilité et la ténacité [CUNA00]. L’acier inoxydable est donc considéré comme le matériau de choix dans les domaines alimentaire, médical, ménager et nucléaire.

1.3 Eléments d’alliage et transformations de phase

Les éléments d’alliage et la transformation martensitique sont des caractéristiques importantes qui influent sur les propriétés des aciers inoxydables. Nous commençons notre étude bibliographique par le rappel de ces caractéristiques. 1.3.1 Les phases de référence

Il est aussi utile de rappeler les variétés allotropiques du fer pur. A basse température et

jusqu’à 910°C, la structure cristalline du fer est de type cubique centrée, c’est le fer α (ferrite). A partir de 910°C, il se transforme en fer γ dont la structure est cubique à faces centrées (austénite). Une troisième forme cristalline apparaît lorsque la pression extérieure est suffisamment élevée, c’est le fer de type ε, de structure hexagonale compacte [BER94], figure (1). Une nouvelle transformation intervient au-delà de 1400°C pour fournir le fer de type δ dont la structure est cubique centrée.

Figure (1) : Diagramme d’équilibre du fer pur, [PHI02].

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1.3.2 Eléments d’alliage

Les éléments d’alliage, et leurs proportions, peuvent modifier le diagramme d’équilibre

Fer-carbone. Ils peuvent être regroupés en deux familles : - la première est la famille des éléments alphagènes. Ils favorisent la prépondérance à

température ambiante d’une structure cristallographique cubique centrée. Ce sont notamment : le chrome, le molybdène, le silicium, le titane, le niobium, le vanadium, le tungstène, l’aluminium et le tantale.

- la seconde est la famille des éléments gammagènes. Ils favorisent la prépondérance à température ambiante d’une structure cristallographique cubique à faces centrées. Ce sont notamment : le nickel, le carbone, l’azote, le cobalt et le manganèse.

1.3.3 Les équivalents du Chrome et du Nickel

Il est commode d’évaluer le pouvoir alphagène ou gammagène en se référant au chrome et au nickel. Ces équivalents sont déterminés par des formules suivantes en fonction des différents éléments d’alliage :

Équivalent chrome : EqCr=% Cr + % Mo + 1,5 (% Si) + 0,5 (% Nb) (1) Équivalent nickel : EqNi=% Ni + 30 (% C) + 0,5 (% Mn) (2)

Ces équivalents permettent de déterminer à la température ambiante la structure d’un acier inoxydable à l’aide du diagramme de Schaeffler, qui détermine les domaines de l’austénite, de la ferrite ou de la martensite (voir ci-dessous) d’un alliage Fe-Cr-N, figure (2) [CUNA00, DURA03et MUR97].

Figure (2) : Diagramme de constitution des aciers inoxydables, x : équivalent chrome, y : équivalent

nickel, d’après Schaeffler, [CUNA00]. 1.3.4 Transformation martensitique

La transformation martensitique peut se produire dans un grand nombre de système d’alliages comme, entre autres, les alliages à base de fer, les alliages à base de cuivre et les alliages à base de titane.

Equivalent chrome

Equi

vale

nt n

icke

l

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Pour l’acier, la martensite est une phase obtenue à partir de l’austénite par transformation displacive. Elle se forme à des températures suffisamment basses pour que l’austénite ne soit plus la phase stable. Elle se produit par le déplacement, par un mécanisme de cisaillement, des atomes de fer des positions du réseau CFC vers des positions voisines, de cristallographie plus stable à basse température. Comme les déplacements des atomes sont petits, de l’ordre d’une distance inférieure à la distance interatomique, la transformation martensitique est une transformation displacive et sans diffusion (la composition chimique reste la même dans les deux phases) [GOBIN78,MICO97]. 1.3.4.1 Structures cristallographiques de martensite

Deux phases martensitiques sont possibles : la phase α’, cubique centrée ou légèrement quadratique (à fort taux de carbone en solution solide) et la phase ε, hexagonale compacte. a- La martensite α’

Ce type de martensite peut être obtenue par la trempe des alliages Fe-C et également Fe-

N. Le réseau cristallin quadratique centré est caractérisé par les paramètres a et c, qui ne dépendent que de la teneur en carbone de l’alliage [DURA03, GOBIN78], figure (3). A faible teneur en carbone cette structure est indiscernable de la structure cubique centrée de la ferrite α. C’est par exemple le cas après la trempe des alliages Fe-Ni, Fe-Mn, Fe-Cr [GOBIN78].

Figure (3) : Influence de la teneur en carbone sur les paramètres de la maille quadratique, [PHI02].

b- La martensite ε

De structure hexagonale compacte, ce type de martensite peut se présenter dans les

alliages fortement alliés comme les Fe-Cr-C, les aciers inoxydables austénitiques et certains alliages Fe-Mn, [DURA03, GOBIN78].

1.3.4.2 Mécanismes de transformation martensitique Plusieurs mécanismes produisent la transformation martensitique dans les aciers. Pour

chaque mécanisme, il y a des conditions importantes à respecter pour obtenir cette

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transformation. Le mécanisme le plus connu est la transformation martensitique par refroidissement rapide : ce mécanisme est largement appliqué industriellement sur les aciers au carbone et les aciers pour les traitements thermiques. Il faut au préalable chauffer et maintenir l’acier dans le domaine d’existence de la phase austénitique. Puis il faut que l’acier soit refroidi avec une vitesse, de l’ordre de 100-1000°C/s pour un acier au carbone [BER94]. Enfin, il faut que la température finale soit en dessous de la température Ms(martensite start) et au-dessus de Mf (martensite finish). Un autre mécanisme moins connu est aussi capable de produire de la martensite : la déformation plastique. L’accumulation monotone ou cyclique de dislocations dans le matériau peut provoquer la transformation [LAC90]. Ce type de transformation est observé dans les aciers inoxydables austénitiques. Ici, les conditions à respecter sont l’amplitude de la déformation et la température, elles sont représentées par le terme Md30, qui correspond à la température pour laquelle la transformation martensitique se produit par la déformation plastique. Ms, Mf et Md30 sont fonction des éléments d’alliages de chaque type d’acier. 1.3.4.2.1 Micromécanismes

La transformation martensitique fait passer de la phase mère CFC à la phase fille martensitique [GOBIN78] par un cisaillement local. Les déplacements d’atomes s’effectuent dans la direction de cisaillement et parallèlement à un plan cristallographique dit plan d’accolement, figure (4). Cela crée entre les deux réseaux cristallins des relations d’orientation. Pour les alliages de type Fe-C, Kurdjumov et Sachs annoncent les relations suivantes : - plans : (011)α’ // (111) γ - directions : <1 Ï 1> α’ // <0 Ï 1>γ , [MUR97].

Figure (4) : Mécanisme de formation de structure quadratique à partir de structure cubique face centrée,

[MUR97] Expérimentalement, ces relations d’orientation peuvent être établies avec précision à l’aide des techniques de diffraction des rayons X ou de la diffraction électronique [GOBIN78]. Les micromécanismes de formation des deux types de martensite seront détaillés plus loin, dans le paragraphe consacré aux aciers inoxydables austénitiques.

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1.3.4.2.2 Morphologies de martensite

L’observation en microscopie optique montre deux principales morphologies de martensite α’ : sous forme de plaquettes ou sous forme de lattes. La martensite en plaquettes, appelée aussi la martensite lenticulaire, possède une forme aplatie quasi bidimensionnelle figure (5).

Figure (5): Morphologie de la martensite en plaquette obtenue par la déformation plastique de l’acier Fe-25Ni-0.66C, [DURA03]

Figure (6) : Des lignes de macles observées par la microscopie électronique d’un acier 100Cr6 trempé, [DURA03].

Ce type de morphologie est probablement dû à l’accommodation des contraintes développées lors de la transformation de phase ou lors de la déformation plastique, [MUR97]. La vitesse de formation des plaquettes est considérable : de l’ordre de 105 cm/s [MICR97]. Chaque plaquette a une microstructure constituée de fines macles parallèles (observées par la microscopie électronique figure (6)) [DURA03, GOBIN78]. La croissance des plaquettes se développe dans le grain d’austénite suivant des directions définies, qui sont parallèles aux plans d’accolement et limitées par les joints de grains [MUR97].

Figure (7) : La morphologie des lattes dans l’acier X46Cr131.4034 trempé, [MICR97].

Figure (8) : La morphologie de la martensite ε dans un acier inoxydable (18%Cr,11%Ni) hypertrempé, [GOBIN78].

La martensite en lattes, appelée aussi la martensite massive, est caractérisée par la présence de paquets formés d’aiguilles grossièrement parallèles, appelées lattes. Ces lattes sont longues, avec des épaisseurs de l’ordre de 0.2 µm [GOBIN78, MUR97]. Leur croissance est stoppée aux joints de grains de l’austénite [DURA03], figure (7). Ces lattes contiennent une forte densité de dislocations. Le plan d’accolement est le plan (111) de l’austénite [MUR97]. La morphologie de la martensite ε est différente de celle de la martensite lenticulaire des alliages Fe-C. Elle adopte la forme de bandes parallèles. Et sa formation est en relation directe avec la formation de défauts d’empilement, des maclages répétés [MICR97], au sein du réseau cubique à faces centrées de l’austénite [GOBIN78, MICR97], figure(8).

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1.4 Classification des aciers inoxydables

Les aciers inoxydables constituent une grande famille d’alliages métalliques qui ont tous en commun de posséder du fer et du chrome. Suivant leur teneur en chrome et les traitements métallurgiques qu’ils ont subis, ils présentent une large gamme de propriétés. Dans la suite, nous allons brièvement décrire les différentes structures d’acier inoxydable.

1.4.1 Aciers inoxydables martensitiques Comme pour tous les aciers non ou faiblement alliés, le carbone joue un rôle fondamental.

Pour ces aciers, la teneur maximale en carbone est limitée à 1,2 %. Leur teneur en chrome est comprise entre 11,5 et 18 %, et ils peuvent contenir jusqu’à 6 % de nickel et jusqu’à 1,5 % de molybdène [CUNA00].

1.4.2 Aciers inoxydables ferritiques et super-ferritiques Les aciers inoxydables ferritiques et super-ferritiques sont caractérisés par une remontée

de la température de transition α-γ du diagramme de phases, qui fait qu’en pratique leur structure reste ferritique dans tout l’intervalle de température de la gamme thermomécanique. Leur teneur en chrome est de 12-20% pour les aciers ferritiques, et supérieure à 20% pour les aciers super-ferritiques

1.4.3 Aciers inoxydables austénitiques En principe, les aciers inoxydables austénitiques contiennent généralement entre 0,02 et

0,10 % de carbone, 17 à 20 % de chrome, 7 à 25 % de nickel et 2 à 5 % de molybdène. Nous allons plus tard étudier cette famille en détail.

1.4.4 Aciers inoxydables austéno-ferritiques

Des alliages avec la composition en (Cr, Ni, Mo, et Si) sont équilibrés pour obtenir par un

traitement thermique une structure mixte constituée de ferrite (70 à 50%) et d’austénite (30 à 50%). Cet état confère à ces aciers d’excellentes performances comme la ductilité , la ténacité et la résistance à la corrosion.

1.4.5 Aciers inoxydables à durcissement par précipitation Les caractéristiques mécaniques de cette famille d’aciers inoxydables sont obtenues à

l’issue d’un traitement de durcissement secondaire suivi d’un traitement thermique de trempe ou d’hypertrempe.

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1.5 Traitements thermiques des aciers inoxydables Tous les types de traitements sur les aciers inoxydables assurant une bonne résistance à la

corrosion ont pour but de rendre la répartition en chrome du métal la plus homogène possible en évitant toute précipitation de phases riches en chrome [SAS97].

Tableau (1) : Caractéristiques des traitements thermiques des aciers inoxydables, d’après [SASS97].

Traitement thermique

Objectifs Processus métallurgiques mis en œuvre

Homogénéisation — Diminuer l’ampleur des ségrégations. — Obtenir une phase homogène.

Maintien à haute température (diffusion des éléments ségrégés, dissolution de précipités ou de phases intermétalliques).

Durcissement Augmenter les caractéristiques mécaniques.

— Austénitisation puis transformation martensitique. — Durcissement secondaire par précipitation.

Adoucissement — Augmenter la ductilité. — Diminuer la fragilité.

— Élimination des dislocations par restauration ou recristallisation. — Coalescence et globularisation des précipités. — Grossissement de grain. — Transformations de phase.

Détente Éliminer une partie des contraintes résiduelles

— Par abaissement de la limite d’élasticité avec la température. — Par relaxation des contraintes (fluage).

Traitements superficiels

Augmenter la dureté en surface.

Apport d’interstitiels.

Désensibilisation Supprimer la sensibilité à la corrosion intergranulaire due aux carbures de chrome.

Homogénéisation de la teneur en chrome autour des carbures (diffusion).

D’autre part, il est possible par un traitement thermique adapté d’acquérir des caractéristiques mécaniques ou une dureté non négligeables. En général, les traitements thermiques pratiqués ont des conséquences sur les propriétés suivantes : la résistance à la corrosion, les propriétés mécaniques (résistance, ductilité, fragilité), l’état de surface (oxydation superficielle, rugosité), et sur la stabilité dimensionnelle. Nous présentons dans le tableau (1) les principaux types de traitements thermiques pour les aciers inoxydables [SASS97]. 1.6 Aciers inoxydables austénitiques 1.6.1 Généralités

Le module d’élasticité des aciers inoxydables austénitiques est de l’ordre de 200 GPa et la masse volumique est 7.9 Mg/m3. Le fait que leur structure cristallographique soit de type cubique à faces centrées leur confère une ductilité et une ténacité exceptionnelles depuis les températures très basses jusqu’à plusieurs centaines de degrés Celsius. A ces propriétés essentielles, il faut ajouter une excellente soudabilité opératoire et métallurgique, ce qui en facilite la mise en œuvre.

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La nuance de base X5CrNi18-10/1.4301 (AISI 304) contient 18 % de chrome, 9,5 % de nickel et 0,05 % de carbone. La figure (9) présente les principales types des nuances de cette famille. Les développements de ces nuances sont basés sur l’influence isolée ou combinée des éléments d’alliage sur les propriétés de l’acier [CUNA00].

Figure (9) : Principaux types d’aciers inoxydables austénitiques au chrome-nickel (molybdène) dérivés de la nuance de base X5CrNi18-10 (AISI 304).

1.6.2 Traitements thermiques des aciers inoxydables austénitiques 1.6.2.1 Traitement d’hypertrempe

Ce type de traitement peut être classé dans les traitements d’homogénéisation. Il consiste en un maintien à haute température (de 1000 à 1150°C) suivi d’un refroidissement rapide. Ce traitement a pour but d’obtenir à température ambiante une phase austénitique homogène où tous les éléments se trouvent en solution solide [SAS97]. Lors du chauffage de ces aciers permettant d’obtenir une phase homogène, on cherche à mettre en solution les carbures. Cette dissolution exige un couple temps-température minimal qui ne doit pas être franchi car cela pourrait générer une croissance des grains non souhaitable (il faut rappeler que les propriétés mécaniques à l’ambiante sont plus élevées pour les structures possédant des grains austénitiques plus fins). Le refroidissement suffisamment rapide du métal permet de garder la phase austénitique à l’ambiante. Pourtant cette phase n’est pas stable thermodynamiquement : l’austénite est dans un état dit métastable et peut se transformer en phase martensitique sous l’action d’une déformation plastique, et/ou d’un simple maintien à basse température.

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1.6.2.2 Traitement antiferrite Certaines nuances d’acier austénitique sont sujettes à une solidification partielle en phase

ferritique. Le traitement antiferrite a pour but de limiter la teneur en ferrite hors équilibre due aux surconcentrations locales en éléments alphagènes, qui se manifestent pendant la solidification (ségrégation). Cette phase est généralement préjudiciable à la tenue à la corrosion et cause une fragilité de l’acier. Pour éliminer ce type de ségrégation, on utilise un traitement d’homogénéisation à une température entre 1150 et 1200 °C pendant lequel la diffusion achève son activité, suivi d’un refroidissement suffisamment lent jusqu’à la température d’hypertrempe pour transformer en austénite toute la ferrite mise hors d’équilibre par la baisse de température [SASS97, SAS97]. 1.6.2.3 Traitement thermomécanique des aciers inoxydables austénitiques

On peut augmenter les propriétés mécaniques à l’ambiante d’un acier inoxydable austénitique par le laminage. Durant le laminage à chaud, on affine le grain par des cycles écrouissage-recristallisation, ce qui permet d’augmenter la limite d’élasticité.

1.6.3 Caractéristiques physiques et propriétés mécaniques Nous allons étudier par la suite les principales propriétés des aciers inoxydables

austénitiques. Nous allons rappeler le phénomène de transformation martensitique qui peut déstabiliser la structure austénitique métastable de l’acier inoxydable austénitique.

1.6.3.1 Instabilité de l’austénite La structure austénitique dans ces alliages est parfaitement stable à haute température,

mais à la température ambiante, cette structure se trouve dans un état métastable. L’austénite n’est pas la phase d’équilibre et peut se transformer en une autre phase dite martensitique. En général, la déstabilisation de l’austénite dans ces types d’acier peut se produire par deux mécanismes de transformation martensitique : a- Par transformation martensitique due au refroidissement

Pour caractériser la stabilité de l’austénite dans ce cas-là, on utilise souvent le critère de la

température Ms, qui correspond à la température à laquelle la martensite apparaît lors du refroidissement. Pour calculer Ms d’un acier, nous avons retenu la formule de Pickering (en pourcentage massique) [CUNA00] : Ms=502 - 810%C - 1230%N - 13%Mn - 30%Ni - 12%Cr - 54%Cu - 46%Mo (3) Cette température, indépendante de la vitesse de refroidissement, est de l’ordre de -60°C pour nos échantillons. b- Par transformation martensitique due à la déformation plastique (transformation partielle)

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Ces aciers étant métastables, par la déformation plastique d’écrouissage à température ambiante, l’austénite peut, par le même mécanisme, se transformer partiellement en une structure martensitique. Pour évaluer la stabilité à la déformation d’une austénite, on utilise le critère de température Md30, qui correspond à la température pour laquelle on forme 50 % de martensite après une déformation plastique de 30 %. Pour calculer Md30, nous avons retenu la formule de Angel (en pourcentage massique) [CUNA00] : Md30= 413 - 462(%C + %N) - 9,2%Si - 8,1%Mn - 13,7%Cr - 9,5%Ni - 18,5%Mo (4) La température Md30 est un indice important pour prévoir le comportement d’un acier austénitique lors d’un essai mécanique par déformation plastique. La formation de martensite a une influence sur la déformation à froid (emboutissage, formage, etc.), [CUNA00, et d’autres] ; elle rend la déformation plastique plus difficile pour ces types d’acier [LEE00]. 1.6.3.2 Mécanismes de déstabilisation de l’austénite et caractéristiques physiques des aciers inoxydables austénitiques

Comme on a vu, les aciers austénitiques présentent, après hypertrempe, une structure

austénitique métastable à la température ambiante. Son degré de stabilité et la phase transformée sont fonction de la composition chimique et de la température. Plusieurs auteurs ont étudié l’influence des éléments d’alliage, notamment le carbone et l’azote [JAM84, NEB03, KUR01, BOT97]. L’austénite se transforme alors partiellement en martensite α’ au moment où le matériau est soumis à un écrouissage suffisant ou à un abaissement de la température. La déstabilisation de l’austénite que nous avons évoqué dans le paragraphe précédent permet à la phase austénitique de se transformer en phase martensitique α’. Cette transformation peut se produire d’une façon directe ou indirecte [DURA03]. Dans le cas de la transformation directe γ - α’, la transformation est accompagnée d’une augmentation de volume qui crée localement des contraintes de compression fortes, stabilisant l’austénite non transformée. En revanche, la transformation martensitique indirecte γ - ε- α’ passe par la forme intermédiaire ε de structure cristallographique hexagonale [MURR82, BAY89]. Cette transformation γ - ε est accompagnée d’une réduction du volume [BAY89, NEB03 ]. Aux premiers stades de plasticité, la déformation se concentre dans des bandes de glissement en raison de la faible énergie de défaut d’empilement des aciers inoxydables austénitiques, de l’ordre de 10 à 20 mJ/m² [PHI02]. La martensite ε apparaît dans les bandes de glissement, figure (10). Ultérieurement, la transformation ε −α’ dans les bandes peut s’effectuer sans création de nouvelles dislocations [DURA03]. La morphologie finale en aiguilles est liée à la séquence de formation [LAG64, BAY92]. Simultanément, la martensite α’ peut se former directement à l’intersection de deux bandes de glissement produites par l’écrouissage. Les germes ainsi formés croissent et coalescent pour former de la martensite α’ lenticulaire, comme représenté sur la figure (11), [STA83, LEE00]. Ces mécanismes décorent irréversiblement les bandes de glissement [DIA97].

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Contrairement à la martensite α’, les phases γ et ε sont paramagnétiques. En revanche, les phases α et α’ sont très ferromagnétiques.

Figure (10): La formation de la martensite ε (les plaques fines sombres), et la formation de la martensite α' (les petites zones claires à l’interaction des plaques), dans un acier 304L déformé plastiquement [DURA03].

Figure (11) : Formation de phase martensitique α’ dans l’interaction des bandes de glissement [STA83].

1.6.3.3 Méthodes de mesures des phases martensitiques et caractéristique cristallographique

Différentes méthodes permettent de caractériser et d’observer les phases qui peuvent

exister dans l’acier inoxydable austénitique 304L. Entre autres, les méthodes les plus connues et les plus sûres sont la diffraction des rayons X et l’observation microscopique. Nous allons plus loin les aborder en détail. Dans le tableau (2), on rappelle les cristallographies des trois phases :

Tableau (2) : Paramètres cristallographiques des phases dans les aciers austénitiques, d’après [PASC04].

1.6.4 Comportement mécanique et évolutions microstructurales sous déformation plastique

Pour notre étude, nous allons rappeler les études précédentes sur ces types d’acier,

essentiellement sous 2 types de sollicitation mécanique : d’abord sous sollicitation monotone, puis sous sollicitation cyclique.

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1.6.4.1 Comportements sous sollicitation monotone La proportion des différentes phases (l’austénite γ, la martensite ε et la martensite α’) dans

l’acier inoxydable est fonction de l’histoire thermomécanique antérieure et de la déformation plastique. Lorsque la déformation est faible, la quantité de martensite transformée est faible. La formation rapide de la martensite α’ durant la déformation plastique joue un rôle essentiel dans le phénomène de consolidation qui apparaît en particulier pendant l’essai de traction. Cela se traduit par une évolution significative du coefficient d’écrouissage instantané : n= dlnσ/dlnε [CUN00], figure (12). De fait, pour les aciers inoxydables austénitiques instables, n passe par un minimum puis par un maximum, figure (13).

L’existence de ces deux extremums avec les austénites instables résulte de la formation de martensite durant l’écrouissage. La valeur minimale se place légèrement en dessous du seuil de formation de la martensite, alors que la valeur maximale correspond à la déformation pour laquelle la formation de martensite est maximale figure (13). Quand la déformation atteint une valeur maximale de l’ordre de 0.25, le coefficient d’écrouissage diminue rapidement. Cet effet est lié à la saturation des phases présentes et au fait que l’écrouissage de la phase martensitique est nettement plus faible que celui de l’austénite [CUN00].

Figure (12) : Courbes contrainte-allongement obtenues par charges et décharges successives de l’acier X2CrNi18-9/1.4307 (AISI 304L).

Figure (13) : Coefficient d’écrouissage en fonction de la déformation rationnelle pour l’acier X5CrNi18-10/1.4301 (AISI 304).

1.6.4.2 Evolution de la teneur des phases martensitiques due à la déformation monotone

Mangonon [MAN70] et Botshekan [BOT97] ont étudié l’évolution des phases α’ et ε se produisant durant un essai de traction monotone sur l’acier 304. Mangonon a trouvé, à l’aide de la technique de la diffraction des rayons X et l’observation par la microscope électronique à transmission, que la phase ε apparaît dès le début de déformation et atteint un maximum à 5% de déformation [MAN70]. En revanche, la formation de phase α’, détectée par des

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Chapitre I : Aciers Inoxydables et Méthodologie

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méthodes magnétiques comme la technique de bruit de Barkhausen, ne commence qu’à partir de 20% de déformation plastique et elle perdure jusqu’à la rupture [MESZ04], figure (14). L’effet de la contrainte sur la formation de α’ a également été observé pendant un essai de compression sur l’acier304L [LEE00]. De même, sous l’effet d’une déformation multiaxiale comme le laminage, la martensite apparaît plutôt à environ 15 % de déformation [KAIN04].

Figure (14) : Taux de martensite transformé en fonction de la déformation plastique pendant un essai de traction, [MESZ04].

1.6.4.3 Comportement sous sollicitation cyclique 1.6.4.3.1 Rappel des paramètres d’essai de fatigue

Figure (15) : Schéma d’une boucle de fatigue avec les paramètres d’essai de fatigue, d’après [NEB03]

σa : amplitude de contrainte

σm : contrainte moyenne

εa,t : amplitude de déformation totale

εm,t : amplitude moyenne de déformation totale

εm,P : déformation plastique moyenne

2εa,P (∆εP) : amplitude de déformation plastique

R =σmin/σmax .

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Lors d’un essai de fatigue, on représente la variation de la déformation en fonction de contrainte dans une boucle d’hystérésis de fatigue, figure (15). Le comportement des matériaux en fatigue est généralement étudié par deux types d’essais :

- essai de fatigue à vitesse et amplitude de déformation totale contrôlée - essai de fatigue à vitesse et amplitude de contrainte contrôlée.

1.6.4.3.2 Courbes d’écrouissage cyclique et stades de fatigue Généralement, la courbe d’évolution cyclique se décompose en 3 stades, figure (16-a) :

Stade 1 : durcissement primaire sur quelques cycles à cause d’une consolidation d’importance moyenne. Ce durcissement est attribué à l'augmentation de la densité des dislocations, et aussi à la formation d'enchevêtrements de dislocations qui réduisent la mobilité des dislocations contribuant à la plasticité cyclique.

(a) (b)

Figure (16) : Courbes d’écrouissage cyclique d’un acier 304L piloté en déformation totale imposée de ±4% (a) et de ±8% (b), [PASC04].

Stade 2 : adoucissement cyclique. Cette étape est accompagnée par une haute densité des dislocations induites dans la structure, sous l'effet de déformation plastique. Stade 3 : forte consolidation jusqu’à la rupture (durcissement secondaire), figure (16-a). Ce durcissement secondaire, dans les structures c.f.c, est probablement associé à un deuxième stade d'évolution de la structure de dislocations, qui est lié à des glissements multiples devenant de plus en plus actifs [PASC04]. Parfois le premier stade (le stade du durcissement primaire) n’apparaît pas dans les courbes d’écrouissage cyclique, figure (16-b). 1.6.4.4 Evolution de la fraction des phases martensitiques et de l’endommagement due à la déformation plastique

Krupp [KUR01] montre que le taux de la phase α’ transformée est fonction de l’amplitude de déformation plastique et du nombre de cycles. Ces influences sur la nuance d’acier 301 sont représentées sur la figure (17).

Stade 1 Stade 3 Stade 2 Stade 2 Stade 3

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Figure (17) : Taux de phase martensitique transformé en fonction de l’amplitude de déformation totale et du nombre de cycles [KUR01].

Nebel, [NEB03], a suivi l’évolution microstructurale de l’acier X6CrNiTi1810 (Aisi321) sous sollicitation cyclique à une contrainte imposée de 380 MPa et à la température ambiante. Il a trouvé que l’accumulation de déformation plastique commence à partir de quelques cycles et que quelques bandes de glissement se forment. Les premières structures de martensite transformées sont observées après environ 1000 cycles, au début de l’adoucissement cyclique dans la courbe d’écrouissage. Puis les premières microfissures sont créées dans les bandes de glissement pendant la séquence d’adoucissement, figure (18). Et le taux de martensite augmente beaucoup avec le durcissement secondaire.

Figure (18) : Transformation martensitique et microsfissurations dans les bandes de glissement [NEB03].

Maeng a étudié le comportement de propagation des fissures dans deux types d’acier austénitique métastable, mais à différents degrés de déstabilisation de l’austénite, dans le 316L(0.04% N (en % massique) et dans le 316LN (0.14% N en wt%), où l’azote est un élément gammagène [MAE00]. Il a montré que la zone déformée plastiquement, le taux de phase martensitique transformé α’ et la distribution des dislocations sont des facteurs importants qui influent la propagation des fissures et la résistance à la fatigue. Il a constaté que bien que les tailles des zones déformées plastiquement soient similaires, la vitesse de croissance de fissures et la densité de dislocations sont plus importantes dans la structure présentant le plus de transformation martensitique. Il en résulte une moins bonne résistance à la fatigue [MAE00].

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Chapitre I : Aciers Inoxydables et Méthodologie

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2. Caractérisation et contrôle non destructif Les essais non destructifs regroupent l'ensemble des techniques permettant de tester des

matériaux et d'évaluer leurs aptitudes sans les détruire. De ce fait, ils ont une grande importance économique. Ils consistent à évaluer par une méthode physique (émission acoustique, ultrasons, courants de Foucault, etc.) l’intégrité d’un matériau, à y détecter d’éventuels défauts et à diagnostiquer son état de santé, sans aucune détérioration.

2.1 Ultrasons Dans cette partie nous présentons d’abord des généralités sur les mesures ultrasonores.

Puis nous présentons la synthèse bibliographique des possibilités de mesures par ultrasons dans le but d’évaluer la transformation martensitique.

2.1.1 Principe

Les ultrasons sont des vibrations mécaniques qui se propagent dans les milieux élastiques à des fréquences supérieures au seuil d’audition des sons aigus, soit environ 20 kHz. Le principe de mesure par ultrasons repose sur l’émission et la réception, via des transducteurs ultrasonores, d’ondes élastiques dans la pièce à contrôler. L’émission des ondes ultrasonores s’effectue par des transducteurs, en général piézoélectriques, qui sont connectés à une source impulsionnelle de tension. La réception de ces ondes s’effectue en deux principaux modes : le mode d’écho-réception et le mode de transmission.

Figure (19) : Méthode de contact avec ses deux modes.

En mode d’écho-réception, le transducteur sert à la fois d’émetteur et de récepteur, figure (19-a). En mode de transmission, un autre transducteur sera nécessaire pour recueillir la totalité ou une partie des ondes émises par l’émetteur, figure (19-b). Les transducteurs peuvent être collés directement sur la surface de la pièce : cette méthode de mesure s’appelle la méthode de contact, figure (19). Les mesures peuvent être aussi effectuées à l’aide d’un milieu de couplage, souvent un liquide comme l’eau : les transducteurs et la pièce se trouvent tous dans l’eau. Cette méthode de mesure s’appelle la méthode d’immersion, figure (20). L’utilisation de la technique d’immersion en transmission en incidence normale génère des ondes de volume en polarisation longitudinale, qui se propagent au sein de l’échantillon. Les mesures en immersion s’effectuent en deux temps : tout d’abord l’acquisition d’un signal dit signal de référence. C’est le signal qui parcourt le trajet entre l’émetteur et le récepteur dans le liquide, en l’absence d’échantillon. Puis un second signal est acquis : c’est le signal de mesure. Il parcourt le même trajet mais en présence de l’échantillon d’épaisseur d, figure (20).

Matériau Emetteur Récepteur

a) Mode d’écho-réception

Matériau Emetteur Récepteur

b) Mode de Transmission

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Figure (20) : Représentation schématique de mesure ultrasonore par la méthode d’immersion. Lorsque le signal propagé change de milieu, de l’eau à l’échantillon, son amplitude et sa durée seront modifiés. Ces modifications ont une influence importante sur les vitesses et les atténuations des signaux propagés dans les milieux. Généralement, le calcul de la vitesse ultrasonore s’effectue à l’aide du calcul de la différence entre les durées des signaux. Le calcul de l’atténuation ultrasonore se réalise à l’aide du rapport des amplitudes des signaux dans les deux milieux. Des méthodes permettent de mesurer le décalage temporel séparant, deux signaux, entre autres, la méthode de Hilbert et la méthode d’intercorrélation. La technique de mesure par la méthode de Hilbert est expliquée dans les thèses de Mouchtachi et Audoin [MOUCH96, AUD91]. La technique de mesure par la méthode d’intercorrélation est présentée dans la thèse de Dubuget [DUB96]. Les mesures par ces méthodes permettent de calculer la vitesse moyenne dans l’échantillon. L’utilisation de la méthode d’immersion permet déjà d’éliminer l’influence du couplage entre les transducteurs et la pièce à contrôler, et d’autre part, d’accéder aux courbes de dispersions de vitesse et d’atténuation ultrasonore, [BON00]. 2.1.2 Technique de traitement du signal par déroulement de phase

La technique de déroulement de phase est un mode de traitement du signal utilisant l’algorithme du spectre de phase. Cet algorithme se base sur l’analyse fréquentielle par la transformée de Fourier d’un signal temporel en exploitant son amplitude et sa phase. Ce mode de traitement donne accès à la vitesse et à l’atténuation au voisinage de la fréquence de mesure : on détermine donc localement les courbes de dispersion de vitesse et d’atténuation [MOU98, SAC77et PING98]. Jeong et Ping décrivent cette méthode en détail [JEONG95, PING98]. La technique de déroulement de phase nécessite l’utilisation de transducteurs à large bande. Les deux signaux, de référence et de mesure, qui sont obtenus par la méthode d’immersion, permettent de calculer la vitesse et l’atténuation ultrasonores en fonction de la fréquence. La dispersion de vitesse de phase ν1(ω) est donnée par la formule suivante :

dv

vvωφω

0

01 .1

)( ∆−=

(5)

Où ∆φ est la différence de phase déroulée entre les deux signaux, v0 est la vitesse de propagation des ondes longitudinales dans l’eau, d l’épaisseur de l’échantillon et ω=2πƒ la pulsation, où ƒ est la fréquence centrale de mesure. La vitesse de propagation des ondes dans l’eau est à corriger en fonction de la température de l’eau, qui doit rester constante durant la mesure [GROSSO72]. L’équation (7) nous permet de calculer la dispersion de l’atténuation : α(ω).

Eau

Emetteur Récepteur

Pièce

d

Signal reçu

Signal reçu

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( ) ( ) ( )( ) ( )( )d

ωGωTωα lnln0

−=− ωα (6)

Où T(ω) est le coefficient de transmission et G(ω) est le module du rapport des spectres des deux signaux, α0(ω) est l’atténuation dans l’eau et d l’épaisseur de l’échantillon [JEONG95, SHAI04, SHAIR05 ]. Comme l’atténuation dans l’eau, d’une part, est très inférieure à celle dans l’échantillon, et d’autre part, elle est très faible (de l’ordre de 0,0022 dB/cm, quand la vitesse dans l’eau est de l’ordre de 1482 m/s, [NIK03]), nous considérons donc que la valeur de α0(ω) dans la formule (7) est négligeable. 2.1.3 Etude bibliographique sur l’utilisation des méthodes ultrasonores pour la caractérisation de la transformation martensitique et de l’endommagement dans les aciers austénitiques 2.1.3.1 Généralités sur la propagation ultrasonore dans les aciers

D’un point de vue d’acousticien, les aciers sont des matériaux polycristallins qui

possèdent des microstructures complexes : présence de joints de phases et de joints de grains qui réfractent et diffusent le faisceau incident. La microstructure dépend des éléments d’alliage, du traitement thermique et de la mise en forme comme le laminage, le forgeage, etc. [BON00]. Elle a une forte influence, d’une part sur les propriétés mécaniques des aciers et, d’autre part, sur la propagation des ondes ultrasonores dans le matériau. La taille des grains est un exemple de facteur microstructural souvent étudié [NIC92]. Quand une onde élastique se propage dans un matériau polyconstitué comme l’acier, elle est considérablement plus atténuée [AHM92] que dans le fer pur monophasé [BON00]. Généralement, l’atténuation dans les aciers est due à l’anisotropie élastique des grains et des phases ainsi qu’à la présence de joints des grains, de dislocations, de microfissures [AHM92, Vary87]. En particulier, les aciers inoxydables austénitiques sont des matériaux polycristallins caractérisés par une forte anisotropie acoustique par rapport aux autres types d’acier [SEL98, KUM98]. L’anisotropie dans les structures austénitiques est due aux détails dans les grains dans les aciers austénitiques, [AHM92]. L’atténuation ultrasonore dans les aciers a deux origines : l’absorption et la diffusion. La plupart des auteurs montrent que l’atténuation par absorption dans les aciers est beaucoup plus faible que celle par diffusion [CHASS00, BADI03, KUM98]. L’atténuation par absorption est due à la présence de dislocations [VARY87, GEN86] et à l’anélasticité [KUM98]. L’atténuation par diffusion est plutôt sensible, entre autres, à la distribution de taille des grains, [Badi02 Kum98] à leur orientation et à leur rapport d’aspect [AHM92, CHASS00]. L’atténuation par diffusion peut se diviser en trois zones. Si la longueur d’onde des ultrasons est beaucoup plus petite que la taille moyenne des grains (λ << D), l’atténuation est dans la domaine de diffusion (Diffusion Scattering). Quand la longueur d’onde est proche de la taille moyenne des grains (λ ≈ D), l’atténuation suit la loi stochastique (Stochastic Scattering). Dans le cas où la longueur d’onde des ultrasons est beaucoup plus grande que la taille moyenne des grains (λ >> D), la diffusion suit la loi de Rayleigh (Rayleigh Scattering) [SMITH81]. Dans le domaine de Rayleigh, l’atténuation globale α(f) est donnée par la formule suivante :

α(f) = a1.f+a2.D3.f4 (7)

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où : a1 est une constante d’absorption, a2 est une constante de diffusion, f est la fréquence et D la taille moyenne des grains. Cette formule combine une atténuation par absorption proportionnelle à la fréquence et une atténuation par diffusion de Rayleigh proportionnelle à la taille moyenne des grains [BADI03, SMITH81 et NIC92]. 2.1.3.2 Relation microstructure/ultrasons dans les aciers

Plusieurs auteurs ont utilisé les méthodes ultrasonores pour identifier la relation

microstructure/ultrasons dans les aciers. Dans la suite, nous allons les passer en revue.

2.1.3.2.1 Relation entre la taille des grains et la propagation des ultrasons La plupart des études expérimentales étudient la relation entre microstructure granulaire et

propagation des ultrasons dans différents types d’acier. Ainsi Petculescu, [PET98], grâce à la microscopie acoustique (faisceau convergent), distingue des microstructures austénitiques de tailles de grains différentes. Badidi constate que la vitesse des ondes transversales et longitudinales ainsi que les atténuations associées sont très sensibles à la variation de la taille des grains dans des microstructures d’acier constituées de perlite et de ferrite, figures (21 et 22) [BADI03]. De plus, ces caractéristiques ultrasonores sont aussi influencées par la transformation martensitique [BADI00]. Les mesures ultrasonores ont été réalisées sur un échantillon soumis à un essai de trempabilité dit Jominy. Ce type de traitement thermique permet de faire varier la vitesse de refroidissement selon l’axe longitudinal de l’échantillon. Cette variation en vitesse de refroidissement permet de faire varier la taille des grains de cette microstructure. Avec une vitesse de refroidissement suffisamment rapide, la microstructure va se transformer en martensite.

Figure (21) : Variation de la taille des grains en fonction de la position dans un échantillon en acier

XC38H2 après l’essai de Jominy, d’après [BADI03]. Ces variations en microstructure introduisent des variations de microdureté le long de l’échantillon. Ces études ont été réalisées sur des aciers au carbone XC38H2 en utilisant la méthode d’immersion en mode écho avec un transducteur de 10 MHz [BADI00]. L’atténuation suit la loi de Rayleigh [BADI03].

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Figure (22) : Evolutions des différents termes ultrasonores en fonction de la distance sur l’échantillon après l’essai de Jominy, comme les vitesses et les atténuations longitudinales et transversales, d’après

[BADI03].

Figure (23) : Mesures ultrasonores sur différentes structures transformées après traitement thermique de

l’acier SAE4150, d’après [PAPA65].

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Papadakis [PAPA65] a exploité la méthode de mesure de l’atténuation ultrasonore dans le but de contrôler des pièces en acier SAE4150 après un traitement thermique. Il a trouvé que les microstructures trempées correctement (transformation martensitique réussie) ont des valeurs d’atténuation plus faibles de celles transformées en bainite ou que celles qui n’ont pas été transformées et sont restés en structure constituée de perlite et de ferrite, figure (23) [PAPA65]. Bongyoung a étudié des aciers au carbone de différentes nuances allant de 0.04% C à 0.8% C, soumis à différents traitements thermiques. Il a utilisé la méthode d’immersion en mode de contact pour mesurer la dispersion de l’atténuation dans une zone de fréquence allant de 3 MHz à 15 MHz. Il a trouvé que l’atténuation augmente avec la taille des grains, qu’elle augmente également avec la fréquence. Lorsque la taille moyenne des grains est faible, inférieure de 80µm, l’atténuation par diffusion est dans le domaine de Rayleigh. Lorsque la taille est supérieure à 80µm, elle suit la loi stochastique, figure (24) [BON00]. La dépendance de l’atténuation à la fréquence a été aussi constatée par Smith [SMITH81] et Cherrouf [CHER00]. De plus, la tendance à l’augmentation de l’atténuation avec la taille moyenne des grains a été aussi remarquée par Kumar [KUM98] sur l’acier inoxydable austénitique 316 en utilisant la méthode de contact en mode d’écho.

Figure (24) : Changement de domaine de dépendance de l’atténuation en fonction de la taille moyenne

des grains, d’après [BON00]. Pour montrer aussi la relation entre les ultrasons et la taille des grains, une étude plus générale a été effectuée par Cherrouf [CHER00] sur différents types d’acier : peu alliés, alliés et fortement alliés. Il a appliqué la méthode d’immersion en mode écho en utilisant des transducteurs de 5, 10 et 15 MHz sur différentes microstructures d’acier : une structure essentiellement ferritique avec un peu de perlite, une structure essentiellement austénitique avec un peu de martensite et une structure à mélange de ferrite et de perlite. La variation de la taille des grains est obtenue par un traitement thermique d’homogénéisation suivi d’un refroidissement suffisamment lent. Les résultats montrent que la vitesse longitudinale et l’atténuation sont très influencées par la variation de la taille des grains dans toutes les structures. Et les atténuations dans toutes les structures dépendent du domaine de Rayleigh. Cependant la plus faible évolution ultrasonore est dans la structure à base austénitique. Cette

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faible évolution est causée par la faible variation de taille des grains obtenue par ce type de traitement [CHER00] et également par la forte anisotropie de la microstructure austénitique [CHASS00]. D’autres études confirment que la dépendance des mesures ultrasonores à la taille des grains est modérée. Palanichamy a trouvé pour l’acier 316 que lorsque la taille moyenne varie de 63 µm à 168 µm la vitesse transversale diminue de 3150 m/s à 3110 m/s, et que la vitesse longitudinale diminue de 5690 m/s à 5660 m/s. Il constate que la vitesse est la plus faible lorsque la structure est martensitique. Ces mesures ont été effectuées en utilisant la méthode de contact en écho avec un transducteur de 2 MHz. L’atténuation dépend du domaine de Rayleigh. Il conclut que la vitesse des ondes transversales est plus sensible que celle des ondes longitudinales en dépit de leur très faible variation. Contrairement aux autres auteurs, il met en évidence que l’atténuation est sensible à la taille moyenne des grains, mais que cette sensibilité est perturbée par l’hétérogénéité dans la répartition de leurs tailles [PALA95]. Cette perturbation due à l’hétérogénéité de la taille des grains a été aussi confirmée par les résultats de Smith obtenus sur l’acier à bas carbone en utilisant la méthode de contact en mode écho et avec un transducteur de 50 MHz [SMITH81]. Quant à Jen, il montre que l’existence des grains en forme d’aiguille dans une structure et l’anisotropie dans l’orientations des grains augmentent l’anisotropie d’un alliage, ce qui influe sur l’atténuation [JEN95]. D’autres résultats sur les aciers inoxydables austénitiques confirment que la variation de la vitesse ultrasonore due au changement de microstructure, la taille moyenne des grains est dans l’ordre de 50µm, est faible et qu’elle ne serait pas exploitable. Augereau [AUG98] a trouvé que l’évolution de la vitesse longitudinale dans l’acier 304L est très faible, de l’ordre de 60 m/s, quand le module de Young varie de 186 GPa à 203 GPa sous l’effet du laminage et du traitement thermique de l’austénitisation. Il a constaté que ces mesures ne sont pas significatives car l’incertitude des mesures était de l’ordre de 50m/s. 2.1.3.2.2 Relation in-situ transformation martensitique/ultrasons

Une étude pertinente pour notre travail est le suivi ultrasonique de la transformation

martensitique des alliages à mémoire de forme. Ces alliages sont caractérisés par la présence d’une seule phase d’équilibre, l’austénite. Cette phase peut se transformer réversiblement en une autre phase, la martensite, sous l’effet d’un traitement thermique ou sous l’effet de la déformation plastique. Le principe de mesure par ultrasons sur ces alliages peut être exploitable pour notre étude sur les aciers inoxydables austénitiques, en essayant d’isoler la transformation martensitique des autres phénomènes qui peuvent se produire pendant la déformation plastique. Landa a étudié la transformation martensitique in-situ pendant des cycles de contrainte de compression dans l’alliage CuAlNi. Il a utilisé la méthode de contact en mode de transmission avec des transducteurs de 10 MHz. Il a trouvé que la vitesse ultrasonore augmente pendant la transformation martensitique, alors que l’atténuation baisse considérablement. Il a constaté que les variations des vitesses sont relativement faibles, et que l’atténuation dans la martensite est inférieure à celle dans l’austénite [LAN99]. 2.1.3.3 Relation comportement cyclique/ultrasons

Une autre étude intéressante menée sur un acier perlitique en utilisant le mode écho avec des transducteurs de 5 MHz, a pour objectif l’étude du comportement en fatigue [SHA02].

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Chapitre I : Aciers Inoxydables et Méthodologie

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Elle a trouvé que la vitesse et l’atténuation évoluent fortement (l’atténuation augmente et la vitesse diminue) au cours des premiers 10% de la durée de vie. Elles sont fonctions de la densité de dislocations Λ et de la longueur de boucle de dislocation L. Autrement dit, l’évolution ultrasonore est très influencée par la mobilité des dislocations. Cette dernière diminue au cours de l’essai. Au-delà, l’évolution ultrasonore devient moins significative. Il a trouvé aussi que la vitesse et l’atténuation ultrasonores ne sont pas influencées par la création et le grossissement des microfissures.

2.1.4 Conclusion A travers ces études expérimentales liées aux ultrasons, nous trouvons que les mesures

ultrasonores sont très influencées par les effets des changements des microstructures dans les aciers. Elles dépendent beaucoup de la taille moyenne des grains, mais ces mesures sont aussi influencées par l’anisotropie dans les tailles, la distribution et les orientations des ces grains. La dispersion de l’atténuation est aussi fonction de taille moyenne des grains. Et cette dispersion est fonction du rapport longueur d’onde/taille des grains.

Nous constatons que l’usage d’une méthode ultrasonore est possible mais doit être particulièrement sensible, en particulier dans la mesure où la microstructure de notre acier austénitique est déjà caractérisée par une forte anisotropie.

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Chapitre I : Aciers Inoxydables et Méthodologie

41

2.2 Emission acoustique L’émission acoustique (EA) est une technique non destructive qui permet en temps réel de

suivre l’évolution d’un matériau sollicité. Elle est capable, entre autres, de juger l’intégrité de structures en service dans le but de prévoir leur durée de vie.

2.2.1 Principe de la technique d’émission acoustique

2.2.1.1 Définition Selon la norme française AFNOR, l’émission acoustique est le «phénomène de création

d’ondes élastiques transitoires résultant de microdéplacements internes dans un matériau» [ROG88]. Les ondes élastiques peuvent être crées par différents mécanismes appelés : sources d’émission acoustique. La source peut être le mouvement coopératif des dislocations, la transformation de phase, la création et la croissance de fissures. Les ondes acoustiques se propagent jusqu’à la surface, puis comme ondes de surface jusqu’aux capteurs piézo-électriques utilisés pour les détecter (figure 25).

Figure (25) : Un schéma du dispositif d’émission acoustique.

2.2.1.2 Acquisition des signaux d’émission acoustique Les signaux d’émission acoustique sont détectés à l’aide des capteurs piézo-électriques

qui sont posés sur la surface de l’échantillon. Le couplage est assuré, le plus souvent par l’utilisation d’un gel de silicone. Généralement, deux types de capteurs sont utilisés en émission acoustique : les capteurs à large bande et les capteurs résonnants. Les capteurs à large bande ont l’avantage de ne pas modifier la forme réelle du signal. En revanche, ils possèdent une faible sensibilité. Les capteurs du deuxième type sont dits «résonnants» : ils ont une bande passante moins large, autour d’une fréquence de résonance. Cette caractéristique entraîne une atténuation des composantes fréquentielles situées hors de la bande passante, ce qui modifie l’allure des signaux. Quant on utilise les capteurs résonnants, afin de détecter les sources d'émission acoustique, il est nécessaire de choisir un capteur d'émission acoustique de fréquence de résonance proche de la fréquence du signal d’émission acoustique produit par la source. 2.2.1.3 Paramètres caractéristiques des signaux d’émission acoustique

L’émission acoustique existe selon deux modes : l’émission acoustique dite continue et

l’émission acoustique dite discontinue ou discrète. Le signal d’émission acoustique

Système d’EA

Pré-amplificateur

Capteur Signal

Source

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discontinue est aussi appelé salve. Il a l’allure d’une onde sinusoïdale amortie, clairement résolue en temps, figure (26-a). L’émission de type continu est un ensemble d’émissions discrètes dont les signaux très rapprochés ne peuvent pas être séparés, figure (26-b).

(a) (b) Figure (26) : a-Les principales caractéristiques d'un signal discret ; b-Une partie d’un signal continu.

L’émission discrète est associée à des sources discrètes comme l’amorçage ou la croissance de fissures. L’émission de type continue est associée à des sources présentes dans tout l’échantillon et constamment actives durant la déformation, comme les mouvements collectifs de dislocations ou la formation des bandes de glissement [VAN04]. Globalement, une salve est caractérisé par les paramètres suivants : figure (26-a) - le nombre de coups : le nombre de fois où le signal dépasse le seuil d’acquisition sur toute sa durée, - l’amplitude maximale : l’amplitude crête du signal, exprimée en décibels (dB), - l’énergie du signal : exprimée en attojoule (aJ). - la durée de la salve : le temps qui sépare le premier et le dernier dépassement de seuil, exprimée en microsecondes. - le temps de montée : le temps entre le premier dépassement de seuil et le pic d’amplitude maximale, exprimé en microsecondes. - le nombre de coups au pic : le nombre de franchissements de seuil par le signal entre le premier dépassement de seuil et l’amplitude maximale. - la fréquence moyenne : le nombre de coups d’une salve divisé par sa durée. - la fréquence à la montée : le nombre de coups à la montée divisé par le temps de montée. - la fréquence à la descente : le nombre de coups à la descente divisé par le temps de décroissance du signal. L’activité de type continu est caractérisée principalement par la mesure de la tension efficace du signal. 2.2.1.4 Analyse statistique des données d’émission acoustique et présentation de segmentation des données par la technique par k-moyennes

Diverses méthodes mathématiques [LIP87, JAI00 et LIND] permettent l’analyse

statistique de données selon plusieurs paramètres pris en compte simultanément. En effet, il est souvent nécessaire après collecte d’information de disposer de méthodes permettant de

Durée

Temps Seuil

Temps de montée

Amplitude maximale

Nombres de coups

Amplitude

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définir les ressemblances ou les différences entre les données en analysant non pas un paramètre caractéristique mais n paramètres, appelés aussi descripteurs. L’extraction, parmi de grandes quantités de données, de critères de reconnaissance de classes est le principe fondamental de disciplines très variées telles la reconnaissance d’écriture, la bioreconnaisance, l’analyse des données météorologiques, la prévision de faillites d’entreprises, la classification de documents … En émission acoustique, les techniques d’analyse statistique multivariable permettent de différencier et de classer des signaux [YAN99, OTS87, JOH02, HUGU02 et GOD05] en tenant compte simultanément de tous les descripteurs. L’utilisation de ces méthodes peut apporter des informations très importantes sur la signature acoustique des différents mécanismes sources dans les matériaux. Bien que la bibliographie ne montre aucune utilisation de telles techniques sur les aciers inoxydables, elles ont souvent été utilisées dans plusieurs classes des matériaux par de nombreux auteurs. Entre autres, Thummen [THU04] a utilisé la technique de classification par k-moyennes sur les bétons. Huguet [HUG02] l’a utilisé sur les composites à matrice polymère. On regroupe les classificateurs en deux catégories : supervisés et non supervisés. Le terme de classifications non supervisées signifie que les classes ne sont pas connues a priori par l’utilisateur. L’application de telles méthodes se fait généralement en deux étapes : 1) l’emploi d’algorithmes permettant la réduction des données 2) représentation graphique des classes. Nous pouvons citer l’analyse en composantes principales, les k-moyennes, la carte de Kohonen. Les méthodes supervisées, quant à elles, nécessitent un jeu de données déjà identifié pour construire le modèle statistique. Les classes sont connues par l’utilisateur. Nous pouvons citer les techniques de l’analyse de Fisher, les k-plus proches voisins, LVQ (Learning vector quantization), multi-layer perceptron (MLP) qui est un réseau de neurones en couches.

Pour résoudre certains problèmes complexes, il peut s’avérer utile de commencer par segmenter les données c’est à dire les diviser en classes. C’est l’objet de la méthode des k-moyennes (k-means en anglais) [LIK03 et NG00]. Cette méthode fait partie de la famille d'algorithmes de classification dit à "centres mobiles". Elle est très simple à mettre en œuvre et très utilisée. C’est une méthode itérative de partition des données par minimisation de la variance intra-groupe. La segmentation des données ou la division en classes est une tâche non supervisée qui ne nécessite pas de phase d’apprentissage. Il est seulement nécessaire de préciser le nombre de classes k qu’on désire obtenir au terme du groupement.

Dans notre problématique, un échantillon de données consiste en N signaux d’EA. Chaque signal est représenté par un vecteur X qui est constitué de n paramètres (X1,…,Xn). Les composantes du vecteur sont les paramètres extraits des signaux : amplitude, temps de montée, énergie… Ces variables sont centrées et réduites avant classification. A la fin de la classification, une classe noté Cj est un ensemble de nj signaux d’émission acoustique ayant des caractéristiques proches.

La procédure de classification consiste en une succession d’étapes : 1) choix du nombre k de classes ; 2) initialisation des centres des k classes Ck de façon aléatoire ; Pour tous les signaux d’EA :

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3) calcul de la distance séparant chaque vecteur ou signal d’EA X aux centres des k classes ;

4) affectation des vecteurs d’entrée X à une des k classes selon le concept de classification suivant, recherche du minimum de la distance euclidienne,

X ∈ Cj si ||X-Xj|| < || X-Xi|| ∀ i∈ [1,k], i≠j 5) évaluation des nouveaux centres des clusters à la fin de cette étape d’itération où tous

les signaux d’émission acoustiques ont été affectés à une classe ; 6) si les centres des classes sont stables, alors l’algorithme a convergé et la procédure est

terminée ; dans le cas contraire, on répète les opérations de 3 à 5. Le point faible de cet algorithme est que le résultat peut être fonction du point de départ

choisi pour l’initialisation des centres des classes. Après l’application de l’algorithme, d’autres techniques ou des expertises doivent être

utilisées pour dégager les significations physiques des classes.

2.2.2 Revue bibliographique du suivi de la transformation martensitique et de l’endommagement par émission acoustique

Pendant la déformation plastique des aciers inoxydables austénitiques, différents

mécanismes peuvent se produire séparément ou simultanément. Globalement, il s’agit de fissuration, de rupture ou de décohésion d’inclusions, de transformation martensitique et de mouvements de dislocations. Avant l’utilisation de la méthode d’émission acoustique, la première question que l’on se pose est : «est-ce que le mécanisme à étudier produit des émissions acoustiques détectables par un dispositif existant ?».

Pour qu’un mécanisme soit détectable par émission acoustique, il faut qu’il libère une énergie suffisante pendant une courte période de temps. Savoir l’origine exacte de l’émission acoustique est très important. Et connaître les sources d’émission acoustique est primordial pour identifier les mécanismes susceptibles d’être associés à cette émission. Plusieurs études ont été réalisées pour caractériser, à l’aide de l’émission acoustique, la transformation martensitique et l’endommagement dans les aciers inoxydable austénitique. Nous abordons, dans la suite, les études les plus importantes ainsi que celles qui sont les plus proches de notre problématique. 2.2.2.1 Emission acoustique lors de la transformation martensitique dans les alliages à mémoire de forme

Des études ont utilisé l’émission acoustique pour étudier la transformation martensitique dans les alliages à mémoire de forme [NOV99, CERN04, VAN04]. Le point intéressant de cette transformation est qu’elle de type displacive (réversible), elle se produit par le même mécanisme que la transformation martensitique dans les aciers austénitiques (irréversible), mais avec un niveau d’énergie très faible [DURA03, CRE00]. Le caractère continu ou discontinu de l’émission est discuté : Novak [NOV99] et Cernoch [CERN04] affirment qu’elle est discontinue. Au contraire, Van Bohemen [VAN04] la traite comme une émission continue.

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Straka [STRA04] a étudié la transformation martensitique pendant un essai de compression et pendant des cycles thermiques dans un alliage de type Ni-Mn-Ga, en analysant le nombre de salves par unité de temps dNe/dt, le nombre de coups par salve dNc/dt et la distribution des amplitudes. Lorsque la phase est austénitique, l’activité acoustique est inexistante pendant la charge de l’essai de compression et pendant le cycle thermique. Par contre, la martensite est très émissive durant la phase de réorientation de l’axe C d’anisotropie magnétique, puis reste active pendant la charge et la décharge et peu active pendant le cyclage thermique. L’activité acoustique est plus importante pendant la compression que pendant le cycle thermique, parce qu’elle est accompagnée de la formation de macles. Pendant l’essai de compression, le niveau de signal de l’émission acoustique est plus élevé pendant la décharge que pendant la charge. Cette différence des niveaux des signaux pourrait être due aux processus qui accompagnent le mécanisme réversible de la transformation martensitique dans ces alliages [STRA04].

(a) (b) Figure (27) : Comportement en activité acoustique de la transformation martensitique dans des alliages à mémoire de forme à base de 47,5% de l’or, d’après [LIP69]. a- Nombre de coups cumulé en fonction de la température, b- Nombre de coups par unité de temps en fonction de la température.

Cernoch [CERN04] a aussi associé la technique des ultrasons en immersion pour suivre la transformation martensitique dans les alliages de CuAlNi. Il a trouvé que l’atténuation ultrasonore en fonction de la contrainte appliquée suit une tendance similaire à celle du nombre de coups cumulés en fonction de la contrainte. Liptai [LIP69] a mis en évidence que le volume de la zone transformée est proportionnel au nombre de coups cumulé et que le nombre de coups par unité de temps est une mesure de la cinétique de la transformation. Les premiers signaux d’émission acoustique sont un indicateur sensible de début de la transformation martensitique. Il a aussi montré que la quantité de phase martensitique transformée pendant le refroidissement est différente de celle transformée pendant le chauffage, figure (27). Cette étude a été effectuée sur des alliages à mémoire de forme à base de 47.5% d’or, le signal d’émission acoustique a été acquis dans l’intervalle de fréquence allant de 90 à 150 kHz.

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Van Bohemen [VAN04] a aussi étudié ce type de transformation dans des alliages d’aluminium au cuivre. Il a suivi le comportement de l’énergie de l’activité acoustique à l’aide de la mesure de la tension efficace du signal URMS.

UdtdE AE

2α (8)

Où dtdEAE est le taux d’énergie acoustique libérée.

UU RMS=

2

(9) U RMS est la valeur de tension efficace du signal de type continu. Pour cet alliage, la transformation commence à la température de « martensite start » de 25°C et se termine à la température de « martensite finish » de 0°C. Il a remarqué que le niveau d’énergie du signal augmente rapidement dès que la température atteint la température de « martensite start », passe par un maximum puis redescend à zéro à la température de « martensite finish », figure (28) [VAN04].

Figure (28) : a- Comportement de l’activité acoustique en terme d’énergie pendant le refroidissement. b- Courbe de refroidissement d’alliage à mémoire de forme CuAl-based, d’après [VAN04].

2.2.2.2 Emission acoustique lors de la transformation martensitique obtenue par refroidissement

D’autres études intéressantes ont utilisé l’émission acoustique pour étudier la

transformation martensitique pendant le traitement thermique de différents alliages en acier [SPEICH72, MUK94, VAN03], ainsi que pendant le soudage [VAN02]. Speich [SPEICH72] a étudié, pendant le refroidissement d’un alliage Fe-28Ni-0.11C, la transformation martensitique. Il a suivi l’évolution du nombre de salves en fonction de temps et du nombre de coups par unité du temps et aussi par unité de volume. Il montre que la transformation martensitique crée des ondes élastiques transitoires qui se propagent dans le matériau. Le mécanisme de cisaillement displacif et l’augmentation de volume sont les

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responsables de l’émission acoustique. Et il montre aussi que l’énergie de ces ondes est proportionnelle au volume de la zone transformée, figure (29) [SPEICH72].

Figure (29) : fV ) fraction volumique totale de la martensite transformée et NV ) Nombre de coups générés

par unité de volume, en fonction de la température, d’après [SPEICH72].

Mukhopadhyay [MUK94] a étudié l’évolution de l’émission acoustique lors de la transformation martensitique au cours du refroidissement de l’acier 304. Les résultats ont été présentés à l’aide de la mesure de URMS en fonction de temps. Il n’a détecté aucun signal d’émission acoustique dans les échantillons qui n’ont pas subi de transformation martensitique. En revanche, il a pu en détecter dans ceux qui ont subi une transformation martensitique. Il n’a pu distinguer par la méthode d’émission acoustique la germination et la croissance de la martensite. En effet, la transformation martensitique est de type displacif. Van Bohemen a étudié la transformation martensitique pendant le refroidissement des aciers au carbone de type : C60, C70 et C80 [VAN03]. Lors du refroidissement, il a suivi le comportement de l’énergie acoustique exprimée à l’aide de la tension efficace. Il a remarqué la même tendance que celle obtenue dans les alliages à mémoire de forme. Le niveau d’énergie du signal augmente très rapidement dès que la température de l’acier atteint la température de début de la transformation martensitique, Ms=282°C pour l’acier C60. Puis le niveau d’énergie continue à augmenter jusqu’à arriver au maximum, figure (30-a, et 30-b). Lorsque la température du matériau arrive à la température ambiante pour laquelle la transformation se termine, le niveau du signal redevient très faible (presque nul : le niveau de seuil), figure (30-b). Il a trouvé pour ces types d’acier, ainsi que pour les alliage à mémoire de forme, que l’énergie totale libérée est fonction de la quantité de la martensite transformée. Plus la quantité de la martensite transformée augmente (fonction du pourcentage en carbone dans l’acier : cas C70 et C80), plus l’énergie libérée pendant cette transformation augmente.

U2est proportionnelle à dt

dv , avec v le volume de martensite transformée dans l’échantillon.

A l’aide de la mesure de la tension efficace du signal, il a calculé le taux de transformation

martensitique dtdf , Udt

df 2α et ensuite évalue la fraction de martensite f (figure 31).

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Van Bohemen a aussi étudié ce type de transformation pendant le procédé de soudage sur un acier de type C45 [VAN02]. Il a aussi suivi le comportement de l’énergie acoustique à l’aide de mesure de URMS (dépouillement en émission acoustique continue).

(a) (b)

Figure (30) : a- Courbe de température-temps de refroidissement de l’acier C60 après un maintien de 10s à la température de l’austénitisation (850°C), b- Energie libérée pendant le refroidissement [VAN03].

(a) (b)

Figure (31) : a- Variation, en fonction du temps, de la vitesse de transformation martensitique au cours de refroidissement de l’acier C60. b- Variation, en fonction du temps, du pourcentage de la martensite transformée pendant le refroidissement de même acier [VAN03].

2.2.2.3 Emission acoustique lors de la transformation martensitique obtenue par la déformation plastique

Pendant la déformation plastique d’un acier inoxydable austénitique, deux principaux

phénomènes se produisent : la transformation martensitique et l’endommagement. Comme nous avons vu dans le paragraphe (1.6.3.1), la transformation martensitique est due à la déstabilisation de l’austénite dans la structure de cet acier (métastable).

James [JAM84] a utilisé la technique d’émission acoustique pour détecter la transformation martensitique pendant un essai de traction sur deux types d’échantillons d’aciers : le 304 et le 304L. Des traitements thermiques ont permis d’étudier différentes microstructures. Les signaux d’émission acoustique sont traités en analysant le nombre d’événements par unité de temps et le nombre de coups par unité de temps. Deux types d’activité acoustique ont été observés, figure (32). Le premier (figure (32-a)) a été accompagné par un important taux de transformation martensitique, de l’ordre de 47 % de martensite α’ ; l’autre (figure (32-b)) a

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été accompagné par très peu de transformation martensitique, de l’ordre de 4%. L’observation microscopique montre dans l’échantillon faiblement transformé que les signaux d’émission acoustique de faible énergie enregistrés au début de l’essai sont dus à la formation de bandes de glissement. Le maximum des bandes de glissement a été observé lors du pic d’activité acoustique, figure (32-a).

(a) (b)

Figure (32) : Suivi de l’activité acoustique pendant un essai de traction. a) accompagné par très peu de transformation martensitique (acier 304), b) accompagné par un important taux de transformation martensitique (acier 304L). D’après [JAM84].

En revanche, l’échantillon fortement transformé ne présente que quelques pics, tardifs, d’émission acoustique, figure (32-b). Aucune bande de glissement n’a été observée. L’interprétation de James est que la transformation martensitique est peu énergétique et accommode la déformation plastique, ce qui empêche la production de signaux énergétiques d’émission acoustique comme ceux liés à des mouvements collectifs de dislocations dans les bandes de glissement. Des auteurs ont suivi l’émission acoustique pendant la transformation martensitique due à la déformation plastique [JACQ01 et VAN04]. Ils montrent que l’émission acoustique peut être générée pendant la transformation martensitique mais d’une façon indirecte. Contrairement à l’avis de Speich [SPEICH72] et celui de Liptai [LIP69] qui affirment que le cisaillement displacif et l’augmentation de volume de martensite sont les responsables de l’émission acoustique, eux y voient l’effet des mouvements des dislocations pendant la déformation plastique [JACQ01 et VAN04]. Le mouvement d’une dislocation d’une vallée de Peierls à la suivante nécessite l’apport d’une petite contrainte élastique, qui est libérée dès l’obstacle franchi. Mais seul le mouvement collectif d’un grand nombre de dislocations (sur une bande de glissement) peut engendrer une émission détectable. L’émission acoustique n’est pas proportionnelle à la densité totale des dislocations ou à la densité de dislocations mobiles, mais probablement à la dérivée temporelle de la densité des dislocations mobiles. Celle-ci croît fortement lors de la transition élasto-plastique, puis diminue [JACQ01 et VAN04]. De fait, Jacques [JACQ01] montre que plus la déformation plastique progresse, plus la densité des obstacles et des dislocations immobiles augmente, ce qui conduit à la diminution des mouvements collectifs de dislocations et rend leur émission acoustique indétectables. Jacques [JACQ01] a suivi l’émission acoustique en terme de ASL (Average signal level ) sur des aciers de type Trip. Les Trip's ont une microstructure multiphases : une matrice ferritique avec un peu de bainite, d’austénite résiduelle et parfois de la martensite. Pendant un essai de traction, il a étudié le comportement de ces aciers sous l’effet de transformation martensitique de l’austénite résiduelle. Il a trouvé que la martensite transformée induite par la déformation

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plastique augmente le module d’Young (E) de ce type d’acier. Cette augmentation est due aux dislocations qui jouent le rôle de renforcements dans la matrice ferritique. Cette martensite transformée sollicite aussi, via ces dislocations, des activités acoustiques intenses. Van Bohemen [VAN04] montre que les transformations displacives dues à l’effet thermique et celle dues à la déformation plastique ont un effet similaire sur l’émission acoustique. Il soutient le raisonnement que les mouvements des dislocations sont responsables de l’émission acoustique. Pendant la déformation plastique, la martensite transformée est accompagnée par des mouvements des dislocations, ces mouvements sont la principale cause d’émission acoustique. Du fait des discontinuités en mouvement de ces dislocations, leurs mouvements sont conservés et accumulés pour les mécanismes de formation des lattes ou des plaques de martensite. Ces mécanismes sont également des sources supplémentaires de petits événements d’émission acoustique en grand nombre. Distinguer l’émission des dislocations géométriquement nécessaires qui accompagnent le cisaillement displacif de celle des bandes de glissements dues à la déformation plastique s’avère difficile ou impossible. Il a confirmé que l’énergie de l’émission acoustique générée par unité de volume est proportionnelle au pourcentage d’austénite transformée en martensite. La constante de proportionnalité K est très corrélée à la densité des dislocations induites dans les différents types des matériaux étudiés. La cinétique de la transformation martensitique dépend plutôt de la germination de martensite, car le grossissement des cristaux martensitiques pendant la transformation displacive, se produit très vite, de l’ordre de 100 m/s. La germination de phase martensitique se produit d’une manière hétérogène sur un défaut dans la phase mère. Ces défauts sont souvent les inclusions et les joints de grains, cette nouvelle phase est semi-cohérente avec la phase d’origine. Le grossissement se produit dans les bandes de glissement. Il a confirmé également que le signal d’émission acoustique pendant les mécanismes de déformation plastique et de transformation martensitique est de type continu. Il montre que l’analyse fréquentielle de l’émission acoustique est intéressante. Il a pu identifier deux mécanismes responsables de transformations displacives dans deux types d’aciers au carbone et TRIP : la transformation martensitique et la transformation bainitique. Il a trouvé que la fréquence moyenne des signaux d’émission acoustique associés à la transformation martensitique est inférieure à ceux de la transformation bainitique, ce qui signifie que la durée des événements sources par la transformation bainitique est inférieure à celle des événements sources par la transformation martensitique [VAN04, VAN01, VAN02]. 2.2.2.4 Identification de la signature acoustique de l’endommagement

Dans le but d’identifier des sources d’émission acoustique, Daniel [DAN88] a instrumenté un essai de chargement cyclique en traction sur des éprouvettes de type DCB en acier 304. Les signaux d’émission acoustique sont caractérisés par leur énergie, en mesurant l’aire de l’enveloppe sous le signal. Très peu de martensite a été transformée à la pointe de fissure et peu d’émission acoustique a été enregistrée. Cette libération n’est pas due à la transformation martensitique mais aux autres sources : la formation des bandes de glissement, la décohésion inclusion / matrice et la croissance des fissures. L’énergie du signal d’émission acoustique est fonction de la vitesse de déformation et la zone endommagée ; plus la vitesse de déformation est grande, plus le signal est énergétique. Les macles n’émettent pas assez d’émission acoustique. Les bandes de glissement produisent une émission acoustique de faible amplitude. Le signal d’émission acoustique pendant l’amorçage d’une fissure produit une énergie d’émission acoustique plus

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importante que celle produite pendant sa croissance. La propagation des fissures se produit par micro-coalescence. Il a aussi montré que le traitement des signaux d’émission acoustique par la forme d’ondes et l’analyse fréquentielle apparaît important pour identifier et distinguer les différents mécanismes. L’analyse du spectre fréquentiel montre que la fréquence maximum du spectre est inversement proportionnelle à la durée d’un événement [DAN88]. 2.2.2.5 Analyse en loi de puissance

D’autres études intéressantes ont été réalisées sur les alliages à mémoire de forme, elles

sont basées sur les études des comportements des distributions de différents paramètres d’émission acoustique comme l’amplitude, la durée et l’énergie des signaux libérés.

Vives [VIV94, VIV95] montre que la transformation displacive, qui peut être décrite par une transformation de phase de premier ordre, se produit par la relaxation du système d’un état métastable à un autre état plus stable. Cette relaxation se produit via des avalanches qui sont associées à la dissipation d’énergie. Les distributions de ces avalanches peuvent suivre des lois puissances. Ses études sur l’alliage Cu-Zn-Al (Cu-13,7% Zn-17 Al at.%) pendant les cycles thermiques montre d’une manière séparée que les distributions de l’amplitude et la durée des avalanches d’émission acoustique suivent des lois puissances : p(A) ∼ A-α et p(T) ∼ T-τ respectivement. Il montre que la transformation martensitique est caractérisée par un certain état critique, cet état est dû au désordre intrinsèque dans le système. Le désordre dans ces systèmes peut être dû à deux origines, le premier est le désordre statique associé à l’effet de trempe lors de la transformation martensitique comme les défauts ponctuels (lacunes), l’impureté et les dislocations. Le second, est le désordre de nature dynamique dû à l’interaction élastique entre les structures de deux phases (qui modifie la distribution de champs des contraintes internes). Pour un degré faible de désordre, le système peut lancer un nombre infini d’avalanches, en revanche, pour un degré élevé de désordre, le nombre lancé est très limité [VIV94 et VIV95]. Le même type de résultats a été observé par Carrillo [CARR97] sur un alliage de type Cu-Zn-Al pendant un essai de traction en terme de distribution de l’amplitude et de la durée. De plus, la distribution de l’énergie suit aussi une loi puissance [CARR97]. Carrillo [CARR98] a aussi étudié la distribution de l’amplitude d’émission acoustique pendant des cycles thermiques sur plusieurs types d’alliages à base de cuivre. Il a trouvé que les structures martensitiques transformées dans ces alliages se divisent en deux principales familles de structures cristallines, la première de type 2H et l’autre de type 18R. De plus, il a trouvé deux exposants différentes de la loi de puissance. Il a constaté que la valeur de l’exposant ne dépend pas de la composition chimique, de la concentration, la température de transition, des traitements thermiques. Il ne dépend, en effet, que de la symétrie de la structure produite après la transformation martensitique [CARR98].

Pérez-Reche [PER04] montre que bien que la distribution de l’amplitude dépende d’une loi puissance, dans l’alliage Cu-Al-Mn, l’exposant et le domaine linéaire de cette loi sont influencées par le nombre de cycle. La valeur de l’exposant diminue dès le premier cycle, ensuite elle se stabilise vers environ le quinzième cycle. Tandis que, le domaine linéaire de loi puissance commence relativement faible pour le premier cycle, puis il augmente jusqu’au

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nombre de cycle de stabilisation. Il a trouvé que ces influences sont dues à la variation de l’énergie dissipée pour chaque cycle [PER04]. A travers ces études bibliographiques, nous constatons que l’émission acoustique peut être utilisée pour étudier les processus dynamiques qui se produisent pendant la déformation plastique de nos échantillons en acier inoxydable austénitique, lors d’un essai de fatigue. Que la transformation displacive intervienne directement (nano-maclage) ou par l’intermédiaire des dislocations et quel que soit le type de signal, continu ou discontinu, la transformation martensitique peut produire un signal d’émission acoustique détectable.

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2.3 Courants de Foucault

2.3.1 Principe Les courants de Foucault sont des courants induits dans les matériaux conducteurs. La

création de ces courants se base sur le principe de l’induction électromagnétique. Quand un courant alternatif circule dans une bobine près d’une surface conductrice, il produit dans son voisinage un champ magnétique alternatif dit champ primaire. Ce champ crée des courants induits dans le matériau, dits courants de Foucault. Ces courants, à leur tour, créent un autre champ magnétique dit secondaire. Le flux du champ primaire est proportionnel à l’amplitude du courant électrique circulant dans la bobine. Et le flux magnétique global est la somme des flux des champs primaire et secondaire. L’impédance mesurée sur la bobine dépend du flux magnétique final et de la distribution des courants de Foucault dans le matériau. Cette impédance est caractérisée par sa résistance (partie réelle) et sa réactance (partie imaginaire). Le moindre changement dans la distribution des courants de Foucault dû à la variation locale des propriétés du matériau va influer sur cette impédance [GROS98, MCM86]. La variation locale des propriétés peut être due à un défaut dans le matériau, comme une cavité, des fissures ou des piqûres de corrosion. Elle peut également être due à la variation locale de microstructure, la résistivité ou la perméabilité du matériau etc. Ces variations sont des facteurs importants qui influent sur les propriétés magnétique et électrique du matériau, [MCM85, SHAIRA05].

2.3.2 Mesure de l’impédance d’une bobine de courants de Foucault Une bobine est caractérisée par son impédance (Z). Si cette bobine est complètement

remplie par le matériau, l’impédance dépendra de la conductivité et de la perméabilité de matériau et sera donnée par la formule :

Z=R+jLω (10)

Où R est la résistance, L l’inductance. L’impédance dans le vide devient (Z0), qui est donnée par la relation suivante : Z0=R0+jL0ω (11)

A partir de ces paramètres, un diagramme normalisé d’impédance peut être représenté dans un plan complexe en fonction de x = ω0

0L

RR− et de y = ωω

0LL . Un exemple de la variation des

valeurs de l’impédance normalisée est représenté dans la figure(33-a) en fonction de x = ω0LR

et de y = ωω

0LL . Selon le coefficient de remplissage η du matériau par rapport à la bobine, la

position d’un point sur la courbe dépend de la conductivité et de la fréquence, donc du produit σω. Lors que la conductivité est nulle (cas des isolants) ou que la fréquence est nulle (pas de variation de flux magnétique), la courbe passe par le point (x= 0, y=1). C’est aussi le cas dans le vide. Au contraire, lors qu’un de ces deux paramètres tend vers l’infini, le flux du champ magnétique devient nul, parce que le champ magnétique secondaire s’oppose complètement au champ primaire, et la courbe passe par la position (x=0, y=0). Quand le matériau est ferromagnétique ou peu ferromagnétique, l’induction magnétique n’est plus linéaire par rapport au champ magnétique détecté par la bobine, mais elle dépend également de la perméabilité magnétique relative du matériau µr :

B=µrµ0H (12)

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où µ0, perméabilité du vide, vaut 4π.10-7 H/m. La perméabilité relative du matériau permet d'obtenir des champs magnétiques assez intenses sans utiliser des courant trop forts. Un point de la courbe dépend maintenant du produit µrσω, figure(33-b).

(a) (b) Figure (33) : a-Exemple de diagramme de l’impédance normalisée en fonction de la conductivité et en fonction du coefficient de remplissage η. b-Variation de l’impédance normalisée en fonction du changement de la perméabilité dans les matériaux ferromagnétiques, d’après [VUI94].

2.3.3 Caractéristiques physiques des courants de Foucault

Les amplitudes des courants induits dans le matériau sont influencées par plusieurs paramètres. Ces paramètres sont, entre autres, la conductivité électrique du matériau, la distance entre le capteur et le matériau, la présence de défauts dans le matériau, la perméabilité (cas des matériaux ferromagnétiques), la taille de la bobine (nombre de spires et diamètre), la fréquence et la dimension de l’échantillon, [GROS98]. Plusieurs auteurs ont étudié et simulé ces paramètres dans le but d’optimiser les conditions de contrôle. Ces études sont basées sur le modèle de C.V. Dodd et al, [DODD81], pour calculer l’impédance d’une bobine en face d’un matériau [SHAI01, ZER04]. La pénétration des courants de Foucault dans les matériaux dépend de la conductivité électrique, de la perméabilité magnétique et la fréquence de travail. La profondeur de pénétration est donnée par :

µσπδ f1= (13)

Où : µ est la perméabilité du matériau en H/m, σ la conductivité du matériau en (Ω-m)-1 et f la fréquence en Hz. Pour un échantillon en aluminium, µ=4π.10-7 (H/m), σ=3,54.10-7 (Ω-m)-1,et à la fréquence f=60 Hz, on a trouvé δ ≈10,9 mm, [SHAI01].

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2.3.4 Etude bibliographique sur l’utilisation de la méthode de courants de Foucault pour le suivi de transformation martensitique

La méthode de courants de Foucault est très sensible à la moindre variation dans les propriétés des matériaux conducteurs. Mais très peu d’études ont été effectuées sur l’utilisation de cette méthode pour la caractérisation de ces propriétés. Cette méthode est souvent utilisée dans le domaine de la détection des défauts dans les matériaux métalliques, [SHAI05, TIAN04, HUA03]. Elle semble aussi capable d’évaluer la distribution des fibres en carbone dans les matériaux composites, [GROS98]. Robert montre que la méthode de courants de Foucault est souvent utilisée dans l’industrie en raison de sa rapidité, sa reproductibilité, et son très faible coût [MCM85]. Elle est souvent utilisée dans la gamme de fréquence de 5Hz à 10MHz. L’amplitude et la phase du signal de courants de Foucault peuvent être mesurées avec une grande précision. Il montre aussi que cette technique permet de mesurer certaines des propriétés de matériaux, leur dimension , et elle permet également de la détection de discontinuités. Les courants de Foucault peuvent être influencés par la variation de la conductivité électrique qui est influencée par différents facteurs métallurgiques tels que la microstructure, la variation de la température, le changement de la dureté, le laminage à chaud ou à froid, et d’autres étapes de processus. Il montre des exemples de mesures de la conductivité électrique et de la perméabilité magnétique des alliages ferromagnétiques ou non ferromagnétiques. Elle est utilisée, entre autres et avec succès, pour détecter les impuretés dans le cuivre, et aussi pour évaluer les effets du traitement thermique, de la mise en forme, ou de la corrosion. Du fait que les matériaux n’ont pas les mêmes conductivités électriques, cette méthode est capable également de trier les matériaux. Les mesures de conductivité doivent être effectuées dans la zone proche de la surface, et la fréquence est sélectionnée suffisamment haute pour que la pénétration des courants de Foucault soit limitée dans le but de minimiser l’effet de la géométrie et de l’épaisseur. Lorsque le but de mesure est la détection des défauts dans le matériau, la fréquence sera choisie suffisamment basse pour assurer la pénétration dans la totalité de la pièce, [MCM85]. Dans les matériaux ferromagnétiques, un champ magnétique auxiliaire peut être utilisé pour augmenter la profondeur de pénétration des courants, [SHAI05]. Rao, [RAO02], a travaillé sur les aciers inoxydables austénitiques. Il a montré que la variation de la microstructure et la distribution de ferrite delta (phase magnétique) peut affecter la conductivité électrique et la perméabilité magnétique du matériau. Il a concentré son étude sur la détection des défauts. Il a utilisé les fréquences de 35 kHz et de 60kHz, pour détecter des défauts dans les zones soudées avec une profondeur autour de 0.4mm. Kalkhof, [KAL04], a utilisé cette technique pour détecter la transformation martensitique dans l’acier inoxydable austénitique AISI 321 (X6CrNiTi18-10) pendant la déformation plastique. Comme d’autres, il a trouvé que cette déformation modifie la microstructure de cet acier et que la fraction de martensite transformée est fonction de la condition de charge de l’essai de fatigue, du nombre de cycles et de la température. Cette fraction peut être utilisée comme un indicateur de la durée de vie de cet acier. Ses mesures par courants de Foucault consistent à mesurer la variation de l’impédance électrique de la bobine. Cette impédance est fonction des paramètres physiques et géométriques susmentionnés et de la différence locale dans la conductivité électrique et la perméabilité magnétique. Il utilise une fréquence de 1 kHz pour atteindre une pénétration de 5mm. Pour des échantillons cylindriques de 10mm de diamètre. Il a trouvé que la distribution de martensite transformée n’était pas homogène. Pour cela, les cartographies sont des moyens importants pour la mise en évidence de cette inhomogénéité. La plus forte concentration de martensite se situe dans les zones fissurées.

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Zergoug, [ZER04], montre que cette méthode non destructive peut être utilisée pour déterminer l’état microstructural des matériaux. Les courants de Foucault sont affectés par la variation des tailles des grains, de la microstructure et de la dureté après le processus de traitement thermique. Dans cette étude, les microduretés des microstructures des matériaux ont été qualifiées en mesurant l’impédance électrique de la bobine réceptrice. Pour les matériaux non ferromagnétiques, comme l’aluminium 7075, il a trouvé que la variation de l’impédance normalisée due à l’effet de traitement thermique est plus significative quand la fréquence est faible. Et les valeurs de l’impédance (en Ohm) varient avec la variation de la microdureté. Plus l’échantillon est dur, plus la valeur de l’impédance est grande. Pour les matériaux ferromagnétiques, il a montré que deux paramètres sont à prendre en considération : la conductivité et la perméabilité. L’utilisation de basses fréquences dans ces matériaux donne une bonne résultion grâce à la séparation de ces deux paramètres. Les résultats sont similaires sur les matériaux ferromagnétiques testés, 20NC6, et XC48. Il a trouvé que, lors que la taille des grains augmente, la dureté diminue ainsi que l’impédance. L’impédance était faible quand la microdureté était faible. La relation entre la microdureté et l’impédance a été donc confirmée.

(a) (b)

Figure(34) : a- Evolution de l’impédance normalisée de l’acier ferromagnétique 20NC6 due au changement de la perméabilité en fonction du temps de maintien à la température 1100°C. b- Evaluation expérimentale suit la courbe théorique en variant la fréquence de travail sur un échantillon traité, d’après [ZER00].

L’article de Zergoug ,[ZER00], montre que les deux parties, réelle et imaginaire, sont influencées par la variation de l’impédance due au traitement thermique des matériaux ferromagnétiques. Le figure (34) présente la variation des valeurs d’impédance normalisée en fonction des différents traitements effectué sur l’acier 20NC6, à la température constante de 1100°C avec différents temps de maintien. Ces variations proviennent à la fois d’évolutions de la conductivité et de la perméabilité. Ces évolutions n’ont pas la même tendance. Pour un traitement donné et pour une fréquence de 1500Hz, il trouve que l’évolution de la conductivité est selon la courbe théorique, figure (34-b). Tandis que la valeur de l’impédance normalisée varie selon le type de traitement thermique effectué, cette variation est due à la variation de la perméabilité, figure (34-a). Il a aussi constaté que la détection d’un défaut est liée à la variation de la conductivité. Grosse, [GROSSE01], a étudié la transformation martensitique dans l’acier de type X6CrNiTi18-10. Avant l’essai de fatigue, il a traité ses échantillons par un traitement d’homogénéisation par l’austénitisation à 1040°C pendant une heure, suivi d’une trempe dans l’huile. La machine de fatigue a été pilotée en déformation imposée de ±0.28% avec une fréquence de 2Hz. Dans le but d’obtenir une concentration des contraintes au centre de l’échantillon, il utilise des échantillons en forme dite Hour-glass (verre de montre), figure

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(35). A la position la plus étroite, la déformation totale était de 60%. Le taux de martensite trouvé est directement fonction du taux de déformation plastique dans la partie de diamètre la plus faible de l’échantillon. Le maximum de martensite a été détecté aux endroits des fissures, même hors de la zone la plus déformée. Dans chaque fissure, la plus forte concentration de la martensite a été trouvée à la tête de fissure.

(a) (b)

Figure (35) : a- Echantillon de fatigue en forme de verre de montre. b- La concentration des contraintes autour de centre de l’échantillon, d’après [GOSSE01]

Il a utilisé un système de courants de Foucault avec les paramètres suivants : 1mm de distance capteur/pièce, avec une fréquence de 50kHz. Le choix de cette fréquence est un compromis raisonnable entre la forte résolution locale et la profondeur de pénétration suffisante des courants de Foucault. La profondeur de pénétration des courants de Foucault dans ce type d’acier était 2mm. Les taux volumiques de martensite transformée dans ce type d’acier étaient faibles, entre 0.5% et 3.15%. Des cartographiques, en x (mm) et φ (degré), ont été effectuées sur les échantillons fatigués, figure (36). Ces figures montrent que la transformation martensitique de 0.61% a été détectée à 60% de la durée de vie. Ce taux était homogène dans toute la partie déformée, figures( 36-a, b et c). A 80% de la durée de vie, le taux est de 0.93% et la distribution de la martensite devient hétérogène. Cette hétérogénéité pourrait être due à un léger flambement de l’échantillon pendant l’essai.

(a) (b) (c)

(d) (e) (f) Figure (36) : a- Distribution de martensite transformée (0.61%) à 60% de la durée de vie. b- Distribution de 0.93% de martensite à 80% de la durée de vie. c- Distribution de 1.49%. de martensite à la fin de la durée de vie. d, e et f : Découpes montrent les distribution de martensite transformée dans le 1er, 2ème et 3ème échantillon [GOSSE01].

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⎥⎦⎤

⎢⎣⎡=

XX

RR

II

hkl

hkl

hkl

hkl

α

γ

α

γ

α

γ )(

)(

)(

)(

Le taux détecté à la fin de vie est de 1.49%. Ce taux est localisé au centre de l’échantillon, avec de fortes concentrations de martensite dans quelques endroits. Ces endroits pourraient être les sources des fissures macroscopiques. Il a montré que la distribution était homogène, et qu’au voisinage des fissures apparaît davantage de martensite. A coeur de l’échantillon, le taux de martensite est moins important. Les figures (36-d, e et f) montrent les distributions de ces trois échantillons dans des découpes suivant leurs axes. Aucun taux n’a été trouvé dans le volume du 1er échantillon, et la martensite est restée à la surface. La distribution à l’intérieur était quasi homogène pour le 2ème échantillon. En revanche, cette distribution n’était pas homogène dans le 3ème échantillon, avec une distribution plus intense du côté opposé à celui des fissures.

2.3.5 Conclusion

A travers cette étude bibliographique, nous trouvons que la méthode de courants de Foucault est une méthode potentiellement capable de détecter la moindre transformation martensitique au cours d’un essai de fatigue. Une fréquence de travail assez élevée doit être sélectionnée pour avoir une très bonne résolution et pour éliminer autant que possible l’influence de la géométrie et de la variation de la conductivité. Nos échantillons en acier 304L sont des matériaux peu ferromagnétiques (10% de phase magnétique avant l’essai de fatigue). L’évolution de l’impédance au cours de l’essai de fatigue sera donc due aux variations des deux paramètres suivants : la conductivité et la perméabilité du matériau.

2.4 Technique de Diffraction des Rayons X L’utilisation d’une méthode non destructive nécessite l’utilisation en parallèle d’une autre

méthode qualitative pour confirmer l’évaluation de ces phases. La méthode de diffraction des rayons X est souvent utilisée pour doser les deux phases : la phase austénitique et la phase martensitique α’ après des essais de fatigue [GROSSE01, KAL04, MAE00]. Cette méthode est aussi utilisée avec succès pour évaluer l’austénite résiduelle dans différents types des aciers, [CHES80]. Du fait que la phase ε est en faible quantité volumique, ses pics peuvent être confondus avec le bruit des rayons X, [TAV03]. Tsay montre qu’il est difficile de détecter la phase ε par la diffraction des rayons X, [TSA04]. Chester montre que cette méthode est fiable et rapide, [CHES80]. La méthode de diffraction des rayons X consiste à irradier un échantillon avec un faisceau de rayons X monochromatique. Grâce au diagramme de distribution de diffraction des rayons X en fonction de 2θ-intensités, nous sommes donc capables d’identifier qualitativement les phases en se référant aux fichiers de spectres édités par l’ASTM (American Society for Testing and Materails), [MON00]. Les deux phases, l’austénite et la martensite, existantes dans la microstructure de l’acier peuvent être doser à l’aide de programme de calcul. Ce programme est développé à « University of Cambridge and National Physical Laboratory in U.K ». Il se base sur des formules qui relient les intensités relatives des pics de la ferrite et l’austénite avec leur fractions volumiques:

(14)

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( )[ ( )]eLF mPPR 22

2 1 −=υ

R est une constante pour l’austénite et la phase α de Fer, cette constante est donnée pour chaque pic par l’expression suivante :

(15)

Où ν est le volume atomique, F le facteur de la structure, P un facteur multiple, e-2m le facteur de la température, Lp facteur de Lorentz-polarisation, [CUL59]. 2.5 Comparaison des méthodes de contrôle pour la caractérisation de l’endommagement et de la transformation martensitique

Au cours des essais de fatigue sur l’acier 304L, deux phénomènes se développent en même temps : la transformation martensitique et l’endommagement cyclique. La technique des ultrasons est capable de les détecter mais peut-être pas de les séparer. La méthode doit être assez précise car la structure de l’acier à caractériser possède déjà une forte anisotropie. La technique d’émission acoustique est capable de suivre les processus dynamiques qui peuvent se produire pendant la déformation plastique. La transformation martensitique produit un signal d’émission acoustique détectable. Comme les deux phénomènes, la transformation martensitique et l’endommagement, se développent en même temps, des analyses adaptées des signaux d’émission acoustique seront nécessaires afin de les isoler. La technique des courants de Foucault est une méthode potentiellement capable de détecter la moindre transformation martensitique au cours d’un essai de fatigue. Mais des macrofissures peuvent se développer en même temps. Ces deux comportements n’ont pas les mêmes tendances d’évolutions par courants des Foucault. Des précautions seront nécessaires pour rendre à chaque évolution son origine.