Chapitre 7 : L’école : Quelle action sur l’évolution de la ...

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Chapitre 7 : L’école : Quelle action sur l’évolution de la société et les destins individuels ? Objectifs d’apprentissage : Plan du cours 1  : I/ L’école et le modèle méritocratique A : Les missions de l’école dans les sociétés démocratiques B : Les grandes évolutions scolaires dans la société française C : Massification ou démocratisation ? II/ Inégalités scolaires et destins individuels A : Le rôle de l’école dans la reproduction sociale B : Familles, école et culture C : Le genre et les destinées individuelles 1 Cours de Terminale , spécialité SES – Lycée jean Dautet (La Rochelle) - VL

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Chapitre 7 : L’école :

Quelle action sur l’évolution de la société et les destins individuels ?

Objectifs d’apprentissage :

Plan du cours1  :

I/ L’école et le modèle méritocratiqueA : Les missions de l’école dans les sociétés démocratiques

B : Les grandes évolutions scolaires dans la société françaiseC : Massification ou démocratisation ?

II/ Inégalités scolaires et destins individuelsA : Le rôle de l’école dans la reproduction sociale

B : Familles, école et cultureC : Le genre et les destinées individuelles

1 Cours de Terminale , spécialité SES – Lycée jean Dautet (La Rochelle) - VL

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Activité introductive 2: Rappel des notions vues en 1ere (spécialité SES)

Donnez la ou les bonne(s) réponse(s) :1. La socialisation :

1. différentielle fait référence aux différences de socialisation selon les milieux sociaux et le genre.

2. secondaire s'inscrit toujours dans le prolongement de la socialisation primaire.

3. repose sur les instances de socialisation que l'individu côtoie tout au long de sa vie.

2. La socialisation primaire :

1. renforce la socialisation secondaire (socialisation de renforcement) ou au contraire s'en détache (socialisation de transformation).

2. est différentielle en fonction du genre et du milieu social.

3. se fait par inculcation à travers des sanctions positives et négatives ou par imprégnation.

3. L'accès à un diplôme du supérieur :

1. est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes de moins de 35 ans.

2. permet une accumulation du capital humain.

3. dépend de l'origine sociale et révèle des mécanismes de reproduction.

4. Les « configurations familiales » étudiées par Bernard Lahire :

1. participent à la transmission de normes et de valeurs plus ou moins en cohérence avec la culture scolaire.

2. peuvent transmettre des valeurs favorables à la réussite scolaire même si le capital culturel des membres de la famille est faible.

3. renvoient essentiellement à la structure familiale : parents divorcés, familles monoparentales…

Document 1: Lettre d’Albert camus19 novembre 1957

Cher Monsieur Germain,

J'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur.On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n'ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j'ai appris la nouvelle,ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue aupetit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me faispas un monde de cette sorte d'honneur mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, etêtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sonttoujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l'âge, n'a pas cessé d'être votre reconnaissant élève.

Je vous embrasse, de toutes mes forces.

Albert Camus

Consignes :Q1 : A quelle occasion écrit-il cette lettre ? Rechercher qui est Albert Camus et quel prix prestigieux a-t-il obtenu en1957?Q2 : A qui s’adresse cette lettre ? et pourquoi Camus lui écrit-il?

2 Exercice p.242 (manuel Belin, TSES)

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I/ L’école et le modèle méritocratique

A : Les missions de l’école dans les sociétés démocratiques

Document 1 : à quoi sert l’école ?

«L’éducation est l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour lavie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques,intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécialauquel il est particulièrement destiné[...]La société se trouve donc à chaque génération nouvelle, enprésence d'une table presque rase sur laquelle il lui faut construire à nouveaux frais. Il faut que, par lesvoies les plus rapides, à l'être égoïste et asocial qui vient de naître, elle en surajoute un autre, capable demener une vie morale et sociale. Voilà quelle est l’œuvre de l'éducation, et l'on en aperçoit toute lagrandeur.»

Durkheim, Éducation et sociologie, 1922

Document 2 : Les missions fondamentales

Lorsque la Troisième République de Jules Ferry rend l'enseignement primaire gratuit et obligatoire, elleassigne à l'école une mission centrale : renforcer la cohésion sociale. Puisque, selon les mots d'ÉmileDurkheim, « la société ne peut vivre que s'il existe entre ses membres une suffisante homogénéité  », alorsl'éducation peut et doit renforcer cette homogénéité en fixant dans l'esprit de l'enfant « les similitudesessentielles que réclame la vie collective ». Mais si l'école renforce la cohésion sociale, c'est aussi parcequ'elle se veut le vecteur de la mobilité sociale   : elle accompagne l'avènement d'une société méritocratique dans laquelle les places se distribuent indépendamment de la naissance, en fonction des seuls mérites etcapacités des individus. L'école offre donc un principe de régulation de la compétition sociale autour duquelpeuvent se retrouver des individus issus de toutes les origines sociales.

Depuis soixante ans, le niveau d'éducation n'a cessé de s'élever au fil des générations. Jadis largement exclusde l'enseignement secondaire, les enfants des classes populaires ont vu leurs scolarités se prolonger d'abord aucollège, puis au lycée, jusqu'à voir s'ouvrir les portes de l'enseignement supérieur.

Camille Peugny, Le Destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Seuil, 2013.

Consignes   : répondre aux questions suivantes à l’aide des documents (aidez-vous si besoin du manuel p.244-245 Belin, TSES)Q3 : Rappeler qui est Emile Durkheim et préciser quelle fonction de l’Ecole met-il en évidence ?Q4 : Rechercher des informations sur les lois scolaires mises en place par Jules Ferry.(dates, principes…)Q5 : Expliquer la phrase soulignée et préciser le sens de l’expression une « société méritocratique ». et définirle concept « d’égalité des chances ».Q6 : Présenter le doc.3 et identifier les principales évolutions qu’il fait apparaître (utiliser des calculs simples)Q7 : [type EC1] Quelles sont les principales missions du système éducatif ?

Document 3 : Evolution de la structure de la population active par diplôme (1982-2014)

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B : Les grandes évolutions scolaires dans la société française

Consignes   : à partir des documents ci-dessous, répondre aux questions suivantes ( p.246-247 : manuelBelin, TSES)Q8 : calculer l’évolution de la part des jeunes de 17 ans scolarisés en terminale GT. (graphique 1)Q9  à partir des données du document, identifier les évolutions que connaît l’enseignement professionnel.(graphique 1)Q10 : Comparer le taux de bachelier en 1980 et en 2018. Comment expliquez cette évolution ? (graphique 2)exprimer l’écart en points de %, avec un coefficient multiplicateur et un taux de variation.Q11 : à partir de la frise chronologique et des graphiques, écrire un texte permettant d’expliquer l’accèscroissant de la population à l’éducation en France.

Graphique 2 : : : � taux d’accès au baccalauréat (1980-2018)

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C : Massification ou démocratisation ?

Consignes :Q12 : Pourquoi peut-on parler de démocratisation scolaire à la Libération ? (doc.1)Q13 : Pourquoi pour Louis Maurin, la démocratisation scolaire est incontestable ? Justifier votre réponse(doc.2)Q14 : Pourquoi certains sociologues préfèrent aujourd’hui parler de massification ? Distinguer les termesmassification et démocratisation scolaire.Q15 : Etudier le doc.3 p.249 : Répondre aux questions 1 à 3 (manuel Belin, TSES)

Document 1 : Le processus de démocratisation de l’école au XXe siècle

Au XIXe siècle et jusque dans les années 1950, l'origine sociale détermine puissamment le type d'école, leniveau d'études et l'accès au diplôme, réservé principalement aux catégories aisées et moyennes. Laségrégation sociale est le principe central d'organisation des scolarités. Cette organisation de l'école,héritée du XIXe siècle, s'est progressivement délitée. Si, dans l'entre-deux-guerres, le prestigieux lycéenapoléonien est devenu gratuit, la révolution scolaire s'amorce seulement à la Libération. L'idéal d'égalitédes chances et l'exigence d'une main-d'œuvre nombreuse et diplômée nécessaire à la reconstruction vontconjuguer leurs effets et déboucher sur une véritable « explosion scolaire ». Phénomène central, laproportion de non-diplômés passe de 62 % pour les générations nées avant 1944 à 33 % pour celles néesentre 1945 et 1959. À la suite d'une déségrégation progressive, à la fois sociale et académique, des filièrespost-élémentaires, les scolarités s'allongent et le nombre de diplômés s'accroît. La triade scolarisation-production-consommation de masse constitue un auto-entretenu au service de la croissance économiquedes années 1945-1973. La période se caractérise par un rapprochement des conditions de scolarisation etdes niveaux de vie des nouvelles générations.

Pierre Merle, La Ségrégation scolaire, La Découverte, 2012.

Document 2 : Une démocratisation incontestable

« Sur la longue période, la démocratisation de l'école est incontestable. 15% des enfants nés entre 1939 et1948 ont obtenu le bac ; plus de 60% de la génération 1974-1978. La part des diplômés de l'enseignementsupérieur est passée de 8% pour les hommes et 5% pour les femmes à 39% et 47%. La part d'enfants de cadresdiplômés du supérieur s'est accrue de 38% à 77% et celle des ouvriers de 2% à 25%.

L'université n'est plus celle d'une élite sociale, comme dans les années 1950 et 1960. Elle a connu deuxgrandes périodes de démocratisation : pour les générations des années 1930 et 1940 , puis celle nées entre lesannées 1960 et le milieu des années 1970. »

Louis Maurin , « Déchiffrer la société française », La découverte, 2010

Document 3 : Massification plutôt que démocratisation ?

Malgré une massification scolaire d'ampleur au cours de la seconde moitié du XXe siècle, ladémocratisation scolaire a peu progressé. Des inégalités quantitatives d'accès aux différents niveaux dusystème éducatif tendent à être supplantées par des inégalités qualitatives liées à une filiarisation croissantede ces différents niveaux. Ainsi, au moment où les différents verrous disparaissent et où les enfants desclasses populaires franchissent un nouveau palier, le jeu des filières permet aux enfants de classesfavorisées de maintenir leur avantage. L'accès d'une proportion croissante des classes d'âge au baccalauréatn'aurait pas été possible sans la création du baccalauréat professionnel dont les enfants des classespopulaires constituent le principal vivier. L'accès d'une proportion croissante de ces derniers aux premierscycles de l'enseignement supérieur provoque un resserrement social du recrutement des classespréparatoires et des grandes écoles, ainsi que des filières prestigieuses de l'université. En réalité cesstratégies d'évitement et de distinction, de la part des familles favorisées […], s'enracinent bien plus tôt, dèsles premières années de la scolarité.

La persistance d'inégalités sociales dans le champ de l'éducation explique que la reproduction sociale n'aitpas diminué. Cette dernière apparaît toutefois moins problématique puisque ne reposant plus sur lanaissance. Elle semble produite par une « agence de sélection », l'école, censée récompenser le mériteindividuel, comme le souligne Antoine Prost en analysant l'histoire du système éducatif depuis la SecondeGuerre mondiale.

Camille Peugny, Le Destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Seuil, 2013.

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Travail en autonomie : Analyse de documents :Consigne : A partir d’une analyse rigoureuse de chacun des trois documents, rédiger un texte

expliquant à quelles catégories de la population la démocratisation scolaire bénéficie-t-elle tout enprécisant pourquoi celle-ci doit être nuancée.

Document 1: Pourcentage de bacheliers selon la catégorie socioprofessionnelle du père et l’année denaissance (Source : Ministère de l’éducation nationale, novembre 2011.)

Document 2 :

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Document 3 : Type de baccalauréat obtenu en 2012 parmi les bacheliers d'une catégorie sociale donnée

Question de cours :

Comment l’école peut-elle favoriser l’intégration sociale ?

L’école peut être considérée comme un vecteur d’intégration, tout d’abord car elle touche quasimenttous les enfants du fait de sa gratuité et de son caractère obligatoire. Ensuite, on peut dire qu’elle véhicule desconnaissances communes : la langue, une culture historique, littéraire… ainsi que les valeurs républicainesd’égalité, de liberté, de laïcité. De fait, elle participe à la socialisation des élèves et à la constitution d’uneculture commune nécessaire à la construction du lien social. L’allongement des études ainsi que sa progressivedémocratisation (à l’heure actuelle, près de 80% d’une classe d’âge obtient le baccalauréat alors que ce tauxétait de 3% en 1945) s’inscrit dans cette volonté d’éduquer tous les élèves.L’école favorise aussi l’intégration dans la mesure où elle distribue des diplômes et permet d’accéder à unemploi, vecteur lui aussi d’intégration.Cependant, le fait qu’elle échoue à aider les élèves en difficultés et à faire réussir aussi bien les enfants desmilieux populaires que ceux des milieux aisés montre que sa fonction intégratrice est mise à mal.

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II/ Inégalités scolaires et destins individuels

A : Le rôle de l’école dans la reproduction sociale

Consignes   : Q16 : Quel résultat cette étude internationale sur les systèmes éducatifs (PISA, 2016) met-elle en avant ?Q17 : Quelles explications à la question de la reproduction sociale Bourdieu et Passeron formulaient-ils dèsles années 60 ? expliquer le passage souligné.Q18 : Quelle critique du système scolaire reprend le sociologue Didier Eribon dans son ouvrage « Retour àReims » ?Q19 : Répondre aux questions 1 à 3 du document 2p.254 et préciser la théorie de l’habitus de Pierre Bourdieu.Q20 : à l’aide des doc.3 et 4 p.255, expliquer quels facteurs propres à l’école peuvent affecter les parcoursscolaires ?

document 1 : Réussite scolaire et reproduction sociale

Les résultats des études Pisa sont accablants: la France est un des pays où l’écart entre les résultats des élèvesissus de milieux socio-économiques favorisés et ceux des élèves issus de milieux défavorisés est le plusimportant. Autrement dit, la France possède un des systèmes scolaires les plus inégalitaires et les plusreproducteurs des inégalités sociales du monde développé.

De fait, la question de la reproduction des inégalités occupe une place centrale dans la sociologie française del’école, dans laquelle les travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron occupent une place centrale àpartir des années 1960. Dans La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d'enseignement (Minuit,1970), ces deux sociologues font le constat d’une corrélation entre l’origine sociale d’une part et l’orientationscolaire d’autre part, et montrent que l’école joue un rôle de légitimation et de reproduction des inégalitéssociales. Bourdieu et Passeron montrent que l’école, reproduisant le modèle culturel des catégories socialesfavorisées, sanctionne ce qui est culturellement légitime et sélectionne ceux qui sont capables de sel’approprier.

Source : Nada Chaar, réussite scolaire et reproduction sociale, 24 janvier 2017:http://www.slate.fr/story/134963/pourquoi-eleves-reussissent-pas-ecole

Document 2 : Critique de l’idéologie méritocratique

« Retour à Reims 3» est animé par une critique radicale de l’idéologie méritocratique. Celle-ci est un masquede légitimation de la reproduction des classes sociales. Un lycée en Seine-Saint-Denis et un lycée dans lecentre de Paris, ce sont deux planètes différentes, en raison notamment des conditions incorporées du rapport àla culture. Et s’il y a des exceptions aux destins programmés, elles n’invalident pas la règle : elles sont aucontraire ce à partir de quoi on peut analyser la règle. Il faut avoir échappé à la règle statistique del’élimination scolaire pour être en mesure d’analyser les mécanismes de cette élimination. Si la critique de laméritocratie semble évidente, elle est pourtant reproduite dans beaucoup de discours qui paraissent la critiquer.Je pense à l’ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle(Points). Il y parle d’« inégalités justes,celles qui se fondent sur le travail et le mérite. » J’aimerais qu’il aille expliquer ce point de vue à la femme deménage qui nettoie son bureau, à l’aide-soignante qui s’occupera de lui s’il est hospitalisé ou à tous ceux quifabriquent les produits qu’il utilise quotidiennement. C’est un discours conservateur qui ne prend pas enconsidération la question fondamentale du capital culturel, c’est-à-dire des conditions sociales inégalitairesd’accès au système scolaire et à l’enseignement supérieur.Source : «   Les grandes écoles ne sont pas un système scolaire mais un système social   »   (D. Eribon, Le monde, entretiendu 5/01/2019)

3 Retour à Reims , Didier Eribon, 2009. présentation sur le site de l’éditeur : « Après la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve son milieu d’origine, avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé et de retracer l’histoire de sa famille. Évoquant le monde ouvrier de son enfance, restituant son ascension sociale, il mêle à chaque étape de ce récit intime et bouleversant les éléments d’une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités, la sexualité, la politique, le vote, la démocratie…Réinscrivant ainsi les trajectoires individuelles dans les déterminismes collectifs, Didier Eribon s’interroge sur la multiplicité des formes de la domination et donc de la résistance.Un grand livre de sociologie et de théorie critique. « 

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B : Famille, culture et écoleDocument 1 : Enfances de classe

Enfances de classe", ouvrage dirigé par Bernard Lahire, est un des livres importants de la rentrée (2019). Ildresse le portrait de 18 élèves de maternelle pour mettre en évidence les inégalités sociales dès cet âge. Dèsce jeune âge les enfants des pauvres et ceux des riches ne vivent pas dans les mêmes univers sociaux, mentauxet intellectuels. Et ils sont déjà victimes des inégalités et de la domination sociale. L'ouvrage nous apprendénormément sur les enfants. Il montre aussi la place très importante de l'école dans le présent et le devenir deces enfants. (...) Le livre présente des enfants des classes pauvres , depuis les plus précaires, jusqu'aux enfants de la hautebourgeoisie parisienne et de province. Pour chacun, on découvre les éléments matériels de la vie de l'enfant,son entourage social, son rapport au langage oral et à l'écrit, son rapport aux temps et ses activités, son état desanté et son rapport au corps, sa confiance en soi et son rapport à l'autorité. Pour établir une enquête de cetteprécision l'équipe du livre a interrogé l'enfant , ses parents et grands parents, ses enseignants et aussi desadultes de référence. (...)Il faut lire les portraits de Libertad, Balkis ou Ashan, trois enfants de la grandeprécarité. Ainsi Balkis vit avec son père et ses frères et soeurs (ils sont 5) dans une voiture garée devantl'école. Ashan n'a jamais vécu dans une maison. Il vit en foyer avec sa mère. Libertad (son prénom marque lesespoirs de ses parents), une petite fille Rom, a connu la violence des expulsions et des arrestations. Elle en estmarquée psychologiquement. Elle a aussi connu les logements les plus précaires. Libertad est aussi marquéephysiquement par ses conditions de vie, son alimentation, le recours difficile aux soins. Si elle parle mal c'estparce que ses parents parlent mal français. C'est aussi parce que son palais et sa dentition sont déformés. (...)Les parents d'Ashan, Libertad et Balkis sont loin d'avoir baissé les bras. Bien au contraire leur vie tourneautour de leurs enfants et ils dépensent beaucoup de temps et d'énergie pour tenter d'alléger la dureté de leurvie. Mais ces enfants pauvres ont-ils vraiment une vie d'enfant ? Ni Balkis, qui étudie avec son père le soirdans un jardin avant de se plier en quatre dans la voiture, ni Ashan, dans son foyer, ni Libertad dans unappartement quasi vide, n'ont le cadre matériel minimum pour étudier. Ils vivent avec des parents dominéssocialement et qui ont un rapport souvent (ce n'est pas le cas d'Ashan) étranger avec l'école. Pour autant l'écoleest bien au centre de ces vies. (...) L'école est le lieu de la solidarité. Pour ces trois   enfants, ce sont leursenseignants et les parents de l'école qui apportent une aide efficace. Ce sont eux qui interviennent pour trouverun logement ou éviter une expulsion. (…) [Cependant] ces familles pauvres ont aussi des comportements quidérangent, des choix qui ne semblent pas bons. S'ils sont très présents dans l'école ils sont en retrait poursuivre le travail scolaire. Les activités extra scolaires de Libertad par exemple n'ont pas de rapport avec lescolaire. De leur coté, les enfants de la bourgeoisie ont intériorisé les attentes de l'école. Chez eux on les reprend quandils parlent mal. Les livres trainent partout. Tout dans les micro événements de la vie familiale est prétexte à  exploitation scolaire. L'appartement lui même apparait comme une extension de l'école. Les parents prennentsoin du choix de l'école, au point parfois de choisir le privé dès le CP pour rester entre soi. Ils appuient lesenseignements et les précèdent par exemple pour l'anglais. Enfin la réussite scolaire apparait comme allant desoi pour ces enfants de bons élèves. Ce qu'observe B Lahire c'est la précocité (dès la maternelle) des stratégiesde scolarisation socialement différenciées. Dans les classes supérieures, les parents choisissent des écoles quivisent l'excellence scolaire. Ils gardent l'école publique lorsqu'ils vivent dans un quartier déjà socialementségrégué. Souvent la commune de résidence a été choisie en fonction de la réputation du collège et du lycée desecteur. Le même souci de performance se retrouve dans les classes moyennes avec un souci d'investissementdans les établissements scolaires. (...) Le grand succès des classes moyennes et supérieures c'est leur capacitéà « pédagogiser » la vie quotidienne, à lier ainsi les enseignements scolaires à la vie de l'enfant, à leur donnerdu sens. Source : F. Jarraud: «  Enfances de classe : Ce que Bernard Lahire nous dit de l'Ecole et des élèves   » , 2019

• vidéo : entretien avec Bernard Lahire (7 mn, TV 5 MONDE)

Consignes   : Après avoir lu les documents du cours, ceux du manuel (Belin, TSES, p.250-251) et visionné lavidéo (entretien avec Bernard Lahire), répondre aux questions suivantes :Q21 : Quels sont l'objectif et la méthode d'enquête de l'ouvrage collectif Enfances de classe (2019) ?Q22 : A partir d’un exemple, montrer que les conditions matérielles de vie peuvent impacter la scolarité.Q23 : Citer des exemples de stratégies familiales en matière de scolarité dans les milieux plus favorisés.Q24 : Quelles sont les caractéristiques des pratiques sportives et langagières dans les catégories supérieures eten quoi favorisent-elles la réussite sociale ? Quel rôle joue l’ironie dans l’éducation des enfants ?Q24 : Quels types de capitaux sont transmis lors de la socialisation familiale ? Illustrer votre réponse.

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éléments de cours :

Comment le capital culturel favorise-t-il la reproduction sociale ?

Le capital culturel est un concept développé par P. Bourdieu et correspond à l’ensemble des ressourcesculturelles dont dispose un individu. Celles-ci peuvent se traduire de trois manières : elles peuvent êtreobjectivées (des biens culturels comme des tableaux, des livres), incorporées durant le processus desocialisation (l’aisance à l’oral, la capacité à s’exprimer) ou institutionnalisées (comme le diplôme).Les deux premières ressources sont héritées par l’individu, celles-ci dépendent donc du milieu sociald’appartenance. Or, ce sont surtout les milieux les plus favorisés qui sont les plus fortement dotés en ce type decapital. Cela va avoir un impact sur les inégalités de réussite scolaire car l’école valorise le capital culturel,comme par exemple la culture générale ou la capacité à s’exprimer. Ainsi, l’école valorise indirectement lesdispositions des enfants issus des milieux les plus favorisés. Comme on peut le constater, ceux-ci réussissentmieux que les autres à l’école : 41% des enfants de cadres supérieurs obtenaient un bac +5 en 2014 alors queseuls 4% des enfants d’ouvriers non qualifiés atteignaient ce niveau de diplôme.Les diplômes délivrés par l’école jouant un rôle important pour trouver un emploi situé en haut de la hiérarchiesociale, on peut dire que la possession d’un capital culturel important favorise la reproduction sociale.

Quel rôle la famille joue-t-elle dans la mobilité sociale ?

La famille est l’instance de socialisation la plus puissante. En effet, lors de la socialisation primaire, elleest la première instance à véhiculer des normes (politesse, langage) mais aussi des valeurs aux enfants. Ainsi, ceprocessus de socialisation permet à la famille de transmettre du capital culturel favorisant la réussite scolaire etpermettant d’accéder aux positions les plus valorisées dans la société. On constate par exemple que la réussitesolaire est très fortement corrélée au niveau de diplôme de la mère. En plus de ce capital culturel, la famillepeut mobiliser du capital économique (des ressources financières) pour aider un enfant à mieux réussir àl’école (en payant des cours particuliers par exemple) ou pour obtenir un diplôme (l’inscription en école decommerce est onéreuse). La famille peut aussi transmettre un capital social c’est-à-dire un réseau deconnaissances, des relations pouvant faciliter l’embauche. Ainsi, les familles les mieux dotées en capital social,économique et culturel, généralement en haut de la hiérarchie sociale, peuvent faciliter la réussite scolaire deleur enfant et leur assurer une bonne situation professionnelle. Ce constat est appuyé par le fait que les famillesd’origine populaire sont souvent moins ambitieuses pour leur enfant que les familles aisées : ces dernières onttendance à élaborer des stratégies et des voeux d’orientation visant à pousser au maximum leur enfant à fairedes études longues. De fait, la famille semble surtout être un acteur de la reproduction sociale. Cependant, cette transmission ne s’opère pas automatiquement, il se peut que des enfants de cadres connaissentdes trajectoires de déclassement, celles-ci sont d’ailleurs de plus en plus fréquentes. De plus, les familles desmilieux populaires peuvent jouer un rôle dans la réussite scolaire de leur enfant donc, de fait, sur leur mobilitésociale. Des études ont montré que les individus ayant connu une mobilité sociale ascendante avaient souventdes parents (les mères surtout) prêtant une grande attention à leur scolarité, en surveillant les devoirs parexemple. D’autres facteurs, comme la taille de la fratrie jouent aussi un rôle dans la réussite scolaire. Il apparaît qu’enmoyenne, et ce quelle que soit l’origine sociale, plus les frères et soeurs sont nombreux, plus les enfants ont desdifficultés à l’école.

• En complément   : Montrer, en mobilisant des exemples, que certains parcours ne sont pas siimprobables, en nuançant l’influence de l’origine sociale dans la destinée :Dossier p. 258-259 (manuel Belin, TSES)

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C : Le genre et les destinées individuelles

Document 1 : Part des filles dans plusieurs spécialités de lycée professionnel (en %)

source   : Champ : Établissements publics et privés dépendant du ministère en charge de l'Éducation nationale.MENJ-MESRI-DEPP / Système d'information Scolarité et enquête n° 16 auprès des établissements privés hors contrat, 2019.(Manuel Belin, TSES)

Document 2 :

Consignes   : Répondre aux questions suivantes : Q25 : Effectuer une phrase permettant de comparer la part de filles dans les formations professionnelles «coiffure, esthétisme » et celle dans les formations « moteurs et mécanique ».Q26 : Quelles sont les caractéristiques des spécialités fortement féminisées ? (tableau) Les retrouve-t-on dansles études supérieures ? (graphique)Q27 : Comment expliquer les choix d'orientation différents des filles et des garçons ?Q28 : Quels arguments le doc.2 et le doc.4 p. 256-257, mettent-ils en avant ?

En complément : - campagne nationale pour la mixité professionnelle (1mn): https://www.youtube.com/watch?v=XkqlJ9B0O9A- entretien avec Virginie Martin (L’orientation a-t-elle un genre?): https://www.youtube.com/watch?v=0SFidMUwA1k&feature=youtu.be