Chapitre 3 – Les causes de l'effondrement

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Les causes de l’effondrement SECTION II

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Les causes de l’effondrement

SECTION

II

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Les preuves dont dispose cette Commission sont claires et

montrent que l’imperméabilisation du toit a été un échec

dès le départ. La conduite à adopter aurait été de prendre

des mesures rapides et efficaces pour protéger un actif

important. Des propriétaires successifs y ont manqué,

et les conséquences de cette négligence ont été tragiques.

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Les causes de l’effondrement

CHAPITRE

Vue d’ensemble : Une soudure rouillée a perdu sa résistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39Description de l’effondrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

La conception du Centre commercial Algo était conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 1975 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

L’équipe NORR a identifié deux lacunes clés et un certain nombre de déficiences de conception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

La conception préparée par l’ingénieur John Kadlec était conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 1975 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

La condition conforme à l’exécution d’origine des soudures dans le centre commercial convenaient et dépassaient les exigences dans les devis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

Malgré les lacunes identifies par l’équipe NORR, les dalles alvéolées n’ont pas directement contribué à l’effondrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

La conception de l’imperméabilisant pour le stationnement du toit du Centre commercial Algo se conformait de justesse aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 1975 . . . . . . . . . . . . . .45

La corrosion au Centre commercial Algo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47Le centre commercial était partout atteint d’une forte corrosion et aurait nécessité des réparations importantes pour rester opérationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Le taux de progression de la corrosion au centre commercial était semblable à celui de la citerne de ballast d’un bateau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

Le jour de l’effondrement, la soudure du raccordement défaillant était tellement affaiblie par les effets de la corrosion qu’elle ne pouvait plus soutenir la moitié du poids pour lequel elle avait été conçue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50

L’action des propriétaires a contribué à l’effondrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53Les tentatives de réparation des fuites n’ont jamais fonctionné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53

Retirement Living aurait pu sauver centre commercial par l’installation d’une membrane . . . . . . .53

Eastwood Mall aurait eu plus à faire : installer une membrane et renforcer l’acier . . . . . . . . . . . . . . . .54

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Aucune autre théorie plausible n’a été présentée pour expliquer la cause de l’effondrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

La colonne ne s’est pas pliée avant l’effondrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54

Le « bruit sourd » remarqué par M. Yakimov n’était pas le résultat d’une ancienne défaillance partielle du raccordement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54

L’effondrement du Centre commercial Algo n’était pas un effondrement progressif . . . . . . . . . . . . . .55

Les cycles de gel et de dégel au Centre commercial Algo n’ont pas causé l’effondrement . . . . . . . . .55

Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

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Vue d’ensemble : Une soudure rouillée a perdu sa résistanceLe 23 juin 2012, à 14h18, une partie de l’étage de stationnement du Centre commercial Algo s’est effondrée sur les lieux de vente situés au-dessous. Après l’effondrement, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a initié une enquête et a mandaté NORR Limited (NORR) pour l’exécution d’une enquête concernant la cause.1 NORR est un cabinet multidisciplinaire composé d’architectes, d’ingénieurs et de planificateurs.

On a demandé à l’équipe NORR de fournir un aperçu de l’état du centre commercial avant et après l’effondrement. Dans son rapport final, NORR a aussi fait des remarques sur les rapports et inspections précédents exécutés par diverses firmes d’ingénierie durant la vie du bâtiment. Ce chapitre ne portera pas sur ses découvertes et opinions quant à la conformité de ces inspections et rapports, mais considérera les conclusions où elle en est venue dans sa détermination des causes de l’effondrement. La Commission n’a pas retenu son propre expert pour déterminer la cause de l’effondrement.

Afin d’accomplir son mandat, NORR a constitué une équipe de professionnels internes comprenant les experts suivants :

• Hassan Saffarini, ing., Ph.D., ingénieur en structures et chef d’équipe;2

• Michael de Raaf, maître en sciences appliquées, ingénieur en structures;

• Christopher Hughes,3 licencié en études environnementales, membre de l’Institut Royal d’architecture du Canada, membre de l’Ordre des architectes de l’Ontario, architecte et spécialiste de l’enveloppe du bâtiment; et

• Christopher Pal, ing., ingénieur en électromécanique.

NORR a aussi retenu des experts en béton, en métallurgie et en corrosion : Pouria Ghods4 de Giatec Scientific Inc. (Giatec), Aaron Dinovitzer5 de Fleet Technology (BMT), ainsi que le Conseil national de recherches Canada (CNRC).

En plus de la préparation d’un rapport détaillé, quatre des experts impliqués dans l’investigation ont témoigné en groupe devant la Commission pour expliquer leurs découvertes.6 Pendant leur témoignage, ces experts, qui seront désignés en divers lieux du rapport comme l’équipe NORR, ont aussi considéré les autres théories proposées par certains des autres participants. Les membres de l’équipe NORR ont été acceptés par la Commission en tant que professionnels et experts hautement qualifiés dans leurs domaines respectifs (ingénierie et architecture). Aucun des autres participants n’a contesté leur expertise.

Dans le cadre de leur enquête, des membres de l’équipe NORR ont visité les lieux de l’effondrement entre le 21 et le 29 juillet 2012. Au moment de leur arrivée, la zone d’effondrement avait été en partie dégagée et démolie pendant les opérations de secours pour faciliter l’accès aux deux victimes et pour sécuriser et stabiliser le bâtiment. L’équipe NORR n’a pas participé ou aidé à la démolition.7

Pour illustrer les événements de l’effondrement, l’équipe NORR a réalisé une vidéo qui a été présentée pendant l’audience. L’exposé de la vidéo a fourni les explications suivantes :

Le centre commercial avait connu un problème chronique de fuites depuis le jour de son ouverture. Ceci s’est poursuivi sans changement en raison de l’absence d’une membrane continue d’imperméabilité appropriée au niveau du stationnement. Chacun des propriétaires a traité le problème de fuite en essayant de sceller et de resceller les fissures où des fuites étaient repérées. L’eau a coulé sur l’acier de construction, en emportant le sel de dégivrage qui a poussé les rythmes de corrosion à des niveaux propres aux seuls environnements marins. La corrosion a progressé continuellement depuis la construction du centre commercial, jusqu’à ce qu’il reste si peu de matériau dans un des raccordements

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qu’il ne pouvait plus supporter la charge de l’étage de stationnement. Le 23 juin 2012, ce raccordement d’acier, situé au-dessous du niveau en face de l’entrée du toit de l’hôtel, a cédé. Sans support, les panneaux de béton se sont effondrés sur le niveau supérieur du centre commercial attenant à l’aire de restauration. L’impact des dalles alvéolées a tué deux personnes et a causé la défaillance d’un deuxième raccordement dans une poutre en acier qui supportait les panneaux préfabriqués de l’étage supérieur du centre commercial. Une partie de la charpente de cet étage s’est alors effondré sur le rez-de-chaussée. La défaillance s’est amorcée dans le raccordement soudé entre deux angles d’acier et une colonne. Au moment de la défaillance, il est estimé que plus de 85 % de la portance de soudure d’origine du raccordement défaillant avaient été détruits par la corrosion.8

Description de l’effondrement

Dans son rapport final daté du 8 mars 2013, l’équipe NORR a décrit comment s’est produit l’effondrement :

Le 23 juin 2013, une partie de l’étage de stationnement du Centre commercial Algo s’est effondrée sur les lieux de vente situés au-dessous. L’effondrement s’est amorcé en raison d’une défaillance de raccordement de poutre à colonne supportant l’étage de stationnement couvert de dalles alvéolées. La charpente en acier correspondant à la zone affectée par l’effondrement de l’étage de stationnement est fournie en schéma 3-1. Le raccordement défaillant était fait de deux angles d’acier boulonnés à l’âme de la poutre W24x110 longeant le quadrillage 16 et soudés à la colonne de l’intersection de quadrillage G-16. La défaillance s’est produite dans le raccordement soudé situé entre les angles d’acier et la bride de la colonne.9

L’équipe NORR a aussi fourni deux diagrammes du raccordement défaillant poutre-à-colonne et l’endroit de la défaillance (voir figure 1.3.1 et 1.3.2).

Figure 1.3.1 Plan de détail du raccordement poutre-à-colonne où la défaillance initiale s’est produite

Source Pièce 3007

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Figure 1.3.2 Plan de charpente de l’étage de stationnement du toit (identifiant la zone d’effondrement)

Source Pièce 3007

Le raccordement défaillant, testé et examiné par BMT, avait été enlevé des lieux avant l’arrivée de l’équipe NORR. Il avait été entreposé au commissariat de police dans des conditions environnementales contrôlées.10

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La conception du Centre commercial Algo était conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 197511

L’équipe NORR a identifié deux lacunes clés et un certain nombre de déficiences de conception

Pendant son enquête, l’équipe NORR a examiné les dessins originaux qui avaient été préparés et utilisés pendant la construction du Centre commercial Algo, ainsi qu’un certain nombre d’autres documents qui avaient été préservés et retenus au fil des années dans les dossiers du premier propriétaire, Algocen Realty Corporation (Algocen). L’histoire de la construction du centre commercial est exposée et examinée en détails au Chapitre 4, 1979-1985 Construction et premières années.

Dans son examen de la conception et de la construction d’origine du centre commercial, l’équipe NORR a identifié deux lacunes clés : la première était « l’emplacement d’un parc de stationnement sur le toit d’un centre commercial sans fournir d’imperméabilisation solide »; la seconde était l’ « insuffisance structurelle des dalles alvéolées » utilisées dans la construction de l’étage de stationnement.12

L’équipe NORR a aussi identifié des déficiences dans la conception et la construction du stationnement, y compris

• Le manque de détail des égouts de toit dans les dessins;

• la mention de l’installation de ce qui semble avoir été des joints de dilatation faits sur commande, qui devraient dépendre d’une « performance parfaite des scellants »;

• une inclinaison si douce de la toiture que si elle était conçue aujourd’hui, serait surement faite pour retenir de l’eau pendant des périodes prolongées; il n’est pas surprenant que les preuves photographiques montrent la présence d’eau stagnante sur le toit;

• la présence de joints de dilatation qui ont accentué l’effet de la basse inclinaison douce du toit; et

• la pose d’un solin autour de la base des murs de l’hôtel sans tenir compte que le toit faisait double emploi à cause du parc de stationnement; le solin était trop au bas du mur, et la partie inférieure du mur n’était pas convenablement protégée de l’impact des véhicules ou de l’accumulation de neige et de glace.13

La conception préparée par l’ingénieur John Kadlec était conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 1975

Les dessins de charpente et les devis de l’acier étaient préparés par l’ingénieur de structures John Kadlec de Beta Engineering. L’équipe NORR a examiné le travail de M. Kadlec et a trouvé que les dessins de charpente montraient un « niveau de préparation, d’information et de détails » qui paraissaient « refléter les normes industrielles au moment de leur production. »14 L’équipe NORR a aussi conclu que les surcharges « mobiles » et « permanentes » de 120 lb/pi2 sur les dessins du toit et de l’intérieur paraissaient être en conformité générale avec le Code du bâtiment de l’Ontario de 1975.15

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L’équipe NORR a aussi effectué un examen détaillé de la poutre en acier qui est tombée dans l’effondrement. L’équipe a déterminé que la poutre avait la portance nécessaire pour résister aux charges spécifiées dans les dessins, malgré les déficiences de conception dans la poutre en raison d’« une apparente supposition de la part de Beta Engineering d’une charge uniforme ce qui n’était pas le cas. »16 On a constaté que la poutre portait approximativement 13 pourcent de plus du poids que ce qui avait été conçu, menant à une réduction dans la marge de sécurité typiquement adoptée par les codes de conception. L’équipe NORR a cependant déterminé que la diminution de ce facteur de sécurité n’avait pas eu de portée sur l’effondrement final.17 Elle a confirmé que malgré ces déficiences de conception, la poutre impliquée dans l’effondrement n’avait pas cédé. Plutôt, l’effondrement avait été déclenché par la défaillance du raccordement de la poutre à la colonne.18

En bref, l’équipe NORR a conclu que la conception de la poutre qui s’est effondrée était convenable et que la conception de l’acier de charpente n’a pas contribué à l’effondrement.19

La condition conforme à l’exécution d’origine des soudures dans le centre commercial convenaient et dépassaient les exigences dans les devis

En menant son enquête et son analyse, l’équipe NORR a considéré la question de savoir si les soudures d’origine avaient été défaillantes et si elles avaient pu contribuer ou mener à l’effondrement. Les dessins d’atelier de la majeure partie de la charpente d’acier, y compris les raccordements défaillants, n’étaient pas accessibles à l’examen de l’équipe NORR ni à celui de la Commission. L’équipe NORR a donc examiné des raccordements semblables dans le centre commercial qui n’étaient pas rouillés, afin de se faire une idée de ce qu’auraient pu être leur condition conforme à l’exécution d’origine.20

L’équipe NORR a pu repérer un raccordement dans le centre commercial qui ne montrait presque aucun signe de corrosion (la « soudure de référence »).21 Bien que sa taille ait nettement dépassé celle du raccordement défaillant, l’équipe NORR a déterminé qu’elle pouvait l’utiliser à des fins de comparaison.22 M. Dinovitzer de BMT était responsable de déterminer la condition probable telle qu’exécutée de la façon dont l’angle d’acier avait été soudé à la colonne du raccordement défaillant.

Le rapport de BMT,23 en annexe au rapport final de l’équipe NORR, a exposé à la fois la procédure suivie pour comparer les soudures et les indicateurs utilisés pour déterminer la condition probable, telle qu’exécutée en 1979-1980, de la soudure défaillante. Le rapport BMT contient de l’information complexe et détaillée sur la procédure et les comparaisons entreprises dans cette tentative. Il explique que durant le procédé de soudure, la chaleur nécessaire à la jonction soudée des métaux crée une zone affectée par la chaleur qui peut être observée par examen métallographique.24 Les contours des zones affectées par la chaleur (décrites aussi comme un « halo » dans le rapport de BMT) ont été utilisés pour déterminer la géométrie (forme et dimensions) de la soudure d’origine (voir figure 1.3.3).

En comparant ce qui aurait pu être la géométrie de la soudure d’origine aux autres raccordements du centre commercial, l’équipe NORR a déterminé que la soudure défaillante avait sûrement été construite de façon semblable à la soudure de référence (voir figure 1.3.4).

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BMT a conclu que la soudure du raccordement défaillant dans son état d’origine aurait probablement été conforme aux exigences du Code au moment de la construction.25 BMT a trouvé qu’au regard des normes actuelles, la soudure d’origine était généreuse et n’aurait eu à soutenir que 60 pourcent du poids pour lequel elle avait été conçue. En d’autres termes, elle était plus résistante que ce qui avait été spécifié et laissait donc une marge de sécurité plus grande. Si la soudure n’avait pas été rouillée, la question de sa force portante n’aurait pas même été soulevée.26

À la lumière des contrôles et analyses effectués par l’équipe NORR, de ses conclusions sur les conditions probables conformes au moment de l’exécution de la soudure, et de sa découverte du fait que la « charge nominale conforme au moment de l’exécution » de la soudure « dépassait de beaucoup celle spécifiée dans la conception simplement pour cause d’une géométrie de soudure généreuse de la part de l’installateur d’origine, »27 je trouve que les raccordements et soudures du centre commercial, y compris la soudure du raccordement défaillant, avaient probablement été correctement construits au moment de la construction d’origine.

Malgré les lacunes identifies par l’équipe NORR, les dalles alvéolées n’ont pas directement contribué à l’effondrement

Le bâtiment a été construit avec des poutres en acier, des colonnes, et des dalles alvéolées préfabriquées en béton précontraint qui reposaient sur les poutres et servaient de plancher et de plafond à l’étage de stationnement. L’ingénieur a précisé dans les dessins de charpente que les dalles alvéolées devaient avoir 8 pouces d’épaisseur et devaient être capables d’une surcharge de 120 lb/pi2 sans recouvrement collé. Dans son rapport, l’équipe NORR a affirmé que cette taille était insuffisante. Le Dr Saffarini a témoigné que le fournisseur, Coreslab, aurait pu prévenir l’ingénieur pendant l’étape de conception qu’il n’allait pas pouvoir satisfaire aux exigences du devis avec la taille de dalle identifiée dans les dessins. Il aurait pu suggérer une alternative, telle que de fournir une dalle de 10 pouces ou d’ajouter un recouvrement collé à la dalle de 8 pouces.28

Figure 1.3.4 Soudure de référence utilisée pour déterminer la taille nominale de la soudure au moment de la construction d’origine

Source Pièce 3015

Figure 1.3.3 Examen métallographique montrant la géométrie de la soudure au moment de la défaillance, et arrière-fond rouge triangulaire pour illustrer la taille nominale de la soudure qui semble avoir été utilisée au moment de la construction d’origine

Source Pièce 3015

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L’équipe NORR a examiné les tableaux de charges publiés par Coreslab, qui indiquaient qu’une dalle de 8 pouces d’une portée de 31 pieds ne pouvait pas supporter 120 lb/pi2. L’équipe NORR a conclu que pour satisfaire aux exigences de conception, un recouvrement de béton convenablement collé était nécessaire; sans ce recouvrement, les dalles alvéolées installées sur l’étage de stationnement du toit ne garantiraient pas l’intégrité de la structure.29 Les analyses et découvertes de l’équipe NORR sur la suffisance structurelle des dalles alvéolées sont explorées en plus ample détail au Chapitre 4, Algocen : construction et premières années.

La contrainte de compression des dalles alvéolées a été testée et trouvée conforme ou supérieure aux valeurs spécifiées pour lesquelles elles avaient été conçues. Le même test a été fait sur le revêtement de béton, et sa résistance s’est aussi montrée supérieure au devis de conception. L’équipe NORR n’a pas relevé de manquement quant à la résistance du béton utilisé dans la construction du centre Algo.30

Bien que le béton (dalles et revêtement) ait été conforme ou supérieur aux exigences du devis, on a constaté que le revêtement de béton avait été fortement contaminé par le chlorure, vraisemblablement à cause du sel de dégivrage pendant les mois d’hiver. La concentration en chlorure des échantillons de béton était nettement supérieure au niveau où la corrosion commençait dans le grillage d’acier à l’intérieur du béton.31

Malgré la conclusion de l’équipe NORR affirmant que les dalles alvéolées ne garantissaient pas l’intégrité de la structure, l’équipe a néanmoins conclu que l’insuffisance des dalles alvéolées n’a pas directement contribué à l’effondrement. Plutôt, leur charge nominale limitée a eu un effet indirect en faussant indûment les premières tentatives d’arrêter les fuites et la corrosion qui ont finalement mené à l’effondrement.32

Pendant l’enquête, il est vite devenu clair que la portance des dalles préfabriquées était une distraction et une excuse pendant la vie du centre commercial. Tous les propriétaires du centre commercial se sont servis de l’incertitude sur la portance des dalles pour justifier et rationaliser le fait de n’avoir rien fait d’utile pour réparer les fuites.

La conception de l’imperméabilisant pour le stationnement du toit du Centre commercial Algo se conformait de justesse aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 197533

Dès 1981, des fuites ont été repérées le long du grillage 16, devant l’escalier roulant, au-dessus de la poutre qui s’est finalement effondrée. Cette fuite était la première preuve documentée de l’enquête d’un problème à cet endroit; la continuation de fuites à cet endroit a causé la corrosion de la soudure qui a mené à l’effondrement.34

L’équipe NORR a examiné la conception de l’enveloppe de bâtiment (l’imperméabilisant) du Centre commercial Algo pour déterminer si elle était conforme au Code du bâtiment de l’Ontario de 1975. A l’époque, le Code ne décrivait pas de façon précise le type de système d’imperméabilisation qui conviendrait à un bâtiment occupé. Il exigeait seulement qu’une toiture soit installée pour évacuer ou drainer les eaux de façon efficace. Selon l’équipe NORR, le résultat n’a pas été atteint.35 M. Hughes, l’architecte de l’équipe NORR, a témoigné qu’il était responsable d’examiner la condition du toit de béton et de l’enveloppe de bâtiment. Tout en se focalisant sur l’endroit précis de l’effondrement et l’étage de stationnement du toit, il avait pris en compte trois éléments majeurs du toit : la condition du béton, les diverses tentatives de sceller les fissures, et la condition des égouts et des joints de dilatation qui y étaient installés.36

Dès 1981, des fuites ont été repérées le long du grillage 16, devant l’escalier roulant, au-dessus de la poutre qui s’est finalement effondrée. Cette fuite était la première preuve documentée de l’enquête d’un problème à cet endroit; la continuation de fuites à cet endroit a causé la corrosion de la soudure qui a mené à l’effondrement.

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Le stationnement de l’étage du toit du centre commercial avait été conçu comme un toit plat. M. Hughes a témoigné que les toits plats peuvent être conçus en prévision d’eau stagnante, à condition que le toit soit imperméable. Il a noté que le toit du Centre commercial Algo était censé drainer l’eau le plus rapidement possible, mais en fait cela ne semble pas s’être produit.37

M. Hughes a examiné les dessins architecturaux pour déterminer si la conception était conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario. Il a noté que les détails n’étaient pas exposés de façon systématique au travers des dessins. Par exemple, il n’y avait pas d’indication de ce que devait être le « scellant imperméabilisant ». L’exigence du Code de 1975 précise seulement qu’ « un toit devrait évacuer ou drainer l’eau de façon efficace. » La première question devenait donc de savoir si le scellant imperméabilisant évacuait ou drainait l’eau de façon efficace. M. Hughes a témoigné qu’étant donné que le bâtiment avait des fuites depuis le jour de son ouverture, il était juste d’affirmer que le scellant imperméabilisant n’avait jamais fonctionné convenablement.

La deuxième question était de savoir si les dessins architecturaux étaient conformes au Code du bâtiment. M. Hughes a témoigné qu’au sens le plus strict, il dirait que la conception était conforme, mais seulement dans la mesure où l’architecte se fiait entièrement à ce que le matériau – le scellant imperméabilisant – agisse en tant que membrane imperméabilisante.38 M. Hughes a noté que le scellant n’a pas évacué l’eau efficacement, même si la conception supposait qu’il le ferait. M. Hughes a conclu que la conception se conformait de justesse aux exigences du Code, mais seulement en principe.39

M. Hughes a expliqué que la décision concernant la conformité au Code du bâtiment de l’Ontario de la conception architecturale aurait été prise à l’étape de l’examen du permis de construire, au moment de la remise des dessins en vue de l’obtention du permis de construire. Après cette étape, si les matériaux ne se comportent pas tel que prévu par la conception, le problème en devient un de garantie et d’entretien.40 L’équipe NORR, et en particulier M. Hughes, a conclu que, nonobstant les déficiences et lacunes notées dans la conception du toit, la conception pouvait toujours être dite « de justesse conforme aux exigences de la Partie 4 du CBO (1975) mais dépend entièrement du matériau du ‘SCELLANT IMPERMÉABILISANT’.»41

En définitive, je considère qu’aucune preuve plausible n’a été présentée à l’enquête me poussant à conclure que la conception et la construction du Centre commercial Algo (à l’exception de l’application du système d’imperméabilisation sur le stationnement du toit) étaient la cause directe de l’effondrement. Le Dr Saffarini a confirmé cette conclusion dans son témoignage quand il a signalé que l’équipe NORR ne pensait pas que la conception avait contribué à l’effondrement de l’étage de stationnement.42

Il était cependant très clair d’après les preuves que bien que la « conception » du système d’imperméabilisation ait été conforme aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario « en principe », celui-ci n’a jamais produit la performance prévue par la conception. L’application du système a permis à l’eau et au chlorure de s’écouler dans l’espace intérieur du centre commercial. Ces fuites, dont on a permis la continuation sans contre-mesures, ont causé la corrosion qui a mené à l’effondrement.

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La corrosion au Centre commercial Algo

Le centre commercial était partout atteint d’une forte corrosion et aurait nécessité des réparations importantes pour rester opérationnel

L’équipe NORR a enquêté sur l’étendue de la corrosion au centre commercial. Le Dr Saffarini a témoigné que l’inspection de l’acier s’étendait sur trois jours, pendant lesquels l’équipe a recueilli et testé des échantillons de matières de rouille et de produit de corrosion.43

Un des objets de l’enquête sur l’état général de la corrosion au centre commercial était de déterminer si le raccordement défaillant était un cas isolé. Le raccordement défaillant était-il le seul, pour un ensemble de raisons, à accuser le niveau observé de corrosion, ou s’agissait-il d’un type de corrosion plus répandu, qui affectait le centre commercial tout entier, ou en majeure partie?44

Afin d’obtenir une représentation juste de l’état de corrosion au centre commercial, l’équipe NORR a d’abord effectué une inspection visuelle de l’acier en 45 lieux sélectionnés au hasard, sans l’avantage d’outils pour racler le produit de corrosion. Ce procédé était conçu pour reproduire l’inspection visuelle d’une personne sans outils. En plus de cette inspection initiale, le Dr Ghods de Giatec a inspecté ces mêmes lieux à l’aide d’une méthode plus précise en vue d’évaluer la perte de section.45

Durant l’enquête, l’expression « perte de section » est souvent revenue. L’équipe NORR a expliqué qu’elle décrit ce qui se produit quand la corrosion mène à une réduction du matériau en acier d’origine, ce qui mène alors à une diminution de l’épaisseur du matériau même (qu’il s’agisse de l’âme, de la bride, du boulon, de la soudure, de l’angle de raccordement, ou d’une autre partie). La réduction de l’épaisseur du matériau est considérée comme perte de section qui affectera la charge nominale de la charpente.46

Comme référence, l’équipe NORR a choisi d’utiliser le Manuel d’inspection des structures de l’Ontario (OSIM), norme utilisée par le ministère des Transports, pour évaluer le niveau de corrosion trouvé dans le centre commercial. Le Dr Saffarini a noté qu’en raison de l’absence de normes ou de directives en Ontario pour l’évaluation du niveau de corrosion dans les bâtiments et les structures civiles, ils ont eu recours à ce manuel. Bien que l’OSIM soit générique et d’abord conçu pour les structures d’autoroutes et de ponts, il a néanmoins fourni une mesure pour classifier la corrosion observée dans le centre commercial.47

Le Dr Saffarini a expliqué que l’OSIM classifie la corrosion selon quatre états. Pour les buts de l’enquête du Centre commercial Algo, l’équipe NORR a regroupé les classifications en trois états :

• les deux premiers, « excellent » et « bon », ont été classifiés comme « bon », et comprenaient les zones affectées seulement par la rouille en surface, ou qui ont été trouvées complètement non-affectées;

• le deuxième a été classifié « moyen » ou « assez bon », et comprenait les états où un certain niveau de corrosion s’était répandu, et où la perte de section était estimée à 10 pour cent ou moins; et

• le troisième était classifié comme « grave », et comprenait les états où la corrosion avait provoqué plus de 10 pour cent de perte de section. À plus de 20 pour cent de perte de section, l’équipe NORR a classifié la perte en tant que « très grave », mais pour les buts de l’inspection du Centre commercial Algo, « grave » et « très grave » ont été réunis en une seule classification.48

Le Dr Saffarini a expliqué dans son témoignage qu’un état relevé comme « moyen » signifierait que l’ingénieur-inspecteur devrait donner une alarme et conseiller au propriétaire de surveiller la situation, sans qu’il ne soit nécessaire d’agir immédiatement pour réparer ou renforcer.49

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Rapport de la Commission d’enquête sur Elliot Lake 1re Partie n Les évènements menant à l’effondrement du Centre commercial Algo 48

Afin d’obtenir les mesures de la perte de section, le Dr Ghods a témoigné qu’il a d’abord nettoyé l’acier rouillé jusqu’à l’apparition du métal brillant et utilisé un compas d’épaisseur numérique pour mesurer la section restante. La différence entre la section restante et la taille d’origine de la section mesurée, obtenue du devis de conception, a fourni la base de calcul du pourcentage de perte de section. Le Dr Ghods a expliqué qu’il a effectué le contrôle détaillé de l’état à approximativement 20 des 45 endroits qui avaient été sélectionnés pour inspection visuelle.50

Le Dr Ghods a expliqué qu’après ce contrôle détaillé, il a trouvé que la bride supérieure des poutres était en général dans un état pire que celui des brides inferieures. Ce résultat n’était pas surprenant, étant donné que la bride supérieure était davantage exposée aux fuites d’eau contaminée par le chlorure. Il a aussi trouvé que les poutres étaient dans un état légèrement pire que celui des colonnes. Les soudures et autres éléments de raccordement dans plus de 40 pourcent des lieux inspectés étaient atteints d’une corrosion grave ou très grave. L’équipe NORR a estimé mauvais l’état général de la charpente du centre commercial. La corrosion était un problème généralisé qui affectait beaucoup plus que le raccordement qui a fini par céder.51

L’équipe NORR a identifié d’autres endroits dans le centre commercial qui présentaient les signes d’une corrosion très grave. L’équipe les a considérés comme des lieux critiques en besoin urgent de réparations immédiates aux éléments de charpente ou aux raccordements.52 L’équipe NORR a expliqué que les signes d’une corrosion modérée à grave et d’une corrosion très grave des poutres et raccordements ont été trouvés en deux endroits sélectionnés au hasard : l’un d’eux ne présentait pas de signes de fuites avant que les carreaux de plafond suspendu en quadrillage C-14 n’aient été enlevés; l’autre, en quadrillage B-12, n’avait auparavant pas fait l’objet d’indications ou de rapports de fuites problématiques.53

Dans les lieux, par exemple, du magasin Dollarama, les inspecteurs ont noté au quadrillage C, entre les lignes de grille 17 et 18 où se trouvaient des signes évidents de fuites d’eau antérieures, une corrosion grave de la poutre dès l’enlèvement des carreaux de plafond. En cet endroit ils ont trouvé que l’ignifugation était tombée de la face inférieure de la bride et d’une portion de l’âme, et ont observé plusieurs couches de produit de corrosion et d’écaillage sur la poutre. Après avoir enlevé le produit de corrosion et mesuré cette poutre, ils ont trouvé que le

métal restant présentait une perte de section de 18 pourcent au niveau de ses brides. Une inspection des raccordements de cette poutre a révélé un niveau de corrosion semblable dans les angles d’acier et les soudures.54

En plus de l’intérieur du centre commercial, l’équipe NORR a aussi inspecté les passerelles situées dans le périmètre extérieur. Après avoir enlevé le recouvrement extérieur, les inspecteurs y ont trouvé une corrosion des plus graves. Dans son rapport, l’équipe NORR a affirmé : « Des brides et raidisseurs de poutres ont été presque réduits à néant à certains endroits et d’autres pénétrations ont été exposées au travers des éléments. »55 Les soucis de l’équipe ont été illustrés de façon manifeste et frappante par un nombre important de photographies présentées pendant l’enquête et montrant l’état du centre

Figure 1.3.5 Raccordement gravement rouillé à l’allée piétonne située au quadrillage E-13x

Source Pièce 3007

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Section II n Les causes de l’effondrement Chapitre 3 n Les causes de l’effondrement 49

commercial. Tout observateur neutre d’une détérioration aussi flagrante doit se troubler de ses implications logiques. Elle dénonce une inattention extrême, la négligence, et un manque d’entretien convenable de la part des propriétaires du centre commercial pendant sa durée de vie (voir figure 1.3.5).

L’équipe NORR a noté dans son rapport qu’elle n’a pas eu de difficulté pendant son inspection au Centre commercial Algo à trouver des signes de corrosion très grave. Des membres de l’équipe ont remarqué la corrosion dans la majorité des lieux inspectés, bien que le degré de corrosion ait varié selon les endroits. L’équipe NORR a déterminé qu’un certain nombre de zones critiques auraient nécessité une attention immédiate.56

Le taux de progression de la corrosion au centre commercial était semblable à celui de la citerne de ballast d’un bateau

M. Dinovitzer de BMT a estimé que la corrosion de l’acier de charpente dans le centre commercial avait progressé à un taux de 0,1mm/an – taux qu’il a décrit semblable à celui que l’on trouve dans un « environnement marin » où l’humidité et le chlorure sont aussi présents.57 Il a témoigné avoir utilisé ce terme pour essayer d’exprimer la différence entre un environnement de structure de type bâtiment (typiquement sec, sans présence de chlorure) et l’environnement du centre commercial qui était humide et dont l’humidité contenait beaucoup de chlorure. Ce type d’environnement augmente ou accélère la corrosion. Il a confirmé dans une réponse qu’il ne voulait pas dire que les conditions étaient comme si le centre commercial avait été sous les eaux de l’océan.58

Dans son témoignage, M. Dinovitzer a développé ce commentaire et a expliqué que le niveau de corrosion relevé au Centre commercial Algo est peu commun dans une charpente de bâtiment. Il a affirmé qu’il est difficile de trouver des statistiques sur les taux de corrosion pour les bâtiments fermés, et qu’il a donc eu recours à industrie qui enregistre cette information – en particulier le Tanker Structure Cooperative Forum, une organisation qui dirige des recherches liées aux navires et aux constructions en mer. En regardant leurs données, M. Dinovitzer a trouvé que les taux estimés de corrosion au Centre commercial Algo étaient semblables à ceux que l’on observe dans la citerne de ballast d’un bateau, où l’eau et le chlorure sont présents en quantité. Il a témoigné que l’analyse chimique effectuée sur les produits de corrosion avait décelé la présence abondante de chlorure, vraisemblablement en raison des sels de dégivrage utilisés sur le toit, et coulant aussi des voitures. Comme mentionné ci-dessus, le chlorure avait aussi été vu dans le béton. M. Dinovizer a dit que les fuites ont fait du centre commercial un environnement humide. Si le Centre commercial Algo avait été un environnement sec, tel que l’on s’attendrait d’un bâtiment, le taux de corrosion qu’on y a trouvé aurait été bien moindre.59

En mesurant le taux de corrosion au centre commercial, M. Dinovitzer a supposé que les éléments avaient été soumis à la corrosion de manière uniforme. Aucune preuve n’a été présentée pour contester ou discréditer cette hypothèse. Durant le contre-interrogatoire, M. Dinovitzer a reconnu que des évènements se seraient sans doute produits pendant la vie du centre commercial qui auraient accéléré ou ralenti le taux de corrosion. L’équipe NORR n’a cependant pas pu identifier de moment ou d’événement précis qui aurait influencé le taux de corrosion. J’accepte la conclusion de l’équipe qu’il était raisonnable, étant donné l’information et les données à sa disposition, de postuler que le taux de corrosion était uniforme au cours des années.

La supposition que les éléments étaient uniformément soumis à la corrosion a aussi pris en compte la preuve qu’au moment de la construction, les éléments de charpente étaient revêtus. M. Dinovitzer s’attendait à ce que ce revêtement ait contribué à retarder le début de la corrosion, et a déterminé sur la base de facteurs énumérés dans le rapport de BMT que durant les cinq premières années de la vie du Centre commercial Algo, le revêtement des éléments a de fait aidé à résister à la corrosion.60

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Rapport de la Commission d’enquête sur Elliot Lake 1re Partie n Les évènements menant à l’effondrement du Centre commercial Algo 50

Le jour de l’effondrement, la soudure du raccordement défaillant était tellement affaiblie par les effets de la corrosion qu’elle ne pouvait plus soutenir la moitié du poids pour lequel elle avait été conçue.

L’équipe NORR a affirmé que l’humidification et l’assèchement constants, avec la présence de chlorure, ont mené à la corrosion de la charpente en acier et du raccordement défaillant. Peu à peu ces conditions ont affaibli le raccordement jusqu’au point où il ne pouvait plus soutenir le poids de l’étage de stationnement, ceci menant à la défaillance du raccordement soudé. L’extrémité de la poutre, ainsi que la dalle alvéolé sus-jacente du niveau de stationnement, se sont alors effondrées sur le niveau supérieur du centre commercial. L’impact des dalles alvéolées a déclenché un second effondrement d’une partie de la charpente du niveau supérieur du centre commercial.61

Bien que BMT ait aidé Giatec et l’équipe NORR à estimer le taux de corrosion au centre commercial, son premier objet d’attention était le détail de raccordement soupçonné d’avoir précipité l’effondrement.62 On a fourni à BMT la section de bride de la colonne du raccordement défaillant, ainsi que sa poutre et ses angles boulonnés. La séparation du raccordement s’est produite au niveau des soudures qui rattachaient les deux angles à la bride de la colonne (voir figure 1.3.6).

L’équipe NORR a déterminé que la soudure a subi une défaillance en « deux étapes », probablement séparées de plusieurs mois, mais sans doute pas de plusieurs années. Deux éléments étaient importants pour déterminer la manière dont l’effondrement s’est produit : la présence de piqûres de corrosion et d’oxyde noir en surface du raccordement défaillant. Cette combinaison indiquait que la défaillance initiale s’est produite le long d’une partie

de la soudure quelques mois avant la séparation finale.63

La perte de métal dans le raccordement soudé donnait à penser qu’une quantité importante de matériau avait été perdue parce que le processus de corrosion s’était prolongé après la cassure de la soudure. BMT a noté dans son rapport que la dernière pièce du raccordement qui a cédé était la partie supérieure (du coin) de la section de l’angle. La conclusion que l’effondrement s’est produit suite à une défaillance en deux étapes était soutenue par plusieurs facteurs, y compris la preuve de la rotation (ou de l’écartement) de la partie restante du coin de la section de l’angle, de

Figure 1.3.6a Bride de la colonne du raccordement défaillant

Source Pièce 3015

Figure 1.3.6b Vue de haut du raccordement de poutre défaillant montrant que l’angle et le raccordement boulonné étaient gravement rouillés

Source Pièce 3015

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Section II n Les causes de l’effondrement Chapitre 3 n Les causes de l’effondrement 51

la bride de colonne, et l’absence de piqûres de corrosion sur la surface de défaillance du coin de la section de l’angle qui s’était écartée de la bride de la colonne.64

Quand des membres de l’équipe NORR ont examiné l’angle du raccordement défaillant, ils ont noté qu’une petite pièce triangulaire de l’angle était restée sur la colonne. En examinant le matériau au microscope, ils ont pu observer que l’angle s’était écarté de la bride, donnant à penser que la cassure de la section de l’angle était le dernier élément de la défaillance du raccordement.65

M. Dinovitzer a expliqué que si l’on tire sur un matériau dans le but de le casser, la première chose qui se produit avant la cassure est que les microstructures du matériau se déforment. En examinant le matériau au microscope, il a pu voir que les grains de l’acier étaient déformés. Cette « déformation plastique », comme on l’appelle techniquement, lui a indiqué que le matériau avait été étiré. Il a ensuite observé les autres surfaces de défaillance et a noté qu’il n’y avait aucun signe d’étirement. Cette différence donnait à penser que la corrosion de ces surfaces avait consommé ou absorbé le peu d’étirement qui aurait eu lieu en surface de cassure au moment de la défaillance initiale. D’après ceci et d’autres preuves, l’équipe NORR a déterminé qu’il y avait eu défaillance du raccordement en deux étapes.66

BMT a aussi effectué un examen au microscope du parcours de la rupture pour tenter d’identifier le mode de défaillance ainsi que les facteurs en jeu. Pendant cet examen, BMT a pu faire les observations suivantes :

• la défaillance de surface sur la bride de la colonne se trouvait entièrement au-dedans de la soudure;

• des piqûres le long de la surface de défaillance ont laissé penser que cette surface avait été exposée à un environnement corrosif pour une durée importante; de plus, on a vu des dépôts de corrosion dans les piqûres;

• la surface de défaillance n’a révélé aucune déformation de grain observable, ce qui indique qu’il n’y avait pas eu d’étirement ou de traction du métal, et donc pas de rotation ou d’arrachement du métal avant la défaillance (à part la déformation mentionnée ci-dessus); et

• la surface de défaillance du raccordement soudé sur la poutre n’exposait pas de métal de soudure; ce fait, ainsi que le premier point ci-dessus, signifient que le parcours de la cassure a suivi la ligne de fusion de la soudure – la frontière entre le métal de soudure et le matériau de base à l’angle.67

A l’examen détaillé du raccordement défaillant, l’équipe NORR a donc déterminé qu’aucun métal de soudure n’avait été laissé entre l’angle et la bride de la colonne. Ils étaient séparés. La corrosion avait progressé à un point où elle avait entièrement consommé la soudure. De façon semblable, la corrosion avait causé une diminution très importante de la soudure à d’autres endroits.

M. Dinovitzer a témoigné qu’ils constataient que l’angle était rouillé des deux côtés, bien que la soudure fût rouillée surtout d’un côté. Ils ont aussi constaté que la surface de rupture (ou de défaillance) à l’extrémité de l’angle était atteinte de piqûres, ce qui veut dire qu’il avait été exposé à l’environnement pour une durée importante.68 BMT a noté que le détail défaillant du raccordement avait subi un niveau important de dégradation due à la corrosion, réduisant par là sa charge nominale.69

Selon l’équipe NORR, la cause et le mécanisme de l’effondrement étaient évidents. Le raccordement de la poutre à la colonne G16, en quadrillage 16 entre les quadrillages Fx et G, a cédé au cisaillement en raison de la perte de section de la soudure. L’équipe NORR a précisé : « En fait, la soudure restante après des années de corrosion est si réduite que la justification pour la capacité de la poutre à se soutenir elle-même ainsi que le béton du dessus

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était sujette à davantage d’examens et d’analyses. » L’état de la bride de la colonne et les angles d’acier à l’extrémité de la poutre tels qu’ils existaient au moment de l’effondrement sont représentés en Figure 1.3.7.

L’équipe NORR a déterminé que la force appliquée au raccordement au moment de la défaillance était d’à peu près 50 pour cent du facteur de charge nominale de conception. L’équipe a conclu que le jour de l’effondrement, le raccordement soudé était affaibli au point où la voiture qu’on a vu dans la séquence vidéo et qui se déplaçait sur la zone en question dans les secondes avant l’effondrement, était comme on dit la goutte qui a fait déborder le vase. Le raccordement ne pouvait plus soutenir aucun poids, et le cisaillement de la soudure restante s’est produit, menant à l’effondrement immédiat et soudain. L’équipe NORR a déterminé que la portion de soudure qui demeurait immédiatement avant l’effondrement ne possédait que 13 pourcent de sa force portante.70

Dimitri Yakimov, un employé du Centre commercial Algo, avait constaté un mouvement – balancement et bruit sourd – des dalles en 2009 dans la zone de l’effondrement. J’accepte ce témoignage. J’accepte aussi les découvertes de l’équipe NORR quant au fait que les commentaires de M. Yakimov n’étaient sans doute pas signe que la première défaillance s’était produite en 2009, mais plutôt que la défaillance en

deux étapes identifiée par l’équipe NORR était espacée de mois, et non d’années. Le témoignage de M. Yakimov et le manque apparent de contre-mesure* corrective constituaient des preuves supplémentaires du manque de la part des propriétaires et des ingénieurs travaillant pour eux, d’enquêter correctement sur les problèmes portés à leur attention pendant la vie du bâtiment.

* L’ingénieur Robert Wood de M.R. Wright and Associates a témoigné que bien que M. Yakimov lui ait montré la zone, il n’a pas constaté de balancement ou de bruits sourds au moment du passage des voitures par-dessus cette zone. Même s’il avait constaté de tels faits, a-t-il affirmé, cela n’aurait pas été inhabituel : Témoignage Wood, 6 juin 2013, pp. 13327-8.

Figure 1.3.7 Devant la bride de la colonne au quadrillage G-16 et la poutre et l’angle qui étaient raccordés à la bride de la colonne avant la défaillance

Source Pièce 3007

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L’action des propriétaires a contribué à l’effondrement

Les tentatives de réparation des fuites n’ont jamais fonctionnées

L’étage de stationnement était construit avec un recouvrement de béton d’une épaisseur de 3 pouces par-dessus les dalles alvéolées préfabriquées. Au fil des années, on a décrit cet étage comme ayant plusieurs fissures visibles, qui correspondaient aux endroits de jointure entre les dalles préfabriquées situées directement en-dessous du recouvrement. Il est clair, comme je l’explique plus bas, que l’eau chargée de sel a pénétré l’espace intérieur du centre commercial par l’étage de stationnement. Les témoins étaient concordants quant au fait que pendant la vie du centre commercial, la méthode de réparation privilégiée était d’appliquer du scellant aux fissures pour tenter d’arrêter l’entrée des eaux dans l’espace de vente du dessous. Les membres de l’équipe NORR ont confirmé qu’ils ont vu la preuve de cette pratique. Après leur examen de photographies ainsi que de l’histoire de rapports et de correspondance, ils ont conclu que les méthodes de sceller les fissures utilisées par les divers propriétaires au fil des années n’ont pas empêché l’infiltration d’eau par l’étage de stationnement.71

Aucune évidence n’a été fournie à la Commission pour montrer que la pratique du scellement des fissures était un moyen efficace pour arrêter les fuites. Dans le meilleur des cas, cette pratique a arrêté certaines fuites pour une période limitée (habituellement courte). Les témoins qui déposaient en faveur du deuxième propriétaire du centre commercial, Retirement Living, et son avocat, à travers réinterrogatoire et contre-interrogatoire, ont tenté de convaincre la Commission que ses méthodes de scellement étaient plus efficaces pour arrêter les fuites que celles utilisées par le premier propriétaire, Algocen, et par le troisième, Eastwood Mall Inc. Par contre, d’abondantes preuves du contraire ont été présentées. La preuve documentaire et verbale présentée me satisfait pour croire que les fuites ont continué sans interruption au centre commercial sous la propriété de Retirement Living, ce qui soutient la conclusion arrivée par l’équipe NORR que les méthodes de scellement de fissures utilisées par tous les propriétaires au fil des années ne convenaient pas pour empêcher l’infiltration d’eau au travers de l’étage de stationnement. J’accepte la conclusion de l’équipe NORR sur cette question.

Retirement Living aurait pu sauver le centre commercial par l’installation d’une membrane

Le Dr Saffarini a affirmé que sur la base de l’information obtenue par l’équipe NORR, si Retirement Living avait installé une membrane et une couche de roulement bitumineuse sur l’étage de stationnement du toit au moment de l’achat du Centre commercial Algo, les fuites auraient cessé. Il était aussi à l’aise pour dire que malgré un certain niveau d’incertitude quant à l’état du centre commercial au moment de l’achat, si les fuites et la corrosion en résultant avaient cessé en 1999, la charpente aurait sans doute tenu sans nécessité de renforcement.72 J’accepte cette conclusion.

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Rapport de la Commission d’enquête sur Elliot Lake 1re Partie n Les évènements menant à l’effondrement du Centre commercial Algo 54

Eastwood Mall aurait eu plus à faire : installer une membrane et renforcer l’acier

Le Dr Saffarini a témoigné que le bâtiment aurait atteint un point (avant l’effondrement) où même avec la pose d’une membrane imperméable et d’une couche de roulement bitumineuse, des réparations importantes et des renforcements de la charpente auraient été nécessaires. Il ne pouvait pas relever de moment exact où ce seuil aurait été atteint; cependant, il a postulé que le seuil avait été atteint quelque part en début des années 2000. Sur la base de ses preuves, il semblerait que même si une membrane imperméable et une couche de roulement bitumineuse avaient été posées sur le stationnement du toit du Centre commercial Algo en début des années 2000, le propriétaire – NorDev ou Eastwood Mall – aurait dû entreprendre des réparations importantes et des renforcements de la charpente pour remédier à l’affaiblissement de la charge nominale.73

Aucune autre théorie plausible n’a été présentée pour expliquer la cause de l’effondrementM. Wood, le dernier ingénieur à inspecter le centre commercial avant son effondrement, a considéré diverses théories pour expliquer la cause de l’effondrement. Bien que ces théories aient été suggérées en contre-interrogatoire par son avocat, aucune demande n’a été faite en son nom pour permettre la soumission de rapports d’experts supplémentaires en faveur de ses positions. Certaines de ces théories ont été présentées à l’équipe NORR pendant son témoignage.

Le Dr Saffarini a témoigné que l’équipe NORR a cherché à déterminer s’il existait d’autres causes possibles ou d’autres facteurs ayant contribué à l’effondrement et à la défaillance de la poutre :

Nous avons considéré ou réfléchi à toute possibilité – comme nous l’avons dit, en examinant la conception et tout facteur de contribution. Le fait que dans ce cas particulier, comme je l’ai dit hier, il était très évident que le raccordement était complètement détérioré, que la force portante qui restait dans ce raccordement était si basse – il n’était pas très difficile de relier la cause de l’effondrement à la diminution de la résistance de ce raccordement. Cela nous a mis sur cette piste, mais nous avons quand même exploré la résistance et la force portante de conception etc., de tous les éléments.74

La colonne ne s’est pas pliée avant l’effondrement

L’avocat de M. Wood a signalé que dans une des photographies présentées par l’équipe NORR, la colonne à laquelle la poutre effondrée avait été attachée paraissait pliée. Le Dr Saffarini a expliqué que ce que l’on voyait dans la photographie ne constituait pas de preuve que la colonne s’était pliée. Plutôt, pendant la démolition qui a suivi l’effondrement, la colonne avait été pliée au moment où on l’arrachait au bâtiment.75

Le « bruit sourd » remarqué par M. Yakimov n’était pas le résultat d’une ancienne défaillance partielle du raccordement

Pendant son enquête, l’équipe NORR a pris en considération si les rapports de M. Yakimov en 2009 concernant le balancement des dalles de toiture provoqué au moment du passage des voitures par-dessus la zone d’effondrement aurait pu être l’indication d’un effondrement partiel à l’époque. L’équipe a trouvé qu’un certain nombre de raisons pourrait expliquer le mouvement et les bruits sourds observés par M. Yakimov et a finalement conclu qu’une ancienne défaillance partielle du raccordement due à la corrosion était la moins probante des explications du phénomène.

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Section II n Les causes de l’effondrement Chapitre 3 n Les causes de l’effondrement 55

Il était plus probable que le bruit et le mouvement aient résulté d’une irrégularité de l’appui des dalles préfabriquées, causée par la détérioration de tampons d’appui masonites placés entre les dalles et les poutres en acier au moment de la construction. Ces tampons d’appui sont utilisés pour assurer que les dalles alvéolées soient bien assises sur les poutres, sans laisser d’espace entre le dessous de la dalle et le dessus de la bride de la poutre d’acier. L’entrée d’eau à travers le stationnement du toit aurait détérioré le produit masonite (un carton dur non-imperméable), menant à l’assise irrégulière des dalles sur les poutres. Cette irrégularité aurait mené au mouvement et au bruit observés par M. Yakimov.76

L’effondrement du Centre commercial Algo n’était pas un effondrement progressif

L’avocat de M. Wood, en contre-interrogatoire d’un certain nombre de témoins, a suggéré que l’effondrement était un « effondrement progressif » – dû à ce que les dalles alvéolées n’avaient pas été correctement encastrées au moment de la construction. Il a exploré cette théorie à la lumière des preuves fournies par l’équipe NORR. Le Dr Saffarini, répondant au nom de l’équipe, a rejeté cette théorie dans son intégralité :

Je pense que l’effondrement qui a eu lieu n’était pas un effondrement progressif, en ce sens qu’il ne s’est pas développé au-delà de la défaillance du raccordement. Et la défaillance du dessous est une conséquence directe de la chute des dalles défaillantes sur les dalles du niveau supérieur du bâtiment et causant leur défaillance immédiate. Un effondrement aurait été considéré progressif en raison d’un phénomène de perte – par exemple, une colonne menant à la perte d’un groupe d’éléments, qui auraient éventuellement mené à une série de pertes de colonnes adjacentes et d’autres éléments, où toute la charpente, ou sa majeure partie aurait cédé. Mais dans ce cas particulier, c’est localisé – et la seule progression qui s’y trouve est l’impact des dalles qui sont tombées sur le niveau supérieur du centre commercial.77

Les cycles de gel et de dégel au Centre commercial Algo n’ont pas causé l’effondrement

Le Dr Saffarini a témoigné qu’il n’était pas d’accord avec la suggestion faite par l’avocat de M. Wood pendant le contre-interrogatoire à l’effet que le cycle de gel et de dégel ou la variation de température aient joué un rôle dans la détérioration des dalles alvéolées. Il a expliqué que le cycle de changement de température pouvait avoir un effet sur les contraintes et les charges dans la charpente (pour l’acier et le béton), mais que ce cycle n’était pas considéré par l’équipe NORR comme étant clé ou d’importance dans l’effondrement.78

Le Dr Saffarini n’était pas non plus d’accord avec la proposition avancée par l’avocat de M. Wood en contre-interrogatoire, que le changement de conception ayant mené à l’installation du matériau isolant en-dessous des dalles alvéolées et non par-dessus ait contribué à l’effondrement. L’avocat de M. Wood a laissé entendre que ce changement a provoqué l’emplacement des dalles en dehors de l’enveloppe du bâtiment et a causé ou contribué à l’effondrement en soumettant à la contrainte l’acier de charpente d’en-dessous des dalles à plusieurs reprises au cours de l’année. Cependant, le Dr Saffarini a témoigné que l’effet de la température sur les dalles préfabriquées et sur l’acier n’était pas pertinent pour l’identification de la cause de l’effondrement.79

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Rapport de la Commission d’enquête sur Elliot Lake 1re Partie n Les évènements menant à l’effondrement du Centre commercial Algo 56

ConclusionsUne section du Centre commercial Algo s’est effondrée en raison d’un raccordement défaillant. Le raccordement situé au quadrillage G-16 n’a pas cédé à cause d’un défaut de construction. Il a cédé parce qu’exposé au fil des années à des conditions constantes d’humidification et d’assèchement en présence de chlorure s’étant infiltré

depuis le stationnement du toit de façon ininterrompue pendant plus de 30 ans. Je suis satisfait des découvertes faites par l’équipe NORR : je suis d’accord pour dire que l’effondrement s’est produit parce que la soudure joignant l’angle à la colonne s’était tellement affaiblie sous l’effet de la corrosion qu’elle ne pouvait plus même soutenir la moitié de la charge pour laquelle elle avait été conçue.

La conception de l’étage de stationnement a été approuvé par, et a satisfait aux exigences du Code du bâtiment de l’Ontario de 1975. Les preuves de l’équipe NORR sont allées dans ce sens : individuellement, les divers éléments de conception qui constituaient la charpente du Centre commercial Algo – nommément l’acier de charpente, les dalles alvéolées et le système d’imperméabilisation – ont tous satisfait à ces exigences.

Cependant, le système d’imperméabilisation n’a jamais pu fournir un toit étanche au centre commercial. Il est clair que le toit était loin d’être d’une qualité idéale, étant donné les conditions climatiques à Elliot Lake. Ses réparations et son entretien étaient en outre coûteux et difficiles.

Ce dernier facteur a fortement dissuadé les propriétaires des contre-mesures à prendre pour remédier aux fuites constantes du toit.

Ces insuffisances de conception (y compris en particulier le manque d’une membrane imperméable comme partie de la conception d’origine ou en tant qu’addition ultérieure), et une réticence à la prise de réelles contre-mesures aux fuites, ont inéluctablement mené à la corrosion exceptionnelle qui a précipité l’effondrement.

Les preuves dont dispose cette Commission sont claires et montrent que l’imperméabilisation du toit a été un échec dès le départ. La conduite à adopter aurait été de prendre des mesures rapides et efficaces pour protéger un actif important. Des propriétaires successifs y ont manqué, et les conséquences de cette négligence ont été tragiques.

Les preuves présentées à la Commission ont montré que les matériaux qui constituaient le système d’imperméabilisation étaient vite devenus défaillants, pour ne pas dire immédiatement. Quand le premier propriétaire, Algocen, a vu que le système ne correspondait pas à l’intention de conception, il aurait pu entreprendre la démarche logique de remplacer le système entier d’imperméabilisation afin d’arrêter les fuites et pour protéger son actif. Aucun des propriétaires du centre commercial n’a pris de réelles mesures pour arrêter les fuites, car le coût de ces mesures aurait compromis son bénéfice net.

Une section du Centre commercial Algo s’est effondrée en raison d’un raccordement défaillant. Le raccordement situé au quadrillage G-16 n’a pas cédé à cause d’un défaut de construction. Il a cédé parce qu’exposé au fil des années à des conditions constantes d’humidification et d’assèchement en présence de chlorure s’étant infiltré depuis le stationnement du toit de façon ininterrompue pendant plus de 30 ans.

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Section II n Les causes de l’effondrement Chapitre 3 n Les causes de l’effondrement 57

Notes1 Pièce 3007, p. 278.2 Pièce 5157.3 Pièce 5156.4 Pièce 5155.5 Pièce 5154.6 Le 29 mai 2013, le Dr Hassan Saffarini et Christopher Hughes de

NORR, avec le Dr Pouria Ghods de Giatec et Aaron Dinovitzer de BMT, ont témoigné en groupe d’experts devant la Commission.

7 Témoignage du panel NORR (Saffarini), 29 mai 2013, pp. 12187-8.8 Pièce 3141.9 Pièce 3007, p. 333.10 Témoignage du panel NORR (Saffarini), 29 mai 2013, p. 12188.11 O Reg 925/75.12 Pièce 3007, p. 279.13 Pièce 3007, pp. 348-52.14 Pièce 3007, p. 356.15 Pièce 3007, p. 358.16 Pièce 3007, p. 281.17 Pièce 3007, p. 363.18 Pièce 3007, p. 362.19 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013,

pp. 12249-50.20 Pièce 3007, p. 363.21 Pièce 3011, p. 705.22 Pièce 3007, p. 363.23 Pièce 3015.24 Pièce 3015, p. 174.25 Pièce 3007, p. 363; Pièce 3015, pp. 173-80; témoignage de

l’équipe NORR (Dinovitzer), 29 mai 2013, pp. 12295-626 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013,

pp. 12250-1.27 Pièce 3007, p. 411.28 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013,

pp. 12252-3.29 Pièce 3007, p. 279.30 Témoignage de l’équipe NORR (Ghods), 29 mai 2013, p. 12313.31 Témoignage de l’équipe NORR (Ghods), 29 mai 2013,

pp. 12313-14.32 Pièce 3007, p. 325.33 O Reg 925/75.34 Pièce 3007, p. 300, et pièce 541.35 Pièce 3007, pp. 281-2.36 Témoignage de l’équipe NORR (Hughes), 29 mai 2013, p. 12214.37 Témoignage de l’équipe NORR (Hughes), 29 mai 2013,

pp. 12227-9.38 Témoignage de l’équipe NORR (Hughes), 29 mai 2013,

pp. 12236-42.39 Témoignage de l’équipe NORR (Hughes), 29 mai 2013, p. 12243.40 Témoignage de l’équipe NORR (Hughes), 30 mai 2013, p. 12517.41 Pièce 3007, p. 352.42 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013, p. 12247.43 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013,

pp. 12232, 12234.44 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013,

pp. 12258-9.45 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013, p. 12260.46 Pièce 3007, pp. 391-2.47 NORR Panel testimony (Saffarini), May 29, 2013, p. 12261.

48 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013, pp. 12262-6.

49 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 29 mai 2013, p. 12264.50 Témoignage de l’équipe NORR (Ghods), 29 mai 2013,

pp. 12273-4.51 Témoignage de l’équipe NORR (Ghods), 29 mai 2013,

pp. 12280-1; Pièce 3007, pp. 389-91.52 Pièce 3007, p. 392.53 Pièce 3007, p. 393.54 Pièce 3007, pp. 395-6.55 Pièce 3007, p. 401.56 Pièce 3007, p. 404.57 Pièce 3007, p. 280.58 Témoignage de l’équipe NORR (Dinovitzer), 30 mai 2013,

pp. 12669-79.59 Témoignage de l’équipe NORR (Dinovitzer), 29 mai 2013,

pp. 12304-6.60 Pièce 3015, p. 195.61 Pièce 3007, p. 336.62 Pièce 3015, p. 152.63 Piècet 3015, p. 19864 Pièce 3015, p. 19865 Pièce 3015, Appendice H, p. 187 66 Témoignage du panel (Dinovitzer), 29 mai,2013, pp. 12308-10.67 Pièce 3015, p. 180-1.68 Témoignage de l’équipe NORR (Dinovitzer), 29 mai 2013,

pp. 12300-1; Pièce 3015, p. 18069 Pièce 3015, p. 19870 Pièce 3007, p. 406-7.71 Pièce 3007, p. 334.72 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12570-2.73 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013, p. 12573.74 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12547-8.75 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12541-4; Pièce 3015, schéma 2.1, p. 11.76 Pièce 3007, pp. 408-10.77 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12539-40.78 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12519-20.79 Témoignage de l’équipe NORR (Saffarini), 30 mai 2013,

pp. 12528-9 et 12537-8.

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