Chapitre 3 Guerres mondiales et espoirs de paix · La double page Histoire des Arts (p. 88-89)...

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21 © Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1 re ES-L – Livre du professeur Chapitre 3 Histoire, p. 62-99 Guerres mondiales et espoirs de paix Mettre en œuvre la question Le chapitre doit permettre de comprendre les bouleversements provoqués par les deux grands conflits mondiaux qui ont marqué la première moitié du XX e siècle. Le concept de guerre totale, utilisé dès 1918 par Léon Daudet, est au cœur de la problématique du chapitre. La mise en œuvre proposée par le manuel s’attache à en exposer les différents aspects tout en s’inscrivant dans une perspective critique et évolutive. La comparaison entre les deux conflits mondiaux constitue un fil conducteur de la démarche qui doit permettre d’en saisir les points communs (des guerres totales) et les singularités (la Seconde Guerre mondiale est une guerre d’anéantissement). En conformité avec l’esprit du programme, la mise en œuvre du manuel privilégie une approche « à hauteur d’hommes » qui permet d’interroger le rapport des individus et des sociétés aux violences de la guerre commises ou subies. Cette réflexion doit aboutir à la compréhension de l’ampleur des traumatismes individuels et collectifs qui ont conduit les dirigeants des puissances victorieuses à créer les cadres d’un nouvel ordre mondial et à tenter d’en assurer la pérennité par la mise en place d’institutions de sécurité collective (la SDN puis l’ONU) qui relèvent l’une et l’autre de l’héritage wilsonien. Le document d’ouverture (p. 62-63) permet de perce- voir deux caractéristiques essentielles de la guerre totale : d’une part la place des civils, d’autre part l’ampleur des destructions et des moyens techniques de la guerre totale. Ce document est complémentaire du sujet Bac sur les civils face à la guerre d’anéantissement (p. 98). Les deux photographies de la double page Repères (p. 64-65) permettent d’illustrer les notions d’expérience combattante (« poilus » dans une tranchée) et de guerre d’anéantissement (Hiroshima détruite par la bombe ato- mique). Les deux affiches peuvent constituer un outil d’analyse sur l’organisation, les objectifs et les limites des institutions de sécurité collective nées des deux guerres. Les dates proposées correspondent aux événements charnières ou emblématiques. La carte sur la Première Guerre mondiale (p. 66-67) permet d’évoquer les différents aspects stratégiques et les grandes phases de la Première Guerre mondiale. Les chiffres clés mettent l’accent sur l’ampleur des victimes militaires (nombre et taux de pertes) et civiles (veuves, orphelins). L’étude sur la bataille de la Somme (p. 68-69) constitue l’étude centrale sur l’expérience combattante. Elle permet une approche des différentes formes de la violence des combats et des souffrances des combattants. Le doc. 3 permet un commentaire synthétique sur les caracté- ristiques incontournables de la guerre de tranchées : la tranchée, les barbelés, le rôle de l’artillerie illustré par l’explosion, la vulnérabilité des fantassins. L’étude sur les mutineries de 1917 (p. 70-71) permet de s’interroger sur la ténacité des combattants face à la guerre et d’aborder le débat entre les thèses du consen- tement et de la contrainte. Le choix des documents doit permettre une approche critique et nuancée de la ques- tion sans chercher à la trancher. Le doc. 4 revêt ici un intérêt tout particulier puisqu’il permet de montrer que les soldats sont divisés face aux mutineries. L’étude sur la place des femmes dans la guerre (p. 72-73) permet d’évoquer les différentes formes de mobilisation qui participent à la guerre totale. On prêtera une attention toute particulière au doc. 1 qui évoque la militarisation des femmes britanniques et constitue un cas très particulier mais aussi très révélateur de la manière dont évolue la perception de la place des femmes dans la société à la faveur de la guerre. Le cours 1 (p. 74-75) apporte les principaux éléments nécessaires à la compréhension de l’expérience combat- tante. Les documents proposés permettent d’aborder le quotidien des soldats, leurs souffrances et leurs différents rapports à la violence. Le cours 2 (p. 76-77) met en exergue les principaux aspects de la guerre totale, en particulier les mobilisations économique et psychologique (ex. culture de guerre). Il permet aussi d’aborder les traumatismes et les boulever- sements sociaux et politiques provoqués par la guerre qui nourrissent la volonté de créer une institution inter- nationale capable d’empêcher un nouveau conflit. Une attention particulière doit être apportée au doc. 1 sur le génocide des Arméniens qui constitue, par son ampleur et son organisation, le franchissement d’un seuil de vio- lence contre les civils. La carte sur la Seconde Guerre mondiale (p. 78-79) et le doc. 1 apportent les repères spatiaux et chronologiques nécessaires à la mise en récit des phases de la Seconde Guerre mondiale. L’insertion de photographies permet d’attirer l’attention sur les lieux clés rencontrés dans les études documentaires. Les doc. 2 et 3 mettent l’accent sur le sort des victimes civiles et des Juifs. L’étude sur le siège de Leningrad (p. 80-81) permet de montrer comment l’offensive allemande contre l’URSS marque un changement de nature dans la guerre. L’étude permet non seulement de traiter des aspects militaires et idéologiques de la guerre d’anéantissement mais aussi de montrer comment les civils deviennent des cibles

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Chapitre 3➤ Histoire, p. 62-99

Guerres mondiales et espoirs de paix

◗ Mettre en œuvre la question

Le chapitre doit permettre de comprendre les bouleversements provoqués par les deux grands conflits mondiaux qui ont marqué la première moitié du xxe siècle. Le concept de guerre totale, utilisé dès 1918 par Léon Daudet, est au cœur de la problématique du chapitre. La mise en œuvre proposée par le manuel s’attache à en exposer les différents aspects tout en s’inscrivant dans une perspective critique et évolutive. La comparaison entre les deux conflits mondiaux constitue un fil conducteur de la démarche qui doit permettre d’en saisir les points communs (des guerres totales) et les singularités (la Seconde Guerre mondiale est une guerre d’anéantissement). En conformité avec l’esprit du programme, la mise en œuvre du manuel privilégie une approche « à hauteur d’hommes » qui permet d’interroger le rapport des individus et des sociétés aux violences de la guerre commises ou subies. Cette réflexion doit aboutir à la compréhension de l’ampleur des traumatismes individuels et collectifs qui ont conduit les dirigeants des puissances victorieuses à créer les cadres d’un nouvel ordre mondial et à tenter d’en assurer la pérennité par la mise en place d’institutions de sécurité collective (la SDN puis l’ONU) qui relèvent l’une et l’autre de l’héritage wilsonien.

➤ Le document d’ouverture (p. 62-63) permet de perce-voir deux caractéristiques essentielles de la guerre totale : d’une part la place des civils, d’autre part l’ampleur des destructions et des moyens techniques de la guerre totale. Ce document est complémentaire du sujet Bac sur les civils face à la guerre d’anéantissement (p. 98).

➤ Les deux photographies de la double page Repères (p. 64-65) permettent d’illustrer les notions d’expérience combattante (« poilus » dans une tranchée) et de guerre d’anéantissement (Hiroshima détruite par la bombe ato-mique). Les deux affiches peuvent constituer un outil d’analyse sur l’organisation, les objectifs et les limites des institutions de sécurité collective nées des deux guerres. Les dates proposées correspondent aux événements charnières ou emblématiques.

➤ La carte sur la Première Guerre mondiale (p. 66-67) permet d’évoquer les différents aspects stratégiques et les grandes phases de la Première Guerre mondiale. Les chiffres clés mettent l’accent sur l’ampleur des victimes militaires (nombre et taux de pertes) et civiles (veuves, orphelins).

➤ L’étude sur la bataille de la Somme (p. 68-69) constitue l’étude centrale sur l’expérience combattante. Elle permet une approche des différentes formes de la violence des combats et des souffrances des combattants. Le doc. 3 permet un commentaire synthétique sur les caracté-ristiques incontournables de la guerre de tranchées : la tranchée, les barbelés, le rôle de l’artillerie illustré par l’explosion, la vulnérabilité des fantassins.

➤ L’étude sur les mutineries de 1917 (p. 70-71) permet de s’interroger sur la ténacité des combattants face à la guerre et d’aborder le débat entre les thèses du consen-tement et de la contrainte. Le choix des documents doit permettre une approche critique et nuancée de la ques-tion sans chercher à la trancher. Le doc. 4 revêt ici un intérêt tout particulier puisqu’il permet de montrer que les soldats sont divisés face aux mutineries.

➤ L’étude sur la place des femmes dans la guerre (p.  72-73) permet d’évoquer les différentes formes de mobilisation qui participent à la guerre totale. On prêtera une attention toute particulière au doc. 1 qui évoque la militarisation des femmes britanniques et constitue un cas très particulier mais aussi très révélateur de la manière dont évolue la perception de la place des femmes dans la société à la faveur de la guerre.

➤ Le cours 1 (p. 74-75) apporte les principaux éléments nécessaires à la compréhension de l’expérience combat-tante. Les documents proposés permettent d’aborder le quotidien des soldats, leurs souffrances et leurs différents rapports à la violence.

➤ Le cours 2 (p. 76-77) met en exergue les principaux aspects de la guerre totale, en particulier les mobilisations économique et psychologique (ex. culture de guerre). Il permet aussi d’aborder les traumatismes et les boulever-sements sociaux et politiques provoqués par la guerre qui nourrissent la volonté de créer une institution inter-nationale capable d’empêcher un nouveau conflit. Une attention particulière doit être apportée au doc. 1 sur le génocide des Arméniens qui constitue, par son ampleur et son organisation, le franchissement d’un seuil de vio-lence contre les civils.

➤ La carte sur la Seconde Guerre mondiale (p. 78-79) et le doc. 1 apportent les repères spatiaux et chronologiques nécessaires à la mise en récit des phases de la Seconde Guerre mondiale. L’insertion de photographies permet d’attirer l’attention sur les lieux clés rencontrés dans les études documentaires. Les doc. 2 et 3 mettent l’accent sur le sort des victimes civiles et des Juifs.

➤ L’étude sur le siège de Leningrad (p. 80-81) permet de montrer comment l’offensive allemande contre l’URSS marque un changement de nature dans la guerre. L’étude permet non seulement de traiter des aspects militaires et idéologiques de la guerre d’anéantissement mais aussi de montrer comment les civils deviennent des cibles

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privilégiées. Une attention particulière doit être apportée au doc. 3 qui illustre la dimension idéologique et totale de la guerre.

➤ Les études sur Babi Yar et Auschwitz (p. 82 à 85) per-mettent de traiter les différentes étapes du génocide des Juifs en montrant comment les nazis rationnalisent pro-gressivement les moyens d’extermination des Juifs d’Eu-rope. Une place importante est donnée aux témoignages d’acteurs variés (bourreaux, victimes, témoins passifs) mettant en jeu différentes attitudes et différents niveaux de responsabilités et d’implication face aux crimes. Dans l’étude sur Auschwitz, le doc. 4 permet d’évoquer le sort particulier des Tsiganes victimes d’un génocide et de com-prendre sa logique particulière par rapport au génocide des Juifs.

➤ L’étude sur l’ONU (p. 86-87) permet d’aborder à la fois les principes et l’organisation de l’ONU et de comprendre dans quels héritages s’inscrit cette organisation. Le doc. 3 met en exergue le rôle particulier joué par les États-Unis.

➤ La double page Histoire des Arts (p. 88-89) offre un éclairage particulier sur la guerre du Pacifique et permet un complément d’analyse sur le sort des civils dans la guerre, en permettant de comprendre les effets dévasta-teurs et traumatiques de la bombe atomique.

➤ Le cours 3 (p. 90-91) met en évidence les dimensions idéologiques et techniques de la guerre d’anéantissement et ouvre la réflexion sur le nouvel ordre mondial né de la Seconde Guerre mondiale. Le doc. 2 sur les attaques

aériennes offre des témoignages particulièrement origi-naux sur le rapport des hommes à la violence.

➤ Le titre du cours 4 (p. 92-93) distingue les deux géno-cides dont les logiques et la chronologie ne se confondent pas totalement. L’exclusion, la déportation puis l’exter-mination constituent les principales étapes d’un proces-sus dont on s’attache à identifier les principaux lieux et acteurs. La citation et la biographie d’Anne Frank encou-ragent l’empathie des élèves.

➤ Les exercices des pages Réviser et S’entraîner (p. 94 à 97) permettent la mise en œuvre de compétences requises pour les épreuves du Bac. Ils permettent de décrire (1er  exercice p.  94, 2e  exercice p.  96), classer (2e exercice p. 94) schématiser (3e exercice p. 94), situer un événement (1er exercice p. 96), de critiquer et d’analyser une image (2e et 3e exercices p. 96). Le schéma de syn-thèse permet d’établir des comparaisons entre les deux conflits mais nécessite une approche critique afin de ne pas mettre sur le même plan les différents éléments de comparaison (ex. génocides).

➤ Le sujet de composition (p. 98) marque l’aboutisse-ment d’un cheminement annoncé dès l’ouverture en cen-trant la réflexion sur le sort des civils dans la guerre. Cette dimension constitue une des spécificités de la Seconde Guerre mondiale par rapport à la Première Guerre mondiale et permet d’aborder les deux grands axes de réflexion proposés par le programme : la guerre d’anéan-tissement et les génocides des Juifs et des Tsiganes.

Bibliographie

✔ S. Audouin-Rouzeau, A. Becker, C. Ingrao, H. Rousso (dir.), La Violence de guerre 1914-1945, coll. « Histoire du temps présent », IHTP-CNRS, 2002.Un ensemble d’articles écrits par des spécialistes des deux guerres mondiales. Cet ouvrage permet notamment une étude comparée des violences de guerre entre les deux conflits mondiaux et offre des éclairages précis sur les principales problématiques et notions du chapitre. Incontournable !

✔ Tal Bruttmann, Auschwitz, La Découverte, 2015.La synthèse la plus récente et accessible qui permet d’aborder dans toute sa complexité l’univers d’Auschwitz où se croisent de façon unique les politiques répressive, d’assassinat mais aussi de colonisation et de développement industriel des nazis.

✔ André Loez, Nicolas Offenstadt, La Grande Guerre, carnet du Centenaire, Albin Michel, 2013.Un des nombreux ouvrages publiés dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale. Une approche synthétique par grands thèmes (lieux, acteurs, mots, objets…) avec des documents originaux qui met l’accent sur la dimension internationale du conflit. Très utile au travail didactique.

✔ S. Neitzel, H. Welzer, Soldats. Combattre, tuer, mourir : Procès-verbaux de récits de soldats allemands, trad. O. Man-noni, coll.  « NRF essais », Éd. Gallimard, 2013.Un ouvrage qui exploite des sources inédites et de nature très originale qui permettent d’étudier le rapport des sol-dats allemands à la violence de guerre et de comprendre les ressorts psychologiques et idéologiques de la guerre d’anéantissement à l’Est.

✔ Jay Winter (dir.), La Première Guerre mondiale, tome 1 : Combats (2013), tome 2 : États (2014), tome 3 : Sociétés (2015), Éd. Fayard.Une véritable somme réalisée par quelques-uns des plus grands spécialistes qui font la synthèse de l’historiographie internationale la plus récente sur le sujet.

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Étude La bataille de la Somme (1916) ➤ p. 68-69

Ressources numériques liées au chapitreCartes cliquables• La Première Guerre mondiale, p. 66 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-009• La Seconde Guerre mondiale, p. 78 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-011Carte animée• L’Asie pendant la Seconde Guerre mondiale, p. 79 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-012Document interactif• Auschwitz-Birkenau, p. 84 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-013Vidéo• Le génocide tsigane, p. 93 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-014Schéma commenté• Guerres mondiales et espoirs de paix, p. 95 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-015

www.lienmini.fr/magnard-hg1-009

Situer1. Le 1er juillet 1916, les Alliés lancent une offensive d’une puissance et d’une violence sans précédent afin de rompre le front allemand et de relancer la guerre de mou-vement pour repousser l’armée allemande qui occupe alors la Belgique et le Nord-Est de la France.2. De part et d’autre du no man’s land balayé par les tirs d’artillerie et de mitrailleuses, s’étendent en profondeur sur plusieurs lignes les réseaux de tranchées des deux armées ennemies. Entre les lignes et en retrait du réseau de tranchées sont postées des batteries d’artilleries de différents calibres, les plus puissantes circulant sur des voies ferrées. À quelques kilomètres de ces espaces se trouvent les villages et les villes de l’arrière-front où can-tonnent les soldats et où est stocké le matériel de guerre.

Confronter des documents3. L’offensive alliée est préparée par un bombardement intense et continu de l’artillerie sur les tranchées alle-mandes pendant près d’une semaine. Puis le 1er juillet, à l’aube, les fantassins britanniques s’élancent dans le no man’s land à l’assaut des tranchées allemandes. L’of-fensive est très rapidement mise en échec car les soldats allemands, abrités dans de profondes galeries ont été alertés par la fin du bombardement d’artillerie et ont pu sortir dans leurs tranchées pour balayer de leurs tirs de mitrailleuses et de fusils les vagues d’assaut britanniques marchant au pas. La plupart de ces soldats sont peu expé-rimentés et subissent leur baptême du feu. En quelques heures les Britanniques perdent ainsi 60 000 hommes et n’atteignent aucun des objectifs qui leur étaient assignés.

4.

Quelles sont les armes utilisées ? Que font les combattants ? Quelles souffrances les combattants endurent-ils ?

Doc. 2 Les obus percutants de l’artillerie détruisent les tranchées, les abris et les corps. Les gaz toxiques asphyxient les combattants qui ne mettent pas leur masque à gaz.

Les artilleurs opèrent un travail répéti-tif qui peut faire penser au travail des ouvriers à la chaîne. Ils ne voient pas les ennemis qu’ils tuent. Les fantassins allemands attendent passivement à l’abri des galeries profondes qu’ils ont creusées dans le sol crayeux des pla-teaux de la Somme. Ils ne voient pas les ennemis qui les attaquent.

Les soldats allemands souffrent de la peur ; ils sont confrontés au risque per-manent et au bruit assourdissant des explosions, au manque de sommeil et d’hygiène et à la mauvaise qualité de l’alimentation.

Doc. 4 Le grand nombre de projectiles des mitrailleuses et des grenades blessent ou tuent les combattants qui s’aven-turent sur le no man’s land.

Ernst Jünger et ses compagnons tentent d’inspecter le no man’s land pour prendre des renseignements sur leurs ennemis, puis ils combattent au corps-à-corps et s’enfuient en panique sous les tirs de mitrailleuses.

À la suite de l’affrontement, Ernst Jünger est victime de troubles nerveux provo-qués par la peur.

◗ Corrigés des questionnaires

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Étude Les mutineries de 1917 ➤ p. 70-71

5. Malgré la peur et les troubles nerveux éprouvés à la suite de l’affrontement, Ernst Jünger considère les « coups de main » contre les tranchées ennemis comme des actes valorisant le soldat (« endurcir le courage ») et lui permettant de rompre « la monotonie de l’existence ». Le combat est donc ici vécu comme une expérience exal-tante et volontaire.

Synthétiser6. La tranchée et le no man’s land sont les espaces les plus violents de l’expérience combattante. Les hommes cherchent d’abord à se protéger, à se « terrer » comme des animaux dans les tranchées ou les galeries creusées dans le sol (doc. 2 et 4) ou dans les trous d’obus du no man’s land (doc. 4). Les doc. 2 et 4 illustrent deux formes dif-férentes du rapport des combattants à la violence. Dans le doc. 2, la violence est anonyme. Les artilleurs britan-niques qui frappent les tranchées ennemies ne voient pas la mort de masse qu’ils provoquent. Ils ont un rapport distancié à la violence. Les fantassins allemands sont totalement impuissants face au bombardement qu’ils subissent. Ils doivent se résigner à attendre avec la peur d’une mort atroce ou de blessures irréparables. Dans le doc. 4, le combattant exerce un rôle actif. Il doit se fau-filer pour espionner l’ennemi, combat au corps-à-corps, puis se dérobe face aux tirs ennemis. S’il en réchappe, le combattant peut retirer de cette expérience valorisa-tion et fierté et l’on comprend que certains soldats res-sentent une exaltation à combattre dans ces conditions.

Par ailleurs le combattant doit tuer pour ne pas être tué. Il commet là un acte de transgression sociale puisque l’as-sassinat est un crime selon les lois civiles. L’individu peut donc être culpabilisé par cette expérience ou au contraire s’endurcir par un processus de « brutalisation ».

Vers le BAC

CompositionI. Une offensive caractéristique de la guerre de position

A. Un objectif : percer le frontB. Un champ de bataille : le no man’s land et les tran-chéesC. Un échec qui provoque la mort de masse

II. Une bataille de matériel marquée par la violence des armes nouvelles

A. Les effets dévastateurs des armes modernes (artille-rie, mitrailleuses, gaz)B. Des hommes qui subissent le feu ennemiC. Des hommes qui consentent à la violence

III. Une longue bataille de cinq mois synonymes de souf-frances quotidiennes pour les combattants

A. Les souffrances psychologiques : la peur, l’ennui et les traumatismesB. Les souffrances physiques : la promiscuité et l’incon-fort, le manque de sommeil et d’hygiène, la faim

Situer1. Les mutineries interviennent à la suite de l’échec san-glant (100  000 pertes côté français) de l’offensive du Chemin des Dames commandée par le général Nivelle en avril 1917. Elles s’inscrivent dans un contexte d’en-semble marqué sur le plan militaire par la lassitude des soldats face à une interminable guerre de position qui dure depuis près de 3 ans, et sur le plan politique par la Révolution russe qui offre aux pacifistes un nouvel hori-zon d’attente. 2. Les principales mutineries touchent l’arrière-front entre Soissons et Reims. Mais elles se produisent aussi dans des régiments situés sur d’autres parties du front et parmi lesquels certains n’ont pas combattu au Chemin des Dames.

Prélever des informations3. Les mutineries apparaissent comme un mouvement spontané déclenché par de petits incidents ou des pro-vocations. Par exemple dans le doc. 1, c’est un chant de contestation contre la guerre qui génère un mouvement collectif de refus d’obéissance et de revendications. Celui-ci s’organise en désignant un conseil de délégués (« soviet ») pour porter la parole du régiment face aux offi-ciers. Pour appuyer leurs revendications, les soldats rédi-gent aussi des manifestes ou des pétitions. La propaga-tion des mutineries se fait notamment par la diffusion de tracts anonymes auprès des autres régiments. Certains

de ces tracts alimentent de fausses rumeurs qui contri-buent à accroître l’agitation et la colère des soldats. On estime qu’entre 30 000 et 90 000 soldats ont participé aux mutineries et que celles-ci ont touché environ les 2/3 des unités de l’armée française. C’est donc un mouvement de contestation de grande ampleur.4. Les revendications sont multiples et parfois confuses. Beaucoup de soldats réclament la paix ce qui peut témoi-gner de leur lassitude face à l’expérience combattante ou bien de convictions politiques plus radicales relevant du pacifisme. Ainsi certains soldats appellent à la révolution faisant ainsi écho à la Révolution russe. Les principales revendications sont les permissions et l’arrêt des offen-sives inutiles.5. La période la plus active des mutineries dure de mai à juillet 1917. C’est donc un événement à la fois court et brutal. Ce reflux s’explique par les mesures prises par le général Pétain qui prend le commandement de l’armée française à partir de mai 1917. Il réprime fermement les mutineries en faisant condamner 3 500 soldats dont une trentaine sont fusillés. Mais il répond aussi à certaines revendications exprimées par les soldats en interrom-pant les grandes offensives coûteuses en hommes, en accordant des permissions et en veillant à l’amélioration du quotidien du soldat. Il construit alors sa légende d’un chef plus humain. Par ailleurs, les mutineries ne font pas l’unanimité parmi les combattants. Certains y voient une atteinte au patriotisme et à l’honneur militaire.

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Étude Les femmes et la guerre totale ➤ p. 72-73

Rédiger un texte argumenté6. Les mutineries de 1917 sont un mouvement de contes-tation de grande ampleur qui traverse l’armée française mais que connaissent aussi les autres belligérants. Entre 30 000 et 90 000 soldats français y participent et il faut pour y mettre fin une sévère répression (3 500 condam-nations et une trentaine d’exécutions à mort) et d’impor-tantes mesures visant à améliorer le quotidien des soldats ordonnée par le général Pétain. La diffusion rapide de la contestation (on passe en quelques heures d’un chant de contestation à l’organisation d’un soviet), la radicalité des revendications (« Révolution ») et les formes d’organisa-tions inspirées de la Révolution russe (« soviets ») révèlent la profondeur de cette crise militaire qui est un épisode d’autant plus marquant qu’elle ne trouve pas d’autre équi-valent tout au long de la guerre. L’épisode des mutineries reste néanmoins un événement limité dans l’espace et le temps. C’est parmi les régiments stationnés entre Sois-sons et Reims qu’il connaît la plus forte intensité, même s’il ne se limite pas aux régiments qui ont combattu lors de l’offensive du Chemin des Dames. Il est également très limité dans le temps puisque la période la plus active des mutineries ne dure pas plus de 3 mois (mai-juin).

Vers le BAC

Étude critique de documentsLes mutineries constituent un acte collectif de désobéis-sance au commandement militaire. Entre mai et juillet 1917, elles impliquent entre 30 000 et 90 000 soldats fran-çais, durement éprouvés par la sanglante offensive du Chemin des Dames et les épreuves d’une guerre de posi-tion qui dure depuis près de 3 ans. Cet épisode constitue la plus grave crise militaire de la Première Guerre mon-diale pour l’armée française. Leur déroulement et leur brièveté autorisent néanmoins plusieurs interprétations.Problématique : Comment l’épisode des mutineries tra-duit-il à la fois le refus et l’acceptation des soldats face aux épreuves de l’expérience combattante ?

I. Les mutineries, le signe d’un refus de la guerreLes mutineries sont d’abord un refus d’obéissance collec-tive qui frappe des unités cantonnées dans l’arrière-front et qui refusent de retourner combattre dans les tranchées. Elles traduisent la lassitude des combattants mais sont aussi l’occasion pour un certain nombre d’entre eux d’ex-primer leurs idées révolutionnaires et pacifistes en accu-sant les chefs militaires et le gouvernement de sacrifier inutilement les vies des soldats. Pour certains combat-tants qui sont, malgré la censure, informés des succès de la révolution en Russie, les mutineries peuvent constituer la première étape d’un grand mouvement de rébellion collective qui doit permettre d’arrêter la guerre et de faire la révolution comme en Russie. Le reflux rapide de la contestation à partir du mois de juillet peut s’expliquer par la dureté et l’exemplarité de la répression visant à intimider les soldats rebelles. On peut dans ce cas considérer que c’est essentiellement par la contrainte que le commandement militaire obtient l’acceptation des soldats à continuer la guerre (= théorie de la contrainte).

II. L’épisode des mutineries, un révélateur de l’accepta-tion des soldats face aux épreuves de la guerreL’épisode des mutineries est très court (3 mois) et rela-tivement limité dans l’espace. L’écho de la Révolution russe et les rumeurs de troubles civils n’entraînent pas une désagrégation totale de l’armée française comme cela a pu se produire dans l’armée russe. Si les soldats acceptent de combattre, c’est évidemment sous le poids de la contrainte mais aussi parce qu’un certain nombre de combattants sont animés par le patriotisme, le sens de l’honneur militaire voire la haine de l’ennemi. Il existe en effet parmi les soldats des formes de consentement à la guerre et à la violence. Ainsi la contestation ne fait pas l’unanimité parmi les combattants. Par ailleurs elle peut-être interprétée comme la manifestation de la volonté du citoyen-soldat de renégocier les termes du contrat répu-blicain en obtenant les droits (permissions, meilleur trai-tement…) qui incombent à son devoir militaire (= théorie du consentement).

Situer1. Les autorités britanniques (doc. 1) ou françaises appellent les femmes à accomplir leur devoir patriotique sur un mode différent de celui des hommes. Dans une France encore majoritairement rurale, le président Viviani appelle les femmes à « remplacer sur le champ du tra-vail » les hommes partis combattre sur « les champs de bataille ». Elles sont amenées à jouer un rôle clé sur le « front intérieur » en contribuant au maintien des activités économiques. Au fil de la guerre, l’ampleur des pertes amène le commandement à féminiser certains services aux armées et à accroître la présence des femmes à proxi-mité de la zone de front. L’exemple le plus révélateur et atypique est celui de l’armée britannique qui crée en 1917 le « Women’s Army Auxiliary Corps ».

Prélever des informations2. Sur le front, les femmes servent comme infirmières ou peuvent apporter un soutien matériel (doc. 1) aux com-battants. Les parentes mais aussi les marraines de guerre rassemblées dans des associations créées dès 1915 ont un rôle de soutien moral et matériel auprès des combat-tants par les lettres et les colis qu’elles échangent avec eux. Certaines se distinguent par leur courage, comme la Lilloise Louise de Bettignies qui travaille pour les services secrets britanniques en fournissant des renseignements sur l’armée allemande occupant la Belgique (doc. 2).3. Dans les sociétés européennes industrialisées les femmes, notamment dans les catégories populaires, sont déjà nombreuses à travailler dans l’agriculture ou dans l’industrie. La guerre contribue à les faire entrer plus mas-sivement sur le marché du travail mais aussi à les faire

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accéder à des professions qui jusque-là étaient exclusi-vement masculines. La figure des « munitionnettes » est emblématique de cette évolution puisqu’avant la guerre très peu de femmes travaillaient dans les industries d’ar-mement. Les conditions de travail peuvent être particuliè-rement difficiles notamment lorsque les femmes doivent accomplir des travaux de force accomplis jusque-là par les hommes ou bien par les bêtes qui manquent désor-mais car elles ont été réquisitionnées par l’armée. 4. Dans les régions occupées par l’armée allemande (ex. Belgique, Nord et Est de la France) de nombreuses femmes sont victimes de viols mais aussi déportées et soumises au travail forcé, à l’exemple des Lilloises en 1916.

Synthétiser5. L’affirmation du rôle des femmes dans le monde du travail et la société suscite des inquiétudes. Selon certains observateurs cette évolution les éloignerait de leur prin-cipale fonction sociale « inséparable de l’enfant ». L’enjeu serait donc d’abord démographique. Comment repeu-pler une France qui aurait perdu « environ deux millions d’unités » de sa « population masculine » si les femmes continuent de travailler au lieu de faire des enfants ? L’autre enjeu est moral, puisque l’on peut craindre que les femmes qui travaillent négligent l’éducation de leurs enfants.

Vers le BAC

CompositionI. Des femmes mobilisées dans la guerre

A. L’appel au devoir civique des femmes pour la défense de la patrieB. Le rôle des femmes dans l’effort de guerreC. Le rôle des femmes auprès des combattants

II. Des femmes victimes de la guerreA. La dégradation des conditions de vie et de travail (cf. réquisitions)B. Dans les régions occupées, les femmes victimes des violences de l’armée allemande et du travail forcé

III. La guerre et l’évolution du rôle des femmes dans les sociétés européennes

A. Des craintes face aux risques d’une émancipation féminine à la faveur de la guerreB. La fin de la guerre et le retour à la « normalité mas-culine »C. L’accès au droit de vote des femmes

Conclusion : Les femmes sont un « acteur » clé de la guerre totale. Mais celle-ci entraîne une évolution limitée de leur place dans la société à plus long terme.

Cours 1 La Première Guerre mondiale : l’enfer des tranchées ➤ p. 74-75

Doc. 1> Quatre combattants coloniaux de l’armée française prennent leur repas dans une tranchée très étroite et creu-sée sur plus de deux mètres de profondeur. Son tracé est en « zig zag » afin d’éviter la projection en enfilade des éclats d’obus. Même si l’on ne voit pas de fils de fer barbelés, il peut s’agir d’une tranchée de première ligne comme en atteste la présence des fusils placés en position de tir par d’étroites ouvertures dans le parapet en direc-tion du no man’s land. Les soldats prennent leur repas en commun. C’est un moment de convivialité essentiel au maintien du moral du combattant. C’est lors de tels moments que se consolide la solidarité de ces « groupes primaires » d’hommes qui, mangent, se divertissent, dor-ment, combattent et souffrent ensemble jusqu’à ce que la mort ou les blessures graves les séparent.

Doc. 2> Fernand Léger offre un témoignage poignant de son expérience de guerre. Il évoque l’horreur de la vision des cadavres et des débris humains sur le champ de bataille. Ceux-ci révèlent la violence des armes modernes et notamment des obus de l’artillerie dont les éclats détruisent les corps. Il évoque aussi la souffrance des blessés abandonnés sur le no man’s land qui « se bouf-fent les mains » à cause de la douleur et y meurent par manque de soin. Il parle enfin de cas de noyades dans des tranchées transformées en fondrières lors des épisodes de fortes pluies.« Dans ce mélange de viande pourrie et de boue, des fantassins commençaient un peu au dessus à creuser de nouvelles tranchées. […] Ils faisaient leur boulot tran-

quillement ». Cette phrase révèle la banalisation de la violence car les combattants semblent insensibles aux horreurs qu’ils rencontrent.

Doc. 3> Cinq soldats allemands identifiables à leurs casques d’acier et à la grenade à manche que brandit l’un d’eux, franchissent les barbelés pour se ruer à l’assaut d’une tranchée et combattre l’ennemi au corps-à-corps. Leurs visages sont protégés par des masques à gaz ce qui leur donne une allure monstrueuse. Le combattant au premier plan tend les mains en avant comme pour étrangler sa victime (le spectateur ?). Cette œuvre dénonce ainsi la cruauté des combattants déshumanisés et brutalisés par les violences de la guerre totale.

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Étude

Cours 2

Le siège de Leningrad (1941-1944) ➤ p. 80-81

La Première Guerre mondiale : première guerre totale ➤ p. 76-77

Doc. 1> Les Arméniens sont victimes de massacres. Ils sont aussi expulsés des villages qu’ils occupaient en Anatolie (région à l’Est de l’Empire ottoman) puis déportés vers les déserts de Syrie où ils sont nombreux à mourir de faim et de soif. Les deux témoignages sont complémentaires car ils émanent d’observateurs bien informés qu’il est plus difficile d’accuser de parti pris puisque le premier est un Allemand, dont le pays est allié à l’Empire ottoman alors que le second est un Américain dont le pays est encore neutre en 1915.

Doc. 2> Il s’agit d’un jeu de cubes sur lesquels sont reproduits une image évoquant la victoire des alliés de l’Entente et une image évoquant les atrocités allemandes. C’est donc un objet de propagande qui participe à la produc-tion d’une culture de guerre qui atteint même les enfants. Ainsi aucune catégorie de la société n’est épargnée par la guerre. Tous les individus sont « travaillés » par la pro-pagande et mobilisés sur le plan psychologique. Cette dimension essentielle contribue ainsi à faire de la Pre-mière Guerre mondiale une guerre totale.

Doc. 4> Le président des États-Unis Woodrow Wilson tend vers une colombe une branche d’olivier portant l’inscription « League of Nations » (« Société des nations»). Cette caricature illustre la création de la Société des nations à l’issue du traité de Versailles en 1919 sur l’initiative du président Wilson (voir les « 14 points de Wilson » en 1918). La colombe et le rameau d’olivier sont les symboles de la paix que doit garantir cette nouvelle organisation inter-nationale. Le caricaturiste joue sur la disproportion entre la colombe et la branche d’olivier manifestement trop lourde à porter pour l’oiseau, afin de tourner en dérision cette nouvelle institution qui selon lui n’est pas assez forte pour garantir la paix.

Situer1. Leningrad est la principale ville située au nord de l’URSS. À la suite de la progression foudroyante de l’ar-mée allemande lors de l’opération Barbarossa lancée le 22 juin 1941, la ville se retrouve encerclée de septembre 1941 à janvier 1944. Le lac Ladoga, gelé durant l’hiver, constitue pour les habitants de Leningrad la seule voie de communication possible avec la partie du territoire de l’URSS non occupée par les Allemands. C’est par cette « route de la vie », sur laquelle transitent des bateaux, ou des camions lorsque le lac est gelé, que les Soviétiques vont ravitailler la ville et évacuer une partie de ses habi-tants pendant deux ans et demi de siège.2. Ancienne capitale des tsars dont le Palais d’hiver fut pris par les Bolchéviques en 1917, Leningrad est une ville symbole de la grandeur de la Russie et de la Révolution bolchévique. Par ailleurs c’est aussi un centre industriel et le principal port soviétique sur la Mer Baltique.

Prélever des informations3. La stratégie de la Wehrmacht est de s’emparer de la ville et d’anéantir sa population tout en limitant les moyens militaires. L’armée allemande harcèle la popula-tion par des bombardements aériens et d’artillerie mais surtout elle vise à exterminer par la famine la population de Leningrad.4. Lors des premières semaines du siège, la vie des habi-tants est marquée par les alertes aériennes provoquées par les raids de l’aviation allemande. À partir de l’hiver 1941, les attaques se font plus rares mais le froid est

glacial et les habitants manquent de vivres (doc. 2 : « il y a peu de pain ») et de moyens pour se chauffer (« dans certaines salles de cours l’encre est gelée »). Les quan-tités de nourritures prévues par les mesures de ration-nement deviennent tellement réduites (« les ouvriers […] reçoivent 250 grammes [de pain] ») que de nombreux habitants sont très affaiblis physiquement (doc.  4) et meurent de famine (« 700 000 habitants meurent de faim, de froid ou des bombardements »). 5. Les autorités soviétiques utilisent des moyens de pro-pagande pour maintenir le moral de la population et la mobiliser. En novembre 1941, alors que la situation mili-taire est critique pour l’Armée rouge, la radio annonce que « l’ennemi sera bientôt repoussé ». Par ailleurs il s’agit de défendre « la ville de Lénine » et donc la ville-symbole de la Révolution bolchévique (doc. 3) mais aussi de la grande Russie des tsars. Ainsi la propagande anime les senti-ments révolutionnaires et patriotiques de la population. On peut enfin penser que les habitants sont conscients du sort cruel que leur réserveraient les Allemands en cas de reddition (voir doc. 1).

Confronter des documents6. Les civils sont les cibles des attaques aériennes et des bombardements d’artillerie de l’armée allemande qui frappent la ville en plein cœur, détruisant des immeubles, des usines et des infrastructures de transports (doc. 2 : « un tramway était pris dans les flammes : des étoiles vertes – morceaux de phosphore en feu – tombaient du toit »). Mais ils sont surtout victimes d’une véritable famine organisée qui provoque une très forte mortalité à

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partir de l’hiver 1941. Le siège de Leningrad est aussi mar-qué par une mobilisation totale de la population. Comme le montre l’affiche (doc. 3) les soldats de l’Armée rouge, les marins de la flotte mais aussi les ouvriers, hommes et femmes, de tous âges, participent à la défense de la ville. Les civils sont notamment réquisitionnés pour creuser des tranchées et des fossés antichars pour gêner la pro-gression de l’armée allemande, ou bien engagés comme supplétifs dans l’armée. Le siège de Leningrad est ainsi un événement emblématique de ce que les Soviétiques appellent « la grande guerre patriotique » pour défendre l’URSS.

Vers le BAC

Étude critique d’un documentI. Un affrontement emblématique d’une guerre idéolo-giqueDu point de vue soviétique, le siège de Leningrad est un enjeu majeur de la « grande guerre patriotique ». Cette affiche de propagande appelle la population soviétique et en particulier celle de Leningrad à se mobiliser pour défendre « la ville de Lénine » (voir bandeau en bas du document) devenue symbole de la Révolution d’octobre 1917 lors de laquelle Lénine et les Bolchéviques ont pris le pouvoir en Russie. La défense de Leningrad doit donc constituer un acte de foi révolutionnaire. Conformément à l’idéologie communiste, elle insiste sur la place que doit prendre le prolétariat dans cette lutte, symbolisé ici par les deux personnages de gauche et les silhouettes d’hommes en casquettes au deuxième plan et les chemi-nées d’usines au troisième plan.

On voit également la silhouette de monuments emblé-matiques de la Russie tsariste. S’il s’agit évidemment des marqueurs identitaires du paysage de la ville, la volonté de les représenter est aussi un moyen de mettre en avant des symboles de la grandeur de la Russie tsariste et ainsi de renforcer la signification patriotique voire nationaliste de cette image de propagande.II. Un affrontement emblématique d’une guerre totaleLors du siège de Leningrad, les militaires comme les civils sont mobilisés. Pour insister sur la mobilisation militaire, un soldat de l’armée rouge et un marin de la flotte sont représentés. Pour illustrer la mobilisation, des civils sont représentés au premier plan – à gauche un ouvrier et une paysanne – et derrière eux une foule dans laquelle on dis-tingue des hommes portant des casquettes. C’est ici une représentation du prolétariat en arme. Si la masse des deux militaires s’impose sur l’image et semble susciter l’élan collectif, il semble bien que ce soit la masse des pro-létaires qui constitue l’essentiel de la force. Cette affiche met en avant la place des civils qui ne sont pas seulement des victimes mais aussi des acteurs de la guerre. Conclusion : un affrontement emblématique d’une guerre d’anéantissementPour les Allemands, il s’agit d’anéantir la ville et sa popu-lation. Leningrad est en effet le symbole de la Révolu-tion bolchévique qui constitue à leurs yeux la principale menace contre l’Europe. La stratégie des nazis à Lenin-grad s’explique aussi par une idéologie raciste qui consi-dère les Slaves, composante majoritaire de la population soviétique, comme des « sous-hommes » dont la vie n’a pas de valeur. Elle peut s’expliquer enfin par l’idéologie de « l’espace vital » développée par Hitler qui vise à la colonisation par les Allemands d’une partie des territoires conquis et vidés de leur population en Europe de l’Est.

Étude Le massacre de Babi Yar (1941) ➤ p. 82-83

Identifier1. Le ravin de Babi Yar est situé à quelques kilomètres du centre-ville de Kiev en Ukraine (URSS). Le choix de ce lieu s’explique à la fois par sa proximité et son isolement de la ville et la présence d’un ravin qui peut servir de fosse où entasser les cadavres avant de les ensevelir pour faire disparaître les traces du crime.2. Les nazis demandent aux Juifs de Kiev d’emporter avec eux leurs papiers, des vêtements chauds et de rechange et leurs objets de valeur afin de leur faire croire qu’ils vont être déportés mais qu’ils garderont la vie sauve.

Prélever des informations3. Les habitants de Kiev sont intrigués et sortent dans la rue pour assister au passage des Juifs déportés (« Les habitants se tenaient sur le seuil de leur maison »). Per-sonne ne semble chercher à s’opposer à cette déportation et certains habitants manifestent leur antisémitisme de manière outrancière : « Les habitants se tenaient sur le seuil de leur maison, regardaient, poussaient des soupirs, se moquaient des Juifs ou bien leur criaient des injures ».4. Les Einsatzgruppen utilisent des auxiliaires ukrainiens auxquels ils confient des tâches spécifiques comme celle de contraindre par des méthodes violentes les Juifs à

se déshabiller. Les exécutions sont menées de manière organisée par les membres des Einsatzgruppen disposés dans une fosse. C’est pour eux « une sale besogne » qu’ils accomplissent néanmoins comme un travail répétitif. Les affaires et les objets des Juifs qui ont été massacrés sont rassemblés dans une fosse prévue où les Allemands effectuent un tri afin de récupérer les vêtements et les objets de valeur. Les opérations des Einsatzgruppen consistent donc aussi en un pillage organisé. 5. Les massacres mettent à rude épreuve les nerfs des soldats des Einsatzgruppen. Ceux-ci sont d’autant plus ébranlés par les violences qu’ils commettent que leur « sale besogne » est longue et répétitive (« la fusillade a duré jusqu’à 5 ou 6 heures de l’après-midi »). Le com-mandement les pousse à consommer de l’alcool pour les aider à surmonter la pénibilité de leur « travail ».

Synthétiser6. Les Einsatzgruppen sont des unités spéciales de la SS chargées d’éliminer les commissaires politiques sovié-tiques, les résistants et les Juifs présents dans les ter-ritoires soviétiques contrôlés par l’armée allemande. À partir d’août 1941, le commandement SS leur ordonne de n’épargner ni les femmes, ni les vieillards, ni les enfants juifs. Cette décision provoque de nombreux massacres

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Étude Auschwitz et l’extermination des Juifs et des Tsiganes ➤ p. 84-85

par fusillade des Juifs d’URSS comme à Babi Yar près de Kiev où plus de 30 000 Juifs sont exécutés en deux jours. Ces massacres sont le résultat d’une intention et d’une organisation très rationnelle dont le bilan révèle l’effroyable efficacité puisque 80 % des Juifs ukrainiens ont été exterminés selon des méthodes comparables à celles employées à Babi Yar. Ces opérations mobiles de tueries constituent la première phase du génocide des Juifs d’Europe par les nazis.

Vers le BAC

CompositionI. Une volonté génocidaire

A. Les EinsatzgruppenDès Juin 1941, les Einsatzgruppen ont pour mission d’éliminer systématiquement les commissaires poli-tiques soviétiques, et les hommes Juifs en âge de por-ter les armes et suspectés d’apporter leur soutien à la Résistance contre l’occupation allemande.

B. Le rôle de Himmler Dès août 1941, le chef SS Himmler ordonne aux Ein-satzgruppen d’exécuter tous les Juifs des territoires soviétiques.

II. Un massacre organiséA. Rassembler et pillerEx. : pour rassembler les Juifs de Kiev, les Allemands utilisent un subterfuge pour leur faire croire qu’ils vont être déportés.B. ExécuterAprès avoir abandonné tous leurs effets personnels, les Juifs sont méthodiquement fusillés dans des fosses par les membres des Einsatzgruppen.

III. Un effroyable bilanA. Babi YarEn deux jours, 33 771 Juifs sont exécutés à Babi Yar. C’est le massacre le plus meurtrier commis par les Ein-satzgruppen.B.  Les opérations de tuerie mobile sont la première étape du génocide des Juifs.

80 % de la population des Juifs d’Ukraine est exterminée par les Einsatzgruppen.

Décrire1. Le complexe concentrationnaire d’Auschwitz est à la fois un camp de concentration destiné à l’internement et au travail des déportés et un centre de mise à mort où, peu après leur arrivée en train et une opération de sélec-tion, la plupart des Juifs déportés sont assassinés dans des chambres à gaz.2. Le camp d’Auschwitz-Birkenau s’étend sur une vaste superficie délimitée et clôturée par des barbelés surveil-lés par des soldats postés dans des miradors. Son plan est organisé selon un alignement régulier de baraque-ments réservés aux déportés et séparés par des allées. Les femmes et les hommes sont séparés. Les Tsiganes sont dans une zone à part. À partir de 1944, la voie de chemin de fer est prolongée pour y acheminer les convois de déportés juifs jusqu’à l’intérieur du camp. C’est le long de la voie ferrée, sur la « Bahnrampe », que sont sélection-nés les individus considérés aptes au travail et destinés à rejoindre les baraquements et les « inaptes » qui sont directement conduits vers les quatre chambres à gaz-cré-matoires qui se trouvent à la limite Est du camp. La fumée près de la chambre à gaz-crématoire n°5 est produite par l’incinération de cadavres qui viennent d’être gazés. Les corps sont brûlés à l’extérieur sans doute à la suite de la panne d’un four crématoire. Enfin, tous les effets person-nels des déportés sont triés puis stockés dans un entrepôt spécial appelé « Kanada ».

Prélever des informations3. Après avoir sélectionné les Juifs considérés comme aptes au travail et ceux destinés à la chambre à gaz, les nazis font croire à ces derniers qu’ils vont aller à la douche et que leurs vêtements seront désinfectés. Des crochets sont prévus pour qu’ils accrochent leurs vêtements afin de leur faire croire qu’ils pourront les récupérer par la suite. Par ailleurs les Sonderkommandos, parlant souvent la même langue que les déportés, doivent essayer de les rassurer pour éviter des mouvements de panique.4. L’action des Sonderkommandos commence dès l’ar-rivée des déportés sur la « Bahnrampe ». Ils participent aux opérations de sélection des déportés en servant notamment d’interprètes. C’est à ce moment-là que cer-tains conseillent à des adolescents de mentir sur leur âge afin d’échapper à la chambre à gaz (tous les adolescents de moins de 16 ans y étaient destinés). Puis ils accom-pagnent les déportés jusqu’aux chambres à gaz-créma-toires où ils encadrent le déshabillage. En général, ils ne racontent pas aux victimes le sort qui les attend pour éviter les mouvements de panique. Après le gazage des victimes, ils sortent les cadavres de la chambre à gaz, y prélèvent les dents en or, les bijoux et les cheveux, les mettent sur des monte-charges qui les conduisent à la salle des fours crématoires où ils sont incinérés. 5. Comme les Juifs, les Tsiganes sont déportés à Auschwitz pour un motif racial. Comme eux, la plupart

Utiliser le document interactif✔ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder

librement au document

Le document interactif permet de présenter le camp d’Auschwitz-Birkenau aux élèves sous la forme d’un plan décom-posé en trois parties : l’arrivée au camp et la sélection ; l’internement ; les installations de mise à mort.

www.lienmini.fr/magnard-hg1-013

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y sont assassinés dans les chambres à gaz. Cependant le traitement des déportés n’est pas le même. D’une part les Juifs sont « triés » dès leur arrivée au camp et les familles sont ainsi séparées ce qui n’est pas le cas des familles tsiganes. Par ailleurs, la majorité des Juifs déportés à Auschwitz à partir de 1942 sont assassinés dès leur arri-vée alors que les Tsiganes sont concentrés dans une zone du camp à part avant d’être assassinés par gazage en août 1944. Ces différences de traitement et de chronolo-gie s’expliquent par les ambiguïtés des théories raciales des nazis et leurs hésitations sur le sort à réserver aux Tsiganes qui ne représentent pas à leurs yeux la même menace raciale que les Juifs.

Rédiger un texte argumenté6. Auschwitz est parfois surnommé « l’usine de mort ». On estime en effet que 1,1 million de déportés sont morts à Auschwitz, dont plus de 900 000 Juifs, la plupart dans les chambres à gaz créées à partir de 1942. Les aménage-ments successifs de structures homicides de plus en plus modernes entre 1942 et 1943, la création de la « Bahn-rampe » en 1944 pour acheminer par voie ferrée les convois de déportés jusque dans le camp d’Auschwitz-Birkenau per-mettent aux nazis d’augmenter le rendement du processus d’extermination. Par ailleurs les nazis mettent au point une véritable « division du travail » qui utilise les déportés eux-

mêmes, parmi lesquels les Sonderkommandos sont char-gés d’accompagner les victimes jusqu’aux chambres à gaz puis de procéder à l’élimination de leurs cadavres.

Vers le BAC

CompositionAuschwitz occupe donc une place centrale dans le sys-tème génocidaire mis en place par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Sur les six grands centres de mise à mort créés par les nazis, c’est celui dont le bilan humain est le plus lourd avec 1,1  million de déportés assassinés ou morts de faim, d’épuisement ou de mau-vais traitements. Parmi eux, on compte plus de 900 000 Juifs et 21  000 Tsiganes. D’autre part à Auschwitz ont été assassinés des Juifs déportés de toute l’Europe ce qui en fait un lieu de mémoire à l’échelle européenne et mondiale. Ainsi le nom d’« Auschwitz » est-il devenu dans l’usage courant un symbole de la violence des nazis et un synonyme du génocide des Juifs. Cela ne doit pas faire oublier que plus de 5 millions de Juifs ont été assassinés en dehors d’Auschwitz dans les ghettos, lors des opéra-tions de tuerie mobile et dans les chambres à gaz des autres centres de mise à mort.

Étude L’ONU : une institution pour la paix ➤ p. 86-87

Situer1. L’ONU naît à l’issue de la Seconde Guerre mondiale de la volonté des grandes puissances victorieuses de fonder un nouvel ordre mondial capable de garantir la paix. C’est dès 1941, que les États-Unis et le Royaume-Uni signent la Charte de l’Atlantique qui projette les bases futures sur lesquelles reconstruire le monde de l’après-guerre.2. La création de l’ONU est un projet voulu par Roosevelt, président des États-Unis qui est l’héritier politique du pré-sident Wilson qui fut à l’origine de la création de la SDN en 1919. Le choix des villes américaines de San Francisco où est signée la charte de fondation, et de New York où siègent le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale à partir de 1946, sont révélateurs du rôle clé des États-Unis dans la création de l’ONU.

Prélever des informations3. Le Conseil de sécurité peut voter des sanctions éco-nomiques contre un État représentant une menace ou accorder un mandat à une force militaire pour combattre un État qui en agresse un autre. En outre l’ONU se dote d’une force militaire autonome, les Casques bleus, pour s’interposer entre des belligérants et assurer la sécurité de populations civiles menacées lors de conflits.4. Les grandes puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni, la France et la Chine exercent un contrôle étroit sur l’ONU. D’une part elles ont un siège permanent au sein du Conseil de sécurité et peuvent en bloquer les décisions en exerçant leur droit de veto. D’autre part ce sont elles, et en particulier les États-Unis, qui contribuent le plus à son

financement. En 1950, les États-Unis profitent du boycott du Conseil de sécurité pour légitimer leur intervention militaire contre la Corée du Nord. Ils utilisent alors l’insti-tution pour servir leurs propres intérêts stratégiques dans le cadre de la guerre froide.5. Le scientifique Albert Einstein reproche à l’ONU d’être sous le contrôle des grandes puissances. Il pense qu’il fau-drait renforcer son caractère supranational, c’est-à-dire sa capacité à imposer ses décisions aux États-membres. Par ailleurs il considère que les pouvoirs de l’Assemblée générale devraient supplanter ceux du Conseil de sécu-rité et que sa représentativité devrait reposer sur un vote populaire afin que l’ONU devienne un véritable « gouver-nement mondial » et démocratique.

Synthétiser6. L’ONU est une institution de sécurité collective plus structurée et plus puissante que ne l’était la SDN. Le Conseil de sécurité lui permet d’imposer ses décisions à des États et constitue ainsi un pouvoir supranational. Par ailleurs elle se dote d’une force armée, les Casques bleus et de nombreuses institutions et agences spéciali-sées destinées à intervenir en matière de développement, droits de l’homme et décolonisation.Malgré sa vocation à devenir une sorte de gouverne-ment démocratique mondial fondé sur le multilatéra-lisme, l’ONU est une institution contrôlée étroitement par les Grandes puissances qui ont un siège permanent au Conseil de sécurité, principale instance de décision, et peuvent le bloquer en exerçant leur droit de veto. Elle peut ainsi se montrer impuissante face aux crises

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Histoire des Arts

Le Japon et la bombe atomique : le film « Pluie noire » (1989) ➤ p. 88-89

majeures qui mettent en jeu les intérêts des cinq États disposant du droit de veto au Conseil de sécurité.

Vers le BAC

Étude critique de documentsDès 1941, le président des États-Unis Roosevelt signe avec Winston Churchill, chef du gouvernement britan-nique, la charte de l’Atlantique qui projette les bases du monde de l’après-guerre, prévoyant la création d’une nouvelle organisation internationale capable de préser-ver la paix. Héritier politique du président Wilson qui fut à l’origine de la création de la SDN, Roosevelt veut faire de l’ONU la gardienne d’un nouvel ordre international fondé sur le multilatéralisme et le leadership international des États-Unis.Problématique : Quels sont les principes et les limites du multilatéralisme sur lequel est fondé l’ONU ?I. L’ONU, une nouvelle démocratie mondiale ?La Charte de San Francisco signée par 51 États et créant l’ONU en 1945, se fonde sur les principes de la coopé-ration internationale et l’établissement de règles com-munes qui doivent servir de base à l’élaboration du droit international. L’Assemblée générale au sein de laquelle chaque État dispose d’une voix égale constitue une véritable instance de démocratie mondiale qui vote des résolutions non contraignantes et participe notamment à l’élection du secrétaire général de l’ONU. Par ailleurs l’ONU se dote de nombreuses institutions spécialisées qui visent à étendre la coopération inter-nationale en matière de développement humain (ex. le Conseil économique et social, l’Unicef, l’OMS, la FAO…), de culture (Unesco), et de relations internationales (la Cour internationale de justice). Au sein de cet ensemble, le Conseil de sécurité constitue l’organe le plus puissant

puisque c’est le seul à pouvoir voter des résolutions contraignantes s’imposant aux États. Le nombre de ses membres est passé de 11 à 15 en 1963 afin d’en accroître la représentativité à la suite de la décolonisation. Si l’ONU apparaît donc comme une institution œuvrant en faveur d’un nouvel ordre mondial fondé sur le multi-latéralisme, elle comporte dès sa création des faiblesses structurelles.II. L’ONU, une institution sous le contrôle des grandes puissancesMalgré leur volonté de coopération, les grands États qui ont gagné la guerre (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France et Chine) et créent l’ONU, n’entendent pas laisser à cette organisation un pouvoir supranational qui pour-rait menacer leur souveraineté et limiter l’exercice de leur puissance. Ils maintiennent donc un contrôle étroit sur l’institution par le rôle et le pouvoir qu’ils ont au sein du Conseil de sécurité. Celui-ci est le seul organe dont les résolutions peuvent exercer une contrainte sur les États membres, les grandes puissances sont les seules à pou-voir y siéger en permanence et y disposer du droit de veto qui leur permet de bloquer une décision votée pourtant par une majorité de membres.Par ailleurs les États-Unis ont un poids particulièrement important à l’ONU. C’est aux États-Unis qu’est signée la Charte de fondation (Charte de San Francisco) et qu’est établi le siège à partir de 1946 (New York). Par ailleurs les États-Unis en sont le premier contributeur. Enfin, l’in-fluence qu’ils ont sur l’Organisation leur permet de légi-timer leur intervention contre la Corée du Nord en 1950 alors que l’URSS boycotte le Conseil de sécurité. Si cette intervention est fondée sur le droit international (la Charte de San Francisco autorise le Conseil de sécurité à donner un mandat d’intervention à une force armée contre un État en en agressant un autre) elle est avant tout dictée par les intérêts stratégiques des États-Unis qui veulent contenir l’expansionnisme soviétique en Asie.

L’étude de l’œuvre1. La ville est littéralement « soufflée » par le choc, et brû-lée par les effets thermiques produits par l’explosion. Les dégâts sont d’autant plus importants que nombre d’habi-tations sont des constructions légères aux matériaux par-ticulièrement inflammables (bois, papier…). Les habitants qui survivent à l’explosion sont victimes de graves brû-lures, de blessures causées par des éclats et des débris, de chocs traumatiques (cf. habitants errant dans la ville ou pris de crise de folie) et enfin des radiations causées notamment par les retombées de la « pluie noire » provo-quées par la formation du nuage radioactif.2. L’ensemble de la séquence montre l’événement vécu par les civils qui se rendent à leur travail ou vaquent à leurs occupations. Un seul plan montre la bombe sus-pendue à un parachute pour freiner sa chute. C’est sans doute la seule image qu’ont pu peut-être voir certains habitants de cette attaque aérienne effectuée par un avion qui volait à haute altitude (plus de 9 000 mètres) et n’a pas été repéré par les systèmes de défense antiaérienne des Japonais.

Le déroulement de la séquence est centré sur 3 person-nages (Yasuko, son oncle et sa tante) qui cherchent à trouver un refuge après l’explosion. Les plans alternent entre la vision des destructions et des victimes et celle des visages des 3 personnages exprimant la souffrance et l’horreur. 3. En l’absence d’une justification claire faite par l’auteur, on peut se permettre d’avancer plusieurs interprétations. Le fait de tourner en noir et blanc pourrait relever d’un choix purement esthétique visant à renouer avec le style des maîtres du cinéma japonais des années 1950 comme Akira Kurosawa. Il pourrait aussi s’apparenter à la volonté de donner un « effet de réel », le noir et blanc évoquant les documentaires historiques sur la Seconde Guerre mon-diale constitués d’image d’archives en noir et blanc.

La portée de l’œuvre4. À travers ses deux principaux personnages, le film traite des conséquences physiques et psychologiques de la guerre sur les individus et sur la société japonaise. Il pose la question des responsabilités de la violence de

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guerre et montre l’impact durable de la bombe atomique sur la société japonaise. La date de sortie du film, 44 ans après l’événement, en est une illustration.5. Ce film est assez mal perçu en Asie car la guerre pro-voquée par le Japon lors de l’offensive contre la Chine en 1937 et les exactions commises par son armée contre les populations civiles ou les prisonniers sont à l’origine d’une mémoire de la Seconde Guerre mondiale très mar-quée par le ressentiment à l’égard du Japon. En montrant

les Japonais comme des victimes, le film apparaît aux yeux de certains comme un moyen d’atténuer la culpa-bilité du Japon.

Aller plus loin6. Le manga « Gen d’Hiroshima » de Keiji Nakazawa, res-capé d’Hiroshima et qui fut l’un des premiers mangakas traduit en France dès les années 1980, peut constituer une source de comparaison particulièrement originale et sti-mulante pour les élèves.

Cours 4 Les génocides des Juifs et des Tsiganes ➤ p. 92-93

Cours 3 Guerre d’anéantissement et nouvel ordre mondial ➤ p. 90-91

Doc. 1> Le massacre d’Oradour-sur-Glane se produit le 10 juin 1944. Il est commis par une unité SS en route pour la Nor-mandie où les Alliés viennent de débarquer le 6 juin 1944.C’est un événement marquant car c’est l’ensemble de la population d’un village qui est assassiné, soit 642 civils dont les femmes et les enfants. Il conserve ainsi une place importante dans la mémoire française de la Seconde Guerre mondiale, symbolisant la cruauté des nazis. Il n’en reste pas moins un cas exceptionnel sur le front de l’Ouest alors que des centaines de massacres de plus grande ampleur furent commis par les Allemands sur le front de l’Est.

Doc. 3> Au premier plan, un soldat japonais tenant un pisto-let dans sa main gauche porte sur son dos le corps ina-nimé (un cadavre ?) d’une femme nue. À l’arrière-plan, on perçoit des silhouettes de pendus et un soldat portant un coup de baïonnette à un prisonnier agenouillé. Cette image symbolise les crimes commis contre les civils et les prisonniers (viols des femmes, exécutions sommaires…) par l’armée japonaise lors de la guerre du Pacifique.Cette image illustre aussi le racisme de la propagande américaine à l’encontre des Japonais puisque le person-nage au premier plan est représenté avec des traits carica-turaux emprunts de cruauté, alors que la posture et le bras gauche ballant font penser à un gorille. On pourrait ajouter que la présence de la femme favorise l’association d’idées avec le personnage de King Kong, film à grand spectacle sorti aux États-Unis dans les années 1930. Cette image de propagande cherche ainsi à déshumaniser l’ennemi japo-nais en lui donnant les traits d’un animal sauvage.

Doc. 1> On peut considérer trois modalités principales dans le processus d’extermination des Juifs. Tout d’abord la concentration dans des ghettos des Juifs de Pologne (ex. : Cracovie, Lodz, Varsovie…), où la surpopulation et le manque de nourriture provoquent une surmortalité. À par-tir de l’opération Barbarossa en juin 1941, les Einsatzgrup-pen suivent la progression fulgurante de la Wehrmacht et massacrent dans son sillage les Juifs d’URSS. Puis à partir de 1942 les ghettos sont peu à peu vidés et leur popula-tion déportée puis exterminée dans les centres de mise à mort situés dans les territoires annexés sur la Pologne (Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Chelmno, Maïdanek et Belzec). Parmi ces six centres de mise à mort, c’est celui d’Auschwitz qui se distingue par l’ampleur du nombre de Juifs et de Tsiganes qui y sont assassinés (près d’un million en tout) et par l’origine des déportés qui viennent de toute l’Europe occupée par les Allemands.C’est en Pologne et en URSS que se trouvent les lieux des principaux massacres. C’est là que vivait avant guerre la majorité des Juifs d’Europe.

Doc. 2> Les habitants du ghetto de Lodz vivent dans des loge-ments surpeuplés (« appartement de deux pièces cuisines occupé par trois familles » ; « un seul WC pour tous ces immeubles ») et souffrent du manque de nourriture (« Les rations de pains diminuaient ») au point que les gens consomment des produits non alimentaires (« on s’est aperçus que les gens mangeaient cette colle ») et sont frappés par la famine (« la plupart de ses parents sont morts de faim »).Les nazis s’appuient sur la collaboration du « Judenrat » (« Conseil Juif ») chargé de l’administration du ghetto. Cela leur permet de profiter à peu de frais de la main-d’œuvre du ghetto qui est ainsi mise au service de l’effort de guerre allemand. Pour les Juifs, le « Judenrat » peut être perçu comme un moyen de conserver une certaine autonomie et de limiter les exigences des nazis. Ces espoirs sont vite déçus puisque le ghetto est peu à peu vidé de sa population qui est déportée vers les centres de mise à mort de Chelmno puis d’Auschwitz.

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Doc. 3> Les arrestations de Juifs (« rafles ») vivant sur le terri-toire français sont effectuées par la police française qui collabore avec les autorités allemandes. Le camp de Drancy – qui est le principal camp de transit des Juifs

de France vers Auschwitz – est sous la responsabilité de la police française et de la SS. Enfin on voit sur la pho-tographie un policier français gardant un des accès au camp constitué de petits immeubles, d’une grande cour centrale et clôturée par des palissades et des barbelés.

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Le reportage proposé par France 2 porte sur le génocide tsigane. Henriette Asséo, historienne, parle de l’extermina-tion des Tsiganes et des cas de résistance.

www.lienmini.fr/magnard-hg1-014

Activité 11. Une tranchée peu étayée où l’on ne perçoit pas d’aménagements défensifs (barbelés, sacs de sable). Il peut s’agir d’une tranchée de seconde ligne ou bien d’une tranchée bouleversée par un bombardement comme en témoignent les arbres déchiquetés. Les soldats ont creusé des trous dans les parois de la tranchée pour pouvoir s’y abriter.2. Le sol est remué, les arbres déchiquetés sont les derniers témoins d’un couvert végétal désormais disparu. On ne voit pas le no man’s land mais on peut imaginer qu’il s’agit d’un paysage lunaire parsemé de trous d’obus.3. Les soldats (des Britanniques) sont assis ou allongés à même le sol boueux ou dans de sommaires trous creusés dans les parois de la tranchée. Le confort est très rudimentaire. On est en plein jour, les soldats dorment malgré l’in-confort des lieux, ils essaient de trouver ainsi un court moment de repos après avoir fait une longue marche, ou bien effectué un assaut.

Activité 21.

Première Guerre mondiale Seconde Guerre mondiale

Nombre de morts 10 millions 56 millions

% de militaires tués 95 % 34 %

% de civils tués 5 % 66 %

Pays ayant subi le plus de pertes Allemagne URSS

Principaux belligérants Triple Entente (France, Royaume-Uni, Russie) et États-Unis contre Empires centraux (Alle-magne, Autriche-Hongrie)

Grande Alliance (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France, Chine…) contre l’Axe (Allemagne, Italie, Japon)

Principaux théâtres d’opération Europe Europe, Afrique du Nord et Asie Pacifique

Génocides Des Arméniens de l’Empire ottoman Des Juifs et des Tsiganes d’Europe

2. La Première et la Seconde Guerre mondiale sont des guerres totales. Ces deux guerres sont marquées par la mort de masse qui est le résultat d’une mobilisation sans précédent de tous les moyens humains et matériels pour faire la guerre. La Seconde Guerre mondiale se distingue par l’ampleur des pertes civiles qui est un indicateur du franchis-sement d’un nouveau seuil de violence où, plus encore que pour la Première Guerre mondiale, il n’y a plus vraiment de distinction entre le front et l’arrière. C’est en effet une guerre d’anéantissement qui vise à l’élimination totale de l’ennemi.3. La Seconde Guerre mondiale se distingue de la Première Guerre mondiale par l’extension des théâtres d’opération mais aussi par un bilan humain beaucoup plus lourd où les civils constituent la majorité des pertes. Une part signi-ficative (plus de 5 millions) est constituée des victimes des génocides juif et tsigane. Si la part des pertes civiles est beaucoup plus faible lors de la Première Guerre mondiale, celle-ci est également marquée par le premier génocide, celui des Arméniens de l’Empire ottoman.

Activité 3Politique d’exclusion (jusqu’en 1941-1942) > Ghettos / Camps d’internement ou de transit Politique génocidaire (1941-1945) > Opérations de tuerie mobile / Centres de mise à mort et camps de concentrationBilan humain : entre 5 et 6 millions de morts

Vers le Bac Réviser ➤ p. 94-95

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Le schéma de synthèse est proposé dans une version animée dans laquelle il est décomposé et commenté par une voix-off. Le schéma à compléter et le texte du commentaire sont également disponibles dans une fiche à photocopier.

www.lienmini.fr/magnard-hg1-015

Situer un événement1. La Conférence de Wannsee a lieu 7 mois après le début de l’opération Barbarossa, peu après que l’avancée fulgu-rante de la Wehrmacht a été stoppée par l’Armée rouge devant Moscou.2. Lorsque se tient la Conférence de Wannsee le proces-sus génocidaire est déjà déclenché. En effet, depuis juin 1941, les Einsatzgruppen massacrent, lors d’opérations de tuerie mobile, les Juifs des territoires occupés par l’ar-mée allemande en URSS. Ceux-ci s’intensifient à partir du mois d’août avec l’ordre donné par le chef SS Himmler de n’épargner ni les femmes ni les enfants. Par ailleurs les nazis viennent de procéder à l’automne aux premières opérations de gazage homicide dans un centre de mise à mort à Chelmno.3. Cette conférence évoque clairement le sort que les nazis veulent réserver aux Juifs. Ils veulent d’abord en exploiter la force de travail jusqu’à la mort : « Les Juifs seront transférés dans ces régions pour construire des routes, travail au cours duquel un fort pourcentage trou-vera certainement une mort naturelle » et d’assassiner les plus résistants après les avoir exploités : « ceux qui pour-raient survivre recevraient un traitement approprié… ». Enfin cette volonté d’extermination vise l’ensemble des populations juives vivant en Europe : « L’Europe devra être passée au peigne fin. »

Décrire et critiquer un document1. Ce document est publié en décembre 1914, 4 mois après le début du conflit et après les grandes offensives de la guerre de mouvement. C’est le début de la guerre de position durant laquelle les soldats s’abritent dans des tranchées.2. La scène se déroule dans une tranchée étayée par des planches de bois. Pendant que deux soldats (sans doute des officiers) scrutent l’horizon (du no man’s land ?) les autres se divertissent à regarder l’un d’eux effectuer un pas de danse. L’ambiance est conviviale et la chaleur de la relation humaine semble compenser le froid enduré dont témoignent les tenues d’hiver que portent les soldats. 3. On est très loin de ce que vivent réellement les soldats qui débutent leur premier hiver dans des tranchées où ils commencent à souffrir du froid, de la boue, de l’inconfort, du manque d’hygiène et de la fatigue.4. Comme d’autres journaux à l’époque, le Petit Journal cherche à donner des nouvelles rassurantes du front et en donne une image qui est en fait assez différente de ce qui s’y passe réellement. Si ce choix éditorial peut être délibéré, il est important de préciser que les communi-qués militaires et la censure limitent considérablement la liberté de la presse pendant la guerre.

Lire une image

Étape 1 Identifier et contextualiser l’image1. Il s’agit d’une image produite par les Soviétiques. La connaissance de l’auteur permet ainsi de débusquer le parti pris qui s’exprime à travers l’image de propagande.2. Hitler est représenté sous la forme d’un personnage malingre à l’attitude désemparé dont le cou allongé fait penser à celui d’une volaille que l’on étrangle. Il est armé d’un simple pistolet mais ses pointes de pieds portent le sang des victimes des massacres. Sa posture fait penser à celle d’un danseur mais représente en fait la croix gam-mée, symbole du nazisme. Hitler et le nazisme sont ainsi caricaturés et tournés en ridicule comme pour dire que leur fin est proche.3. Ce document n’aurait pas pu être publié avant 1942, car il évoque la Grande Alliance entre l’URSS, le Royaume-Uni et les États-Unis qui est signée au début de 1942, peu après l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941.

Étape 2 Analyser l’image4. Les puissances représentées sur l’image sous la forme de bras tendus tirant sur un nœud sont identifiables aux drapeaux dessinés sur les manches ; il s’agit des États-Unis et du Royaume-Uni à gauche (l’Ouest) et de l’URSS à droite (l’Est).5. Le nœud qui étrangle Hitler symbolise le pacte plus connu sous le nom de « Grande Alliance » dont les trois pays constituent les principales puissances.6. La guerre d’anéantissement est caractérisée par les cadavres de femmes et d’enfants et le « bain de sang » que l’on devine à la couleur des pointes de botte d’Hit-ler. La présence d’un canon et surtout d’un char d’assaut symbolise la Blitzkrieg et les énormes moyens militaires utilisés par les Allemands pour conquérir l’URSS.

Étape 3 Interpréter et critiquer l’image7. Le bras représentant l’URSS est un peu plus gros que ceux représentant les États-Unis et le Royaume-Uni. La composition de l’image met en avant le rôle de la puis-sance soviétique qui est la seule à véritablement faire face à l’ennemi dont le mouvement se tourne vers elle. Enfin les cadavres de femmes et d’enfants représentent les nombreuses victimes civiles soviétiques de l’invasion allemande.

Vers le Bac

S’entraîner – Capacités ➤ p. 96-97

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✔ Exemple de réponse rédigée

La Seconde Guerre mondiale se déroule sur de vastes théâtres d’opération et marque le franchissement d’un seuil de violence qui se traduit par des destructions et des pertes humaines d’une ampleur sans précédent dans l’histoire. On compte ainsi entre 50 et 60 mil-lions de morts dont plus de 30 millions de civils soit plus de 60 % des pertes alors qu’ils n’en représentaient que 5 % lors de la Première Guerre mondiale. Ceux-ci deviennent ainsi les cibles privilégiées des stratégies militaires qui visent désormais à une élimination totale de l’ennemi, c’est-à-dire dans une guerre d’anéantissement.

Selon quels facteurs et quelles modalités la Seconde Guerre mondiale a-t-elle provoqué la mort de plus de 30 millions de civils ?

I. Les civils deviennent des cibles militaires

A. Les civils, victimes des bombardements stratégiques

• L’évolution des technologies militaires permet aux différents belligérants de se doter de bombardiers lourds capables désormais d’anéantir en quelques heures des villes entières sous un tapis de bombes. Dès 1940, l’aviation allemande lance le « Blitz » sur les villes bri-tanniques, puis à partir de 1942 ce sont les Alliés qui ont la maîtrise du ciel et qui lancent à leur tour des raids aériens sur les villes allemandes qui font 600 000 morts.

• En Asie Pacifique, ce sont les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki (plus de 100 000 morts) qui poussent le Japon à la capitulation.

• Ces bombardements s’inscrivent dans la logique d’une guerre totale qui vise à affaiblir le potentiel économique de l’ennemi mais aussi à atteindre le moral et la capacité de résis-tance de sa population. De ce point de vue les résultats furent plutôt limités car ils eurent plutôt tendance à renforcer la cohésion des peuples en guerre et à alimenter la haine de l’ennemi. La violence et l’ampleur sans précédent du bilan des bombardements alliés sur certaines villes allemandes ou sur Hiroshima et Nagasaki traduisent une volonté d’anéan-tissement de l’ennemi.

B. Les civils, victimes des massacres et de la terreur des armées d’occupation

• Dans l’Europe occupée par l’armée allemande ou dans les territoires d’Asie Pacifique occupés par l’armée japonaise, les civils sont victimes de nombreux actes de violences : viol des femmes, exécutions sommaires, représailles, massacres de masse comme dans le village français d’Oradour-sur-Glane où le 10 juin 1944 une division SS massacre 642 habitants dont les femmes et les enfants dans le seul but de terroriser la population soup-çonnée de soutenir les résistants.

II. Les civils victimes d’une guerre idéologique : l’exemple de la guerre en Europe sur le front de l’Est

A. Une guerre d’anéantissement contre les communistes

• La guerre sur le front de l’Est commence avec l’opération Barbarossa, nom de l’offensive allemande contre l’URSS, le 22 juin 1941. C’est une des plus gigantesques opérations mili-taires de l’histoire. Pour les nazis, il s’agit en effet non seulement de vaincre militairement l’URSS mais aussi d’anéantir la menace communiste sur l’Europe. Les soldats allemands ont ainsi pour ordre d’exécuter sommairement les commissaires politiques communistes, qu’ils soient militaires ou civils.

B. Une guerre d’anéantissement contre les Slaves

• Pour les nazis, la guerre à l’Est est aussi une guerre raciale. Les Slaves constituent à leurs yeux une menace mais aussi une race inférieure qui occupe des territoires qu’ils reven-diquent comme leur « espace vital » et sur lesquels ils veulent installer des populations de « race germanique ». Durant la conquête des territoires soviétiques, l’armée allemande

Corrigé du sujet 4 p. 98COMPOSITION

SUJET La Seconde Guerre mondiale : les civils dans une guerre d’anéantissement

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n’épargne donc pas les populations civiles, notamment en brûlant de nombreux villages. Cette violence contre les civils prend un caractère particulier lors du siège de Leningrad qui dure de septembre 1941 à janvier 1944 et durant lequel plus de 700 000 civils meurent de faim, de froid ou des bombardements. Ainsi, ce sont les populations civiles d’URSS qui paient le plus lourd tribut à la guerre avec plus de 16 millions de morts.

III. Les génocides des Juifs et des Tsiganes

A. Les opérations mobiles de tuerie

• Les Juifs représentent aux yeux des nazis la principale menace pour la survie de la « race allemande ». Par ailleurs ils sont convaincus que les Juifs sont des agents du communisme. Ils pensent ainsi que l’Europe serait menacée par un « complot judéo-bolchevique ». Lors de l’opération Barbarossa, les populations juives d’URSS vont ainsi être victimes d’opérations de tuerie mobile menées par des commandos spéciaux, les Einsatzgruppen. En septembre 1941, le massacre de Babi Yar près de Kiev lors duquel ils assassinent par fusillades plus de 33 000 Juifs ukrainiens en 48 heures illustre la violence et l’ampleur de ces opérations meurtrières qui marque la première étape du génocide des Juifs. Lors de ces opérations, les nazis s’appuient notamment sur la complicité des populations civiles d’Ukraine, de Biélorussie ou des pays baltes où l’antisémitisme est très fort.

B. Des ghettos aux centres de mise à mort

• À partir de l’invasion de la Pologne en 1939, les Allemands rassemblent les populations juives et tsiganes dans des ghettos comme à Lodz ou à Varsovie. Ces mesures visent à exclure les Juifs considérés comme une menace. Les conditions de vie très dégradées y provoquent une surmortalité notamment due à la famine. À partir de l’automne 1941, les nazis décident de créer des centres de mise à mort pour exterminer les populations des ghettos puis les populations juives de l’Europe entière. Le projet génocidaire des nazis est notamment défini lors de la conférence de Wannsee près de Berlin en janvier 1942. Plus de 3 millions de Juifs européens sont exterminés dans les six centres de mise à mort créés sur les territoires annexés à l’ancienne Pologne. Parmi eux, Auschwitz occupe une place particulière car ce fut le lieu de massacre le plus meurtrier (plus de 900 000 Juifs et 21 000 Tsiganes y sont assassinés) et aussi parce que ce sont des Juifs venus de toute l’Europe qui y ont été déportés et assassinés.

• Ce sont entre 5 et 6 millions de Juifs et plus de 240 000 Tsiganes qui ont été exterminés par la volonté des nazis.

L’ampleur des victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale s’explique par la longueur du conflit, la très vaste extension des théâtres d’opération, la mise au point de technologies guerrières de plus en plus meurtrières, et la disparition de la séparation entre l’arrière et le front. C’est une guerre idéologique qui vise à l’anéantissement total de l’ennemi sur le plan militaire ou politique et même sur le plan humain. En effet, c’est au nom de leurs valeurs raciales que les nazis veulent exterminer les populations juives d’Europe et justifient les crimes commis contre les populations slaves de Pologne ou d’URSS.

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✔ Exemple de réponse rédigée

Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis larguent deux bombes atomiques qui anéantissent les villes japonaises d’Hi-roshima et de Nagasaki. C’est la première fois que la bombe atomique est utilisée contre un objectif stratégique. Au soir de l’attaque sur Nagasaki, le président des États-Unis, Harry Truman, prononce un discours radiodiffusé dans lequel il justifie le recours à cette arme de destruction massive.

En quoi l’utilisation de la bombe atomique marque-t-elle un tournant dans la Seconde Guerre mondiale et sert-elle les intérêts américains ?

I. Le contexte : la fin de la guerre en Europe

• Truman prononce son discours peu après son retour de Berlin, capitale dévastée (« je viens de rentrer de Berlin […] c’est une ville fantôme»), d’une Allemagne qui a dû capituler sans condition trois mois plus tôt (le 8 mai 1945). Victorieuses en Europe, les trois principales puissances du camp des Alliés (États-Unis, URSS et Royaume-Uni) viennent de participer à une conférence (la conférence de Potsdam) lors de laquelle elles ont discuté du sort de l’Allemagne et des dernières opérations militaires pour vaincre le Japon. En effet, la guerre se poursuit en Asie Pacifique, l’URSS s’apprêtant même, conformément aux accords de Yalta (février 1945), à entrer en guerre contre le Japon pour prêter main-forte aux États-Unis. Selon Truman plusieurs ultimatums ont été adressés en vain au Japon pour le pousser à capituler en évitant une attaque atomique (« Notre avertissement est resté sans réponse »).

II. La bombe atomique : une arme nouvelle au service de la guerre d’anéantissement

• L’utilisation de la bombe atomique par les États-Unis est le résultat d’un programme de recherche lancé dès 1942 appelé « projet Manhattan ». Elle marque le succès des Américains dans une guerre marquée par une course aux technologies militaires (« Nous savions que nos ennemis faisaient des recherches […]. Nous savions quelle serait l’ampleur du désastre […] s’ils l’avaient découverte en premier »). En effet les Allemands mettent au point à partir de 1944 des fusées (V1 et V2) qui auraient pu servir de vecteurs nucléaires contre les Alliés.

• Le bilan de ces attaques est d’une ampleur sans précédent : des villes entièrement détruites et plus de 100 000 morts au moment des explosions et 200 000 dans les semaines suivantes. Elles sont pour les États-Unis un moyen de montrer au Japon qu’ils ont désormais la capacité de l’anéantir (« Nous continuerons à l’utiliser jusqu’à ce que nous ayons complètement détruit les forces qui permettent au Japon de faire la guerre ») et d’obtenir une capitu-lation sans condition (« seule une capitulation nous arrêtera »).

III. Les bombes atomiques contre le Japon : un choix légitime ?

• Les deux bombes permettent aux États-Unis de vaincre le Japon et de mettre fin à la Seconde Guerre mondiale. Aux yeux de Truman, le recours à la bombe atomique s’explique avant tout par la volonté de mettre fin rapidement à la guerre et d’éviter de nouvelles pertes humaines dans l’armée américaine (« nous l’avons utilisée pour écourter l’agonie de la guerre, pour sauver les vies de plusieurs milliers de jeunes Américains »). Il justifie aussi son usage par la volonté de punir les crimes commis par l’armée japonaise durant la guerre (« nous l’avons utilisée […] contre ceux qui nous ont attaqués sans prévenir à Pearl Harbor », « contre ceux qui ont affamé, battu à mort et exécuté des prisonniers de guerre américains… »). Ainsi les crimes de guerre de l’armée japonaise ayant « abandonné tout semblant de respect des lois de guerre internationales » justifieraient aux yeux de Truman la mort de civils japonais (« il faudra lâcher des bombes […] ce qui entraîne […] la perte de milliers de civils »). Cette argumentation est critiquable dans la mesure où Truman cherche ainsi à justifier, voire à dissimuler les propres crimes de guerre commis par les États-Unis. Ainsi qualifie-t-il Hiroshima de « base militaire » alors qu’il s’agit bien d’une grande ville japonaise peuplée de milliers de civils japonais comme en témoigne l’ampleur du bilan humain. Il ment donc à l’opinion publique américaine afin d’obtenir d’elle un total consentement sur l’emploi de la bombe atomique. Enfin, l’usage de la bombe atomique peut également apparaître comme un moyen d’affirmer aux yeux du monde la supériorité de la puissance des États-Unis alors que s’annonce déjà la guerre froide avec l’URSS.

Les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki précipitent la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie. Leur usage constitue le franchissement d’un nouveau seuil de violence par l’ampleur des destructions et des vic-times civiles qu’elles provoquent. Elles représentent ainsi un moyen pour les États-Unis de montrer la nouvelle puissance dont ils disposent afin de s’imposer dans les nouveaux rapports de force du monde de l’après-guerre.

SUJET Les États-Unis et la bombe atomique

Corrigé du sujet 5 p. 99ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

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◗ Mettre en œuvre la question

La question clôt le thème de la guerre au xxe siècle et invite en ce sens à élaborer un triple lien entre trois champs historiques : celui des deux guerres mondiales et de leurs conséquences, celui de la guerre froide, et celui des nouvelles conflictualités qui agitent un ordre mondial encore en gestation à l’orée du xxie siècle. En ce sens, l’analyse historique des deux périodes centrales de la question (la guerre froide de 1945 à 1991, les deux décennies de conflictualités nouvelles depuis 1991) importe autant que celle des bouleversements qui conditionnent le passage de l’une à l’autre. Dans cette perspective, la problématique générale ici proposée s’efforce de traduire ce double enjeu : « Quels bouleversements l’ordre mondial a-t-il connu depuis 1945 ? »Cette question très ouverte doit ainsi permettre d’éclairer, en premier lieu, la recomposition de l’ordre mondial à partir de 1945, caractérisée avant tout par l’éclatement de la Grande Alliance et la bipolarisation rapide du monde entre les États-Unis et l’URSS. Cette perspec-tive est mise en évidence par la problématique du cours 1 (« Comment les superpuissances rivales se partagent-elles le monde de l’après-guerre ? »), et incarnée par l’étude sur Berlin et les documents du cours 1.En second lieu, le programme invite à éclairer la période de guerre froide proprement dite, tant dans sa dimension épistémologique (un affrontement à la fois global et indirect), poli-tique (un conflit de puissances marqué par des rivalités territoriales, militaires, économiques et diplomatiques) et idéologique (propagande, encadrement idéologique, volonté de discré-diter l’adversaire pour prétendre incarner l’avenir du monde). Ici, l’enjeu de l’analyse consiste à éclairer la dimension à la fois totale et indirecte de l’affrontement que se livrent les deux Grands, et dont le cas berlinois peut constituer le fil conducteur. Cette perspective est mise en évidence par la problématique du cours 2 (« Comment les deux Grands parviennent-ils à éviter une nouvelle guerre mondiale malgré leur antagonisme ? »), et incarnée par les études sur la crise de Cuba et la guerre du Vietnam, ainsi que par les documents du cours 2 et de l’Histoire des Arts.Enfin, un troisième temps consistera à éclairer les bouleversements géopolitiques à court et moyen terme qu’engendre la fin de la guerre froide, marquée par ce qui semble être l’avène-ment d’un monde unipolaire, sous l’égide d’une hyperpuissance états-unienne garante des valeurs et de la légitimité de l’ONU. À cette analyse se superposera une étude des acteurs, formes et territoires des nouvelles conflictualités contemporaines agitant un monde résolu-ment multipolaire (cf. problématique du cours 2 : « Quelles sont les causes et les formes du nouveau « désordre » mondial ? »). Cette double perspective est ainsi incarnée par l’étude de trois crises, qui révèlent l’échec d’un nouvel ordre mondial pacifié après la guerre froide, et inscrivent plus que jamais cette question dans la thématique de la guerre au xxe siècle : la guerre du Golfe, le siège de Sarajevo et les attentats du 11 septembre 2001.

Chapitre 4➤ Histoire, p. 100-135

De la guerre froide à de nouvelles conflictualités

➤ En correspondance avec les programmes, le chapitre s’articule autour de deux blocs conceptuels, tous deux intégrés dans le thème de la guerre au xxe siècle ; l’en-jeu pédagogique consiste à étudier tant leurs spécificités qu’à éclairer les liens qui les unissent en termes histo-riques. À ce titre, la double page d’ouverture (p. 100-101) permet d’incarner immédiatement cette double vocation du chapitre : outre son aspect visuellement séduisant, la vue aérienne de la commémoration de la chute du mur permet d’incarner immédiatement la guerre froide et ses séquelles historiques.

➤ Les repères (p. 102-103) offrent une vision synoptique du chapitre, à la fois dans les spécificités des deux périodes étudiées et dans leur lien de parenté. Les éléments visuels (en haut), illustrant quatre moments forts de la période étu-diée, permettent à l’élève d’appréhender et retenir aisé-

ment la chronologie élémentaire (au milieu) et l’analyse synthétique des différents thèmes du chapitre (en bas).

➤ La carte (p. 104-105) permet d’introduire les dyna-miques spatiales et les principaux enjeux de la guerre froide. Elle incarne visuellement la bipolarisation du monde en deux blocs, mais permet aussi d’en identifier les limites dans les années 1970 (pays non-alignés, cas particulier de la troisième voie chinoise). À droite, trois documents synthétiques éclairent avec simplicité trois enjeux majeurs : la rivalité pour le contrôle de Berlin, la course aux armements et la course à l’espace.

➤ La première étude (p. 106-107) présente un enjeu et un symbole majeur de la guerre froide : Berlin, qui doit constituer le fil directeur de cette première partie. Quatre documents, dont deux composites (doc. 2 et 3), permettent d’expliquer les différentes caractéristiques de la guerre

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Bibliographie

✔ Mathilde Aycard, Pierre Vallaud, Les Dossiers de la guerre froide – Tome 1, Le rideau de fer (1945-1955) ; Tome 2, L’équilibre de la terreur (1956-1969) ; Tome 3, La chute du mur (1969-2009), Acropole, 2009.Une publication en trois tomes infiniment riche, claire, et accessible.

✔ Danielle Domergue-Coarec et Antoine Coppolani (dir.), Des conflits en mutation ? De la guerre froide aux nouveaux conflits : essai de typologie de 1947 à nos jours, éd. Complexe, 2004.Une publication très complète, propre à éclairer le lien conceptuel entre les deux thèmes du chapitre.

✔ André Fontaine, La guerre froide 1917-1991, coll. « Points », Seuil, 2006.L’une des meilleures synthèses sur le sujet, rédigée dans la mouvance historiographique d’une « longue » guerre froide, mais dont les informations fiables et exhaustives sur la période à traiter s’avèrent précieuses sinon indispensables.

froide qui s’incarne à Berlin (rivalité de puissances, conflit idéologique, refus de l’affrontement direct, début et fin de la bipolarisation du monde). Un sujet de composition dans l’esprit du Bac permet à l’élève de lister et organiser toutes les connaissances essentielles sur ce thème.

➤ La deuxième étude (p. 108-109)  présente une crise majeure de la guerre froide (Cuba, 1962), qui permet d’ex-pliquer les causes et les formes de l’équilibre de la terreur comme fondement de la bipolarisation du monde.

➤ La troisième étude (p. 110-111) invite à analyser les mobiles, formes et déroulement d’un conflit périphérique majeur entre les deux superpuissances (la guerre du Viet-nam). Le document fort permet de montrer à la fois la violence et la médiatisation des combats, mais également le caractère insoluble d’un conflit aux causes avant tout exogènes.

➤ La double page Histoire des Arts (p. 112-113) illustre et détaille un aspect essentiel du conflit idéologique : la conquête de l’espace. Elle conduit l’élève à accroître tant ses connaissances que ses capacités d’analyse artis-tique et historique à partir d’un document fort en termes visuels et conceptuels.

➤ Le cours 1 (p. 114-115) analyse la bipolarisation du monde au début de la guerre froide. Le document 1 et sa version numérique illustrent le rôle de l’art comme sup-port de la propagande idéologique, ici au service d’une condamnation de la « civilisation » américaine.

➤ Le cours 2 (p. 116-117) présente les spécificités et évo-lutions de la guerre froide en tant qu’affrontement total mais indirect. Sur la page de droite, deux couples de documents permettent d’expliquer l’intensité et la dimen-sion mondiale du conflit, mais aussi l’acheminement vers une coopération à la fois paradoxale et fructueuse à partir des années 1970.

➤ La carte des nouvelles conflictualités (p. 118-119) spa-tialise le renouveau des conflits anciens et l’émergence de nouveaux types de conflit depuis 1991. Elle permet ainsi d’incarner les recompositions géopolitiques et le nouveau « désordre » mondial issu de la fin de la guerre froide, dont les trois documents de droite présentent les données clés.

➤ L’étude sur la guerre du Golfe (p. 120-121) incarne les espoirs d’un nouvel ordre mondial sous le signe du droit, dans lequel l’hyperpuissance américaine serait garante de la morale onusienne. Une consigne type Bac permet à l’élève de prolonger le raisonnement historique et de montrer les limites en germes du nouvel ordre mondial, par une étude critique des documents forts, supposés présenter le triomphe total des « gendarmes du monde ».

➤ L’étude sur le siège de Sarajevo (p. 122-123) montre que ces espoirs de paix mondiale sont immédiatement déçus par l’incapacité de la communauté internationale

à, d’une part, mettre un terme à la résurgence de conflits anciens, et d’autre part à préserver les droits de l’homme aux portes mêmes de l’Europe (cf. question type Bac).

➤ L’étude sur les attentats du 11 septembre 2001 (p. 124-125) consacre l’échec des espoirs de paix après la guerre froide, et pose immédiatement la question d’un « désordre » mondial entretenu par de nouveaux types de conflictualités comme le terrorisme international. Sur la page de droite, le document 3 permet d’expliquer à la fois le retentissement planétaire de l’événement et l’an-goissante question de ses conséquences géopolitiques.

➤ Le cours 3 (p. 126-127) éclaire la recomposition des rela-tions internationales sous l’égide des États-Unis à partir de 1991, à l’aune des espoirs de paix suscités par le renou-veau de l’ONU. Sur la page de droite, un extrait du discours de M. Gorbatchev pour sa remise du prix Nobel de la paix offre une vision synoptique des défis géopolitiques engen-drés par la fin de la guerre froide, et permet d’établir un lien conceptuel solide entre les deux sous-chapitres.

➤ Le cours 4 (p. 128-129) analyse les causes et les formes des nouvelles conflictualités qui prolifèrent depuis 2001, menaçant la stabilité d’un monde de plus en plus multi-polaire. Le document 1 incarne puissamment la problé-matique de l’efficience des moyens employés contre le terrorisme international.

➤ La double page Réviser (p. 130-131) offre à l’élève un tableau synoptique du chapitre sous forme de schéma évolutif, qui permet d’embrasser l’évolution de l’ordre mondial depuis le début de la guerre froide. Sur la page de gauche, trois exercices de difficulté croissante invitent l’élève à clarifier, remobiliser et dynamiser ses connais-sances sur le chapitre, puis à établir un lien conceptuel solide entre ses deux parties (exercice 3).

➤ La première double page S’entraîner (p. 132-133) incite l’élève à parfaire la maîtrise de capacités essentielles dans l’optique du Bac. Sur la page de gauche, deux exer-cices de difficulté croissante lui permettent à la fois de remobiliser ses connaissances et de se remémorer les techniques d’appréhension d’un événement et d’un docu-ment. En lien avec ce travail en amont, la page de droite présente un grand exercice guidé par une méthodologie accessible, où l’élève s’entraîne à mettre en relation des événements à l’aune d’un document fort présentant plu-sieurs degrés de lecture.

➤ La seconde double page S’entraîner (p. 134-135) offre à l’élève un sujet typique du Bac en termes de contenu et de compétences attendus. Sur la page de gauche, une méthodologie filée en plusieurs étapes (analyse de la consigne, identification des éléments clés du document, structuration des idées en vue de la rédaction) lui permet d’élaborer progressivement l’étude d’un document très visuel et polysémique.

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Situer1. À partir de 1948, s’affrontent à Berlin d’une part les Soviétiques (URSS et RDA) et d’autre part les Occiden-taux (États-Unis et leurs alliés français et britanniques).

Prélever et synthétiser des informations2. Pour s’approprier l’ensemble de la ville, les Soviétiques imposent un blocus sur la partie contrôlée par les Occi-dentaux : ils bloquent les voies d’approvisionnement en eau et en électricité pour empêcher le ravitaillement de

Berlin-Ouest. Les Occidentaux ripostent en établissant un pont aérien, qui permet d’approvisionner les Berlinois de l’Ouest en vivres et équipements durant près d’une année.3. Les Soviétiques décident d’ériger un mur à Berlin pour stopper la fuite de Berlinois de l’Est vers l’Ouest. Erigé par surprise, ce mur leur permet de figer la situation à Berlin à défaut d’en prendre le contrôle total. L’événement symbo-lise la bipolarisation du monde en deux blocs prétendant chacun incarner l’avenir du monde.4. Berlin est également l’enjeu d’une confrontation idéo-logique entre les deux Grands : à partir de 1961, chaque

◗ Corrigés des questionnaires

✔ Pierre Grosser, La guerre froide, La Documentation photographique n°8055, 2007.Un périodique à la fois accessible et très complet sur le sujet, présentant avec concision les aspects historiques de la période 1945-1991, avec de nombreux documents utilisables en classe.

✔ Francis Lachaise et Alain Atger, Berlin, miroir de l’histoire allemande de 1945 à nos jours, coll. « Les essentiels », Ellipses, 1999. Un petit ouvrage à la fois riche, accessible, au cœur du sujet et précieux pour éclairer la corrélation entre les rythmes historiques berlinois et l’évolution de la situation géopolitique durant la guerre froide.

✔ René Rémond, Du mur de Berlin aux tours de New York, Bayard, 2002.Un petit ouvrage de réflexion historique rédigé avec simplicité et pragmatisme, précieux pour approfondir l’analyse des bouleversements géopolitiques de la période 1989-2001.

Ressources numériques liées au chapitreCartes cliquables• Le monde pendant la guerre froide, p. 104 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-016• Un monde agité par des conflictualités nouvelles, p. 118 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-019Les cartes cliquables permettent de spatialiser de manière à la fois claire et progressive les grands enjeux du sujet. Elles peuvent constituer un support précieux pour les séances de présentation des deux sous-chapitres, mais éga-lement une aide à la révision commune lors d’une séance dialoguée.Document interactif• Le mur de Berlin, p. 106 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-017• André Fougeron, Civilisation atlantique, p. 115 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-018Vidéo• Les attentats du 11 septembre 2001, p. 124 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-020• La vie quotidienne des Berlinois, p. 130 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-021Deux vidéos offrant un accès direct aux dynamiques historiques de la période.Schéma commenté• De la guerre froide à de nouvelles conflictualités, p. 131 ➝ www.lienmini.fr/magnard-hg1-022

www.lienmini.fr/magnard-hg1-016

Étude Berlin : enjeu et symbole de la guerre froide (1945-1989) ➤ p. 106-107

Utiliser le document interactif✔ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder

librement au document

Le document permet d’approfondir une thématique centrale au regard des programmes. Trois aspects y sont déve-loppés : la construction du mur par surprise dans la nuit du 12 au 13 août 1961 (reportage vidéo de la RTF), les caractéristiques du mur (graphique et texte explicatif), et les avatars de la propagande architecturale déployée par chaque superpuissance des deux côtés du mur sous forme de calques cliquables, expliqués et commentés, qui peuvent constituer le support d’une riche activité dialoguée en classe.

www.lienmini.fr/magnard-hg1-017

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superpuissance fait de sa zone berlinoise la vitrine d’une intense propagande architecturale (immeubles et modes de vie urbains incarnant les valeurs de chaque régime, comme le quartier de l’Europa Center à l’Ouest ou celui de la Karl-Marx-Allee à l’Ouest). En 1963, J. F. Kennedy prononce un discours condamnant les valeurs sovié-tiques et le mur de Berlin : il s’adresse alors davantage au monde qu’aux citoyens allemands, expliquant que « tous les hommes libres sont citoyens de Berlin-Ouest ».

Rédiger un texte argumenté5. À partir de 1961, Berlin divisée devient le symbole de la bipolarisation du monde. Le mur, érigé par surprise, boule-verse le quotidien des habitants (familles séparées, boule-versement des modes de vie), de la même manière que le rideau de fer sépare l’Europe en deux univers clos et anta-gonistes depuis 1947. À l’image d’un monde figé dans l’équi-libre de la terreur, les troupes occidentales et soviétiques stationnent de chaque côté du mur dans un face-à-face hau-tement militarisé. Occidentaux et Soviétiques déploient une intense propagande iconographique et architecturale qui proclame à la face du monde la supériorité de leur modèle respectif. À l’Est comme à l’Ouest, Berlin accueille égale-ment de grands événements d’ampleur mondiale, tels que

le discours de J. F. Kennedy en 1963 ou la parade régulière des troupes soviétiques sur la Karl-Marx-Allee (et notam-ment le 25e anniversaire de la construction du mur en 1986). En 1989, la chute du mur incarne spontanément dans les mentalités la fin de la bipolarisation du monde, comme le pressent M. Gorbatchev au sommet de Malte.

Vers le BAC

CompositionI. Berlin au cœur de la logique de blocs (1948-1961)

A. La Grande Alliance prend fin à Berlin B. Une rivalité de contrôle : le blocus

II. L’année 1961 : Berlin devient le symbole de la bipolari-sation du monde

A. La construction du murB. Un face-à-face militarisé sans affrontement direct

III. Berlin, enjeu de propagande idéologique jusqu’à la chute du mur (1961-1989)

A. Les différentes formes de propagandeB. La chute du mur, les signes de la fin de la guerre froide

Étude La crise de Cuba (1962) ➤ p. 108-109

Situer1. À Cuba s’opposent les États-Unis, dirigés par J. F. Kennedy, et l’URSS, dirigée par N. Khrouchtchev. La crise débute en octobre 1962.

Prélever et synthétiser des informations 2. Le monde est alors « au bord du gouffre » : les Sovié-tiques ont installé sur l’île des fusées nucléaires capables de frapper les principales villes des États-Unis, et refusent de les retirer malgré la pression diplomatique du pré-sident Kennedy ; celui-ci menace alors l’URSS de repré-sailles nucléaires massives. L’éclatement d’un conflit direct entre les deux superpuissances entraînerait leurs nombreux alliés dans la guerre et pourrait plonger le monde dans une apocalypse nucléaire.3. Cette photographie aérienne a été prise au large de Cuba en octobre 1962. Elle montre un cargo soviétique (le Polzunov, probablement chargé de composants de missiles nucléaires), étroitement surveillé et escorté par un navire de guerre américain (l’USS Vesole, contre-tor-pilleur capable de couler un navire de type cargo). Cette scène, dans laquelle la tension est palpable, révèle que le monde est au bord de l’affrontement nucléaire.4. Les deux Grands résolvent la crise par la voie diplo-matique : ils s’échangent un grand nombre de lettres et télégrammes en quelques jours pour diminuer les ten-sions et prévenir l’éclatement du conflit, effectuant cha-cun plusieurs concessions en ce sens (retrait des missiles de Cuba pour l’URSS, de Turquie pour les États-Unis). Par ailleurs, ils s’engagent publiquement à débuter un dia-logue en faveur de l’arrêt de la course aux armements.

Rédiger un texte argumenté5. L’opposition des deux Grands à Cuba est symbolique de la bipolarisation du monde à différents égards. D’une

part, les États-Unis et l’URSS s’opposent dans un face-à-face militarisé : les premiers emploient leur marine de guerre pour déployer un embargo autour de l’île où les Soviétiques ont installé des missiles capables de frapper leur territoire. D’autre part, chaque camp fait assaut de propagande médiatique pour discréditer l’adversaire et ses valeurs, et pour l’accuser de menacer l’avenir du monde. Enfin, cette opposition ne débouche pas sur un affrontement direct malgré le haut degré de tension, mais sur une résolution diplomatique et une prise de conscience qui évite une nouvelle guerre mondiale.

Vers le BAC

Étude critique d’un documentCette photographie aérienne a été prise au large de Cuba en octobre 1962, au cœur de la crise opposant les deux superpuissances : les Soviétiques ont alors installé à Cuba des fusées nucléaires capables d’anéantir les princi-pales villes américaines. Elle montre un cargo soviétique, étroitement surveillé et escorté par un navire de guerre américain. Cette scène révèle que le monde est au bord de l’affrontement nucléaire car le contre-torpilleur (sym-bole de la protection de l’espace américain) semble être prêt à attaquer le cargo (symbole de l’implantation des Soviétiques à Cuba) au moindre signal [cf. question 3]. Mais les deux navires, pourtant très proches, n’entrent pas en contact et n’engagent pas le combat : en ce sens, la scène illustre les limites d’une guerre froide où les deux puissances se font constamment face et se surveillent mutuellement, mais évitent soigneusement l’affronte-ment militaire direct pour éviter de plonger le monde dans une nouvelle guerre mondiale.

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L’étude de l’œuvre 1. Cette affiche célèbre la mise en orbite du premier satel-lite artificiel, le Spoutnik-1 (1957), et la réussite du premier vol spatial habité par Youri Gagarine (1961).2. Le champ graphique est dominé par le rouge, couleur emblématique de l’URSS et plus généralement du com-munisme, qui tranche sur le fond bleu de la voie lactée.3. L’affiche met en scène la puissance de l’URSS par un jeu de formes et de couleurs qui célèbrent implicitement sa

gloire. L’immense main rouge qui domine le champ gra-phique représente probablement la puissance de travail de la classe ouvrière soviétique, grâce à laquelle de hauts faits ont pu être accomplis dans la course à l’espace. Cette main tendue vers le ciel semble lancer une fusée savam-ment profilée, portant le sigle « URSS » et l’emblème du marteau et de la faucille. L’engin file à grande vitesse dans la voie lactée, et semble repousser les limites de l’univers en même temps qu’elle paraît sur le point de sortir du champ visuel. L’ensemble main-fusée rouge et vertical

Situer1. Les acteurs de la guerre du Vietnam sont multiples : d’un côté, les troupes du régime communiste (Nord- Vietnam) et les Vietcongs soutenus par l’URSS et la Chine ; de l’autre, les troupes américaines combattant aux côtés des troupes sud-vietnamiennes.

Prélever des informations 2. L’URSS et la Chine soutiennent matériellement les Vietcongs et le Nord-Vietnam afin d’unifier le pays sous la coupe d’un régime communiste allié. Les États-Unis s’engagent dans la guerre aux côtés du Sud-Vietnam car ils craignent la contagion du communisme à toute l’Asie (théorie des dominos) ; ils souhaitent donc endiguer l’ex-pansion du communisme à de nouveaux États, en vertu des principes de la doctrine Truman.3. La guerre du Vietnam constitue également un conflit idéologique, car chaque camp déploie une propagande plus ou moins explicite pour atteindre ses buts : les États-Unis se présentent comme les garants de l’ordre et de la morale mondiaux (doc. 1), tandis que les communistes déploient des affiches anti-américaines afin d’impliquer activement les civils dans la guerre (doc. 2).4. Cette photographie, prise par Larry Burrows en octobre 1966 et publiée dans Life Magazine, montre des soldats américains en grande difficulté au Vietnam. Quatre Marines visiblement épuisés et effrayés portent la dépouille de leur officier tué quelques minutes auparavant : ils tentent probablement de l’embarquer à bord d’un hélicoptère au cœur même des combats, comme le laisse deviner l’hori-zontalité des herbes incurvées vers la gauche. Cette scène est représentative de l’impasse militaire dans laquelle les États-Unis se sont engagés : débordés par un ennemi nom-breux, difficile à identifier, qui connaît parfaitement le ter-rain et qui évite l’affrontement conventionnel, les Marines tombent régulièrement dans des embuscades meurtrières et ne peuvent tenir longtemps les territoires hostiles qu’ils conquièrent au prix de lourdes pertes.

Synthétiser5. La guerre du Vietnam illustre l’affrontement indirect des deux Grands à plusieurs égards. D’une part, les mobiles

de la guerre sont bien ceux d’une rivalité de puissances : l’URSS cherche à étendre son influence sur l’ensemble de l’Asie, en favorisant les guérillas communistes, pour élar-gir encore le bloc de ses alliés ; les États-Unis cherchent à stopper l’expansion communiste et à conserver des alliés fidèles dans la région pour éviter un déséquilibre géopolitique en leur défaveur. D’autre part, il s’agit aussi d’un conflit idéologique : les États-Unis se présentent au monde comme les garants de l’ordre, de la morale et de la liberté des peuples, tandis que l’URSS soutient une intense propagande anti-américaine et pro-guérilla au Vietnam. Enfin, à aucun moment les deux superpuis-sances ne s’affrontent directement, puisque l’URSS sou-tient massivement les Vietcongs mais n’engage jamais ses propres troupes sur le terrain.

Vers le BAC

CompositionLa guerre froide constitue un affrontement indirect entre deux superpuissances : les États-Unis et l’URSS, tous deux dotés de l’arme atomique et menant une course aux armements, refusent l’affrontement militaire direct car chacun craint les représailles potentielles de l’ad-versaire. Ils s’affrontent ainsi dans des conflits périphé-riques, comme la guerre du Vietnam (1963-1973), où l’URSS apporte un soutien financier et logistique massif à la guérilla communiste du Nord, mais n’engage jamais ses propres troupes contre les Marines combattant aux côtés du régime sud-vietnamien. D’autre part, la rivalité entre les deux Grands prend aussi la forme d’un conflit idéologique : chaque camp déploie une intense propa-gande pour valoriser son modèle et discréditer l’adver-saire, comme les États-Unis qui justifient l’intervention au Vietnam par des principes moraux, ou l’URSS qui sou-tient la propagande anti-américaine pour inciter les civils à s’engager dans la guérilla communiste.

Étude La guerre du Vietnam (1963-1973) ➤ p. 110-111

Histoire des Arts

La conquête de l’espace vue par la propagande soviétique ➤ p. 112-113

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Doc. 1> Ce tableau peut être qualifié d’œuvre de propagande car il présente une mise en scène savamment travaillée pour discréditer les valeurs américaines. Chaque pan de la société et de la culture américaine est sciemment repré-senté de manière caricaturale et immorale, notamment le capitalisme et l’interventionnisme des États-Unis. L’au-teur, membre du parti communiste français, ne masque par ailleurs pas ses opinions, qu’il entend exprimer dans une œuvre d’art engagée d’autant plus efficiente qu’elle est fondée sur des symboles implicites et non sur des discours explicites.

Doc. 2 et 3> Chaque dirigeant cherche à affirmer la supériorité de son modèle de deux manières : d’une part en glorifiant ses propres valeurs qu’il dit fondées sur la dignité, la paix, le respect de l’être humain et la justice ; d’autre part en discréditant les valeurs de l’adversaire, qu’il dénonce comme fondées sur la tyrannie et l’injustice. Dans cette perspective manichéenne, Truman affirme ainsi vouloir lutter pour « la volonté du plus grand nombre, les libertés individuelles » contre « la terreur et l’oppression, la sup-pression des libertés, la misère et le besoin ». De même, Jdanov revendique des valeurs « anti-impérialistes et démocratiques » face à « l’impérialisme, l’écrasement de la démocratie, les plans impérialistes d’expansion et d’agression [des États-Unis] ».

tranche ainsi volontairement sur l’horizontalité paisible de la voie lactée et ses nuances légères de bleu. Au bas de l’affiche, un message explicite proclame la gloire de l’URSS et de ses peuples qui ont « ouvert la route des étoiles à toute l’humanité ».

La portée de l’œuvre 4. En suggérant que la victoire de l’« homme soviétique » est aussi celle de « toute l’humanité », l’auteur cherche à inscrire les valeurs et la puissance de l’URSS dans une perspective universaliste : il s’agit de montrer que, plus encore que les États-Unis, l’URSS et ses valeurs sont naturellement capables d’incarner l’avenir du monde.5. Cette affiche révèle que la conquête de l’espace consti-tue un enjeu crucial de la guerre froide : en premier lieu, elle montre que la course à l’espace, forme d’affronte-ment indirect, fait l’objet d’un conflit idéologique intense. En effet, le caractère savamment travaillé de la symbo-lique de l’affiche exprime une volonté de promouvoir un modèle et ses valeurs comme incarnation de l’avenir dans le monde entier. De plus, les déclarations respectives de N. Khrouchtchev et R. Bennet après le lancement du spoutnik révèlent que chaque camp cherche bien à discré-diter les valeurs et les capacités de l’adversaire. Enfin, la course à l’espace relève bien d’un conflit de puissances, puisque des réalisations telles que celles accomplies par l’URSS impliquent une capacité de recherche et de déve-loppement technologiques dont seules sont capables des superpuissances en quête de gloire mondiale.

Aller plus loin6. Suggestion de plan :I. L’espace, enjeu crucial de la guerre froide (1957-1975)

A. La course à l’espace, une volonté d’incarner l’avenir du mondeB. Exploits soviétiques, répliques américaines

II. De l’affrontement indirect à la coopération spatiale (1975-1991)

A. L’émergence de projets communsB. L’espace, lieu de mise en scène de la coopération entre deux Grands toujours rivaux

III. Un espace convoité dans un monde multipolaire (1991-2015)

A. L’émergence de nouvelles puissances spatiales à par-tir des années 1990B. Le déclin annoncé des puissances spatiales tradition-nelles ?

Cours 1 L’émergence de deux blocs antagonistes (1945-1961) ➤ p. 114-115

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L’analyse du document 1 éclaire le thème de la propagande artistique déployée au sein des deux blocs. Les calques cliquables permettent d’identifier les différents aspects d’un tableau foisonnant, et offrent ainsi à l’élève la possibi-lité d’établir progressivement le lien entre les éléments visibles à l’écran, les faits historiques et les intentions d’un artiste engagé dans le conflit idéologique.

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44 © Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1re ES-L – Livre du professeur

Situer1. L’Irak est situé au cœur du Moyen-Orient : bordé par l’Iran à l’Est, l’Arabie Saoudite et le Koweït au Sud, la Syrie et la Jordanie à l’Ouest et la Turquie au Nord, il est tra-versé par le Tigre et l’Euphrate. Les troupes de Saddam Hussein sont défaites par la coalition en moins d’un mois et demi.

Prélever des informations 2. L’ONU justifie le recours à la force contre l’Irak par une défense « de la paix et de la sécurité internationale » au Moyen-Orient, mais les Américains interviennent égale-ment pour s’assurer un approvisionnement en hydrocar-bures, dont la région regorge, et pour s’affirmer comme les défenseurs mondiaux des valeurs démocratiques.

Analyser et synthétiser des informations 3. Cette photographie, prise en juin 1991 à Manhattan, montre le défilé des Marines américain célébrant leur victoire après la défaite des troupes de Saddam Hussein et la libération du Koweït. Leur triomphe est ici mis en scène : les militaires défilent dans un climat de joie et de détente, drapeaux nationaux en main, sur une grande avenue bordée de gratte-ciel de la capitale économique et culturelle. La foule massée sur les côtés les acclame avec enthousiasme en brandissant également le drapeau national.4. George H. Bush emploie différentes méthodes pour légitimer l’intervention au Moyen-Orient. D’une part, il insiste sur le fait que l’Irak est un « agresseur », « cou-pable » d’avoir violé les droits de l’homme et la sécurité internationale. D’autre part, il présente l’intervention des

États-Unis et de la coalition comme une pure victoire de la paix, des valeurs onusiennes, « du droit et de ce qui est juste » face à cet agresseur dont le Koweït était l’injuste « victime ». Selon lui, la guerre du Golfe ouvre une nou-velle ère dans les relations internationales car elle montre que, désormais, le droit et la sécurité mondiaux seront garantis par l’ONU, dont les États-Unis, « gendarmes du monde », constituent le bras armé.

Vers le BAC

Étude critique de documentsLe premier document est une photographie, prise en juin 1991 à Manhattan, qui montre le défilé des Marines amé-ricains célébrant leur victoire après la défaite des troupes de Saddam Hussein et la libération du Koweït quelques mois plus tôt. Le second document est le texte du discours de George H. Bush, prononcé devant le Congrès quelques jours après la victoire finale de la coalition. Ces deux docu-ments suggèrent l’avènement d’un nouvel ordre mondial sous l’égide des États-Unis : ainsi, la photographie montre les militaires défilant dans un climat de joie et de détente, drapeaux nationaux en main, sur une grande avenue bor-dée de gratte-ciel de la capitale économique et culturelle. La foule massée sur les côtés les acclame avec enthou-siasme en brandissant également le drapeau national. Cette scène, photographiée ici à New York mais diffusée dans le monde entier par le biais de différents médias (magazines, journaux, télévision), montre que les États-Unis souhaitent célébrer devant le monde un triomphe

Doc. 1> Cette couverture révèle que la peur d’une apocalypse nucléaire mondiale est sensible jusque dans les groupes populaires : dans les années 1950, la bande-dessinée est un de leurs loisirs principaux. La multiplication des comics représentant une apocalypse nucléaire mondiale, dont l’Amérique serait la première victime, révèle donc que cette peur nucléaire est explicitement sensible dans l’ensemble de la société.

Doc. 2> L’ampleur des subventions accordées par les États-Unis et l’URSS révèle la volonté des deux Grands d’élargir le bloc de leurs alliés dans la perspective d’une domination géopolitique mondiale. Le cas de l’Inde, courtisée par les deux superpuissances, montre que même les pays non-alignés sont l’objet de convoitises et ne peuvent conserver longtemps une position de neutralité dans un monde résolument bipolaire.

Doc. 3> Le rapprochement des deux superpuissances est mis en scène par un ensemble de postures ou de symboles savamment travaillés sur la photographie : les astro-nautes et cosmonautes américains et russes adoptent une expression à la fois sérieuse, réjouie et sereine ; de part et d’autre de l’image, les drapeaux américains et soviétiques, explicitement visibles, occupent la même proportion du champ graphique ; enfin, la maquette du module spatial, symbole de la coopération nouvelle des deux Grands, occupe le centre de l’image.

Doc. 4> Cette photographie illustre la fin de la guerre froide, car elle montre une poignée de main enthousiaste entre les représentants des deux superpuissances, ennemis incon-ditionnels depuis près de quarante ans ; de part et d’autre, les drapeaux américains et soviétiques sont placés côte à côte, renforçant l’idée de paix dont ce sommet de Moscou est l’objet.

Cours 2 Un monde en équilibre précaire (1961-1991) ➤ p. 116-117

Étude La guerre du Golfe (1991) ➤ p. 120-121

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45© Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1re ES-L – Livre du professeur

Situer1. La Yougoslavie est située au Sud-Est de l’Europe ; elle est bordée par la mer Adriatique à l’Ouest, l’Autriche et la Hongrie au Nord, la Roumanie et la Bulgarie à l’Est, l’Al-banie et la Grèce au Sud. Sa capitale, Sarajevo, est située au centre du pays, au cœur de la Bosnie.

Prélever des informations 2. La très grande variété démographique et religieuse qui règne en Yougoslavie et à Sarajevo montre que ces enti-tés sont très divisées : Bosniaques, Serbes et Croates se côtoient en des proportions très variables au sein d’un territoire fragmenté en différentes provinces.

Analyser des informations 3. Pour les combattants et surtout pour les habitants, le siège de Sarajevo peut être assimilé à un « enfer » : la ville est progressivement dévastée par les bombardements, ses habitants décimés et laissés à eux-mêmes, incapables de sortir de chez eux pour s’approvisionner en vivres ou fuir les combats meurtriers. Face à cette situation, les casques bleus se trouvent dans une impasse : ils sont témoins des massacres et des bombardements quoti-diens dans toute la ville, mais leurs ordres les cantonnent à protéger l’aéroport, unique point de communication logistique avec l’extérieur.4. Face à ce conflit, l’Union européenne appelle à la paix, mais n’a pas les moyens de mettre fin aux massacres : elle est paralysée par les désaccords entre ses membres, notamment quant à la légitimité et la forme d’une inter-vention commune. C’est cet état de fait que dépeint avec

ironie le caricaturiste : la « maison yougoslave » toute proche est en feu et ses habitants appellent à l’aide, mais les « pompiers » européens sont représentés comme indécis et timorés sur un camion visiblement en panne.5. C’est finalement grâce à l’intervention de l’OTAN, menée par les États-Unis, qu’une paix est établie avec les accords de Dayton en 1995. Toutefois cette paix demeure fragile, car elle établit un découpage territorial strict selon des critères ethniques, alors que les entités ainsi formées demeurent peuplées d’ethnies rivales. En outre, la souve-raineté de la Bosnie n’est pas restaurée : le pays est placé sous tutelle internationale, ce qui peut être perçu comme un frein à l’établissement naturel d’une paix durable.

Vers le BAC

CompositionÀ bien des égards, le siège de Sarajevo semble révéler l’échec d’un nouvel ordre mondial pacifique, suggéré par la fin de la guerre froide et la victoire de la coalition inter-nationale lors de la guerre du Golfe en 1991. Dès l’année suivante, la communauté internationale en général et l’UE en particulier se révèlent incapables de mettre fin aux mas-sacres et violations des droits de l’homme comme du droit international perpétrées aux portes de l’Europe. La néces-sité d’une intervention américaine et l’établissement d’une paix fragile et indécise en Yougoslavie révèlent déjà des ferments de division qui minent le continent, incapable de solder ses conflits hérités de la guerre froide.

qui est presque davantage le leur que celui de la coalition. Dans la même optique, si George Bush insiste dans son discours sur la cruauté, le caractère malfaisant de Saddam Hussein et de l’Irak, c’est pour mieux faire pendant à la morale et à la puissance de la nation américaine, qui a « regardé ses fils et ses filles avec fierté et prié pour eux », tandis que ses soldats « ont combattu avec honneur et cou-rage ». Plus encore, dans cette perspective manichéenne George H. Bush prend soin de placer une victoire avant tout américaine sous le signe de l’ONU et de la coopération

internationale. Il veut ainsi laisser entendre que son pays met sa puissance de feu au service « de la liberté et du res-pect des droits de l’homme », et non au service des seuls intérêts américains. Pourtant, l’importance cruciale des États-Unis dans la victoire et le rétablissement de la paix, leur triomphe mis en scène devant les médias du monde entier et le discours présidentiel qui place le pays en posi-tion de « gendarme du monde » au service de l’ONU, sug-gèrent bien l’avènement d’un nouvel ordre mondial sous l’égide des États-Unis.

Étude

Étude

Le siège de Sarajevo (1992-1995) ➤ p. 122-123

Les attentats du 11 septembre 2001 ➤ p. 124-125

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Le commentaire en direct d’un événement traumatique qui ouvre une nouvelle ère de la géopolitique mondiale.

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46 © Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1re ES-L – Livre du professeur

Doc.1

> D’après Gorbatchev, les espoirs de paix mondiale sont menacés par la recrudescence des ferments de conflits anciens (nationalisme, séparatisme) et l’augmentation des inégalités de développement à l’échelle mondiale, qui conduisent à des mouvements violents (terrorisme, guerres civiles, mise en place de dictatures).

Doc. 2

> Cette image révèle que les États-Unis souhaitent se donner une image de supériorité morale, d’arbitre des relations interétatiques à l’échelle mondiale : le président Clinton est placé au centre de l’image, entre ses quasi- homologues israélien et palestinien, les bras ouverts dans une attitude de conciliation bienveillante. Il s’affirme ainsi comme l’artisan des accords d’Oslo.

Doc. 3> Ce jugement révèle l’influence de l’ONU, puisqu’il montre que les responsables des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations des droits de l’homme perpétrés en ex-Yougoslavie sont traqués, jugés et sévèrement condamnés. Mais il en révèle également l’impuissance, puisque la justice n’est rendue que près de dix ans après les massacres survenus au cours d’un conflit que la communauté internationale s’était avérée incapable de stopper de manière rapide et durable.

Doc. 4> Cette scène macabre suggère la violence inouïe du génocide des Tutsis par l’empilement des restes humains déterrés dans un but commémoratif. Les soldats du FPR fixent ces crânes, empilés comme des objets au milieu de la campagne, dans une attitude de dégoût et d’affliction.

Situer1. Les terroristes d’Al-Qaïda choisissent de frapper le World Trade Center, symbole de la puissance finan-cière des États-Unis et le Pentagone, symbole de leur puissance militaire ; ils tentent également de frapper le Congrès, symbole de leur puissance politique.

Analyser des informations 2. Les réactions des New Yorkais et des médias justifient le terme de « terrorisme », car les actes d’Al-Qaïda atteignent leurs objectifs : faire régner la peur aux États-Unis et dans le monde. Ainsi les réactions stupéfaites des présentateurs de France 3 (doc. 1) font écho aux paroles et actes paniqués des habitants lors de l’attentat (doc. 2), mais également aux unes des journaux qui évoquent une « nouvelle guerre » mondiale et un « séisme qui secoue la planète » (doc. 3).

Synthétiser des informations 3. Dès la nouvelle du premier crash connue, les médias mondiaux entrent en effervescence et retransmettent les images des drames en direct. Cela a pour effet de plon-ger l’ensemble du monde dans la stupeur : les peuples se rendent compte que les États-Unis, « gendarmes du monde » perçus comme invincibles, sont en réalité bien vulnérables. Or, puisque les terroristes ont pu frapper le cœur de leur nation, ils sont alors capables de frapper par-tout dans le monde ; d’où la naissance d’un sentiment de peur, voire parfois de panique dans l’ensemble des pays liés à divers degrés à la sphère d’influence américaine.4. D’après Ben Laden, les terroristes souhaitaient jeter bas « le mythe de la grande Amérique », « le mythe de la terre de la liberté », c’est-à-dire l’ensemble des fondements de la culture et de la puissance américaine. Son message recèle aussi une idéologie antisémite : Ben Laden glorifie l’assassinat des Juifs et des Américains, perçus comme les représentants de l’Occident et de l’« occupation » du Moyen-Orient. En expliquant que « tout le monde » a pu assister aux attentats et que tuer des Américains et des Juifs « sur toute la Terre » est « le premier des devoirs et la meilleure des bonnes œuvres pour Dieu », il donne aux attentats une portée mondiale.5. Les attentats du 11 septembre 2001 remettent brutale-ment en cause le mythe d’une Amérique invincible, supé-

rieure, « gendarme du monde » et garante de la paix et de la stabilité internationale. Ils traumatisent à travers le monde des esprits qui avaient assisté à la fin de la guerre froide, au triomphe de la guerre du Golfe et aux démonstrations de force américaines dans les années 1990, comme à Sarajevo. En ce sens, les attentats écornent gravement le mythe du hard power (les États-Unis ne sont pas invincibles) et du soft power américains (ils sont frappés en plein cœur « humiliés, avilis » d’après Ben Laden). En outre, les déclarations de Ben Laden après le drame laissent entendre que les États-Unis resteront une cible privilégiée de l’islamisme : c’est en ce sens que leur position dans la géopolitique mondiale est sérieusement menacée, comme le laisse entendre la une de l’Humanité : « Après ça, quel monde ? »

Vers le BAC

Étude critique d’un documentLe premier texte est un entretien accordé par Oussama Ben Laden aux journalistes de CNN Peter Arnett et Peter Bergen en 1997. Il prend place près de dix ans après la fin de la guerre d’Afghanistan au cours de laquelle les États-Unis avaient soutenu les islamistes contre l’URSS, et six ans après la guerre du Golfe qui avait marqué le début d’une emprise affirmée des États-Unis sur le Moyen-Orient. Le second texte est une déclaration d’Oussama Ben Laden en forme de recommandation à ses fidèles, probablement datée de 2002, soit un an après les attentats du 11 septembre 2001 qui ont traumatisé la planète et remis en cause la supré-matie des États-Unis dans les relations internationales. Tous deux révèlent un projet idéologique cohérent, fondé sur la haine des États-Unis : le nom du président et du gouver-nement américains suscitent la « colère », le « dégoût » et la « révolte » de Ben Laden. Celui-ci considère l’Amérique et ses valeurs de liberté et de démocratie comme un « mythe », qui s’est « effondré » grâce aux attaques du 11 septembre, visiblement prévues de longue date comme un « message dépourvu de mots » à l’encontre des États-Unis. Ben Laden appelle ainsi tous les musulmans à continuer les attaques, en particulier celles contre « les Américains et les Juifs », car c’est selon lui « la meilleure des bonnes œuvres pour Dieu ».

Cours 3 Un nouvel ordre mondial (1991-2001) ➤ p. 126-127

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47© Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1re ES-L – Livre du professeur

Doc. 1> Dans cette scène, des soldats américains, lourdement armés et appuyés par de nombreux véhicules blindés, se tiennent près d’une carcasse de voiture calcinée qui a servi à commettre un attentat-suicide peu de temps auparavant. Or, c’est l’effet de contraste qui révèle les difficultés de la guerre conventionnelle face au terrorisme : les soldats et les véhicules montrent que des moyens massifs sont déployés par les puissances conventionnelles contre les terroristes, mais la réalité du bilan de l’attentat et l’attitude désemparée des troupes arrivées trop tard pour empêcher le drame révèlent leur impuissance dans ce type de conflit.

Doc. 2> En Amérique Latine et en Afrique, les États-Unis et la Chine s’affrontent surtout sur le terrain du soft power, c’est-à-dire de la capacité de séduction et de cooptation : chaque puissance y diffuse notamment ses productions culturelles (musique, cinéma), ses habitudes sociales (manière de faire des affaires), mais aussi ses valeurs.

Doc. 3> La cyberguerre amène à revoir les concepts de guerre et de paix, car les attaques informatiques perpétrées par les différentes puissances les unes contre les autres sont à la fois difficiles à détecter et à parer, et potentiellement des-tructrices. En outre, il est également très délicat d’identi-fier avec rapidité et certitude leurs auteurs et la nation à laquelle ils appartiennent.

Doc. 4> Cette photographie a été prise à Paris en janvier 2015 à la suite des attentats. Elle témoigne de l’onde de choc pro-voquée par le terrorisme sur les sociétés démocratiques car elle montre l’association solidaire de nombreux chefs d’États : ceux-ci sont venus soutenir non seulement la France mais surtout les valeurs démocratiques en géné-ral, alors même que certains sont habituellement d’ir-réductibles rivaux (notamment Benjamin Netanyahu et Mahmud Abbas).

Cours 3 De nouvelles conflictualités depuis 2001 ➤ p. 128-129

Vers le Bac Réviser ➤ p. 130-131

Activité 11. Guerre froide : 1947-1991 ; nouvel ordre mondial : de 1991 à 2001 ; nouvelles conflictualités : depuis 2001.2. Début de la bipolarisation du monde : 1947 ; construc-tion du mur de Berlin : 1961 ; crise de Cuba : 1962 ; guerre du Vietnam : jusqu’en 1975 ; chute du mur de Berlin : 1989.3. Nouvel ordre mondial : 1991, guerre du Golfe ; 1992, début du siège de Sarajevo ; 1993, accords d’Oslo ; 1994, génocide des Tutsis par les Hutus.Nouvelles conflictualités : 2001, attentats du 11 septembre + intervention de la coalition en Afghanistan ; 2003, début de la guerre en Irak ; 2005, attentats islamistes à Londres.

Activité 2

Suggestion de plan :I. Le traumatisme de la construction du mur

A. Une ville scindée en deux partiesB. Des familles brisées

II. La vie quotidienne part et d’autre du murA. À l’EstB. À l’Ouest

III. Berlin, vitrine de la propagande des deux GrandsA. Deux villes, deux mondes, deux systèmes de valeursB. La propagande architecturale

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Une fresque sociale et culturelle montrant le bouleversement que constitue le mur de Berlin, symbole de la bipolarisation du monde.

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Activité 3

Guerre froide Nouvelles conflictualités contemporaines

Acteurs Superpuissances, armées régulières, guérillas Superpuissances, armées régulières, guérillas, groupes terroristes

Types et formes de conflit

Guerres civiles, affrontements indirects Guerres civiles, guerres asymétriques, guerre déterritorialisée, cyberguerres

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48 © Magnard, 2015 – Histoire Géographie 1re ES-L – Livre du professeur

Événements qui témoignent d’un « équilibre de la terreur »

Événements susceptibles de déclencher une guerre directe

Événements qui témoignent d’une détente des relations

Acquisition de l’arme nucléaire par les États-Unis puis l’URSS ; construction du mur de Berlin

Installation de missiles soviétiques sur l’île de Cuba

Résolution de la crise de Cuba ; mise en place du Téléphone rouge ; lancement de la mission Apollo-Soyouz

Situer un événement dans le temps long

Étape 1

1945 puis 1949 ; 1961 ; 1962 ; octobre 1962 ; 1962 ; 1975.

Étape 2• En 1945, les États-Unis cherchent à terminer la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique. Ils parviennent à bri-ser la résistance du Japon par la mise au point d’une bombe atomique dévastatrice, qu’ils emploient contre les villes d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945 ; ils obtiennent ainsi la reddition du dernier pays combattant. L’URSS, soucieuse de s’affirmer comme une superpuis-sance capable de rivaliser avec les États-Unis pour la domination du monde, lance un programme de recherche intensif qui lui permet d’acquérir à son tour l’arme ato-mique en 1949.• Après l’échec du blocus de 1948-1949 et pour empêcher l’exode des Berlinois de l’Est vers l’Ouest, les autorités communistes érigent par surprise un mur qui scinde la ville en deux dans la nuit du 12 au 13 août 1961. Ce mur devient le symbole de la bipolarisation du monde.• En 1962, les Soviétiques cherchent à se doter d’une base avancée qui leur permette de frapper directement le territoire américain, pour faire pendant aux missiles occidentaux installées en Turquie ou en Europe de l’Est.

À la suite du renversement du dictateur pro-américain Batista par les troupes de Castro (1959) et de l’échec du débarquement de la Baie des Cochons (1961), l’URSS de Khrouchtchev fait installer à Cuba des missiles nucléaires capables de frapper les principales villes américaines.• Cela déclenche une crise d’ampleur mondiale, où la riva-lité entre les deux Grands est en passe de plonger la pla-nète dans une apocalypse nucléaire. Mais J. F. Kennedy et N. Khrouchtchev parviennent à trouver une solution diplomatique rapide, qui conduit l’URSS à retirer ses mis-siles de Cuba en échange de la promesse du retrait des missiles américains de Turquie.• Pour faciliter une communication rapide entre eux et évi-ter un nouveau risque d’apocalypse nucléaire, les deux Grands font installer peu après une ligne directe entre la Maison Blanche et le Kremlin (le Téléphone rouge).• Après deux décennies de course à l’espace marquée notamment par le lancement en grande pompe du pre-mier satellite par les Soviétiques (Spoutnik-1, 1957) et le premier pas d’un homme sur la Lune par l’Américain Neil Armstrong (1969), la Détente entre les deux Grands s’in-carne dans la coopération spatiale. Malgré la persistance des rivalités, le lancement de la mission Apollo-Soyouz en 1975 réunit des chercheurs et des astronautes américains et soviétiques dont la collaboration est adroitement mise en scène aux yeux du monde par chaque gouvernement.

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Une ressource numérique précieuse à un travail de révision, qui pourra constituer le support d’une séance de clô-ture avant évaluation : les différents éléments du schéma apparaissent à mesure que se développe un commentaire audio à la fois simple, concis et exhaustif, qui éclaire les bouleversements qu’a connus l’ordre mondial depuis 1945.

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Vers le Bac S’entraîner ➤ p. 132-133

Étape 3En 1962, Fidel Castro et son régime communiste ont pris le pouvoir à Cuba, après avoir déposé le dictateur pro-amé-ricain Batista en 1959, et repoussé le débarquement des Marines dans la Baie des Cochons en 1961. Allié de l’URSS de Khrouchtchev, le régime castriste souhaite pré-venir toute nouvelle tentative d’invasion, et plus encore frapper les États-Unis en plein cœur : Fidel Castro obtient donc de Khrouchtchev l’installation en secret sur l’île de missiles nucléaires capables d’atteindre tout le Sud-Est des États-Unis, et notamment leur capitale, Washington. Dès les missiles découverts, le président Kennedy somme l’URSS de retirer ses forces sous peine de représailles massives, qui engageraient les deux blocs entiers dans

une guerre mondiale et plongeraient la planète dans une apocalypse nucléaire. Face au refus de Khrouchtchev, le monde passe « au bord du gouffre » selon l’expression de J. F. Kennedy : en octobre 1962, la guerre froide est à son apogée. Mais très vite, les deux dirigeants par-viennent à trouver une solution diplomatique fondée sur des concessions mutuelles : l’URSS retire ses missiles de Cuba contre la promesse américaine d’en faire autant en Europe de l’Est. En même temps, les deux Grands s’en-gagent à limiter puis stopper la course aux armements, et mettent en place une ligne téléphonique directe destinée à éviter tout nouveau risque d’anéantissement mutuel (le Téléphone rouge) : en ce sens, la crise de Cuba incarne également le début de la Détente entre les deux super-puissances.

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Cerner le sens général d’un document1. Ce document est la couverture du journal italien Domenica del Corriere publié le 27 mai 1962, c’est-à-dire sept mois après la crise de Cuba. Cette année-là, les ten-sions entre les États-Unis et l’URSS, puissances rivales pour la domination du monde depuis 1947, sont passées par un point paroxystique : en octobre, l’installation à Cuba par Khrouchtchev de missiles nucléaires capables de frapper les principales villes américaines ont conduit le président Kennedy à menacer l’URSS de représailles massives. Les deux Grands, tous deux dotés de l’arme atomique, mais soucieux d’éviter d’entraîner le monde dans une apocalypse nucléaire, trouvent rapidement une issue diplomatique à la crise qui a placé le monde « au bord du gouffre ». 2. Les deux protagonistes sont N. Khrouchtchev et J. F. Kennedy, chefs d’État respectifs de l’URSS et des États-Unis. Tous deux semblent réjouis, détendus et soucieux de nouer un dialogue apaisé : en les représen-tant ainsi, le dessinateur a souhaité illustrer le climat de détente géopolitique entre les deux Grands qui succède à la crise de Cuba.3. Le Téléphone rouge est une ligne téléphonique directe qui relie le Kremlin et la Maison Blanche ; son objectif est de permettre une communication instantanée entre les deux chefs d’État des superpuissances qui dirigent le monde bipolaire de la guerre froide, de manière à éviter tout nouveau risque d’apocalypse nucléaire en cas de crise future. Ainsi, en représentant les deux chefs d’État dans une attitude détendue, communicative et même souriante lors d’un dialogue qui semble bienveillant, l’auteur illustre la Détente entre les deux Grands qui semblent avoir pris conscience de leur responsabilité dans l’avenir du monde.4. Ce document présente toutefois une vision partielle de la guerre froide, puisqu’il ne choisit d’illustrer que l’aspect positif du dénouement de la crise de Cuba (pro-jet de mise en place d’une ligne directe, engagement pour l’arrêt de la course aux armements, volonté affi-chée de renforcer la coopération). Pourtant, l’année 1962 ouvre une détente toute relative qui ne marque en rien la fin de la course aux armements ou de la course à l’es-pace, ni la fin des rivalités pour la domination mondiale (comme le montre l’exemple de la guerre du Vietnam débutée peu après).

Mettre en relation des événements

Étape 1 Présenter et décrire le document1. Ce document est une caricature de Patrick Chappatte, publiée le 11 septembre 2006 dans le quotidien suisse Le Temps, dont les lecteurs sont présents en Suisse mais également à travers le monde entier.

2. En 2006, les États-Unis sont engagés dans deux conflits majeurs qui constituent des formes de représailles aux attentats du 11 septembre 2001, à la suite desquels George Bush avait désigné des « États voyous » membres d’un « axe du mal » accusés d’abriter des réseaux terroristes : l’Afghanistan, où les États-Unis sont engagés depuis 2001 avec accord de l’ONU, et l’Irak, où ils opèrent depuis 2003 sans accord de l’ONU.3. Cette caricature représente un Marine américain lour-dement armé qui fait usage de son arsenal pour tenter d’abattre frénétiquement, mais sans succès, une ombre projetée sur le mur qui lui fait face.

Étape 2 Analyser le document4. Les contours de l’ombre suggèrent la silhouette d’Ous-sama Ben Laden, commanditaire des attentats du 11 sep-tembre 2001.5. Face à lui, le soldat américain emploie diverses armes, telles que plusieurs fusils d’assaut et un lance-roquettes portatif à usage unique (RPG, dont les Américains avaient massivement équipés les islamistes lors de la guerre d’Afghanistan contre l’URSS). L’inefficacité et l’absurdité de sa stratégie sont suggérées par la myriade d’impacts de balles sur le mur, inoffensives contre cette ombre fuyante qui ne peut être abattue malgré les efforts fréné-tiques du Marine.6. À travers cette caricature, l’auteur critique la stratégie américaine de guerres conventionnelles inefficaces, fon-dées sur l’emploi de moyens massifs et l’invasion de pays lointains contre des terroristes menant des opérations de guérilla et évitant l’affrontement direct (en Irak comme en Afghanistan).

Étape 3 Critiquer le document7. La source de l’ombre projetée sur le mur n’est en réalité autre que la silhouette du soldat américain. Par ce pro-cédé, l’auteur suggère probablement que les États-Unis sont au fond responsables des actes de terrorisme et de haine dont ils font l’objet depuis les années 1990, et dont le 11 septembre 2001 constitue le paroxysme. Le carica-turiste songe ainsi sans doute aux diverses opérations menées au Moyen-Orient pour renforcer l’emprise amé-ricaine sur une région aux enjeux stratégiques majeurs (soutien aux islamistes durant la guerre d’Afghanistan en 1980-1989, engagement lors de la guerre du Golfe de 1991 puis en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003), qui lui ont aliéné une partie de l’opinion publique refusant leur posture de « gendarmes du monde ». En ce sens, l’engagement subjectif du caricaturiste contre les États-Unis semble dépasser le seul aspect militaire, puisqu’il condamne implicitement à travers ce dessin l’emprise du soft power américain sur une partie du monde depuis la fin de la guerre froide.

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✔ Exemple de réponse rédigée

Au sommet de Malte, qui se tient quelques semaines après la chute du mur de Berlin en novembre 1989, Mikhaïl Gorbatchev, chef de l’Union soviétique, déclare : « Un grand regroupement de forces est en train de s’opérer dans le monde. Il est clair que nous sommes passés d’un monde bipolaire à un monde multipolaire ». Selon lui, la chute du mur annonce donc un bouleversement géopolitique qui met fin à la concurrence entre les deux Grands pour le contrôle du globe, et préfigure un ordre mondial pacifique. Le document ici présenté illustre ces espoirs de paix : il s’agit d’une photographie prise en novembre 1989 lors de la chute du mur, qui montre des Berlinois de l’Est et l’Ouest réunis pour célébrer l’événement sous les yeux de militaires au repos. En effet, dans les mois précédents, des mouvements populaires s’étaient développés en Europe de l’Est et particulièrement à Berlin, qui réclamaient l’abolition du rideau de fer, l’accroissement des libertés individuelles et la transition vers des régimes proprement démocratiques. Rompant avec la politique de ses prédécesseurs, M. Gorbatchev avait choisi de ne pas réprimer ces mouvements, qui ont notamment abouti à la destruction du mur de Berlin et à la réunification de la ville après presque trente ans de partition traumatisante pour les habitants.

Ainsi se pose la question de savoir en quoi ce document illustre à la fois la fin du monde bipolaire de la guerre froide, et les nouveaux espoirs de paix globale pour la décennie à venir.

Dans une première partie, nous verrons que Berlin incarne un symbole de la guerre froide ; puis, nous montrerons que la chute du mur constitue un bouleversement géopolitique majeur qui signifie la fin de la guerre froide ; enfin, nous expliquerons que ce bouleverse-ment suscite de nouveaux espoirs de paix mondiale.

I. Berlin, symbole de la guerre froide

Depuis 1961, Berlin constitue le symbole de la guerre froide et de la bipolarisation du monde. Partagée en zones d’occupation soviétique et occidentales après la Seconde Guerre mondiale, la ville devient rapidement l’enjeu d’une rivalité de puissances entre les deux Grands : entre 1948 et 1949, les Soviétiques tentent d’en prendre le contrôle total par l’imposition d’un blocus sur Berlin-Ouest, déjoué par les Occidentaux grâce à un pont aérien. Or, lassés de la fuite des Berlinois de l’Est vers l’Ouest, les autorités communistes décident en 1961 d’ériger un mur séparant physiquement les zones Est et Ouest de la ville. Construite par surprise dans la nuit du 12 au 13 août, une première muraille est progres-sivement améliorée pour devenir un mur en béton infranchissable, dont une partie est toujours visible au second plan du document. Surplombé par des dispositifs d’éclairage et de surveillance, ce mur symbolise l’opposition mondiale de deux superpuissances, mais aussi de deux idéologies antagonistes, qui déploient dans leur zone respective une propagande architecturale et iconographique destinée à montrer la supériorité de leur modèle. Sur la photographie, les militaires en uniforme rappellent les nombreux gardes affectés à la surveillance du mur de jour comme de nuit, qui avaient pour mission d’arrê-ter et parfois d’abattre les éventuels fuyards. Dès sa construction, ce mur inflige en effet un véritable traumatisme aux Berlinois : il sépare durablement des familles, des amis ou collaborateurs, instaure un face-à-face militaire source de constantes tensions, et impose deux systèmes de valeurs et deux modes de vie différents à une population jusque-là unie. Berlin devient alors la vitrine mondiale de la propagande de chaque superpuissance, comme en témoignent par exemple les discours prononcés par les présidents américains J. F. Kennedy (1963) ou Ronald Reagan (1987).

SUJET La chute du mur de Berlin (1989)

Corrigé du sujet 6 p. 134ÉTUDE CRITIQUE D’UN DOCUMENT

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II. La chute du mur : un bouleversement géopolitique majeur

Ainsi, la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, constitue un bouleversement géo-politique majeur qui annonce, voire pour certains marque la fin de la guerre froide. Dès 1963, J. F. Kennedy avait appelé à sa destruction, suivi en 1987 par R. Reagan qui exhortait M. Gorbatchev à l’abattre au nom de « la paix et la prospérité pour les peuples de l’Union soviétique ». Aussi, une fois sa chute provoquée en 1989 par les mouvements populaires berlinois, les habitants de l’Est et de l’Ouest se réunissent spontanément autour du mur pour fêter l’événement. Sur la photographie, celui-ci semble ainsi désormais inoffensif et symbolique : il est escaladé par un jeune homme sans provoquer l’intervention des militaires ni l’inquiétude de la foule. Symboles du refus de Gorbatchev d’envoyer l’armée réprimer les mouvements populaires (à l’inverse de ses prédécesseurs), des soldats au repos se tiennent sur le mur dans une attitude de surveillance bienveillante. En ce sens, ils mettent en application la décision du gouvernement est-allemand, qui avait peu de temps auparavant proclamé la fin de la séparation physique de Berlin, et laissé les manifestants abattre ce « mur de la honte ». Comme le pressentira M. Gorbatchev quelques semaines après l’événement, sa chute constitue un événement d’ampleur non seulement urbaine ou nationale, mais bien mondiale : elle marque la fin de la guerre froide, le mur entraînant dans sa chute le rideau de fer et l’ordre mondial bipolaire qui avait divisé la planète pen-dant plus de quarante ans.

III. De nouveaux espoirs de paix

À cet égard, la chute du mur suscite de nouveaux espoirs de paix mondiale, déjà visibles dans l’attitude des protagonistes sur le document. De nombreux Berlinois, réunis pour la première fois depuis près de trente ans, portent un appareil photographique pour immor-taliser l’événement : très médiatisée, la chute du mur suscite en effet un émoi et une liesse planétaires. Sur la photographie, l’ancienne frontière militarisée symbole de l’équilibre de la terreur mondial a déjà perdu son aspect menaçant, comme le montre l’attitude des jeunes Berlinois tentant de l’escalader ou de la traverser. Dès lors, et bien que l’URSS ne soit pas encore dissoute, l’exemple de la réunification de Berlin laisse augurer une transition pacifique vers la démocratie, la stabilité et la prospérité aux peuples de l’Est. Mieux encore, c’est en visionnant de telles photographies que le monde prend conscience que la guerre froide touche à sa fin, car celle-ci s’achève symboliquement là où elle avait commencé : pour ses acteurs comme pour ses spectateurs, la chute du mur augure une nouvelle ère de paix et de coopération internationale. Symbole de ces espoirs d’un nouvel ordre mondial pacifique, les deux jeunes amoureux visibles au premier plan semblent ainsi s’embrasser avec sourire et confiance face à l’avenir.

Ainsi ce document illustre à la fois la fin de la guerre froide et les nouveaux espoirs de paix mondiale : enjeu et symbole majeur de la guerre froide, Berlin n’est plus scindée en deux univers que tout oppose dans un face-à-face militarisé, autrefois traumatisant pour ses habitants comme pour le monde. Les Berlinois en liesse, célébrant l’unité retrouvée autour d’un mur désormais inoffensif, incarnent plus que jamais les espoirs d’un nouvel ordre mondial fondé sur la paix, la stabilité et la liberté.

Pour autant, malgré la réunification de l’Allemagne, la chute du rideau de fer et l’effondre-ment du bloc de l’Ouest à venir, la scène ici présentée ne saurait masquer les inquiétudes suscitées par la fin heureuse de la guerre froide. Comme le pressent bien M. Gorbatchev lors de la cérémonie de remise de son prix Nobel de la paix en 1991, la fin de la bipolarisa-tion du monde place la communauté internationale face à plusieurs défis cruciaux, tels que la recrudescence des séparatismes ou l’émergence de nouvelles formes de conflictualité qui, aujourd’hui encore, menacent la paix et la sécurité mondiales.