CHAPITRE 16 VOLTAIRE ET SES COMBATS

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309 CHAPITRE 16 VOLTAIRE ET SES COMBATS LE PHILOSOPHE-ROI S i on appelle souvent le Grand Siècle, le siècle de Louis XIV, le XVIII e siècle est sans contredit le siècle de Voltaire. Médaille gravée par Waechter, 1772 C’est son écrivain le plus achevé et celui qui personnifie le mieux l’esprit philosophique des Lumières. Voltaire (1694-1778) a pratiqué tous les genres : tragique, poétique, comique, mais la postérité retiendra surtout les contes philosophiques : Candide (1759) au style étincelant est peut-être le plus grand roman en langue française de tous les temps ; la correspondance : à travers ses

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CHAPITRE 16

VOLTAIRE ET SES COMBATS

LE PHILOSOPHE-ROI

S i on appelle souvent le Grand Siècle, le siècle de Louis XIV,le XVIIIe siècle est sans contredit le siècle de Voltaire.

Médaille gravée par Waechter, 1772

C’est son écrivain le plus achevé et celui qui personnifie le mieuxl’esprit philosophique des Lumières.

Voltaire (1694-1778) a pratiqué tous les genres : tragique, poétique,comique, mais la postérité retiendra surtout les contes philosophiques :Candide (1759) au style étincelant est peut-être le plus grand roman enlangue française de tous les temps ; la correspondance : à travers ses

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18 000 lettres, Voltaire a correspondu avec toute l’Europe ; et l’histoirequ’il renouvelle : L’Essai sur les mœurs (1756), Le siècle de Louis XIV(1751).

Voltaire fut aussi un homme d’action ; ses campagnes sont célèbrescontre l’injustice, l’intolérance, le fanatisme et la superstition. Bref cethomme qui a combattu toute sa vie pour la liberté de penser est lephilosophe par excellence des Lumières.

Les années anglaisesFrançois-Marie Arouet est né en 1694 dans un milieu assez aisé

qui avait de bonnes relations. Son père, François Arouet, est notaireroyal et receveur d’épices. À 10 ans, il étudie chez les Jésuites au collègeLouis-le-Grand, un collège réputé pour l’excellence de ses professeurs.À la fin de ses études, il se rend à Paris et fréquente les salons et lanoblesse, faisant valoir son bel esprit. En 1718, il obtient son premiergrand succès avec sa tragédie Œdipe et prend le nom de Monsieur deVoltaire (anagramme de AROVET Le Ieune). Mais sa hardiesse demœurs et d’idées n’est pas sans faire scandale. Une querelle avec lechevalier de Rohan-Chabot lui rappelle qu’il n’est qu’un roturier : sonadversaire le fait bâtonner et obtient son internement à la Bastille.Voltaire est obligé finalement de s’exiler en Angleterre.

Pendant les trois ans (1726-1729) que dure cet exil, il fait laconnaissance du poète et essayiste Alexander Pope (1688-1744), duromancier et pamphlétaire Jonathan Swift (1667-1745) et du philosopheGeorge Berkeley (1685-1753). Rapidement, l’Angleterre devient pourlui le pays d’une certaine tolérance religieuse, de la liberté, de laphilosophie et des sciences modernes. C’est pendant ce séjour qu’il estinfluencé par l’empirisme et la philosophie politique de Locke. En 1734,il publie en Hollande les Lettres philosophiques ou Lettres anglaises,répandues clandestinement en France avec un succès considérable. Ilfait de l’Angleterre une « île de raison » et en profite pour vulgariser uncertain nombre d’idées philosophiques tout en condamnant indirec-tement les institutions françaises. De plus, il y compare la philosophiefrançaise, incarnée par Descartes, à l’empirisme anglais, représenté parNewton :

Je ne crois pas qu’on ose, à la vérité, comparer en rien sa philosophieavec celle de Newton : la première est un essai, la seconde est un chef-d’œuvre. Mais celui qui nous a mis sur la voie de la vérité vaut peut-êtrecelui qui a été depuis au bout de cette carrière. Descartes donna la vue

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aux aveugles ; ils virent les fautes de l’Antiquité et les siennes. La routequ’il ouvrit est, depuis lui, devenue immense (Lettre XIV, Sur Descarteset Newton, 1734).

Les orageux échanges à BerlinL’année suivante, les Lettres sont dénoncées et condamnées à être

brûlées, et Voltaire menacé d’arrestation. À cette même époque, ilrencontre Émilie du Châtelet (1706-1749), la savante auteur desInstitutions physiques (traduction et commentaires des Principesmathématiques de philosophie naturelle de Newton), de l’Examen dela Genèse, du Discours sur le bonheur ; ce qui marque le début d’unelongue aventure sentimentale et intellectuelle de près de 10 ans.

Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet

Au cours de ces années, Voltaire devient historiographe du roiLouis XV (1745) et membre de l’Académie française (1746). C’est aussià cette époque que débute sa correspondance avec Frédéric II, devenuroi de Prusse en 1740. Leur échange épistolaire (plus de 800 lettres)durera 42 ans. En 1750, Voltaire quitte Paris pour Berlin et le châteaude Potsdam à l’invitation de Frédéric II.

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Au début de son séjour, c’est l’enchantement réciproque. Voltaireest choyé et adulé. Mais de vifs mécomptes surgissent, les querellesenvenimées par la rivalité avec ses autres collègues se multiplient sibien qu’il finit par se rendre indésirable ; la dispute avec Maupertuis, leprésident de l’Académie des sciences de Berlin, précipitant la disgrâce.

Le « patriarche »Voltaire est contraint de regagner la France. Il quitte Berlin en

1753 et devra errer de 1753 à 1760 à la recherche d’un gîte sûr. Devant lestracasseries du Grand Conseil de Genève, il quitte Les Délices, unepropriété près de Genève où il avait séjourné quelque temps.Finalement il achetera en 1759 le château de Ferney, près de la frontièresuisse où il vivra en châtelain éclairé. Un véritable règne intellectuelcommence. Le « roi Voltaire » devient une figure de légende et reçoit

La chambre de Voltaire à FerneyLa gravure de 1780 montre la galerie de portraits et le mausolée

chez lui avec une hospitalité fastueuse les personnalités les pluséminentes de l’Europe.

Dans ce qui suit, on lira l’affectueux compte-rendu, tiré de sesMémoires (Paris, 1804, t. II, p. 230 et ss.), de la visite que Jean-FrançoisMarmontel, l’auteur à succès de Bélisaire, fit à Voltaire dans son châteaudes Délices, au mois de juin 1760.

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D’une plume alerte, Marmontel fait le récit bien vivant desquelques jours passés en la compagnie du grand homme dans sonquotidien.

La visite de Marmontel à Voltaire aux Délices

« Pressés de nous rendre à Genève, nous ne nous donnâmes pas même le tempsde voir Lyon, réservant pour notre retour le plaisir d’admirer dans ce grand atelierdu luxe les chefs-d’œuvre de l’industrie.

Rien de plus singulier, de plus original que l’accueil que nous fit Voltaire. Ilétait dans son lit lorsque nous arrivâmes. Il nous tendit les bras, il pleura de joie enm’embrassant ; il embrassa de même le fils de son ancien ami M. Gaulard.

— Vous me trouvez mourant, nous dit-il ; venez-vous me rendre la vie ourecevoir mes derniers soupirs ?

Mon camarade fut effrayé de ce début. Mais moi qui avais cent fois entendudire à Voltaire qu’il se mourait, je fis signe à Gaulard de se rassurer. En effet, lemoment d’après, le mourant nous faisant asseoir auprès de son lit :

— Mon ami, me dit-il, que je suis aise de vous voir surtout dans le moment oùje possède un homme que vous serez ravi d’entendre. C’est M. de l’Écluse, lechirurgien-dentiste du feu roi de Pologne, aujourd’hui seigneur d’une terre auprèsde Montargis, et qui a bien voulu venir raccommoder les dents irraccommodablesde Mme Denis. C’est un homme charmant. Mais ne le connaissez-vous pas ?

— Le seul l’Écluse que je connaisse est, lui dis-je, un acteur de l’ancien Opéra-Comique.

— C’est lui, mon ami, c’est lui-même. Si vous le connaissez, vous avez entenducette chanson du Rémouleur qu’il joue et qu’il chante si bien.

Et à l’instant voilà Voltaire imitant l’Écluse, et avec ses bras nus et sa voixsépulcrale, jouant le Rémouleur et chantant la chanson :

Je ne sais où la mettreMa jeune fillette;Je ne sais où la mettre,Car on me la cache...

Nous rions aux éclats ; et lui toujours sérieusement :— Je l’imite mal, disait-il ; c’est M. de l’Écluse qu’il faut entendre, et sa chanson

de la Fileuse ! et celle du Postillon ! et la querelle des Écosseuses avec Vadé ! C’est lavérité même. Ah ! vous aurez bien du plaisir. Allez voir Mme Denis. Moi, tout maladeque je suis, je m’en vais me lever pour dîner avec vous. Nous mangerons un ombre-chevalier, et nous entendrons M. de l’Écluse. Le plaisir de vous voir a suspendu mesmaux, et je me sens tout ranimé.

Mme Denis nous reçut avec cette cordialité qui faisait le charme de soncaractère. Elle nous présenta M. de l’Écluse ; et, à dîner, Voltaire l’anima, par leslouanges les plus flatteuses, à nous donner le plaisir de l’entendre. Il déploya tousses talents, et nous parûmes charmés. Il le fallait bien ; car Voltaire ne nous auraitpoint pardonné de faibles applaudissements.

La promenade, dans ses jardins, fut employée à parler de Paris, du Mercure,de la Bastille (dont je ne lui dis que deux mots), du théâtre, de l’Encyclopédie, et dece malheureux Le Franc, qu’il harcelait encore ; son médecin lui ayant ordonné, disait-

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il, pour exercice, de courre une heure ou deux tous les matins le Pompignan. Il mechargea d’assurer nos amis que tous les jours on recevrait de lui quelque nouvellefacétie. Il fut fidèle à sa promesse. Au retour de la promenade, il fit quelques partiesd’échecs avec M. Gaulard, qui, respectueusement, le laissa gagner. Ensuite, il revintà parler du théâtre et de la révolution que Mlle Clairon y avait faite.

Voltaire jouant aux échecs, Jean Huber, 1775-1776

— C’est donc, me dit-il, quelque chose de bien prodigieux que le changementqui s’est fait en elle ?

— C’est, lui dis-je, un talent nouveau ; c’est la perfection de l’art, ou plutôtc’est la nature même, telle que l’imagination peut vous la peindre en beau.

Alors exaltant ma pensée et mon expression pour lui faire entendre à quelpoint dans les divers caractères de ses rôles, elle était avec vérité, et une véritésublime, Camille, Roxane, Hermione, Ariane, et surtout Électre, j’épuisai le peu quej’avais d’éloquence à lui inspirer pour Clairon, l’enthousiasme dont j’étais plein moi-même ; et je jouissais, en lui en parlant, de l’émotion que je lui causais, lorsque enfinprenant la parole :

— Eh bien ! mon ami, me dit-il, avec transport, c’est comme Mme Denis, elle afait des progrès étonnants, incroyables. Je voudrais que vous lui vissiez jouer Zaïre,Alzire, Idamé ! le talent ne va pas plus loin.

Mme Denis jouant Zaïre ! Mme Denis comparée à Clairon ! Je tombai de monhaut : tant il est vrai que le goût s’accommode aux objets dont il peut jouir ; et quecette sage maxime :

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Quand on n’a pas ce que l’on aime.Il faut aimer ce que l’on a,

est en effet non-seulement une leçon de la nature mais un moyen qu’elle se ménagepour nous procurer des plaisirs.

Nous reprîmes la promenade, et, tandis que M. de Voltaire s’entretenait avecGaulard de son ancienne liaison avec le père de ce jeune homme, causant de moncôté avec Mme Denis, je lui rappelais le bon temps.

Madame Denis, la nièce de Voltaire

Le soir, je mis Voltaire sur le chapitre du roi de Prusse. Il en parla avec unesorte de magnanimité froide et en homme qui dédaignait une trop facile vengeance,ou comme un amant désabusé pardonne à la maîtresse qu’il a quittée le dépit et larage qu’elle a fait éclater.

L’entretien du souper roula sur les gens de lettres qu’il estimait le plus ; et dansle nombre, il me fut facile de distinguer ceux qu’il aimait du fond du cœur. Cen’étaient pas ceux qui se vantaient le plus d’être en faveur auprès de lui.

Avant d’aller se coucher, il nous lut deux nouveaux chants de la Pucelle, et Mme

Denis nous fit remarquer que, depuis qu’il était aux Délices, c’était le seul jour qu’ileût passé sans rentrer dans son cabinet.

Le lendemain, nous eûmes la discrétion de lui laisser au moins une partie de samatinée, et nous lui fîmes dire que nous attendrions qu’il sonnât. Il fut visible surles onze heures. Il était dans son lit encore.

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— Jeune homme, me dit-il, j’espère que vous n’aurez pas renoncé à la poésie ;voyons de vos nouvelles œuvres ; je vous dis tout ce que je sais ; il faut que chacun aitson tour.

Plus intimidé devant lui que je ne l’avais jamais été, soit que j’eusse perdu lanaïve confiance du premier âge, soit que je sentisse mieux que jamais combien ilétait difficile de faire de bons vers, je me résolus avec peine à lui réciter mon Épîtreaux Poètes. Il en fut très-content ; il me demanda si elle était connue à Paris. Jerépondis que non.

— Il faut donc, me dit-il, la mettre au concours de l’Académie ; elle y fera dubruit.

Je lui représentai que je m’y donnais des licences d’opinion qui effaroucheraientbien du monde.

— J’ai connu, me dit-il, une honorable dame qui confessait qu’un jour, aprèsavoir crié à l’insolence, il lui était échappé enfin de dire : charmant insolent !L’Académie fera de même.

Avant dîner, il me mena faire à Genève quelques visites ; et, en me parlant desa façon de vivre avec les Genevois :

— Il est fort doux, me dit-il, d’habiter dans un pays dont les souverains vousenvoient demander votre carrosse pour venir dîner avec vous.

Sa maison leur était ouverte ; ils y passaient les jours entiers ; et comme lesportes de la ville se fermaient à l’entrée de la nuit pour ne s’ouvrir qu’au point dujour, ceux qui soupaient chez lui étaient obligés d’y coucher, ou dans les maisons decampagne dont les bords du lac sont couverts. Chemin faisant, je lui demandaicomment, presque sans territoire et sans aucune facilité de commerce avec l’étranger,Genève s’était enrichie.

— À fabriquer des mouvements de montre, me dit-il, à lire vos gazettes et àprofiter de vos sottises. Ces gens-ci savent calculer les bénéfices de vos emprunts.

À propos de Genève, il me demanda ce que je pensais de Rousseau. Je répondisque, dans ses écrits, il ne me semblait être qu’un éloquent sophiste, et, dans soncaractère, qu’un faux cynique qui crèverait d’orgueil et de dépit dans son tonneau, sion cessait de le regarder. Quant à l’envie qui lui avait pris de revêtir ce personnage,j’en savais l’anecdote, et je la lui contai. Dans l’une des lettres de Rousseau à M. deMalesherbes, l’on a vu dans quel accès d’inspiration et d’enthousiasme il avait conçule projet de se déclarer contre les sciences et les arts.

— J’allais, dit-il dans le récit qu’il fait de ce miracle, j’allais voir Diderot, alorsprisonnier à Vincennes ; j’avais dans ma poche un Mercure de France que je me misà feuilleter le long du chemin. Je tombe sur la question de l’Académie de Dijon, quia donné lieu à mon premier écrit. Si jamais quelque chose a ressemblé à uneinspiration subite, c’est le mouvement qui se fit en moi à cette lecture. Tout à coupje me sens l’esprit ébloui de mille lumières ; des foules d’idées vives s’y présentent àla fois avec une force et une confusion qui me jetèrent dans un désordre inexprimable.Je sens ma tête prise par un étourdissement semblable à l’ivresse. Une violentepalpitation m’oppresse, soulève ma poitrine. Ne pouvant plus respirer en marchant,je me laisse tomber sous un arbre de l’avenue, et j’y passe une demi-heure dans unetelle agitation, qu’en me relevant j’aperçus tout le devant de ma veste mouillé demes larmes, sans avoir senti que j’en répandais.

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Voilà une extase éloquemment décrite. Voici le fait dans sa simplicité, tel queme l’avait raconté Diderot, et tel que je le racontai à Voltaire.

— J’étais (c’est Diderot qui parle), j’étais prisonnier à Vincennes ; Rousseauvenait m’y voir. Il avait fait de moi son Aristarque, comme il a dit lui-même. Un jour,nous promenant ensemble, il me dit que l’Académie de Dijon venait de proposerune question intéressante, et qu’il avait envie de la traiter. Cette question était : Lerétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer les mœurs ? Quelparti prendrez-vous ? lui demandai-je. Il me répondit :

— Le parti de l’affirmative.— C’est le pont aux ânes, lui dis-je ; tous les talents médiocres prendront ce

chemin-là, et vous n’y trouverez que des idées communes, au lieu que le particontraire présente à la philosophie et à l’éloquence un champ nouveau, riche etfécond.

— Vous avez raison, me dit-il, après y avoir réfléchi un moment, et je suivraivotre conseil.

— Ainsi, dès ce moment, ajoutai-je, son rôle et son masque furent décidés.Vous ne m’étonnez pas, me dit Voltaire ; cet homme-là est factice de la tête

aux pieds, il l’est de l’esprit et de l’âme. Mais il a beau jouer tantôt le stoïcien tantôtle cynique, il se démentira sans cesse, et son masque l’étouffera.

Parmi les Genevois que je voyais chez lui, les seuls que je goûtai et dont je fusgoûté furent le chevalier Huber et Cramer le libraire. Ils étaient tous les deux d’uncommerce facile, d’une humeur joviale, avec de l’esprit sans apprêt, chose rare dansleur cité, Cramer jouait, me disait-on, passablement la tragédie ; il était l’Orosmanede Mme Denis, et ce talent lui valait l’amitié et la pratique de Voltaire, c’est-à-dire,

Jean Huber, mai-juin 1760, Voltaire et ses apôtresMarmontel et son ami Gaulard sont représentés à l’avant-plan

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des millions. Huber avait un talent moins utile, mais amusant et très-curieux danssa futilité. L’on eût dit qu’il avait des yeux au bout des doigts. Les mains derrière ledos, il découpait en profil un portrait aussi ressemblant et plus ressemblant mêmequ’il ne l’aurait fait au crayon. Il avait la figure de Voltaire si vivement empreintedans l’imagination, qu’absent comme présent, ses ciseaux le représentaient rêvant,écrivant, agissant, et dans toutes ses attitudes. J’ai vu de lui des paysages endécoupures sur des feuilles de papier blanc, où la perspective était observée avec unart prodigieux. Ces deux aimables Genevois furent assidus aux Délices le peu detemps que j’y passai.

M. de Voltaire voulut nous faire voir son château de Tournay, où était sonthéâtre, à un quart de lieue de Genève. Ce fut l’après-dînée le but de notre promenadeen carrosse. Tournay était une petite gentilhommière assez négligée, mais dont lavue est admirable. Dans le vallon, le lac de Genève bordé de maisons de plaisance, etterminé par deux grandes villes, au-delà et dans le lointain, une chaîne de montagnesde trente lieues d’étendue, et ce Mont-Blanc chargé de neiges et de glaces qui nefondent jamais, telle est la vue de Tournay. Là, je vis ce petit théâtre qui tourmentaitRousseau, et où Voltaire se consolait de ne plus voir celui qui était encore plein de sagloire. L’idée de cette privation injuste et tyrannique me saisit de douleur etd’indignation. Peut-être qu’il s’en aperçut ; car, plus d’une fois, par ses réflexions, ilrépondit à ma pensée ; et sur la route, en revenant, il me parla de Versailles, du longséjour que j’y avais fait, et des bontés que Mme de Pompadour lui avait autrefoistémoignées.

Voltaire reçu par Louis XV et Mme de Pompadour

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— Elle vous aime encore, lui dis-je ; elle me l’a répété souvent. Mais elle estfaible, et n’ose pas ou ne peut pas tout ce qu’elle veut ; car la malheureuse n’est plusaimée, et peut-être elle porte envie au sort de Mme Denis, et voudrait bien être auxDélices.

— Qu’elle y vienne, dit-il avec transport, jouer avec nous la tragédie. Je luiferai des rôles, et des rôles de reine. Elle est belle, elle doit connaître le jeu despassions.

— Elle connaît aussi, lui dis-je, les profondes douleurs et les larmes amères.— Tant mieux, c’est là ce qu’il nous faut, s’écria-t-il comme enchanté d’avoir

une nouvelle actrice.Et en vérité l’on eût dit qu’il croyait la voir arriver.— Puisqu’elle vous convient, lui dis-je, laissez faire : si le théâtre de Versailles

lui manque, je lui dirai que le vôtre l’attend.Cette fiction romanesque réjouit la société. On y trouvait de la vraisemblance ;

et Mme Denis, donnant dans l’illusion, priait déjà son oncle de ne pas l’obliger à céderses rôles à l’actrice nouvelle. Il se retira quelques heures dans son cabinet ; et le soir,à souper, les rois et leurs maîtresses étant l’objet de l’entretien, Voltaire, en comparantl’esprit et la galanterie de la vieille cour et de la cour actuelle, nous déploya cetteriche mémoire à laquelle rien d’intéressant n’échappait. Depuis Mme de la Vallièrejusqu’à Mme de Pompadour, l’histoire-anecdote des deux règnes, et dans l’intervalle,celle de la régence, nous passa sous les yeux avec une rapidité et un brillant de traitset de couleurs à éblouir.

Il se reprocha cependant d’avoir dérobé à M. de l’Écluse des moments qu’ilaurait occupés, disait-il, plus agréablement pour nous. Il le pria de nous dédommagerpar quelques scènes des Écosseuses, et il en rit comme un enfant.

Le lendemain (c’était le dernier jour que nous devions passer ensemble), il mefit appeler dès le matin, et me donnant un manuscrit.

— Entrez dans mon cabinet, me dit-il, et lisez cela ; vous m’en direz votresentiment.

C’était la tragédie de Tancrède qu’il venait d’achever. Je la lus, et, en revenantle visage baigné de larmes, je lui dis qu’il n’avait rien fait de plus intéressant.

— À qui donneriez vous, me demanda-t-il, le rôle d’Aménaïde ?— À Clairon, lui répondis-je, à la sublime Clairon, et je vous réponds d’un

succès égal au moins à celui de Zaïre.— Vos larmes, reprit-il, me disent bien ce qu’il m’importe le plus de savoir ;

mais, dans la marche de l’action, rien ne vous a-t-il arrêté ?— Je n’y ai trouvé, lui dis-je, à faire que ce que vous appelez des critiques de

cabinet. On sera trop ému pour s’en occuper au théâtre.Heureusement il ne me parla point du style ; j’aurais été obligé de dissimuler

ma pensée ; car il s’en fallait bien qu’à mon avis Tancrède fût écrit comme ses bellestragédies. Dans Rome sauvée et dans l’Orphelin de la Chine, j’avais encore trouvé labelle versification de Zaïre, de Mérope et de la Mort de César ; mais dans Tancrèdeje croyais voir la décadence de son style, des vers lâches, diffus, chargés de ces motsredondants qui déguisent le manque de force et de vigueur, en un mot, la vieillessedu poète ; car en lui, comme dans Corneille, la poésie du style fut la première qui

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vieillit ; et, après Tancrède où ce feu du génie jetait encore des étincelles, il futabsolument éteint.

Affligé de nous voir partir, il voulut bien ne nous dérober aucun moment de cedernier jour. Le désir de me voir reçu à l’Académie Française, l’éloge de mes Contesqui faisaient, disait-il, leurs plus agréables lectures, enfin mon Analyse de la lettrede Rousseau à d’Alembert sur les spectacles, réfutation qu’il croyait sans réplique,et dont il me semblait faire beaucoup de cas, furent, durant la promenade, les sujetsde son entretien.

Je lui demandai si Genève avait pris le change sur le vrai motif de cette lettrede Rousseau :

— Rousseau, me dit-il, est connu à Genève mieux qu’à Paris. On n’y est dupe,ni de son faux zèle, ni de sa fausse éloquence. C’est à moi qu’il en veut, et cela sauteaux yeux. Possédé d’un orgueil outré, il voudrait que, dans sa patrie, on ne parlât quede lui seul. Mon existence l’y offusque ; il m’envie l’air que j’y respire, et surtout il nepeut souffrir qu’en amusant quelquefois Genève, je lui dérobe à lui les moments oùl’on pense à moi.

Devant partir au point du jour, dès que les portes de la ville étant ouvertes,nous pourrions avoir des chevaux, nous résolûmes avec Mme Denis, et MM. Huberet Cramer, de prolonger jusque-là le plaisir de veiller et de causer ensemble.

Voltaire voulut être de la partie, et inutilement le pressâmes-nous d’aller secoucher ; plus éveillé que nous, il nous lut encore quelques chants du poème deJeanne. Cette lecture avait pour moi un charme inexprimable ; car, si Voltaire, enrécitant les vers héroïques, affectait selon moi, une emphase trop monotone, unecadence trop marquée, personne ne disait les vers familiers et comiques avec autantde naturel, de finesse et de grâce : ses yeux et son sourire avaient une expression queje n’ai vue qu’à lui.

Hélas ! c’était pour moi le chant du cygne, et je ne devais plus le revoirqu’expirant. Nos adieux mutuels furent attendris jusqu’aux larmes, mais beaucoupplus de mon côté que du sien : cela devait être ; car, indépendamment de mareconnaissance et de tous les motifs que j’avais de l’aimer, je le laissais dans l’exil ».

Pendant son séjour à Berlin, Voltaire publia l’un de ses ouvragesles plus importants, Le Siècle de Louis XIV (1751). Pour Voltaire,l’histoire est une étude des mœurs, du commerce, des finances, desarts, des idées, qui sont propres à une société et à une époque biendéterminées. Pour comprendre les événements et les mœurs d’unesociété, il faut retrouver « l’esprit du temps ». Les progrès de la raison,de même que le développement des ressources matérielles d’unesociété, permettent une lente progression de l’humanité qui peut ainsiéchapper peu à peu aux superstitions, à l’intolérance et au fanatisme.Ce sont les grands hommes, comme Louis XIV et Henri IV, qui parleur influence et leurs lumières font avancer l’humanité.

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Grand admirateur du régime politique anglais, Voltaire sous-estime pourtant l’importance du Parlement dans cette monarchietempérée. Pour lui, le roi éclairé doit seul inspirer la tolérance et lajustice à ses sujets. Dans le régime politique qu’il souhaite – unemonarchie éclairée – les pouvoirs des corps intermédiaires sont limités,le clergé est contrôlé et la hiérarchie des classes sociales est maintenue.Mais ce qui importe, surtout, est que les arrestations arbitraires sontinterdites, la torture et la peine de mort supprimées, et les libertés depenser et d’expression, garanties.

TOUT EST BIEN

L e 1er novembre 1755, Lisbonne est accablée par untremblement de terre, un raz de marée, des incendieset des pillages. Ces événements qui font près de 100 000

morts provoquent la consternation en Europe.En 1756, Voltaire publie le Poème sur le désastre de Lisbonne ou

examen de cet axiome : « tout est bien ». Dans ce texte, il affirme que« tout est arrangé, tout est ordonné, sans doute, par la Providence maisil n’est que trop sensible que tout, depuis longtemps, n’est pas arrangépour notre bien-être présent ».

Ainsi, ceux qui croient en l’axiome « tout est bien » pourraientconclure au vu des événements de Lisbonne, s’écrie ironiquementVoltaire, que :

Les héritiers des morts augmenteront leurs fortunes ; les maçonsgagneront de l’argent à rebâtir des maisons ; les bêtes se nourriront descadavres enterrés dans les débris ; c’est l’effet nécessaire des causesnécessaires : que notre mal particulier n’est rien, vous contribuez aubien général.

Pour Voltaire, il est impossible de concilier aisément un tel désastreavec la bonté divine. Attaquant métaphysiciens et providentialistes, ilécrira dans son Dictionnaire philosophique, à l’article « Bien (Tout est) »(1764), dirigé contre toute forme de théodicée :

Ce système du Tout est bien ne représente l’auteur de toute la natureque comme un roi puissant et malfaisant, qui ne s’embarrasse pas qu’ilen coûte la vie à quatre ou cinq cent mille hommes, et que les autrestraînent leurs jours dans la disette et dans les larmes, pourvu qu’il vienneà bout de ses desseins.

Loin donc que l’opinion du meilleur des mondes possibles console, elleest désespérante pour les philosophes qui l’embrassent. La questiondu bien et du mal demeure un chaos indébrouillable pour ceux qui

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Édition des Contes philosophiques de 1778 (Bouillon) ; les illustrations sont de Chodowiecky

cherchent de bonne foi ; c’est un jeu d’esprit pour ceux qui disputent :ils sont des forçats qui jouent avec leurs chaînes [...]. Aussi ne savons-nous rien du tout par nous-mêmes des causes de notre destinée.

Mettons à la fin de presque tous les chapitres de métaphysique les deuxlettres des juges romains quand ils n’entendaient pas une cause : N.L.,non liquet, cela n’est pas clair.

Le débat fait rage entre les théologiens et les Philosophes quirécusent les explications finalistes. Pour les théologiens, les trem-blements de terre punissent les pécheurs. Les Philosophes, eux,opposent à l’axiome « tout est bien » un « tout ce qui est doit être, est ».Pour les déterministes qui excluent l’intervention de la Providence dansle cours de l’Histoire, il n’existe ni bien ni mal dans la nature, mais

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seulement un ordre universel indifférent à la réalisation de notrebonheur.

Le 18 août 1756, Rousseau écrit la Lettre à Voltaire sur laProvidence où il affirme que si Dieu n’existe pas, le problème de laProvidence ne se pose pas, mais comme il est évident qu’il existe unordre naturel dont nous ne sommes pas l’auteur, alors Dieu existe. SiDieu existe, il est parfait, et le monde est bon du seul fait de sonexistence. C’est notre ignorance du tout qui nous fait affirmer que Dieun’existe pas ou que le monde qu’il a créé est imparfait. Alors, au lieu dedire « tout est bien », il vaudrait peut-être mieux dire : « le tout est bien ».

Voltaire faisant la lecture de ses contes

Voltaire réagit à cette critique en écrivant en 1759 Candide oul’optimisme, dirigé aussi contre l’optimisme logique de Leibniz qu’ilreprésente sous les traits du docteur Pangloss.

Pangloss disait quelquefois à Candide : Tous les événements sontenchaînés dans le meilleur des mondes possibles : car enfin si vousn’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans lederrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pasété mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, sivous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas

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perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriezpas ici des cédrats confits et des pistaches.Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.

En concluant son conte philosophique par « il faut cultiver notrejardin », Voltaire s’avoue hostile à toute vaine discussion métaphysiquesur la question du bien et du mal. Et il propose aux hommes de se rendreutiles à l’humanité tout en prenant comme mot d’ordre : « Un jour toutsera bien, voilà notre espérance ; tout est bien aujourd’hui, voilàl’illusion ». Le monde est incohérent et la vie absurde. Toutefois uneactivité bienfaisante et immédiate, loin des discussions abstraites, rendpossible une sagesse à notre mesure.

Pour Voltaire, la nature montre qu’il y a un Dieu personnel maisque ses attributs nous sont inconnaissables. Cet être créateur(l’Horloger) n’intervient pas au sein de l’ordre naturel qui est fixe,permanent et universel. Il n’y a pas de preuve empirique de sonexistence, mais l’expérience démontre par l’analyse que les effetsnaturels ont une cause cosmologique, celle-ci demeurant inconnaissableen elle-même.

ÉCRASONS L’INFÂME

À partir de 1759, Voltaire s’installe à Ferney, « à chevalentre la république de Genève et la France ».Le philosophe, qui a vécu toute sa vie dans la dépendance

des grands de ce monde pour sa protection ou sa sécurité matérielle,entend gagner son indépendance en devenant propriétaire terrien :

J’ai vu tant de gens de lettres pauvres et méprisés, que j’ai conclu dèslongtemps que je ne devais pas en augmenter le nombre .

En 1764, il publie le Dictionnaire philosophique portatif. Par cetteinitiative Voltaire concurrence l’Encyclopédie tout en poursuivant lesmêmes objectifs mais sous une forme beaucoup plus maniable qui assureplus rapidement la diffusion des idées des Lumières : il se révèle leprécurseur du « livre de poche ».

Le Dictionnaire attaque le clergé et discute les dogmes de lareligion chrétienne à partir d’une perspective déiste. Le livre est brûléà Genève dès sa publication mais, partout en Europe, il devient célèbre.

C’est depuis sa retraite de Ferney que Voltaire poursuit une activitéhumanitaire et militante. Il écrit de nombreux pamphlets contre lesabus politiques, cléricaux ou juridiques et entretient une abondante

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correspondance sur une série d’affaires qu’il rend célèbres : Calas,Sirven, La Barre, Lally-Tollendal, prêchant pour la tolérance religieuse.

Parmi tous ces combats menés contre le fanatisme et l’intolérance,le plus célèbre est, sans aucun doute, celui que Voltaire entreprend pourréhabiliter la mémoire de Jean Calas.

Grâce à son réseau de correspondants dans toute l’Europe, Voltairemène une lutte acharnée contre ce qu’il considère comme un castypique de fanatisme.

Finalement, le 9 mars 1765, un tribunal parisien prononce àl’unanimité la réhabilitation de Calas.

Voici un exemple des attaques voltairiennes contre les accusateursde Calas, pendant ces années ; Voltaire écrit dans une lettre àDamilaville, le 4 avril 1762 :

Mes chers frères, il est avéré que les juges toulousains ont roué le plusinnocent des hommes. Presque tout le Languedoc en gémit avechorreur. Les nations étrangères qui nous haïssent et qui nous battent,sont saisies d’indignation. Jamais depuis le jour de la Saint-Barthélemyrien n’a tant déshonoré la nature humaine. Criez, et qu’on crie ! 

Vue du château de Ferney

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Jean Calas est un négociant huguenotde Toulouse.Le 13 octobre 1761, son fils aîné, Marc-Antoine Calas, est trouvé mort dans lamaison paternelle. On affirme queCalas a assassiné son fils parce qu’ilvoulait se convertir au catholicisme.En 1762, Calas est reconnu coupable etcondamné à expier par le supplice de laroue. Il agonise pendant deux heures ;on espère une confession mais, tout aulong de son supplice, il proteste de soninnocence.

Pour Voltaire, toutes ces affaires ont une même source : le caractèredogmatique de toute religion, et en particulier de la religion catholique.

Exemple de libelle répandu par Voltaire anonymement

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La religion propage le fanatisme et nourrit les fidèles desuperstitions et d’intolérance. Voilà l’infâme qu’il faut écraser.

Pendant qu’il ameute l’Europe, Voltaire écrit, en 1763, son Essai sur latolérance.

Il faut respecter les croyances religieuses, mais sous l’arbitrage d’unPrince fort et éclairé qui favorise la liberté de penser et d’agir.

Il combat aussi la torture et lutte pour que l’on abolisse la roue oule bûcher.

Et, par-dessus tout, il croit aux pouvoirs de l’éducation :

Voltaire à sa table de travail par Huber

Tout n’est pas perduquand on met le peuple enétat de s’apercevoir qu’il ade l’esprit. Tout est perduau contraire quand on letraite comme une troupede taureaux car, tôt outard, ils vous frappent deleurs cornes.

Toute la pensée de Voltaire est hantée par le danger permanentdu fanatisme et animée par le combat interminable pour la liberté depenser. Avec force, il écrit dans L’avis au public…« Des suites de l’espritde parti et du fanatisme » :

Craignons toujours les excès où conduit le fanatisme. Qu’on laisse cemonstre en liberté, qu’on cesse de couper ses griffes et de briser sesdents, que la raison si souvent persécutée se taise, on verra les mêmeshorreurs qu’aux siècles passés ; le germe subsiste : si vous ne l’étouffezpas, il couvrira la terre.

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Tombeau de Voltaire à Ferney, gravure du XVIIIe siècle

La Révolution française vouera un véritable culte à Voltaire. En1791, on lui fait les honneurs du Panthéon et on inscrit sur son catafalqueles phrases suivantes qui résument à merveille ce que la postérité doità ce grand homme :

IL DÉFENDIT CALAS, LA BARRE, SIRVEN ET MONTBAILLY.

IL COMBATTIT LES ATHÉES ET LES FANATIQUES. ILINSPIRA LA TOLÉRANCE, IL RÉCLAMA LES DROITS DEL’HOMME CONTRE LA SERVITUDE DE LA FÉODALITÉ.

POÈTE, HISTORIEN, PHILOSOPHE, IL AGRANDIT L’ESPRITHUMAIN, ET LUI APPRIT QU’IL DOIT ÊTRE LIBRE.

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Madame de Genlis, qui tenait les Philosophes responsables de laRévolution, décrit le tableau, le Triomphe de Voltaire, d’une plumeassez hostile.

M. Ott vit, à l’autre extrémité du salon, un grand tableau à l’huile dontles figures sont en demi-nature. Un cadre superbe et l’honneur d’êtreplacé dans le salon annonçaient quelque chose de beau. Nous yaccourons [...], une peinture [...] représentant M. de Voltaire dans unegloire, tout entouré de rayons comme un saint, ayant à ses genoux lesCalas, et foulant aux pieds ses ennemis, Fréron, Pompignan, etc., quiexpriment leur humiliation en ouvrant des bouches énormes et enfaisant des grimaces effroyables.

BenOIt Mercier

Triomphe de Voltaire peint par Duplessis

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Qui était Voltaire ?http://www.cern.ch/Voltaire/Qui_Voltaire.html

Voltairehttp://www.geocities.com/SoHo/Lofts/9062/voltairef.html

The Voltaire Society of Americahttp://humanities.uchicago.edu/homes/VSA/

POEME SUR LE DESASTRE DE LISBONNE (1756) de Voltairehttp://un2sg4.unige.ch/athena/voltaire/volt_lis.html

TRAITE SUR LA TOLERANCEde Voltairehttp://un2sg4.unige.ch/athena/voltaire/volt_tol.html

Oeuvres de Voltaire - Candide ou l’optimismehttp://perso.wanadoo.fr/dboudin/VOLTAIRE/Candide.htm

Candide de Voltairehttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?candide3

Lettres philosophiques par Voltairehttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?letphi1

L’homme aux quarante écushttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?homecu1

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Retour à la ligne du temps

Micromégas de Voltairehttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?micromeg3

Le monde comme il va de Voltairehttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?monde1

La Pucelle d’Orléans (1762) de Voltairehttp://cedric.cnam.fr/cgi-bin/ABU/go?pucelle1