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Jeanne BORDEAU L’art des relations presse © Éditions d’Organisation, 2005 ISBN : 2-7081-3429-9

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L’art des relations presse

© Éditions d’Organisation, 2005ISBN : 2-7081-3429-9

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Chapitre 3

Travailler avec les médias

Les relations presse : un métier de relation

Comme son nom l’indique, le métier de relations presseest avant tout un métier de relation. C’est là une évi-dence, mais elle est toujours utile à rappeler : si l’on nepossède pas un fort goût du contact et que l’on netémoigne pas d’une certaine curiosité, autant choisir unautre métier ! Si le métier s’est considérablement profes-sionnalisé et nécessite méthodes et rigueur, il n’endemeure pas moins qu’il reste une profession où la capa-cité à savoir converser, établir des liens, écouter, parler etfaire parler, est essentielle.

Qui sont les journalistes ?

Pour comprendre comment être utile aux journalistes, ilfaut d’abord savoir qui ils sont et comment ils travaillent.Les quelques lignes suivantes dressent un bref panoramade leurs principales caractéristiques.

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Un professionnel de l’urgence…

Quand les journalistes demandent une information, ilsen ont le plus souvent besoin dans la minute, voire…pour la veille !

… qui veut aller tout de suite à l’essentiel

Les différents outils des relations presse permettent deproposer une première hiérarchisation de l’informationpour faire gagner du temps aux journalistes.

un multispécialiste curieux…

Les journalistes sont rarement enfermés dans une spécia-lité précise : dotés de plusieurs cultures, ils sont capablesd’intervenir sur des sujets très différents, en employanttoujours une langue de non-spécialiste.

… ou un spécialiste incollable qui se méfie instinctivement de la langue de bois professionnelle

Rien n’agace plus les journalistes que le jargon techniqueou financier, les phrases toutes faites dépourvues deréelle valeur ajoutée informative.

Un professionnel friand d’anecdotes…

Certaines infos font mouche plus fréquemment qued’autres auprès des journalistes : les anecdotes, parexemple, leur permettent, une fois posées la structure etles composantes de l’information, de placer des accro-ches attractives et de donner de la chair à leurs articles.

… mais attentif à ne pas être manipulé

Il ne faut jamais sous-estimer la capacité de jugement etde discernement des journalistes : vérifier, évaluer, quali-fier l’information, c’est leur métier ! Aussi ne doit-on pas

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être surpris de voir un journaliste s’approprier un mes-sage, le morceler et le remettre en scène, selon son gré,de manière totalement différente – cela fait partie dujeu !

Quand et comment prendre contact ? L’art de bâtir une relation avec les journalistes

Les conseils suivants visent à faciliter les relations avecles journalistes et à éviter quelques impairs avec ces par-tenaires essentiels, aux attentes bien précises et aux sus-ceptibilités multiples…

Quand on ne connaît pas le journaliste

« On n’a pas deux fois l’occasion de faire une bonne pre-mière impression… »

• Choisir le bon cadre

Que ce soit par courrier, fax ou e-mail, les mailingsimpersonnels sont à éviter pour une pr emièreapproche : ils ne susciteront pas l’intérêt du journaliste,et risquent même de l’irriter. Il vaut mieux lancer uneinvitation personnelle, par courrier ou par téléphone, àl’occasion d’une conférence, d’un événement ou d’unsimple déjeuner.

• Découvrir le journaliste

Il faut toujours chercher à connaître le journaliste avantde l’aborder : fonctions, sujets de prédilections, articlesrécents… Le chargé de communication vérifie ainsiqu’il cible correctement son action, qu’il s’adresse à unjournaliste susceptible d’être intéressé par le sujetabordé, et qu’il dispose d’une matière adéquate pourlier conversation.

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• Écouter, faire parler le journaliste

Une relation ne se bâtit pas à sens unique ! Que ce soitau téléphone ou en tête-à-tête, il faut d’abord écouter lejournaliste et lui poser des questions sur son parcours, lemédia auquel il appartient, ses centres d’intérêt… Lechargé de communication recueillera ainsi de précieusesinformations, en même temps qu’il créera un lien plussolide. Une astuce : en cas de rencontre avec un journa-liste de presse écrite, il est bon de venir au rendez-vousavec un exemplaire de son journal et de lui demanderquelques explications sur sa ligne éditoriale, son fonc-tionnement, ses rubriques…

• Élargir les thèmes de discussion

Même si une actualité particulière justifie la prise decontact, le chargé de communication en profitera tou-jours pour élargir les thèmes abordés, présenter l’entre-prise dans son ensemble, et essayer de détecter lescentres d’intérêt éventuellement exploitables du journa-liste. En l’interrogeant sur les différents sujets en prépara-tion dans sa rédaction, il n’est pas rare de pouvoir luiproposer d’autres informations ou idées d’articles : celapeut contribuer à inscrire dans le temps une relation apriori ponctuelle.

Quand on connaît le journaliste

Une fois instaurée une relation, les journalistes peuventêtre « classés » dans trois catégories distinctes :

• Les « alliés »

Ceux qui forment la principale cible à entretenir : enplus d’être très réceptifs, ils vous ont qualifié comme unesource d’information fiable et valable. Au lieu d’attendreles sollicitations, ce sont eux qui pourront directementvenir vers le chargé de communication.

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• Les « neutres »

Ceux qui se montrent réceptifs aux informations fournies,mais n’ont pas forcément l’occasion d’en faire usage. Ilfaut continuer à les solliciter régulièrement – sans lesimportuner –, leur proposer des angles plus précis ou ori-ginaux, guetter le moment où leur intérêt est susceptiblede s’éveiller. En créant une relation intelligente, il est pos-sible de transformer un « neutre » en « allié ».

• Les « antagonistes »

Ceux qui ne sont pas réceptifs, voire hostiles à l’informa-tion fournie. Parce qu’on aura du mal à les faire changerd’avis, mieux vaut mieux gagner du temps et ne leuradresser qu’un minimum de documentation, et ainsimieux se concentrer sur les deux autres cibles.

Entretenir une relation avec un allié

Les journalistes « alliés » sont ceux qui provoqueront lesretombées les plus fréquentes et les plus favorables. Maisparce qu’ils sont souvent d’anciens « neutres », séduitspar une habile campagne de relations presse, il faut gar-der en tête qu’ils peuvent le redevenir… Afin d’évitercela, on leur réservera un traitement de faveur bien cal-culé, fondé sur :

• un envoi suivi de documentation ;

• des conversations téléphoniques régulières ;

• des rendez-vous d’explications en tête-à-tête ;

• des entretiens informels off record ;

• des interviews exclusives ;

• des informations en avant-première ;

• des notes d’information plus complètes ;

• etc.

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En résumé :• pour créer la relation, il faut argumenter et créer de la

crédibilité, gages de la confiance à gagner ;

• pour entretenir la relation, il faut nourrir, développeret qualifier les rapports.

Connaître les médias

Lorsque l’on travaille avec la presse, connaître lesmédias semble une évidence. Mais, trop souvent, cer-tains chargés de communication résument cette connais-sance à celle de leur fichier de presse : les journalistesspécialisés sur tel ou tel sujet ont été sélectionnés (biensouvent à partir de base de données disponibles dans lecommerce !) en fonction du thème de communicationde l’entreprise ; ne resterait donc plus qu’à prendre con-tact avec eux pour assurer son travail de relationspresse…

Tout cela est évidemment nécessaire… mais aussi large-ment insuffisant ! La réalisation et la connaissance d’unfichier de presse sont une étape, certes indispensable,mais qui ne reflète que la face immergée de l’iceberg dutravail du chargé de communication. Bien plus qu’unsimple bâtisseur de liste, ce dernier doit être avant toutun spécialiste des médias pour prétendre mener sonmétier avec sérieux, professionnalisme et efficacité. Onne saurait donc trop conseiller au chargé de communica-tion de maîtriser, au préalable, l’histoire des médias, desjournalistes et des principaux groupes de presse. Parexemple, il semble utile de connaître les grandes étapesdes principaux journaux, comme France Soir aujourd’huipeut-être en « petite forme », mais qui fut il y a trente ansl’une des publications majeures de la presse française ;ou encore Le Figaro, qui était à l’origine, à la fin du

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XIXe siècle, un journal chroniquant la vie des spectacles :on comprendra mieux pourquoi les pages « Arts etSpectacles » de ce quotidien font aujourd’hui encore réfé-rence. De manière générale, le chargé de communicationdoit donc bénéficier d’une solide culture générale de lapresse : s’il déjeune avec Philippe Tesson, il ne doit pasignorer qu’il fut le Directeur de la rédaction de Combat,puis fondateur du Quotidien de Paris ! Ou s’il rencontreJean-Marie Cavada, éviter de le résumer à sa fonction dedéputé européen alors qu’il anima pendant des années« La Marche du siècle » sur France 3 et qu’il dirigea RadioFrance pendant près de six ans !

Outre cette connaissance « historique » des médias, ils’agit également de se tenir au courant des répartitionscapitalistiques au sein de chaque journal, et de connaîtreles principaux groupes de presse et les titres qu’ilspossèdent : quels sont les journaux réellement indépen-dants ? Quels sont les titres gérés par PRISMA PRESSE,HACHETTE FILIPACCHI MÉDIAS ou DASSAULT ? Cette culturede l’économie de la presse doit s’accompagner, bien évi-demment, de la connaissance intrinsèque de chaquejournal : le rédacteur en chef, l’éditorialiste, les chroni-queurs, les journalistes, les intellectuels y contribuantrégulièrement, etc.

Pour cela, il faut apprécier les médias, et ne pas limiterson travail à un travail de fonctionnaire allant benoîte-ment à son bureau sans chercher à en faire « un petit peuplus » : il faut se rendre dans les kiosques, connaître lespublications, découvrir les nouveaux titres, distinguer lesangles et les idéologies respectives ; entre Valeurs actu-elles et Le Nouvel Observateur, les sujets seront traités demanière différente. Le positionnement de Marianne, pluspolémique, doit être pris en compte. ConcernantLe Monde, on ne saurait trop conseiller la lecture du livrede Pierre Péan et de Philippe Cohen sur les dessous

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cachés du journal1. Bref, il faut aimer la presse, avoir plai-sir à se promener dans les journaux, connaître les rubri-ques, les pages et les journalistes phares de chaque titre.C’est ainsi que le chargé de communication saura appré-cier l’article obtenu et son emplacement dans le journalqui l’aura publié.

Concernant les journalistes en particulier, le chargé decommunication doit réussir à bâtir avec eux une vraierelation, solide et durable, fondée sur la confiance et untravail de partenaire. Un déjeuner de presse sera ainsil’occasion de les faire parler sur leur journal, son organi-sation et les tendances qui s’y dessinent ; il s’agira de lesinterroger sur leurs goûts personnels, leur tendance idéo-logique, leurs obsessions et, bien sûr, les dossiers surlesquels ils travaillent. Enfin, on cherchera à découvrirquelles sont les oppositions entre les uns et les autrespour éviter un impair lors d’un événement presse ! Enrésumé, il s’agit donc pour le chargé de communicationde disposer d’une excellente culture générale de lapresse, qui le crédibilisera face aux journalistes et rendrason travail réellement efficace.

Cf. Exemple de fiche média p. 283 en annexe.

Les outils indispensables du chargé de communication : la revue de presse, la fiche contact et le fichier de presse

Outre les outils stratégiques nécessaires à une bonnecampagne de presse comme la stratégie de communica-tion et le plan médias, la revue de presse et le fichier depresse constituent les deux supports quotidiens du

1. La Face cachée du Monde, éditions des Mille et une nuits, 2003.

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chargé de communication. Celui-ci veillera donc à lesbâtir et les actualiser de la manière la plus rigoureuse quisoit.

La revue de presse

Il faut être attentif à ne pas confondre la revue de presseet le press-book : alors que ce dernier n’est que la compi-lation des articles mentionnant l’annonceur dans lapresse, la première est un outil stratégique et fondamen-tal pour les relations presse.

Réaliser un criblage de la presse en :

• alimentant le fichier presse. Un chargé de communica-tion est un « fournisseur » d’information pour les jour-nalistes. Il doit donc être aussi bien, sinon mieuxinformé que ces derniers… Or, seul un criblageexhaustif de la presse et de l’actualité peut le lui per-mettre. La revue de presse permet de se forger unesolide culture des médias, une bonne connaissancedes journalistes, de leurs angles favoris : de quoi enri-chir en permanence le fichier presse.. Elle est indis-pensable pour se bâtir une culture solide des dossierstraités, connaître le réseau, le marché, être alerté surles sujets importants. Elle offre ainsi un panorama, desindicateurs et un outil de veille incomparable auxchargés de communication ;

• hiérarchiser l’information. Outil des plus personnels,une revue de presse représente un double effort, à lafois d’analyse et de synthèse, pour porter un regardintelligent et précis sur l’actualité. Elle nécessite unelecture quotidienne des journaux les plus importants– généralistes ou spécialisés – afin de repérer tous lesangles susceptibles de se rapporter, même de façonindirecte, aux thèmes suivis ;

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• actualiser régulièrement la revue de presse. Afin d’évi-ter que la revue de presse ne se transforme, au fil desmois, en gigantesque fourre-tout nécessitant plusieursclasseurs et une bonne dose de patience pour yretrouver un article, il est conseillé d’y porter des réac-tualisations régulières. Ainsi, le chargé de communi-cation distinguera par chemise (éventuellement parjournaliste, pour certains besoins particuliers) les diffé-rents thèmes suivis et opérera, tous les trimestres, unesélection des articles les plus importants à conserver.Chaque année, la revue de presse fera l’objet d’un net-toyage complet afin de disposer d’un outil réellementefficace. L’important n’est donc pas tant la quantitéd’articles relevés que leur diversité permettant de dres-ser un panorama le plus large possible ;

• puiser de l’inspiration. Au bout du compte, la revue depresse crée la culture nécessaire au renouvellementrégulier des messages et à la création d’événementpertinents, en phase avec l’actualité.

La fiche contact

La fiche contact presse est à compléter systématiquementlorsqu’un journaliste appelle pour une visite de site, uneinterview sur un thème précis, une simple demande derenseignement…

Les questions à poser au journaliste :

• nom & prénom du contact/nom du média ;

• numéro de téléphone (mobile si nécessaire) pour lerappeler dès que possible ;

• impératif de délai : quand doit-il publier ? Quel est sondélai ?

• a-t-il d’autres sources d’informations en interne (à véri-fier et à « verrouiller » en cas de sujets sensibles) ?

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Au-delà du nom du journaliste, du média concerné etdes informations demandées, c’est le délai de réponsequi est primordial.

Le fichier de presse

Entretenu au jour le jour en fonction des contacts avecles journalistes, le fichier de presse doit être qualifié.Pour cela, il faut le :

• Nourrir

Un fichier presse se nourrit en continu, à partir de toutesles informations glanées sur le terrain : revues de presse,appels téléphoniques, courriers, rencontres, déjeuners…

• Codifier

Il faut garder à jour l’historique de la relation avec lejournaliste par un bref compte rendu de chaque ren-contre, la liste des thèmes et questions abordés, la men-tion de la « catégorie » du journaliste (allié, neutre ouantagoniste).

• Vérifier

De multiples erreurs ou imprécisions, potentiellementdangereuses pour le chargé de communication, peuventse glisser dans un fichier de presse. Par exemple :

• certains journalistes sont « multicartes » : le chroni-queur d’un journal local peut être en même le corres-pond d’un titre national ;

• les erreurs de transcription des noms et fonctionsauront des conséquences lourdes : une étiquette fau-tive peut vexer un journaliste ;

• des ressemblances ou homonymies peuvent induireen erreur : il s’agit de ne pas confondre un journalisteavec son confrère !

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• Mettre à jour

Il faut en permanence vérifier la pertinence des informa-tions, les mettre à jour, suivre la carrière du journaliste…et ne pas conserver de fiches « inactives ».

Qu’en pensent les journalistes ?

Les trois interviews suivantes ont été conduites auprès dejournalistes de renom, habitués au travail avec les char-gés de communication, et qui livrent ici leurs réflexionssur leur perception des relations presse, et plus particu-lièrement du dossier de presse, outil indispensablecomme on l’a vu dans le chapitre consacré à la stratégiedes messages (cf. chapitre 2).

Guillaume Roquette, directeur de la rédaction de L’Entreprise

Avez-vous le sentiment d’avoir moins de temps, d’être de plus en plus pressé dans votre travail ?

Oui, j’ai le sentiment d’avoir de moins en moins de temps,même si cela semble banal à affirmer. Je ressens une pressionconstante. Cela est dû à diverses raisons, telles une montée enpuissance de la concurrence qui ne permet pas de pause, quiforce à réfléchir et intégrer perpétuellement de nouvelles évolu-tions. En outre, le lectorat est de plus en plus exigeant et devientde moins en moins « fidélisable ». Aucun temps de repos n’estpermis : il faut même plutôt faire deux choses à la fois… DenisJeambar expliquait récemment que, lorsque Le Point a été créé,sa formule pouvait « tenir » dix ans. Par la suite, un news maga-zine ne dura plus que cinq ans. Maintenant, il faut revoir entière-ment un journal au moins tous les deux ans !

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Vous sentez-vous de plus en plus sollicité par les attachés de presse et chargés de communication ?

Non, pas plus qu’avant. Mais j’ai surtout mis en place un filtrage :mon assistante organise un barrage. Je peux, ainsi que certainsautres journalistes de ma rédaction, me faire aider de ma boîtevocale. C’est très pratique : je rappelle alors qui je veux, et seu-lement quand je sens que c’est important. Certaines attachéesde presse, parfois, forcent le barrage, dépassent les limites auto-risées en expliquant à mon assistante qu’elles me connaissentpersonnellement. Je trouve une telle attitude tout à fait contre-productive.

Avez-vous l’impression de recevoir de plus en plus de dossiers de presse ?

Je reçois sans doute davantage de dossiers de presse qu’avant,notamment des dossiers concernant l’univers des nouvellestechnologies. Que cherchent ces sociétés ? Évidemment à faireparler d’elles. Hélas, ces dossiers sont souvent incompréhensi-bles. Conçus par des spécialistes qui maintiennent le jargon dumilieu, ils ne font preuve d’aucune pédagogie et d’aucuneouverture au milieu des non-initiés. Parfois, leurs défauts decommunication sont même plus graves que cela : il m’est arrivéd’avoir lu la première page d’un dossier de presse et de ne pasy avoir appris l’identité de l’entreprise…

Que pensez-vous de l’évolution de leur contenu ?

Je pense que les dossiers de presse doivent gagner en qualitéet en vérité. Les entreprises qui veulent se lancer dans unecommunication extérieure bien construite, mettant en exergueleur différence, ne devraient pas utiliser une « langue de bois »qui est pour nous, les journalistes, sans attrait, voire repoussante.Par ailleurs, nous sommes dans une économie de plus en plusdématérialisée : on parle de services, de technologies, de pro-duits, de solutions… Il s’agit là de discours très conceptuels,trop conceptuels ! Ici, les cabinets de conseil en communica-tion font peut-être mal leur travail : ils devraient faire compren-

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dre à leurs clients que le propos doit posséder une différence,un angle d’attaque intéressant pour la presse, être lié à uneactualité. Les groupes, industries ou autres types de structuresveulent lancer des produits, soit. Mais quel intérêt particuliercela présente-t-il pour le journaliste ?

Considérez-vous le dossier de presse comme un outil utile à la pratique de votre métier ou bien les ignorez-vous la plupart du temps ?

Sans aucun doute, le dossier de presse est indispensable ànotre travail.

De façon générale, quel usage faites-vous des dossiers que vous recevez ?

Sur vingt dossiers reçus, je n’en garde généralement qu’un seul,mais je les parcours tous. J’en diffuse cinq au sein de la rédac-tion, aux collaborateurs potentiellement intéressés. J’en jettedix, et les cinq derniers contribuent à me donner des idées desujets et d’angles, ou sont des bonnes bases de témoignagespour de futures enquêtes. Toutefois, je n’utilise jamais un dossierde presse pour l’objectif premier que celui-ci s’est fixé, je leremets totalement en scène. C’est là un jeu de transformationnaturelle de l’information dans la loi de l’offre et la demandeentre le journaliste et le chargé de communication.

À quel moment précis de votre pratique professionnelle avez-vous éventuellement recours aux dossiers de presse que vous recevez ? Lors de la rédaction ou de la mise en forme d’un sujet ?

Il est vrai que je me retourne vers les dossiers que j’ai gardés entête, mis de côté et classés par thèmes. Lorsque nous montonsun sujet, nous nous servons, entre autres, de ces dossiersconservés.

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Quelles sont les principales caractéristiques qui font qu’un dossier de presse retiendra immédiatement votre attention ?

Il doit se distinguer, avoir une accroche, un thème intéressant,bien traité. Il faut, dès la première page, une phrase forte, unephoto, une mise en page qui attirent vraiment l’attention, captentmon intérêt. Je lis un dossier de presse un peu comme une cou-verture de journal. Le fait principal doit arriver tout de suite, et l’ondoit sentir immédiatement l’organisation du plan. Parfois, évidem-ment, la chance joue et, le jour où je reçois le dossier, je suis juste-ment à la recherche du type d’informations qu’il contient. C’esttant mieux… Mais, d’une manière générale, il ne faut pas s’y trom-per, le journaliste lira surtout : un dossier distribué dans uneconférence de qualité, s’il concerne le lancement d’une nouvelleautomobile (et ils sont généralement bien faits) ; un dossier quiconcerne une nomination importante ou une innovationspectaculaire ; enfin (cela paraît presque étonnant de lerappeler !), un dossier qui possède un message. En revanche,attention : si le thème appartient à un secteur « ingrat », le dossierdoit être encore mieux fait, l’information concrète doit arriverimmédiatement. Les faits exposés doivent être précis, techniques.

Quelles sont celles qui vous pousseront à jeter directement un dossier de presse à la corbeille ?

Ceux que l’on peut confondre immédiatement avec des bro-chures commerciales.

Que pensez-vous, généralement, des dossiers de presse que vous lisez ? Sont-ils plutôt creux ou plutôt riches ? « Commerciaux » ou bien ciblés ? « Jargonneux » ou clairs ? Ennuyeux ou intéressants ? Affligeants ou bien écrits ?

Les dossiers les moins bien écrits et présentés que je reçoisactuellement sont les dossiers de presse liés à l’informatique.Les plus agréables sont ceux qui ont une maquette claire, unplan, un message et un bon rapport texte/image. Je pense, par

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exemple, à un dossier que je viens de recevoir à propos d’unchâteau-hôtel : il est séduisant et contient toutes les informationsnécessaires pour un journaliste. Ce qui fait la différence entredeux dossiers, c’est un élément inattendu, peu fréquent, et laprésence d’une lettre d’accompagnement personnalisée. Pourmoi, cela change tout, je la lis toujours et je regarde alors avecplus d’attention le dossier envoyé. Cela n’a dans mon espritaucun lien avec le harcèlement téléphonique – que je considèrecomme nuisible.

Emmanuel Cugny, rédacteur en chef adjoint de Radio Classique

Avez-vous le sentiment d’avoir moins de temps, d’être de plus en plus pressé dans votre travail ?

Moins de temps, non. Je ne réagis pas en pensant au temps.Nous sommes ici, à la rédaction économique de Radio Classi-que, une équipe d’une quinzaine de journalistes qui ont la pas-sion de leur travail. La passion empêche la fatigue, empêche depenser aux contraintes de temps. Nous sommes heureux devivre dans une rapidité d’action constante et soutenue.

Vous sentez-vous de plus en plus sollicité par les attachés de presse et chargés de communication ?

Je ressens une sollicitation renforcée des attachés de presse etchargés de communication depuis deux à trois ans.

Y a-t-il à cela une explication objective ?

Les entreprises ont un grand besoin de communication. Peut-être encore plus en période de crise. La communication sepoursuit alors à un haut niveau. En revanche, en ces mêmespériodes (là, je serai un tantinet provocateur et je vous demandede le prendre avec humour), le seul élément qui diminue, c’est

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la réception de cadeaux en fin d’année, par exemple ! Il est évi-dent que ce n’est pas un élément indispensable dans la relationet l’établissement d’une qualité de travail, loin s’en faut.

Avez-vous l’impression de recevoir de plus en plus de dossiers de presse ? Que pensez-vous de l’évolution de leur contenu ?

Oui, nettement plus. Pour ma part, je dirai sans hésiter que lesdossiers de presse offrent deux types de contenu très opposés.Sans juste milieu. Il y a soit les dossiers trop succincts etrépétitifs : l’introduction dit tout et l’on ne trouve ensuite quedes redites. Ou il y a, à l’inverse, le pavé irrespirable, complet,mais trop pesant à lire. Ces dossiers possèdent parfois plus decouleurs, plus de photos. Ce n’est pas ce qui m’attire.

Considérez-vous le dossier de presse comme un outil utile à la pratique de votre métier ou bien l’ignorez-vous la plupart du temps ?

Oui, le dossier de presse peut m’aider à préparer une émission.S’il est bien fait, il me permet d’introduire mon sujet avecqualité, il m’aide à « placer » le décor, à poser avec justesse lecontexte d’une présentation, d’un propos. Il peut aussi m’aider àavoir des idées de questions complémentaires.

De façon générale, quel usage faites-vous des dossiers que vous recevez ?

Je les parcours. Je les jette vite ou je les classe. Je classe surtoutles dossiers concernant les entreprises. Souvent, en classant lerapport d’activités de l’entreprise, j’y joins une partie du dossierde presse que j’aurais expurgé. Je ne garde jamais le dossier depresse sur un ministère, une administration, encore moins sur unproduit.

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À quels moments précis de votre pratique professionnelle avez-vous éventuellement recours aux dossiers de presse que vous recevez ? Lors de la recherche d’un sujet ? De la préparation d’un dossier ? De la rédaction ou mise en forme d’un sujet ?

Je vous l’ai déjà un peu expliqué. Le dossier de presse peutm’aider, mais il ne m’est pas forcément indispensable. En radio,on doit aller vite. Parfois, joindre par téléphone un chargé decommunication talentueux est beaucoup plus efficace (s’il estpédagogue, précis et connaît son sujet) que de prendre letemps de lire un dossier trop long. Mais oui, si j’utilise un dossierde presse, ce sera lors de la préparation d’un dossier, d’un sujet.

Quelles sont les principales caractéristiques qui font qu’un dossier de presse retiendra immédiatement votre attention ?

Les caractéristiques qui font qu’un dossier de presse retient monattention sont très simples à énumérer : la clarté, la qualité dutexte, la concision (la sobriété peut contenir de la densité). Pourmoi, faire court ne veut pas obligatoirement dire faire léger.

Quelles sont celles qui vous pousseront à jeter directement un dossier de presse à la corbeille ?

Ceux que je mets à la corbeille sont ceux qui ont trop d’images,de fioritures. Ou bien alors un dossier qui m’apparaît tropluxueux et qui ressemble à une plaquette, voire... une brochurecommerciale. Pour moi, cela remet alors immédiatement encause la fiabilité de l’information transmise. Encore une fois, enradio, la concision est importante. Si le dossier que je reçoispossède un intelligent rappel fond-forme et qu’en peu detemps la forme contribue, elle aussi, au sens, cela me convient.

Que pensez-vous, généralement, des dossiers de presse que vous lisez ?

Pour moi, ils ont peu progressé et même s’ils sont généralementplutôt clairs (c’est une qualité demandée désormais prise en

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compte par les agences), ils restent creux, trop commerciaux etplutôt ennuyeux. J’entends par là qu’ils ne savent pas me pro-poser les angles et la matière qui seraient prioritaires pour montravail. Ils ne savent pas encore se rendre un « outil indis-pensable ». Sur des sujets primordiaux, je préfère encore télé-phoner à l’attaché de presse. Récemment, j’ai pu ainsi faire untravail rapide et de réelle qualité grâce à l’excellente présenta-tion d’une chargée de communication de l’Académie de méde-cine qui m’a aidé à monter un sujet sur la dépénalisation de ladrogue. En six à sept minutes, cette jeune femme a su me résu-mer ce qu’il me fallait pour cibler et bien cadrer mon sujet.Actuellement, existe-t-il des dossiers de presse de qualité quisavent faire cela ? Peu, très peu.

Quel est le dernier dossier de presse à avoir marqué, positivement ou non, votre esprit ?

Un des rares dossiers que j’ai gardés récemment était un dossierd’histoire. Il était fait de quelques fiches sobres. Je garde peu,vraiment peu de dossiers.

Jean-François Bège, directeur du pôle éditorial du Groupe Sud-Ouest

et Président du Club de la presse de Bordeaux

Avez-vous le sentiment d’avoir moins de temps, d’être de plus en plus pressé dans votre travail ?

Le journalisme n’a jamais été un long fleuve tranquille.

Vous sentez-vous de plus en plus sollicité par les attachés de presse et chargés de communication ?

Cela n’est gênant que dans la mesure où ils viennent me parler dechoses qui ne m’intéressent pas, de rubriques ou de sujets quine me concernent pas. En se croyant parfois obligés d’insister…

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Avez-vous l’impression de recevoir de plus en plus de dossiers de presse ?

Oui, car je demande souvent un dossier pour pouvoir medébarrasser des importuns au téléphone.

Que pensez-vous de l’évolution de leur contenu ?

Il n’y a pas d’évolution notable.

Considérez-vous le dossier de presse comme un outil utile à la pratique de votre métier ou bien les ignorez-vous la plupart du temps ?

C’est un outil fort utile et même indispensable pour certainssujets car il évite les erreurs de détails, qui sont, comme chacunsait, diaboliques…

De façon générale, quel usage faites-vous des dossiers que vous recevez ?

Je les conserve quelque temps. Certains, très longtemps.

À quels moments précis de votre pratique professionnelle avez-vous éventuellement recours à un dossier de presse ?

Dès que l’on traite un sujet pour lequel les contacts directs n’ontpas été suffisants.

Lors de la recherche d’un sujet ?

La fonction du dossier de presse est d’aider au traitement, pasde donner des idées.

Lors de la préparation d’un dossier ou de la rédaction/mise en forme d’un sujet ?

Oui.

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Travailler avec les médias 85

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Quelles sont les principales caractéristiques qui font qu’un dossier de presse retiendra immédiatement votre attention ?

Sa concision et sa précision.

Quelles sont celles qui vous pousseront à jeter directement un dossier de presse à la corbeille ?

Son caractère volumineux et prétentieux (plaquette tropluxueuse, valise encombrante, chemise inclassable…), en géné-ral inversement proportionnel à l’intérêt du contenu.

Que pensez-vous, généralement, des dossiers de presse que vous lisez ?

Ils sont pour la plupart assez bien faits mais manquent de peti-tes brèves utiles pour les encadrés, les légendes…

Sont-ils plutôt creux ou riches ?

En général trop riches de détails inutiles.

« Commerciaux » ou bien ciblés ?

Inadaptés à la presse grand public car trop souvent conçus pourla presse spécialisée.

« Jargonneux » ou clairs ?

Abus des sigles et du jargon dans tout ce qui émane de l’admi-nistration, malgré des présentations parfois fort luxueuses.

Ennuyeux ou intéressants ?

Idem.

Affligeants ou bien écrits ?

Rares sont les dossiers vraiment nuls.

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86 L’ART DES RELATIONS PRESSE

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Quel est le dernier dossier de presse à avoir marqué, positivement ou non, votre esprit ?

Positivement : le dossier du Centre national d’information sur lesviandes, relatif à la vache folle. Négativement : les campagnessur la sécurité routière.