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CHANSONS D’AUTREFOIS & CHEMINS DE MÉLANCOLIE Le Poème Harmonique Vincent Dumestre

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CHANSONS D’AUTREFOIS & CHEMINS DE MÉLANCOLIE

Le Poème Harmonique Vincent Dumestre

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introduction

aux marches du palais tracklist texte français english text

daniel brel tracklist texte français english text

plaisir d’amour tracklist texte français english text lyrics

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Ce disque est le premier de la nouvelle collection Alpha, Les Chants de la terre, dédiée aux musiques de tradition orale. Au plaisir de la nouvelle aventure s’ajoute celui directement lié à cet enregistrement. Nous espérions depuis longtemps voir se réaliser un travail de recherche et d’inter prétation sur les anciennes chansons françaises, qui nous amusent, nous interrogent, ou nous boule versent. Car elles font partie de notre mémoire collective ; elles sont nous.

Les amis musiciens du Poème Harmonique et Vincent Dumestre ont concrétisé ce rêve. Qu’ils soient remerciés de nous permettre d’écouter ces trésors, encore si proches de nous.

À la noire collection Ut Pictura Musica, où la peinture dialogue avec la musique, répond désormais cette série blanche, pour laquelle le photographe Robin Davies nous fait l’amitié de réaliser de si belles images originales.

Puissent ces Chants de la terre s’approcher de leur but artistique : aller, par de petits chemins, à la recherche des sources de la musique, sans complaisance ni démagogie.

Jean-Paul Combet

Photos © Robin DaviesPrises de vues au château d’Arques-la-Bataille (Seine-Maritime)

avec Juliette & Marion : mars 2001Prises de vues durant l’enregistrement : décembre 2000

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1. J’ai vu le loup, le renard chanter 4’40(à partir du XVe siècle, parodie du Dies Irae liturgique)

2. Le Roi Renaud 8’35(anonyme, milieu du XVe siècle)

3. La Pernette 5’55(copiée dans le manuscrit de Bayeux entre 1490 et 1500)

4. L’amour de moy 2’42(harmonisée par Richafort dans la 1ère moitié du XVIe siècle)

5. En passant par la Lorraine 2’51(harmonisée par Arcadelt, éditée par Leroy & Ballard en 1555)

6. Une jeune fillette 6’38(publiée par Chardavoine en 1576)

7. La fille au roi Louis 6’46(concordance dans Ballard, airs de cour, 1607)

8. Le 31 du mois d’août 4’52(chanson de marin, milieu XVIIIe siècle)

9. Aux marches du palais 3’49(apparaît dans les chansonniers & livrets de colportage à partir du XVIIIe siècle)

10. Réveillez-vous, belle endormie 2’07 (éditée par Ballard, Clef des chansonniers, 1717)11. Le roi a fait battre tambour 6’02 (anonyme milieu du XVIIIe siècle)12. La molièra qu’a nau escus 1’59 (chanson recueillie par Arnaudin fin XIXe siècle)13. La complainte de Mandrin 3’33 (de tradition orale depuis le XIXe, notée dans les Pyrénées)14. Sarremilhòque 1’27 (tradition orale, recueillie de nos jours dans le Béarn)

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Le Poème Harmonique

Claire Lefilliâtre, chantSerge Goubioud, chant

Marco Horvat, chant & vielle à archet

Sylvie Moquet, dessus de violeFriederike Heumann, basse de viole

Françoise Enock, basse de violeWilliam Dongois, cornet à bouquin & cornet muet

Pierre Hamon, cornemuse, flûte, tambour & flûte à trois trousChristophe Tellart, vielle à roueJoël Grare, tambour & tambourin

Vincent Dumestre, citole, guitare baroque, théorbe

Sarremilhòque (plage 14) : avec les voix de William Dongois, Vincent Dumestre, Serge Goubioud, Joël Grare, Pierre Hamon, Marco Horvat, Christophe Tellart, et l’aimable participation de Bruno Bonhoure.

Enregistrement & montage numérique : Hugues Deschaux (Musica Numéris)Enregistré à Paris, chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon-Secours,

en décembre 2000.

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Nos remerciements les plus chaleureux vont à Claude Duneton, écrivain, tant pour ses travaux passionnants sur la Chanson française que pour les entretiens qu’il nous a accordés ; à Jean-Jacques Castérets, ethnomusicologue, pour nous avoir prêté la version polyphonique de « La complainte de Mandrin » ; au groupe de musique traditionnelle Tiquetantolha qui nous a fait connaître et apprécier la chanson Sarremilhòque ; enfin, Annick Ostertag pour son travail de mise en partition. Ce disque est dédié à la mémoire de mon ami Jean Malet.

VD

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Comment juger au xxie siècle d’une musique qui parle à la fois à notre sensibilité de méloma ne et à notre âme d’enfant ? Quelle est la différence entre la chansonnette « En passant par la Lorraine » encore connue aujourd’hui, et son homologue du xvie siècle ? Ce qui les sépare, c’est plus de quatre siècles, une infinité de temps – et qui pourtant semble n’être qu’une parenthèse dans la métamorphose de la chanson. Curieux destin donc, de ces musiques qui ont eu l’heur de traverser les siècles et de parvenir, souvent bien transformées, jusqu’à nous, mais qui conservent une vigueur, une fraîcheur qui en gagent la pérennité.

« La chanson marche avec le temps, les années, les décennies, les siècles finalement parce qu’el le est liée à l’expression des humeurs, aux goûts, aux danses du jour le jour. Elle constitue une respiration sociale – et elle est – à cause de cela, éphémère, fragile » nous dit Claude Duneton dans sa belle Histoire de la chanson française. Ces chansons sont l’écho de l’histoire singulière et universelle des hommes, portées jusqu’à nous par toutes ces voix disparues qui, avant nos parents, avant nos grands-parents et nos aïeux, les ont fredonnées.

C’est l’objet de ce disque de revenir aux sources de ces chansons, c’est-à-dire aussi, très simplement, aux chansons de nos sources, en évoquant leur histoire et la manière dont elles sont parvenues jusqu’à nous, et les donnant à entendre pour que, à une époque où l’hégémonie de l’audiovisuel accé lère la disparition des anciennes cultures orales, elles demeurent, fragiles fragments d’une enfance retrouvée.

Vincent Dumestre

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Il est préférable, lorsque l’on s’intéresse aux musiques du passé, au lieu d’utiliser nos notions d’art savant et populaire, de se contenter de distinguer les musiques parvenues jusqu’à nous grâce à l’écrit de celles transmises par la tradition orale. Mettre en perspective ces deux sphères nous permet de comprendre le processus de création inhérent à une époque où, comme l’écrit l’historien Peter Burke à propos de la Renaissance, « les élites étaient biculturelles, elles apprenaient de leurs nourrices ce que nous appelons chansons populaires et contes folkloriques et se différenciaient des milieux populaires non pas en rejetant leur culture mais en y ajoutant une autre : la tradition classique enseignée dans les écoles ». Les deux facettes de notre patrimoine musical que représentent tradition orale et œuvres écrites se sont ainsi imprégnées mutuellement, étant l’une pour l’autre une source d’inspiration. C’est aux frontières imprécises ainsi qu’aux liens complexes qui existent entre ces deux univers que ce disque est consacré.

L’Amour de moy est un exemple radical de la transformation par l’écriture de la tradition orale. L’amour de moy, dont le texte est pourtant l’œuvre d’un lettré n’était, à la fin du xve siècle, qu’une chansonnette en vogue. Au début du xvie siècle, Jean Richafort (1480-1547) en fit un arrangement à trois voix, utilisant un contrepoint en imitation élaboré, de style franco-flamand, qui estompe l’intelligibilité du texte. Sous la plume de Richafort, la chanson perd sa fonction première, celle d’exprimer avec sim plicité et élégance l’humeur pétrarquisante de son temps, afin de captiver l’auditeur-chanteur par l’art du compositeur et la nouveauté d’un système d’écriture en train peu à peu d’influencer l’Europe entière. En revanche, En passant par la Lorraine, mise à trois parties par Jacques Arcadelt (1505-1568), un compositeur qui appartient pourtant à la même tradition franco-flamande que Richafort, ne perd rien de sa verve ni de sa simplicité d’expression. C’est sans doute parce que le musicien a utilisé ici la forme du vaudeville qui se caractérise par le traitement

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syllabique du texte, l’homorythmie et le parallélisme des parties ainsi que sa structure strophique. Cet arrangement fut publié en 1554 sous le titre de Margot Labourez les vignes par Robert Ballard et son beau-frère Adrien Leroy qui y ajouta une tablature de guitare. Robert Ballard, originaire comme son beau-frère de Montreuil-sur-Mer, fut le fondateur d’une dynastie d’éditeurs qui usa de son privilège jusqu’au xviiie siècle. Les éditions Ballard eurent un impact considérable sur l’histoire de la chanson par la publication des airs en forme de vaudeville, des airs de cours et enfin des airs sérieux et à boire. Adrien Leroy (1520-1598) édita l’une des premières méthodes pour le luth ainsi que le premier recueil d’airs de cour avec luth. La forme du vaudeville, parce qu’elle favorisait la compréhension du texte, inspira les compositeurs de musique mesurée à l’antique comme Claude Lejeune et plus tard, les compositeurs d’airs de cour. Ceux-ci à leur tour puisèrent leur inspiration dans la tradition orale, comme l’attestent les chansons traditionnelles que l’on trouve égrenées parmi les presque trois milles airs de cours publiés au xviie siècle comme Le pont du coil et Ma Bergère non légère de Pierre Guédron, ou encore La roussée du joly mois de may de Planson.

À l’inverse, si les compositeurs se sont depuis toujours inspirés de la musique qu’ils entendaient dans la vie de tous les jours, la tradition orale a, elle aussi, intégré des éléments de la musique écrite. J’entends le loup, le renard, le lièvre, chanson populaire du pays de Beaune, est une parodie du Dies Irae liturgique, dans le mode de ré, alors que Le Roi Renaud, une des plus célèbres complaintes françaises (dont la notation connue ne s’est pas effectuée avant 1837), est d’origine grégorienne et s’inspire de l’hymne Ave Maria Stella (vêpres du commun de la Vierge). Les chanteurs populaires qui enton naient Le roi a fait battre tambour, chanson très répandue – on la retrouve chantée aujourd’hui jusqu’au Canada – donnaient à cet air entretenu dans la mémoire populaire une origine

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aristocratique, leur auteur n’étant que Mme de Montespan ou Mme de Vintimille (une des premières maîtresses de Louis XV). Enfin, le timbre utilisé dans la Complainte de Mandrin provient d’un air de l’opéra comique de Favart, Acajou, qui est lui-même une parodie en mode majeur d’un intermède instrumental de l’opéra de Rameau Hippolyte et Aricie (1733). Favart (1710-1792) qui était le fils d’un pâtissier et qui avait fait ses études au Lycée Louis-le-Grand manifestait un intérêt très vif pour la chanson. Il possédait même un exemplaire rarissime du recueil édité par Chardavoine au xvie siècle1). Par l’intermédiaire de l’opéra comique et surtout de la parodie, il fit passer dans la tradition orale nombre d’œuvres de musique « sérieuse ». Mais la trajectoire suivie par le timbre de la Complainte de Mandrin est peut-être encore plus sinueuse qu’elle ne le paraît. Favart, à l’image de Mandrin, ce Robin des bois français qui volait aux riches pour donner aux pauvres, a sans doute emprunté au savant Rameau ce que ce dernier avait tiré de la musique traditionnelle. La mode du retour à la nature qui culmina au xviiie avec le Devin du village de Jean-Jacques Rousseau, incita les compositeurs à puiser dans la tradition orale. C’est ce que fit Rameau pour certains de ses intermèdes instrumentaux comme la célèbre musette des Indes Galantes.

Mais au-delà de ces liens de filiations, les chansons traditionnelles et les œuvres de musique ancienne se rejoignent dans l’union qu’elles accomplissent de la musique et des mots. Dans les chansons de Dufay, dans les airs de cour ou dans les premiers opéras, tout comme dans La Pernette ou La fille au Roi Louis, la musique se charge de sens, la poésie devient lyrique et les paroles les plus simples se transforment en incantations. C’est dans les grandes complaintes comme La Pernette ou Le Roi Louis que cet alliage des mots et de la musique est le plus intense2). La narration s’y déroule, sans être interrompue par aucun refrain, sur une courte cellule mélodique qui se répète inexorablement.

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Les airs de cour, les villanelles et les frottoles ainsi que bon nombre de danses instrumentales des xvie et xviie siècle n’ont trouvé une audience auprès des auditeurs de notre temps que récemment. Elles étaient auparavant considérées comme des œuvres mineures parce trop subordonnées à leur contexte. Les chansons traditionnelles, elles non plus ne cherchent pas à atteindre l’essence de la poé sie et de la musique. Elles sont le fruit de la vie quotidienne et de l’histoire des hommes et n’ont pendant longtemps existé que sur leurs lèvres et dans leurs mémoires. C’est pourquoi leur forme est si fluctuante3, La Pernette dont le timbre est déjà reconnaissable dans une chanson de toile du xiie siècle, se trouve copiée dans le registre d’un notaire de Namur daté de 1467, dans le luxueux manuscrit de Bayeux à la fin du xve siècle, puis traitée à plusieurs voix par Josquin des Prés au xvie, puis par Jacques le Fèvre, au début du xviie siècle. N’ayant jamais cessé d’être remaniée, on la trouve même sous une forme plus actuelle : Ne pleure pas Jeannette, qui commence au septième couplet de la chanson originale. La fille au Roi Louis, dont Nerval disait qu’elle est « un des plus beaux airs qui existent, un chant d’égli se croisé par un chant de guerre », illustre la légende de la fille amoureuse emprisonnée par son père. Déjà mise en œuvre par le trouvère Audefroy le Bâtard, cette complainte qui fut chantée sur plus de tren te mélodies différentes, se retrouve notamment sous le titre La Belle Isambourg dans un recueil d’airs de cour de 1607. La mélodie enregistrée ici est celle que Nerval collecta dans le Valois4 et que l’on peut aussi entendre dans Acajou de Favart (1744) sous le titre du Beau Déon ainsi que dans un cantique spi rituel de Berton (1754).

Un même texte peut donc être chanté sur différentes musiques et un même timbre servir à différents textes. Donner une forme fixe à ces chansons, les « enregistrer » implique de choisir entre une multitude de versions possibles et surtout, comme on doit le faire avec un ballet ou un air de cour, de rechercher et d’imaginer le contexte musical dans

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lequel elles furent non pas créées – c’est peine perdue – mais jouées, ce qui va bien au-delà des transcriptions volontairement elliptiques que nous en possé dons. L’enracinement des chansons traditionnelles dans l’histoire nous aide à y parvenir5.

Le Roi Renaud témoigne de la mode des romans de chevalerie au xve siècle. Le trente et un du mois d’août évoque les grands conflits maritimes qui opposèrent l’Angleterre et la France au xviiie siècle. Une jeune fillette qui conte les peines d’une jeune fille enfermée de force dans un couvent et qui prie Dieu de lui ôter la vie fait écho à la remise en cause des institutions religieuses par la Réforme. Le roi a fait battre tambour fait allusion à la mort de Gabrielle d’Estrées, la maîtresse d’Henri IV que Marie de Médicis aurait fait empoisonner par le financier italien Zanet le 10 avril 1599. La Complainte de Mandrin met en scène, un peu avant la Révolution, un hors-la-loi si populaire que le pouvoir hésita à le faire pendre en place publique pour ne pas provoquer une révolte paysanne.

En plus des événements marquants de leurs temps, les chansons traditionnelles reflètent aussi l’évolution du langage musical au cours des siècles. Les plus anciennes comme J’ai vu le loup le renard le lièvre ou La Pernette s’inscrivent dans une conception mélodique modale. La fille au Roi Louis ou Le roi a fait battre tambour sont influencées par la conscience harmonique naissante alors que le système tonal imprègne déjà Aux Marches du Palais. Pourtant si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que nombres d’entre elles comportent ce que l’on pourrait prendre pour des archaïsmes. Dans la version d’Une jeune fillette recueillie par Chardavoine au xvie siècle, l’avant-dernière note de la mélodie, la sensible, est un Fa et non pas un Fa dièse comme cela était déjà courant à cette époque. La complainte de Mandrin, avec son harmonisation dont les principes n’ont pas évolués depuis le xixe siècle et que l’on connaît aujourd’hui encore,

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chantée ainsi, chez les bergers béarnais, fait en tous points, penser au faux-bourdon de la Renaissance avec ses mouvements parallèles et ses accords renversés sur les cadences6. Ces particularités sont-elles des survivances d’ha bitudes anciennes entretenues par l’isolement ? En vérité ce qui peut apparaître comme un archaïsme n’est que l’adéquation d’un système à une pratique musicale. Si le septième degré n’est pas altéré dans le timbre d’Une jeune fillette ainsi que dans nombre de chansons notées par Chardavoine, c’est parce que ce recueil était avant tout destiné au chant à voix seule, une des pratiques musicales les plus répandues à la Renaissance (c’est en effet la polyphonie qui, comme le souligne Henri Davenson7, entraîne l’altération du septième degré). Pour des ber gers du vingtième siècle, le faux-bourdon est avant tout une des formes de polyphonie les plus commodes lorsqu’on improvise et qu’on ne lit pas la musique. La continuité que l’on reconnaît sans peine dans les chansons françaises s’est forgée donc à la force de son enraci nement dans la vie des hommes. Ainsi la vitesse d’évolution de la chanson, à travers les siècles, se mesure à celle de l’évolution des hommes, et il est toujours émouvant, pour un auditeur du xxie siècle ; de saisir et d’imaginer, dans l’écoute d’une simple mélodie que l’on fredonne, la distance parcourue et les chemins empruntés par elle pour venir jusqu’à lui.

Jean-Luc Tamby

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1 Jehan Chardavoine : Le recueil des plus excellentes chansons en forme de voix de ville tirées de divers auteurs poètes françois tant anciens que modernes (Paris 1576).2 Au sujet des complaintes, on pourra consulter Le Romancero populaire de la France de Georges Doncieux (Paris 1904).3 La formation de nos chansons folkloriques de P. Coirault (Paris 1963) est un des ouvrages les plus complets sur ce sujet.4 Gérard de Nerval fut un des premiers à s’intéresser aux chansons traditionnelles. C’est dans les Chansons et légendes du Valois, ainsi que dans l’appendice à Sylvie parue en 1854 que l’on trouve l’essentiel de son travail de collectage.5 Pour le contexte historique, on se référera à l’Histoire de la chanson française de Claude Duneton (Seuil 1998).6 Cette version polyphonique de tradition orale encore chantée de nos jours a été collectée par Jean-Jacques Castérets, qui prépare une thèse sur les pratiques musicales traditionnelles dans le Béarn.7 Henri Davenson : Le livre des chansons. (Les cahiers du Rhône, 1946).8 A cet égard, on cherchera en vain les origines de Sarremilhòque, chanson populaire actuelle chantée dans le Sud Ouest de la France. Sa présence en point d’orgue de cet enregistrement n’a pour but que d’exprimer le prolongement de la tradition de la chanson qui, selon P. Grimbert, « s’inscrivant de façon indélébile dans l’histoire de chacun, a donné forme à la mémoire de l’homme ».

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1. J’ai vu le loup, le renard chanter

C’est dans neuf ans, je m’en iraiJ’ai vu le loup, le renard chanter

J’ai vu le loup, le renard, le lièvre,J’ai vu le loup, le renard cheuler :

C’est moi-même qui les ai rebeuillés

J’ai ouï le loup, le renard, le lièvre,J’ai ouï le loup, le renard chanter :

C’est moi-même qui les ai rechignés

J’ai vu le loup, le renard, le lièvre,J’ai vu le loup, le renard danser :C’est moi-même qui les ai revirés

Miserere !

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2. Le Roi Renaud

Le Roi Renaud de guerre vintPortant ses tripes en ses mainsSa mère était sur le créneauQui vit venir son fils Renaud.

- Renaud, Renaud, réjouis-toi !Ta femme est accouchée d’un roi. »- Ni de la femme ni du filsJe ne saurai me réjouir. »

- Allez ma mère, allez devant ;Faites-moi faire un beau lit blanc :Guère de temps n’y demorrai,A la minuit trépasserai.

- Mais faites l’moi faire ici bas,Que l’accouchée n’entende pas. »Et quand ce vint sur la minuitLe roi Renaud rendit l’esprit.

Il ne fut pas le matin jour,Que les valets ploroient tretousIl ne fut temps de déjeûnerQue les servantes ont ploré.

- Dites-moi, ma mère m’ami’Que plourent nos valets ici ? »- Ma fille, en baignant nos chevaus,Ont laissé noyer le plus beau. »

- Et pourquoi, ma mère m’ami’,Pour un cheval plorer ainsi ? »- Quand le roi Renaud reviendra,Plus beaus chevaus amènera. »

- Dites-moi, ma mère m’ami’Que plourent nos servantes ci ? »- Ma fille, en lavant nos linceuls,Ont laissé aller le plus neuf. »

- Et pourquoi, ma mère m’ami’,Pour un linceul plorer ainsi ? »Quand le roi Renaud reviendra,Plus beaus linceuls achètera ? »

Or, quand ce fut pour releverA la messe el voulut allerOr, quand ce fut passé huit joursEl voulut faire ses atours :

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- Dites-moi, ma mère m’ami’Quel habit prendrai-je aujourd’hui ? »- Prenez le vert, prenez le gris,Prenez le noir pour mieux choisir. »

- Dites-moi, ma mère m’ami’Ce que ce noir-là signifi’ ? »- Femme qui relève d’enfant,Le noir lui est bien plus séant. »

Quand el fut dans l’église entréeLe cierge on lui a présentéAperçut en s’agenouillant,La terre fraîche sous son banc :

- Dites-moi, ma mère m’ami’Pourquoi la terre est rafraîchi’ ? »- Ma fill’, ne l’vous puis plus celer, Renaud est mort et enterré. »

- Puisque le roi Renaud est mort, Voici les clés de mon trésor.Prenez mes bagues et joyaus,Nourrissez bien le fils Renaud. »

- Terre, ouvre-toi, terre, fens-toi,Que j’aille avec Renaud mon roi !Terre s’ouvrit, terre fendit,Et si fut la belle englouti’.

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3. La Pernette se lève

La Pernette se lève, tra la la la la la, tres ores davant jor Elle prend sa colognete, avoi son petit tor. A chacun tor qu’el vire, fait un sospir d’amor. Sa mare li vient dire : « Pernete, qu’arrés vos ? Av’os lo mau de teste, o bien lo mau d’amor ? » « N’ai pas lo mau de teste, mais bien lo mau d’amor. » « No ploras pas Pernete, nos vos maridaron, Vos donaron un prince, o lo fi d’un baron. » « Jo no vuolh pas un prince, ne li fi d’un baron, Jo vuolh mon ami Piere, qu’est dedens la prison. » « Tu n’auras mie Piere, nos lo pendolaron ! » « Se vos pendolas Piere, pendolas-mei itot. Au chemin de Saint-Jaque, enteras nos tos dos. Cuvrés Piere de roses e mei de mile flors ; Los pelerins que passent en prendront quauque brot. Diront : Dio aye l’ame dous povres amoros ! L’un per l’amor de l’autre ils sont morts tos los dos. »

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4. L’amour de moi

L’amour de moi si est encloseDedans un joli jardinetou croit la rose et le muguetEt aussi fait la passerose.

Ce jardin est bel et plaisantIl est garni de toutes floursOn y prend son ébattementAutant la nuit comme le jour.

Hélas nul n’est si douce choseQue de ce doux rossignoletQui chante au soir, au matinet :Quand il est las il se repose.

5. En passant par la Lorraine

En passant par la Lorraine, Margot Rencontray trois capitainesIl m’ont saluée vilaineJe fuis leur fièvres cartainesJe ne suis pas si vilainePuisque le fils du roi m’aimeIl m’a donné pour étrennesUn bouquet de marjolaineS’il fleurit je serai reineS’il y meurt je perds ma peine

Margot, labourez les vignes, vignes, vignes, vignoletMargot, labourez les vignes, bientôt.

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6. Une jeune fillette

Une jeune filletteDe noble cœurPlaisante et jolietteDe grand’ valeurContre son gré on l’a rendue nonnetteCela point ne lui haicteDont vit en grand douleur.

Un soir après complieSeulette étaitEn grand mélancolieSe tourmentaitDisant ainsi, douce Vierge MarieAbrégez moy la viePuis que mourir je doy.

Mon pauvre cœur souspireIncessamentAussi ma mort désireJournellement.Qu’à mes parens ne puis m’aider n’escrireMa beauté fort empireJe viz en grand tourment.

Que ne m’a t’on donnéeA mon loyal ami,Qui m’a tant désirée

Aussi l’ay-je moy luyToute la nuit, m’y tiendrait embrasséeMe disant sa penséeEt moy la mienne à luy.

A Dieu vous dy mon pèreMa mère & mes parentsQui m’avez voulu faireNonnette en ce couventOu il n’y a point de resjouissanceJe vis en desplaisanceJe n’attens que la mort.

La mort est fort cruelleA endurer,Combien qu’il faut par elleTrestous passerEncor’ est plus le grand mal que j’endureEt la peine plus dureQu’il me faut supporter.

A Dieu vous dy les fillesDe mon paysPuis qu’en cett’ abbayeMe faut mourir

En attendant de mon Dieu la sentenceJe vy en espéranceD’en avoir réconfort.

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7. Le Roi Louis

Le Roi Louis est sur son pontTenant sa fille en son gironElle se voudrait bien marierAu beau Déon, franc chevalier.

Ma fille, n’aimez jamais Déon,Car c’est un chevalier félon ;C’est le plus pauvre chevalier,Qui n’a pas vaillant six deniers.

- J’aime Déon, je l’aimerai,J’aime Déon pour sa beauté,Plus que ma mère et mes parents,Et vous mon père, qui m’aimez tant.

- Ma fille, il faut changer d’amour,Ou vous entrerez dans la tour.- J’aime mieux rester dans la tour,Mon père, que de changer d’amour.

- Avant que changer mes amours,J’aime mieux mourir dans la tour.- Eh bien, ma fille, vous y mourrez,De guérison point vous n’aurez.

Le beau Déon, passant par là,Un mot de lettre lui jeta ;Il y avait dessus écrit :« Belle, ne le mettez en oubli » ;

Faites-vous morte ensevelir,Que l’on vous porte à Saint-Denis ;En terre laissez-vous porter,Point enterrer ne vous lairrai.

La belle n’y a pas manqué,Dans le moment a trépassé ;Elle s’est laissé ensevelir,On l’a portée à Saint-Denis.

Le roi va derrière en pleurant,Les prêtres vont devant chantant :Quatre-vingts prêtres, trente abbés,Autant d’évêques couronnés.

Le beau Déon passant par là :- Arrêtez, prêtres, halte-là !C’est m’amie que vous emportez,Ah ! laissez-moi la regarder !

Il tira son couteau d’or finEt décousit le drap de lin :En l’embrassant, fit un soupir,La belle lui fit un souris :

-Ah ! voyez quelle trahisonDe ma fille et du beau Déon !Il les faut pourtant marier,Et qu’il n’en soit jamais parlé.

Sonnez trompettes et violons,Ma fille aura le beau Déon.Fillette qu’a envie d’aimer,Père ne peut l’en empêcher !

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8. Au trente et un du mois d’août

Au trente et un du mois d’août,On vit venir sous vent à nousUne frégate d’AngleterreQui fendait la mer-z-et les flots :C’était pour attaquer Bordeaux.

Le commandant du bâtimentFit appeler son lieutenant :« Lieutenant, te sens-tu capable,Dis-moi te sens-tu-z-assez fortPour prendre l’Anglais à son bord ? »

Le lieutenant, fier-z-et hardi,Lui répondit : « Capitain-z-oui,Faites branlebas à l’équipage :Je vas hisser not’ pavillon,Qui rest’ra haut, nous le jurons. »

Le maître donne un coup de siffletPour faire monter les deux bordées :Tout est paré pour l’abordage,Hardis gabiers, fiers matelots,Braves canonniers, mousses petiots.

Vire lof pour lof en arrivant :Je l’abordions par son avant ;A coups de hache et de grenade,De pique de sabre, de mousqueton,En trois-cinq-sec je l’arrimions.

Que dira-t-on du grand rafiot,A Brest, à Londres et à Bordeaux,Qu’a laissé prendre son équipagePar un corsaire de dix canons ;Lui qu’en avait trente et six bons !

Buvons un coup !Buvons en deux !A la santé des amoureux ;A la santé du roi de France.Et merde pour le roi d’Angleterre,Qui nous a déclaré la guerre !

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9. Aux marches du palais

Aux marches du palaisY a une tant belle fille.

Elle a tant d’amoureuxQu’elle ne sait lequel prendre.

C’est un p’tit cordonnierQu’a eu sa préférence.

« La belle, si tu voulaisNous dormirions ensemble

Dans un grand lit carréCouvert de toiles blanches

Aux quatre coins du litUn bouquet de pervenches

Dans le mitan du litLa rivière est profonde

Tous les chevaux du roiY viendraient boire ensemble.

Et là, nous dormirionsJusqu’à la fin du monde. »

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10. Réveillez vous Belle endormie

Réveillez vous Belle endormieRéveillez vous car il est jourMettez la tête à la fenêtreVous entendrez parler de vous.

La belle a mis le pied-à-terre,Tout doucement s’en est allée.D’une main elle ouvre la porte :- Entrez, galant, si vous m’aimez. »

Mais la belle s’est endormieEntre les bras de son amant ;Et celui-ci qui la regardeEn lui voyant ses yeux mourants :

- Oh ! que Dieu bénisse le pèreEt la mère qui l’ont nourrie !C’est la plus charmante des fillesQue jamais mes yeux ont pu voir.

Que les étoiles sont brillantesEt le soleil éclatant !Mais les beaux yeux de ma maîtresseEn sont encore les plus charmants ».

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11. Le Roi a fait battre tambour

Quand le Roi entra dans la courPour saluer ces damesLa première qu’il saluaLui a ravi son âme.

Le roi demanda au marquis :- A qui est cette dame ?Le marquis lui a répondu :- Sire roi, c’est ma femme.

- Marquis, t’es plus heureux qu’un roi D’avoir femme si belle.Si tu voulais, l’honneur j’auraisDe coucher avec elle.

- Sire, vous avez tout pouvoir,Tout pouvoir et puissance ;Mais si vous n’étiez pas le roi,J’en aurais ma vengeance !

- Marquis ne te fâche donc pas,T’auras ta récompense :Je te ferai dans mes arméesBeau maréchal de France.

- Adieu ma mie, adieu mon cœur,Adieu mon espérance !Puisqu’il te faut servir le roi,Séparons-nous d’ensemble.

Le roi l’a prise par la main,L’a menée dans sa chambre.La belle, en montant les degrés,A voulu se défendre :

- Marquise, ne pleurez pas tant,Je vous ferai princesseDe tout mon or et mon argentVous serez la maîtresse.

- Gardez votre or et votre argent N’appartient qu’à la reine.J’aimerais mieux mon doux marquisQue toutes vos richesses.

La reine lui fit un bouquetDe trois roses jolies,Et la senteur de ce bouquetFit mourir la marquise.

Le roi lui fit faire un tombeauTout en fer de Venise ;A fait marquer tout à l’entour :Adieu, belle marquise.

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12. La molièra qu’a nau escus

La molièra qu’a nau escus, nau escus, ueit escus, set escus, sheis escus, cinc escus, tres escus, dus escus, un escu... Hi ha, ou la la, la molièra que va dansar.

La jeune fille a neuf écus, huit écus, sept écus, six écus, cinq écus, trois écus, deux écus, un écu... Hi ha, oh la la, la jeune s’en va danser.

13. La complainte de Mandrin

Nous étions vingt ou trente brigands dans une bandeTous habillés de blanc à la mode des, vous m’entendez,Tous habillés de blanc à la mode des marchands.

La première volerie que je fis dans ma vieC’est d’avoir goupillé la bourse d’un, vous m’entendez,C’est d’avoir goupillé la bourse d’un curé.

J’entrai dedans sa chambre, mon Dieu ! qu’elle était grande !J’y trouvai mille écus, je mis la main, vous m’entendez,J’y trouvai mille écus, je mis la main dessus.

J’entrai dedans une autre, mon Dieu qu’elle était haute !De rob’s et de manteaux j’en chargeai trois, vous m’entendez,De rob’s et de manteaux j’en chargeai trois chariots.Je les portai pour vendre à la foire en Hollande,J’les vendis bon marché, y n’ m’avaient rien, vous m’entendezJ’les vendis bon marché, y n’ m’avaient rien coûté !

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Ces messieurs de Grenoble, avec leurs longues robesEt leurs bonnets carrés m’eurent bientôt, vous m’entendez,Et leurs bonnets carrés m’eurent bientôt jugé.

Ils m’ont jugé à pendre, Ah ! c’est dur à entendre,A pendre, à étrangler sur la place du, vous m’entendez,A pendre, à étrangler sur la place du marché.

Monté sur la potence je regardai la France,Je vis mes compagnons à l’ombre d’un, vous m’entendez,Je vis mes compagnons à l’ombre d’un buisson.

Compagnons de misère, allez dire à ma mère,Qu’elle ne m’reverra plus, j’suis un enfant, vous m’entendez,Qu’elle ne m’reverra plus, j’suis un enfant perdu.

14. Sarremilhòque

Sarremilhòque mi toca ma maïreMi vòu tocar lo pè, ma maïreE deisha li tocar ma hilhaMi vòu tocar la cama, ma maïreE deisha li tocar ma hilhaMi vòu tocar lo jolh, ma maïreE deisha li tocar ma hilhaMi vòu tocar la cuesha, ma maïreE deisha li tocar ma hilhaMi vòu tocar lo « », ma maïreE deisha li tocar ma hilha.

Sarremilhòque me touche, mamanLaisses-le te toucher, ma filleSarremilhòque me touche le pied, mamanLaisses-le te toucher, ma filleSarremilhòque me touche la jambe, mamanLaisses-le te toucher, ma filleSarremilhòque me touche le genou, mamanLaisses-le te toucher, ma filleSarremilhòque me touche la cuisse, maman Laisses-le te toucher, ma filleSarremilhòque me touche le « », mamanLaisses-le te toucher, ma fille.

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How is it possible for people in the 21st century to evaluate music which addresses both their childhood souls and their sensibilities as music lovers? What is the difference between the chansonette “En passant par la Lorraine” as we know it today and its 16th century version? More than four centu ries – an infinitely long time – separate the two, but those years are reduced to a mere moment when one considers the song’s metamorphosis. The destiny of this music, which has been lucky enough to survive the centuries and to come down to us, often in a very different guise, is a curious one. The music still possesses something of its original vigor and freshness; these ensure that it will not be forgotten in years to come.

“A song can survive through time – years, decades, and finally centuries – because of its connection to everyday expressions of moods, tastes, and dances. Songs breathe along with society, and are therefore ephemeral, fragile.”, writes Claude Duneton in his valuable ‘Histoire de la chanson française’. Songs are a singular and universal echo of humankind, carried to us by the now silent voices of the parents, grandparents and ancestors who sang them.

This record’s purpose is to return to the roots of these songs – which means, simply, to the songs of our own roots – by telling the story of their survival, and by allowing them to be heard. In this way, these fragments of our collective childhood can continue to exist, even as overwhelming audiovisual techniques speed up the process which condemns ancient oral traditions.

Vincent Dumestre

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When considering music of the past, two groups can be distinguished: music which has come down to us through the oral tradition, and music which has descended from the written tradition. Such an approach is preferable to the comparison of popular and learned artforms. Observing the two categories from this perspective allows an understanding of the processes inherent in the creation of these works at a time when, as the historian Peter Burke wrote about the Renaissance, “the members of the elite were bicultural. They learned what we would call popular songs and folktales from their nurses, and differenciated themselves from these not by rejecting the popular culture, but in adding to it the classical traditions they learned in school.” The oral and written traditions, twin facets of our musical heritage, cross-fertilized and served as sources of inspiration for each other. This record explores the hazy boundaries between the two areas, as well as the complex links that bind them together.

“L’Amour de moy” is an extreme example of the transformation of the oral tradition through its contact with the written tradition. The words of this piece, which at the end of the 15th century was no more than a fashionable chansonette, were in fact written by a literate person. At the beginning of the 16th century, Jean Richafort (1480-1547) wrote an arrangement of the piece for three voices, using elaborate imitative counterpoint in the Franco-Flemish style; this complexity obscured the intelligibility of the text. In Richafort’s version the song lost its original function, which was to express the Petrarque-like humor of its time in a simple and elegant way. The new version sought to fascinate the singer and listener through its use of the new compositional style which was gradually spreading throughout Europe. “En passant par la Lorraine”, on the other hand,

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lost none of its original vigor and simplicity of expression in Jacques Arcadelt’s three-part version, although Arcadelt (1505-1568) was part of the same Franco-Flemish tradition as Richafort. This is probably because Arcadelt wrote it as a vau-de-ville, a form characterized by its syllabic treatment of the text, its use of homorhythm, the parallel structure of its parts, and its strophic form. This arrangement was published in 1554 by Robert Ballard and his brother-in-law Adrien Leroy (who added a guitar tablature) under the name “Margot labourez les vignes”. Ballard and Leroy, both from Montreuil-sur-Mer, founded a publishing dynasty active up to the 18th century. Their publications of vau-de-villes, airs de cour (court tunes), serious songs and drin king songs had a considerable impact on the history of the song. Adrien Leroy (1520-1598) also publi shed one of the first lute methods, as well as the first collection of airs de cour for the lute. The vau-de-ville, because it emphasized the comprehensibility of the text, inspired the composer Claude Lejeune as well as later air de cour composers who wrote musique mesurée à l’antique (strophic verses in ancient classical meters). These composers were also inspired by the oral tradition. The nearly 3000 airs de cour published in the 17th century attest to this fact; Pierre Guédron’s “Pont du coil” and “Ma bergère non légère” and Planson’s “La roussée du joly mois de may” are among them.

Composers have always been influenced by the music they heard as part of their daily lives. It is equally true that music of the oral tradition was influenced by and acquired characteristics of written music. “J’entends le loup, le renard, le lièvre”, a popular song from the Beaune region, is a parody on the liturgical Dies Irae in the mode on D, while “Le Roi Renaud”, one of the most famous French complaintes (planctus) – which is not known to have been written down before 1837 – is of Gregorian origin and owes its inspiration to the hymn Ave Maria Stella from the Vespers of the Virgin. People who sang

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the popular tune “Le roi a fait battre tambour” – it was extremely widespread and can still be heard today as far away as in Canada – attributed its origins to an aristocratic source: the popular imagination claimed that its author was none other than Madame de Montespan or Madame de Vintimille (one of the first mistresses of Louis XV). The timbre (a name identification tag taken from the refrain or first couplet of the original poem) used in the “Complainte du Mandrin” is derived from “Acajou”, a comic opera by Favart, itself a parody in the major mode of an instrumental interlude from Rameau’s opera ‘Hippolyte et Aricie’ (1733). Favart (1710-1792), the son of a pastry cook who attended Louis-le-Grand lycee, showed a lively interest in the chanson. He even possessed one of the very rare copies of the song collection edited by Chardavoine in the 16th century.1 Using the media of comic opera and especially parody, he assured the passage of many so-called serious works into the oral tradition. The evolution of the timbre of the “Complainte du Mandrin” is even more complex than it might first appear. Favart, like Mandrin, the French Robin Hood who stole from the rich to give to the poor, probably borrowed music from Rameau which he himself had borrowed from traditional music. The fashion for a ‘return to nature’ which cul minated in the 18th century with Jean-Jacques Rousseau’s ‘Le Devin du Village’, encouraged composers to seek inspiration in the oral tradition. This is precisely what Rameau did for some of his instrumental interludes, such as the well-known Musette from ‘Les Indes galantes’.

Traditional songs and written works of ancient music are linked not only by their common heri tage, but also by the way in which they unite music and text. In Dufay’s songs, in airs de cour and in the first examples of operas, the music – just as in “La Pernette” or “La fille du Roi Louis” – is imbued with meaning, poetry becomes lyrical and the most simple words are transformed into incantations. In great complaintes like

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“La Pernette” or “Le Roi Louis”, this alliance is at its most intense.2 The narrative line unfolds, uninterrupted by a refrain, over a short melodic phrase that is repeated over and over again.

Airs de cour, villanelles, frottoles and much instrumental dance music of the 17th and 18th centuries have not found favor with listeners until relatively recently. They were thought of as minor works because of their supposedly overly- intimate connections to their contexts. But traditional songs in fact never attempted to attain poetic and musical heights. They were instead the result of situations in daily life and in the history of humankind, and for centuries they existed only on the lips and in the memories of the common people. These reasons account for their multifarious forms3. “La Pernette”, whose timbre can be recognized in a 12th century chanson de toile (a spinning or weaving song), was copied into the 1467 register of a notary in Namur, Belgium. It next appeared in a luxurious 15th century manus cript in Bayeux, and was rewritten for several voices by Josquin des Pres in the 16th century, and by Jacques Le Fevre in the early 18th century. Today it can be heard as “Ne pleure pas Jeannette”, which begins on the original song’s seventh verse.

“La fille du Roi Louis”, qualified by Nerval as “one of the most beautiful songs there is, a cross bet ween a sacred song and a chanson de guerre”, tells the legend of a love-struck maiden imprisoned by her father. The troubador Audefroy le Bâtard set this complainte; since then it has been sung to more than 30 different melodies, notably as “La Belle Isambourg” in a collection of airs de cour dating from 1607. The song heard here was collected in the Valois region4 by Nerval. It can also be heard in Favart’s work ‘Acajou’ (1744) as “Le Beau Déon”, as well as in Berton’s sacred canticle of 1754.

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A text can thus be sung to various melodies, just as a timbre can serve various texts. Deciding upon a single fixed form for these songs – ‘recording’ them – meant choosing among many different ver sions. Making a choice called for research on the songs’ original musical contexts; this resembled the type of research done on ballets or airs de cour. As it would have been impossible to recreate the context for which the songs were written, we attempted instead to imagine the contexts in which they were actually heard. This approach was far more fruitful than a mere examination of the purposely elliptical extant transcriptions would have been. The way in which traditional songs are embedded in history also helped us in achieving this goal.5

“Le Roi Renaud” resulted from the fashion for chivalric romances in the 15th century. “Le trente et un du mois d’août” refers to the great 18th century naval battles between France and England. “Une jeune fillette”, which tells the story of a young maiden who is locked in a convent and who prays to God to end her life, reflects the doubt cast on religious institutions by the Reformation. “Le roi a fait battre tambour” alludes to the death of Henri IV’s mistress, Gavrielle d’Estrées, supposedly poisoned by the Italian financier Zanet on April 10, 1599 at the request of Marie de Médicis. In the pre-revolutionary period, “La Complainte du Mandrin” retells the story of an outlaw who was so popular that the authorities, fearing a peasant revolt, hesitated to hang him in the town square. Traditional songs not only reflected important events of their day; they were also witnesses to the evolution of musical language. The earliest songs, like “J’ai vu le loup, le renard, le lievre” and “La Pernette”, have melodies with modal origins. “La fille du Roi Louis” and “Le roi a fait battre tambour” were influenced by a new consciousness of harmony, while “Aux marches du Palais” came under the influence of the tonal system. Upon closer examination, however, many songs also exhibit archaic elements.

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In the version of “La Jeune Fillette” recorded by Chardavoine in the 16th century, for example, the penul timate note of the melody, the leading tone, is written as F natural and not as F sharp, as would have usual at the time. “La complainte du Mandrin”, whose harmonic underpinnings have not changed since the 19th century, and which is still sung today by shepherds in the Béarn region, is clearly reminiscent of the Renaissance faux-bourdon with its parallel motion and inverted chords at the cadences.6 Can the survival of these archaic elements be explained by the way in which this music has remained isolated? What might at first glance appear to be an archaic element is in fact an alliance of musical systems and practices. If the seventh degree is not altered in “Une Jeune Fillette” and in many other songs assembled in the Chardavoine volume, this is because the collection was intended for a solo singer – one of the most common musical practices of the Renaissance. (It was in fact polyphony, as Henri Davenson points out7, which brought about the use of the altered seventh degree.) For shepherds of today who do not read music, the faux-bourdon is one of the most convenient polyphonic forms for improvisation.

The continuity of French songs from one period to the next can be easily observed. This continuity stems from the ways in which songs were connected to everyday life. The speed with which the songs have evolved can be measured against the ways in which peoples’ lives have also changed. It is a moving experience for the 21st century listener to imagine the distance travelled and the paths taken by the simple melodies we still hum today.8

Jean-Luc TambyTranslation: Marcia Hadjimarkos

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1 Jehan Chardavoine, ‘Le recueil des plus excellentes chansons en forme de voix de ville tirées de divers auteurs et poètes françois tant anciens que modernes’, Paris, 1576.2 The work ‘Le Romancero populaire de la France’ by Georges Doncieux (Paris, 1904) may be consulted for infor mation on the complainte.3 ‘La formation de nos chansons folkloriques’ by P. Coirault (Paris, 1963) is one of the most complete works on the subject.4 Gérard de Nerval was one of the first people to take an interest in traditional songs. The works ‘Chansons et légendes du Valois’ and ‘L’appendice à Sylvie’ (1854) contain most of the pieces he collected.5 ‘L’Histoire de la chanson française’ by Claude Duneton (Seuil, 1998) refers to historical context.6 This polyphonic version, descended from the oral tradition and still sung today, was collected by Jean-Jacques Castarets, who is writing a thesis on traditional musical practices in the Béarn region of France.7 ‘Le Livre des chansons’ by Henri Davenson (Les Cahiers du Rhône, 1946).8 It was not possible to identify the origins of “Sarremilhoc”, a popular song still sung today in southwestern France. Its inclusion here, as the last selection on this record, expresses the continuing song tradition which, according to P. Grimbert, “is indelibly inscribed in the history of every man, and which has thus shaped human memo ry”.

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1. I saw the wolf, the fox and the hare

I saw the wolf, the fox and the hare, I saw the wolf and the fox carousing; Unseen, I saw them.

I heard the wolf, the fox and the hare,I heard the wolf and the fox singing;And I sang with them.

I saw the wolf, the fox and the hare,I saw the wolf and the fox dancing;And I led the dance.

Miserere!

2. King Renaud

King Renaud returned from warHolding his guts in his hands.His mother was on the battlementsAnd she saw her son Renaud approaching.

‘Renaud, Renaud, be glad!Your wife is the mother of a king!’‘Neither for my wife nor my son,’Said he, ‘can I be glad.’

‘Go, mother, go before;Have a fine white bed made up for me:I shall not lie abed for long,For at midnight I shall die.’

‘But have the bed made up down here,That the new mother may not learn of it.’And when midnight cameKing Renaud breathed his last.

Ere morning lightThe menservants all were weeping;Ere breakfast-timeThe maidservants too were shedding tears.‘Tell me, my dear mother,Why are our menservants so sorrowful?’‘My daughter, they took our horses to waterAnd the finest of them drowned.’

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‘But why, my dear mother,Why such sorrow for a horse?When King Renaud returns,He will bring finer horses.’

‘Tell me, my dear mother,Why are our maidservants so sorrowful?’‘My daughter, they were washing our sheetsAnd the newest got carried away.’

‘But why, my dear mother,Why such sorrow for a sheet?When King Renaud returnsHe will purchase finer sheets.’

When the time came to rise from her bed,She wished to attend mass,And when eight days were past,She wished to put on her finery:

‘Tell me, my dear mother,What clothes shall I wear today?’‘Take the green, take the grey,Take the black as the best choice.’

‘Tell me, my dear mother,Why must I wear black?’‘For a woman recently confined,Black is the most becoming.’

When she entered the churchShe was presented with a candle,And as she knelt she noticedFresh earth beneath her pew:

‘Tell me, my dear mother,Why the earth is freshly turned.’‘My daughter, I can keep it from you no longer:Renaud is dead and buried.’

‘Since King Renaud is dead,Here are the keys to my treasure.Take my rings and jewels,See that my son is well fed.’

‘O earth, open up, O earth, gape,Let me go with Renaud my king!’And the earth opened up, the earth gaped,And so the lady was swallowed up.

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3. Pernette she rises

Pernette she rises, tra la la la la la, very early before dawn.She takes up her distaff and small spinning wheel.And with each turn she sighs with love.Her mother comes and says to her: ‘Pernette, what’s the matter?Have you a headache, or are you lovesick?’‘I haven’t a headache, but yes, I am lovesick.’‘Weep not, Pernette, we’ll help you,We’ll give you a prince, or the son of a baron.’‘I don’t want a prince, or the son of a baron,I want Pierre, the man I love, and he is in prison.’‘You shall not have Pierre, we shall hang him!’‘If you hang Pierre, hang me too.On the road to St James bury us both.Cover Pierre with roses and me with a thousand flowers;The pilgrims who pass will pick a few budsAnd they’ll say: ‘May God take the soul of you poor lovers!They died for the love of each other.’

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4. My love

My love she is withinA small and pleasant garden,Where grow the rose and the lilyAnd the hollyhock too.

This garden is beautiful and charmingAnd planted with flowers of all kinds.There may you disportBoth by night and by day.

Ah, there is nothing as sweetAs the sweet nightingale,Which sings evening and morn,And rests when it is weary.

5. As I as passing through Lorraine

As I was passing through Lorraine, MargotI met three captains.They proclaimed me ugly;I fled their fever.I am not so ugly,For the king’s son loves me.As a New Year’s giftHe gave me a bunch of marjoram:If it flowers, I shall be queen,If it dies, I am wasting my time.Margot, till the vineyards, vineyards, vineyards,Margot till the vineyards soon.

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If only they had given meTo my faithful lover,Who desired me so,And I him.All night longhe would hold me in his embrace,Telling me his thoughtsAnd I telling him mine.

I bid you farewell, my father,My mother and my family,Who wished me to beA nun in this convent,Where there is no joy.I live in unhappiness,Longing only to die.

Death is a most terrible thingTo bear,Though we allMust die;But what I endure is even worseAnd the suffering I have to bearIs even greater.

I bid you farewell, maidsFrom back home,Since in this abbeyI must die.Awaiting God’s judgement,I live in hopeOf obtaining consolation.’

6. A young maid

A young maidNoble minded,Amiable, pretty,And of great merit,Was made a nun against her will.And as it pleased her not,She lived in great sorrow.

One evening after compline,She was aloneAnd very sad;In her distressShe said: ‘O sweet Virgin Mary,Let me die now,Since die I must.

My poor heart sighsUnceasingly,And every dayI wish to die.I can neither ask my parents for helpnor write to them;My beauty is fading,I live in great sorrow.

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7. King Louis

King Louis is on his bridgeWith his daughter on his lap.She would like to marryFair Déon, a noble knight.

‘My daughter, never love Déon,For he is a disloyal knight;He is the poorest of knights,And not worth sixpence.’

‘I love Déon and I shall love him;I love Déon for his beauty,More than my mother and my family,And you, my father, who love me so well’.

‘My daughter, you must love another, Or you will be shut in the tower.’‘I would be shut in the tower,My father, rather than love another.

Rather than love another,I would die in the tower.’‘Then, my daughter, there you shall die,For there is no other remedy.’

Fair Déon, passing that way,Threw a message to her,On which was written:‘My love, do not forget:

Have yourself buried as dead,Let them bear you to St Denis;Let them lay you in the ground;I shall not leave you buried.’

The maid did as he bade her:Then and there she died;She let them wrap her in a shroud,And they bore her to St Denis.

The king came after, weeping,The priests went before, singing:Eighty priests, thirty abbots,And as many mitred bishops.

Fair Déon, passing that way:‘Stop, priests, halt!’‘Tis my beloved you are bearing away,Ah, let me look at her!’

He drew his knife of purest goldAnd slit open the shroud:Kissing her, he sighed;His beloved smiled at him:

‘Oh! See how my daughterAnd fair Déon have betrayed us!But we shall have to marry them,And let there be no more said of it.

Sound, trumpets and violins,My daughter will have fair Déon.A daughter who wishes to loveCannot be prevented by her father!’

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8. On the thirty-first of the month of August

On the thirty-first of the month of August,’We saw approaching to leewardA frigate from England,Cutting through the waves,Sailing to attack Bordeaux.

The captain of the shipSent for his lieutenant:‘Lieutenant, do you feel strong enoughTell me, do you feel ableTo take the Englishman on board his vessel?’

The lieutenant, proud and bold,He answered: ‘Captain, yes.Clear the decks for action:I’m going to hoist our colours,And they shall remain flying, we swear it.’

The master blew his whistleTo call the two watches:All was made ready for the boarding,With fearless topmen, proud seamen,Brave gunners, and small cabinboys.

Wearing ship on arrival,We boarded it by its bow;Going at it with axe and grenade,Point of sword and blunderbuss,In next to no time we secured it.

What will they say in Brest, LondonAnd Bordeaux, of the great shipWith all of thirty-six good guns,Which allowed its crew to be takenBy a ten-gun corsair!

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9. On the palace steps

On the palace stepsThere is a maid so fair.She has so many loversThat she knows not which to choose.‘Tis a little shoemakerWho has her preference.‘My love, if you wished,We would sleep togetherIn a large square bed,Spread with white linenAt the four corners of the bed,A bunch of periwinklesIn the middle of the bedA deep river.All the king’s horsesCould drink there together.And there we would sleepTill the world comes to an end.’

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10. Awake, sleeping Beauty

Awake,sleeping Beauty,Awake, for day is here;Come to the window,I’ve got something to say to you.

The maid she rose,Softly she tiptoed.With one hand she opened the door:‘Enter, my gallant, if you love me.’

But the maid fell asleepIn her lover’s arms;And he looked at herWith her languishing eyes:

‘Oh, God bless the fatherAnd the mother who nurtured her!She is the loveliest girlI ever set eyes upon.

The stars are so brightAnd the sun so dazzling!But my mistress’s beautiful eyesAre even more charming!’

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11. The King had the drum sound

When the king entered the courtTo greet the ladies,The first one he greetedStolae his heart.

The king asked the marquis:‘Whose is this lady?’The marquis replied:‘Sire, she is my wife.’

‘Marquis, with a wife so fair,You are happier than a king.If you pleased, I would have the honourOf taking her to bed.’

‘Sire, you have all power,All power and authority,But were you not king,I would take my revenge!’

‘Marquis, be not irate;You will be rewarded:I shall make youField marshal of my armies.’

Since you must serve the king,We must part.’

The king took her by the handAnd led her to his chamber.As she climbed the steps, the ladyTried to resist.

‘Marquise, weep not so:I shall make you a princess;Of all my gold and silverYou shall be the mistress.’

‘Keep your gold, and your silverBelongs to the queen alone.I would rather have my gentle marquisThan all your riches.’

The queen made her a bouquetOf three lovely roses,And the scent of the bouquetMade the marquise die.

The king had a tomb made for herAll of Venetian iron;And all around it he had inscribed:‘Farewell, fair marquise.’

‘Farewell, my love, farewell, my heart, Farewell, my hope!

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I sold them cheap, for they cost me nothing.

Those gentlemen from Grenoble with their long robesAnd their doctor’s caps, soon they had - d’you hear me?And their doctor’s caps, soon they had passed sentence.

They sentenced me to be hanged - oh, it’s not easy to hear it!To be hanged, strangled in the market - d’you hear me?To be hanged, strangled in the marketplace.

Having mounted the gallows, I looked at France,I saw my companions in the shade of a - d’you hear me?I saw my companions in the shade of a bush.

Wretched companions, go and tell my motherThat she won’t see me again, for I’m a - d’you hear me?That she won’t see me again, for I’m a lost child.

14. Sarremilhoca

Sarremilhoca is touching me, mother / Let him touch you, my daughter.Sarremilhoca is touching my foot, mother / Let him touch you, my daughter. Sarremilhoca is touching my knee, mother / Let him touch you, my daughter. Sarremilhoca is touching my thigh, mother / Let him touch you, my daughter. Sarremilhoca is touching my --- , mother / Let him touch you, my daughter.

12. The maid who has nine crowns

The maid who has nine crowns, eight crowns, seven crowns, six crowns, five crowns, three crowns, two crowns, one crown...Hee ha, oh la la, the maid she goes a-dancing.

13. Mandrin’s lament

We were twenty or thirty brigands in a band,All dressed in white after the manner - d’you hear me?All dressed in white after the manner of merchants.

The first thieving I ever did in my lifeWas when I stole the purse - d’you hear me?Was when I stole the purse of a parish priest.

I entered his chamber - good heavens, it was big!And there I found a thousand crowns, and I took - d’you hear me?There I found a thousand crowns, and I took possession.

I entered another room - good heavens, it was high! With robes and mantles I loaded three - d’you hear me?With robes and mantles I loaded three wagons.I took them to Holland to sell at the fair,I sold them cheap, for they cost me - d’you hear me?

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« Depuis 10 ans, nous soutenons l’art vocal.II y a tant de voix à vous faire entendre »

Musique sacrée, opéra, jazz vocal ... Notre fondation encourage la formation et les débuts de jeunes talents. Notre mécénat s’exprime aussi à travers le soutien d’ensembles vocaux, de productions lyriques, de groupes de jazz, de concerts, d’enregistrements, de saisons vocales, de festivals. Aux côtés de ceux qui font vivre l’art vocal, notre fondation s’engage. Pour que toujours plus de voix puissent partager leurs talents, leurs émotions.

« For 10 years now, we have been patrons of the vocal arts.There are so many voices for you to hear »

Sacred music, opera, vocal jazz ... For ten years now, our fondation has encouraged the training and debuts of young talents. Our patronage is equally expressed through the support we give to vocal ensembles, festivals, vocal seasons, ans operatic productions. Side by side with those who bring alive vocal art and make it a living art form, our fondation is commited to having an ever-increasing number of voices share their talent and their emotion...

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Notre collection « les chants de la terre » est en principe consacrée aux relations entre les pratiques musicales de tradition orale et les expressions musicales écrites, avec un accent particulier porté aux techniques d’improvisation.

La musique de Daniel Brel est écrite, avec un sens du détail et de l’infime qui n’a rien de l’improvisation. Pourquoi alors éditer cet enregistrement dans cette collection ?

C’est que l’écriture de Daniel Brel est profondément nourrie de ces chants de la terre qui accompagnent notre vie, musique née d’un dialogue intime et personnel avec la nature, musique aussi des paysages urbains proches ou lointains. Elle répond ainsi à notre dessein originel, qui est de parcourir le monde des musiques en empruntant les petits chemins de traverse.

Our series ‘Les chants de la terre’ is in principle devoted to the relationships that exist between musical practices of oral tradition and various types of music that are expressed in written form, with particular emphasis on improvisational techniques.

Daniel Brel’s music is written with a sense of detail and the infinitesimal that has nothing to do with improvisation. So why include it in this series?

Because Daniel Brel’s writing is deeply inspired by those songs of the earth that accompany our lives: his music results from an intimate, personal dialogue with nature; his music also relates to townscapes, near or far. And thus it corresponds to our original intention, which is to travel all over the world of music, following the small paths that take us off the beaten track.

Jean-Paul Combet

Photos © Robin Davies

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Daniel Brel(né en 1950)

1. Soleil froid 5’132. Nuit et Lune 7’413. Parade 2’374. Élégie 5’56

5. Quatre chemins, pour deux violes de gambe 2’366. Un bateau qui s’en va, pour bandonéon seul 5’247. Petite valse 0’498. Plume 1’12

9. Les yeux dans les étoiles, pour viole de gambe seule 5’5710. Echos 2’2411. Éternelle jeunesse 2’3212. Hommage 2’55

13. Dans un regard 2’2314. Mouette, pour bandonéon & théorbe 3’4015. Sous l’écorce 4’5816. Berceuse 4’43

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Daniel Brel, bandonéon

Le Poème Harmonique

Kaori Uemura, dessus de violeMartin Bauer, basse de viole

Sylvia Abramowicz, basse de violeIsabelle Saint Yves, basse de viole

Vincent Dumestre, théorbe & direction

bandonéon Alfred Arnold, 1931dessus de viole Feyzeau, 1752

basse de viole à 7 cordes Judith Kraft & Bernard Prunier, 1978basse de viole à 6 cordes Judith Kraft, 2000

basse de viole à 7 cordes Bernard Prunier, 1993théorbe Uncilla Lourdes Moreno, 1994

Enregistré à Paris en mai 2003Chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours

Enregistrement & montage numérique : Hugues Deschaux

Photographies de Robin Davies

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Plus que mode de connaissance, la poésie est d’abord mode de vie ‒ et de vie intégrale, écrivait Saint-John Perse. Ce disque est l’aboutissement d’une longue histoire. J’ai rencontré Daniel Brel en 1987. Nos discussions, ses idées sur la musique ont nourri ma réflexion pendant de nombreuses années. En 2000 est né le projet des Quatre chemins de mélancolie, et puis la musique a vu le jour aux premières répétitions en 2002, notamment grâce au travail de Sylvia Abramowicz, Martin Bauer, Kaori Uemura et Isabelle Saint Yves. Ils ont passé cette année à faire leur cette musique et je les remercie. Je remercie également Daniel Brel pour la joie profonde qu’il manifesta à chaque instant de nos rencontres.

Rather than a form of knowledge, poetry is above all a way of life ‒ of life in its entirety. Thus wrote Saint-John Perse. There is a long story behind this recording. I met Daniel Brel in 1987. Our discussions and his ideas on music gave me food for thought for many years. The idea for Quatre chemins de mélancolie came to us in the year 2000 and the music saw the light of day at the first rehearsals in 2002, thanks in particular to the work of Sylvia Abramowicz, Martin Bauer, Kaori Uemura and Isabelle Saint Yves. They spent that year absorbing this music and I express my gratitude to them. My thanks also to Daniel Brel for the great joy he showed for every minute of the time we spent together.

Vincent Dumestre

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Quatre chemins de mélancolie

Le premier enregistrement de musique instrumentale réalisé par le Poème Harmonique est consacré à Daniel Brel, compositeur né en 1950, dont l’œuvre, creuset de multiples influences ne peut être classée dans aucun courant contemporain. Un tel parti pris peut surprendre de la part d’un ensemble qui s’est spécialisé dans l’interprétation de la musique du xviie. Il est en réalité le fruit d’un dialogue intense mené depuis de nombreuses années entre Daniel Brel et Vincent Dumestre. Le cheminement dont il résulte ainsi que la musique même du bandonéoniste soulève pourtant deux interrogations : comment, à travers la diversité de ses influences et sans se conformer à aucun courant esthétique, cette œuvre parvient-elle à trouver sa cohérence ? Pourquoi, d’autre part, a-t-on choisi d’interpréter sur des instruments anciens, une musique de notre temps connotée par l’univers du tango et de la milonga, en raison de la place qu’elle accorde au bandonéon ?

Une écoute superficielle de Mouette ou Un bateau qui s’en va pourrait donner l’impression que Daniel Brel est un de ces compositeurs de musique populaire, dotés d’un solide talent mélodique. Une écoute plus attentive nuancera cette première impression : contrairement à ce que l’on peut entendre dans le tango, les dissonances ne sont jamais utilisées afin de dramatiser le discours. Dans Hommage, le thème est souligné par des éléments contrapuntiques qui détournent l’attention pour empêcher qu’elle ne soit monopolisée par la séduction de la seule mélodie. De la même manière, on pourrait croire, au premier abord que Nuit, Elégie ou Quatre chemins sont l’œuvre d’un musicien « néo-tonal » en rupture avec les avant-gardes et qui se réfugie dans l’esthétique musicale qui prévalait en France au début du xxe. Un examen plus vigilant de ces pièces révélera que le langage musical de Daniel Brel se

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démarque de cette tradition de la musique française par plusieurs aspects même s’il en subit l’influence. L’harmonie, particulièrement tendue n’est pas dirigée vers un orient défini. De même, l’invention mélodique foisonnante n’est pas subordonnée à la systématisation d’un développement et sa logique semble échapper à toute analyse académique.

Force est pourtant de constater que, malgré la diversité de ses influences, la musique de Daniel Brel est marquée par une forte cohérence. Cette cohérence ne peut cependant être expliquée par l’appartenance à un courant musical. Pour tenter de la discerner, il nous faut peut-être nous tourner vers le titre que le compositeur a lui-même choisi de donner à cet enregistrement : Quatre chemins de mélancolie.

La mélancolie est au sens étymologique, la bile noire (du grec melas-anos, noir, et kholê, bile). Dans le système médical hérité de la Grèce ancienne et dont l’influence s’est poursuivie jusqu’au xixe siècle, la mélancolie était une humeur, c’est-à-dire une substance active aux propriétés déterminées. Cette bile noire, mêlée en quantité variable au sang, au flegme et à la bile jaune était à l’origine de la santé et du caractère de tous les êtres. La mélancolie n’était pas en elle-même une maladie, c’est sa présence excessive au sein de l’organisme qui était censé provoquer la dépression et la morbidité auxquelles elle a fini par être assimilée. Plus près de nous, Freud a décrit la mélancolie en la comparant au travail du deuil. Le deuil est toujours la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction érigée en substitut de cette personne écrit-il dans Deuil et mélancolie. Face à cette épreuve de la réalité que constitue cette perte, le travail du deuil consiste à renoncer au lien qui attache à cet objet. La mélancolie, selon Freud s’apparente à l’impossibilité de faire ce travail. L’objet, perdu dans la réalité, continue d’exister psychiquement. Au lieu de se libérer de son attachement, le moi s’enferme dans la remémoration perpétuelle, la lacération du moi et le désespoir. Ainsi en est-t-il du Desdichado de Nerval, inconsolé

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parce que sa seule étoile est morte. La musique de Daniel Brel est souvent nostalgique et même, comme dans Élégie, traversée par une profonde tristesse. Mais elle n’est pas comme la poésie de Nerval ou la musique de John Dowland organisées autour de la perte de l’objet et donc de la pathologie mélancolique. La joie et aussi l’humour y sont aussi exprimés (dans Mouette, par exemple). L’expression de sentiments mélancoliques n’en constitue pas l’identité. Pourtant, lorsque l’on lui demande de définir son art, le compositeur emploie les termes de « musique mélancolique ». Si ce n’est pas la pathologie mélancolique dans son ensemble qui définit la musique de Daniel Brel, c’est peut-être, en revanche, un de ses effets : l’altération de la perception temporelle. Chez le sujet qui souffre de mélancolie, la remémoration perpétuelle et l’enfermement du moi transforment l’expérience du temps. Le passé finit par se superposer avec le présent. La perception temporelle perd sa linéarité pour devenir circulaire.

Ainsi, la musique de Daniel Brel est-elle entièrement tournée vers le passé. Elle ne cesse de se souvenir des autres musiques : du tango d’Astor Piazzolla, des œuvres d’Henri Sauguet et de Jean Wiener, de la chanson française. John Adams, dans Fearfull Symétries a lui aussi intégré des éléments hétérogènes appartenant au passé : le ragtime, le contrepoint ancien, le jazz de la Nouvelle-Orléans. Mais sa démarche s’apparente au postmodernisme. Le compositeur se tourne vers le passé pour se situer face aux autres courants contemporains. Bien que rejetant l’esthétique d’avant-garde, il prend position en tant qu’acteur dans l’histoire de la musique, considérée comme le récit tracé par les musiciens eux-mêmes de l’évolution de leur art. Au contraire chez Daniel Brel, la référence au passé n’est jamais un parti pris esthétique. Le musicien ne tente pas de nier l’histoire de la musique ou de l’ignorer ; il se situe en marge d’elle : ce n’est pas sa position dans l’histoire de la musique mais bien son histoire personnelle qui est déterminante dans son approche de la composition.

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Une grande part des pièces enregistrées sur ce disque est en effet inspirée par des événements vécus. Leur titre n’est pourtant pas explicite et Daniel Brel se garde bien de les accompagner d’un texte décrivant les circonstances qui les ont inspirées. Par ailleurs, le compositeur, dans son écriture, accepte de se perdre dans le labyrinthe de modulations qu’il a lui-même construit (dans Élégie par exemple). Il évite d’organiser la forme autour de points culminants. Il renonce ainsi à théâtraliser son discours en le pliant à ce que la tradition de la composition nomme un développement. Dans une fugue ou dans une sonate, mais aussi dans beaucoup d’œuvres contemporaines, le développement peut être assimilé à la technique narrative qui permet, en littérature de donner à des événements fictifs ou réels la forme d’une intrigue. Paul Ricœur dans Temps et récit a montré comment la narration permet de figurer une « expérience de vie » en créant des liens de causalité entre les éléments qui s’y côtoient. La mise en intrigue intègre ainsi au sein d’une histoire les événements multiples et dispersés qui composent l’existence. En évitant d’utiliser les outils formels qui se rapprochent de la narration, Daniel Brel, au lieu de donner une continuité aux moments de l’existence préfère en explorer la discontinuité. Il renonce ainsi à dénouer le passé et le présent superposés dans le temps mélancolique.Même s’il privilégie la discontinuité, le créateur des Quatre chemins de mélancolie ne choisit pas d’éluder totalement la continuité, ainsi qu’a pu le faire John Cage avec Living Room Music, par exemple. Celle-ci se manifeste notamment à travers l’évolution de la texture sonore. Le spectre harmonique, dans Soleil froid, peut être comparé à la lumière produite par un vitrail. Celle-ci évolue au cours de la journée de manière prévisible en fonction du mouvement du soleil, et imprévisible à cause du passage des nuages dans le ciel. De la même manière, la matière sonore produite par l’instrumentation et le langage harmonique chamarré, assure la cohésion de la forme sans l’enfermer dans un système.

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La « musique mélancolique » de Daniel Brel évite la théâtralisation du discours en explorant la discontinuité de l’existence. Elle est à l’opposé de l’esthétique baroque qui s’applique à renouer, par le biais de la représentation, la ligature perdue entre les mots et les choses. On peut donc s’interroger sur les raisons qui ont poussé Daniel Brel et le Poème Harmonique à interpréter ces œuvres sur des instruments du xviie siècle associés au bandonéon. Dès les premières répétitions, la cohérence entre les différents instruments s’est imposée comme une évidence dans l’acoustique de la Chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours. Les violes et le bandonéon utilisent le vibrato en tant qu’ornement, et non-pas comme un élément constitutif de leur timbre. Le bandonéon, comme le théorbe, affectionne les harmonies resserrées et la dissonance des intervalles de seconde. Ces affinités ne sont pas le fruit du hasard : le bandonéon a été conçu en Allemagne, au xixe siècle, pour faire fonction d’orgue dans les paroisses pauvres. Tous ces instruments ont ainsi, à des moments différents de l’histoire, partagé une fonction identique : celle d’accompagner la liturgie. Ils sont de par leur facture, adaptés à l’acoustique réverbérante des églises. Pourtant, malgré ces concordances, la viole et le théorbe sont opposés au bandonéon par leurs connotations. Les instruments anciens évoquent de nos jours le clair-obscur et les fastes baroques. Le bandonéon est associé à l’imaginaire urbain du tango. Leur union, réalisée par la musique de Daniel Brel, neutralise une part de ces connotations et révèle ces instruments dans leur sens littéral. Ainsi, Berceuse funéraire réunit le bandonéon et le dessus de viole dans la même simplicité poignante. Les yeux dans les étoiles renouvelle notre perception de la basse de viole par l’utilisation d’harmonies proches de la milonga. Celles-ci mettent en relief une richesse que l’habitude d’une écoute conditionnée avait pu nous faire oublier.

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Ni des affinités entre les timbres, ni le désir d’entendre ces instruments hors de leur contexte ne peuvent cependant suffire à expliquer le cheminement de Daniel Brel et du Poème Harmonique. En réalité, cet enregistrement n’est pas l’aboutissement d’une réflexion rationnelle mais d’une rencontre qui ignore la logique et l’ordre qui contraignent les pratiques musicales. Depuis quelques années, cette logique s’est assouplie et de nombreux projets ont vu le jour, qui réunissent des musiciens venus d’horizons différents. Mais si les mélanges dans lesquels chacun se résume à ce qu’il représente sont fréquents, les rencontres qui révèlent l’essentiel sont toujours exceptionnelles et risquées, car, hors de leurs identités sociales, les pratiques musicales se trouvent confrontées à leurs contradictions. C’est peut-être parce que sa musique s’imprègne de la vie au lieu de la mettre en forme, que Daniel Brel a su à la fois susciter et accepter une telle rencontre.

Jean-Luc Tamby

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Plages musicales :Daniel Brel, 1, 2, 3, 4, 6, 14, 15, 16

Kaori Uemera, 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16Martin Bauer, 1, 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16Sylvia Abramowicz, 1, 3, 4, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16

Isabelle Saint Yves, 1, 2, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16Vincent Dumestre, 1, 2, 3, 4, 8, 10, 12, 13, 14, 16

Photos :Daniel Brel, pages 3, 12 & 27

Vincent Dumestre, pages 7 & 24Kaori Uemura, page 18

Sylvia Abramowicz, page 17Isabelle Saint Yves, pages 3 & 21

Martin Bauer, page 23

Illustration page 7 : Albrecht Dürer, « Melancholie » (Melencolia), 1514 crédit AKG Paris

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‘Four paths of melancholy’

Le Poème Harmonique’s first recording of instrumental music is devoted to the composer Daniel Brel, born in 1950, whose œuvre – a melting pot of all sorts of influences – defies definition. His music cannot be pigeonholed; it belongs to no contemporary movement. It may come as a surprise that an ensemble generally specialising in the seventeenth-century repertoire should decide to perform such music. This recording is in fact the outcome of a keen exchange of ideas, over many years, between Daniel Brel and Vincent Dumestre. It was time to bring about an encounter between the bandoneon and early instruments. But how, with such diverse influences and no conformity to any aesthetic movement, could the result possibly be coherent? And why decide to use early instruments to play modern music that, through the bandoneon, has such obvious connections with the tango and the milonga?

One’s first, superficial impression on hearing Mouette or Un bateau qui s’en va may be that Daniel Brel is a composer of popular music with a fine gift for melody. But after listening more carefully, one realises that there is more to his music than that. More subtlety. In tango, dissonance is used to dramatise the discourse, which is never the case here. In Hommage, he uses contrapuntal elements to bring out the theme, thus diverting our attention, preventing us from being charmed by the melody alone. Likewise, we might think at first that Nuit, Elegie and Quatre chemins, for instance, are the work of a ‘neo-tonal’ composer - one who, breaking with avant-garde movements, has retreated into a musical aesthetic that was prevalent in France in the early twentieth century. But closer examination shows that, though influenced by that musical tradition, Daniel Brel’s language differs from it in many ways. The harmony, which is very tense,

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has no particular orientation. Similarly, his melodic invention, though rich, does not necessarily engender a development and its logic appears to defy academic analysis. Despite this diversity of influences, however, we have to admit that Daniel Brel’s music is markedly coherent. But that coherence cannot be explained by the fact of belonging to any particular movement. In order to try to understand this, perhaps we should take a look at the composers chosen title: Quatre chemins de melancolie – ‘Four paths of melancholy’.

Etymologically, melancholy is the condition of having ‘black bile’. The Old French melancolie (taken into Middle English) came via late Latin from the Greek melankholia, from melas, melon-, black, and kholê, bile. In early Western physiological theory, adopted from the Ancient Greeks (and the influence of which continued into the nineteenth century), melancholy was a cardinal humour, i.e. one of the four chief fluids of the body – blood, phlegm, yellow bile (choler) and black bile (melancholy) – that were thought to determine a person’s physical and mental qualities by the relative proportions in which they were present. Melancholy was not in itself a sickness, but in excess it was believed to cause the depression and gloom with which it was finally assimilated. Closer to our time, Freud described melancholy by comparing it to the grieving process following bereavement. In his essay Mourning and Melancholy, he wrote: ‘Grief is always the reaction to the loss of a loved object or of an abstraction created as a substitute for that object.’ Faced with the reality of bereavement, mourning involves gradually achieving detachment from that object. Melancholy, according to Freud, is an inability to accomplish that process. The object that has been lost goes on living in the mind. Instead of resolving its attachment, the self withdraws into constant remembrance, self-inflicted suffering, and despair. Thus, in Desdichado, Gerard de Nerval is disconsolate

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because ‘his only star is dead’ (‘sa seule étoile est morte’). Daniel Brel’s compositions are often nostalgic, and even deeply sad (Élégie). But unlike Nerval’s poetry or the music of John Dowland, they are not centred on loss and therefore on the pathology of melancholy. And he also expresses joy and humour (as in Mouette). The distinctiveness of his music does not lie in the expression of melancholy. Yet when asked to define his art, the composer uses the term ‘musique mélancolique’. If the identity of Daniel Brel’s music is not to be found in melancholy itself, perhaps it lies in one of its effects, i.e. a change in the perception of time. In a person suffering from melancholy, time is perceived differently because the subject, constantly living on memory, cuts himself off from the outside world. In the end the past is superposed on the present. The perception of time, instead of being linear, becomes circular. Thus Daniel Brel’s music is completely ‘retrospective’, constantly recalling other music from the past: the tango of Astor Piazzolla, the works of Henri Sauguet and Jean Wiener, French chansons... John Adams also incorporated heterogeneous elements from the past (ragtime, early counterpoint, New Orleans jazz) into his Fearful Symmetries. But his approach is post-modernist; he turns to the past as a means of placing himself in relation to other tendencies in modern music. While rejecting the avant-garde aesthetic, Adams is taking a stand as an active participant in the history of music. For Daniel Brel, however, reference to the past is never an aesthetic parti pris. He makes no attempt to deny or ignore the history of music, but stands on its fringe: in his approach to composition, it is not his position in the history of music that is important, but his personal history.

Indeed, most of the pieces recorded here were inspired by actual events. But their titles are not explicit and Daniel Brel is careful not to provide a commentary on the circumstances of their composition. And when it comes to composing, he

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readily loses himself in the intricacies of his modulations (in Élégie, for example). He avoids organising his pieces formally around culminations. Thus he gives up the idea of dramatising the discourse by submitting it to what compositional tradition calls a development. In a fugue or a sonata, but also in many contemporary works, the development may be compared to the narrative technique that, in literature, enables the writer to use real or fictitious events to create a plot. Paul Ricoeur, in Temps et récit, shows how the writer can employ narrative to represent a ‘slice of life’ by creating causal relations between its various elements. The author thus uses the plot to integrate the many separate parts of existence. In avoiding the formal tools that come close to narrative, Daniel Brel, instead of giving continuity to the moments of existence, explores their discontinuity. He gives up the idea of unravelling the past and the present, superposing them instead in ‘le temps mélancolique’. The author of Quatre chemins de melancolie favours discontinuity but, unlike John Cage in Living Room Music, for example, he does not exclude continuity altogether. It appears in the progression of sound texture, for example. The harmonic spectrum in Soleil froid may be compared to light filtering through a stained-glass window, changing predictably with the sun’s motion as the day advances, and unpredictably with the presence of clouds in the sky. Likewise, the sound material produced by the instrumentation and the composer’s richly coloured harmonic language ensures that the form is cohesive, but without confining it to a system.

In his ‘musique mélancolique’, Daniel Brel avoids dramatising the discourse by exploring the discontinuity of existence. His music contrasts with the Baroque aesthetic, which tries by visible, ostentatious means to show up the lost relationship between words and things. We may wonder, therefore, what prompted Daniel Brel and Le Poème

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Harmonique to combine seventeenth-century instruments with the bandoneon in the performance of these works. The coherence between the different instruments was quite obvious right from the start, at the first rehearsals in the acoustics of the Chapel of Notre-Dame de Bon-Secours. The viols and the bandoneon use vibrato as an ornament rather than as a constituent element of their timbre. The bandoneon, like the theorbo, has a fondness for condensed harmonies and dissonance (intervals of a second). Such affinities are no mere coincidence: the bandoneon was invented in nineteenth-century Germany to replace the organ in poor parishes. Thus, at different times in history, all these instruments had exactly the same function: that of accompanying the liturgy. They were designed to be played in the echoing acoustics of churches. But the connotations of the viol and theorbo are very different from those of the bandoneon. Early instruments conjure up for us today the chiaroscuro and the pomp and splendour of Baroque, while the bandoneon is associated with the realm of fancy of the urban tango. In bringing them together, Daniel Brel neutralises those connotations to some extent, revealing the instruments more ‘literally’, without their usual references. Thus, in Berceuse funéraire the bandoneon and the treble viol share the same poignant simplicity. In Les yeux dans les étoiles, harmonies calling to mind the milonga give us a different perception of the bass viol, bringing out a richness that our conditioned ears had almost forgotten. Similar timbres, a desire to hear these instruments outside their usual context... Are those the only reasons why Daniel Brel and Le Poème Harmonique decided to make this recording? It was also prompted by a desire to set aside the logic and order that generally keep musical practices in check, and to create something original. A relaxing of the rules and greater flexibility have given rise in recent years to many projects involving

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musicians from different horizons. But very often each musician keeps to his own field, as if daunted by the risks and possible contradictions. Originality is the exception. Daniel Brel’s music is part of life itself; it is immersed in life. Perhaps that is really what inspired this encounter, and the reason why he accepted.

Jean-Luc TambyTranslation: Mary Pardoe

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Plaisir d’amourChansons & romances de la France d’autrefois

1. Quand je menai les chevaux boire 5’202. Jan Petit que danse 2’253. La Louison 4’574. La religieuse rebelle 2’295. La Péronnelle 3’046. Mort et convoi de l’invincible Malbrough 6’227. Les tendres souhaits 3’198. Bourrée 2’189. La blanche biche 6’1010. N’èran tres fraires 3’4911. Ah! vous dirai-je maman 1’5512. Tambourin 2’0213. Qui vòu audir cançon 4’0714. La Furstenberg 3’2215. Plaisir d’amour 2’33

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Le Poème HarmoniqueVincent Dumestre

Claire Lefilliâtre, chantBrice Duisit, chant

Isabelle Druet, chant

Odile Edouard, violonAnne-Marie Lasla, dessus de viole

Magali Imbert, psaltérion & tambourPierre Hamon, flûtes & cornemuse

Christophe Tellart, vielle à roue & cornemuseIsabelle Saint-Yves, basse de viole

Nanja Breedijk, harpeArthur Schoonderwoerd, pianoforte à tangentes

Vincent Dumestre, guitare & théorbe

Avec la gracieuse participation de Serge Goubioud & Arnaud Marzorati pour la chanson de Malbrough

Prise de son, direction artistique & montage numérique : Hugues DeschauxEnregistré en juin 2004 à Paris, Chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours

Photographies : Robin Davies

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Nos remerciements vont tout d’abord à Damien Vaisse pour le patient et minutieux travail de recherche des sources musicales et littéraires, qui a nourri notre travail d’interprétation tout au long de l’année qui a précédée l’enregistrement de ce disque. Nous remercions également Jean-Luc Tamby pour ses réflexions à l’origine de ce projet, Brice Duisit pour la restitution du texte en occitan de Jan Petit que danse, Jean-Jacques Casteret et Maurici Romieu pour nous avoir apporté leurs connaissances sur les traditions musicales en Occitanie, Gilles Crouzet pour ses précieuses recherches, Annick Ostertag pour son travail de mise en partition, Olivier Durif et Jean-François Vrod pour leur collectage de La Louison, Frédéric Paris pour nous avoir fait connaître sa version de La religieuse rebelle.

Ce disque est dédié à Geneviève Chevallier et à Julien Gracq, qui m’ont fait découvrir, l’une et l’autre, les chemins perdus qui mènent à ces chansons.

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SourcesQuand je menais les chevaux boire*

Tradition orale, recueillie dans la région du Havre. Citée dans J. Canteloube, Anthologie des chants populaires français, t. 4, 1951.Jan Petit que danse*Timbre et mélodie populaire à partir du xviiie siècle. La première source attestée est l’édition de 1675 de François Colletet, Noëls nouveaux (sur l’air renouvellé du curé de Môle). On le retrouve dans la Parodie de Castor et Pollux représentée par les Comédiens italiens du Roy le 14 décembre 1737, chez Collé en 1768, puis dans la Clé du Caveau en 1811. Le timbre et la mélodie ont persisté dans la danse folklorique du Sud-Ouest aux xixe et xxe siècles.La Louison*Chanson de conscrit, de tradition orale, dont l’origine est probablement le Pays de Retz. Collectage en Auvergne par Olivier Durif et Jean-François Vrod.La religieuse rebelle*Complainte récoltée en 1844 par A. Millien et J.-G. Pénavaire, et éditée dans Littérature orale et traditions du Nivernais, chants et chansons, 1906.La Péronnelle*Chanson de tradition orale attestée par Davenson (Le livre des chansons, 1957) et Canteloube (op. cit.). Sources dans la musique savante : dès le xve siècle dans le Chansonnier de la Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 12 744, publié par G. Paris et A. Gevaert, Chansons du xve siècle..., 1875. La chanson est étudiée dans G. Doncieux et J. Tiersot, Le romancéro populaire de la France, 1904 (timbre d’après le chansonnier et deux autres sources, H. Fresneau, Parangon des chansons, tiers livre, 1538 et J. Lefebvre, Meslanges de musique, 1613).Mort et convoi de l’invincible Malbrough*Timbre probablement dû à un chansonnier du xviiie siècle. Elle fut chantée à la cour par la nourrice

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du dauphin de Marie Antoinette : de là son thème se répandit partout (on dit que Napoléon l’entonnait quand il entrait en campagne)et fut parodié maintes fois. Nous avons utilisé le texte imprimé par Dumersan (Chants et chansons populaires de la France, Chansons choisies, romances, rondes et complaintes, 1860).Les tendres souhaitsParfois attribuées à tort à Jean-Jacques Rousseau, les paroles sont de Charles Henri Ribouté et le timbre est un air de Giovanni Battista Pergolesi. On en trouve de nombreuses versions anciennes (Vaudevilles, parodies, brunettes, BNF, Vm7 499, ms. fr, fin xviiie siècle ; Chansons choisies avec les airs notés, 1782 ; Charles Doisy, Six pots-pourris, 1805, air arr. et varié pour guitare) et modernes (c’est l’air que joue le marchand de sable de Bonne nuit les petits quand il s’en est allé après avoir jeté son sable lors du générique de fin).BourréeDanse folklorique traditionnelle du Berry: Transcrite par Frédéric Chopin, dans l’Album de George Sand.La blanche biche*Recueillie dans la tradition orale en 1841 et publiée par G. Doncieux et J. Tiersot (Le romancéro populaire de la France, 1904), la chanson a été retrouvée dans une zone allant de la Vendée à la Normandie orientale. Elle figure également dans H. Davenson, op. cit.N’èran tres fraires*Chanson en langue d’oc, de tradition orale, très répandue en Occitanie centrale et en Piémont. Davenson (op. cit.) note la forme française de cette chanson populaire (La maumariée vengée par son frère). Cette complainte est passée dans le répertoire des chansonniers parisiens et fut paraphrasée en style troubadour par Moncrif (Les infortunes inouïes de la tant belle, honnête et renommée comtesse de Saulx, 1751). Nous avons choisi la version gasconne en graphie classique de Maurici Romieu et le timbre proposé par Davenson.

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Ah ! vous dirai-je mamanLe timbre de cette bergerie se trouve dès 1740 (d’après Davenson, op. cit.) et est édité par François Bouin (La vielleuse habile, 1761) et Michel Corrette, (La belle vielleuse, 1783). Outre les célèbres variations KV 265 de Wolfgang Amadeus Mozart, on lui connaît des Parodies spirituelles (Nicolas Crapart, Opuscules sacrés et lyriques, 1774) ainsi que des versions pour pianoforte ou clavecin (Josse François Joseph Benaut, Ah ! vous dirai-je maman, avec 24 variations, 1777) qui ont inspiré notre choix interprétatif.TambourinM. Corrette, La belle vielleuse, 1783. La vogue de cette danse d’origine populaire sur les scènes parisiennes vient notamment des fameux tambourins de Rameau (Les Indes Galantes, 1735).Qui vòu audir cançon*Plusieurs sources anciennes sont données par P. Coirault (Recueil de chansons choisies, ms. fr., 2e moitié du xviiie siècle, BNF, Rés. Vm. Crlt 72 ; Airs provençaux, 1745-1749, BNF, Weck 140 D). Le timbre est celui que propose Davenson (op. cit.) pour Les tristes noces, les paroles sont une version en occitan gascon de Maurici Romieu d’après les paroles des Tristes noces.La FurstenbergDe nombreuses versions populaires et savantes existent. L’enregistrement reprend le thème d’une version pour violon seul (ms. fr. entre 1769 et 1789, BNF, Vm7 4865), augmentée d’improvisations proposées par Odile Edouard. On retrouve ce timbre chez Philidor (Suite de danses pour les violons et hautbois, 1712, BNF, Vm7 3555), dans un Recueil de Contredances transposée pour la viele, BNF, Vm7 3643), pour quatuor de violons (Purcell, The Virtuous Wife, pour cistre ou guitare (H.A.J de Villers, Premier recueil d’ariettes, menuets et allemandes, arrangés pour le cistre ou guittare allemande, 1775), pour clavecin (Recueil de pièces pour clavecin, ms. fr., fin xviiie s., BNF, Vm7 6307).Plaisir d’amourRomance du poète Jean-Pierre Claris de Florian, mise en musique par Jean-Paul-Egide Martini. De

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nombreuses versions pour clavecin, guitare (La Chabeaussière, Romance nouvelle de M. le Chevalier de Florian, Air de M. Martini, Etrennes de polymnie, 1785), pianoforte (Louis Weiskopf, Six airs tirés des opéras les plus nouveaux variés pour le piano-forte... 1798). Berlioz l’instrumenta pour orchestre en 1859, et elle a figuré et figure encore au répertoire de tous les plus grands interprètes de chansons.* Arrangements Vincent Dumestre.

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« O vieille chanson de nos pères ! Plus tard, dans le silence des bibliothèques,où tu dormiras ton lourd sommeil, nos petits neveux viendront te demander par quel secret

tu sus enchanter l’âme du peuple à l’âge de la vigueur passée. (...) »Achille Millien, Littérature orale et tradition du Nivernais,

Chants et chansons du Nivernais, avril 1906.

« La Nature a créé l’homme libre, joyeux, chantant ; l’art et la société le rendent fermé, défiant, muet »1. Aux yeux des érudits de la fin du xviiie siècle, la chanson populaire apparaît comme une création naïve et spontanée incarnant l’âme collective, par opposition à l’œuvre d’art, création réfléchie, résultat d’un talent personnel conscient de ses moyens et de sa fin. S’opposant au caractère artificiel de la culture sophistiquée du Siècle des Lumières, les romantiques constatent avec exaltation le caractère énigmatique et quasi féerique de ces œuvres anonymes et spontanées, leurs auteurs, supposés inconnus, n’étant que les interprètes inconscients d’une matière poétique.

Tandis que l’opéra s’épanouit pleinement et donne au xixe siècle sa réputation d’âge d’or du chant, ce même siècle découvre et se délecte de ce répertoire, prenant plaisir aux rusticités, aux archaïsmes de ces chansons simples et émouvantes, au point de priser leurs gaucheries, les déformations dans les textes ou simplement les assonances archaïsantes à la place des rimes, qui laissent une impression singulière d’irrationnel et de mystère poétique.

Cette vision romantique d’un archaïsme exotique de la chanson populaire s’annonce dès le milieu du xviiie siècle avec la mode des bergeries et l’utilisation d’instruments désuets ou traditionnels – vielles à roue, psaltérions, ou cornemuses ‒ et se perpétue au xixe siècle, comme on le voit dans la première publication, en 1842, des vieilles ballades françaises de Gérard de Nerval, et jusque dans les travaux d’Achille Millien2 qui parle en 1906 du « bon génie populaire ».

Avec le recul du temps cette pensée s’avère illusoire. La chanson populaire est un répertoire complexe, et le lien entre ces œuvres disparates est tout subjectif : c’est au fond l’ethos populaire

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qu’elles revêtent aux yeux du lettré. Et ce caractère subjectif est mouvant, qui dépend de notre culture littéraire et musicale. Bien des chansons qui ont paru ou paraissent encore « populaires » sont en réalité des productions plus ou moins savantes, adoptées par le peuple : l’auditeur ne considère comme authentiquement populaires que celles qu’il ne connaît pas déjà par ailleurs. Ainsi, pour l’amateur parisien de théâtre au xviiie siècle, l’air de Jan Petit que danse n’a rien d’une chanson populaire : il y reconnaît le timbre du Curé de Môle, entendu par exemple dans la Parodie de Castor et Pollux, représentée par les Comédiens italiens du Roy le 14 décembre 1737. De même, pour l’auditeur qui a de la musique de Beaumarchais une connaissance approfondie, la mélodie de Malbrough perd sa patine populaire et n’est plus qu’un air du Mariage de Figaro.

Qu’est-ce alors qu’une chanson populaire ? À défaut de pouvoir exprimer la cohésion de ce répertoire par son contenu intrinsèque, il nous faut plutôt le définir par la manière dont il est parvenu jusqu’à nous. Les modes de propagation de la musique populaire sont nombreux : la part des recueils imprimés est considérable, et certaines publications3 ayant eu une grande influence ont pu sauver des chansons de l’oubli. Mais les ateliers d’artistes, les salons, les milieux étudiants et les familles ont joué aussi un grand rôle. Par ailleurs, l’usage de la parodie a permis de conserver le timbre de nombreuses chansons. Enfin, les colporteurs ont depuis le xviiie siècle largement propagé dans les villes et les villages les refrains et les complaintes à la mode à Paris, que, plusieurs dizaines d’années plus tard, les folkloristes tels que Weckerlin ont redécouvert dans les provinces françaises.

Nous avons tenu compte de ces différents modes de connaissance de la chanson pour établir, avec la part de subjectivité que cela comporte, un choix de pièces qui donne une vision équilibrée des moyens par lesquels la chanson, entre 1750 et 1850, a pu survivre à l’oubli. Choix arbitraire bien évidemment, car ces chansons non seulement appartiennent au patrimoine français au sens large, mais pour avoir été entendues et chantées, pour certaines par chacun d’entre nous, elles sont nôtres personnellement et intimement, par les souvenirs et les sentiments auxquels elles sont liées.

Vincent Dumestre, juillet 2004.

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1 Johann Gottfried von Herder, Sämmtliche Werke, 1774.2 Achille Millien, Littérature orale et tradition du Nivernais, Chants et chansons du Nivernais, 1906-1910, 3 t.3 Jean-Baptiste Weckerlin, La chanson populaire, 1886.

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voulez-vous ouïr chanson, chansonnette nouvelle ? C’est ainsi que s’ouvre mainte chanson du temps passé, avant de nous entraîner dans quelque histoire tendre, touchante, drôle ou cruelle. Parvenues à nous selon des voies diverses, souvent accidentées et retorses, les chansons ont traversé les siècles et les frontières, changeant ici de texte, là de timbre, adoptant de chaque région la langue, la musique, les usages et l’histoire1.

L’écart entre la culture populaire et la culture savante paraît s’être accentué au cours des xviie et xviiie siècles, mais les chansons occupent une place à part dans la musique, jouant un rôle de passeur entre la campagne et la ville, la musique populaire et la musique savante. Les musiciens, aussi doctes fussent-ils, avaient également en tête les chansons que leur chantait leur nourrice, et celles qu’ils entendaient dans la rue, lors des fêtes ou au cabaret. Les échanges furent parfois si nombreux que les pistes sont aujourd’hui définitivement brouillées, et qu’il est vain de vouloir rechercher l’origine d’un air. Voici par exemple le timbre de La Furstenberg. Il est harmonisé pour quatuor de violons par Purcell pour la comédie The Virtuous Wife, et nous en trouvons des réminiscences dans l’Europe galante de Campra en 1697. Henry Playford l’inséra en 1703 sous le titre Saint Martin’s Lane dans son recueil The Dancing Master, qui contient de nombreuses danses populaires. En France il se diffusa sous le nom de La Furstenberg, peut-être pour persifler la comtesse de ce nom qui était, disait-on, la maîtresse du prince-évêque de Strasbourg. Les paroles qu’en donne Ballard dans son Recueil d’airs sérieux et à boire de différens auteurs en 1700 sont particulièrement grivoises. L’air était pourtant connu à la cour. Philidor le copia en 1712 dans un recueil des danses qui se jouent ordinairement à tous les bals chez le roy et il figure aussi, copié à la main, dans de nombreux cahiers d’amateurs2.

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Nous sommes plus assurés avec les romances qui fleurirent dans les salons aristocratiques au xviiie siècle. Elles sont souvent d’origine savante et leurs auteurs sont généralement connus, même si certaines d’entre elles passèrent ensuite dans le répertoire populaire et se transmirent oralement. Racontant d’un ton naïf et simple quelque histoire tendre ou touchante, souvent mélancolique, sur une mélodie facile et « naturelle », elles font la part belle au goût pastoral et galant, comme en témoignent Les tendres souhaits, de Charles-Henri Ribouté (1708-1740), contrôleur des rentes, qui emprunta son timbre à un air de Pergolèse, ou la chanson Ah ! vous dirai-je maman – dans sa version d’origine (Mon cœur dit à chaque instant / Peut-on vivre sans amant !) et non dans celle destinée aux enfants (Moi je dis que les bonbons / Valent mieux que les leçons). L’attrait pour les amours champêtres ne s’était jamais démenti depuis la parution en 1607 de L’Astrée d’Honoré d’Urfé. Les recueils de chansons étaient remplis de Sylvie et de Sylvandre, de bergers avec moutons, chien et houlette, de bosquets et d’onde pure. Prenons par exemple Plaisir d’amour. Le texte de cette romance figure dans Célestine, nouvelle espagnole, du poète Florian. Célestine, se croyant abandonnée par son amant, trouve refuge dans une grotte, d’où elle entend le son d’une flûte champêtre et la voix d’une jeune chevrier qui chante, les yeux mouillés, « sur un air rustique », le chagrin d’avoir perdu l’ingrate Sylvie. Martini mit en musique en 1785 cette chanson qui connut alors un succès éclatant. C’était l’époque où Marie-Antoinette, fuyant l’étiquette de la cour, jouait à la bergère dans un hameau d’opérette construit au fond du parc de Versailles. Aimables bluettes que ces romances de salon ? Peut-être, mais leur fortune prouve qu’elles parlaient réellement au cœur du public et se trouvaient en résonance avec la sensibilité du temps. Cette nostalgie du retour aux sources, dont témoigne aussi bien le succès du Devin de village de Rousseau en 1752, était peut-être le contrecoup du fossé qui s’était creusé entre le peuple et l’élite.

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La faveur d’un timbre ou d’une chanson dans le public peut se mesurer aux multiples renouvellements qu’ils suscitaient. Sur les airs à la mode, les poètes de salon proposaient leurs propres vers. Les tendres souhaits pouvait ainsi devenir La romance de Clarisse, L’infidélité pardonnée, L’heureuse disposition ou encore La mouche expirante, à une dame qui la faisait souffrir3, et Malbrough, La belle indécise4. Les timbres populaires se retrouvaient également dans les parodies d’opéra et les opéras comiques. Quand au plus fort du conflit avec les comédiens du roi, les comédiens des théâtres de foire s’étaient vu interdire de parler et de chanter, donc réduits à la pantomime, ils présentaient au public sur des rouleaux ou des pancartes le texte à lire ou à chanter, sur les airs les plus connus. Une fois l’interdiction levée, cette habitude de truffer les pièces de timbres à la mode subsista lorsque naquit peu après le genre de l’opéra comique. L’air du Curé de Môle, qui est aussi celui de Jan Petit que danse, se trouve ainsi dans une parodie de Castor et Pollux de Rameau représentée par les comédiens italiens en 17375, et le timbre de La Furstenberg est repris en 1762 pour un air d’Annette et Lubin d’Adolphe Blaise.

L’utilisation d’airs connus à des fins d’édification témoigne de leur pouvoir d’émotion, sur laquelle on comptait pour fortifier les esprits dans la foi chrétienne. Le timbre du Jan Petit que danse (ou du Curé de Môle) fut ainsi publié sous forme de noël en 16756. Ah ! vous dirai-je maman devient un cantique avec pour paroles Ô digne objet de mes chants, ou Ô vous dont les tendres ans dans les Opuscules sacrés... à l’usage des catéchismes de la paroisse de Saint-Sulpice7. Dans le même recueil, Les tendres souhaits, aimable chanson pastorale, sert à mettre en musique la Passion du Christ, sur les paroles Au sang qu’un Dieu va répandre ! Juste retour des choses pour les chansons profanes dont beaucoup avaient emprunté leur timbre à la musique liturgique.

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La musique instrumentale puisa aussi largement dans le répertoire des chansons. Michel Corrette, dans La belle vielleuse, en 1783, donne un Malbrough en menuet et des variations sur Ah ! vous dirai-je maman et sur La Furstenberg, qui lui inspira également un Concerto comique. Nous retrouvons encore Ah ! vous dirai-je maman dans la Méthode habile de vielle publiée par François Bouin en 1761, dans la Nouvelle méthode théorique et pratique pour la flûte de François Devienne en 1794, et l’inusable romance donna aussi lieu à de multiples variations au clavier, du génial Mozart à l’obscur Benaut, auteur également de variations sur La Furstenberg. Ce goût pour les chansons populaires dans la musique instrumentale s’accompagnait d’une attention renouvelée pour les instruments « campagnards » comme la vielle à roue, que jouait la reine Marie Leszczynska, et la cornemuse, déclinée en musette dans la musique savante. Désignant également des danses à deux temps, les « tambourins » et « musettes » connurent un grand succès sur la scène au xviiie siècle. Dans les salons, les chansons étaient aussi accompagnées au violon, à la guitare, à la harpe, au clavecin ou au piano-forte, que nous entendons ici dans Plaisir d’amour et Ah ! vous dirai-je maman. À côté des chansons qui figurent dans les nombreux recueils publiés du xvie au xviiie siècle, il en circulait d’innombrables qui n’avaient pas eu l’honneur de l’écrit et se transmettaient oralement. En 1852 Hippolyte Fortoul, ministre de l’Instruction publique, fut chargé par Napoléon III de lancer une collecte des chants populaires pour élever un grand monument au génie anonyme et poétique du peuple. Des recueils furent publiés par Weckerlin, Millien, Arnaudin, Rolland, Canteloube et bien d’autres. Certains avaient été des précurseurs, tel Gérard de Nerval, qui avait publié en 1842 ses Vieilles ballades françaises collectées dans le Valois. À cette redécouverte du patrimoine folklorique par les romantiques prit part également Chopin. Lors des séjours qu’il faisait à Nohant chez George Sand, il transcrivait avec Pauline Viardot des airs traditionnels berrichons,

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comme le ferait plus tard Bartók avec les chants populaires d’Europe centrale. George Sand utilisa plus tard des transcriptions de Chopin pour la mise en scène de François le Champi, et évoque souvent vielleux et cornemuseux dans ses romans, en particulier dans Les maîtres sonneurs. Le Poème harmonique présente ici l’une des deux bourrées transcrites par Chopin qui nous sont parvenues, non dans son harmonisation pour clavier, mais jouée à deux cornemuses, telle qu’il a pu les entendre lors d’une fête de village.

C’est à ces pieux antiquaires, décrits par Anatole France8, qui allaient par les campagnes, recueillant sur les lèvres des bergers et des vieilles filandières les secrets de la Muse rustique, que nous devons de pouvoir chanter aujourd’hui encore ces chansons d’autrefois. La blanche biche avait sans doute plusieurs siècles d’existence quand elle fut transcrite dans les provinces de l’Ouest au milieu du xixe siècle. Il en est de même pour La maumariée vengée par son frère, Quand je menais les chevaux boire, La religieuse rebelle ou encore Les tristes noces. Le vocabulaire archaïque de ces chansons, l’emploi de l’assonance et non de la rime et l’usage parfois des anciens modes au lieu de la tonalité, témoignent de leur ancienneté. Transmises oralement, évoluant selon les époques, les régions et l’imagination ou les défaillances de chaque chanteur, elles présentent d’innombrables variantes de timbre et de texte. Cette plasticité invite à l’invention. N’èran tres fraires est chantée ici non sur son timbre relevé dans le Midi, mais sur le timbre de La maumariée vengée par son frère, qui n’en est pas la traduction française, mais raconte la même histoire. Qui vòu audir cançon ? a été écrite pour ce disque par le poète Maurici Romieu, comme la redécouverte d’une version occitane perdue de la chanson Les tristes noces.

Ces chansons nous parlent des émois du cœur ou de l’esprit, du merveilleux comme de l’anecdotique. Leurs thèmes trouvent leur équivalent dans les contes populaires et

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disent les joies et les infortunes individuelles ou sociales. La blanche biche est l’histoire, déjà présente sous une forme comparable dans des récits Scandinaves, d’une jeune fille métamorphosée en biche et tuée à la chasse par son frère. La maumariée est vengée par son frère comme à la fin du conte Barbe-Bleue dans la version de Charles Perrault. La même histoire est aussi racontée en « style troubadour » par Moncrif en 1751 dans Les infortunes inouïes de la tant belle, honnête et renommée comtesse de Saulx. Qui vòu audir cançon ? est l’histoire d’un mariage forcé qui sépare deux amants et cause leur perte. Quand je menais les chevaux boire dit la fragilité du destin. La Louison est à la fois chanson de conscrit et complainte de la fille-mère. L’histoire peut aussi transparaître dans le texte des chansons, en dehors de celles qui commentent expressément les événements du moment, comme les mazarinades pendant la Fronde et toutes les chansons satiriques ou politiques qui constituent un vrai journal des règnes de Louis XIV à Louis XVI et de la Révolution. La Péronnelle est ainsi l’histoire d’une jeune fille qui se sauve de sa famille et rejoint les troupes partant pour les guerres d’Italie au tournant du xve et du xvie siècle. La Furstenberg, nous l’avons vu, serait un portrait railleur. La chanson Malbrough, oraison funèbre sur un ton badin, aurait été composée peu après la bataille de Malplaquet en 1709, où les Français eurent un moment l’avantage, si bien que l’on pouvait croire que le vrai vainqueur, John Churchill, duc de Marlborough, avait trouvé la mort – il mourut en fait d’apoplexie dans son lit treize ans plus tard. Jan Petit que danse, qui passe à première vue pour une simple ronde pour enfants, n’est peut-être pas une chanson légère ; elle serait inspirée par un Jean Petit roué vif au xviiie siècle, sur ordre du Parlement de Toulouse, et l’énumération des membres évoquerait la dislocation du corps du supplicié sous les coups du bourreau.

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Que de destins singuliers pour ces chansons ! Elles disparaissent, renaissent d’un hasard, se maintiennent parfois vivantes jusqu’à nous ou ne laissent que quelques traces, en se jouant des divisions traditionnelles du temps et de l’espace. La Péronnelle, malgré ou à cause de son texte très mince, resta ainsi très vivante pendant plusieurs siècles, avant d’être quelque peu oubliée. Rabelais la cite dans le cinquième livre de Pantagruel ; elle figure dans des farces du xviie siècle et fut encore recueillie au xixe siècle dans la tradition orale, en France, en Piémont ou en Catalogne ; elle s’est perpétuée dans l’expression « chanter la Péronnelle » (parler en l’air). Le timbre des Tendres souhaits laissera sans doute une impression de déjà-entendu chez beaucoup d’entre nous : c’est l’air du marchand de sable dans Bonne nuit les petits. Si la chanson Malbrough se répandit dans le public après 1780 et subsiste toujours vivante, c’est qu’elle était chantée au Dauphin par sa nourrice, Mme Poitrine, qui la tenait de son village, et qu’elle plût à la reine Marie-Antoinette. La cour la reprit après elle et elle gagna Paris. Dans Le mariage de Figaro, Beaumarchais fait chanter à Chérubin l’air de Malbrough en remplaçant le refrain Mironton mironton mirontaine par Que mon cœur, que mon cœur a de peine ! La chanson contre le malheureux duc anglais se trouvait en outre en résonance avec l’actualité, la France s’opposant alors à l’Angleterre dans la guerre d’indépendance des États-Unis. Plaisir d’amour, qui conclut le disque, est l’archétype de la chanson au succès constant, qui se prête à toutes les métamorphoses, de la version pour baryton et orchestre de chambre de Berlioz à l’interprétation de Joan Baez en 1968.

Damien Vaisse

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1 Le texte qui suit doit beaucoup à quelques ouvrages de référence sur la chanson, notamment : T. M. DUMERSAN et H. COLET, Chants et chansons populaires de la France, t. 3, Paris, 1860 ; G. DONCIEUX et J. TIERSOT, Le romancéro populaire de la France, Paris, 1904 ; J. CANTELOUBE, Anthologie des chants populaires français groupés et présentés par pays ou provinces, Paris, 1949-1951,4t. ; H. DAVENSON, Le livre des chansons : introduction à la chanson populaire française..., 3e éd., Paris / Neufchâtel, 1955 (Les cahiers du Rhône) ; P. COIRAULT et al., Répertoire des chansons françaises de tradition orale, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1996-2000, 2 t. ; C. DUNETON et É. BIGOT, Histoire de la chanson française, Paris, Seuil, 1998, 2 t.2 Voir N. DUFOURCQ, « La Furstenberg et Benaut », Recherches sur la musique française classique, t. 1, 1960, p.209-213 ; G. OLDHAM, « La Furstenberg and Purcell », ibidem, t. 3,1963, p. 39-41. La copie de Philidor est conservée à la Bibliothèque nationale de France, sous la cote Vm7 3555. Dans les collections de cette bibliothèque, outre les éditions imprimées, nous trouvons encore des versions manuscrites de La Furstenberg dans des recueils pour vielle à roue (Vm7 3643), pour violon (Vm7 4865), pour clavecin (Vmb ms. 63, Vm7 6307/2) ou pour guitare (Cons. Rés. F 844).3 Chansons choisies avec les airs notés, Londres, 1785, t 1.4 Étrennes de polymnie, Paris, 1785.5 J. A. ROMAGNESI et L. A. RICCOBONI, Castor et Pollux : parodie représentée pour la première fois par les comédiens italiens ordinaires du roy, le 14 décembre 1737, Paris, 1737.6 F. COLLETET, Noëls nouveaux, 1675.7 Opuscules sacrés et lyriques ou cantiques sur différents sujets de piété..., 8e éd., Paris, 1774.8 Cité dans A. MILLIEN, Littérature orale et traditions du Nivernais : chants et chansons, t.1 : Complaintes, chants historiques, Paris, 1906, p. V.

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1. Quand je menais les chevaux boireAnonyme

En menant les chevaux boire j’entendis le coucou chanterIl me disait dans son langage « ta bien-aimée ils vont l’enterrer »- Ah que dis-tu méchante bête j’étais près d’elle hier au soirMais quand je fus dedans la lande j’entendis les cloches sonnerEt je fus dedans l’église j’entendis les prêtres chanterDonnais du pied dedans la châsse « réveillez-vous si vous dormez ! »- Non je ne dors ni ne sommeille, je vous attends dedans l’EnferVois ma bouche est pleine de terre et la tienne est pleine d’amourAuprès de moi reste une place et c’est pour toi qu’on l’a gardée.

As I was taking the horses to waterAnonymous

As I was taking the horses to water I heard the cuckoo sing,It told me in its language: They are going to bury your beloved.- Ah, what are you saying, wicked bird? I was with her last evening.But when I was on the heath I heard the bells ringing,And when I was in the church I heard the priests singing.I gave the reliquary a kick: Wake up if you are asleep!- No, I am neither asleep nor dozing; I am awaiting you in hell.See, my mouth is full of earth and yours is full of love,There’s a place beside me and it has been kept for you.

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2. Jan Petit que dança

Jan Petit que dança, dab lo Rei de FrançaDab lo dit, dit, dit, Jan Petit que dança !Dab lo pè...Dab la cama...Dab lo cap...Dab lo nas...Dab la boca...Dab la man...Lo braç...Lo cobde...La cueisha...Lo jolh...

Jan Petit danse... (Anonyme)

Jean Petit danse avec le Roi de FranceAvec le doigt...Avec le pied...Avec la jambe...Avec la tête...Avec le nez...Avec la bouche...Avec la main...Avec le bras...Avec le coude...Avec la cuisse...Avec le genou...

Little John is dancing (Anonymous)

Jean Petit is dancing, with the King of FranceWith his finger, finger, finger, Jean Petit is dancing!With his foot ...With his leg...With his head...With his nose...With his mouth...With his hand...arm ...elbow...thigh...knee...

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3. La LouisonAnonyme

En remontant la place d’armesJ’ai entendu ma LouisonAh ! qu’elle pleurait, versait des larmes D’avoir perdu son cher amant

Ne pleure pas charmante LouiseCar dans six mois je reviendraiJe reviendrai de ma campagneJe reviendrai pour t’épouser

Et quand l’enfant viendra à naîtreTu lui feras porter mon nomJe m’appelle Louis sans gèneJe suis un garçon sans façon.

LouisonAnonymous

As I was walking up the parade groundI heard my dear Louison.Oh, how she was weeping, shedding tears, Because she had lost her dear lover!

Weep not, charming Louise,For in six months I shall be back,I’ll be back from my campaign,I’ll be back to marry you.

And when the child is bornYou will give him my name.My name is Louis without any fuss,I’m a simple lad.

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5. La PéronnelleAnonyme

Avez vous vu la PéronnelleQue les gens d’armes ont emmenée ?

Ils l’ont habillée comme un page :C’est pour passer le Dauphiné

Elle avait trois mignons de frèresQui la sont allés pourchasser

Tant l’ont cherchée que l’ont trouvéeA la fontaine d’un vert pré

Ou elle faisait boire sa cavale,C’était pour mieux la chevaucher

Eh Dieu vous garde, la Péronnelle !Vous n’en voulez point retourner ?

Nenni vraiment, mes beaux frères,Jamais en France n’entrerai.

PeronnelleAnonymous

Have you seen Peronnelle?The men at arms have taken her away.

They dressed her as a pageboyTo convey her through Dauphiné.

She had three dear sweet brothersWho went out looking for her.

Through searching, at last they found her, At the spring in a green meadow,

Where she was watering her mare,The better to ride her.

Hey, God protect you, Peronnelle!Do you not wish to return?

No, really, my fine brothers,Never again shall I return France.

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6. Mort et convoi de l’invincible MalbroughAnonyme

Malbrough s’en va-t-en guerre,Mironton, mironton, mirontaine, Malbrough s’en va-t-en guerre,Ne sait quand reviendra.

Il reviendra z-à Pâques,Ou à la Trinité.

La Trinité se passe,Malbrough ne revient pas.

Madame à sa tour monte,Si haut qu’elle peut monter,

Elle aperçoit son page,Tout de noir habillé.

Beau page, ah ! mon beau page,Quelle nouvelle apportez ?

Aux nouvelles que j’apporte,Vos beaux yeux vont pleurer.

Monsieur d’Malbrough est mort,Est mort et enterré.

J’l’ai vu porté en terre,Par quatre z-officiers.

L’un portait sa cuirasse,L’autre son bouclier.

Death and burial of the invincible MalbroukAnonymous

Malbrouk goes off to war,Mironton,mironton, mirontaine,Malbrouk goes off to war,Knows not when he will return.

He’ll return at Easter,Or at Trinity.

Trinity passes,Malbrouk does not return.

His wife climbs her towerAs high as she can go,

She sees her page coming,Clothed all in black.

Fair page, ah, my fair page,What news do you bring?

At the news that I bring,Your lovely eyes will weep.

My lord Malbrouk is dead,Is dead and buried.

I saw him laid in the groundBy four officers.

One bore his cuirass,The other his buckler.

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L’un portait son grand sabre,L’autre ne portait rien.

À l’entour de sa tombe,Romarins l’on planta.

On vit voler son âme,Au travers des lauriers.

Chacun mit ventre à terre,Et puis se releva

Pour chanter les victoiresQue Malbrough remporta.

La cérémonie faite,Chacun s’en fut coucher

Les uns avec leurs femmesEt les autres tous seuls.

Ce n’est pas qu’il en manque,Car j’en connais beaucoup

Des blondes et des brunesEt des chataign’s aussi.

J’n’en dis pas davantageCar en voilà-z-assez.

One bore his great sword,The other bore nothing.

Around his tombWas planted rosemary.

We saw his soul take flightThrough some laurels.

Each prostrated himselfAnd then arose

To sing of the victoriesThat Malbrouk won.

The ceremony done,Everyone went to bed,

Some with their wivesAnd the others ail alone.

It’s not that there was a lack of them,For I knew many of them,

Blondes and brunettesAnd chestnut heads too.

I shall say no more,For that is enough.

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7. Les tendres souhaitsAnonyme

Que ne suis-je la fougère,Où, sur le soir d’un beau jour,Se repose ma bergèreSous la garde de l’Amour !Que ne suis-je le ZéphyreQui rafraîchit ses appas,L’air que sa bouche respire,La fleur qui naît sous ses pas.

Que ne suis-je l’onde pureQui la reçoit dans son sein !Que ne suis-je la parureQu’elle met sortant du bain !Que ne suis-je cette glace,Où son minois répétéOffre à nos yeux une grâceQui sourit à la beauté !

Que ne puis-je, par un songe,Tenir son cœur enchanté !Que ne puis-je du mensongePasser à la vérité !Les dieux qui m’ont donné l’êtreM’ont fait trop ambitieux,Car enfin je voudrois êtreTout ce qui plaît à ses yeux.

Loving wishesAnonymous

If only I were the bracken,Whereon towards eve on a fine day,My shepherdess restsWatched over by Love!If only I were ZephyrWho refreshes her charms,The air she breathes,The flower that springs beneath her step.

If only I were the pure waterThat receives her in its breast!If only I were the dressShe dons after bathing!If only I were the mirror,In which her pretty face repeatedPresents to our eyes a graceThat smiles at beauty!

If only I could, in a dream,Hold her heart under a spell!If only I could make that delusionBecome reality!The gods who gave me beingMade me too ambitious,For in short I would like to beEverything her eyes delight in.

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9. La blanche bicheAnonyme

Celles qui vont au bois, c’est la mère et la fille.La mère va chantant et la fille soupire :« Qu’av’vous à soupirer, ma fille Marguerite ?-J’ai bien grande ire en moi, et n’ose vous le dire :Je suis fille le jour et la nuit blanche biche.La chasse est après moi, les barons et les princes,Et mon frère Renaud qui est encore bien pire.Qu’il arrête ses chiens jusqu’à demain ressie.- Où sont tes chiens, Renaud, et ta chasse gentille ?- Ils sont dedans le bois à courre blanche biche.- Arrête-les, Renaud, arrête je t’en prie ! »Trois fois les a cornés o son cornet de cuivre ;À la troisième fois la blanche biche est prise :Celui qui la dépouille dit : « je ne sais qui dire :Elle a les cheveux blonds et le sein d’une fille. »A tiré son couteau, en quartiers il l’a mise.En ont fait un dîner au baron et aux princes :« Nous voici tous illec, faut ma sœur Marguerite.- Vous n’avez qu’à manger, suis la première assise :Ma tête est dans le plat et mon cœur aux chevilles,Mon sang est répandu par toute la cuisine,Et sur vos noirs charbons, mes pauvres os y grillent ».

The white hindAnonymous

Mother and daughter go to the woods,The mother singing and the daughter sighing:- Why are you sighing, Margaret, my daughter?- There is terror within me and I dare not say why:I am a maiden by day and a white hind by night.The hunt is after me, the barons and the princes,And my brother Renaud, which is far worse.To stop his dogs until noon tomorrow.- Where are your dogs, Renaud, and your noble hunt?- They are in the wood, hunting the white hind.- Stop them, Renaud, stop them, I beg you. Three times he sounded his copper horn:- Let us send for the skinner, to skin the hind.The skinner says, I don’t know what to say:She has blond hair and a maiden’s breast.He took his knife and he quartered her.They made of her a dinner for the baron and the princes:- Here we are, all except for my sister Margaret.- You have but to eat; I am the first at table:My head is in the dish and my heart on the butcher’s hook;My blood is spattered ail over the kitchen,And on your black coals my poor bones are grilling.

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10. N’èran tres fraires

N’èran très frairesN’an qu’ua sòr a maridar.L’an maridadaAu mei maishant deu vesiat.L’a tant batudaDab un baston de verd pomèr,

L’a tant batudaDab un baston de verd pomèr,Que l’a sacradaDe la tèsta dinc a son pè.Sa camisetaA l’aigueta se’n va lavar.

Mentre que lava,Très chivalièrs van arribar.Hòu, la sirventa !On ei la dauna deu castèth ?Soi pas sirventa,Mès soi la dauna deu castèth.

Soi pas sirventa,Mès soi la dauna deu castèthDitz, ma soreta,Qui t’a mes dins aqueth estat.Aquò’s, mon fraire,Lo marit que m’avetz balhat.

Aquò’s, mon fraire,Lo marit que m’avetz balhat.E donc lo fraire

There were three brothersAnonymous

There were three brothersWho had but one sister to marry.They married herTo the wickedest man in those parts.He beat her soWith a stick from a green apple tree,

He beat her soWith a stick from a green apple treeThat from top to toeHe harmed her.Off she went to washHer smock in the stream.

As she was washing,Along came three knights.- Ho! Servant girl,Where is the lady of the castle?- I am not a servant girl,But I am the lady of the castle,

I am not a servant girl,But I am the lady of the castle.- Tell me, little sister,Who put you in this state?- It was, my dear brother,The husband you gave me,

It was, my dear brother,The husband you gave me.And so the brother

Ils étaient trois frères...Anonyme

Ils étaient trois frères ;Ils n’avaient qu’une sœur à marier.Ils l’ont mariéeAu plus méchant homme du voisinage.Il l’a tant battueAvec un bâton de pommier vert,

Il l’a tant battueAvec un bâton de pommier vert,Que son corps en a été meurtriDe la tête jusqu’aux piedsElle est allée à la rivièreLaver son corsage.

Tandis qu’elle le lave,Trois chevaliers viennent à passer.Holà, la servante !Où est la dame du château ?Je ne suis pas la servante,Je suis la dame du château.

Je ne suis pas la servante,Je suis la dame du château.Dis-moi, petite sœur,Qui t’a mis dans cet état.C’est, mon cher frère,Le mari que vous m’avez donné.

C’est, mon cher frère,Le mari que vous m’avez donné.Alors le frère

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De cramba en cramba l’a cercat.D’un còp d’espasa,la testa au maishant a copat.

Sought him out from room to room.With a blow of his swordHe cut off the wicked man’s head.

De chambre en chambre l’a cherché.D’un coup d’épée,Il a tranché la tête du méchant homme.

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11. Ah ! vous dirai-je mamanAnonyme

Ah ! vous dirai-je, maman,Ce qui cause mon tourment ?Depuis que j’ai vu Silvandre,Me regarder d’un air tendre,Mon cœur dit à chaque instant :Peut-on vivre sans amant !

L’autre jour dans un bosquet,Il me fit faire un bouquet ;Il en orna ma houlette,Me disant : « Belle brunette,Flore est moins belle que toi :L’amour moins tendre que moi. »

Je rougis et par malheur,Un soupir trahit mon cœur :Le cruel avec adresseProfita de ma faiblesse.Hélas ! maman, un faux pasMe fit tomber dans ses bras.

Je n’avais pour tout soutienQue ma houlette et mon chien :L’amour voulant ma défaite,Ecarta chien et houlette :Ah ! qu’on goûte de douceurQuand l’amour prend soin d’un cœur.

Ah, shall I tell you, motherAnonymous

Ah, shall I tell you, mother,The cause of my torment?Since I have seen SilvanderGaze on me with eye so tender,With each moment my heart asks:Can one live without a lover?

The other day in a grove,He picked a bunch of flowers;He adorned my crook with them,Saying: ‘Fair brunette,Flora is not as lovely as you,Nor Love as tender as I am.’

I blushed and unfortunatelyA sigh betrayed my heart,And cleverly the cruel oneTook advantage of my weakness.Alas, mother, a careless mistakeMade me fall into his arms.

My crook and my dogWere my only support;Love, requiring my defeat,Dismissed both dog and crook.Ah, what sweetness one savoursWhen love takes care of one’s heart!

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13. Qui vòu audir cançon

Qui vòu audir cançon, canconeta navèra,canta rossinholetla d’un joen gojat e d’ua damisèlaQu’an hèit sèt ans l’amor, sèt ans a l’esconuda ; canta rossinholet mès, au cap de sèt ans, lo galant se marida.

Au casau deu son pair, que i a bruishons d’ortigasQue n’a hèit un flocalh, que l’a dat a sa miga.

«- Aquò qu’ei entà vos, qu’ei tà la despartida ;a ua auta que vos, lo men pair que’m marida.- La qui vatz esposar be n’ei donc tan beròja ?- Pas tan beròja, non , mès era qu’ei plan rica !- E deishatz la beutat tàd aver las pistòlas ?- Amiga, en v’ac pregar, e seguiratz la nòça ?

Amiga, s’i vienetz, vienetz-i plan vestida. »Lavetz la damisèla qu’a hèit talhar tres raubas.L’ua de satin blanc, l’auta de satin ròsee l’auta en teishut d’aur, tà plan marcar qu’ei nòbla.

Deu mei luenh qu’òm la ved :«- Ueratz, ueratz la nòvia !- La nòvia ne soi pas, que soi l’abandonada.»Lo galant la saluda e que pren sa man blanca ; que l’emmia entà har un petit torn de dança.

Qui veut ouïr chanson (Anonymous)

Qui veut ouïr chanson, chansonnette nouvelle chante rossignoletC’est d’un jeune garçon et d’une damoiselleOnt fait l’amour sept ans, sept ans sans rien en diremais au bout de sept ans, le galand se marie

Au jardin de son père, y a un buisson d’ortiesil en a fait un bouquet, pour porter à sa mie

tenez ma mie tenez, voici la départieà une autre que vous mon père me mariecelle que vous prenez est-elle bien jolie ?pas si jolie que vous mais elle est bien plus richevous quittez la beauté pour prendre la richessela belle en vous priant viendrez vous à mes noces ?

La belle si vous venez venez y donc bien propre la belle n’y a manqué s’est fait faire trois robesL’un de satin blanc l’autre de satin roseet l’autre de drap d’or pour marquer qu’elle est noble.

Du plus loin qu’on la voit : voici la mariée- la mariée ne suis, je suis la délaisséeL’amant qui la salue la prend par sa main blanchela prend pour faire un tour un petit tour de danse

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lèu lo purmèr torn, la bèra que cad mòrta.«- Perqué morir, amiga, e morir de la sòrta ?Si moritz per m’amor, jo mòri per la vòsta.»Que pren lo son cotèth, que’u se planta en la còsta.E lo monde que disen :« B’ei donc trista la noça !Ha, los praubes mainats ! Son mòrts d’amorosia !

Au premier tour qu’elle fait la belle tombe mortePourquoi mourir, ma mie, et mourir de la sorte ?si vous mourez pour m’amour moi je meurs pour la vôtreil prit son couteau se le planta en les côtes.les gens vont en disant :grand dieu, quels tristes nocesO les pauvres enfans, tous deux morts d’amourette.

Who will hear a song... (Anonymous)

Who will hear a song, a new song?Sing little nightingaleIt is about a young man and a maiden.

They were secretly in love for seven yearsSing little nightingaleBut after seven years, the young man was wed.

In his father’s garden, there grew a clump of nettlesSing little nightingaleHe picked a bunch and took them to his true love.

- Here, my love, this is my parting gift,For my father is marrying me to another.

- Your wife-to-be, is she pretty?- Not as pretty as you, no, but she is very rich.- You leave beauty for riches?- Fair one, if I ask you, will you corne to my wedding?

Fair one, if you corne, corne well dressed.

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The maid did not fail; she had three new dresses made,

One of white satin, another of pinkAnd the third of gold brocade to show that she was noble.

They spied her from afar: Here cornes the bride!- I am not the bride, I have been abandoned.

Her lover greets her, takes her by her white hand,Leads her for a short dance around the floor.

At the first turn the fair maid falls down dead.- Why die, my love, why die in this way?

If you die for love of me, I shall die for love of you,And he took his knife and stabbed himself.

And people said: What a sad wedding!Oh, the poor young folk, both of them dead for love!

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15. Plaisir d’amourGiovanni Martini

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie.

J’ai tout quitté pour l’ingrate Sylvie,Elle me quitte et prend un autre amant.

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie.

Tant que cette eau coulera lentementVers le ruisseau qui borde la prairie,

Je t’aimerai, me répétait Sylvie,L’eau coule encore...Elle a changé pourtant.

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie.

Love’s pleasureGiovanni Martini

Love’s pleasure lasts but a moment,Love’s disappointment lasts a lifetime.

I left everything for ungrateful Sylvie,She left me for another lover.

Love’s pleasure lasts but a moment,Love’s disappointment lasts a lifetime.

For as long as this water flows gentlyTowards the stream that runs along the meadow,

I will love you, Sylvie would say to me.The water is flowing still...But she has changed.

Love’s pleasure lasts but a moment,Love’s disappointment lasts a lifetime.

Translation © Mary Pardoe

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‘Oh, old song of our fathers!Later, when in silent libraries soundly you sleep,

our children will come to you to find out the secretof how once you enchanted people’s minds.’1

Achille Millien, Littérature orale et tradition du Nivernais,Chants et chansons du Nivernais, April 1906.

‘Nature gave Man freedom, joy, a propensity to sing; art and society make him uncommunicative, distrustful, silent.’1 Scholars of the late eighteenth century saw the folk song as an innocent, spontaneous expression, an embodiment of the collective spirit, whereas the art song was a deliberate creation, the result of individual skill, involving an awareness of means and purpose. The Romantics, who were opposed to the artificiality that stemmed from the refined culture of the Enlightenment, were delighted to discover the enigmatic, almost magical nature of folk songs with their spontaneity and their supposedly anonymous authors who were poets by instinct rather than intention.

The apogee of opera gave the nineteenth century its reputation as the Golden Age of singing, but that same century also rediscovered the folk repertoire, delighting in the archaism and rusticity of its simple, moving songs and taking pleasure even in their lack of sophistication, the idiosyncrasies of their texts or simply their use of assonance instead of rhyme, all of these leaving a strange impression of irrationality and ‘poetic mystery’.

This Romantic view of the folk song as an exotic archaism had been heralded by the mid-eighteenth-century taste for bergeries (pastoral compositions) and the use of

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outmoded or traditional musical instruments (hurdy-gurdies, psalteries and bagpipes). And it was carried on into the nineteenth century and beyond: the first publication of old French ballads in 1842 by Gérard de Nerval, the works of Achille Millien2, who in 1906 spoke of ‘le bon génie populaire’.

With hindsight such ideas seem to be erroneous. The folk song repertoire is complex, and the relationship between such disparate works is subjective: basically it is the folk ethos that they represent in the eyes of the scholar. And that subjectivity is unstable, depending as it does on our culture, literary and musical. Many songs that were, and still are, imagined to be folk songs are in fact borrowings from the repertoire of art music: the listener considers as being authentically ‘folk’ only those songs that he does not already know from elsewhere. Thus, for the eighteenth-century Parisian theatre-goer the tune of Jan Petit que danse had nothing to do with a folk song, since it was recognised as Le Curé de Môle from the parody of Castor et Pollux that had been performed on 14 December 1737 by the Comédiens italiens du Roy. Likewise, for a listener familiar with the music used in the plays of Beaumarchais, Malbrough was simply a song from Le Mariage de Figaro.

So what is a folk song? As we cannot express the cohesion of this repertoire through its intrinsic content, we must define it rather through the manner in which it has come down to us. The modes of propagation of folk music are numerous. Printed collections are of considerable importance, and some very influential publications3 undoubtedly saved songs from oblivion, but artists’ workshops, the salons of the aristocracy, student circles and families played a part as well. Furthermore, many song tunes were made popular and preserved by the parody. Finally, from the eighteenth century onwards,

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pedlars also participated in the dissemination by carrying songs and laments that were fashionable in Paris to towns and villages all over France, which explains why they were rediscovered years later in the French provinces by folklorists such as Weckerlin.

In our (obviously subjective) choice of pieces we have taken into account these different modes of propagation, our aim being to give a balanced view of the means by which the folk song was saved from oblivion between 1750 and 1850. These songs belong to the French heritage, but they also belong personally and intimately to each and every one of us, through our individual experience of hearing or singing them, and through the memories and feelings they evoke in us.

Vincent Dumestre, July 2004.

1 Johann Gottfried von Herder, Sämmtliche Werke, 1774.2 Achille Millien, Littérature orale et tradition du Nivernais, Chants et chansons du Nivernais, 1906-1910, 3 vol.3 Jean-Baptiste Weckerlin, La chanson populaire, 1886.

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Qui veut ouïr chanson, chansonnette nouvelle ? So begin many old French chansons, before going on to tell some tale, tender, touching, amusing or cruel. The paths such songs have taken to reach us in the present day are often eventful and rarely direct; they have come down over the ages, crossing borders, acquiring new words here, another tune there, and adopting the language, music, usages and history of each region1.

The gap between folk music and art music appears to have widened in the course of the seventeenth and eighteenth centuries, but songs were an exception, moving freely between country and town, folk music and art music. Even the most erudite composers remembered the songs that had been sung to them in their childhood, and those heard in the streets, at celebrations or in the taverns. Sometimes a piece was exchanged so often between the two worlds that it is now impossible for us to determine its exact origin. Take, for example, the melody of La Furstenberg. In his instrumental music for Thomas D’Urfey’s comedy The Virtuous Wife (?1694) Purcell harmonised this piece for four violins, and it is also echoed in Campra’s opera-ballet L’Europe galante (1697). In 1703 it reappeared as Saint Martin’s Lane in Henry Playford’s The Dancing Master, an anthology containing many folk dances. In France it became widespread under the name of La Furstenberg, possibly as a mockery of the countess of that name, who was said to be the Bishop of Strasbourg’s mistress. The words given by Ballard in his Recueil d’airs sérieux et à boire de différens auteurs of 1700 are particularly bawdy. Yet the melody was also known at the French court. In 1712 Philidor copied it into a collection of music for use at court dances – danses qui se jouent ordinairement à tous les bals chez le roy – and it also appears, copied by hand, in many amateur songbooks2.

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We are on firmer ground when it comes to the romances that flourished in the eighteenth century in the salons of the aristocracy. Generally by known authors, these often originated in art music, and some of them were subsequently taken into the folk repertoire and were then transmitted orally. Simple and innocent in tone, their words telling some tender, touching and often melancholy tale, their melody easy and ‘natural’, they are predominantly pastoral and galant in style – features that are quite clear in Les tendres souhaits to words by Charles-Henri Riboute (1708-1740), a controller of revenue by profession, and to music borrowed from Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736), and in Ah! vous dirai-je maman, presented here in its original version (‘Mon cœur dit à chaque instant / Peut-on vivre sans amant!’) rather than the one intended for children (‘Moi je dis que les bonbons / Valent mieux que les leçons’). The theme of pastoral love had been very popular ever since the publication of Honoré d’Urfé’s novel L’Astrée in 1607. Song collections were full of Sylvies and Sylvandres, shepherds with crook, flock and sheepdog, verdant groves and streams of limpid waters. Plaisir d’amour is one example. The text of this romance appears in Célestine, nouvelle espagnole by the poet Florian (1755-1794). Believing that her lover has deserted her, Celestine finds refuge in a grotto, where she overhears the song of a young goatherd, accompanied on a rustic flute, who laments the loss of ‘ungrateful Sylvie’. Set to music by Martini in 1785, this song was a resounding success. That was the time when Marie-Antoinette, seeking an escape from the formal protocol of the court, indulged in playing the shepherdess in the hamlet she had had built in the grounds of Versailles. Were these romances merely sparkling trifles for performance in the salons of the nobility? Maybe. But as their fortunes show, they had genuine appeal and they were also in keeping with the spirit of the times. This longing for a return to basics, also illustrated by the success of Rousseau’s Le Devin du village of 1752, was possibly a consequence of the gulf that existed between the ordinary people and the elite.

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The popularity of a tune or song may be gauged by the number of different versions to which it gave rise. The poets who frequented the salons wrote their own words to fashionable tunes. Les tendres souhaits, for example, became La romance de Clarisse, L’infidelité pardonnée, L’heureuse disposition and La mouche expirante, à une dame qui la faisoit souffrir3, while Malbrough was turned into La belle indécise4. The same popular tunes also found their way into opera parodies and opéras comiques. When the conflict with the Comédiens du Roi was at its height and the actors who worked at the Théâtres de la Foire found themselves forbidden to speak or sing on their stages, they circumvented the repressive edicts of their powerful rivals by miming their parts and using large placards displaying each performer’s text, which was sung by the audience to popular tunes of the day. After the ban had been lifted and the Théâtres de la Foire were permitted to give ‘spectacles mixed with music, dance and symphonies under the name of Opéra-Comique’, the custom of peppering pieces with fashionable melodies was continued. Thus the tune of Le Curé de Môle, which is also that of Jan Petit que danse, appeared in a parody of Rameau’s Castor et Pollux performed by the Comédiens italiens du Roi in 17375, and the melody of La Furstenberg was borrowed in 1762 for an air in Adolphe Blaise’s Annette et Lubin. The emotive powers of such well-known tunes were also turned to good account by the Church. That of Jan Petit que danse (or Le Curé de Môle) was published as a noël in 16756. Ah! vous dirai-je maman became a canticle, to the words Ô digne objet de mes chants or Ô vous dont les tendres ans in the Opuscules sacres (...) à l’usage des catéchismes de la paroisse de Saint-Sulpice7. In the same collection the melody of the pastoral song Les tendres souhaits is used as a setting for Christ’s Passion, to the words Au sang qu’un Dieu va répandre. This seems a fair enough destiny for secular songs, many of whose tunes had been borrowed from liturgical music.

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Instrumental music also borrowed freely from the song repertory. In La belle vielleuse of 1783 Michel Corrette presented Malbrough as a minuet, as well as variations on both Ah! vous dirai-je maman and La Furstenberg. The latter also inspired him to write a Concerto comique. We find Ah! vous dirai-je maman again in François Bouin’s hurdy-gurdy method of 1761 (Méthode habile de vielle), François Devienne’s flute method of 1794 (Nouvelle méthode théorique et pratique pour la flûte), and the everlasting romance also gave rise to numerous keyboard variations, by composers ranging from the brilliant to the obscure, from Mozart to Benaut, who was also the author of variations on La Furstenberg. This taste in instrumental music for folk songs went hand in hand with a renewed interest in ‘rustic’ instruments such as the hurdy-gurdy, played by Queen Marie Leszczynska, and the bagpipe, which was taken into art music as the musette. Furthermore, ‘Tambourins’ and ‘musettes’, names also referring to dances in duple time, achieved great success on the eighteenth-century stage. In the salons such songs were also accompanied on the violin, guitar, harp, harpsichord or pianoforte. On this recording Plaisir d’amour and Ah! vous dirai-je maman are accompanied on the latter.

Many songs appeared in the numerous anthologies that were published in the sixteenth, seventeenth and eighteenth centuries, while countless others were never written down but were transmitted orally. In 1852 Napoleon III assigned his Minister of State and Religious Education Hippolyte Fortoul to organise the gathering of folk songs as a ‘great monument to the anonymous poetic genius of the people’. Anthologies were published by Weckerlin, Millien, Arnaudin, Rolland, Canteloube and many others.

Some of them had been precursors: Gérard de Nerval, for instance, who in 1842 had published his Vieilles ballades françaises, collected in the Valois region of France.

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Chopin also took part in the rediscovery of the folk heritage by the Romantics. During his stays at Nohant, the home of the novelist George Sand, he transcribed traditional melodies of Berry with Pauline Viardot, as Bartok did later with the folk songs of Central Europe. George Sand subsequently used some of Chopin’s transcriptions for the staging of François le Champi, and pipers and hurdy-gurdy players often appear in her novels; a fine example is Les maîtres sonneurs. On this recording Le Poème Harmonique presents one of the two extant bourrées transcribed by Chopin, not in a keyboard version but on two bagpipes, as the composer may have actually heard them played at a village fair.

To the ‘pious antiquarians’, described by Anatole France8, who ‘travelled around the countryside collecting from the lips of shepherds and old spinners the secrets of the rustic Muse’, we owe the fact that it is still possible for us today to sing these songs of yore. La blanche biche had no doubt been in existence for several centuries when it was finally written down in the mid-nineteenth century, collected in the western provinces of France. The same is also true of La maumariée vengée par son frère, Quand je menais les chevaux boire, La religieuse rebelle and Les tristes noces. The great age of these songs is indicated by their archaic vocabulary, their use of assonance instead of rhyme and sometimes the employment of early modes rather than modern tonal scales. Transmitted orally, these songs have countless variants in both words and music. Time and geographical location played a part in their evolution, as did the imagination or the lapses of individual singers. Such adaptability is an invitation to inventiveness. N’èran tres fraires is sung here not to the tune that was collected in the South of France but to that of La maumariée vengée par son frère, which tells the same story (although it is not a French translation of the same piece). Qui vòu audir cançon was written specially for this recording by the poet Maurici Romieu, as a revival of a lost Occitan version of the song Les tristes noces.

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These songs are about emotion; sometimes they recount a wondrous tale, sometimes simply anecdotes. Their themes, comparable to those of folk tales, tell of individual or social joys and misfortunes. La blanche biche is the story, also found in a similar form in Scandinavian lore, of a girl who is turned into a white hind and is killed in the hunt by her own brother. The unhappily married wife in N’èran tres fraires is avenged by her brother as at the end of Charles Perrault’s tale of Bluebeard. The same story was also told in ‘troubadour style’ by Moncrif in Les infortunes inouïes de la tant belle, honnête et renommée comtesse de Saulx (1751). Qui vòu audir cançon tells of how a forced marriage separates two lovers and brings about their death. Quand je menais les chevaux boire is about the fragility of human destiny. La Louison is a conscripts’ song and at the same time the lament of an unmarried mother.

History may also show through in the texts of songs (leaving aside those that comment specifically on current events, such as the lampoons on Cardinal Mazarin at the time of the Fronde and all the satirical or political songs that provide an account of the reigns of Louis XIV-XVI and the Revolution). La Perronelle is the story of a girl who runs away from home to join the troops leaving for the wars in Italy at the turn of the fifteenth century. La Furstenberg, as we have seen, is no doubt a mocking portrait. In a light-hearted tone Malbrough recounts the death and burial of the Duke of Marlborough. This song is believed to have been composed during the War of the Spanish Succession, shortly after the Battle of Malplaquet (1709), when the French army briefly gained advantage and it was believed that John Churchill, 1st Duke of Marlborough, had been killed – he in fact won the battle and died in his bed of apoplexy in 1722. Jan Petit que danse, which at first sight appears to be a simple singing game for children dancing in a circle, may not be such an innocent song after all. It is said to have been inspired by

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a man named Jean Petit, who was sentenced by the Parlement (high judicial court) of Toulouse to be broken on the wheel. The enumeration of the different parts of the body therefore correspond to the breaking, one by one, of his limbs.

The destiny of these songs is quite remarkable. They disappear, turn up again, leave only traces or occasionally survive intact. And they pay no heed to the traditional divisions of time and space. Thus La Perronelle, despite or because of its very feeble text, remained very much alive for several centuries, before being more or less forgotten. Rabelais mentions the song in the last book of Pantagruel, it appears in seventeenth-century farces and it was collected in the nineteenth century, with other pieces belonging to the oral tradition, in France, Piedmont and Catalonia. The expression ‘chanter la Perronelle’, meaning ‘to speak empty words’, still exists. If Malbrough became widely known after 1780 and is still alive today, it is because it was sung to the Dauphin by his nurse, Madame Poitrine, who had learned it in her village, and Queen Marie-Antoinette took a liking to the song. Consequently it was taken up by the whole court, before spreading all over Paris. In Le mariage de Figaro, Beaumarchais has Chérubin sing the tune of Malbrough, replacing the refrain ‘Mironton mironton mirontaine’ with ‘Que mon coœur, que mon cœur a de peine!’ The song against the English duke was also appropriate at that time because of France’s opposition to Britain in the United States War of Independence. Plaisir d’amour, the last piece on this recording, is the archetypal folk song, lending itself to all sorts of transformations, from Berlioz’s version for baritone and chamber orchestra of 1859 to Joan Baez’s interpretation in 1968.

Damien VaisseTranslation: Mary Pardoe

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1 For this text we are indebted to the following reference works: T. M. Dumersan and H. Colet, Chants et chansons populaires de la France, vol. 3, Paris, 1860; G. Doncieux and J. Tiersot, Le romancéro populaire de la France, Paris, 1904; J. Canteloube, Anthologie des chants populaires français groupés et présentés par pays ou provinces, Paris, 1949-1951, 4 vols; H. Davenson, Le livre des chansons: introduction à la chanson populaire française, 3rd ed., Paris /Neufchâtel, 1955 (Les cahiers du Rhône); P. Coirault et al., Répertoire des chansons françaises de tradition orale, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1996-2000, 2 vols; C. Duneton and É. Bigot, Histoire de la chanson française, Paris, Seuil, 1998, 2 vols.2 See N. Dufourcq, ‘La Furstenberg et Benaut’, Recherches sur la musique française classique, vol. 1, 1960, pp. 209-213; G. Oldham, ‘La Furstenberg and Purcell’, ibidem, vol. 3, 1963, pp. 39-41. The Philidor copy is now in the Bibliothèque Nationale de France (Vm7 3555). The library possesses not only printed editions but also manuscript versions of La Furstenberg, included in collections of pieces for hurdy-gurdy (Vm7 3643), violin (Vm7 4865), harpsichord (Vmb ms. 63, Vm7 6307/2) and guitar (Cons. Rés. F 844).3 Chansons choisies avec les airs notés, London, 1785, vol. 1.4 Etrennes de polymnie, Paris, 1785.5 J. A. Romagnesi and L. A. Riccoboni, Castor et Pollux: parodie représentée pour la première fois par les comédiens italiens ordinaires du roy, le 14 décembre 1737, Paris, 1737.6 F. Colletet, Noëls nouveaux, 1675.7 Opuscules sacrés et lyriques ou cantiques sur différents sujets de piété…, 8th ed., Paris, 1774.8 Quoted in A. Millien, Littérature orale et traditions du Nivernais: chants et chansons, vol. 1: Complaintes, chants historiques, Paris, 1906, p. V.

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La musique, comme l’invention, prend ses racines dans le passé pour le transcender et apporter un mieux-être dans un univers en constante évolution.

Mécénat 100% est heureuse d’être associée au label Alpha, à sa collection « Les Chants de la Terre » ainsi qu’à l’ensemble Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre, rendant ainsi hommage à une œuvre de recherche sur les anciennes chansons françaises ; leur écoute sera certainement pour vous source de joie et de sérénité.

Mécénat 100% réunit des professions libérales et des PME qui, de manière désintéressée, participent comme les fondations de grandes entreprises à des actions de soutien culturel, dans le but de mieux faire connaître des artistes de talent exceptionnel.

Music, like inventions, has its roots in the past, a past which it transcends to improve the quality of life in an ever-changing universe.

Mécénat 100% is happy to be associated with the Alpha label, with its collection “Les Chants de la Terre” and with the musicians of the group Le Poème Harmonique by Vincent Dumestre, thereby paying tribute to this research on old traditional French songs; you will undoubtedly find in them a source of pleasure and tranquillity.

Mécénat 100% brings together the free professions and S.M.E.’s, which take part, on a voluntary and non-for-profit basis, in the same way as foundations created by the major companies, in cultural support projects, with a view to bringing artists of outstanding talent to the attention of a wider public.

Marc Chauchard Mécénat 100%www.100-pour-100.org

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« Depuis 10 ans, nous soutenons l’art vocal. Il y a tant de voix à vous faire entendre »

Musique sacrée, opéra, jazz vocal... Notre fondation encourage la formation et les débuts de jeunes talents. Notre mécénat s’exprime aussi à travers le soutien d’ensembles vocaux, de productions lyriques, de groupes de jazz, de concerts, d’enregistrements, de saisons vocales, de festivals. Aux côtés de ceux qui font vivre l’art vocal, notre fondation s’engage. Pour que toujours plus de voix puissent partager leurs talents, leurs émotions.

“For 10 years now, we have been patrons of the vocal arts. There are so many voices for you to hear”

Sacred music, opera, vocal jazz... For ten years now, our fondation has encouraged the training and debuts of young talent. Our patronage is equally expressed through the support we give to vocal ensembles, festivals, vocal seasons, and operatic productions. Side by side with those who bring alive vocal art and make it a living art form, our fondation is commited to having an ever-increasing number of voices share their talent and their emotion...

Fondation France Télécom