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Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de l’agriculture biologique Interbio Limousin, 19 avril 2012 Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de l’agriculture biologique Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected] Plan 1. Changement d’échelle et conventionnalisation : définitions et problématique 2. Quelques dispositifs du changement d’échelle et mécanismes de la conventionnalisation 3. Envisager des dispositifs permettant le changement d’échelle et le maintien de l’alternativité
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Changement d’échelle et conventionnalisation :
les cas du commerce équitable et de l’agriculture
biologique
Interbio Limousin, 19 avril 2012
Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de
l’agriculture biologique
Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected]
Plan
1. Changement d’échelle et conventionnalisation : définitions et
problématique
2. Quelques dispositifs du changement d’échelle et mécanismes de
la conventionnalisation
3. Envisager des dispositifs permettant le changement d’échelle et
le maintien de l’alternativité
Définitions
Changement d’échelle ? Scaling-up ? Mainstreaming ? Termes renvoient aux
idées d’une progression des ventes et de la production, d’une sortie d’un marché
de niche militant, de la collaboration avec les acteurs « non-militants » de la
production, de la transformation et la de commercialisation…
En chiffres :
Interbio Limousin, 19 avril 2012
Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de
l’agriculture biologique
Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected]
1. Changement
d’échelle et
conventionnalisation
: définitions et
problématique
Evolution du commerce équitable en France
Produits
labellisés
Marques
engagées*
Chiffres
d’affaires
**
Consommation
par habitant et
par an
Organisations
bénéficiaires**
*
2001 125 21 12 M € 0,20 € 39
2002 218 30 21 M € 0,35 € 56
2003 300 51 37 M € 0,61 € 78
2004 414 74 70 M € 1,16 € 95
2005 914 113 120 M € 2 € 125
2006 1542 149 166 M € 2,76 € 152
2007 1941 175 210 M € 3,30 € 168
2008 2800 180 256 M € 3,93 € 179
2009 3015 205 287 M € 4,40 € 246
2010 303 M €
Source : Max Havelaar France
* Chacune proposant un ou plusieurs produits labellisés.
** Correspond au chiffre d’affaires total des produits labellisés vendus par l’ensemble des acteurs commerciaux.
*** Organisations de producteurs certifiés exportant sur le marché français (au total 746 organisations exportent dans le monde sous les
conditions du label).
Définitions
Changement d’échelle ? Scaling-up ? Mainstreaming ? Termes renvoient aux
idées d’une progression des ventes et de la production, d’une sortie d’un marché
de niche militant, de la collaboration avec les acteurs « non-militants » de la
production, transformation et commercialisation…
D’autres illustrations :
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l’agriculture biologique
Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected]
1. Changement
d’échelle et
conventionnalisation
: définitions et
problématique
Définitions
Conventionnalisation ? C’est la tendance à adopter certaines caractéristiques
des systèmes alimentaires conventionnels. Cette tendance est clairement pensée
comme une dégradation, dès lors que les initiatives avaient été initialement
conçues en opposition au fonctionnement des systèmes conventionnels.
Exemples :
- Les travaux sur la conventionnalisation de l’agriculture biologique Californienne à
partir des années 1990 (Cf. Julie Guthman) insistent notamment sur la baisse des
rémunérations des producteurs et la captation de la valeur ajoutée par les
transformateurs et distributeurs, sur la dégradation de la qualité environnementale
de la production (utilisation de fertilisants, mono-production…), sur la situation
pitoyable des salariés agricoles (immigrés clandestins…), sur le développement de
filières déterritorialisées…
- Les travaux sur la conventionnalisation du commerce équitable insistent sur
l’affaiblissement des standards de Fairtrade-Max Havelaar (prix minimum du café
non relevé, acceptation des plantations dépendant de main d’œuvre salariée dans
le thé ou la banane…), sur la concentration des achats auprès des organisations
de producteurs les mieux structurées, sur l’impersonnalisation croissante du
système…
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1. Changement
d’échelle et
conventionnalisation
: définitions et
problématique
Problématique
Le changement d’échelle induit-il forcément une conventionnalisation des
pratiques ?
Certains travaux de recherche sur la conventionnalisation le laissent entendre.
Une variante de cette thèse (variante dite de « la bifurcation ») consiste alors à
définir deux modèles polaires : petit et alternatif (« Beyond Organic », « Beyond
Fairtrade ») vs gros et conventionnel.
Il existe beaucoup d’exemples concrets pour valider cette thèse (en France,
Nature & Progrès, Minga), et pourtant...
Cette thèse est discutable pour trois raisons
- Elle me semble idéologiquement-culturellement trop évidente : attention à ce qui
constitue autant un a priori qu’un résultat fondé. Attention aussi à ne pas prendre
comme une évidence la pureté des petits et la noirceur des gros…
- Elle me semble analytiquement faible : il faut décrire les mécanismes. Comment
se fait le changement d’échelle ? En quoi est-il source de modifications dans les
relations entre les acteurs ? Et avec quels effets ?
- Elle me semble politiquement douteuse : pas d’autres perspectives qu’un certain
renoncement ou une certaine marginalité ?
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1. Changement
d’échelle et
conventionnalisation
: définitions et
problématique
Des dispositifs qui organisent les systèmes alimentaires :
L’organisation des systèmes alimentaires est le résultat de dispositifs couplant des
règles écrites (lois, règlements, normes…), des équipements techniques (outils de
production, logistiques, systèmes d’information…), des règles plus informelles
(accords tacites…) et des réseaux interpersonnels (avec leurs effets en termes de
connaissances, notamment).
Ces dispositifs évoluent dans le temps. Ils sont différents d’une filière à une autre.
Ils sont l’enjeu de conflits, de rapports de force.
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2. Quelques
dispositifs du
changement
d’échelle et
mécanismes de la
conventionnalisation
Trois dispositifs sont particulièrement observables dans nombre de
situations de changement d’échelle :
- Des dispositifs de certification : ils permettent l’extension du marché, en offrant
des sources de confiance, en permettant la coordination d’acteurs très nombreux
qui ne se connaissent pas…
- Des dispositifs de délégation : ne pas tout faire soi-même mais confier à
d’autres. Ex : pour l’approvisionnement bio de la restauration collective, le choix
peut être fait de développer des relations directes entre cantines et producteurs
(ou organisations type Manger Bio), mais il est plus simple de s’appuyer sur des
intermédiaires-distributeurs.
- Des dispositifs de mise en concurrence : afin de permettre des prix bas pour
les consommateurs, de ne pas être dépendant d’un fournisseur déterminé,
d’imposer des exigences de qualité, les organisations des maillons aval tendent à
mettre en place des dispositifs mettant en concurrence les organisations des
maillons amont des filières.
Dispositifs de délégation, de certification et de mise en concurrence sont souvent
mobilisés conjointement. Par exemple, dans l’industrie agroalimentaire, achat
auprès de 2-3 fournisseurs par ligne de produits sur la base de normes de qualité.
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2. Quelques
dispositifs du
changement
d’échelle et
mécanismes de la
conventionnalisation
La combinaison de ces trois dispositifs est au cœur du commerce équitable
Fairtrade-Max Havelaar.
L’idée de départ est de ne pas assurer soi-même les opérations de
commercialisation et de contrôler les opérateurs économiques par le biais d’un
cahier des charges précis.
Toutes les organisations de producteurs qui respectent les standards et en font la
demande sont certifiées ; de même pour les produits des entreprises porteuses du
« label ». A ces deux niveaux, le label un dispositif qui génère de la mise en
concurrence.
Cette organisation permet le développement de certaines stratégies sources
de conventionnalisation.
Derrière le même « label » Fairtrade-Max Havelaar, des démarches plus ou moins
exigeantes, dont il est probable que les consommateurs ne savent pas grand
chose.
Pour la grande distribution, il est facile de mettre en concurrence les entreprises
porteuses du label et de peser sur les prix… avec des effets sur ces entreprises,
menacées de disparaître ou tentées d’avoir des démarches a minima.
Quel pouvoir de FLO-Max Havelaar sur cette tendance à la conventionnalisation ?
Ici, on voit combien la délégation induit une perte de maîtrise, et même de devenir
dépendant des partenaires à qui sont déléguées certaines opérations.
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2. Quelques
dispositifs du
changement
d’échelle et
mécanismes de la
conventionnalisation
Des tendances comparables pour la bio… ou tout du moins des craintes
qu’elles se développent.
Quelques extraits de documents transmis par la FNAB lors de la journée de
recherche-action du 20 mars 2012
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« En 2010 alors que les marchés français sont
très porteurs, sous prétexte d’échanges intra-
communautaires à des prix relativement bas, les
opérateurs aval ont cherché à diminuer le prix
payé aux producteurs [laitiers]. Les
transformateurs disent endurer des
négociations très dures avec les centrales des
grandes surfaces et souffrir des marques de
distributeurs (MDD). Ces derniers appliquant
des marges élevées sur les marques nationales
et les écrasant sur leur MDD. Mais ni les uns ni
les autres ne veulent faire la transparence sur
leur marge. »
« La mise en concurrence des producteurs de F&L bio des différentes régions de
France sur les prix ne pourra que conduire à la spécialisation des fermes et des
régions. Spécialisation et concentration qui au-delà des dégradations sociales et
environnementales qu’elles amènent (cf. production de F&L conventionnel),
contribueront à la perte d’autonomie des fermes, au travers de stratégies
d’investissements pour augmenter les volumes et compenser la perte des prix »
« Les producteurs [éleveurs laitiers] sont à la
croisée des chemins. La pente « naturelle » de
l’intégration au modèle dominant peut les faire
glisser vers des pratiques d’intensification
(ensilage, achat de soja bio et céréales hors
France, augmentation de la taille des troupeaux
pour réaliser leurs quotas, etc.) au risque de
connaître le même sort que la filière
conventionnelle… Ils sont aussi nombreux à faire
le pari sur tous les territoires d’une filière laitière
bio qui rémunère les producteurs, qui gère
collectivement la production (les volumes), qui
offre aux consommateurs des produits laitiers
locaux, de qualité, et à un prix équitable. »
2. Quelques
dispositifs du
changement
d’échelle et
mécanismes de la
conventionnalisation
Des mécanismes visant à contester les tendances à la conventionnalisation
de l’agriculture biologique :
- Définir des critères plus exigeants que ceux du label, établir des relations
d’engagement entre acteurs de la filière (Bio Cohérence, Ensemble pour plus de
sens…)
- Agir pour la relocalisation et éviter les formes de concurrence inter-territoires :
exemple du référencement de trois Manger Bio par une société de restauration de
l’est de la France.
- Développer de la transparence venant palier la perte de maîtrise due à la
délégation : le cas du « groupe de suivi » associant la Ville de Brest, la Maison de
l’Agriculture du Finistère, Sodexo et les acteurs de la filière locale F&L.
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Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de
l’agriculture biologique
Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected]
3. Envisager des
dispositifs
permettant le
changement
d’échelle et le
maintien de
l’alternativité
Source : Bottois V. , Le Velly R.,
Olivier F., 2010, Produits locaux
en restauration collective : quelles
rencontres entre offres et
demandes ?, Les carnets Pro de
Liproco, 3
http://liproco-circuits-courts.com
Des dispositifs plutôt que des valeurs
L’affirmation des « valeurs de la bio » est importante… mais elle ne suffit pas
à régler les problèmes de conventionnalisation
Des études sur les valeurs (opinions…), comparant celles des agriculteurs
biologiques / conventionnels, anciens bio / nouveaux bio, montrent des écarts
relativement faibles (Allemagne, Australie).
D’une façon générale, les valeurs sont-elles un bon déterminant des actions ?
Les valeurs doivent être réalisées en acte, et plus encore, donner lieu à des
dispositifs (règles, outils…) qui organisent l’action.
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Changement d’échelle et conventionnalisation : les cas du commerce équitable et de
l’agriculture biologique
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3. Envisager des
dispositifs
permettant le
changement
d’échelle et le
maintien de
l’alternativité
Merci pour votre attention
Interbio Limousin, 19 avril 2012
Changement d’échelle et conventionnalisation : observation de mécanismes à l’œuvre
dans le commerce équitable et l’agriculture biologique
Ronan Le Velly, Montpellier SupAgro, UMR Innovation, [email protected]
Deux références bibliographiques :
Le Velly R., Bréchet J.P., 2011. « Le marché comme rencontre d’activités de régulation. Initiatives et
innovations dans l’approvisionnement bio et local de la restauration collective », Sociologie du travail, 53
(4), p. 478-492
http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00661219
Le Velly R., « Le commerce équitable : des échanges marchands contre et dans le marché », Revue
française de sociologie, 47 (2), p. 319-340
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/40/42/38/PDF/Le_Velly-RFS-Commerce_equitable.pdf
![Désirs en Europe - Lacan Quotidien · n° 746 – Mercredi 25 octobre 2017 – 07 h 49 [GMT + 2] ... on met en exergue l’appel à la voix du peuple. ... Angela Merkel, ...](https://static.fdocuments.fr/doc/165x107/5b9af27709d3f21b2f8c66b2/desirs-en-europe-lacan-quotidien-n-746-mercredi-25-octobre-2017-.jpg)
