champ lexical de l'esclavage, orateurs

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  • Le champ lexical de l'esclavage. .

    chez les orateurs attiques

    L'laboration et l'analyse du champ lexical de l'esclavage chez lesorateurs attiques est un moyen de tester une hypothse formule en cestermes : les orateurs attiques dont les discours s'talent sur un sicle, par-lent-ils de l'esclavage de la mme faon? . Plus prcisment, la questionque nous nous posons est non pas de chercher savoir si Lysias ou Dmos-thne disent autre chose des esclaves et de l'esclavage, mais si les discours deLysias dsignent autrement que ceux de Dmosthne les diffrents aspectsde l'esclavage. Question d'ailleurs qui rejoint la premire, mais se situe unautre niveau d'apprhension dans la mesure o le contenu du discours peuttre le mme, mais non la Conne, et inversement. Et, dans ce cast la formen'est-elle pas rvlatrice d'autre chose que l'analyse directe du contenu nepermet pas d'apprhender ?Il est apparu qu'un outil dj utilis dan. un autre domaine historique,celui de la religion, (1) pouvait permettre une recherche plus rigoureuse.L'analyse factorielle des correspondances s'attache, en effet, il l'tude descaractres qualitatifs d'un ensemble de donnes (2). Une srie de transforma-tions mathmatiques complexes permet de dcouvrir s'il existe entre cesdonne. des similitudes et des diffrences. Ces similitudes et ces diffrencesse traduisent sur une reprsentation graphique dans un espace il deux dimen-sion. un des grands avantages de l'analyse des correspondances (3) -en ter-mes de proximit et de distance.

    Communication prsente au colloque de Nieborow. CL Actes du Collo-que sur l'esclavage, Nieborow 2-6 XII 1975, d. 1. Biezunska-Malowist etJ. Kolendo, Prace Instytutu historycznego Uniwersytetu Warszawskiego, vol.l, Varsovie 1979.

    1. M. M. MACTOUX, Analyse factorielle et religion grecque : un essai d'appli-cation, Dialoguer d'histoireancienne, l, 1974, p. 231-265.

    2. Cf. introduction p. 11 n. 19.3. En fait les rsultats sont donns dans un espace nos dimensions, n correspon-

    dant au nombre le plus faible des deux sries, sujets et caractres. Mais.gnralement. ons'en tient un espace 3 dimensions correspondant aux 3 dimensions privilgies. C'estla reprsentation graphique qui rduit cet espace initial 2 dimensions dtermines parles coordonnes 1-2 et 1-3.

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    En considrant les discours des orateurs attiques comme des sujets,et le vocabulaire vocabulaire limit ici au champ lexical de l'esclavage com-me" des caractres, il a t possible de construire une matrice du type sui-vant (4) :r------------ -------r----------,--------- -------

    ANTIPHON LYSIAS ANDOClDE LYSIAS

    UNITES LEXICALESPremireTtralogie

    SUr le meurtre Mystresd'Bratosthne

    Sur l'oliviersacr

    2

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    qu'une information mineure. Une telle configuration aurait signifi, en effet,que discours et vocabulaire taient trs semblables du point de vue qui nousoccupait.Au dpart, nous n'en savions rien. Les rsultats, au contraire, ont fait ap-paratre des structures qui ne peuvent tre dues au hasard. Autrement dit.si des similitudes apparaissaient, des diffrences aussi, ce qui tait, pournotre propos, le plus important. Si deux ou plusieurs discours sont proches.cela signifie qu'ils emploient le mme vocabulaire dans les mmes propor-tions: si deux ou plusieurs termes sont proches, c'est qu'ils sont employsde la mme faon dans tous les discours. D'autre part, les termes sont pro-ches des discours dans lesquels ils sont relativement les plus employs. Lestermes proches du centre sont les termes figurant dans l'ensemble des dis-cours. A la limite, si on avait 20 discours employant 30 termes dans lesmmes proportions, on aurait au centre un point unique. Ainsi, les donnestraites s'organisent autour de grands axes qui apparaissent sur la reprsen-tation graphique. C'est tout ce qu'apporte l'analyse. Reste l'historien interprter, si c'est possible, c'est--dire essayer de dcouvrir quel sont les{acteurs qui lient ou opposent. L'analyse factorielle est une mthode des-criptlve qui rvle des liaisons et oppositions occultes dans les faits. Si, dansnotre cas, cette existence ne peut tre mise en doute. la signification, elle.reste dcouvrir, et, la limite, chec dans l'interprtation ne signifie paschec de la mthode d'analyse.

    La meilleure dmarche aurait consist considrer l'ensemble desdiscours de mus les orateurs attiques, l'un des intrts, pour l'historien,de l'analyse factorielle, tant prcismnt de permettre le traitement d'unequantit importante de donnes.Sans y renoncer, nous avons prfr, dans un premier temps. ne retenirqu'un nombre de textes limit dans la mesure o nous avanons sur unevoie peu explore (6), Une fois la dcision prise de travailler sur un chan-tillon, le choix des auteurs et des textes a t fait d'une manire alatoire

    6. C'est ainsi que R. ROBIN dans Linguirtique et Histoire, Paris 1973. n'a pasretenu cette mthode dans la partie de son ouvrage o elle passe en revue quelquesmthodes d'approche des textes (p. 124 sq.) Dans sa bibliographie gnrale. elle citecependant, p. 224, l'article de A. PROST, Vocabulaire et typologie des familles poli-tiques) Cahiers de Lexicologie, 1969.15,1. Depuis cette date, A. PROST a largi l'ap-plication de l'analyse des correspondances dans son ouvrage Vocabulaire des procte-mations lectorales de 1881, 1885, el 1889, Paris 1974. Mais le matriau qu'il traite

    "n~{' beaucoup moinsde problmes que Jentre.

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    partir des plaidoyers civils conservs (7). Ces discours recouvrent l'ensemblede la priode avec le texte d'Antiphon et les deux discours de Lysias jusqu'auCoutre Athnogne d'Hypride, crit dans la seconde moiti du IVe sicle,quelques annes aprs 330. Les quinze discours tudis sont, dans l'ordrechronologique, les suivants: La Premire Ttralogie d'Antiphon ; Sur lemeurtre d'Eratosthne de Lysias; Sur les mystres d'Andocide ; Sur l'oliviersacr de Lysias l Le Trapzitique d'Isocrate ; La Succession de Kiron et LaSuccession de Philoktemon d'Ise ; le Contre Nicostratos.ie Contre Aphobos,le Contre Evergos et Mnesiboulos de Dmosthne (8) ; le COlltre Timarqued'Eschine; le Contre Pantentos et le Contre Olympiodoros de Dmosthne;le Contre Leocrate de Lycurgue; le Contre Athnogne d'Hypride.Nous avons ainsi une grande varit dans les affaires traites: demande deconfiscation d'esclaves dans le Contre Nicostratos, affaire de faux-tmoigna-ge dans le Contre Evergos ; affaire minire dans le Contre Pantntos ; af-faires d'argent ou commerciales dans le Trapzitique et le Contre Athno-gne ; affaire d'hritage dans les deux plaidoyers d'Ise, le Contre Aphobaset le Contre Olympiodoros de Dmosthne ; affaire de meurtre dans leContre Eratosthne o le mari est aceus du meurtre de l'amant de sa fem-me, ou exercice d'cole concernant un meurtre dans la Premire Ttralogied'Antiphon ; affaires religieuses avec les Mystres ou l'Olivier sacr; affairespolitiques avec le Contre Timarque et le Contre Locrate, Diversit gaie-ment dans les plaidoyers par rapport aux auteurs des plaidoyers. Sur lesquinze discours de l'chantillon, quatre ont t prononcs par les orateurs,soit dfendant leur propre cause: Mystres (Andocide) ; Contre AphoboxDmosthne) .. Contre Timarque (Eschine) ; soit attaquant personnelle-ment: Contre cocrate (Lycurgue).Pour les onze autres, l'orateur a jou le rle de logographe pour l'un descomparants, soit qu'il ait crit le discours pour le demandeur : Trapzitique

    7. Nous avons limin les plaidoyers plus spcifiquement politiques pour ne pasintroduire Une variable supplmentaire. A la simple lecture, on s'aperoit, bien videm-ment, que le champ lexical de l'esclavage dans des discours comme les Plaidoyers pou-tiques de Dmosthne est diffrent. On y trouve systmatiquement, par exemple, lesmots ville, asservissement, libert.

    8. Nous ne discuterons pas de l'auteur de ce discours conserv dans Ie Corpusdmcsthnien, mais qui est unanimement considr comme n'tant pas de Dmosthne,los discours tant simplement envisags comme des textes crits par des orateurs attiquesdes ve et IVe sicles.

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    (Isocrate) ; Contre Evergos et Mnesiboulos, Contre Nicostratos, ContreOlympiodoros (Dmosthne) ; Contre Athnogne (Hypride) ; soit qu'ill'ait crit pour le dfendeur: Premire Ttralogie (Antiphon) ; Contre Pan-tentos (Dmosthne); Succession de Kiron (Ise} : Sur le meurtred'ratosthne, Sur l'Olivier sacr (Lysias).Dans la Succession de Philoktmon, Ise ajou un rle de logographe, maislapersonne qui a prononc le discours n'est ni le demandeur, ni le dfendeur,mais un syngore, ami de la famille. Cette diversit qui n'a pas t rechercheau dpart, mais qui se manifeste comme telle dans l'chantillon retenu, peutapparatre comme un obstacle (9), dans la mesure o elle va conditionnerI'emplci d'un certain type de vocabulaire en relation avec la cause traite.Toute interprtation des graphiques devra en tenir compte.

    Cependant, avec les textes des orateurs attiques nous avons le senti-ment de disposer d'un matriau relativement privilgi. Les discours formentun corpus linguistique homogne, la langue tant celle de l'Attique de l'po-que classique. On peut admettre, d'autre part, que les auteurs exerant uneactivit identique, ont leur disposition un lexique identique constitu pardes mots de la langue commune et les termes emprunts une terminologiejuridique que, par leur mtier, ils sont tous tenus de connai tre. Cette homo-gnit du lexique (IO) limine les trop grandes variations dues aux diff-rences de niveaux socio-culturels. D'autre part, les discours choisis sont desplaidoyers civils prononcs devant les tribunaux athniens, soit par l'auteur,soit par l'une des parties, l'auteur agissant comme logographe et visant conduire les auditeurs-jurs accepter les conclusions de l'orateur. Si lethme varie, on peut considrer que la forme (plaidoyer) est identique (II).

    9. Nous ne pouvons videmment constituer un corpus aussi homogne que celuide A. PROST, op, dt,. qui a tudi le vocabulaire des proclamations lectorales des d-puts rassembles, partir de 1881, par une commission spciale de la Chambreet pu-blies en annexe au Journal Officiel.

    10, Plus exactement du lexique individuel, c'est--dire, suivant I'accepticn com-munment admise par les linguistes, de l'ensemble des mots la disposition du locuteur.

    Il. De notre point de vue, le fait que le discours ait t crit pour un dfendeurou un demandeur ne parat pas essentiel. Dans le cas du dfendeur, on peut supposerque le discours prend une forme polmique avec ngation des noncs de l'autre. Mais,dans le cas du demandeur, t'orateur ne cherche-t-il pas galement parer les futurscoups de l'adversaire ? Eschine le dit trs clairement, dans le Contre Timaraue, ] 17.Dans l'un et l'autre cas, il faut forcer "auditoire s'identifier au plaideur,

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    Certes. les variables restent nombreuses, trop nombreuses peut-tre, maisles deux caractres fondamentaux du corpus: identit du lexique la dispo-sition des orateurs, et homognit de la situation de communication, lgiti-ment cette tentative.Aprs la constitution de l'chantillon, le problme le plus dlicat rsoudrea t la dlimitation du champ lexical de l'esclavage. Il est en effet impossi-ble d'viter le non-sens mthodologique qui consiste dlimiter a priorile champ lexical d'une notion tudier, alors qu'une telle dlimitationdevrait tre un des points d'aboutissement de l'tude. Le caractre en partiearbitraire de toute dlimitation de cet ordre a t si souvent soulign qu'il estinutile d'y insister (12). Je m'en tiendrai quelques remarques. Existe-t-il proprement parler un champ lexical de l'esclavage ? Si certains termesappartiennent videmment ce champ, tous les mots de la langue communene peuvent-ils en faire partie, s'ils sont employs un moment donn dansune situation exprimant la ralit esclavagiste (13) ? Ainsi il arrive frquem-ment dans nos discours que les esclaves sont les seuls tre au courant decertains faits, et qu'il est ncessaire de faire appel leur tmoignage ou plusexactement de se servir d'eux ou menacer de se servir d'eux pourfournir une preuve par la torture. Que les esclaves soient au courantest exprim diversement ; on rencontre frquemment le verbe savoir(l4),mot du lexique gnral qui prend ici une valeur lexicale particulire.Fallait-il retenir de tels termes (15) ? Une telle dmarche aurait ame-

    12. Cf. J. DLJBOIS. Le vocabulaire politique et $octalen France de 1869 d 1872.Paris 1962, p. 2.

    13. cr. G. MATORt, La mthode en lexicologie, Paris 1953, p. 65 : De mmeque des systmes d'quations diffrentielles peuvent prsenter des affinits tout en dif-frant par la forme extrieure, un champ lexicologique peut comporter des mots qui, premire vue, semblent n'avoir rien de commun. C'est la parent sociologique deslments qui seule importe et celle-ci ne pourra tre tablie que quand l'poque aurat tudie, c'est--dire aprs des dpouillements considrables.

    14. . C6 w - a ~ . Ainsi ISEE. La Succession de Klron, 9, 17, 29.15. A. PROST, Vocabulaire et typologie des familles politiques, Cahier de lexi-

    cologie, 1969, l, p. 118, souligne que, grce un inventaire statistique complet, il at amen prter attention li des mots tels que menace et menacer, marcher, pour-suivre, etc ... comme spcifiques de familles politiques diffrentes. Mais prcisment,l'existence de familles politiques opposes. eeIles de gauche et celles de droite, taitau point de dpart de son analyse, puisqu'il a travaill sur des dclarations de dputsouvertement engags. Ce n'est pas le cas ici.

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    amen relever tous les mots utiliss dans des sous-ensembles aprs dcoupa-ge du texte considr. Sinon, il aurait fallu, selon certains critres . Je plussimple tant le critre de contrastes de frquences " relever certains termesgnraux et pas d'autres qui ne fonctionnent que comme de simples outils.L'tablissement de telles frquences ne pouvait se faire que si l'ensembledu vocabulaire des orateurs attiques avait t mis sur ordinateur, ce qui taitmatriellement hors de notre porte. D'autre part, il resterait toujours leproblme de savoir quels sont les passages qui, du point de vue du lexique.sont spcifiques. Dans ces conditions, nous avons cherch dlimiter unchamp plus troit. Ainsi ont t releves toutes les units lexicales dsignantl'esclave, l'affanchi, l'esclavage et l'action aboutissant la cration d'untel tat (16).

    Paralllement ont t retenus des termes qui forment avec les pre-miers des couples oppositionnels (17)_ Appartiennent cette catgorie lesunits lexicales dsignant les libres, la libert, le maitre, le citoyen (l 8l ,celui qui rduit en esclavage et, d'autre part, l'action d'affranchir et dedonner la libert,

    16. Ces units peuvent tre des substantifs teb que ex V~l-'w1t 0 s , ci 'J6:& x o 6o'Jdes groupes de mots ou des mots pour lesquels seul le caractre formel a t pris enconsidration : ainsi Au6r;:, a 1'EPEXOUr;:, TOU 8EpctXwr;:, (ANOD-CIDE, Mystres, 17) a t relev sous la forme + gnitif, formule Quisert par-fois dsigner les esclaves; J.lctXCXL.poTIOL6r;:, ,fabricant de couteaux (DF-MOSTHENE, Contre Aphobos I, 9) a t intgr dans une catgorie esclave dsignpar III Jonction. Dans ce cas, en effet, relever les diffrents vocables aurait abouti une multiplication nuisible l'analyse, dans la mesure o l'on peut considrer cesemplois comme une dmarche linguistique unique.

    17. Ces oppositions peuvent tre uniquement de caractre smantique du type6ouos;/lE15.oEPOS;., soit la fois de caractre smantique et formel, mais cesont les plus rares: ainsi, ci TI EE15-& EP0 yi E{}E o o r;:,

    18. Dans les trois emplois de nOLTfl li un terme dsignant l'esclave,l'opposition est exprime deux fois directement par le locuteur (DI-;MOSTHENE.Contre Pantntos, 24) ; dans le troisime cas, il s'agit d'une association. l'opposi-tion n'tant qu'indirecte :Qui a t tmoin de ces crmonies parmi les citoyens etparmi les esclaves d'Euktmon '? OSEE, La Succession de Pniloktmon. 65). On uun exemple d' OTO oppos 6oAo (DEMOSTHENI':, Contre Nicostratos,16) Qualifiant un jeune gereon Qui ne possdait que les droits civils.

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    Un deuxime groupe retenu est celui qui est constitu par les unitslexicales dsignant des actions spcifiques concernant les esclaves, c'est--dire celles qui peuvent tre accomplies sur eux: possder ou faire acte depossession, laisser en hritage, acheter, vendre; rclamer pour la torture, li-vrer pour la torture, recevoir pour la torture (19), units lexicales qu'onpourrait dsigner par l'expression d'quivalents potentiels dans la mesureo un homme possd, vendu, achet, torture, ne peut tre, l'poqueclassique, qu'un esclave. A ces termes ont t associs, comme dans le grou-pe prcdent, les vocables dsignant ceux qui possdent, achtent, vendent,torturent.

    Un troisime groupe la fois plus gnral en ce qui concerne les es-claves, mais plus technique, est form de termes impliquant les esclaves,mme si ces derniers ne sont pas les seuls entrer dans la comprhensiondu verbe et du substantif: louer, lirer un revenu, patrimoine (20), biens,etc.

    En gnral, donc, le matriau a t trait l'tat brut. C'est une rgleimpose par la mthode. Nous n'avons distingu ni le nombre pour les sub-stantifs, ni la voix pour les verbes. Les formules esclave qu'on tortureet esclave qui est torture ont t ranges sous le vocable torturer. D'autrepart, les termes ont t isols les uns des autres. Par exemple, tous les crwIJaont t rangs sous la mme rubrique (21), que oiu soit seul ou prcispar un complment de nom constitu par une appellation de l'esclave,l"V.lJ-pwrro~ ou Ol.HETn. En revanche, civB-pwno et OL.)iETns;: ont t

    19. Comme pour le groupe prcdent, ont t retenues les units lexicales expri-mant le mme champ conceptuel, mme si elles ne prenaient pas la Conne d'un verbe,ou d'un substantif unique. Ainsi la possession exprime par EL 1..1 L + gnitif (ISEE,lA 5UCC~!lio"d,PhiIoktimon, 19) ou EL \-1 L + datif (LYSIAS, Sur l'Olivier sacr,34).

    20. Cette extension du champ lexical a t faite dans un second temps. Dans unpremier temps, seuls les deux premiers groupes avaient t traits. Il nous a sembl utiled'tendre le champ. puisque, plus on multiplie le nombre de donnes. plus la mthodeest efficace. Les rsultats obtenus, compars aux prcdents, apportent, me semble-t-il,un supplment d'information trs significatif.

    21. Une seule exception, cependant ; la formule, isole dans nos textes, deTt 0 LJ{ E T LIt aW\-Ia Ta figurant dans un texte de loi cit par Eschine, Contre

    Timarcue, 16, li t releve part, comme formant un tout.

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    rvls dans ces exemples. En effet, comme ai;r~_Hi employ seul a lamme signification dans ce contexte donn que lorsqu'il est prcis paravB-pwrro ou O~}(Tf] (22), la formule d'insistance exprimepar ces termes a paru suffisamment caractristique pour qu'ils ne soient pasnoys dans une formule unique.

    Le dpouillement de l'chantillon a abouti une liste de 110 units.Malgr toutes ces prcautions, nous sommes parfaitement conscients ducaractre discutable d'un tel regroupement. Il tient d'abord au fait que nousavons considr l'ensemble des orateurs attiques comme un corpus sur lequelil tait possible de prlever un chantillon. D'autre part, nous sommes partisd'un champ conceptuel, et un tel champ est toujours critiquable dans soncontenu. Enfin. le matriau analys, Je vocabulaire, n'est qu'une infime par-tie des informations contenues dans les textes. Bien d'autres aspects pour-raient tre pris en considration: types d'argumentation, formes des verbes,formule ngative ou interrogative, etc ... Autrement dit, les termes ont trelevs hors contexte et cette analyse ne doit tre considre que commeune partie de l'analyse du discours. Il faudra se souvenir de ces limites toutau long de l'interprtation. Je pense, nanmoins, que les mots n'exprimantpas les choses, mais traduisant la faon dont les choses sont apprhendes,une telle analyse mritait d'tre tente.

    Le graphique 1 obtenu partir des deux premires sries de coordon-nes concernant les termes et les discours, prsente une configuration qui,au premier abord, ne surprend pas. Du point de vue de la mthode, l'axefactoriel 1 est celui qui est port par la direction correspondant la plusforte dispersion du nuage. C'est lui qui foumit l'information la plus forte.A gauche et droite de cet axe s'opposent deux types de discours el devocabulaire qu'il n'est pas difficlle de reconnai tre. A gauche, un premier en .semble de six discours et termes, Je Contre Apnobos 1 de Dmosthne tantle plus caractristique du groupe. Ces six discours, soit portent directement

    22. Il est possible comme le dit E.1. GRACE-KAZAKEVIC,Leterme doutas etle concept d'esclave Athnesau IVe sicle avant n.., VDI,1956,p.129 (en russe),trad. A. Sod, que l'emploi de sma seul apparaisse tardivement l'poque classique etait, par l, une signification particulire; mais au niveau global o nous nous plaons,l'inconvnient est mineur, et rien ne nolis permet de l'affirmer a priori. Aux deux exern-ples du Contre tcvergos qu'elle a relevs (12 et 47). il faudrait d'ailleurs en ajouter untroisime (6).

  • JO .

    sur des problmes de succession dans laquelle figurent des esclaves: le ContreAphobos 1 traitant de la succession du pre de Dmosthne (23), la Sucees-sion de Phitoktemou et la Succession de Kiron d'Ise, le Contre Olympiodorosde Dmosthne o le plaideur revendique une partie de la succession deCo rn on ; soit abordent des causes dans lesquelles les esclaves sont mentionnscomme lments d'un patrimoine. Dans le Contre Nicostratos de Dmos-thne. le plaideur Apollodore demande la confiscation d'esclaves d'Ar-thousios pour payer une amende qu'il a t condamn l verser I'Etat. Dansle Contre Timarque, Eschine. attaqu publiquement par Timarque, cherche montrer que ce dernier n'avait pas le droit de prendre la parole l'ecclsianon seulement parce qu'il s'tait prostitu, mais parce qu'il avait dilapid sonpatrimoine. Ce patrimoine comprenait des esclaves. La proximit de ces sixdiscours que nous constatons est videmment mettre en rapport avec lanature des causes abordes, et s'claire par la prsence des termes qui onttrait la fortune possde.A droite de l'axe factoriel 1, se trouvent les autres discours de l'chantillon,avec un certain nombre de termes. Ils s'opposent aux prcdents selon lepremier facteur port par l'axe 1. Les discours s'talent le long de l'axe,avec, de gauche droite, la distribution suivante : le Contre Pantnetosde Dmosthne, le Contre Athnogne d'Hypride, les Mystres d'Andocide,le Contre Locrate de Lycurgue, Sur le meurtre d'Eratosthne et l'Oliviersacr de Lysias, le Trapzitique d'Isocrate, la Premire Ttralogie d'Antiphon,le Contre Evergos er Mnsiboulos appartenant au corpus dmosthnien maisn'tant certainement pas de Dmosthne. Parmi les discours de ce groupe,les plus caractristiques de l'axe 1 sont les trois derniers et surtout le ContreEvergos et Mnesibou/os. Ce sont eux, avec les termes dont les coordonnessont voisines, qui vont permettre de dterminer le premier facteur. Ces dis-cours ont en commun d'avoir des sujets varis, ne portant pas sur des affairesde succession, sans qu'il soit possible de dterminer a priori ce qui lesrapproche.

    Cette conclusion, qui, premire vue, n'tonne gure, n'est finalementqu'une fausse vidence. L'analyse factorielle montre en effet que, lorsque lesorateurs attiques s'adressaient aux hliastes, ils utilisaient un vocabulaire pro-che pour parler des esclaves qui faisaient partie du patrimoine des plaideurs,

    23. U s'agit plus exactement d'une action de tutelle mais la description de lasuccession du pre de Dmosthne est au centre du discours,

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    mais aussi du patrimoine de ces mrnes hliastes, leurs concitoyens, jugesd'un jour. Le caractre collectif de toute plaidoirie dans l'Athnes du IVesicle renforce cette remarque.

    En effet, si le plaideur assure personnellement la dfense de ses droits,la dfense d'une cause prive implique la solidarit familiale et la solidaritdes amis. La dfense est un devoir qui oblige tous les membres de la com-munaut ; c'est sur ce devoir que se fonde la syngorie (24). En mme tempsqu'il parle en son nom, le plaideur, comme le syngore, parle au nom de tous,non seulement tous ceux qui l'instant prsent pourraient avoir plaiderdans les mmes circonstances, mais au nom aussi des hliastes, qui se sententcomme reprsentants du dmos tout entier et pourraient, leur tour, treimpliqus dans une cause identique. Qu'il s'agisse du riche Dmosthne qui d-fend sacausedans leColitreAphobosI, oud'lse qui a rdig le discours du petit-fils de Kiron plaidant pour obtenir la succession de son grand-pre, il sedgage une communaut de langage qui est incontestable. L'adaptation l'auditoire porte sur les caractres extrieurs, c'est--dire sur les phnomnesde groupe, l'auditoire tant davantage touch par l'impression du momentque par l'argument (25), mais les mots restent les mmes. Une analyse duvocabulaire, cependant, s'impose pour essayer de prciser la nature de J'op-position.

    A l'extrme gauche de l'axe 1 figurent des termes employs par leseul Dmosthne dans le Contre Aphobos 1. Parmi eux, oikos, le patrimoine,qui comprend les esclaves dont il a t dpossd par ses tuteurs.

    Mais il est d'autres termes utiliss par Dmosthne et les autres orateurs,situs gauche de l'axe 1 que nous regroupons pour l'exposition, et qui sontproches par leurs coordonnes. Les esclaves fon t partie de l'oikos, des patra,du kleros . Dmosthne emploie tout au long de son discours le terme oikos(26)_ Sauf dans un cas (27) il est toujours associ au verbe affermer (28),Le principal reproche que Dmosthne fait ses tuteurs, c'est de ne pasavoir voulu affermer son patrimoine, c'est--dire ici, essentiellement, de nepas avoir lou les esclaves laisss par son pre au lieu de grer directementles deux ateliers. Dmosthne rappelle les lois (29) rglant les modalits

    24. a. LYSIAS, Pour Callills, 1. Pour la signification de la syngcrie, cf. M,LAVENCY, Aspects de /0 logographie judiciaire attique, Lauwin 1964, chap. IV.

    25_M. LAVENCY, op. ctt., p_ 169 so,26. 15,40,42,43,58,59,60,61-27,61-28.1JLO-frW.29. 58.

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    de l'affermage des biens du pupille (30). Si cet affermage, dans la mesureo il n'tait pas prvu par testament, n'tait pas obligatoire (31) et tait laiss la disposition des tuteurs, le comportement normal d'un tuteur honntetait d'affermer (32). Ne pas le faire pouvait apparatre comme un moyen dedilapider le patrimoine du pupille. C'est le fondement des griefs de Dmos-thne qui, au dbut et la fin du discours, rappelle comment, dans son cas,une fortune de 14 talents est devenue, au bout de JO ans, 70 mines (33),alors que le testament de son pre prvoyait que le patrimoine devait treafferm (34). Mais le terme oikos a, on le sait, une rsonance qui va au-del de l'aspect matriel. Bien familial, il dsigne aussi la famille, c'est--dire,avec les esclaves, la femme, les mineurs, et, en un sens, les anctres morts.us esclaves pouvaient aussi entrer dans la composition des patra (35).Sans doute, l'poque classique, le terme est-il le plus souvent synonymed'hritage. Mais il a gard quelque chose de la valeur exprime par la distinc-tion que faisaient les Athniens dans certaines circonstances entre lespatra,biens propres, par oppositions aux acquts (36) . Lorsque, dans le ContreAphobos l, Dmosthne emploie le terme pour dsigner l'hritage que sestuteurs ont dilapid, il apparat dans un contexte d'atimie : Je serai nonseulement dpouill de mon patrimoine, mais frapp de dchance (d'atimie)si vous ne me prenez pas en piti. Mme si le fonctionnement de l'atimieest obscur dans ce cas (37) , l'objectif de Dmosthne est clair. Il dnoncele scandale de la situation, et ce scandale est double. On l'a dpouill de sespatra, c'est--dtre.essentiellement, on a fait disparatre les esclaves ouvriersde son pre et il est menac d'atimie. La possession des patra par un fils l-gitime ne devrait poser aucun problme (lB) . Or, non seulement on l'a spolide ses patra, mais il est guett par l'atimie, Il est difficile de dmontrer partir du texte d'lse (39), que c'tait seulement pour les patra par opposi-tion aux acquts que la loi imposait la division gale pour les fils lgitimes.

    30. f-lLoDlllOL, OLMO\).31. Cf. L. GERNET, Notice au Contre Aphobos I, Dmosthne, Plaidoyer civils.

    l, p. 27.n.1.32. LYSIAS, Contre Dtogon, 23.33. Contre Aphobos l, 6 et 58.34. Ibid., 10.35. DEMOSTHENE, Contre Aphobos J, 67 ; ESCHINE, Contre Timaraue, 105

    106.36.' EnlHTnW; LYSIAS, Suries bi.., d'Aristopha.., 31.37. Cf. L. GEkNET, Dmosthne, Plaidoyers civils, l, p. 52 n. 1.38. lSEE, Succession de Phi/oktmon, 25, rappelle qu'aux termes de la loi, tous

    les enfants lgitimes ont part gale aux patr,39. Ibid.

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    Mais, mme sous le rgime de la famille troite, les biens patrimoniaux for-maient la rserve des descendants (40), Il est certain que la possession et latransmission des patra sont la marque de l'appartenance une famille, etque les liens avec les patra sont indissolubles. Quand il y a rupture, l'Ath-nien cesse d'tre un Athnien part entire. C'est celui qui a dissip la fortu-ne de ses pres, patra, et non pas n'importe quelle fortune, qui est exclu desfonctions publiques et n'a pas le droit de prendre la parole devant l'Assem-ble (41). Les esclaves sont sentis dans le groupe de textes comme faisantpartie des patra, substrat matriel qui assure la permanence de l'oikos.Elment constituant de l'oikos. des patra, les esclaves le sont aussi dukleros. Klros est au IVe sicle le terme technique qui dsigne 1. sucees-sion (42). Mme si l'poque classique le terme semble avoir inclu non seule-ment la terre et ses accessoires, mais tous les biens, meubles et immeubles,ainsi que les crances (43), klros a un long pass qui n'est pas totalementoubli. Ayant d'abord dsign un lot, puis la terre familiale, il continue d-signer le bien familial par excellence, celui qui ne sort pas de la famille, celuipar lequel s'affirme l'identit de la famille travers les gnrations successi-ves. Personne ne pouvait disposer de son klros par testament s'il avait des mslgitimes. Certes, Dmosthne nous apprend que son pre avait lgu une cer-taine somme sa femme et sa fille (44). Mais Dmosthne dans ce passagen'emploie pas le mot klros, Lorsqu'Ise dsigne par ce terme la successionde Kiron, il la prsente comme rclame par les adversaires du plaideur au

    40. L. GERNET, La loi de Solon 51U le testament, Droit et Socit dIlns 111Grce ancienne, Paris 1955, p. 144-145.

    41. La loi est rapporte par ESCHINE dans le Contre Timarque, 30 : Celuiqui a dvore les biens de ses parents {patroaJ. ou tous les biens qu'Il a pu avoir en tantqu'hritier [klronomas], Mais il s'agit encore d'hritage et non pas de la fortune quiaurait pu tre acquise par l'accus. le patrimoine que Timarque a dilapid est appelen 105-106 patra,

    42. Les discours portant sur des problmes de succession utisent ce terme dansleurs titres (cf. titres des discours d'ISEE conservs). L'hritier s'appelle klronomos(ESCHINE, Contre Timarque, 30).

    43. . A. R. w. HARRISON, The Law ofAthens. Oxford 1968. l, p. 124.44. Contre Aphobos, I, 5.

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    titre de parents les plus rapprochs (45), le plaideur cherchant montrerqu'il est lui-mme fils de la fille lgitime de Kiron. Olyrnpiodoros, Callistra-tos, puis Callipos revendiquent chacun une partie du kleros de Cornon,comme les plus proches collatraux du dfunt mort sans enfant. Le klrosde Camon se compose essentiellement de deux maisons et de deux gro'4iesd'esclaves, les uns, fabricants de sacs, les autres, broyeurs de drogues ( 6).Faire sortir les esclaves de l'oikas, du klros, des patra, que l'auteur ensoit un tuteur peu scrupuleux comme celui de Dmosthne, un hritier quin'a aucun droit comme chez Ise, ou un hritier lgitime mais prodiguecomme le Timarque d'Eschine, c'est plus qu'attenter aux droits matrielsde l'individu, c'est attenter ses droits spirituels, plus mme, son tre.Que les esclaves ne soient pas sentis comme un bien neutre, nous en avonsencore la preuve dans l'emploi d'un autre terme qui sert les dsigner,l'ousia.

    Dans tous les discours de ce premier groupe, les esclaves font partiede l'ousia (47). Une analyse plus prcise montre que les esclaves ne sontpas rangs parmi n'importe quels biens, mais qu'ils entrent dans la compo-sition des biens ostensibles, des biens visibles. Cette notion est clairementexprime par l'expression grecque fortune visible (48), s'opposant fortuneinvisible (49). L'expression fortune visible se rencontre dans le ContreAphobos 1, (50) dans le Contre OIympiodoros(51) et dans les deux dis-cours d'Ise (52). La fortune visible laisse Dmosthne par son pre secompose essentiellement de deux groupes d'esclaves, trente fabricants decouteaux et vingt fabricants de lits (53). C'est contre la disparition de ces

    45.La Succession de Kiron, 1, 2, 3, 25.46. Contre Olympiodoros, 20. Le terme hmiklros, demi-hritage, a t rang

    dans la rubrique /dros.47. Contre Aphobos J, 4, 6, 7. 8. 9, etc .... C'est le terme le plus employ par

    Dmosthne pour dsigner les biens laisss en hritage par son pre; Contre Olympia-doros, 35 ; Contre Nicostratos, 19, 28 ; Succession de Philoktmon, 18, 30, 31, 38,43 ; Succession de Kiron, 35,37,40,42,43 ; Contre Ttmaraue, 91, 102, 103, 116.

    48. cpCtVEP~ oCTLa.49. rpavn OOLU.50.57.5t. 35.52. Succession de Philoktmon, 30 ;Succession de Kiron, 35.53. Contre Aphobos J, 9,

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    esclaves que Dmosthne proteste tout au long du discours, accusant sestuteurs de cette disparition (54). Dans le Contre Olympiodoros, le plaideurct Olyrnpiodoros, parents de Comon, se sont entendus pour se partager lesbiens apparents de Comon (55), constitus essentiellement de deux maisonset de deux groupes d'esclaves ouvriers (56).

    Dans la Succession de Philoktmon, le plaideur accuse ses adversairesd'avoir pouss le vieil Euktrnon raliser ses biens apparents, pour mieuxen disposer aprs sa mort (57). Dans l'numration qu'il en donne, figurent, ct d'un domaine, d'un tablissement de bains, d'une hypothque. dechvres, un chevrier et des esclaves ouvriers (58).

    Dans la Succession de Kiron, celui qui revendique sa succession l'nu-mre: une proprit Phlya, deux maisons la ville, l'une qu'il louait, l'au-tre qu'il habitait, des esclaves qu'il louait, deux servantes, une petite esclave,le mobilier qui garnissait sa maison d'habitation. L'ensemble de l'numra-tion est repris par l'expression oGa ~av,p (59).

    Dans le Contre Nicostratos, Apollodore cherche montrer que les es-claves dont il demande la confiscation font partie de l'ousia d'Arthousios.Si le terme est employ seul (60), nous avons ici l'exemple mme des biensvisibles qui peuvent faire l'objet d'une confiscation. La distinction qu'op-raient les Grecs entre biens visibles et biens invisibles ne correspondait pas une distinction juridique stricte (61). Mais, comme le rappelle L. Beauche t,elle concerne en particulier la dtermination des impts ou l'estimation desvaleurs susceptibles de confiscation (62). Or, l'essentiel du Contre Nicostra-tas, c'est prcisment de montrer que ces biens visibles que sont les esclaves

    54. Ibid., 28.55. Ibid., 35.56.12.57. cpavEp ooL'a .30.58.33.59.35.60.19,28.61. A.R.W. HARRISON, op. cit., J, p. 230.62. Histoire du Droit prive de la Rpublique athnienne, III , Paris 1897, p.

    15 sa.

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    appartiennent bien Arthousios condamn une amende d'un talent en-vers la cit el non son frre Nicostratos. Ce sont eux qui doivent fairel'objet d'une confiscation. Et, lorsqu'Eschine dans le Contre Timarque, ac-cusant Timarque d'avoir vendu tous ses esclaves, veut apporter la preuvede ce qu'il avance, il s'crie : S'il nie les avoir vendus, qu'HIes produisedonc! (63). Ainsi, dans les discours qui constituent ce premier groupe, sicertains biens sont rangs tantt sous la rubrique des biens visibles, tanttsous celle des biens invisibles (64), les esclaves font toujours partiedes biensvisibles.Laclassification n'est pas aussi arbitraire qu'il ne parat. Les espces debiens correspondent chez les Grecs des degrs de valeur (65). Le bien visi-ble par excellence, ne l'oublions pas, c'est la terre. Ainsi les esclaves sontrejets du ct des biens essentiels, ceux dont la possession est ncessairepour affirmer son tre, un tre qui tire sa substance de l'unit sociale la-quelle il appartient. Ce n'est pas un hasard, non plus, si la langue philosophi-que use frquemment d'OUSID pour dnommer l'tre dans son aspect subs-tantiel (66).

    il est un autre terme gnral qui dsigne les biens dont les esclavesfont partie: le capital actif. La formule est employe seulement par Dmos-thne, mais d'une manire non quivoque pour dsigner les esclaves : Monpre, juges, a laiss deux ateliers plus une somme de 1 talent d'argent ...Voil pour le capital actif (67), A ce capital actif, Dmosthne oppose lecapital inactif (68). La distinction entre ces biens productifs et ces biensimproductifs est loin d'tre claire. Dmosthne range dans le capital actifune somme de 1 talent d'argent prte raison d' 1 drachme la mine

    63. 'E]J~avn rrapctaxTW (99).64. Dans le Contre Olympiooros, 12, l'argent est appel &'PyPL.OV tpa:vr.pv

    dans la mesure o le plaideur veut dsigner par l l'argent immdiatement disponible,dpos la banque, somme qui a d'ailleurs t utilise aussitt aprs la mort de Comonpour les frais d'enterrement; en revanche, dans la Succession de Kiron, 35, les sommesprtes, les crdits, s'opposent tout le reste de la fortune visible dans laquelle figurentles esclaves.

    65. L. GERNET, Choses visibles et choses invisibles, RP, 1956, CXLVI, p. 82.66. Dans le Sophiste, PLATON utilise alternativement oua La et r av.67. {VE:py ; Contre Aphobos 1,9-10.68. (Xpyt ; ibid., 7.

  • )1 .

    et dans le capital inactif, des sommes places intrts, soit des prts ma-ritimes, des dpts bancaires ct des prts des particuliers (69), L. Gernctsuggre qu'nerga se rapporte au capital qui travaille dans l'industrie, la som-me de 1 talent concernant une vente crdit. Comme la vente crditn'existait pas dans le droit grec, l'acheteur serait cens recevoir un prt intrt ct le produit du capital serait du mme ordre que le revenu de J'in-dustrie (70). Si les prts entrent d'une manire gnrale dans les erga, c'estparce qu'il y avait perte du capital (71). Ainsi, en rangeant les esclaves dansles energa, on les range non seulement dans les biens productifs. mais dansles biens srs. Energa renvoie aux biens visibles par rapport aux biens invi-sibles, aux biens avec lesquels s'tablit un lien Privil~, marqu par uncaractre concret. Les esclaves sont des hyparchonta ( 2), c'est dire desbiens que l'on a sous la main, qui sont la disposition immdiate du posses-seur comme ils sont des chrmata (73). Les Grecs de l'poque classique per-cevaient parfaitement le sens de chrma. Conune le dit Xnophon, un bien(chrma), c'est ce qui peut tre avantageux quelqu'un (74). Chrmac'est l'objet en quoi se trouve ralis le fait de xpn a DCt L .c'est--direla tentative d'appropriation considre dans son achvement, comme unrsultat, ce quoi on fait recours (75).

    C'est la mme forme de possession qui se manifeste dans les deux au-tres groupes de termes qui caractrisent le premier facteur sous son aspectngatif (76). On peut prter sur des esclaves, (77) ou, ce qui revient aumme, l'esclave peut tre mis en gage comme un objet concret, offert et

    69. tu, 1L70. Dmosthne, Plaidoyers civils, I, 1954, notice p. 29 et notes complmen-

    taires (p. 35, t. t9) p. 26t.71. J. KORVET, Demosthenes gegen Aphobos, Mnemosyne, 1941,10, p. B.22.72. n: PXOVTCt (DEMOSTHENE, Contre Olympiodoros!) ) est d'ail-

    leurs renforc pat ovc pd'.73. On le trouve dans cinq discours sur six de ce groupe: le Cantre Aphobos l,

    le Contre Pantntos, les deux textes d'ISEE et le Contre Locrate (25) o il dsigne,d'aprs le contexte, les esclaves de Locrate et sa maison. Mais on voit bien dans cepassage comment fonctionne implicitement la pense de LYCURGUE. Les biens es-sentiels dont Locrate s'est spar et qui le condamnent sans appel, ce sont les esclaves.Il y consacre la majeure partie de ce passage, ne signalant la maison qu' deux reprises(22 et 23) sans donner aucun renseignement son sujet.

    74. XENPHN, Economique, 1, 6 sq.75. G. REDARD, Recherches sur Xp rl, Xp no{)o. L. Etudes smantiques,

    Paris 1953, p.89.76. Je rappelle que ngatif et positif n'ont autre sens ici que celui de dsigner la

    partie gauche et droite de l'axe 1.77. 6CtVCl~(0J (Contre Aphobos l, 27 - 28).

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    accept en garantie d'un prt (78).Ils rapportent (79) ; on en tire un revenu (80). Ces verbes sont compltspar des substantifs qui appartiennent au mme type de vocabulaire: capital(81), intrt (82), recette (83), revenu (84).

    Un second groupe de verbes, lis quant au sens, mais qui se prsentent,concurremment aux prcdents dans la partie gauche de J'axe l, sont desverbes qui exprimen t la manifestation concrte de la possession. Ils se pr-sentent avec la configuration suivante: laisser en hritage, louer, choisir,prendre, inscrire en vue d'une confiscation, donner, vendre. Nous ne revien-drons pas longuement sur l'action de laisser en hritage puisqu'il a t abon-damment discut de la signification du patrimoine et, par l-mme, de satransmission, mais c'est, par sa place, le terme le plus significatif. Le carac-tre sacr du droit l'hritage pour l'hritier lgitime est la toile de fonddes querelles propos des successions tel poin t que la participation auxsacrifices offerts Leus Ktsios, dieu gardien de l'avoir familial, par ledfunt, est donne comme preuve du droit l'hritage (85). Dfendre sesdroits, c'est recrer les liens concrets qui unissaient le dfunt ces biens.La location des esclaves apparat dans le mme contexte de patrimoineet de proprit. On se souvient que le reproche essentiel que Dmosthnefait ses tuteurs, c'est de ne pas avoir voulu louer les esclaves laisss parson pre (86). De mme, pour Nicoboulos, le plaideur du ContreParunetas,le fait que Pantntos ait pris en location ses esclaves est implicitement lapreuve que ces esclaves taient son bien (87), c'est ce qu'affirme Dmosth-ne ailleurs; la preuve que les esclaves dont la possession est conteste, ap-

    78. un 0 1 LBn)J L (Contre Aphobos l, 25, 28) est utilis par le dbiteurqui engage; TI 6}( E i.u L , pour la chose gage (Contre Aphobos 9, 24).

    79. TIpooqJpw (Contre Aphobosl, 9).80. \..1 LoB 0

  • .Oontre Otympiodaroe, 12., ibid.

    - 39-

    partiennent bien Arthousios, c'est qu'Arthousios figure pour eux corn-me loueur de services (88). A travers l'acte de location s'affirme l'acte depossession, mais le rapport qui s'instaure entre le possesseur-loueur et le pos-sd-lou est du mme type qu'entre celui qui laisse en hritage des esclaveset l'hritier de ces mmes esclaves. Dans l'un et l'autre cas, le possd n'estpas simple objet de possession; il contribue l'affirmation de l'tre dupossesseur. Lorsque Dmosthne dit qu'Arthousios figurait comme loueur,il emploie le verbe au moyen, alors que, pour un simple louage de choses,j'actif aurait suffi. (89).Choisir (90) et prendre (91) ne sont en fait que des corollaires de laisserenhritage. L'un des hritiers du Contre Olympiodoros choisit le groupe d'es-claves qui lui parat le plus avantageux et en prend possession. C'est une ac-tion directe telle qu'elle peut s'exercer sur un objet qui vous appartient en-tirement, au point d'exprimer un raP:f0rt de complmentarit.Inscrire en vue d'une confiscation (9 ), la confiscation portant sur les biensvisibles, c'est, comme le fait remarquer L. Gemet (93), qu' on voulait an-antir, avec le coupable, l'unit sociale qu'il reprsente). L'action de donnerrenvoie la mme sphre de sijnification. Dans nos textes apparat une foisla donation de deux esclaves (94). Les raisons de ce don ne sont pas nettes,mais cette mention, d'ailleurs nullement ncessaire au contexte, est en rela-tion avec la description des liens troits d'amiti unissant le plaideur Nicostratos.En rappelant que parmi les trois esclaves de Nicostratos figurent deux es-

    88. Contre Nicoetratoe, 21-89. Cf. L. GERNET, L'esclave est un intermdiaire, il n'est pas un simple

    instrument: de la pact du matre. il ne s'agit plus d'un louage de chose Aspect dudroit athnien de l'esclavage, Droit et Socit dam la Grce antique, Paris 1955, p. 160.L. GERNET voit ici l'amorce d'une volution, l'esclave acqurant une certaine indpen-dance pour satisfaire aux besoins d'une socit qui devient conomiquement plus com-plexe. Mais il me semble que si l'volution s'est Caite dans ce sens, c'est parce ques'exprimait dj, au niveau des mentalits, une aube Conne du rapport de possession.La location des esclaves ne fait que s'insrer dans un domaine de reprsentation exis-tant dj.

    90. ct~ PEjJctL.91. ctllSvw92. 110yp{1qJw.93. Chose.s visibles et choses invisibles, RP, 1956, CXlVI, p. 83.94. DJ;:MOSTHENE, Contre Nicostratos, 6.

  • - 40 -

    claves que le plaideur lui u donns, ce dernier cherche montrer l'intimitde ses relations avec Nicostratos. Mais il y a pins. Non seulement le don etl'acceptation du don engagent, mais l'objet du don n'est pas neutre. L'obli-galion ressentie par le plaideur de participer au rachat de Nicostratos prispar un vaisseau de guerre et vendu lui-mme Egine, alors qu'il tait parti la recherche de trois esclaves fugitifs. s'explique aussi parce que, parmiles trois esclaves fugitifs. figuraient les deux esclaves donns. Si le don, com-me mode d'acquisition de proprit. existait bien en Grce ct de lavente (lJS), le vocabulaire du don nous introduit davantage dans la sphrede J'hritage que dans celle de la vente, La langue juridique ne dispose pasde terme spcial pour dsigner la donation entre vifs. Le mot dsis dsignela disposition testamentaire et li est pris comme synonyme de diatk. Dernme, didonat quivalait diathestai (96).

    Le dernier verbe de ce groupe. vendre, peut surprendre, Mais le verbequi dsigne vendre - il Y en a plusieurs en grec (97) -est ici apoidomai (98),Ce verbe exprime trs souvent l'ide d'une vente ralise (99), c'est--diredans laquelle le possesseur, ou celui qui se prtend tel, dipose d'un bienqu'il estime lui appartenir entirement. C'est dans ce cas l'agissement scan-daleux dnonc par le plaideur, et la cause de sa plaidoirie (100), Mais l'ac-tion de vendre recouvre un autre aspect sur lequel je reviendrai et qui faitque ce verbe est attir par l'autre groupe de mots situ droite de l'axe 1.Il a sur le graphique une place centrale et est moins signifiant de la notionque nous essayons de cerner que les verbes prcdents,

    Ce qui me semble, en effet, caractriser l'ensemble de ce vocabulaire,c'est qu'il exprime une certaine modalit de la possession sous la formed'une relation biunivoque entre possesseur et possd. Le possd, sen-

    95, Cf. A,R,W, HARRISON, op. cil" 1. p. 245.96, L. BEAUCHET. op. cil" III, p. 122 -123_97. Dans les textes tudis figurent les autres verbes n o Af: CD et II L llpcnt(jJ

    sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.98. DEMOSTHENE, Contre Aphobos /,18,61; ISE!':, Succession de Philokt-

    mon, 33; DEMOSTHENE, Contre Pantntos, 17,29,30,30 (2),31 (2); HYPI':RIDE,Contre Athnogne, 5, 15 ; LYCURC;UE, Contre Locmte, 22,23.

    99. Pour ce sens d'opodidomai, cf. P. CHANTRAINE, Conjugaison et histoiredes verbes signifiant vendre, RPh, XIV, 1940, p. Il ~ 24.

    100. Ainsi DEMOSTHENE, Contre Aphobos /, 18,61.

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    ti comme faisant partie de biens essentiels, est ncessaire au possesseurpour assurer son tre, et en mme temps le possd n'existe que par rapportau possesseur quiexercesurlui sa possession d'une manire concrte, imm-diate, comme on peut l'exercer sur un bien qui vous appartient entirement.En un mot, je dirai de cette relation que c'est une relation d'appartenan-ce (101).

    Les deux seules formules qui expriment ici la possession renforcentcette analyse. On a un exemple de para + le datif (102), et 14 emploisde eimi + gnitif (103). Danspara + datif, ce qui l'emporte, c'est l'idede proximit avec absence de mouvement. Quant eimi + gnitif, ce n'estpas la seule faon d'exprimer la possession avec le verbe tre. La diffrenceavec eimi + datif a t bien souligne par E. Benveniste (104). Tandisqu'tre avec le datif dfinit un prdicat de possession, avec le gnitif, on aun prdicat d'appartenance servant dfinir l'objet.En exprimant la possession par eimi + gnitif, le locuteur dfinit l'esclaveconune lui appartenant. Il n'est pas tonnant que ce soit le Contre Nicostra-tos qui fournisse le plus grand nombre d'exemples. Ce que cherche, en effet, montrer le plaideur dans cette demande de confiscation d'esclaves, c'estque les esclaves appartiennent bien celui qui a t condamn. U ne s'agitpas de n'importe quels esclaves, mais d'esclaves dtermins, qui font partied'un patrimoine. Le rapprochement est d'ailleurs fait par Dmosthne lui-mme. (105).

    A droite de l'axe l, figure un ensemble de termes qui s'opposent auprcdent, en fonction du mme facteur. Ces termes indiquent une perfor-mance du matre en tant que tel sur l'esclave en tant que tel: vendre, ache-ter, affranchir, rduire en esclavage, rclamer pour la torture, livrer pourla

    101. Au sens de LEVY-BRUHL, dans L'me primitive. Paris 1927. p. 132150 ; le possesseur a avec le possd un bien de participation. en sorte que les actionsexerces sur ces appartenances peuvent retentir sur l'individu lui-mme. Mais l'emploide cette notion n'implique pas videmment, de notre point de vue, une explicationprimitiviste.

    102. ISEE, Succession de Philoktmon, 16.103. DEMOSTHENE, Contre Nicostratos, 2, 10, 11, 14, t9, 21, 22, 23, 27 :

    ISEE, Succession de Philoktemon, 19 ; ESCHINE,Contre Ttmarque, 62. 114; LYCUR-GUE, Contre Locrate, 32.

    104. Etre et Avoir dans les fonctions linguistiques, BSL. 55. 1960, p. 123.105. Contre Ntcostratos, 19.

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    torture, recevoir pour la torture et en mme temps les substantifs nommantl'action : vente, achat, affranchissement, et ceux qui font l'action : le ven-deur, celui qui rduit en esclavage, le bourreau. Alors que le mot matretaitabsent du groupe prcdent, il apparat ici sous ses deux formes, despotes etkurios , avec la distinction bien connue, le kurios tant celui qui doit rpon-dre de l'esclave devant les tribunaux (106). De mme, les formules indiquantla possession sont les plus nombreuses: eimi +possessir(107).eirni + datif(108), ktaomai, ech, Pour la premire fois, des verbes ont le possesseurpour sujet: ktaomai, avec le double sens d'acqurir ou, au parfait, de poss-der (109), echo, Ech est relativement peu employ dans les discours tu-dis. Il figure 4 fois chez Dmosthne. A chaque fois la possession est pr-sente comme le point d'aboutissement d'un acte, et cet acte est trois foissur quatre un acte de violence.

    Les esclaves que possde Thophmos, ce sont ceux qu'en compagnied'Evergos et Mnsiboulos il est venu saisir chez le plaideur, et cette saisie adonn lieu de nombreux actes de violences, longuement dcrits (110). Lapossession est une possession anormale, comme est anormale la posses-sion qui rsulte de l'appropriation par Evergos de l'atelier et des esclaves quele plaideur avait achets en commun avec lui (Ill). Si l'ide de scandaie estabsente de la possession par le plaideur d'une vieille affranchie (112), cettepossession rsulte elle aussi d'une situation exceptionnelle. Une esclave,affranchie par le pre du plaideur, est revenue chez ce dernier aprs la mortde son mari (113).

    106. ANTIPHON, 1re Ttralogie, Il, 7 ; IV, 7 ; DEMOSTHENE, Contre Pante-ntoe, 51(2);Contr~ElIergOj, 14,15,60.

    107. DEMOSTHENE, Contre Pantntos, 9 ; HYPERIDE, Contre Athnogne,27.

    108. ANDOCIDE, Mystres, 1, 38 ; ANTIPHON, Ire Ttralogie, 4, 8; ESCHI-NE, Contre Timarque, 105 ; lSEE, Succession de Philoktmon, 16, 33 ; LYSIAS,Sur l'olivier sacr, 34. Pour le sens de dm; + datif, cf. supra p.4l.

    109. DEMOSTHENE, Contre Aphobos I, 3D, 31 ; Contre Pantntos, 5, 27 ;Contre Ntcostretoe, 6 ; ISEE, Succession de Philoktmon, 19, 338 ; Succession deKiron, 9, 35 ; HYPERIDE, Contre Athnogne, 21, 22 ; LYCURGUE, Contre Locra-te, 58 ; LYSIAS,Sur l'olivier sacr, 34.

    110. Contre Evergos et Mnsiboulos, 65, 81.111. ContrePantntos, 10. "EXu.1 est associ }{pcnIA1.112. Contre Epergos .", 66.ll3.lbid.,55.

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    L'esclave n'est plus mis en gage (114), il devient un gage tnechyron)(115). tinechyron a un sens technique et dsigne un gage qu'un crancier ouquelqu'un se prtendant tel a saisi et qui est devenu la possession du cran-cier (116), Parmi les gages du Contre Evergos ... figurent un berger et un es-clave (117), L'esclave est peru comme un objet qui circule, et la possessionest apprhende en termes de rupture.La mme rupture se traduit au niveau du verbe ayant trait la torture.Torturer, mais aussi bien livrer pour la torture (I 18), ou recevoir pour latorture (119).Ce qu'on livre ou qu'on reoit, c'est un corps, sma. Le Contre Evergos etMnesiboulos fournit les 9 emplois de sma, soit seul, (120) soit prcis parTn o:v-B pWlrou (121). On a souvent soulign que la valeur que lesGrecs attribuaient aux dclarations des esclaves (122) sous la torture tenait ce qu'on obtenait, non pas des paroles sujettes mensonges, mais des faitsmatriels dont le caractre objectif tait par l-mm indiscutable (123),tel prcisment qu'on peut les tirer d'un corps qu'on livre comme un objetphysique. Dans ces emplois, en effet, sma est systmatiquement accompa-gn du verbe paradidmi, livrer (124).

    Avec ces termes qui le caractrisent, nechyron, sma, ch, paradi-dmi, le Contre Evergos ...., qui s'oppose au Contre Aphobos selon le fac-teur 1, exprime de la manire la plus nette un nouveau type de possession,

    114. Cf. Contre Aphobos J, 9, 24.115. Contre Evergos, 74, 77.116. Pour les divers sens de v Xup 0 V,cf. M.I. FINLE Y, Studies in land and

    credit in Ancient Athene, New Brunswick 1952, p. 29.117.52.118. TIP6 L6w~ L.119. nap]JSavw,120.6,12,47.121 7 (2), 9 (2), 15.122. Dj L. BEAUCHET, op. cit., JI, p. 427.123. Cf. dans nos textes, rSFE, Succession de Kiron, 12 : LYCURGUE, Contre

    Locrate, 29. Qui de vous ignore que dans les cas sujets controverse, si des esclavesou des servantes sont au courant des faits, il est minemment juste et dmocratique deles interroger en les soumettant la torture et d'en croire les [ails plutt que les discours (TOIs PYOLS lloV n r o i.c YO"'~ h trad. F. Drrbach.

    124, Sauf en 6 o sma est employ avec le participe n p 6V ; mais sma estassoci n pa.

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    antinomique, mais complmentaire de celui qui tait sous-jacent dans leContre Aphobos J. Le mme mode de reprsentation se dgage de J'ensembledu vocabulaire. A gauche, le vocabulaire tait apparemment un vocabulaireneutre (125), c'est dire trs peu spcifique de la situation esclavagiste. Iciau contraire, l'emportent les termes engags qui nomment directement laralit sur laquelle ils portent. Mais il y a ~lus. A l'inverse du cas prcdent,prdominent les groupes antonymiques (1 6), soit sous forme de substantifs,soit sous forme de verbes: esclave/libres; esclave/maltre ; esclave/citoyen;vente/achat; vendre/possder; acheter/affranchir; rduire en esclavage/ af-franchir; rclamer pour la torture/livrer pour la torture; livrer pour la torture/recevoir pour la torture (127). Le vocabulaire traduit sous son aspect formelune nouvelle modalit de la possession qui s'oppose la prcdente. La pos-session n'est plus apprhende en termes d'inclusion, mais en termes d'exclu-sion. Prcdemment, le rapport de possession tait, au niveau du vocabulaire,dilu, exprim sans qu'apparaissent les termes de rapport. Maintenant, le rap-port de possession prend des formes brutales, clairement affirmes.

    L'axe 1 se prsente donc, me semble-t-il, comme un axe exprimantles modalits de la possession, c'est--dire les diffrents aspects du mode depossession (128)_ Que l'esclave soit apprhend comme un bien possd, n'a

    125. Je n'ai pas parl volontairement des termes dsignant les esclave.., parce queleur signification est loin d'tre vidente et elle ne peut prcisment s'clairer qu'en fonc-tion d'un ensemble. Je me propose d'y revenir la fin de ce travail. Maisces termes nefont pas exception; ogrutrlon. dimfourgos, andnzpadon,anthrpos, esclave dsign parla fonction, dmosios. anir, gunet oiktlkon S'ma. A l'exception de cet hapax figurantdans un texte de loi (ESCHINE, Contre Ttmarque, 16) et d'andrapodon, ce sont destermes fortement polysmiques qui peuvent s'appliquer, dans des conditions normales, d'autres personnes qu' des esclaves.

    126. La remarque tant d'ordre formel et non smantique, je ne distingue pasles diffrentes catgories d'antonymies.

    127. L'opposition se poursuit l'intrieur de notions apparemment identiques,ainsi, vendre et acheter. II0 to , vendre, dsigne le fait de se porter vendeur et s'oppose jn.n6.0ttOWo:.L. qui dsigne le fait d'exporter pour vendre. ' r2v 0 ua L. dsigne le faitde se porter acheteur, tandis que np \:0:. uc L c'est raliser matriellement l'acte enpayant ; cf. pour le sens de ces termes, infra, p. 4B - 49.

    128. Le terme a ici une signiflcation gnrale. Si les Grecs reconnaissaient une dif-frence entre la posse~'sion c;i la proprit, cette distinction n'a pas t dterminantecomme elle le fut pour les Romains (Cf. A.n.W. HARRISON, op. cit., I, p. 204-205). Parpossession, j'entend'. donc le type de rapport existant entre les Athniens, propritairesd'esclaves, et les esclaves, qu'il s'agisse de leurs propres esclaves ou de ceux des autres.

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    rien de surprenant, mais il est intressant de noter que c'est le trait dominantde la mentalit esclavagiste de l'poque classique, telle qu'elle ressort de notrechan tillon.

    L'axe 1 est, en effet, selon la mthode de l'analyse des correspondances,celui dont la signification est la plus forte. D'autre part, ce rapport s'organiseselon deux aspects: une possession appartenance, endogne. inclusive s'oppose une possession . rupture, exogne, exclusive .Cette possession - ap-partenance ne doit pas tre comprise comme valorisation de l'objet, mais plu-tt comme expression du rapport entre possesseur et objet de proprit, telqu'il tait peru par les Grecs. On ne peut tre plus explicite qu'Aristote dansla Politique :"On parle de l'objet de proprit dans le mme sens que de la partie: la partieest non seulement partie d'autre chose, mais encore elle appartient entire-ment cette autre chose; il en est de mme pour un objet de proprit. C'estpourquoi, tandis que le matre est simplement matre de l'esclave, mais ne luiappartient pas.Tesclave , lui, est non seulement l'esclave du matre,mais enco-re lui appartient entirement (129). Ou encore "L'esclave est une partie dumatre. (130) A cette possession-appartenance s'oppose un autre aspect,mais qui entre galement dans cette notion de possession. C'est la possession-rupture dans laquelle l'esclave n'est plus peru, la limite, comme faisantpartie du matre, mais devient un objet possd tendantse diffrencier dupossesseur au point de devenir l'autre absolu.Cette distinction ne recouvre pas la distinction que font frquemment les his-toriens modemes (131) entre l'esclave-personne et l'esclave-proprit, en s'ap-puyant sur certaines coutumes ou lois intgrant l'esclave l'oikos. Ce qui me

    129. t, t254 a, 9 -16.130. I, 1255 b, 11. C'est le mme type de relation qui existe entre l'artisan et le

    rsultat de son travail. La production ( 11:0L.noLg cre une oeuvre qui n'a aucune com-mune mesure avec celui qui l'a produite Cf. J . P. VERNANT, Mythe et pensee chez lesGrecs, Il, 1974, Aspects psychologiques du travail dans la Grce Ancienne, p. 41.

    131. Ainsi L. BEAUCHET, dans son Histoire du Droit priv de la Rpubliqueathnienne, tudie l'esclavage dans son tome sur le droit de la famille. Encore A.R.W.HARRISON, The Law of Amene. I~ p. 163 sq. fait de mme mais il souligne l'ambigu-t du statut de l'esclave dans l'Athnes du IVe sicle, tantt considr comme btail,tantt comme personne humaine. Mais l'ambigut mme du concept de proprit dansla mentalit juridique grecque, qu'il relve lui-mme par ailleurs. permettait, me semble-t-il, d'envisager l'aspect juridique de l'esclavage diffremment.

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    semble fondamental, c'est qu'au niveau du vcu, l'esclave est toujours senticomme un objet possd, cette possession revtant deux formes.

    Il resterait analyser si ces deux aspects complmentaires sont propres la mentalit grecque de J'poque classique. et, dans ce cas, comment ilspeuvent s'expliquer. L'volution de la vie conomique et des rapports sociaux Athnes aux Ve et IVe sicles ne peut pas ne pas avoir eu d'influence surle concept de possession-proprit.

    Autour de l'axe 2 (132) vocabulaire et discours s'organisent en unestructure diffrente.

    En bas, deux groupes de termes qui se distribuent autour des deux dis-cours les pius caractristiques, par leur place, de ce second facteur, le ContreAphobos 1 et le Contre Evergus .. termes ayant trait au patrimoine et aux di-vers moyens de grer ce patrimoine et, d'autre part, un vocabulaire, pre-mire vue trs diffrent du prcdent, concernant non pas la torture propre-ment dite mais les actes pralables la pratique de la torture, c'est--dire li-vreret recevoir la torture, avec le verbe ch, possder.

    En haut, le groupe de termes le plus extrme comprenant le vocabulairede l'achat et de la vente et les verbes affranchir et rduire en esclavagese dis-tribuent autour du Contre Athnogne. En dessous le vocabulaire de la liber-t, de la servitude, et de la torture proprement dite.

    Essayons d'appronfondir cette configuration dont la signification n'estpas vidente. Les termes qui caractrisent ce second facteur sous son aspectngatif dfinissent, me semble-t-il, l'esclave sous sa valeur d'usage. L'esclaveest celui qui sert, soit qu'on le laisse en hritage, qu'on le donne, qu'on leloue, qu'on emprunte SU! lui, qu'on en tire des revenus (l33)J1qu'on le livreou le reoive pour la torture, qu'on le vende (134).Pipraskomai est employdans cinq discours et, chaque fois, l'esclave est vendu dans un but bienprcis. Le bien est ralis parce que la personne de l'esclave tant encom-brante le propritaire prfre, pour des raisons diverses qui n'appartiennentqu' lui, avoir de l'argent liquide.

    Ainsi dans le Contre Nicostratos (135), o le verbe possde son senspremier qui apparat dans l'pope (136), transporter des prisonniers

    132.Cf. graphique 1.133. Pourles mots grecs, cf. supra, p. 37 - 38.134. lILlI(HfOl'lOWOL.t35.6.136.11.. XXI, 102 ;Od., XIV, 297.

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    l'tranger pour les vendre comme esclaves. Cette ide de transfert prsentedans le verbe form sur la racine per est d'ailleurs commune tous les dis-cours (137). Si on vend les esclaves, c'est qu'on veut les transfrer ailleursparce que, constituant un bien visible, il est difficile de nier leur existencequand un adversaire les revendique. Ainsi les tuteurs de Dmosthne pr-frent vendre les esclaves (138) appartenant leur pupille pour mieux s'em-parer de la fortune qu'ils cherchent dtourner. Ceux qui essaient de s'ap-proprier l'hritage d'Euktrnon poussent ce dernier vendre ses biens,(I 39)dont ses esclaves, parce qu'ainsi il sera plus facile de capter l'hritage. Timar-que, tel qu'il est dcrit par Eschine, a vendu ses esclaves pour pouvoir dispo-ser de l'argent (140), Pantntos qui devait de l'argent sur les esclaves a pr-fr les vendre (141). Le verbe est dans ce cas prcis par J'adverbe MU.'J"",;pour bien distinguer cette vente faite par Pantntos des autres ventes dudiscours o il est question de vente sous condition, avec possibilit de rachat.Vendre est seulement un moyen de satisfaire un besoin personnel. L'esclaveest un bien, chrma, un instrument auquel on a recours pour l'usage (142),

    De mme, dans un procs, proposer de livrer ou demander de rece voirun esclave pour la torture est un moyen utilis par le plaideur pour suggrerson innocence. Ces propositions prennent d'ailleurs la forme d'un dfi jamaismen son terme (143). Dans les seuls cas o la demande faite par le plaideurde recevoir un esclave de l'adversaire pour qu'il soit soumis la question a taccepte, elle choue au dernier moment du fait que l'adversaire Pasion quiavait accept de remettre Kittos, son esclave, ne reconnat pas, la dernireminute, la comptence des questionneurs (144)_ Egalement Pantntos, qui

    13 7. Cf. E. BENVENISTE, Le vocabulaire des institutions indo-europennes.L,Paris 1969, p, 133,

    138. Contre Aphaboe l, 13,48.139. Succession de Philoktmon, 34,43.140. Contre Ttmaroue, 99.141. Contre Pantntos, 50.142. Cf. supra, p. 3 7et cf. galement ARlSrOTE.Po/itique, l, 1255b, 32-33.

    Etre matre ne consiste pas simplement acqurir ses esclaves, mais savoir se servir lit'ses esclaves (v T4J xpnoB-Ctl, 600>"0 L,o; hl.

    143. Dans l'ensemble des orateurs attiques, on n'a pas un seul exemple o le dfi.une fois accept, ait t ralis. Cf. A.R.W. Harrison. op. cit., Il. Procedure, p. 147.

    144. ISOCRATE, Trapzittque, 15.

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    avait exig qu'on mette un esclave la torture, se drobe CIl refusant la per-sonne du questionneur et en prtendant appliquer lui-mme la torture l'esclave (145). L'accord des deux parties tant indispensable, les partiesjusqu'au dernier moment, restent matres du jeu et leur position peut varieren fonction du droulement du procs. De ce point de vue la possessionde l'esclave n'oblige en rien son kurios; il est seul juge de J'usage qui, unmoment donn, est le plus propre aider sa cause. L'esclave est seulement unbien apte rpondre ses besoins.

    Les termes regroups du ct positif de l'axe 2 font apparatre une au-tre modalit de la valeur. Vendre et acheter, inscrire en vue d'une confisca-tion, torturer, sont des actes publics qui engagent le citoyen et non plus seule-ment l'individu, membre de l'okos, juge unique de l'usage de ses esclaves.Nous avons dj eu l'occasion de noter un aspect de la signification du verbeapodidomai qui indique une vente ralise (146). De ce point de vue, il s'op-pose ple , terme plus gnral. dsignant plus prcisment la vente envisa-ge sans tre ralise (147). C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il figure trois re-prises dans le Contre Athnogne (148). Hypride l'emploie quand il parle del'obligation du vendeur de prvenir l'acheteur de toute infirmit de l'esclave.Mais, par rapport pipraskomai (149), apodiomai etpleo ont en communde dsigner l'action de vendre sous ses deux aspects, telle qu'elle se pratiquesur le march aux yeux de tous. Cette distinction est prsente, galement,au sein de la notion d'achat exprime par les deux verbes neomai et priamai.Oneomai, c'est le fait de se porter acheteur tandis que priamai, c'est rali-ser matriellement l'achat en payant (150). Hypride s'appuie sur cette dif-frence tout au long de son discours. Ainsi en 23 il (Athnogne) m'auraitpress seulement de lui laisser Midas et de ne pas l'acheter (nomai) ; maismoi.je n'y aurai pas consenti ; j'aurais voulu les acqurir tous (priamaiw,

    Priamai est le verbe du Contre Athnogne, o le plaideur Epierate,dsirant s'assurer la possession d'un jeune esclave appartenant Athnogneest victime d'une machination. Athnogne ct sa matresse Antigona le pous-

    145. DEMOSTHENl':. Contre Pantntoe, 42.146. CL supra, pAO.147. Cf. P. CHANTRAINE, loc. cil.I4B. 15 2,20.

    149. Pipraskomai figure du ct ngatif de l'axe 2.150. 1':. HLNVENISTE, Le vocabulaire des institutions inde-europeennes .Paris

    1969, p. 128, ct chap. 9.

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    sent acheter non seulement le jeuneesclave mais son pre, Midas, ~on frre,et, par surcrot, la parfumerie avec son actif et son passif. JI est bien devenule nouveau matre de l'esclave qu'il convoitait. Mais il doit faire face aux det-tes de la parfumerie dissimules sous une formule vague dans le contrat devente. Qu'il s'agisse d'Antigona prsentant l'affaire Epicrate (151 J, d'Epiera-te racontant le guetaJ'ens dont il a t victime (152), commentant la loi surla vente d'un esclave (153), ou rapportant les paroles d'Athnogne exprimantson dsir d'acheter (154),priamai signifie ici un acte ralis entrainant ipsofacto, l'entre en jouissance. De mme lorsque Lycurgue dans le ContreLocrate affirme que le beau.frre de Locrate, Amyntas, a achet (priamai)les esclaves de Lycurgue (155) ou que Timocrate a rachet Amyntas cesmmes esclaves (156), ce que Lycurgue cherche montrer c'est que d'autresque Locrate sont entrs en possession des esclaves qu'il avait Athnes.Cestl un des aspects de la trahison de Locrate qui, au lieu de rester dans sapatrie au lendemain de Chrone pour participer sa dfense s'est enfuinuitamment, et, aprs un voyage Rhodes, s'est fix Mgare o il viten mtque aux portes d'Athnes.

    Au contraire neomai est le verbe du Contre Pantntos o il est em-ploy systmatiquement (l57J. Je ne m'tendrai pas sur celte affaire trscomplexe, mais chaque fois que Dmosthne parle de l'atelier et des esclavesachets il s'agit d'achat juridique sans entrer en possession absolue : achatfail dans un systme de vente avec possibilit de rachat.

    Ainsi cette double distinction se rapporte deux moments diffrentsdes oprations de vente et d'achat telles qu'elles taient pratiques par lesmembres de la communaut. Vendre et acheter ne sont pas des moyensd'accrotre le patrimoine mais des actes qui engagent le citoyen et par l mmel'esclave est entran dans cette sphre politique. Dans le Contre Athena:gne la cause dfendue semble mineure et trs personnelle. Hypride a crit,

    151. 6.152,7.153.15.154.23.155.22,23.156.24.157. Saur en 12, 16,30, mais dans ce cas WVOWo.L est employ l'aoriste

    et le grec rempiacait l'aoriste d' WVouo Lpar celui de tt o (ex IJU L

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    comme logographe, le plaidoyer d'Epicrate, personnage naif qui s'est laiss du-per. Mais le systme de dfense d'Hypride dpasse le cadre priv de l'affaire.

    En substance il argumente ainsi: Athnogne a fraud en vendant cesesclaves et en dissimulant l'existence de dettes et, ce faisant, il a viol les loisdela cit et s'en est exclu. Il n'a pas agi autrement quand il a quitt Athnesen guerre contre Philippe au lieu de participer sa dfense. Par son compor-tement cet homme, qui ne respecte aucun contrat, priv ou public, s'est exclude la communaut et doit tre chti. C'est le mme terme qui dsigne le con-trat de vente entre Athnogne et Epicrate, et le contrat pass entre Athno-gne le mtque, et la cit d'Athnes (158). De mme, condamner Locratequi s'est enfui au lendemain de Chrone, exclure de la communaut unhomme qui n'a pas hsit abandonner sa patrie menace de grands prils,mais encore a vendu ses esclaves, (159), c'est pour Lycurgue faire son devoirde citoyen et sauver la cit tout entire (160).

    Ou encore condamner Timarque qui a pris la parole en public alors qu'iln'en avait pas le droit, lui qui a vendu les esclaves dont il avait hrit (161)c'est pour Eschine une oeuvre de salut public (162). Ainsi, dans certainesconditions, la cit est concerne par l'achat et la vente d'esclaves non seule-ment parce qu'elle offre sa garantie (163), limitant les droits du propritairedans l'abandon de son bien, mais parce qu'elle s'interpose dans l'exercice dece droit. L'esclave est alors peru comme un bien dont le propritaire estresponsable devant la cit. La perspective est la mme lorsque l'esclave estinscrit dans une dclaration de fortune. Acte public l'apograph fait de l'es-clave un bien commun (164), soit qu'lI entre en tant que bien visible dans labase d'imposition de Yeisphora (l65),soit qu'lI puisse faire l'objet d'une

    158.22 et 30 ;159 Contre Locrate, 22 - 25.t60. Ibid., 6 - 7_161. Contre Timarque, 99.t62.lbid.,!l8; 192.163. CL les lois cites par HYPERIDE, Contre Athnogne. 15 et 22.164. 'A lwypa

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    confiscation l'gard d'un dbiteur public et, ce titre, devenir l'esclave del'Etat (166). L'esclave est peru comme la chose de la communaut qui peutlui tre transfre.

    Lorsque quelqu'un s'oppose la confiscation d'un bien en prtendanten tre le propritaire, l'action intente continue tre une action publique.Le Contre Nicostratos de Dmosthne relve de ce type d'action. Nicostratosprtend que deux esclaves inscrits parmi les biens confisqus de son frreArthousios lui appartiennent.

    En cherchant prouver que les deux esclaves appartiennent bien Arthousios, Apollodore (167) est parfaitement conscient d'agir au nom del'Etat(168). La torture est un mode de preuve institutionnalis, auquel onne peut se drober. Aristote dans la Rthorique range les aveux sous la tortureparmi les preuves extra-techniques, c'est..dire les preuves qui

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    importt; leurs yeux, c'tait de savoir si la faute, en se gnralisant, auraitpour la socit un effet funeste (171).

    Eschine, comme Lycurgue, cherche justifier deux lois qui devaientparatre surprenantes aux Athniens du IVe sicle; que ce ne soit pas l laraison de ces lois est bien vident (172). Mais leur explication rejoint ce quiapparai t comme un des traits dominants de la mentalit de l'poque. L'escla-ve est peru comme utile au citoyen non sur le seul plan conomique mals surle plan politique. Le citoyen a le sentiment qu' travers l'esclave il lui est per-mis de se raliser en tant que tel. Sans cela les explications d'Eschine et deLycurgue n'auraient pu tre reues par un public d'Athniens.

    Il parait vident que c'est une forme que revt, un niveau non thori-que, la justification de l'esclavage. Si l'on excepte Aristote qui, au dbut de laPolitique, pose le problme de la justification morale de l'esclavage, la justifi-cation explicite des Athniens de l'poque classique est essentiellementconomique. Ainsi, Xnophon, dans l'Economique ou les Revenus, montrecomment l'on peut, grand propritaire terrien ou Etat, rentabiliser l'emploide la main-d'oeuvre servile(173). Mais il me semble qu'ici, au niveau des men-talits, se dgage une autre fonne de justification qu'on pourrait qualifier depolitique. Senti comme ncessaire sous sa valeur d'usage ou sa valeurpolitique par le possesseur-propritaire comme par le possesseur-citoyen,l'esclave est d'une certaine faon apprhend comme insparable de la com-munaut des citoyens. Cela permet de comprendre comment il a t possiblequ'en priode de crises menaant l'existence mme de la polis on ait pu envi-

    171. 66.172. Non seulement. comme le fait remarquer G.R. MORROW, The Murder of

    Slaves in Attic iw,CPh. XXXII, l, 1937, p. 216 et p. 218, l'hybris et l'homicide ontdes rsonances religieuses mais ces lois sont des lois trs anciennes qui visent protgerla proprit.

    173. Pour la mme raison, sans doute, dans les utopies galitaires du IVe sicle,la suppression de l'esclavage n'est jamais envisage comme elle le sera dans les utopiesde l'poque hellnistique. Cf. a.MOSSE} Lesutopies galitaires l'poque hellnistique,RH, 1969, p. 257 - 308. Si Platon, dans la cit idale de la Rpubiique, ne parle pas desesclaves ils seront introduits dans la cit par la guerre (cf. X, 469 b sq et 470c). Dans l'u-topie de Phale.. de Ualcdoine rapporte par ARISTOTE, {Politique, Il, 1266 asq. ) les artisans sont des esclaves publics (1267b) et dans la cit d' Hippodamos deMilet, Aristote suggre la ncessit d'une quatrime classe de non-citoyens pour travail-ler les terres commune.s (1268 a). Si l'galit de la proprit, lies degrs divers, estenvisage, la prsence des esclaves n'est pas remise en question.

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    sager de faire appel aux esclaves pour la dfendre (174). En les traitant commedes auxiliaires charg. de participer au maintien d'une socit qui lesexcluait, les citoyens n'acceptaient pas, un seul instant, de les intgrer lacommunaut. mais ils rendaient manifeste cette valeur politique: prouvequotidiennement.

    Avec l'axe 3, nous pntrons dans une autre sphre de reprsentation(175). En effet les facteurs 1 et 2 prsentent un trait commun. C'est partirdu possesseur-usager que s'organise, en premier lieu, le champ lexical del'esclavage. Les modalits de la possession comme les modalits de la valeurrestent des modes d'apprhension par le maitre de la ralit esclavagiste.Elles sont les transpositions, au niveau des mentalits, des diverses faonsdont les possesseurs d'esclaves vivaient quotidiennement cette ralit. L'axe3 en rvlant une structure nouvelle montre, me semble-t-il, que cette ralittait replace aussi, mais en dernier lieu, dans une vision globale de la socit.

    Les deux discours qui s'opposent sont le ConIre Nicostratos et, l'au-tre extrmit, du ct positif, le Contre Pantntos, avec un degr moin-dre, le Contre Athnogne . Ce n'est pas la signification du vocabulaire quipermet d'expliquer les regroupements. Au contraire on assiste un clate-ment droutant. Ainsi se sont scinds, c'est-A-dire se retrouvent la fois duct ngatif et positif, les vocabulaires de la possession-appartenance, de lapossession-rupture, le vocabulaire de la torture, puisque du ct ngatiffigurent, par exemple, basanos, basaniz, paralamban et, du ct positif,paradidmi, basanists,

    Mme remarque pour les termes dsignant les esclaves. Alors qu'enfonction du facteur 1 comme du facteur 2 andrapodon s'opposait oiketset doulos trs proches l'un de l'autre, ici, au contraire andrapodon est situdu ct ngatif avec doulos et ils s'opposent, l'un et l'autre. oikts, Il mesemble qu'il faille chercher les raisons de ce bouleversement dans un change-ment de perspective.

    174. A cela on peut objecter que les exemples certains concernent tous le Ve si-cle, si l'on fait abstraction de la Premire Philippique (36) o DEMOSTHENE voque lecu d'embarquement sur les trires de chris oicnountes, Les esclaYC. ont t enrls dansl'arme de terre en 490 lors de Marathon et, comme rameurs, en 406 (Arginuses), 404(Aigos-Potamos)et, peut-tre en 415-413,lor5 de l'expdition de Sicile.

    . Y. GARLAN, Les esclaves en temps de guerre, Actes du Co/loque d'histoiresociale 1970, Paris 1972, p- 29 62. et K.W. WELWEI, Unfre/e lm enttken Kriegsdiensl,Wiesbaden 1974). Mais la crise qui secoue le corps civique au IVe sicle et la menacepesant sur certains citoyens qui voient la politei4 remise en question par le courantoligarchique est sans doute mettre en rapport avec le fait que, au IVe sicle, dans lesmoments les plus graves, Athnes n'ait pas fait appel aux esclaves.

    '75. a.grnphique2.

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    Ce qui frappe, en effet, dans le vocabulaire regroup du ct positif del'axe 3, c'est l'expression de l'action portant sur l'esclave. Sauf pipraskomaisur la signification duquel je ne reviendrai pas (176) et alors que, on l'a vu,beaucoup de familles smantiques sont carteles, on retrouve ici tout le vo-cabulaire de la vente et de l'achat qui implique la transformation de l'esclaveen biens qui circulent. Les autres verbes voquent cette mme notion deperformance, affranchir, acqurir, livrer pour la torture, se saisir de, louer,donner, laisser en hritage. Affranchir ici, c'est apolu. Il s'oppose luomaiqui fait partie de l'autre ensemble de termes. n est employ par le seul Hyp-ride dans le Contre Athenogne (177).

    On pouvait affranchir, et c'tait le cas le plus frquent, en spcifiantun certain nombre de rserves au profit du matre. Ici, au contraire, commel'indique apolu ; il s'agit d'un affranchissement 'ans aucun lien. C'est ce quevoulait Ericrate et c'est donc ce que lui propose Antigona de la part d'Ath-nogne ( 78) pour pousser Epicrate conclure un march qui se rvlera treun march de dupes.

    Le verbe krat (179) qui, par sa place, est trs significatif', n'indiquepas ici une possession statique mais une possession dynamique envisagecomme le rsultat d'un procs. De ce mme ct figure ch, associ d'ailleursune fois au verbe prcdent (180) dont on a not ia signification dans les dis-cours (181)_ De mme les substantifs expriment une action ou celui qui faitl'action: la vente, l'achat, le rachat (182), le vendeur, celui qui rduit unhomme libre en esclavage, (183) quand on intente une action en justice unesclave. Mais que fait ici le polits ? Les quatre fois (184) o il est mentionnil est engag dans des actions supposes ou contestes dont les consquencessont juges dcisives par le plaideur. Comme le vendeur, celui qui rduit unhomme libre en esclavage, le questionneur, le kurios,le polits joue un rleau sein du jeu social fond sur les changes.

    176. Vendre est une signification drive.177. 4,26,27.178.4.179. Lorsqu'il est employ dans le Contre Pantntos (10), il exprime le mcon-

    tentement du plaideur qui, aprs une absence,retrouve son associ, Evergos, seul matreet possesseur des esclaves qui lui appartenaient galement.

    180. Ibid.181. Cf. supra, p. 42.182,OLc;.

    183.\J6palIo6LoTn~ (Contre Athnogne. 10).184. La succession de Phoktmon, 65 ; Contre Pantntos, 24 (2).50.

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    Tous les discours ont en commun de mettre l'accent sur la circulationdes esclaves qui, au gr des situations, passent de main en main. Le sujet duContre Pantenetos porte sur la vente sous condition de rachat d'un atelieret d'esclaves qui, pour des raisons diverses, changent plusieurs fois de posses-seur. Le Contre Athnogne fait le rcit d'une vente d'esclaves avec un fondde parfumerie. La succession de Philoktmon mentionne plusieurs reprises,pour des esclaves, un changement de propritaire. Dmosthne, dans leContre Aphobos l, voque longuement ce problme ainsi que dans le ContreEvergos o des esclaves sont pris en gages.

    Tout se passe comme si, travers la reprsentation de l'esclavage, lasocit athnienne se donnait une reprsentation d'elle-mme. Lacirculationdes esclaves correspond une exigence de la conununaut qui a besoin, d'unemanire plus gnrale, des changes de biens. Aristote nous avertit que la so-cit ne serait pas possible sans l'change (185) qui assure le maintien de lacommunaut reposant sur l'autarcie, c'est--dire la non-dpendance vis..visdes forces extrieures. Le ncessaire mouvementqui s'instaure et qui provientdu dsquilibre des besoins, est expression du fonctionnement adquat de lasocit globaie. Par opposition, les discours de l'autre groupe donnent de lasocit une reprsentation statique. On retrouve de ce ct des termes longue-ment anaiyss qui mettent l'accent sur le caractre substantiel du patrimoineduquel font partie les esclaves: ousia, patra, k/ros, hyparchonta,

    De mme les substantifs dsignent la constation d'une situation, d'untat : la libert, la servitude (186), la torture, la livraison de l'esclave, la dcla-ration de fortune, la confiscation. Les esclaves apparaissent sous leur aspectdescriptif : esclave dsign par sa fonction, akolouthos, dmosios, aggi-mos (187)_

    Le Contre Nicostratos est de ce point de vue le plus oppos au ContrePantntos, J..:apograph, la confiscation au profit de l'Etat, d'esclaves quifont partie des biens d'un dbiteur public, si eUe prend galement la formed'un transfert s'oppose l'change. Il s'agit simplement de rtablir un ds-

    185. Ethique d Nicomaque, V. 1133 b. Pour le rexamen de la thse d'Aristotecf. K. POLANYI. Aristote dcouvre l'conomie, p. 93 - 117, K. POLANYI et C.ARENSBERG, Les systmes conomiques dons l'histoire et dans 10 thorie, trad. fran-celse, Paris 1975.

    186. oouE(a , v6pano6L.o\-l6.187. Contre Nicostratos, 11 {xcL aT aywYL.\-lOS; yVWlJlXL).

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    quilibre occasionnel par le biais d'une substitution. C'est la mme notion desubstitution qui est implique dans l'action exprime pile le verbe, trs carac-tristique de cet axe 3, cnapottma . donner un esclave en paiement d'une det-te, (188). On cherche, en supprimant la dette, restaurer l'ordre antrieuret les esclaves servent cette restauration.

    Ainsi, travers la place tenue par les esclaves, tour tour objets d'-change et objets de substitution se dgage non seulement une certaine repr-sentation de la socit perue comme entit conomique mais le rle tenupar les esclaves. Rle conomique ou plutt rle social dans la mesure ocette circulation de biens est apprhende comme lment ncessaire lareproduction de la socit (189). En un mot je dirai que ce troisime facteurstructurant le champlexical de l'esclave me parat tre la fonction sociale desesclaves, condition que l'on n'oublie pas qu'il s'agit de la reprsentation ques'en font les propritaires d'esclaves qui s'expriment travers les orateursattiques.

    En conclusion, partir d'un chantIllon et d'un champ lexical dont leslimites ont t soulignes, l'analyse des correspondances a permis de dgagertrois facteurs structurants qui sont, par importance dgressive, les modalitsde 1. possession, les modalits de la valeur et la perception du rle jou parles esclaves dans le fonctionnement de la socit globale. Rsultats non n-gligeables mais qui demandent une laboration plus pousse, en prenanten considration cette fois, l'ensemble des textes des orateurs attiques.

    Mais partir de ces rsultats il est possible d'aller plus loin. Cettemthode nous parait un moyen de cerner de plus prs les sens des termes ausujet desquels l'analyse traditionnelle, aussi minutieuse soit-elle, aboutit des conclusions contradictoires (190).

    188. Contre Nicostratos, 20.189. Cette conception peut tre rapproche, semble-t-il, de l'volution de lacapa-

    cit juridique de l'esclave dans les affaires commerciales. L'esclave, on le sait, ne peut t-moigner, sauf dans deux cas exceptionnels ; les affaires de meurtre, comme tmoin ilcharge, et les affaires commerciales. L. GERNET (Aspects du droit athlltea. de l'escla-vage, Droit et Societe dans la Grce ancienne, Paris 1955, p. 163-164) considre cettedernire possibilit, reconnue par les tribunaux et non inscrite dans la loi, comme unevolution due aux besoins d'une socit dans laquelle le commerce maritime a pris uneplace dominante.n s'aglt l d'un fait dejwilprudence s'inscrivant davantage dans la men-talit d'une poque que le fait de droit dont les rapports avec ta socit sont toujourstrs difficiles cerner.

    190. Sans parler des remarques de ceux qui ne cherchent pas diffrencier lesdnominations des esclaves ou ne les diffrencie qu'en fonction de leur usage dans lalangue juridique, comme le fait, par exemple, W.L. WESTERMAN,The Slave Systems ofGreek and Roman Antiquity, Philadelphie 1955, p. 5.

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    La profusion des vocables grecs dsignant les esclaves a t souventsignale (l91). Si un certain nombre d'hypothses peuvent tre avancespour expliquer cette diversit, il me semble que, dans une perspective syn-chronique, il se dgage des tendances dans leur emploi.

    Je prendrai deux termes, andropodon et doulos, non pour proposerune tude systmatique, mais pour montrer que la signification de ces ter-mes peut s'clairer si on tient compte des rsultats obtenus par l'analysefactorielle. Andrapodon et doulos s'opposent, en effet, en fonction du pre-mier comme du deuxime facteur, c'est--dire des facteurs qui rendentcompte de l'information la plus forte.

    Andrapodon figure du ct ngatif de l'axe 1 en compagnie de termesfortement polysmiques (192). Au sens premier andrapodon s'emploie pourdsigner les hommes, les femmes et les enfants aux mains du vainqueur, fai-sant partie, au mme titre que le btail, du butin de guerre (193). P. Ducreya not que, dans un contexte de guerre, ce terme exprimait la volont dli-bre du vainqueur de rduire ses prisonniers en esclavage (194).

    La signification de l'axe factoriel 1 permet de prciser cette analyse.L'andrapodon est un objet possd sur lequel s'exerce une form de posses-sion concrte, immdiate. P. Ducrey relve, aprs bien d'autres, l'emploid'andrapodon aux cts d'autres termes se rapportant au cheptel (195 ~ lednominateur commun lui semble tre la notion de capture, la capture d'treshumain' accompagnant souvent celle du btail. Le dnominateur commun mesemble tre le caractre concret de la relation qui s'tablit entre celui qui cap-ture et celui qui est captur. C'est le mme trait que l'on retrouve dans lesnumrations o andrapodon r~re aux cts de termes dsignant les mai-'ons, le mobilier, les animaux ( 6). Il est une loi cite par Hypride, qui est,de ce point de vue, exemplaire; En vendant un esclave (andrapodom, on esttenu de prvenir de toute infirmit qu'il peut avoir, sinon il y a action rdhi-bitoire son sujet et il continue, commentant la loi dans le cadre de son af-

    191- Cf. en particulier, M. I. FINLEY, The servile statuees of Ancient Gree,RIDA, VII, 1960, p. 165-168.

    192. POlU ces termes dsignant l'esclase cf.lUpril, p. 311q.193. Bien que l'tymologie communment admise pow andrapoda, btail

    humain, directement form sur TET pel no dsignant le butin de guerre sous formed'animaux. ne soit pas aussi vidente qu'il ne parai t, le lien conceptuel entre les deuxtermes semble incontestable (cf. R. LAZZERONl, Etimologia e semanticu dei greco&v6p(lITo60V, Studi e saggi linguistict, X, p.165-I73l.

    194. Le traitement des prisonniers de guerre dans la Grce antique, Paris 1968,p.25.

    195. Op. c., p. 24.196. Succession de Kiron. 35 ; Contre Otympioaoros. 65.

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    faire. Pourtant la prsence d'un esclave (alldrapodUlI) pileptique n'a paspour consquence de ruiner la fortune de celui qui l'a achet (197). Dans lestextes de lois c'est le plus souvent doulos qui est employ (198). Il me semblequ'ici andrapodon dsigne bien cet esclave ce point li au matre que ce der-nier doit en connatre les dfauts physiques. Bien qu'il s'agisse d'un cas gnrall'esclave n'est pas l'esclave en gnral mais celui qui dpend troitement dupossesseur dans la mesure o il est envisag dans son tre et non pas dans sesactes. A cette loi