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Mémoire 6ème Dan – Session Juin 2009 - Bruno Russo : « Le Fudo Shin enseigné » Mémoire en vue de l'obtention du grade de Sixième Dan de Karaté style Shotokan Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées Présenté et soutenu présenté par Bruno RUSSO Ceinture Noire 5ème Dan – Diplômé d'Etat 1 er Degré Le Fudo Shin enseigné Sous la direction de Maître Jean-Pierre LAVORATO Ceinture Noire 9 ème Dan 1

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Mémoire 6ème Dan – Session Juin 2009 - Bruno Russo : « Le Fudo Shin enseigné »

Mémoire en vue de l'obtention du grade de Sixième Dan de Karaté style ShotokanFédération Française de Karaté et Disciplines Associées

Présenté et soutenu présenté par

Bruno RUSSOCeinture Noire 5ème Dan – Diplômé d'Etat 1er Degré

Le Fudo Shin enseigné

Sous la direction deMaître Jean-Pierre LAVORATO

Ceinture Noire 9 ème D a n

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Cadre réservé au jury

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Remerciements

À Christophe Fernandez,mon premier Professeur ;

À Claude Pagès,qui, à son tour devint mon Professeur ;

À Jean-Pierre Lavorato,qui, après près de 50 ans de pratique,

démontre que le tour n’est jamais fait ;

À Michaëlla,qui me pousse à aller plus loin, plus

haut, qui me fait sortir du Moi, qui canalise mes mauvais sentiments pour construire le Bon.

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Préambule

Pour situer mon parcours, je pourrais dire que j’ai obtenu mon 4ème dan à force d’entraînements intensifs très physiques. Je l’ai décroché avec mes muscles ! J’ai obtenu mon 5ème dan malgré, au contraire, de gros problèmes physiques, repoussant toujours les limites du possible, au-delà de la douleur, voire du raisonnable. Je l’ai décroché avec mes tripes ! La préparation du 6ème dan se veut beaucoup plus sereine et posée. L’esprit, plus que les muscles et les tripes en est bien le moteur essentiel.

Le cap du sixième dan revêt en effet une importance particulière et une certaine symbolique dans la vie d’un karatéka. Tout d’abord, parce qu’il vient illustrer une pratique d’au moins vingt ans. Ensuite, parce que l’épreuve en elle-même diffère des précédentes avec l’écriture d’un mémoire. Une réflexion sur sa propre histoire, sur l’essence du Karaté Do, sur la manière de pratiquer, d’enseigner, sur ce que cela peut apporter dans une vie …, bref il s’agit d’avoir une réflexion sur sa relation au karaté. Une maîtrise technique, une connaissance de la discipline, certes, mais aussi un recul et une analyse par rapport à elles. L’imbrication du corps et de l’esprit commence déjà à se dessiner …

Exercice bien moins évident qu’il n’y paraît. Un mémoire vient traditionnellement couronner un cursus universitaire. Sa rédaction est d’autant plus facilitée que les années universitaires qui l’ont précédé constituent un entraînement à ce type d’exercice. Pour un karatéka, il s’agit de troquer le kimono contre un stylo et un ordinateur, et la recherche d’une problématique ne constitue pas l’essentiel de sa pratique courante du karaté.

Le choix de cette problématique découle de la manière dont s’est construite et continue d’évoluer ma relation avec le karaté. Les convictions intimes sur la discipline, les expériences d’élève, d’enseignant, de responsable fédéral constituent autant d’éléments qui font que deux karatékas ne vivent pas le karaté de la même manière. C’est ma perception personnelle qui m’a aidé à dégager ma problématique.

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Sommaire Remerciements p. 3Préambule p. 4Sommaire p. 5Introduction p. 6Problématique, plan p. 7

Partie IEfficacité, Karatéka efficace, Enseignant efficace p. 8

I- Définition académique de l’efficacité p. 9

II- Efficacité en Karaté, Karatéka efficace p. 9A-Dans le langage courant p. 9B- Un autre point de vue p. 9C- Interprétation personnelle p. 10

III- L’efficacité de l’Enseignant p. 12

Partie IICorps et Esprit : La formation et les influences réciproques p. 14

Introduction p. 15

I- La formation du corps p;15A- Pour le mettre en conformité avec les exigences du karaté p. 15

1- La notion de position juste p. 152- La richesse du karaté p. 17

B- Quand le travail sur le Corps éduque l’Esprit p. 17

II- La formation de l’esprit p. 18A- Pour le mettre en conformité avec les aspirations du karaté p. 18

1- La nécessité et l’utilité des Règles p. 182- La notion de « comportement juste » : Reï Shiki p. 19

B- Quand le travail sur l’Esprit éduque le Corps p. 20

Partie IIIFudo Shin et temps p. 21

Introduction p. 22

I- La spécialisation p. 23A- Définitions p.23B- L’utilité d’une spécialisation ponctuelle p.23C- Ne pas oublier l’essentiel p-24

II- A long terme, au-delà de la disponibilité p.25

Conclusion p. 26Bibliographie p. 27Annexe p. 28

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Introduction

J’ai commencé le karaté voilà maintenant 27 ans. Les premiers mots que j’ai dits à mon professeur d’abord furent :

« Je veux faire du karaté et que plus personne ne puisse me toucher ! ».

D’aucuns pourraient interpréter de manière simpliste en imaginant que mon souhait était d’être intouchable, c’est-à-dire me lancer dans la compétition et devenir un champion, le meilleur. Le vrai sens de ces mots est plus profond. Lorsqu’on dit d’un peintre ou d’un musicien que personne ne peut le toucher, qu’il est intouchable, il ne vient à l’idée de personne de prendre ces paroles au premier degré, au sens physique. Cela signifie symboliquement qu’il a atteint un niveau tel de maîtrise de son art qu’il est difficile, voire impossible de l’égaler. Je souhaitais « juste » devenir bon, apprendre et connaître un maximum de choses, techniques, symboliques, historiques, philosophiques, c’est-à-dire appréhender le karaté comme un système, un ensemble homogène de composantes, pas seulement un sport de combat. C’est cette vision qui a fait que pour moi, et malgré des capacités, la compétition a toujours représenté une partie de ce système et non l’essentiel, un moyen de progresser, pas une fin en soi. Cela a orienté mon parcours et a aussi influencé mes orientations pédagogiques plus tard, en tant qu’enseignant.

Cette vision, associée à un humanisme important et un souci permanent de prendre la défense des plus faibles, mon objectif à atteindre à l’aide du karaté fut très vite : devenir suffisamment bon pour défendre les faibles. Deux manières d’y parvenir : de manière directe, physiquement, comme dans un bon Jacky Chan, ou de manière indirecte en les rendant plus forts eux-mêmes, en leur donnant les arguments pour se défendre seuls face aux attaques de la vie, qui ne sont pas que physiques. À l’instar d’un sage Indien qui disait :

« Offre un poisson à un homme, et tu le nourriras un jour ; apprends-lui à pêcher, et tu le nourriras toujours ».

C’est ainsi que l’on doit comprendre rapidement qu’apprendre à se défendre ne se limite pas à emmagasiner des techniques de self-défense. « Un esprit zen dans un corps sain » , l’expression est jolie, un bon concept publicitaire, mais elle résume aussi merveilleusement bien ce qui doit guider la pratique de tout pratiquant, qui se résume en deux mots : Fudo Shin. L’union du corps et de l’esprit est certainement la clé de la réussite d’une existence, ce qui permet de traverser des épreuves, de gérer des conflits, d’affronter des problèmes.

C’est donc naturellement que ces deux mots qui me semblaient la clé de voûte du karaté do sont devenus le nom du club que j’ai créé et c’est donc aussi naturellement que le Fudo Shin est devenu un objectif à atteindre pour moi et pour mes élèves.

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Problématique De là découle une question qui est l’objet de mon mémoire et en constitue la

problématique. Les raisons qui amènent un individu à entrer dans la pratique du karaté sont nombreuses. Cependant, un objectif conscient ou inconscient doit guider l’évolution et les orientations de chaque pratiquant, à savoir la recherche de l’union du corps et de l’esprit. Le karatéka, parce qu’il est aussi un Budoka, doit suivre la voie qui le mène vers le Fudo Shin.

Par conséquent, au-delà de multiples objectifs à court et moyen termes, la préoccupation essentielle d’un enseignant de karaté doit être la suivante : comment amener les élèves vers cette union ?

PlanDans un premier temps, je m’attacherai à essayer d’expliciter le terme d’efficacité

car il est au centre des préoccupations des adeptes des Arts Martiaux, et à ce titre en constitue forcément un objectif. La notion d’efficacité telle que je la perçois peut être associée à la recherche de l’union du corps et de l’esprit. Dans une deuxième partie, je montrerai donc comment travailler à la fois sur le corps et sur l’esprit du pratiquant pour tenter d’atteindre cette harmonie. Enfin, dans une troisième partie, j’intègrerai à mon analyse le facteur temps qui impose d’avoir une double démarche avec les élèves afin de les aider à atteindre des objectifs à court terme et un objectif unique à long terme : le Fudo Shin.

Ma profonde conviction, dès le départ, que ma voie était celle de l’enseignement, liée à un désir de comprendre et amener ma ligne dans le livre de l’histoire du Karaté Do m’ont amené à me définir comme un « chercheur en karaté ».

Ce mémoire n’est donc pas un exposé, une accumulation de connaissances glanées çà et là, dans des ouvrages, sur internet, et savamment mêlés pour donner une illusion de logique et de création personnelle. Il s’agit d’une réflexion sur 27 ans de pratique, d’expérimentations, de recherches, de recherche personnelle, d’échanges et surtout d’entraînement. Plus que de la théorie, le fruit de l’expérience et le désir de savoir et comprendre toujours davantage.

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Partie I

L'efficacité

DéfinitionsKaratéka efficaceEnseignant efficace

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Le question de l’efficacité, une question de point de vue

I- L’efficacité, définition académiquePour éclairer la question de l’efficacité, il faut d’abord définir précisément le terme :

parcourir dictionnaires et encyclopédies pour dégager les différents sensEfficacité signifie « Agir de manière efficace » !

Est considérée comme efficace une action ou un ensemble d’actions qui conduisent à l’effet attendu.

Est dit efficace un individu dont l’action conduit à l’effet attendu, c’est-à-dire qui atteint ses objectifs.

II- Efficacité en karaté, karatéka efficaceÀ partir de ces considérations, comment définir un karatéka efficace ? Qu'est-ce qu'un karatéka efficace ?

A- Dans le langage courant, …

… comme dans l’esprit d’un très grand nombre de pratiquants et de néophytes, une seule acception du terme karatéka efficace est retenue : celle qui suppose qu’un karatéka efficace est celui qui est apte à sortir vainqueur d’un combat, qui met hors d‘état de nuire un éventuel agresseur. Si l’on exclut les bagarres de rue, le karatéka efficace est celui qui gagne beaucoup de combats, que personne ne parvient à vaincre. La partie visible de ses aptitudes est alors la compétition Kumité. Par conséquent est considéré comme très efficace celui qui a un palmarès sportif éloquent.

L’échelle de l’efficacité a alors pour paliers les marches des podiums !

Karatéka efficace et compétiteur titré vont de pair dans l’esprit de la majorité, karatékas ou profanes. Cela suppose que l’efficacité est liée à la performance physique et surtout au combat. Les idées reçues ne sont pas forcément des vérités. Elles ne le sont en fait que très rarement !

B- Un autre point de vue

Si l’on revient à la définition même du terme d’efficacité, à savoir produire les effets attendus, et qu’on la transpose à la pratique du karaté, on peut considérer qu’un karatéka efficace est celui qui parvient à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés dans sa pratique :

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obtenir du karaté, ou à travers le karaté ce qu’il est venu y chercher. À partir de là, on peut considérer qu’il existe autant d’efficacités que de motivations à pratiquer le karaté, soit autant de karatékas efficaces que d’individus qui retirent du karaté ce qu’ils en attendent. L’efficacité n’est donc pas observable objectivement, qualitativement en terme de maîtrise de techniques ou quantifiable en termes de podiums. Elle est totalement subjective et personnelle. L’efficacité n’est pas absolue, elle est relative.

Pour mieux comprendre cette position, intéressons-nous aux raisons qui amènent chacun à pratiquer le karaté. (les prénoms sont choisis de manière totalement aléatoire).

Ainsi, Christophe, compétiteur de haut niveau sera dit efficace s’il remporte des titres.

Mais, Claire et Paul, retraités venus rechercher un moyen de conserver des relations sociales tout en entretenant leur forme physique, seront considérés efficaces si la pratique du karaté leur apporte épanouissement social et bon état physique.

Carine, en recherche de valorisation et de reconnaissance, sera une karatéka efficace si sa pratique lui permet d’être reconnue et considérée, à travers l‘enseignement, l‘arbitrage ou des fonctions fédérales.

Lisa, adolescente, venue au karaté pour apprendre à se défendre, est efficace si elle parvient à se défaire d’un agresseur, ou mieux encore, si sa pratique lui a permis d’acquérir l’assurance suffisante pour dissuader un éventuel agresseur.

Jean, handicapé moteur, qui pratique le karaté à des fins thérapeutiques de rééducation, mais aussi d’intégration, sera considéré comme efficace s’il en retire un mieux être, des bénéfices moteurs et une meilleure intégration sociale.

Myriam et Pierre, ayant des professions très stressantes et des emplois du temps très chargés, sont efficaces si le karaté, comme ils le souhaitent, leur apporte sérénité, détente et relâchement.

En résumé et pour démonter une idée reçue très restrictive de la pratique, il n’y a pas une manière d’être efficace, mais une multitude. Il existe donc des efficacités et non pas une seule. On comprendra alors l’intérêt à apporter à tout nouveau pratiquant et la question essentielle : Pourquoi venez-vous ?

Cette manière de traiter la question de l’efficacité a aussi le mérite de valoriser et décomplexer tous celles et ceux qui ont des capacités physiques restreintes, qui ne sont pas là en priorité pour combattre un adversaire et pratiquent à la mesure de leurs possibilités.

C’est un point de vue bien plus humaniste et surtout beaucoup moins élitiste. Ils peuvent être, à leur manière aussi efficaces qu’un champion. Pour l’admettre et l’accepter, il suffit de se demander s’ils réussissent à atteindre leurs objectifs.

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C- L’efficacité, interprétation personnelle

Ma définition du terme de karatéka efficace s’appuie sur les aspects cités, mais elle s’inspire aussi de ce que doit être l’objectif essentiel de tout karatéka. Elle découle de l’essence même du karaté.

Selon la définition de Funakoshi : Arrêter la hallebarde, la lance donc la violence, faire cesser tout conflit : maintenir la paix. Depuis que le karaté est devenu Budo, cette définition doit primer sur toute autre.

Alors, et si la karatéka efficace était celui qui, par sa présence et son attitude, dissuadait l’agresseur d‘attaquer, évitant le combat ? Mieux encore, celui qui, grâce à la transmission à grande échelle de valeurs essentielles de paix et de respect parvenait à changer les mentalités et réduire au maximum les esprits belliqueux ? Il dissuaderait alors l’agresseur non pas parce que celui-ci a peur de perdre l’affrontement, mais parce que son message de paix a été entendu et l’agresseur initial n’éprouve plus le besoin d’agresser ! Un stade encore supérieur …

Le karaté est un art martial, c’est-à-dire art de guerre. Un Art, trop souvent ce terme est associé à une idée d’esthétique, parce que rattaché exclusivement à tort aux Beaux-Arts.. Là aussi, idée reçue. Est-il possible de faire une guerre esthétique, jolie ? Un art signifie aussi la maîtrise d’un ensemble de techniques, de règles et de codes dans un domaine donné, comme on parle alors d’arts culinaires. C’est dans ce cadre que se situent les Arts Martiaux, ou Arts de la guerre, puisque le dieu Mars en était le symbole. L’adepte des Arts Martiaux est alors plus un artisan qu’un artiste, c’est-à-dire celui qui maîtrise un savoir-faire, donc celui qui connaît les technique, codes et règles.

Le karaté est très vaste et riche et tout nouveau pratiquant a bien sûr l’objectif d’apprendre, de progresser et d’acquérir une maîtrise des techniques et une connaissance de la discipline. Un karatéka efficace est celui qui maîtrise cet ensemble, qui a découvert cette richesse. Si l’on compare le karaté à une bibliothèque, on peut dire qu’un karatéka efficace est celui qui en a lu tous les livres, qui les a compris, qui peut en appliquer les préceptes à bon escient. Par le biais de l’entraînement et de l’expérience, il associe la connaissance théorique et la pratique.

Un karatéka efficace doit être bon partout ! C’était le sens de mes paroles lors de l’échange avec mon premier professeur :

« Que personne ne puisse me toucher »

Cela signifie qu’il doit maîtriser toutes les techniques.

Le karaté est un Budo, à savoir un combat contre soi-même, un accomplissement de soi. Le karatéka efficace est donc celui qui parvient à un accomplissement personnel grâce à la pratique du karaté. Cet accomplissement porte un nom, c’est le Fudo Shin. Alors si, effectivement, le devoir d’un enseignant de karaté est de répondre aux attentes des adhérents, la mission d’un Budoka est la transmission de techniques et de valeurs à ses élèves, dont l’aboutissement est le Fudo Shin. On peut considérer cela comme mon souhait non avoué, voire secret pour tous mes élèves.

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III- Qu’en est-il de l’efficacité de l’enseignant ?Un enseignant ne peut prétendre former des karatékas efficaces que s’il est lui-

même sur la voie de sa propre efficacité. S’il est en quête.Il s’agit tout simplement d’une question d’aptitudes et la crédibilité.

Un enseignant doit s’enrichir et se former pour se placer en référent pour ses élèves.Selon la formule de Marcel Lancino, « Le karaté est une chose sérieuse, et les choses sérieuses ne peuvent être entreprises et menées à bien que par des gens sérieux »La démarche est double : former son corps et former son esprit. L’enseignant doit enrichir ses connaissances techniques, améliorer sa connaissance de la symbolique, de l’étiquette, et être en mesure de vivre au quotidien le plus d’instants possibles dans le respect des valeurs essentielles du Budo.

La formation du corps comprend l’entraînement : un enseignement doit continuer à pratiquer honnêtement, c’est-à-dire ne pas travailler à l’économie. Les élèves ont besoin d’un référent crédible, qui donne de sa personne. Cela permet aussi évidemment de pratiquer un karaté crédible, en gardant le contact avec la réalité, des sensations vraies dans les attaques, les déplacements, les blocages. C’est essentiel dans une démarche de recherche.

Le deuxième stade est la formation continue. Beaucoup trop d’enseignants vivent en vase clos dans leur dojo, ne se souciant plus de ce qu’il se passe à l’extérieur. Aucune remise en question, aucune prise en considération des évolutions dans la pratique, et surtout une stagnation du niveau. Leur formation initiale, celle qu’ils ont reçue voilà plusieurs années, voire bien plus, leur suffit à construire une carrière entière ! Le risque est de voir fuir peu à peu les élèves qui, ayant atteint un certain niveau ne trouvent plus suffisamment d’informations à prendre, pire encore, ils ont atteint le niveau de l’enseignant et doivent aller chercher ailleurs les éléments pour continuer à progresser. Mais attention aux illusions : formation continue ne signifie pas assister à quelques stages sur une saison, sans réelle continuité, mais bien de se mettre régulièrement dans la peau de l’élève, avec un réel objectif de progression et une démarche sur le long terme. La formation continue comprend la présence à de nombreux stages, des lectures et des échanges avec d’autres pratiquants.

La troisième composante du travail sur le corps et l’esprit est un stade encore supérieur : la recherche personnelle. Il s’agit de l’assimilation des informations recueillies, et surtout leur interprétation : les prendre, les comprendre, les faire siennes et enfin les faire évoluer. L’enseignant qui souhaite réellement progresser et avancer dans la voie doit aller chercher et doit chercher lui-même, pour s’affranchir de la pensée de son maître et trouver sa propre voie. C’est ce que je définis comme « l’enseignant - chercheur ». Si le karaté do est ce qu’il est aujourd’hui, c’est le fruit des expériences et recherches de nombreux maîtres, qui ont tour à tour ajouté, modifié, enrichi ce que les prédécesseurs avaient fait. Connaître le passé, s’en inspirer pour progresser et faire progresser la discipline entière. Je pourrais résumer mon souhaite par cette formule :

« Le prodigieux spectacle continue et je veux y apporter ma rime ».

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L’entraînement permet de former et forger son corps. C’est un travail qui peut se faire en autonomie : on cherche à se maintenir et se surpasser.

La formation continue instaure la relation à l’autre, la référence à ce qui est supérieur, ceux qui savaient avant : on cherche à tendre vers son maître référent.

La recherche personnelle rapproche de l’essence, des origines, fait de nous un maillon dans la chaîne de la transmission : on s’inspire de ses référents pour s’en affranchir et devenir soi-même détenteur de connaissances nouvelles.

Toute cette démarche permet d’acquérir des savoirs, mais son objectif est double : progresser sur sa propre voie et aider ses élèves à le faire aussi. C’est pourquoi le faire ne suffit pas, il faut leur présenter la démarche, qu’on peut résumer ainsi : savoir-faire et faire savoir. La capacité de transmission ne doit pas s’arrêter non plus aux portes du dojo : un art n’a de valeur que s’il sort de l’atelier de l’artiste ou de l‘artisan. L’enseignant qui s’enrichit progresse à titre individuel. Celui qui transmet ces richesses fait grandir le karaté tout entier par l’intermédiaire de tous les pratiquants qui reçoivent son message.

Si les élèves perçoivent cette démarche et y adhèrent, ils ont déjà placé un pied sur le chemin de la voie … Le travail peut alors commencer sur de bonnes bases.Le message que je veux faire passer à travers ce qui précède est contenu tout simplement dans le célèbre poème de Gichin Funakoshi :

Sur l'île des mers du Sud

Sur l'île des mers du SudUn art exquis est transmisC'est le KaratéA mon grand regretL'art a déclinéEt sa transmission est incertaineQui viendra entreprendreLa tâche monumentaleDe sa restauration et de sa survie ?Cette tâche, je dois l'entreprendreQui le ferait si je ne le fais pas ?

Je regarde le ciel ...

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Partie II

Corps et Esprit

Travail spécifiqueetInfluences réciproques

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Introduction

Les Arts Martiaux, parce qu’ils ne se limitent pas à une pratique sportive, impliquent un travail bien sûr sur le corps, mais aussi sur l’esprit. Cette évidence, communément partagée par grand nombre d’enseignants et de pratiquants, reste bien souvent une jolie théorie à l’épreuve de la pratique et des entraînements hebdomadaires.Corps et esprit ne sont pas séparés ou opposés, ils forment une unité sans séparation.

J’ai fait le pari de mettre en mouvement cette théorie, d’en faire le pilier de mon enseignement. Mais pas de manière calculée, en faisant en sorte que cette conception devienne naturelle, une manière d’être, de ne pas l’intégrer méthodiquement dans des préparations, mais de la vivre sans la réfléchir.

Ce qui suit expose les différents axes à travailler pour optimiser les capacités physiques, techniques et les aptitudes psychiques, de manière apparemment indépendante. Il s’agit aussi de montrer comment ces axes s’imbriquent, font partie intégrante l’un de l’autre et agissent l’un sur l’autre.

I- La formation du corpsLa transmission de la technique, la préparation physique, bref l’éducation du corps a deux objectifs principaux. Le premier est de mettre en conformité le corps avec les spécificités, les exigences et les attentes du karaté do. Le deuxième est d’éduquer l’esprit et influer sur lui par l’éducation du corps.

A- Pour le rendre conforme aux exigences du Karaté Do

1- La nécessité de la « position juste »

Les objectifs : préserver le corps, la véracité de la positionUne position juste est celle qui est la plus efficace pour accomplir l’objectif qui lui est communément attribué. C’est celle dans laquelle le corps est le mieux disposé à accomplir la gestuelle souhaitée. La position juste est aussi celle qui permet de perdurer puisqu’elle préserve le corps en respectant la biomécanique : système osseux, tendineux, ligamenteux. Une mauvaise position répétée à long terme peut créer de manière insidieuse des lésions irrémédiables. La préservation du corps passe bien évidemment par l’échauffement. Celui-ci ne doit pas se cantonner à un enchaînement d’exercices destinés à faire monter le rythme cardiaque ou multiplier les abdominaux. L’échauffement prépare aussi le travail qui va suivre. Cela peut paraître une évidence, mais il est important de la garder à l’esprit.

Pour aboutir à la position juste, il est primordial de la décomposer, d’en décortiquer chaque ingrédient de manière à renforcer le système musculaire, l’équilibre et la maîtrise de son corps. Réaliser par exemple un déplacement ayumi ashi en 2 temps semble aisé, puis plus problématique en 4 temps. Alors, si l’on demande aux élèves de réaliser ayumi ashi en 128 temps, quelle va être leur réaction ? Il s’agit simplement de le faire au ralenti,

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sans que l’on puisse percevoir la moindre cassure entre les temps et sans bien sûr que le corps manifeste le moindre déséquilibre ou faiblesse musculaire, en conservant ses appuis et en restant au même niveau. Le mot « simplement » n’est alors certainement pas celui qui correspond le mieux à ce type d’exercice. On comprend surtout que réaliser un geste avec une grande vitesse est plus aisé que de le faire au ralenti. Si l’on décompose ainsi chaque sous-division du temps en 2, on pratique une méthode mathématique qui est la dichotomie et qui consiste à diviser en 2 chaque unité obtenue, à l’infini. Comparons le schéma de la technique à une ligne.

Position initiale Position finale

2e 1ère 2e segmentation segmentation segmentation

I_______________II_______________I_______________II_______________I technique technique techniquesen 4 mouvements en 2 mouvements en 4 mouvements

On peut comparer la technique exécutée en plusieurs temps à un carré, car elle est saccadée et le geste exécuté s’apparente à une roue carrée qui se déplacerait sur une route. On imagine bien les « cloc-cloc » de la route sur le bitume. Au fur et à mesure que l’on décompose la technique, on augmente les intervalles, on peut dire que l’on coupe les angles du carré, on réduit la longueur de chaque intervalle et le temps d’exécution de chacun.

Peu à peu,le nombre de faces de la roue augmente et sa forme se rapproche progressivement du cercle, jusqu’à ce qu’on ne perçoive plus les « cloc-cloc », mais un bruit continu, fluide. Car, à force de couper, on obtient un nombre de faces toujours plus important et on se rapproche d’un cercle : une infinité de mouvements qui, enchaînés de manière uniforme aboutissent à la fluidité.

À force de répétitions au ralenti, la décomposition de la technique est intériorisée, assimilée et réalisée avec maîtrise. Lorsque le passage en un temps arrive, le geste n’est plus réfléchi, il est réalisé de manière intuitive et donc avec une grande fluidité.

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Couper les angles

du carré pour

atteindre le crecle

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Mémoire 6ème Dan – Session Juin 2009 - Bruno Russo : « Le Fudo Shin enseigné »

2- L’ouverture à la richesse du karaté

Toute la richesse du karaté do provient de la diversité de son expression technique. Parce qu’il a toujours été étroitement lié aux religions, aux systèmes philosophiques et à la médecine orientale, il est basé sur une parfaite connaissance du corps humain d’un point de vue anatomique, physiologique et psychique. On pourrait comparer le karaté do à une bibliothèque. Malheureusement seule une partie des ouvrages est connue, et une partie encore plus mince est enseignée. Plusieurs raisons : éviter une surcharge cognitive pour les élèves, éviter les techniques dites dangereuses et donc non autorisées en compétition, éviter les techniques dont on connaît mal les applications.

En enseignant des techniques, on développe des habiletés motrices, c’est-à-dire qu’on prépare peu à peu le corps à maîtriser un maximum de techniques. Peu à peu les geste répétés inlassablement vont se réaliser avec de plus en plus de fluidité et les tonicités seront renforcées. L’intérêt de multiplier les techniques apprises permet de varier les réponses possibles à une situation. À une attaque, il faut être capable de donner plusieurs réponses afin d’atteindre une disponibilité maximale. Si un élève a appris à répondre toujours de la même manière à une attaque et qu’il n’a pas la possibilité de la placer correctement dans le contexte … problème ! Il s’agit de multiplier les automatismes pour maximiser l’adaptabilité.

Cette richesse peut se travailler et se manifester de manière merveilleuse avec le travail du bunkaï. On apprend que l’on peut donner plusieurs réponses à une attaque.

Chaque geste doit devenir un réflexe conditionné car un geste intériorisé rendu réflexe conditionné est plus efficace car le temps de réflexion est un obstacle à l’efficacité.

B- Quand le travail sur le corps éduque l’esprit

La technique a, certes, une forme, mais plusieurs applications, d’où la nécessité de formation continue et de recherche personnelle. Une technique sans application ne reste qu’un outil dont on ignore l’utilité. Un karatéka peut avoir une technique irréprochable et ne pas être en mesure de répondre à une attaque par la bonne réponse. De même qu’un enfant qui maîtrise parfaitement la technique opératoire de l’addition peut être totalement perdu face à un problème additif et ne pas percevoir que la solution sera trouvée grâce à l’utilisation d’un addition. Si l’enseignant associe toujours une même utilité à une technique, les stéréotypes vont se mettre en place et bloquer l’esprit. Il sera alors difficile d’accepter plus tard une autre application. La relation avec l’esprit est évidente :techniques figées

Si on peut donner plusieurs réponses à une attaque, l’étape suivante du travail consiste en une réflexion sur le sens profond de la technique elle-même et ses applications. Un même geste peut avoir, si l’on se donne la peine d’y réfléchir une multitude d’applications. La technique est immuable, ses applications sont en constante évolution car elle peuvent sans cesse être enrichies.

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La relation à l’esprit est la suivante : accepter qu’une technique qu’on nous a longtemps présentée comme étant un blocage peut se transformer en saisie, voire en attaque nous montre que rien n’est jamais acquis et les choses ne sont pas seulement ce que l’on croyait qu’elles étaient. Cette vision transposée dans la vie nous amène à une plus grande ouverture d’esprit, à une plus grande tolérance et nous incite à être moins intransigeant.

Le travail en go, ura et ura go impose d’accepter de sortir des cadres, de quasiment braver l’interdit, le politiquement incorrect ! Il permet dans un premier temps d’éviter de créer des automatismes qui peuvent aller à l’encontre de la progression, comme d’être incapable de démarrer un Kata à droite tant on en a démarré à gauche ! Les automatismes réduisent les réponses. Mais par la suite, l’habitude de travailler à gauche et à droite, en avançant et en reculant permet finalement de créer une infinité d’automatismes, c’est-à-dire une infinité de réponses automatisées. Plutôt que d’éviter les stéréotypes, l’enseignant va faire en sorte de créer une multitude de stéréotypes qui vont ouvrir l’habilité.

II- La formation de l ’ Esprit Le karaté est considéré comme un Budo. Le Budo est la voie du guerrier. Il a

approfondi de manière directe les relations existant entre l’éthique, la religion et la philosophie. Sa relation avec le sport est toute récente. Le Budo inclut les arts martiaux, pourtant, Bu signifie aussi stopper, arrêter la lutte. Car dans le Budo, il ne s’agit pas seulement de combattre, mais de trouver paix et maîtrise de soi.

A -Pour le mettre en conformité avec les aspirations du karaté

1- La nécessité et l’utilité des règlesTout enseignant, s’il aborde le sujet, parlera de l’importance de l’étiquette, de la

nécessité de maintenir la tradition. De belles paroles qui peuvent être très creuses et vides de sens si l’on pousse un peu plus loin la question en demandant d’expliciter le terme d’étiquette : qu’y met-on dedans ? Un joyeux méli-mélo de règles juxtaposées de pieds propres, concentration, salut, kimono repassé ! Très hygiénique, certes, mais qu’en est-il de la signification profonde de tous ces codes ? Si la question du « pourquoi » reste sans réponse pour l’enseignant, comment imaginer que ces consignes puissent trouver un écho dans l’esprit des élèves ?

Ce qu’il est très important de dire, c’est que l’étiquette n’est pas accessoire, dans le sens qu’elle n’est pas là uniquement dans un but d’ornement. Elle a une réelle utilité. De la même manière qu’un professeur des écoles nouvellement promu pourrait se rebeller contre le caractère inutile, voire dépassé de la « mise en rang deux par deux » avant d’entrer en classe. Après tout, pourquoi attendre devant la classe, pourquoi ne pas entrer au fur et à mesure, dès qu’on y arrive? Mais si l’on cherche plus loin le sens, on peut dire qu’une transition entre la cour et la classe permet un retour au calme nécessaire au travail qui va suivre, une baisse du niveau sonore, un retour à un rythme cardiaque normal, un recadrage de l’autorité avec l’enseignant face au rang. Utilité donc physiologique, symbolique mais aussi gage de sécurité si l’on précise que les élèves peuvent être comptés en entrant. On ne peut pas en oublier un ! Le rituel de mise en rang a un rôle réel à jouer dans les apprentissages et dans la démarche éducative.

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L’étiquette fait partie intégrante de l’enseignement et des rencontres au dojo. On peut considérer qu’à partir du moment où le karatéka range son sac dans la voiture pour se rendre à l’entraînement, l’étiquette est déjà là, de manière inconsciente, il se prépare. Le passage aux vestiaires, le « Chemin des Fleurs » jusqu’au tatami sont autant de transitions vers une mise en condition croissante et nécessaire.

2- L’idée de « comportement juste »La fusion du bouddhisme et du shintoïsme a permis la création du Bushido, la Voie

du samouraï qui compte 7 points essentiels : la décision juste, la bravoure, l’amour universel, le comportement juste, la sincérité totale, l’honneur et la gloire, la dévotion. Une très grande importance est accordée à l’éducation du comportement juste.

L’influence du bouddhisme a notamment apporté aux arts martiaux l’apaisement des sentiments, l’obéissance tranquille face à l‘inévitable, la maîtrise de soi, la pauvreté et la familiarité avec la mort. D’autres penseurs, d’autres civilisations ont aussi exprimé ces règles de vie. Marc Aurèle, empereur romain disait :

« Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer celles que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence »

On est loin de la recherche des performance sportives, mais on comprend surtout que si l’on veut s’attacher à garder un contact avec les racines de ce que l’on pratique et veut enseigner, si l’on veut respecter la tradition, il faut que cette éducation au « comportement juste » fasse partie intégrante de l’enseignement, au même titre que l’acquisition de la technique.Il s’agit de pratiquer dans le respect de l’étiquette ou Rei-Shiki.

Le Rei-Shiki, c’est ce qui nous garde en contact avec l’essence des valeurs martiales. C’est la manifestation physique et spirituelle de ces valeurs. Il s’agit de l’attitude et geste protocolaire en usage dans un dojo, codifiés de manière stricte et qui lui donnent sa vraie signification. Elle rappelle qu’il faut non seulement polir la technique, mais aussi polir l’esprit pour que le Budoka exprime dans chacun de ses gestes et de ses attitudes la modération, la modestie, la dignité, la courtoisie, le respect d’autrui.

Le Salut revêt une place importante dans les rituels. C’est une marque de respect envers le partenaire, le professeur, l’esprit du lieu, le sens même que l’on donne à ce que l’on va faire ou que l’on vient de faire. Il exprime une attitude intérieure, la volonté d’un comportement conforme à l’esprit du Budo. Le Budoka doit saluer le Kamiza en entrant et en sortant du dojo, au début et à la fin d’un cours, après une explication de l’enseignant, au début et à la fin d’un travail avec partenaire.Le salut, c’est être face à l’impalpable, ce qui est plus grand que nous, la symbolique de la progression. C’est aussi être face à ceux qui furent avant nous, les anciens, symbolique de la transmission.

Le comportement du Budoka suppose de laisser son ego à l’extérieur du dojo. Précepte valable bien évidemment autant pour l’enseignant que pour ses élèves …

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L’humilité : participer à un cours doit être considéré comme un privilège et non pas un dû. Trop souvent, une adhésion est perçue comme un achat et les cours assimilés à une prestation de service, pire une marchandise. Il s’agit de faire prendre conscience à beaucoup d’adhérents qu’on n’achète pas la connaissance, mais l’on doit donner de sa personne pour l’acquérir ; la transmission n’est pas monnayable, mais elle a une valeur inestimable. Ce que l’on n’a pas pris dans un cours quand on est absent, on ne pourra pas l’acheter plus tard !

Le silence durant l’entraînement est primordial et faire répéter l’enseignant par manque d’attention constitue un manque de respect. Toujours par respect des rôles, mais aussi pour lui permettre d’apprendre lui-même de ses erreurs, un élève ne corrige pas son partenaire.

L’honnêteté :pratiquer de façon réaliste, c’est-à-dire honnêtement, sincèrement et avec conviction, car par transfert, l’attitude durant l’entraînement se retrouve dans la vie courante.

Évidemment, une grande importance est accordée aux consignes de sécurité (ongles coupés courts, bijoux et accessoires, schwingum), d’hygiène (propreté du corps et du karaté gi), et de respect (ponctualité, rigueur dans la tenue).

B- Quand le travail sur l’Esprit éduque le Corps

Les valeurs martiales, l’étiquette, les règles imposent une certaine rigueur et droiture qui, indubitable a une incidence sur le travail, à l’entraînement, en compétition, lors d’un passage de grade.

À moyen ou long terme, la pratique régulière et rigoureuse de l’étiquette permet de l’assimiler, de la faire sienne. Elle fait alors partie intégrante de l’individu au même titre que sa langue maternelle ou ses goûts. Elle n’est donc plus respectée uniquement dans le dojo. Elle devient une manière d’être, alors qu’elle n’était au début qu’une manière de faire.

Le travail sur l’esprit comprend aussi les démarches intellectuelles qui sont mobilisées lors de certains exercices. La réflexion qui permet de réaliser un Kata aussi bien à gauche qu’à droite, en avançant qu’en reculant oblige à réfléchir le geste et les trajectoires, et à terme, après beaucoup d’hésitation, de relâcher les tensions musculaires et cérébrales. Cela permet par exemple à un droitier de réaliser les exercices à gauche de manière aussi efficace et fluide qu’à droite, tout en restant droitier. En terme de disponibilité et de fluidité, les incidences sont évidentes.

La préparation du corps et de l’esprit doivent être perçues comme complémentaires et indissociables et travaillées de manière égale, sans quoi l’enseignement s’éloigne de l’Essence même du Karaté Do. Si seul l’aspect physique et technique est traité, il s’agit simplement d’un sport de combat. Si c’est l’aspect spirituel qui prédomine, on se rapproche de la philosophie ou d’une dérive sectaire dangereuse. Reste à intégrer un ingrédient supplémentaire : le facteur temps, qui agit sur la manière d’enseigner.

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Partie IIILe concept de temps

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Introduction Tout le travail entrepris sur Corps et sur l’Esprit donne au karatéka les

fondamentaux, les pré-requis à un travail à long terme sur l’efficacité dans le sens où je l’entends, à savoir l’Union du Corps et de l’Esprit, le Fudo Shin.Bien trop souvent, et sans doute inconsciemment, l’enseignement est pensé et planifié sur une saison, c’est-à-dire sur une année civile. Si l’efficacité, et à terme le Fudo Shin, guident les pas du pratiquant, il est bien évident qu’on ne peut raisonner qu’à long terme. L’enseignant doit donc intégrer dans ses programmations la notion de progression, c’est-à-dire la prise en compte du facteur temps. Il doit fixer pour chaque élève des objectifs à court terme, et pour tous, l’objectif à long terme.

Le karatéka avancé, qui a de nombreuses années de pratique derrière lui, a forcément évolué dans sa perception du karaté, mais aussi dans sa manière d’appréhender de nombreux aspects de la vie quotidienne. Cela à la condition nécessaire d’avoir fait un travail d’humilité sur lui-même et de ne pas s’être consacré uniquement sur sa petite personne. Car sinon, la progression aura sans doute été technique, mais certainement pas spirituelle, comme le dit Gichin Funakoshi :

« Lorsque l’homme banal est reçu à l’examen du 1er Dan, il se redresse avec fierté devant les membres du jury, puis court annoncer la bonne nouvelle à sa famille ;

lorsqu’il réussit son 2e Dan, il monte sur le plus haut endroit qu’il puisse trouver pour crier à la ronde la distinction qu’il vient d’obtenir ;

et lorsqu’il passe le 3e Dan, il saute dans sa voiture et sillonne la ville en klaxonnant à qui mieux mieux pour fêter l’événement …

L’homme de la voie agit différemment.

Au 1er Dan, il incline la tête en signe de reconnaissance ; quand il reçoit le 2e Dan, il se baisse encore un peu plus en signe d’humilité, et lorsqu’il reçoit son diplôme de 3e Dan, il s’incline jusqu’à terre, confus, avant de s’éclipser discrètement, tant il mesure maintenant ce qui le sépare de la véritable perfection. »

L’enseignant est le tuteur de son élève, à savoir qu’il apporte les outils nécessaires pour que celui-ci s’élève dans la droiture. Les deux pistes de travail, sur le corps et sur l’esprit sont les bases fondamentales à un cheminement vers le Fudo Shin. Ils seront retravaillés et approfondis durant toute la vie.

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I- La spécialisationA- Définition

La spécialisation, c’est traiter seulement un ou quelques aspects d’une discipline, restreindre son domaine d’action pour être plus performant dans un domaine particulier ou pour atteindre un objectif particulier.

Lorsqu’on parle de spécialisation en karaté, une définition du terme vient immédiatement à l’esprit : Kata ou combats. Ainsi, un grand nombre de clubs se disent spécialisés dans l’une ou l’autre des disciplines et l’on ne verra jamais ou exceptionnellement un combattant de tel club en compétition Kata ou de tel autre en compétition combat. Les clubs obtenant des résultats de haut niveau dans les deux domaines sont très rares.

Là encore, prenons le contre-pied de cette définition, trop restrictive et qui oublie certains clubs, en particulier ceux qui, pour des raisons qui leur sont propres, ne participent pas à des compétitions. De plus, ne retenir que le combat et le Kata restreint aussi la pratique. Certains clubs seraient-ils spécialisés en kihon ? En Bunkaï ?

Il semble plus pertinent de parler de clubs ayant pour leurs adhérents des objectifs à court terme, et ceux ayant des objectifs à long terme, c’est-à-dire ceux qui sont spécialisés et ceux qui ne le sont pas, ceux qui restreignent leur pratique et l’enseignement à un aspect et ceux qui proposent la diversité, la globalité du karaté.

B- L’utilité d’une spécialisation ponctuelle

On pourrait penser que la spécialisation est l’ennemie de l’efficacité puisqu’elle néglige certains aspects et donc se prive de leurs avantages. Pour donner du sens à sa pratique et la motivation à venir à l’entraînement, le karatéka novice se fixe inévitablement des objectifs de progression à court terme. La fluidité et la disponibilité ne sont certainement pas les objectifs cités en premier!

Ces objectifs peuvent prendre diverses formes : la réalisation d’une technique particulière, la mémorisation d’un Kata, l’obtention d’un grade, un résultat en compétition.

Parce qu’il doit prendre en compte les attentes de ses élèves, et parce qu’il est important de maintenir leur motivation, ces objectifs doivent être pris en compte.Un karatéka qui s’oriente vers la compétition combat doit avant tout maîtriser les techniques autorisées. Il est donc préférable pour lui de travailler celles-ci en priorité. Mais si l’on souligne que les techniques les plus dangereuses, et donc les plus redoutables en combat réel, sont interdites, l’enseignant se doit, au cours de la formation de ce karatéka, de lui montrer autre chose que ce qui le rend efficace pour l’instant. Le travail à court terme et le travail à long terme sont complémentaires. Cependant, il est très important que l’enseignant ait, dans le temps, une programmation logique qui ne permette pas à son élève de faire des confusions, c’est-à-dire éviter par exemple de travailler intensément des techniques interdites à l’approche d’une compétition.

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Un compétiteur Kata a plus intérêt à travailler les formes omoté que go ou ura. Bien qu’elles puissent être très utiles en bunkaï, elles pourraient lui faire commettre une erreur lors de la réalisation du Kata.

De même que nombre de karatékas ont répété inlassablement durant des mois les Katas nécessaires pour l’obtention du grade qu’ils visent, oubliant , espérons-le pas définitivement, tous ceux qu’ils avaient préparés pour le grade précédent. Une fois celui-ci obtenu, après écoulement du délai réglementaire pour passer le grade suivant, ils s’empressent de visionner des présentations vidéos des Katas de ce nouveau challenge. À moins d’être enseignant et de devoir en permanence répéter les Katas de base pour ses élèves …

C- Ne pas oublier l’essentiel

La spécialisation doit être ponctuelle si l’on veut pratiquer longtemps et s’enrichir. Trop de clubs, trop de pratiquants ne fonctionnent qu’à la gestion d’échéances ponctuelles. Il ne soupçonnent pas l’étendue du karaté et se croient de surcroît, très performants ! Ces échéances ne doivent être considérées que comme des étapes, des passages, certes enrichissants, gratifiants, mais qui ne sont pas des fins en soi. Sinon, une fois ces objectifs atteints, où trouver la motivation et l’envie, l’utilité de continuer ? Quel intérêt à continuer pour un compétiteur dont le rêve était d’être champion du monde et qui décroche le titre ?

Le désir de tout enseignant est que ses élèves aient envie de pratiquer longtemps. Il faut donc leur apporter constamment de la nouveauté, susciter leur intérêt, leur curiosité, leur donner de nouvelles réponses et leur montrer que rien n’est jamais acquis, qu’une technique n’est pas seulement ce qu’ils croyaient qu’elle est. Celle ne comprend pas que la technique. La transmission de l’étiquette aussi doit faire l’objet d’une progression : on n’explique pas à un débutant le rituel du salut, ou le concept de dojo de la même manière qu’à un 5e Dan. Le corps et l’esprit doivent grandir ensemble.

Cela suppose évidemment que l’enseignant ait les connaissances suffisantes, et se forme en permanence. Cela suppose aussi que les élèves acceptent de dépasser leurs objectifs à court terme, pour aller vers l’inconnu, le plus vaste, qui pourrait sembler inutile ou superflu à certains, parce que « pas au programme » ou « pas autorisé ».

Tout le monde ne peut pas franchir le pas, car c’est accepter que sa petite carrière de karatéka n’est pas la priorité, qu’il y a autre chose au-dessus. Cette démarche a l’avantage de montrer que « le tour n’est jamais fait », qu’il y a toujours des choses à apprendre, et que donc, il faut pratiquer longtemps, très longtemps pour toucher du doigt toute la richesse du karaté.

C’est une piste de « recyclage » pour les compétiteurs après leur carrière, qui leur permet de ne pas complètement arrêter de pratiquer. C’est aussi une grande motivation pour tous ceux que la compétition n’intéresse pas et qui s’attachent moins à la couleur de leur ceinture qu’à la richesse des informations qu’ils emmagasinent.

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II- À long terme, …L’enseignant ne donne pas DU karaté, mais LE karaté, c’est-à-dire qu’il donne du sens à la pratique en y englobant toutes ses composantes, en ne négligeant aucun des aspects.

Au-delà de la disponibilité

L’apprentissage d’un grand nombre de techniques, associé à un travail en omoté, go, ura et ura go permettent au corps et à l’esprit d’être pleinement dans l’instant, d’agir rapidement et efficacement sans penser le geste.. C’est la disponibilité.

Le travail à long terme permet une connaissance de techniques encore plus nombreuses, mais aussi une meilleure connaissance de leurs applications. Il permet aussi de les faire évoluer en fonction du contexte pour être apte à les utiliser quels que soient les paramètres. La diversification des habilités libère les tensions mentales et physiques et permet donc une plus grande réactivité.

La disponibilité permet d’être prêt à répondre à tout type d’agression, pas seulement physique : réagir à une situation de danger. Le travail à long terme permet des transferts d’habilités, de compétences, de connaissances, qui font passer de la capacité de disponibilité à celle d’adaptabilité. C’est une étape supérieure qui permet de prendre en compte tout le contexte et de réagir non pas à une situation, mais de s’adapter durablement pour réagir à une multitude de situations..

Le rôle de l’enseignant est de former des karatékas capables de s’adapter à différents contextes, capables de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation de leurs objectifs à court terme, à savoir la compétition et les grades. Il se doit aussi de les former à l’efficacité martiale, en travaillant différemment (go, ura, ura go, multidirectionnel).

La transmission à long terme permet de fidéliser les pratiquants, de former des karatékas complets, de futurs enseignants, des individus équilibrés. Le Budo, qui est la voie de l’accomplissement de soi, l’art martial pratiqué en temps de paix a bien pour objectif essentiel de mettre en harmonie son corps et son esprit.

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ConclusionAmener un élève sur la voie du Fudo Shin ne doit pas rester pour l‘enseignant

qu’un rêve irréalisable. Du côté de l‘élève, le Fudo Shin ne doit plus prêter à sourire ou, au contraire faire craindre une dérive sectaire. C’est un objectif qui doit guider la démarche du professeur et nourrir la motivation de l’élève.

Le triangle didactique constitué par l’enseignant, le savoir enseigné et l’élève est composé de mécanismes complexes qu’il faut connaître et maîtriser pour permettre au message de passer et d‘être compris de la meilleure manière qui soit.

L’enseignement ne va pas de soi, même si l’on est gradé ou titré, et la réception du message ne va pas de soi non plus, si l’on n’a pas assimilés les pré-requis nécessaires à sa compréhension.

Ce mémoire est un plaidoyer pour …

… la mutualisation des connaissances, pour lutter contre le cloisonnement, la pratique en autarcie ;

… la formation continue, pour lutter contre une trop grande stagnation du niveau :

… la valorisation des pratiques alternatives, pour lutter contre la suprématie de la compétition ;

… une réhabilitation de techniques et des pistes pédagogiques trop peu pratiquées, pour remettre en avant la diversité et la richesse du karaté ;

… une réhabilitation de l’étiquette, pour redonner du sens au Karaté Do et associer des valeurs morales à la pratique sportive.

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Bibliographie

La voie du karatéPour une théorie des arts martiaux japonaisDe Kenji TOKITSUéd. Du Seuil, collection Sagesses, 1979

Les 20 préceptes directeurs du Karaté-DoLe legs spirituel du maîtreDe Gichin FUNAKOSHIBudo éditions, 2004

Vertu et richesse de l’étiquetteDans les arts martiaux traditionnels japonaisDe Dominique ANDLAUERÉdition Amphora, 1996

Enseigner le karaté-do et les arts martiauxDe Gérard CHEMAMA et Henri HERBINÉd. C.I.G., 1994

Zen et arts martiauxDe Taisen DESHIMARUÉd. Albin Michel, collection Spiritualités vivantes, 1983

L’encyclopédie des Arts MartiauxDe Gabrielle et Roland HABERSETZERÉd. Amphora, 2000

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Parcours personnel dans le Karaté

Parcours sportifDébute le karaté en septembre 1982 à Uzès avec Christophe FernandezSuite du parcours chez Claude Pagus à Nîmes1986 1er Dan1989 2e Dan1994 3e Dan1998 4e Dan2004 5e DanChampion départemental et régional Kumité, sélections nationales individuelle et en équipe Kumité

Enseignement / Partenariats1986 Diplôme d’instructeur fédéral1986 Création de l’Association Sportive Uzège Karaté, à Uzès1992 Brevet d’état 1er degré1997 Séparation d’avec l’ASUK1998 Création du Fudo Shin Karaté d’Uzès

Création d’une section « Ceintures Noires »Animation de stages dans des clubs du département2005 Mise en place d’un partenariat avec le centre aéré municipalCréation d’une section Baby Karaté, Body Karaté2006 et 2008 Mise en place d’un partenariat avec un club marocain et animation de stages à Rabat2009 Mise en place d’un partenariat avec la section départementale fédération Handisport

Responsabilités au sein de la Fédération Française de KaratéDans le passéArbitre départemental et régional en combats et KatasDirecteur technique départemental du Gard pendant une dizaine d’annéesMise en place de l’école départementale d’arbitrageCréation de séminaires des professeurs du GardExaminateur à l’examen du DIFIntervenant à l’école régionale des Cadres

ActuellementMembre de la commission régionale des gradesMembre de la Commission inter-régions des GradesResponsible départemental de la Commission des Grades du Gard

DistinctionMédaille de bronze de la Jeunesse et des Sports

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