Ce jour-là

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Clichy-sous-Bois, 2012 Quand Sylvie Cadinot-Romerio, qui enseigne le français au lycée Alfred Nobel, m’a proposé de venir chaque semaine à Clichy-sous-Bois 1 , elle avait déjà, je crois, une idée en tête: faire appel à un romancier et travailler cette forme-là, le roman. C’est qu’au départ aussi, il y avait cette idée de raconter Clichy aujourd’hui, sept ans après les émeutes de 2005, peut-être même produire une nouvelle perspective, moins spectaculaire, moins totalisante aussi, et plus soucieuse de ce qu’on pourrait appeler « la vie en vrai ». Et pour parvenir à cela, nous avions en effet cette intuition commune, qu’il faudrait tenter une forme narra- tive, tisser un récit aussi collectif que possible, fait d’im- brications et de fictions plurielles, en tout cas ne laissant pas les paroles à l’état solitaire, encore moins fragmentaire. Nous avons même postulé discrètement, souterrainement, avec peut-être Michel Foucault ou Paul Ricœur, que la nar- ration est ce qui lie, assemble et compose des identités. 1. Ce travail a été mené dans le cadre du dispositif mis en place par le Conseil Régional d’Ile-de-France, consistant à associer un écrivain à un lieu pour une année et ainsi donner à l’écrivain comme à la structure les moyens de mener des projets ambitieux. 7

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À Clichy-sous-Bois, pendant six mois, les élèves du lycée Alfred Nobel ont accueilli le romancier Tanguy Viel pour écrire avec lui un « roman de la ville ». Dans ce livre donc, mélange de fictions et de choses vraies, tout se passe en un seul lieu, Clichy, et en une seule journée qui accueille heure par heure les événements et les vies des personnages. À la manière d'un film choral, les quotidiens se croisent ou s’entrechoquent en une série de monologues qui nous font entrer dans la vie ordinaire et extraordinaire de Clichy-sous-Bois.Ce projet s'est déroulé dans le cadre d'une résidence d'écrivain initiée par Sylvie Cadinot-Romerio et financée par le Conseil Régional d'Ile-de-France

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Clichy-sous-Bois, 2012

Quand Sylvie Cadinot-Romerio, qui enseigne le françaisau lycée Alfred Nobel, m’a proposé de venir chaquesemaine à Clichy-sous-Bois 1, elle avait déjà, je crois, uneidée en tête : faire appel à un romancier et travailler cetteforme-là, le roman. C’est qu’au départ aussi, il y avait cetteidée de raconter Clichy aujourd’hui, sept ans après lesémeutes de 2005, peut-être même produire une nouvelleperspective, moins spectaculaire, moins totalisante aussi,et plus soucieuse de ce qu’on pourrait appeler « la vie envrai ». Et pour parvenir à cela, nous avions en effet cetteintuition commune, qu’il faudrait tenter une forme narra-tive, tisser un récit aussi collectif que possible, fait d’im-brications et de fictions plurielles, en tout cas ne laissantpas les paroles à l’état solitaire, encore moins fragmentaire.Nous avons même postulé discrètement, souterrainement,avec peut-être Michel Foucault ou Paul Ricœur, que la nar-ration est ce qui lie, assemble et compose des identités.

1. Ce travail a été mené dans le cadre du dispositif mis en place par leConseil Régional d’Ile-de-France, consistant à associer un écrivain à unlieu pour une année et ainsi donner à l’écrivain comme à la structureles moyens de mener des projets ambitieux.

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Aussi, pendant plusieurs mois, avec différentes classes,nous nous sommes donné cette tâche : écrire avec lesélèves un roman de la ville. Et les deux mots comptaientà égalité : le mot roman en ce qu’il comportait de narra-tion et de fiction, et le mot ville en ce qu’il pourrait direde Clichy-sous-Bois, de ses rues, de ses tours et de seshabitants. Les propositions d’écriture, quoique destinées àêtre fondues en des voix homogènes, furent d’abord dis-tinctes : élaborer par groupe de trois ou quatre des scéna-rios autour d’événements plausibles qui pourraient sedérouler dans la ville, ensuite augmenter ces scénarios dece pan radiographique, biographique et documentaireque seraient l’expérience, le quotidien, les trajets, les sen-timents et les habitudes de chacun.Bien sûr, en lâchant la bride romanesque, nous pre-

nions le risque d’une déformation de la réalité : la fictionoblige à des situations superlatives qui dramatisent le réel,le compressent dans ses drames et ses violences. Et noussavions surtout que tout cela, à Clichy-sous-Bois, risquaitde renforcer les clichés. Mais après tout, sauf dans un ima-ginaire radicalement romantique, l’écriture n’est pas là quepour montrer l’envers de la fiction dominante. Quoiqu’ilen soit, il en a découlé cet axiome de travail : ne pasdéjouer les légendes qui coordonnent la ville et ses habi-tants, dussent-elles corroborer justement certaines imagesattendues. Car Clichy, c’est aussi cela, des tours fatiguéeset des jeunes « qui tiennent les murs », des territoires etdes fratries, des flics tendus et des dealers parano. Mais

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précisément, fort de ce cadre narratif, fort de ces person-nages souvent reconnaissables, il devenait soudain pos-sible d’ausculter la ville ou d’en prendre un peu le pouls,en tout cas la perception par sa jeunesse, d’où elle vient,et ce dont elle rêve.Pour ma part, il y a un an, je ne connaissais pas Clichy-

sous-Bois. Je n’ai pas passé mon année à m’y promener,mais je sais qu’à travers les centaines de textes qui ont étéécrits, j’ai commencé à comprendre un peu de ce tissu-là,urbain, et des habitants qui le fabriquent.À tout cela cependant il faut un léger bémol : que pour

faire un livre, pour sa cohérence et sa lisibilité, il fallaitfaire des choix entre les textes, et forcément couper despages entières qui auraient mérité d’y figurer, au risqueque certaines voix ne s’y reconnaissent pas. Je pense enparticulier aux belles pages de Sonia et Anissa sur unebagarre à la sortie du lycée. Je pense au braquage de laposte qu’avaient imaginé Rkeya, Kahlida et Zolhika. Jepense aux longs monologues amoureux de Joachim.Car il y a eu de ma part, bien sûr, un travail sur les

textes, dont peut-être je dois dire ici les règles du jeu. Ellesfurent très simples : d’abord reprendre la syntaxe dèsqu’elle était bancale ou maladroite, quitte, dans certainscas, à remanier la phrase entière, ensuite ne pas hésiter àcouper, partout où les textes étaient trop longs, trop répé-titifs, ou simplement ratés, enfin monter l’ensemble en unesuite cohérente de récits. Mais tout le reste, c’est-à-dire l’es-sentiel, est le fruit du travail et de la fantaisie des élèves.

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Aussi tous mes remerciements, même s’ils vont joyeu-sement aux enseignants, à Sylvie Cadinot-Romerio qui atenu toute l’année les rênes du projet, à Stéphanie Perrinet Viviane Vicente qui ont accompagné si volontiers lesateliers, à Alain Romerio pour sa bienveillance légendaireà l’égard des élèves, s’ils vont à l’éditeur de cet ouvrage,Bernard Martin, qui a accepté de se prêter au jeu, auConseil Régional d’Ile-de-France et à Xavier Person sansqui ce dispositif de résidence d’écrivain n’existerait pas,tous mes remerciements, disais-je, vont bien sûr auxélèves, à leur indéfectible bonne volonté et à l’effort d’écri-ture qu’ils ont patiemment renouvelé de semaine ensemaine, jusqu’à l’immense atelier collectif que nousavons construit pour quelques jours en Normandie, etdont ce livre est l’heureux résultat.Merci donc à Adeel, Anissa, Assa, Carla, Cécile, Conny,

Cynthia, Delphine, Fabiola, Farah, Fatoumata, Hamidou,Houria, Jacques, Jennifer, Joachim, Johanne, Jordan, Kah-lida, Kathya, Kenza, Kevin, Laurine, Lina, Lydia, Maéva,Mamadou, Mandjo, Mariam, Mohsein, Nellie, Nicolas,Nsona-Laure, Ophélie, Paola, Rkeya, Sabrina, Sakina etSakina, Samantha, Samira, Sandrine, Sarah, Sarah etSarah, Serap, Sonia, Tarik, Tom, Yassine et Zolikha.

Tanguy Viel

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LA FILLE À SA FENÊTRE

Clichy-sous-Bois, c’est la ville que je n’ose pas nommer.Censée être l’une des villes les plus boisées de France, benpersonnellement, il n’y a aucun arbre à portée de vue, jevois uniquement des tours. Ça commence dès la pente ducentre commercial Leclerc jusqu’au centre commercial dela Bruyère. Une ville dortoir, coupée du reste de l’Île-de-France, avec une énorme réputation suite aux événementsdu 27 octobre 2005. Cette ville est maudite, tout est figécomme si elle était restée bloquée il y a trente ans. Il nefaut pas se mentir, nous sommes plongés dans une galère.Et pour sortir de cette galère, certaines personnes se met-tent dans l’illicite et tout ça se termine par des règlementsde comptes et des mères qui perdent leurs enfants. J’enconnais, des mères comme ça, puis j’en connais aussi, desgarçons qui sont dans la vente de drogue, ça s’appelle la« bicrave » ici. J’ai presque grandi avec eux, ils sont tou-jours en bas de chez moi à tenir les murs ou à être dansune voiture, une clio blanche plus précisément parce queça fait cinq ans qu’elle leur sert de boîte de nuit, musiqueà fond. Mais moi, j’aime ça parce qu’à partir de 23h00 macité se transforme en karaoké. Ils chantent, dansent, boi-

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vent, ils s’amusent, quoi. Et quand je découche, ben, çame fait tout bizarre parce qu’à 23h00, il n’y a pas demusique. Presque ça me manque parce que c’est commeune berceuse pour moi. En été, ils font des barbecues enplein air, le marchand de glace arrive avec sa mélodie. Onreconnaît son arrivée quand tous les petits enfants se met-tent à crier, et moi j’aime ça. Malgré toutes les mauvaiseschoses qu’il y a ici, je ne pourrai jamais partir d’ici. C’estmon quotidien, tout ça, c’est dans mon habitude de lesvoir poser sur les bancs quand je vais au lycée, à Simplymarket ou même à la bibliothèque, j’ai grandi avec eux, ilsont toujours été respectueux et agréables. Malgré lesapparences, ils m’ont appris l’école de la vie et en aucuncas ils ne m’ont incitée à faire du mal ou de l’illicite, bienau contraire. Je ne peux pas quitter l’odeur des kebabs etde la cigarette qui remonte jusqu’à chez moi, je ne peuxpas quitter les « meilleurs vœux, bonne année, bonnesanté » qu’ils nous disent tous les 31 décembre, lesbatailles de pétards la nuit du 14 juillet, et les batailles deneige qui durent toute la nuit, je ne peux pas, c’est commeça.

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4h00 le réveil sonne et pourtant je reste blottie sousma couette. J’ai trente ans bientôt et j’attends encore quequelqu’un me ramène mon petit déjeuner au lit. Chaque

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matin j’oublie que je vis seule dans un appartement de17 m2. Je n’entends personne, je ne sens personne, pasmême la présence d’un chat qui miaule pour qu’on lenourrisse. Pas d’amie, pas d’homme dans ma vie, et mêmesi j’accepte d’aller dîner avec eux, ces quelques officiers depolice qui sont aussi mes collègues, je repars déçue. Par-fois, ce sont eux qui me déçoivent et parfois je me déçoismoi-même. Même si tout colle, j’arrive à tout faire s’écrou-ler. J’arrive à croire que je mérite cette solitude. Cettelongue et lassante solitude. Et j’écoute cette musique quime fait me sentir un peu moins seule, cette chanson inti-tulée « Ma solitude » et je chante ces quelques phrases :« ma solitude elle m’embrasse à mon réveil avant que je som-meille tout le temps elle m’enlace mais je ne m’en lasse pas ».Souvent je regarde la télé, des films ou des séries, je pré-fère m’éloigner du monde juste quelques instants, croireque je peux vivre une vie parfaite comme dans les films.

CHAUFFEUR DE BUS

À 4h30 le réveil sonne. Je me lève, me douche, attrapeun bout de pain que je mangerai en route : pas de tempspour un vrai petit déjeuner, mon service commence à6h00. J’embrasse ma femme et mes enfants. Oui, je nevous ai pas dit, je suis marié depuis 7 ans, j’ai une femmemerveilleuse qui s’appelle Sarah. Elle m’a donné 4 beauxenfants que j’aime par dessus tout. 5h10 je sors de chez

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moi. Il fait vraiment très froid. Tous les matins depuiscinq ans, je fais le même chemin, il fait encore nuit, mêmel’été. Là où j’habite, c’est plutôt calme, dans une ruepavillonnaire. Je ne saurais vous décrire ma rue dans ledétail, je n’y ai jamais fait très attention. Et puis le matin,la nuit, on ne distingue pas grand chose. Je sais qu’au boutde la rue il y a une pizzeria, en face un bar assez fré-quenté. J’avance alors jusqu’à Midas. J’aime bien passerdevant Midas, je ne sais pas pourquoi mais je me sensbien. Je ne sais pas si c’est la couleur jaune mais ça me metde bonne humeur. Quelques minutes plus tard j’arrive à lagare. Je me rends à mon travail en RER. Quelques fois jeprends le bus mais il est trop souvent en retard. Il n’y a pasgrand monde dans la gare à cette heure, quelques voisinsque je salue. Je lis les différentes publicités sur les murs etpuis je prends un journal pour faire la route : troisminutes jusqu’à Val de Fontenay, puis correspondancepour Noisy-le-Sec puis correspondance pour Le Raincy.Arrivé là, je vais à pied.

S ERAP

J’aurais voulu vivre en Turquie, à Istanbul, près du pontdu Bosphore où l’on a une très belle vision de la ville,encore plus jolie le soir où tout est en couleur. J’auraisbien aimé continuer ma vie là-bas. La vie en Turquie n’estpas pareille qu’en France. Les gens sont accueillants, ils

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arrêteraient tout pour s’occuper d’un invité et ils font toutpour qu’il reste longtemps. Les plats sont délicieux. Labeauté et l’odeur de mon pays me sont dans l’esprit.Quand je pense à ça, j’ai les larmes aux yeux. Être loin desa famille, loin de son pays me fait mal au cœur. Lorsquej’y pense, j’en deviens folle mais c’est ici que je dois conti-nuer ma vie.

JADEN

Plus tard, je voudrais partir étudier le droit américain,être avocat aux États-Unis, découvrir les villes mythiquescomme Los Angeles ou Miami, Las Vegas et pour finirNew York. J’aimerais exercer le métier d’avocat là-basparce que le droit américain est différent du droit français.Ce que j’aime surtout dans le droit américain, c’est que lesaffaires sont plus passionnantes qu’en France. Il y a desaffaires comme celle de DSK, O-J Simpson, Michael Jack-son qui sont des affaires connues partout. En France lesaffaires sont moins passionnantes. Même avec des célébri-tés françaises, il n’y a pas autant d’action. En France, onaime bien cacher les choses, ne pas salir la réputation descélébrités. J’aimerais aller à la fac aux États-Unis pourconnaître l’ambiance et surtout les fêtes qu’on peut fairelà-bas. Dans les films sur la vie à l’université, on voit lesbals de fin d’année, la remise des diplômes, des fêtescomme il n’y en a pas en France. Mais bon, j’habite en

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France et hier, je suis allé à une fête chez Stéphanie. J’avaismême appelé Nathaniel.

NATHAN IEL

Pourquoi pas, j’ai dit, ça me changera. Et puis j’avais bienenvie de revoir Jaden. On était ensemble en primaire, lui etmoi, on est tout de suite devenus amis. On est pourtant trèsdifférents. Lui c’est plutôt le genre gros bras, déterminé maiscalme alors que moi, plutôt le petit maigrichon du fond dela classe qui ne parle à personne. J’ai fini par m’habiller pourla soirée. Jean noir, tee-shirt blanc et baskets blanches. Unepetite chaîne autour du cou, un cadeau de ma mère. Un peuplus tard je prenais le bus. Stéphanie habite à Aulnay-sous-Bois et moi à Clichy. C’est juste à côté, en bus, avec le 613,à peine dix minutes. Je suis arrivé là-bas vers 23h30. J’aicommencé à voir des têtes que je connaissais. Des amies dulycée, dont Maëlys. Elle aussi je ne l’avais pas vue depuis unmoment. Elle m’a vite parlé d’un type qui lui plaisait, « lecoup de foudre » d’après elle, mais elle l’avait perdu dans lafête. Et puis j’ai aperçu Jaden. Il avait déjà une bouteille videdans la main. Moi, je ne tiens pas vraiment l’alcool. Il ne m’afallu que deux verres pour être saoul. Il y a deux filles quisont venues s’asseoir à côté de moi et on a commencé à par-ler. Elles m’ont raconté leurs vies, l’une était infirmière, elles’appelait Serap et l’autre s’appelait Farah, elles avaient l’airsacrément bourrées. Puis elles sont reparties danser et boire.

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Moi j’étais toujours là dans mon coin, j’observais les gens. J’aivu une grande ombre noire se faufiler, un type plus âgé queles autres, il faisait tache entre tous ces jeunes. Après, j’ai vuJaden qui était assis sur le sofa. Il avait vraiment l’air mal enpoint. Il m’a vu et m’a fait un signe. On a commencé à par-ler. Ne me demandez pas de quoi, je ne m’en souviens pas.On était là, comme deux marionnettes, incapables de setenir droits, mais nos regards se croisaient souvent. J’ai com-mencé à avoir froid. Jaden s’est approché et a posé sa mainsur mon front. Il m’a dit que j’avais de la fièvre, enfin, il m’adit : « je… tu vois on, tu… ta tête… tu vois?… la fièvre ».J’ai souri. On s’est regardés longtemps comme ça et je ne saispas ce qui s’est réellement passé à ce moment-là, je ne pen-sais plus à rien, il s’est approché de moi un peu plus et il amis sa main sur mon dos comme si je pouvais m’appuyerdessus. Tout était flou. Et nous nous sommes embrassés.Juste un petit instant, qui m’a paru durer des heures. Je nesais plus trop à quoi je pensais à ce moment, mais bizarre-ment, je me sentais rassuré. Après ça, c’est le trou noir. Je mesuis réveillé à l’étage. Jaden n’était plus là. Il devait être 6 ou7h00 du matin quand Stéphanie est venue m’apporter ducafé. Il y avait plein de gens qui dormaient par terre. Étaléscomme des cadavres sur le sol froid. J’ai voulu rentrer chezmoi. Entre les gens, les bouteilles, les chips et les liquidestombés sur le sol, j’ai fini par sortir. J’avais très mal à la tête.

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