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C C O O U U R R S S D D R R O O I I T T D D E E S S S S O O C C I I É É T T É É S S PAR ABDELALI ABBOUR Docteur en droit privé de l’Université de Toulon (France). Professeur-Habilité à la faculté de droit de Meknès (Maroc). Ex enseignant de la Faculté de droit de Toulon. Membre du Centre de Droit et de Politiques Comparés Jean-Claude ESCARRAS de la faculté de droit de Toulon (France). Laboratoire de l’UMR-CNRS 7318 DICE. *** LICENCE FONDAMENTALE DROIT EN LANGUE FRANÇAISE SEMESTRE 4 *** A AN NN NE EE E U UN NI IV VE ER RS SI IT TA AI I R RE E 2 20 01 19 9- -2 20 02 20 0

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CCOOUURRSS

DDRROOIITT DDEESS SSOOCCIIÉÉTTÉÉSS

PPAARR AABBDDEELLAALLII AABBBBOOUURR

Docteur en droit privé de l’Université de Toulon (France).

Professeur-Habilité à la faculté de droit de Meknès (Maroc).

Ex enseignant de la Faculté de droit de Toulon.

Membre du Centre de Droit et de Politiques Comparés Jean-Claude ESCARRAS de la faculté de droit de Toulon (France). Laboratoire de l’UMR-CNRS 7318 DICE.

***

LLIICCEENNCCEE FFOONNDDAAMMEENNTTAALLEE

DDRROOIITT EENN LLAANNGGUUEE FFRRAANNÇÇAAIISSEE

SSEEMMEESSTTRREE 44

***

AANNNNEEEE UUNNIIVVEERRSSIITTAAIIRREE 22001199--22002200

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AAVVAANNTT -- PPRROOPPOOSS

Chères étudiantes, chers étudiants,

Actuellement nous vivons tous des moments extrêmement difficiles. Au Maroc, comme dans la plupart des autres pays du monde, le coronavirus et le confinement obligatoire ont profondément bouleversés nos vies personnelles et professionnelles.

Dans ce contexte, vous avez tous, naturellement et très justement, de nombreuses inquiétudes et interrogations sur vos études.

Soyez assurés que la Faculté de droit de Meknès par l’intermédiaire de son doyen et son équipe et l’ensemble des personnels ensei gnants et administratifs sont particulièrement mobilisés dans cette situation exceptionnelle afin que vous puissiez terminer, Inch’Allah, votre année d’études dans les meilleures conditions possibles.

C’est pourquoi, dès le début de cette pandémie et la su spension des cours, il a été décidé très rapidement de vous garantir, malgré l’absence de cours présentiel, une continuité pédagogique par l’utilisation des outils d’enseignement à distance.

Pour ma part et concernant mon cours de droit des sociétés, j’ai opté pour deux versions, la version PDF et la version télévisée.

Vous trouverez donc dans le présent document PDF une version totalement nouvelle et particulièrement détaillée de mon cours de droit des sociétés . Je puis, d’ores et déjà, vous assurez que deux principes ont guidé à l’élaboration de cette nouvelle version. Le principe de bienveillance, d’une part, qui m’oblige à tenir compte de la situation difficile actuelle des étudiants et, d’autre part, le princ ipe d’égalité entre les étudiants d’une même promotion. Principes auxquels je suis particulièrement attaché.

En tout état de cause, j’ose espérer très sincèrement que mon cours répondra à vos attentes intellectuelles.

Je vous prie, enfin, de trouver dans ce modeste cours l’expression de mes sentiments très dévoués et bien cordiaux.

Bon confinement, bonne lecture et bonne préparation des examens .

Prenez bien soin de vous et de vos proches.

A très bientôt Inch’Allah.

Pr. Abdelali ABBOUR

Pour toute correspondance :

Mail : [email protected] Tel. : 06-74-87-93-48

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IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN GGÉÉNNÉÉRRAALLEE

L’un des phénomènes les plus marquants de la vie des sociétés au cours de ces

dernières années est incontestablement l’importance prise par la dimension juridique. Au

Maroc, la création d’entreprise et notamment des Petites et Moyennes Entreprises a connu

un développement considérable, et on les rencontres dans tous les secteurs de la vie

économique. Dans le cadre de son développement, l’homme d’affaires affronte

l’environnement juridique à chacune des étapes de l’évolution de la société. Il doit choisir une

forme juridique lors de la création, organiser les échanges entre la société et son

environnement, prendre des risques qui s’attachent à toute activité commerciale, industrielle

ou de services.

La société est une institution familière du commerce et de la plupart des secteurs

d’activité où l’homme est amené à entreprendre. Elle correspond à la nécessité d’organiser le

regroupement des moyens humains, intellectuels, techniques et financiers indispensables à la

réalisation et à la pérennité des entreprises. La société s’analyse comme une technique

d’organisation et une structure juridique. De cette réalité socio-économique, le droit à un

aspect organisationnel extrêmement important et la société donne au droit une dimension

d’une science d’organisation de l’entreprise. En droit marocain, l’entreprise individuelle et la

société sont les deux modes possibles d’organisation de l’entreprise commerciale. Lorsque

l’entreprise est exploitée par une personne physique seule, on parle « d’entreprise

individuelle ». Lorsqu’elle est exploitée par un groupement de personnes, qu’on appelle

personne morale, dans ce cas on est en présence d’une « société ». Pourtant, la société doit

être distinguée de l’entreprise, dont elle n’est que l’une des formes juridiques possibles, et en

particulier aujourd’hui de la société a responsabilité limitée à associé unique, nouveau mode

d’exploitation de l’entreprise mais surtout d’organisation du patrimoine instituée par l’article

44 de la loi 5-96 permettant à un entrepreneur individuel d’affecter à son activité

professionnelle un patrimoine qu’il tient séparé de son patrimoine personnel.

Cependant, si les sociétés se sont développées à côté des personnes physiques

commerçantes c’est notamment du aux insuffisances de l’entreprise individuelle tant au plan

économique, social et que fiscal. Cependant, l’entreprise individuelle et la société

commerciale ont des caractéristiques radicalement différentes.

L’entreprise individuelle est donc celle exploitée par un commerçant personne

physique seul, c'est-à-dire sans associé. On dit d’un tel commerçant qu’il exerce le commerce

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en « son nom personnel » ou en « son nom propre compte ». Il est important de comprendre

qu’une telle entreprise individuelle n’a pas de personnalité et de patrimoine distincts de ceux

de la personne physique qui l’exploite. Dans la théorie traditionnelle, le patrimoine d’une

personne physique est lié à sa personnalité, ce qui l’empêche d’avoir plusieurs patrimoines,

notamment des patrimoines dits « d’affectation », par exemple un patrimoine « d’affectation

commerciale » qui serait distinct de son patrimoine « civil » et séparé de ce dernier. Ici on

comprend tout l’intérêt que pourrait avoir, pour un commerçant individuel, le patrimoine

« d’affectation commerciale ». En effet, si l’entreprise individuelle avait des difficultés, les

créanciers de cette entreprise ne pourraient poursuivre que le patrimoine « d’affectation

commerciale » de ce commerçant, à l’exclusion de son patrimoine personnel qui serait ainsi

juridiquement autonome et surtout protégé. Cette théorie du patrimoine d’affectation n’a

jamais été introduite dans le système juridique marocain. C’est la raison pour laquelle, l’unité

qui existe entre patrimoine du commerçant exerçant le commerce « en son nom personnel » et

le patrimoine de son entreprise individuelle fait de cette dernière un mode d’organisation de

l’entreprise pouvant se révéler dangereux notamment sur le plan patrimonial.

De plus, si l’entreprise individuelle, qui représente le plus grand nombre d’entreprises

au Maroc, est par hypothèse limitée tant par les compétences techniques que par les

possibilités financières de la personne morale. Ici, l’aléa majeur de l’entreprise individuelle

était essentiellement lié à la vie même de l’entrepreneur. A cet égard, l’entreprise

individuelle se caractérise par la localisation de l’entreprise directement dans le patrimoine

du chef d’entreprise. Si cette organisation patrimoniale a le mérite de la simplicité et si elle

permet à l’entrepreneur d’appréhender sans autres formalités ni frottement fiscal l’ensemble

des bénéfices dégagés par l’entreprise, elle fait aussi encourir un risque important en cas de

déconfiture puisque c’est l’ensemble des biens composant le patrimoine qui devra répondre

des dettes d’exploitation.

En revanche, la société commerciale, mode d’organisation de l’entreprise, se distingue

de l’entreprise individuelle essentiellement par deux caractéristiques. D’une part,

l’entrepreneur n’exerce plus le commerce seul, mais avec des associés, et depuis la loi 5-96

relative à la SARL du 13 février 1997, il est possible de créer une S.A.R.L. à associé unique,

qui est une société avec un seul associé. D’autre part, la société est un contrat qui obéit à des

règles complexes avec création d’une personne morale nouvelle dont le support juridique est

la personnalité morale. Dans le droit positif marocain, la société est un contrat par son

origine et une institution par son développement. A ce sujet, trois textes juridiques en

témoignent :

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1. La loi 5-96 ;

2. La loi 17-95 ;

3. L’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats qui précise que « la société est

un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur

travail ou tous les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

Ces lois ont adapté le droit marocain aux besoins de notre époque notamment grâce à

l’existence de personnalités juridiques distinctes et donc de patrimoines distincts, nous

savons clairement à qui appartient tel ou tel élément du patrimoine. Ces lois ont de ce fait

facilité la création d’entreprises au Maroc.

Face aux réalités juridiques de la vie des affaires, la bonne gestion de la société passe

désormais par une bonne maîtrise du droit des sociétés. Ce droit est un ensemble de règles

applicables aux sociétés définies par les articles 982 à 1063 du Dahir des Obligations et

Contrats. Parmi les sociétés il y a lieu de distinguer les sociétés civiles et les sociétés

commerciales. Cette distinction repose d’abord sur le genre d’activité qu’exerce la société.

Sont ainsi commerciales, les sociétés ayant pour objet l’exercice d’actes de commerce. Sont

civiles ensuite, les sociétés qui, par opposition, n’ont ni une forme réputée commerciale, ni un

objet ayant un rapport avec le commerce.

Au Maroc, les intérêts de constituer une société sont nombreux et variés. Permettre

d’abord à plusieurs personnes d’agréger leurs forces pour développer ensemble un projet

commun qu’elles n’auraient pu seules réaliser, faciliter la séparation des patrimoines

professionnels et privés et ainsi limiter l’exposition au risque de pertes en cantonnant les

effets des sûretés au seul patrimoine professionnel. Permettre également de mieux organiser

la transmission des patrimoines professionnels que ce soit au profit de descendants ou de

tiers en logeant dans le patrimoine de l’entrepreneur des actifs, soit des actions ou des parts

sociales, dont la répartition entre plusieurs personnes est plus aisée. Permettre ensuite

d’accéder à de nombreux avantages fiscaux lorsque la société est soumise à l’impôt sur les

sociétés notamment en ne taxant les associés que sur les sommes effectivement prélevées sur

le bénéfice favorisant ainsi la constitution de réserves au niveau de la société et alléger le

coût de transmission de l’entreprise. Enfin, de permettre le recours à la personnalité morale

conférée aux sociétés ce qui offre d’autonomiser et de pérenniser l’entreprise sociétaire au-

delà de la vie de ses fondateurs.

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Compte tenu du contexte actuel, coronavirus et confinement obligatoire, seront

exceptionnellement et volontairement traités dans ce cours de droit des sociétés cinq

chapitres à savoir :

➢➢ CChhaappiittrree 11.. LLaa nnaattuurree jjuurriiddiiqquuee ddee llaa ssoocciiééttéé ccoommmmeerrcciiaallee..

➢➢ CChhaappiittrree 22.. LLaa ccoonnssttiittuuttiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé

➢➢ CChhaappiittrree 33.. LLeess rrèègglleess ccoommmmuunneess ddee ffoonnccttiioonnnneemmeenntt eett ddiissssoolluuttiioonn ddeess ssoocciiééttééss

ccoommmmeerrcciiaalleess..

➢➢ CChhaappiittrree 44.. LLeess pprriinncciippaalleess ssoocciiééttééss ccoommmmeerrcciiaalleess eenn ddrrooiitt mmaarrooccaaiinn..

➢➢ CChhaappiittrree 55.. LLaa ssoocciiééttéé àà rreessppoonnssaabbiilliittéé lliimmiittééee ((SSAARRLL))..

Afin d’aider votre compréhension du droit des sociétés, il est important d’avoir prés de

vous quatre documents indispensables pour le juriste d’affaires à savoir, le Dahir des

Obligations et Contrats, le code de commerce, la loi 5-96 relative à la SARL et la 17-95

relative aux sociétés anonymes.

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CChhaappiittrree 11..

LLaa nnaattuurree jjuurriiddiiqquuee ddee llaa ssoocciiééttéé ccoommmmeerrcciiaallee..

En droit civil marocain, la définition de la société est donnée par l’article 982 du

Dahir des obligations et contrats au terme duquel « la société est un contrat par lequel deux ou

plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail ou tous les deux à la fois, en vue de

partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Partant de cette définition légale, la doctrine s’est

d’abord divisée sur la nature juridique de la société. S’agit-il d’un contrat ou d’une

institution ?

Pour y répondre, deux approches doctrinales ont été alors proposées. L’approche

contractuelle (Section 1) et l’approche institutionnelle (Section 2) de la nature juridique de

la société.

SSeeccttiioonn 11.. LL’’aapppprroocchhee ccoonnttrraaccttuueellllee ddee llaa ssoocciiééttéé..

L’approche contractuelle analyse la société comme un contrat. Cette doctrine s’appuie

sur les termes mêmes de l’article 982 du Dahir des obligations et contrats qui définit

effectivement la société comme un « contrat ». Cette partie de la doctrine analyse la société

comme une manifestation de volonté. Dans ce cas, bon nombre de règles applicables aux

sociétés relèvent du droit commun des contrats, et notamment de l’article 2 du Dahir des

Obligations et Contrats. De même cette approche doctrinale justifie le fonctionnement des

sociétés par le recours aux contrats spéciaux, notamment le mandat prévu et réglementé à

l’article 879 du Dahir des obligations et contrats. En droit marocain des sociétés, il s’agit

précisément du mandat social lorsque l’on parle de dirigeant.

Cette approche contractuelle de la société va cependant connaitre quelques critiques.

En effet, pour certains, cette approche contractuelle ne peut expliquer bon nombre de règles

applicables aux sociétés, notamment qu’il s’agisse de leur constitution ou de leur

fonctionnement. Pour cette partie de la doctrine, la seule volonté des associés ne permet de

conférer à cette dernière la personnalité juridique. Pour l’acquérir, en effet il faut une

respecter une formalité administrative, à savoir l’immatriculation au registre du commerce.

Une fois constituée, la personne morale aura alors des intérêts propres qui seront donc

distincts des intérêts des associés. De plus, cette partie de la doctrine soulèvent que les

pouvoirs des dirigeants sont fixés par des règles impératives des lois sur les sociétés à savoir

les lois 5-96 et 17-95. Enfin, ce courant de pensée ajoute que les statuts ne peuvent être

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modifiés qu’à la majorité des associés. Ces critiques d’une partie de la doctrine ont démontré

que les règles contractuelles sont insuffisantes. Face à cette insuffisance, une autre partie de

la doctrine juridique ont alors proposé une autre analyse de la société, c’est l’approche

institutionnelle de la société.

SSeeccttiioonn 22.. LL’’aapppprroocchhee iinnssttiittuuttiioonnnneellllee ddee llaa ssoocciiééttéé..

Cette partie de la doctrine s’appuie essentiellement sur l’acceptation par la majorité

des membres d’un groupe de personnes ou d’une organisation sociale de la poursuite d’un

intérêt commun. Selon elle, les droits et les intérêts privés des associés sont subordonnés au

but social qu’il s’agit d’atteindre. C’est la considération du but social qui explique alors que

les droits des associés peuvent donc être modifiés par une décision prise par la majorité des

membres et ce au nom de l’intérêt social. Pour cette approche doctrinale, elle considère que

les dirigeants ne sont pas des mandataires mais des organes chargés de mettre en œuvre la

volonté commune des associés. Ainsi, les décisions des associés majoritaires peuvent être

annulées lorsqu’elles sont contraires à l’intérêt social.

Mais, face à ces deux approches, contractuelle et institutionnelle, une autre partie de

la doctrine a trouvé plus judicieux de faire la synthèse de ces deux courants de pensées. Cette

dernière partie de la doctrine analyse la société à la fois comme un contrat et comme une

institution. Ici, l’idée est selon laquelle la société aurait une nature mixte, une nature

hybride, conciliant ainsi l’aspect contractuel et l’aspect institutionnel. Mais cette nature

mixte varie d’une catégorie de société à l’autre. Ainsi dans les sociétés de personnes (société

en nom collectif, société en commandite simple ou société en participation), qui se

caractérisent par l’aspect prédominant du facteur personnel « intuitu personae », l’aspect acte

juridique est prépondérant. A l’inverse, dans les sociétés de capitaux (société anonyme,

société à responsabilité limitée, société en commandite par actions), l’aspect institutionnel est

plus marqué. De plus, cette nature mixte varie à l’intérieur d’une même catégorie, d’un type

de société à l’autre. Par exemple, à l’intérieur de la catégorie des « sociétés de capitaux »,

l’aspect institutionnel est très net pour la société anonyme, que le législateur marocain a

enfermé dans un carcan de dispositions d’ordre public. En revanche, dans les autres sociétés,

on trouve une large place à la liberté contractuelle.

Quelque soit l’approche doctrinale, nous pouvons soutenir que la société est une

technique d’organisation de l’entreprise mais également un terrain privilégié de

développement de l’ingénierie juridique.

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CChhaappiittrree 22..

LLaa ccoonnssttiittuuttiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé..

Selon l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats, « la société est un contrat par

lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail ou tous les deux à la

fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Il résulte expressément de ce texte

que la société est un contrat soumis aux règles générales qui régissent le contrat. Cependant,

ce contrat n’est pas un contrat comme les autres. Son originalité nécessite en effet un

encadrement juridique strict dans la mesure ou l’accord de volonté de deux ou plusieurs

personnes ou d’une seule personne donne, sous certaines conditions, naissance à un être

juridique nouveau qui est la personne morale.

Toutefois, comme tout contrat, la société se présente comme un contrat qui, pour être

valable, doit répondre d’une part, aux conditions de validité de tout contrat, et d’autre part

des conditions de validité spécifiques au droit des sociétés (section 1). A ces règles s’ajoutent

le respect des conditions de forme du contrat de société (section 2) et la sanction de

l’inobservation des conditions de formation du contrat de société (section 3).

SSeeccttiioonn 11.. LLeess rrèègglleess ddee ccoonnssttiittuuttiioonn ccoommmmuunneess àà ttoouutteess lleess ssoocciiééttééss eett lleess

rrèègglleess ssppéécciiffiiqquueess dduu ccoonnttrraatt ddee ssoocciiééttéé..

La naissance d'une société, quelle que soit sa forme, suppose, pour être valablement

constituée, que les conditions générales de validité des contrats (§1), mais également des

conditions spécifiques de formation du contrat de société soient respectées (§2).

§§11.. LLeess ccoonnddiittiioonnss ggéénnéérraalleess rreellaattiivveess àà llaa ffoorrmmaattiioonn dduu ccoonnttrraatt ddee ssoocciiééttéé..

Originairement, la société se présente comme un contrat, qui s’accompagne d’un acte

écrit détaillé, appelé dans la pratique « les statuts ». En droit civil marocain, l’article 2 du

Dahir des Obligations et Contrats subordonne expressément la validité des contrats en

général, et donc du contrat de société en particulier au respect de quatre conditions

essentielles à savoir :

1. La capacité de s’obliger (A) ;

2. Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de

l’obligation (B) ;

3. Un objet certain pouvant former objet de l’obligation (C) ;

4. Une cause licite de s’obliger (D).

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AA.. LLaa ccaappaacciittéé ddee ss’’oobblliiggeerr..

En droit marocain des sociétés, il s’agit de la capacité juridique des associés. Pour être

associé d’une société, il faut être juridiquement capable, c'est-à-dire se voir reconnaitre

l’aptitude à être sujet de droit. Cependant, les exigences en la matière varient selon la forme

juridique de la société. Ainsi, dans les sociétés de capitaux et dans une moindre mesure les

SARL, les associés n’acquièrent pas la qualité de commerçant en devant associé. De ce fait, il

n’est pas requis qu’ils détiennent la capacité commerciale, prévue par l’article 16 du code de

commerce marocain. Prévue par l’article 3 du Dahir des obligations et Contrats, la capacité

civile est ici suffisante. Dès lors, le mineur émancipé peut librement devenir associé. Cette

possibilité est même offerte au mineur non émancipé ou à l’incapable majeur par

l’intermédiaire de leurs représentants légaux.

En revanche, dans les sociétés de personnes, les associés en nom collectif et les

commandités sont tenus personnellement et solidairement de toutes les dettes sociales. Ils

ont la qualité de commerçant. A ce titre, ils doivent donc satisfaire aux conditions requises

pour devenir commerçant à savoir :

• Ne pas être incapable de faire le commerce ;

• Ne pas être déchu du droit d’exercer le commerce, ni faire l’objet d’une

incompatibilité.

BB.. UUnnee ddééccllaarraattiioonn vvaallaabbllee ddee vvoolloonnttéé ppoorrttaanntt ssuurr lleess éélléémmeennttss eesssseennttiieellss ddee

ll’’oobblliiggaattiioonn..

Érigé par l’article 987 du Dahir des Obligations et Contrats comme une condition

sine quoi none de validité, le consentement des associés est essentiel à la formation du contrat

de société. Ce dernier est nul dès lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur

engagement. Juridiquement, le consentement des associés doit être à la fois sincère et

intègre. Juridiquement aussi, le consentement de chacun des associés doit donc exister, et

porter sur un acte qui revêt les éléments caractéristiques du contrat de société. Dans ce cas,

le consentement ne doit pas avoir été donné par erreur. Celle-ci est caractérisée lorsqu’il est

établie une erreur sur les qualités substantielles de la chose ou, lorsque le contrat aura été

conclu intuitu personae, en cas d’erreur sur la personne d’un des associés. Le dol, quant à lui,

ne vice le consentement qu’à la double condition qu’il ait été déterminant et qu’il émane de

l’une des parties au contrat. Enfin, la violence, rarement invoquée, pourrait être, en droit des

sociétés, une violence économique.

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De manière générale, le non-respect des règles relatives au consentement entraîne, en

principe, la nullité du contrat de société. Cependant, cette sanction, spécifiquement

réglementée par le droit des sociétés, est encourue dans des conditions plus restrictives qu'en

droit commun. Elle obéit de plus à un régime strict, destiné à éviter son prononcée. En

outre, la circonstance que le contrat de société soit, dans la majeure partie des cas, un acte

collectif qui donne naissance à une personne morale, a conduit le législateur marocain, à

exclure la nullité de la société dans les SARL et dans les sociétés par actions lorsque le

consentement de l'un des associés a été vicié.

CC.. UUnn oobbjjeett cceerrttaaiinn ppoouuvvaanntt ffoorrmmeerr ll’’oobbjjeett ddee ll’’oobblliiggaattiioonn..

Troisième condition de validité du contrat, l’objet d’un acte juridique et en particulier

d’un contrat est en réalité l’objet de chacune des obligations nées du contrat, c'est-à-dire la

prestation que chaque débiteur s’engage à fournir. Appliquée au contrat de société, l’objet de

l’obligation de chacune des parties est, selon l’article 982 du Dahir des Obligations et

Contrats, la mise à disposition de la société des apports qu’elle a promis en vue de partager

les bénéfices ou les économies qui pourront résulter de l’activité sociale. L’objet ainsi

entendu doit bien évidemment répondre aux conditions prévues par le droit commun des

obligations.

Pour la doctrine juridique, l’objet social peut être défini comme « l’ensemble des

activités déterminées par le pacte social, que la société peut exercer ». Cependant, sur ce point, la

doctrine juridique dominante distingue deux niveaux dans l’objet social, d’une part l’objet

légal et d’autre part l’objet statutaire. D’abord, l’objet légal est le but que doit poursuivre

toute société, conformément à l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats, c'est-à-dire

permettre aux associés de « partager le bénéfice qui pourra en résulter ». L’objet légal est donc

commun à toutes les sociétés. Ensuite, l’objet statutaire, quant à lui, est l’ensemble des

activités que la société va pouvoir exercer pour réaliser son objet légal. Il est défini dans

l’acte de société c'est-à-dire par les statuts et cet objet statutaire variera d’une société à une

autre. Cependant, cet objet statutaire doit revêtir trois caractères, être déterminé, possible et

licite conformément aux articles 985 et 986 du Dahir des Obligations et Contrats. Enfin, de

l’objet, on peut rapprocher les dispositions légales qui subordonnent l’exercice d’une activité

ou d’une profession sous forme de société à certaines conditions ou même une autorisation

préalable de l’administration, comme par exemple les sociétés bancaires, d’assurances, de

pharmacie, de presse, de raffinage de produits pétroliers.

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DD.. UUnnee ccaauussee lliicciittee ddee ss’’oobblliiggeerr..

Quatrième condition de validité du contrat, la cause de la société est le « pourquoi »

qui a motivé justement les associés à créer une société. Il est important que la cause ne doit

pas être confondue avec l’objet. Ainsi, par exemple, si l’activité de pharmacie est parfaitement

licite, son exploitation est cependant réservée aux titulaires du diplôme de pharmacien.

L’exploitation par une société de l’activité de pharmacie est parfaitement licite, objet licite,

sauf dans la mesure où la mise en société est imaginée pour contourner la loi en permettant à

un associé non pharmacien d’exercer cette activité. Ici, il y aura une cause illicite. La cause

illicite est ici sanctionnée par la nullité absolue du contrat de société, alors même que l’objet

social serait parfaitement licite.

§§22.. LLeess ccoonnddiittiioonnss ssppéécciiffiiqquueess rreellaattiivveess àà llaa ffoorrmmaattiioonn dduu ccoonnttrraatt ddee ssoocciiééttéé..

N’étant un contrat comme les autres, la société est un contrat de type particulier qui

nécessite alors la réunion d’éléments spécifiques prévus à l’article 982 du Dahir des

Obligations et Contrats et sont au nombre de trois. A ces conditions légales, une autre

condition est rajoutée par la jurisprudence.

Les conditions prévues par l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats sont

d’une part, la réunion de deux ou plusieurs personnes. C’est ici la pluralité d’associés (A).

Ensuite, la mise en commun de biens ou leur travail ou des deux à la fois. Ce sont ici les

apports (B). Enfin, la réalisation et le partage de bénéfices et la contribution aux pertes (C).

A ces conditions légales, la jurisprudence affirme qu’à partir de ces trois conditions, doit se

dégager une volonté commune de collaborer pour réaliser le but social. C’est ici « l’affection

societatis » (D).

AA.. LLaa pplluurraalliittéé dd’’aassssoocciiééss..

L’une des premières conditions de formation du contrat de société réside dans la

pluralité d’associés. En dehors des cas prévus par la loi où la société peut être instituée par la

volonté d’une seule personne, le contrat de société doit en effet être conclu par deux ou

plusieurs associés. Cependant, en droit marocain, pour faire partie d’une société il faut que

l’associé ait la capacité exigée par les règles de son statut personnel, conformément à l’article

12 du code de commerce marocain. Mêmes capables, certaines personnes ne peuvent

constituer une société entre elles. Ces limitations sont édictées par l’article 984 du Dahir des

Obligations et Contrats. Le principe pour constituer une société, selon l’article 982 du Dahir

des Obligations et Contrats, il faut être au moins deux associés.

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BB.. LLeess aappppoorrttss..

Autre condition essentielle selon laquelle pour faire partie d’une société, il faut la

mise en commun des biens ou du travail qui se réalise sous le nom et la forme d’apports.

Cette exigence des apports est posée clairement par l’article 982 du Dahir des Obligations et

Contrats selon lequel « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en

commun leurs biens ou leur travail ou deux les deux ». L’apport peut être défini comme un bien

que l’associé s’engage à mettre à la disposition de la société en vue de l’exploitation

commune. En contrepartie de son apport, l’apporteur se voit ainsi remettre par la société des

parts sociales ou des actions.

Il résulte de la lecture même de l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats

que les apports sont obligatoires. En effet, tout associé doit effectuer un apport effectif quel

que soit son importance ou sa nature. Aux termes de l’article 988 du Dahir des Obligations

et Contrats « l’apport peut constituer en numéraire, en objets mobiliers ou immobiliers, en droits

incorporels ; il peut aussi consister dans l’industrie d’un associé ou même de tous ; entre musulmans,

l’apport ne peur consister en denrées alimentaires ». Il peut aussi selon l’article 989 du Dahir des

Obligations et Contrats consister dans le crédit commercial d’une personne.

L’ensemble des apports forme, selon l’article 992 du Dahir des Obligations et

Contrats, « le fonds commun des associés ou capital social ».

Traditionnellement, on dénombre donc trois catégories d’apports. L’apport en

numéraire (1), l’apport en nature (2) et l’apport en industrie (3).

11.. LL’’aappppoorrtt eenn nnuumméérraaiirree..

D’un point de vu pratique, il s’agit du type d’apport le plus simple et le plus fréquent.

Celui-ci consiste pour l’associé à mettre une somme d’argent à la disposition de la société.

Généralement, l’apport en numéraire se réalise en deux phases. D’abord, l’associé va

promettre de réaliser cet apport. C’est ce que l’on appelle « la souscription ». Ensuite,

l’associé va devoir exécuter cette promesse et verser la somme due dans les caisses sociales.

C’est ce que l’on appelle « la libération ».

Il arrive dans la pratique que la souscription et la libération peuvent coïncider mais

cela n’est toujours pas le cas. A cet égard, les exigences légales concernant la libéralisation

varient selon les types de sociétés. A titre d’exemple, dans la société anonyme, la libération

de l’apport, lors de la constitution, est fixée, selon l’article 246 de la loi n°20.05 modifiant et

complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes, au minimum à la moitié de la

valeur nominale des actions souscrites.

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En revanche dans la société à responsabilité limitée, la réalisation de la promesse

d’apport est réalisée par les associés.

22.. LL’’aappppoorrtt eenn nnaattuurree..

Les apports en nature sont les apports de tout bien, meuble ou immeuble, corporel ou

incorporel autre que du numéraire. On peut ainsi apporter à une société, par exemple, un

immeuble, un fonds de commerce, du matériel et de l’outillage, un véhicule automobile, un

brevet. Cet apport peut être effectué de différente façon soit en pleine propriété, soit en nue-

propriété, soit en usufruit ou soit en jouissance. D’abord, l’apport en propriété est celui qui se

rapproche le plus de la vente dans la mesure où l’apporteur garantit la société contre

l’éviction et les vices cachés comme le ferait un vendeur vis-à-vis de l’acheteur. En

contrepartie de son apport, l’apporteur reçoit des parts sociales ou des actions alors que le

vendeur perçoit une somme d’argent. Ensuite, l’apport en jouissance est celui qui s’apparente

à la location dans la mesure où l’apporteur met le bien à la disposition de la société pour une

durée déterminée. Ici la propriété n’est pas transférée à la société, elle est conservée par

l’apporteur. L’apporteur ne reçoit qu’un simple droit de créance. C’est le cas du preneur à

bail. Ici la société titulaire du droit de jouissance peut user librement du bien apporté, mais

l’apporteur en garde la pleine propriété. L’intérêt de cette forme d’apport pour l’apporteur

tient au fait, d’une part, qu’il est sûr de récupérer son bien à la dissolution de la société, et

d’autre part, que ce dernier est à l’abri des poursuites des créanciers sociaux puisqu’il ne fait

partie du patrimoine de la société.

En matière de transfert des risques deux cas sont à distinguer selon que l’apport en

jouissance porte sur « un corps certain » ou une « chose de genre ». Si l’apport porte sur un

corps certain, c'est-à-dire sur un bien non interchangeable avec un autre, comme par

exemple un fonds de commerce ou un brevet, dans ce cas la société ne devient pas

propriétaire de ce bien et n’a donc qu’un droit de jouissance. L’associé continue donc d’en

supporter les risques. Si l’apport porte, en revanche, sur une chose de genre, c'est-à-dire sur

un bien interchangeable avec un autre, comme par exemple une voiture, dans ce cas la

société devient propriétaire de l’apport à ses risques.

Aux termes de l’article 991 du Dahir des Obligations et Contrats, « l’apport doit être

spécifié et déterminé ». Ce texte pose le problème de l’évaluation de l’apport en nature.

Contrairement à l’apport en numéraire qui ne pose aucun problème d’évaluation, l’apport en

nature en revanche présente un risque de surévaluation ou de sous-évaluation. Dans la

mesure où l’apporteur reçoit des parts sociales ou des actions en contrepartie de son apport,

une surévaluation par exemple, lui permettrait d’obtenir plus de parts ou d’actions que ce à

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quoi il devrait normalement avoir droit. Alors, dans ce cas l’article 991 du Dahir des

Obligations et Contrats dispose que « Si l'apport consiste en choses autres que du numéraire, elles

doivent être estimées à la valeur du jour où elles ont été mises dans le fond social; à défaut, les parties

sont censées avoir voulu s'en rapporter à la valeur courante du jour où apport a été fait, ou, à défaut, à

ce qui sera arbitré par experts ». L’expert auquel fait référence le texte est le commissaire aux

apports, c'est-à-dire un expert comptable.

33.. LL’’aappppoorrtt eenn iinndduussttrriiee..

L’associé qui n’est pas en mesure d’apporter à une société du numéraire ou un bien en

nature peut apporter pour obtenir justement la qualité d’associé son « industrie ». Cette

possibilité est prévue par l’article 999 du Dahir des Obligations et Contrats. Ainsi, par

exemple, il mettra ainsi à la disposition de la société son travail, ses connaissances

techniques, son talent, sa notoriété. Bien évidemment, un tel apport n’est licite que si son

objet n’est pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Dans la pratique, les apports en industrie sont admis dans les sociétés de personnes

comme par exemple la SARL, mais restent interdits dans les sociétés de capitaux comme par

exemple la société anonyme.

CC.. LLaa rrééaalliissaattiioonn eett llee ppaarrttaaggee ddee bbéénnééffiicceess eett llaa ccoonnttrriibbuuttiioonn aauuxx ppeerrtteess..

Il s’agit ici du troisième élément caractéristique de la société. Le but en effet d’une

société est qu’il est spécifiquement lucratif, Il consiste normalement à réaliser des bénéfices

et à les partager entre les associés. Ce troisième élément caractéristique du contrat de société

distingue fondamentalement la société de l’association qui elle est régie par le Dahir du 15

novembre 1958, et dont le but est non lucratif, c'est-à-dire désintéressé. Cela ne veut pas dire

qu’il est interdit à une association de faire des bénéfices, le Dahir de 1958 prohibe seulement

le partage de ses bénéfices entre ses membres. Cette affirmation résulte clairement de

l’article 1er du Dahir de 1958 selon lequel « L’association est la convention par laquelle deux ou

plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité

dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Ce but lucratif de la société, qui la distingue donc de l’association, résulte de l’article

982 du Dahir des Obligations et Contrats, qui dispose que la société est instituée « en vue de

partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Dans un arrêt des chambres réunies en date du 11

mars 1914, la Cour de Cassation française avait eu l’occasion de préciser cette notion de

bénéfice, qu’elle avait défini comme « un gain pécuniaire ou un gain matériel qui ajouterait à la

fortune des associés ». De cette jurisprudence, il résulte que tout groupement permettant à ses

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membres de réaliser une économie, sans qu’il y ait pour autant partage des bénéfices, est

susceptibles d’être qualifié de société. Il est de l’essence du contrat de société d’être formé

dans un but lucratif en vue de procurer un bénéfice à tous les associés. De même, la

contribution de tous les associés aux pertes est une condition de validité du contrat de

société. Cette condition est prévue par l’article 1033 alinéa 1er du Dahir des Obligations et

Contrats qui dispose que « La part de chaque associé dans les bénéfices et dans les pertes est en

proportion de sa mise », c'est-à-dire de son apport à la société.

Cette règle de la proportionnalité est impérative et l’article 1034 du Dahir des

Obligations et Contrats affirme que « est nulle, et rend nul le contrat de société, toute stipulation

qui attribuerait à un associé une part dans les bénéfices, ou dans les pertes, supérieures à la part

proportionnelle à la mise ». Autrement dit toute clause, qui attribue à un associé une part dans

les bénéfices ou dans les pertes supérieure à la part proportionnelle à sa mise, est nulle et

rend nul le contrat de société.

Toutefois, en droit comparé et plus particulièrement en droit français, une répartition

inégalitaire des pertes peut être prévue dans les statuts. Cette répartition non

proportionnelle à l’apport reste licite dans la mesure où elle n’est pas léonine. En droit, la

clause léonine est une clause qui attribue à cocontractant des droits disproportionnés par

rapport à ses obligations. En droit marocain des sociétés, une telle clause est interdite dans

le contrat de société. Elle n’entraime pas la nullité du contrat de société mais elle est réputée

non écrite, ce qui signifie qu’elle ne produit aucun effet juridique. Dés lors, un associé ne peut

ni être affranchi totalement de contribuer aux pertes, ni percevoir l’intégralité des profits.

C’est ce qui résulté de l’article 1035 du Dahir des Obligations et Contrats. Cependant, en

droit marocain des sociétés, il existe des dérogations à cette règle de proportionnalité. Ces

dérogations sont prévues par les articles 1035 et, 1036 du Dahir des Obligations et Contrats.

DD.. LL’’ «« aaffffeeccttiioonn ssoocciieettaattiiss »»..

L’affection societatis est le 4ème élément spécifique du contrat de société. A la différence

des autres éléments du contrat de société, l’affection societatis n’est pas prévu expressément

par l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats, mais par la jurisprudence. En effet,

dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation française en date du 10 juin

1953, la haute juridiction affirme qu’ « il ne saurait y avoir de société en l’absence d’affection

societatis ». Dés lors, son absence lors de la création de la société est donc une cause de nullité

de cette société et sa disparition en cours de vie sociale est en principe une cause de

dissolution. La difficulté tient toutefois au fait qu’il est difficile de définir l’affection societatis

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dans la mesure où cet élément intentionnel varie selon les catégories de sociétés. L’affection

societatis peut être définie comme l’intention de s’associer, de collaborer effectivement à

l’exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité. Il nécessite de participer à la

gestion, au contrôle et à la participation à l’administration de la société. Cette définition est

cependant acceptable dans les sociétés de personne dans lesquelles l’affection societatis

implique une entente totale entre les associés. En revanche dans les sociétés de capitaux

cette exigence d’entente totale est très faible du fait que le nombre d’associés est souvent très

élevé.

Enfin, l’affection societatis est un critère qui permet de distinguer le contrat de société

avec des autres contrats présentant une certaine analogie mais où l’intention de s’associer

fait défaut. Tel le cas par exemple de l’indivision ou le contrat de travail.

SSeeccttiioonn 22.. LLeess ccoonnddiittiioonnss ddee ffoorrmmee rreellaattiivveess àà llaa ffoorrmmaattiioonn dduu ccoonnttrraatt ddee

ssoocciiééttéé..

Contrairement aux conditions de fond, le non-respect des conditions de forme du

contrat de société n’est pas sanctionné par la nullité de la société. Ces conditions de forme

tiennent pour l’essentiel à deux séries d’éléments. D’une part, la rédaction d’un écrit, c'est-à-

dire les statuts (§1), et d’autre part, l’accomplissement de formalités complémentaires (§2).

§§11.. LLaa rrééddaaccttiioonn ddeess ssttaattuuttss..

La rédaction concerne aussi bien la forme (A) que le contenu des statuts (B).

AA.. LLaa ffoorrmmee ddeess ssttaattuuttss

Pour la société, l’acte écrit n’est pas, en principe, exigé, mais selon l’article 987 du

Dahir des Obligations et Contrats, la forme écrite s’impose. Les statuts constituent l’acte de

constitution de la société par lequel les parties formalisent leur accord. C’est un document

indispensable non seulement pour arrêter les règles de fonctionnement de la société mais

également pour pouvoir ensuite la faire immatriculer. En droit marocain des sociétés, la

société doit être établie par un acte écrit, et cet écrit peut être soit un acte notarié (articles

418 à 423 du Dahir des Obligations et Contrats) ou soit un acte sous seing privé (articles

424 à 432 du Dahir des Obligations et Contrats).

Le recours à l’acte notarié n’est pas obligatoire. Mais dans la pratique et dans la

généralité des cas, au Maroc les statuts d’une société sont souvent établis sous seing privé.

Pour avoir date certaine, cet acte écrit sous seing privé devra être enregistré à

l’administration fiscale.

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Rédigé sous seing privé, les statuts doivent être dressés en autant d’originaux et

remettre un exemplaire à chaque associé. Dans la pratique, il est dressé trois exemplaires des

statuts, l’un pour l’enregistrement auprès de l’administration fiscale, un pour le greffe du

tribunal de commerce, et un pour les archives de la société.

En droit marocain des sociétés, il faut rappeler toutefois que la forme authentique est

obligatoire lorsqu’il est nécessaire de satisfaire aux exigences du code de droit réels de 2011,

c'est-à-dire lorsqu’il existe un apport en bien immeuble. Enfin, d’un point de vue juridique, il

faut retenir que l’absence d’écrit ne permet pas à la société d’acquérir la personnalité morale

car les formalités de publicité, en particulier, l’immatriculation, nécessitent que des statuts

soient rédigés.

BB.. LLee ccoonntteennuu ddeess ssttaattuuttss..

Les statuts doivent consigner les apports de chaque associé mais aux termes de

l’article 45 du code de commerce marocain, les statuts doivent comporter au minimum 11

mentions obligatoires à savoir :

1) les nom et prénom des associés, autres que les actionnaires et commanditaires, la

date et le lieu de naissance, la nationalité de chacun d'eux ainsi que le numéro de la carte

d'identité nationale ou pour les 18 - Les dispositions de 2éme alinéa de l’article 44 ont été

modifiées et complétées en vertu de l’article 8 de la loi n° 21-18, précitée. 19 - Les

dispositions de l’article 45 ci-dessus ont été modifiées et complétées en vertu de l’article

premier de la loi n° 89-17, précitée. - 20 - étrangers résidents celui de la carte

d'immatriculation ou, pour les étrangers non-résidents le numéro du passeport ou de toute

autre pièce d'identité en tenant lieu ;

2) la raison sociale ou la dénomination de la société et l'indication de la date du

certificat négatif délivré par le registre central du commerce ;

3) l'objet de la société ;

4) l'activité effectivement exercée ;

5) le siège social et le cas échéant, les lieux où la société a des succursales au Maroc

ou à l'étranger ou le lieu de domiciliation de son siège social, le cas échéant ;

6) les noms des associés ou des tiers autorisés à administrer, gérer et signer pour la

société, la date et le lieu de leur naissance, leur nationalité ainsi que le numéro de la carte

d'identité nationale ou pour les étrangers résidents celui de la carte d'immatriculation ou,

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pour les étrangers non-résidents le numéro du passeport ou de toute autre pièce d'identité en

tenant lieu ;

7) la forme juridique de la société ;

8) le montant du capital social ;

9) si la société est à capital variable, la somme au-dessous de laquelle le capital ne

peut être réduit ;

10) la date à laquelle la société a commencé et celle à laquelle elle doit finir ;

11) la date et le numéro du dépôt des statuts au secrétariat-greffe.

Enfin, tous les associés doivent signer les statuts, soit en personne, soit par

mandataire justifiant d’un pouvoir spécial conformément à l’article 891 du Dahir des

Obligations et Contrats. A partir de cette signature, la société existe en tant que contrat.

Jusqu’à l’immatriculation au registre du commerce, les rapports entre les associés vont être

régis par les termes de ce contrat ainsi que les principes généraux du droit applicables aux

contrats et obligations.

§§22.. LLeess ffoorrmmaalliittééss ppoossttéérriieeuurreess àà llaa ssiiggnnaattuurree ddeess ssttaattuuttss..

Après la rédaction de l’acte de constitution de la société, les associés doivent

accomplir toute une série de formalités postérieures à la signature des statuts pour que

l’existence de la société soit opposable en tant que telle aux tiers. Ces formalités sont des

formalités de dépôt et de publicité. Elles sont au nombre de cinq. L’enregistrement des

statuts (A), le dépôt au greffe du tribunal de commerce (B), la constitution d’un dossier

auprès du Centre Régional d’Investissement (C), l’immatriculation au registre du commerce

(D) et enfin la publication d’un avis au Bulletin Officiel (E).

AA.. LL’’eennrreeggiissttrreemmeenntt ddeess ssttaattuuttss..

Dès que les statuts ont été signés par tous les associés, ils doivent être soumis à

l’enregistrement auprès de la direction régionale des impôts représentée au sein du Centre

Régional d’Investissement. L’enregistrement doit être fait dans le délai d’un mois à compter

de l’acte constitutif de la société, c’est-à-dire du jour où la dernière signature a été apposée

sur l’acte.

BB.. LLee ddééppôôtt ddeess ssttaattuuttss..

Le dépôt est une formalité qui consiste à déposer au greffe du tribunal de commerce

du lieu du siège social de la société, en triple exemplaire, les statuts et diverses autres pièces,

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comme par exemple les actes de nomination des premiers dirigeants sociaux s’ils n’ont pas

été désignés dans les statuts, s’il a lieu, le rapport du commissaire aux apports sur

l’évaluation des apports en nature. Le dépôt de ces actes ou pièces est constaté par un procès-

verbal dressé par le greffier qui vérifie la régularité de la constitution de la société. Cette

formalité de dépôt des statuts est ensuite accompagnée d’une déclaration de conformité

déclarant que la société respecte la loi.

CC.. LLaa ccoonnssttiittuuttiioonn dd’’uunn ddoossssiieerr aauupprrèèss dduu CCeennttrree RRééggiioonnaall dd’’IInnvveessttiisssseemmeenntt..

Le Centre Régional d’Investissement à travers son guichet unique d’aide à la création

d’entreprise facilite l’acte de création de la société. Le dossier doit comporter les statuts, la

preuve de la domiciliation de la société, les pièces relatives l’identification des responsables

de la société (pièces d’identité, extrait du casier judiciaire et acte de nomination des

dirigeants), la demande d’immatriculation au registre de commerce, et enfin le certificat de

dépôt des fonds auprès d’une banque pour les apports en numéraire.

DD.. LL’’iimmmmaattrriiccuullaattiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé aauu rreeggiissttrree dduu ccoommmmeerrccee..

S’il y a une grande diversité d’exploitations commerciales, la loi commerciale ne fait

aucune distinction entre les commerçants quant à leurs obligations. Ainsi, la première

obligation qui pèse sur les fondateurs de la société est l’immatriculation au registre du

commerce. L’immatriculation se situe au point de départ de l’activité commerciale. Selon

l’article 37 du code de commerce marocain, la création d’une société commerciale nécessite

une inscription au registre du commerce. Cette inscription doit, selon l’article 75 alinéa 2 du

code de commerce marocain, intervenir dans les 3 mois de la constitution de la société. Selon

l’article 38 du code de commerce marocain, seuls les gérants, les membres des organes

d’administration, de direction ou de gestion peuvent procéder à l’immatriculation de la

société. La demande d’immatriculation doit, selon 39 alinéa 2 du code de commerce

marocain, être déposée auprès du secrétariat-greffe du tribunal de commerce dans le ressort

duquel est situé le siège social. Comme nous l’avons déjà souligné, l’article 45 du code de

commerce marocain prévoit les mentions obligatoires que doit contenir la déclaration

d’immatriculation.

Ainsi réalisée, l’immatriculation emporte une double fonction. D’une part, une

fonction de publicité, et d’autre part, une fonction de preuve. La fonction de publicité est une

obligation faite aux sociétés d’indiquer son numéro d’immatriculation sur tous les papiers

commerciaux. La fonction de preuve réside dans le fait que l’immatriculation au registre du

commerce emporte présomption, c’est-à-dire une preuve sauf preuve contraire, de l’existence

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de la personnalité morale de la société. Cette immatriculation permet d’autres effets

juridiques. Elle permet, d’abord de rendre les engagements souscrits en engagements

sociaux, ensuite, le déblocage des apports en numéraire et enfin, l’attribution par le greffier

d’un numéro d’immatriculation au registre du commerce.

EE.. LLaa ppuubblliiccaattiioonn dd’’uunn aavviiss aauu BBuulllleettiinn OOffffiicciieell..

Dans un délai ne dépassant les 30 jours après l’immatriculation de la société au

registre du commerce, la constitution de la société fait l’objet de la part du greffier d’une

publicité au moyen d’avis au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales. Toutes

les sociétés commerciales doivent faire cette publication dans le délai légal et contenir toutes

les mentions obligatoires.

SSeeccttiioonn 33.. LLaa ssaannccttiioonn ddee ll’’iinnoobbsseerrvvaattiioonn ddeess ccoonnddiittiioonnss ddee ffoorrmmaattiioonn dduu

ccoonnttrraatt ddee ssoocciiééttéé..

En droit commun des obligations, la nullité est la sanction normale de non respect

des conditions de formation d’un contrat. En droit des sociétés, la nullité d’une société

commerciale ne peut résulter que de la violation des dispositions de l’article 982 du Dahir

des Obligations et Contrats ou l’une des causes de nullité des contrats en général. Il peut

donc y avoir deux séries de causes de nullité. D’une part, la violation des conditions

générales de formation des contrats prévue par l’article 360 Dahir des Obligations et

Contrats, et d’autre part, la violation des conditions spécifiques de formation du contrat de

société. Quelque soit la nullité, relative ou absolue, leurs effets sont les mêmes notamment

l’anéantissement rétroactif du contrat. Dans ce cas, le contrat est censé n’avoir jamais existé.

En droit des sociétés, l’application du régime des nullités au contrat de société

présente de graves inconvénients. En effet, si le contrat de société est annulé, les autres

contrats comme par exemple les contrats de travail, les contrats d’achat ou de vente le sont

également. Cette situation peut être très dommageable aux tiers de bonne foi. C’est la raison

pour laquelle, le législateur a considérablement réduit le champ d’application de la nullité en

droit des sociétés. Ainsi, lorsqu’il existe une cause de nullité, cette dernière n’est pas

automatique. Pour produire ses effets, la nullité doit effectivement résulter d’une décision

judiciaire. Contrairement au droit commun, en droit des sociétés, la nullité d’un contrat de

société lorsqu’elle est prononcée n’a aucun effet rétroactif. Ici, la nullité est assimilée à une

dissolution. Le jugement d’annulation met fin à la personnalité morale de la société. Cette

dernière cesse d’exister pour l’avenir. Le législateur a entendu protéger les tiers de bonne foi.

Toutefois, en cas d’annulation, les associés fondateurs responsables de l’irrégularité peuvent

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voir leur responsabilité civile engagée. Enfin, contrairement au droit commun, toutes les

actions en nullité peuvent être écartées par l’exercice d’une régularisation.

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CChhaappiittrree 33..

LLeess rrèègglleess ccoommmmuunneess ddee ffoonnccttiioonnnneemmeenntt eett ddiissssoolluuttiioonn ddeess ssoocciiééttééss

ccoommmmeerrcciiaalleess..

A compter de l’immatriculation au registre du commerce, les sociétés commerciales

jouissent de la personnalité morale lui conférant ainsi la personnalité juridique. A partir de

là, elle a l’aptitude de participer à la vie juridique, et en tant que sujet de droit doté d’une

capacité propre, dominé par les principes de spécialité légale et statutaire. Le fonctionnement

d’une société est régi par certains nombres de principes, et en tant qu’être collectif, la société

commerciale doit organiser la vie de ses deux acteurs principaux. Les associés, d’une part,

qui grâce aux apports disposent en effet de prérogatives qui leurs permettent de participer à

la vie sociale (Section 1) et, les dirigeants, d’autre part, qui la dirigent et la représentent

(Section 2).

SSeeccttiioonn 11.. LLeess rrèègglleess ccoommmmuunneess ddee ffoonnccttiioonnnneemmeenntt..

Au Maroc, les différentes formes de sociétés commerciales fonctionnent selon des

modes spécifiques mais il existe des dispositions communes à la majorité d’entre elles,

notamment en ce qui concerne le statut des dirigeants. Quelle que soit sa forme, toute société

commerciale est organisée autour de deux pôles. Les organes de gestion (§1), d’une part, et

l’assemblée générale des associés (§2), d’autre part.

§§11.. LLeess oorrggaanneess ddee ggeessttiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé..

L’exercice des droits d’une personne morale supposent quelle soit représentée par des

organes, par des dirigeants qui vont agir pour son compte grâce au mécanisme de la

technique de représentation, c'est-à-dire le mandat. Les sociétés commerciales sont dirigées

par des organes de gestion spécifique désignés par l’assemblée des associés suivant des

modèles qui varient selon le type de société. On parle, selon l’article 62 de la loi 5-96, de

« gérant » pour les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple et la société à

responsabilité limitée. On parle selon l’article 39 de la loi 17-95 de « conseil d’administration

avec un président directeur général ou directeur général » pour les sociétés anonymes de type

moniste, et de « directoire » pour les sociétés anonymes de type dualiste.

Traditionnellement et classiquement, les rapports entre les dirigeants et les associés

sont calqués principalement sur le schéma de la représentation civile, celle du mandat,

prévue par l’article 879 du Dahir des Obligations et Contrats. Ainsi, par exemple, le gérant

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agit au nom et pour le compte de la collectivité des associés. Le gérant serait donc le

mandataire des associés. Il détient des pouvoirs de gestion par la loi mais les statuts peuvent

les aménager notamment en prévoyant des limitations statutaires de ses pouvoirs. Organe

important de la société, le gérant est un investi de certains pouvoirs qui lui sont propres, à

savoir des pouvoirs de gestion et des pouvoirs de représentation. En droit des sociétés, le

représentant légal est une personne ayant légalement le pouvoir d’engager la société vis-à-

vis des tiers. A cet effet, il agit donc au nom et pour le compte de la collectivité des associés.

Juridiquement, il est lié à la société par un contrat de mandat, mais détient également des

pouvoirs de gestion qui lui sont conférés par la loi bien que les statuts puissent les aménager.

AA.. LLeess ppoouuvvooiirrss ddeess oorrggaanneess ddee ggeessttiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé..

Les pouvoirs des organes de gestion se présentent à peu prés dans les mêmes

conditions pour toutes les sociétés. D’une manière générale, les dirigeants ont tout pouvoir

pour assurer la gestion quotidienne de la société dans l’intérêt de celle-ci. Plus précisément,

ils assument aussi bien la direction économique que la direction juridique. La direction

juridique doit être étudiée dans les rapports avec les associés (2) et dans les rapports avec les

tiers (1).

11.. LLeess rraappppoorrttss aavveecc lleess ttiieerrss..

Dans les rapports avec les tiers, les représentants légaux ont le pouvoir d’engager la

société dans la limite de l’objet social. A la lecture de l’article 69 alinéa 1er de la loi 17-95

relatives aux sociétés anonymes (SA), il résulte que « le conseil d’administration est investi des

pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toute décision à la réalisation de son

objet social au nom de la société ». De même, aux termes des articles 8, 35 et 63 alinéa 2 de la loi

5-96 relatives à la société en nom collectif (SNC), la société en commandite par actions (SCA)

et aux sociétés à responsabilité limitée (SARL), « dans les rapports avec les tiers le gérant est

investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ». Tous les

actes des dirigeants sociaux de ces sociétés qui dépasseraient les limites de l’objet social

engagent malgré tout la société auprès des tiers de bonne foi. En droit des sociétés, cette

situation est prévue par exemple par la loi 5-96 pour la société en nom collectif (SNC) à

l’article 8 alinéa 1er, pour la société en commandite par actions (SCA) à l’article 35 alinéa 2, et

à l’article 63 alinéa 2 pour la société à responsabilité limitée, et enfin à l’article 69 alinéa 2 de

la loi 17-95 pour la société anonyme (SA).

Par ailleurs, et concernant toutes les sociétés commerciales, il est possible que les

statuts limitent les pouvoirs des dirigeants en prévoyant par exemple, que certains actes de

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gestion jugés importants seront assujettis à l’autorisation préalable de la collectivité des

associés. A cet égard, d’une part l’article 69 alinéa 3 de la loi 17-95 et, d’autre part les articles

8 alinéa 3, 35 alinéa 3, et 63 alinéa 4 de la loi 5-96 précisent que ces clauses statutaires

limitatives sont inopposables aux tiers. Cela signifie que la société se trouvera engagée vis-à-

vis d’eux, même en cas de violation des limitations statutaires de ses pouvoirs par le

dirigeant. Ce principe a pour conséquence d’éviter que les tiers qui contractent avec la

société par l’intermédiaire de son dirigeant la contrainte de devoir consulter les statuts de

façon à s’informer de l’étendue de ses pouvoirs.

22.. LLeess rraappppoorrttss aavveecc lleess aassssoocciiééss..

Dans les rapports avec les associés, les associés investissent les organes de direction.

A partir de là, il appartient aux dirigeants d’effectuer la gestion courante de la société. Ils

doivent également respecter les statuts, agir dans les limites de l’objet social. De même ils

doivent agir dans l’intérêt social, c'est-à-dire dans l’intérêt propre de la société. Le plus

souvent la transgression de ces limites n’affecte pas la validité de l’acte accompli par le

dirigeant car le législateur veut assurer la sécurité des tiers de bonne foi traitants avec la

société.

Les fonctions de dirigeant ne sont pas sans risque pour ceux qui les exercent. En

effet, les dirigeants peuvent non seulement engager leur responsabilité civile mais aussi leur

responsabilité pénale. La responsabilité civile des dirigeants peut être engagée envers la

société ou les associés en cas de violation des dispositions légale ou règlementaires ou en cas

de violation des statuts, ou en cas de faute de gestion. La jurisprudence considère qu’en

agissant à l’encontre de l’intérêt social un dirigeant commet une faute de gestion. Les tiers

peuvent aussi rechercher la responsabilité des dirigeants, mais dans ce cas la faute reprochée

doit être personnelle et extérieure à leur activité de représentation. La responsabilité pénale

des dirigeants est engagée s’il commet des infractions prévues par le code de commerce par

exemple un abus de biens sociaux ou un abus de confiance. En outre, la responsabilité des

dirigeants peut être mise en œuvre dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

BB.. LLee ccuummuull eennttrree mmaannddaatt ssoocciiaall eett ccoonnttrraatt ddee ttrraavvaaiill

Les dirigeants d’une société commerciale ne sont pas, en cette qualité, des salariés de

la société et ne bénéficient pas de la protection conférée par le contrat de travail. Toutefois,

ces dirigeants peuvent cumuler leur fonction de direction avec un contrat de travail les liants

à la société. Cependant, en droit marocain des sociétés, le cumul des fonctions de dirigeant

social avec un contrat de travail, sauf dans certains cas prévus par la loi, est possible dans

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une société. Cette possibilité est cependant soumise à trois conditions. D’abord, le contrat de

travail doit correspondre à un emploi effectif, ensuite le contrat de travail exige l’exercice de

fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre du mandat et donnant lieu à

une rémunération distincte, et enfin l’existence d’un lien de subordination, critère essentiel

du contrat de travail.

CC.. LL’’ééttaabblliisssseemmeenntt ddeess ccoommpptteess

Toute société comme tout commerçant doit produire un certain nombre de

documents à divers organismes publics. A la fin de chaque exercice, il appartient aux

dirigeants d’établir un certain nombre de documents comptables notamment le bilan,

l’inventaire ou encore le compte de résultat. A ces documents comptables s’ajoute également

un rapport de gestion. Tous ces documents doivent être mis à la disposition des associés au

moins 15 jours avant la tenue de l’assemblée générale ordinaire annuelle au cours de laquelle

ces derniers devront se prononcer sur les comptes sociaux. A titre d’exemple, pour la SARL

ce délai est prévu par l’article 71 alinéa 2 de la loi 5-96 et selon l’article 70 alinéa 1er de la loi

5-96 l’assemblée générale ordinaire doit se tenir dans les 6 mois de la clôture de l’exercice.

§§22.. LL’’aasssseemmbbllééee ggéénnéérraallee ddeess ssoocciiééttééss..

Dans toute organisation d’une société, l’assemblée générale permet à la collectivité

des associés d’exercer leur pouvoir général de contrôle sur la gestion de la société. L’exercice

de ce pouvoir de contrôle de la gestion par les associés a une double considération. Il est,

d’une part, la manifestation du droit qu’ils ont acquis dans la société en lui permettant de

bénéficier de leurs apports, et d’autre part, l’illustration de l’affection societatis qui les unit.

Pour l’essentiel, ce pouvoir se manifeste par un double droit, un droit de nomination et un

droit de révocation des dirigeants. Il se manifeste également par un autre droit, le droit

d’approbation des comptes sociaux et d’affectation des résultats. Enfin, ce pouvoir se

manifeste par un dernier celui du droit d’information des associés et des actionnaires.

SSeeccttiioonn 22.. LLeess rrèègglleess ccoommmmuunneess ddee ddiissssoolluuttiioonn ddaannss ll’’eennsseemmbbllee ddeess ssoocciiééttééss..

La disparition d’une société résulte de sa dissolution. C’est la fin du contrat de société.

Toutes les sociétés ont en commun certaines causes de dissolution. Juridiquement, la

dissolution marque le terme de l’existence sociale. Dés lors, les liens qui unissaient les

associés se dénouent, et la personnalité morale s’éteint. Dans ce cas le patrimoine social n’a

alors plus de titulaire, il faut donc le liquider.

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§§11.. LLeess ccaauusseess ddee ddiissssoolluuttiioonn..

Traditionnellement, il existe trois catégories de causes selon que la dissolution

s’opère de plein droit (A) sur décision des associés (B) ou enfin en exécution d’une décision

de justice (C).

AA.. LLaa ddiissssoolluuttiioonn ddee pplleeiinn ddrrooiitt..

Les causes de dissolution communes à l’ensemble des sociétés sont prévues par

l’article 1051 alinéa 1, 2, 3, 4, et 5 du Dahir des Obligations et Contrats à savoir :

1° Par l'expiration du terme fixé pour sa durée, ou par l'accomplissement de la condition ou autre fait résolutoire, sous laquelle elle a été contractée ;

2° Par la réalisation de l'objet en vue duquel elle avait été contractée, ou par l'impossibilité de le réaliser;

3° Par l'extinction de la chose commune, ou la perte partielle assez considérable pour empêcher une exploitation utile ;

4° Par le décès, l'absence déclarée, l'interdiction pour infirmité d'esprit, de l'un des associés, s'il n'a été convenu que la société continuerait avec ses héritiers ou représentants, ou qu'elle continuerait entre les survivants ;

5° Par la déclaration de faillite ou la liquidation judiciaire de l'un des associés ;

En droit des sociétés, cette forme de dissolution est prévue, pour la société en nom

collectif aux articles 17 et suivants de la loi 5-96. Pour la société en commandite simple la

dissolution est prévue à l’article 30 de la loi 5-96. Pour la société à responsabilité limitée la

dissolution est prévue aux articles 85 et 86 de la loi 5-96.

Exceptionnellement, l’annulation de la société, qui n’est pas rétroactive, provoque la

dissolution de la société. Enfin, les statuts peuvent prévoir la dissolution pour toute autre

cause.

BB.. LLaa ddiissssoolluuttiioonn vvoolloonnttaaiirree..

En droit commun, cette dissolution volontaire anticipée est prévue par l’article 1051

alinéa 6 du Dahir des Obligations et Contrats. La dissolution décidée par les associés peut

intervenir à tout moment suivant les modalités imposées par la loi ou prévues dans les

statuts. En droit des sociétés, à titre d’exemple, pour la société anonyme, cette dissolution

est prévue aux articles 356 et 357 de loi 17-95.

CC.. LLaa ddiissssoolluuttiioonn jjuuddiicciiaaiirree..

Cette forme de dissolution est prévue par les articles 1051 alinéa 8 et 1056 du Dahir

des Obligations des Contrats et Contrats. La dissolution judiciaire est prononcée par le

tribunal à la demande de tout associé lorsque le juge retient de justes motifs. Parmi les justes

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motifs, on peut citer par exemple l’inexécution de ses obligations par un associé et la

mésentente entre associé paralysant le fonctionnement de la société. Egalement, la

dissolution judiciaire pourra résulter d’un jugement ordonnant la liquidation judiciaire de la

société dans le cadre d’une procédure collective. La dissolution peut résulter de la

condamnation de la société sur le plan pénal.

§§22.. LLaa ppuubblliicciittéé eett lleess eeffffeettss ddee llaa ddiissssoolluuttiioonn..

En principe, la dissolution d’une société entraine la liquidation et la partage des biens

de la société. Les opérations de liquidation et de partage sont règlementées par la loi ou les

statuts. La principale conséquence de la dissolution est justement d’entrainer sa liquidation.

Celle-ci consiste à terminer les affaires dans lesquelles la société était engagée à réunir tous

les éléments de l’actif et à payer ses dettes. Sur ce point, le droit marocain consacre une

solution jurisprudentielle selon laquelle la personnalité morale de la société subsiste pour les

besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci. Ainsi la personnalité

morale ne disparait pas immédiatement. Jusqu’à la publication de la clôture de la liquidation

la société conservera son siège social, un patrimoine, et elle pourra continuer provisoirement

une certaine activité. Des opérations de liquidation sont alors effectuées par un ou plusieurs

liquidateurs nommés conformément à la loi, aux dispositions des statuts ou par décision des

associés ou par le juge. Cette nomination doit également faire l’objet de mesures de publicité

pour être opposable aux tiers puisque les pouvoirs des organes de direction cessent. Le

liquidateur a pour mission de dresser un inventaire de l’actif et du passif de la société, puis de

réaliser l’actif. Au terme de sa mission il convoquera une dernière assemblée pour statuer sur

les comptes de la liquidation. Au terme de la liquidation, les associés peuvent procéder au

partage de l’actif net éventuel de la société. Généralement, la personne morale ne survivra

que pendant et pour les besoins de la liquidation et au terme de celle-ci et du partage

s’effectuera la radiation de la société.

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CChhaappiittrree 44..

LLeess pprriinncciippaalleess ssoocciiééttééss ccoommmmeerrcciiaalleess eenn ddrrooiitt mmaarrooccaaiinn..

Après avoir analysé les règles communes à toutes les sociétés commerciales, il est

nécessaire de présenter maintenant les règles propres à chaque forme de société.

Traditionnellement, la doctrine juridique fait à partir de certains critères une distinction

entre trois types de sociétés à savoir les sociétés de personnes, les sociétés de capitaux et

enfin, les sociétés à réglementation particulière.

En droit marocain des sociétés, font ainsi partie de la catégorie des sociétés de

personnes, la société en nom collectif (SNC), société en commandite simple (SCS) et la

société en participation (SP). Ces sociétés se caractérisent principalement par l’aspect

prédominant du facteur intuitu personae, c'est-à-dire une forte relation entre les associés, soit

parce que leurs intérêts sont intimement liés, soit parce qu’ils collaborent effectivement et

personnellement à la poursuite du but social. La prise en compte de la personne de l’associé

est déterminante dans ce type de société. De ce fait, la part sociale de chaque associé n’est pas

cessible sans l’accord des coassociés, c’est là une autre particularité de ces sociétés. Celle-ci

réside dans les cessions de parts qui sont généralement soumises à accord préalable des

autres associés. Généralement, les cessions de parts sociales sont encadrées par une clause

dite « d’agrément ». Cet agrément est applicable de plein droit lorsque l’acquéreur est un

tiers. Dans ce cas, il est possible de renforcer la procédure d’agrément par l’intermédiaire de

cette clause statutaire. Cette clause d’agrément est expressément prévue par l’article 15 de la

loi 5-96 relative à la société en nom collectif, à l’article 27 de la loi 5-96 relative à la société

en commandite simple et l’article 58 de la loi 5-96 relative à la société à responsabilité

limitée par sa nature hybride, entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux.

Dans la société de personnes, les associés sont considérés comme étant des

commerçants. A cet égard, ils sont tenus indéfiniment des dettes sociales.

La société en nom collectif (SNC), d’abord, est une société dont les associés ont tous

obligatoirement la qualité de commerçants personne physique ou personne morale, et

répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Son principal inconvénient est

cette responsabilité solidaire et infinie des associés. C’est la raison pour laquelle les petites et

moyennes entreprises préfèrent créer des SARL

La société en commandite simple (SCS), ensuite, est constituée d’associés

commandités et d’associés commanditaires. Les commandités sont dans une situation

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identique aux associés de la SNC (article 21 de la loi 5-96), ils donc sont commerçants et

doivent cependant avoir la capacité commerciale prévue par l’article 12 du code de commerce

marocain. Les commanditaires en revanche ne sont responsables que dans la limite de leurs

apports et qui ne peuvent pas s’immiscer dans la gestion de la société. La responsabilité

indéfinie et solidaire des commandités constitue pour les créanciers comme pour la SNC une

garantie importante. C’est la raison pour laquelle dans ce cadre sociétal l’obtention du

financement bancaire ne pose aucune difficulté. Par ailleurs, la législation laisse une grande

liberté pour organiser la société au moins dans son fonctionnement ; cet avantage est

renforcé par le fait que la société peut se constituer sans capital social. Dans la pratique la

société en commandite simple est une structure d’évolution possible pour la SNC. Si la

responsabilité indéfinie et solidaire des associés commandités est un avantage pour les tiers,

elle constitue en revanche un élément dissuasif pour les fondateurs. De plus la coexistence de

deux catégories d’associés, les uns commerçants, les autres associés apporteurs de fonds rend

la gestion interne de la société délicate par exemple au regard des services fiscaux. Enfin,

selon l’article 27 de la loi 5-96 les parts sociales détenues par les commanditaires ne sont

cessibles qu’à l’unanimité des associés. Elle est désignée par une dénomination sociale à

laquelle peut être incorporé le nom d’un ou plusieurs associés commandités et qui doit être

précédée ou suivie immédiatement de la mention « Société en commandite simple ».

La société en participation, enfin, n’existe que dans les rapports entre associés et n’est

pas destinée à être connue des tiers. Elle n’a pas la personnalité morale. Elle n’est soumise ni

à l’immatriculation, ni à aucune formalité de publicité et son existence peut être prouvée par

tous les moyens. Les associés conviennent librement de l’objet social, de leurs droits et

obligations respectifs et des conditions de fonctionnement de la société. Si la société a un

caractère commercial, les rapports des associés sont régis par les dispositions applicables aux

sociétés en nom collectif à moins qu’il n’en soit stipulé autrement.

Font partie en revanche de la catégorie des sociétés de capitaux, la société anonyme

(SA), la société à responsabilité limitée (SARL) et la société en commandite par actions

(SCA). Ces sociétés de capitaux sont en principe caractérisées par la faiblesse de l’intuitu

personae entre les associés qui se choisissent en fonction de leur moyen.

La société anonyme (SA) est particulièrement adaptée à la gestion des grandes

entreprises. La SA est l’archétype des sociétés de capitaux. Aucune capacité particulière n’est

requise de la part des associés qui doivent être au minimum de 5. La SA est une société

commerciale dans laquelle les associés, dénommés actionnaires en raison d'un droit

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représenté par un titre négociable ou action, ne supportent les dettes sociales qu'à

concurrence de leurs apports.

La société à responsabilité limitée (SARL) est une société commerciale qui constitue

un type intermédiaire ou hybride entre les sociétés de personnes et de capitaux. C’est la

forme la plus couramment utilisé au Maroc. L'acquisition de la personnalité morale est

subordonnée à l'immatriculation au registre de commerce.

La société en commandite par actions (SCA) dont le capital est divisé en actions est

constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçants et

répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et des commanditaires qui ont la

qualité d’actionnaires et ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports.

A coté des ces deux grandes catégories traditionnelles de sociétés, personnes et

capitaux, font partie également les sociétés à réglementation particulière parmi lesquelles on

trouve, la société d'investissement, la société coopérative d'achat, la société coopérative de

consommation et la société mutualiste. De plus, il est important aussi de noter dans le

paysage sociétaire, l’existence d’une forme particulière de société appelée le Groupement

d'Intérêt Économique (GIE). Le GIE n’est pas une société, il constitue un cadre juridique

intermédiaire entre la société et l’association. C’est une structure destinée à accueillir la

coopération entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales qui veulent développer

leur activité économique. Donc il est constitué entre des personnes morales en vue de mettre

en œuvre tous les moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique de ses

membres et améliorer ou accroître les résultats de cette activité.

Mais dans la réalité économique et juridique, les personnes qui souhaitent développer

une activité économique sans risquer l’intégralité de leur patrimoine personnel peuvent

recourir à un certain nombre de structures sociétaires dans lesquelles leur responsabilité sera

limitée au montant de leur apport. Tel sera le cas dans les sociétés à responsabilité limitée

(SARL), dans les sociétés à responsabilité limitée à associé unique (SARL AU), dans les

sociétés anonymes (SA), dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) et, enfin, dans les

sociétés en commandite par actions (SCA). Toutes ces sociétés offrent une responsabilité

limitée à leurs associés, c’est à partir d’autres critères comme la souplesse d’organisation, la

dissociation du capital et du pouvoir que s’opérera le choix entre telle ou telle structure.

En dehors de l’entreprise individuelle, du point de vue de la forme juridique, au

Maroc, parmi toutes ces sociétés, la SA et la SARL sont les deux types de sociétés les plus

répandus. Du point de vue économique, ce sont aussi les plus importantes.

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CChhaappiittrree 55..

LLaa ssoocciiééttéé àà rreessppoonnssaabbiilliittéé lliimmiittééee (SARL)..

En droit marocain des sociétés, le texte de base qui gouverne la société à

responsabilité limitée est la loi 5-96 en date du 13 février 1997. En tenant compte de

l’évolution et du changement très rapide de l’environnement de la vie des affaires, plusieurs

réformes à cette loi ont donc été entreprises au Maroc pour permettre essentiellement la

modernisation de l’environnement juridique de cette forme de société. Dans ce cadre, cette

loi a été modifiée à trois reprises en 2005, 2010 et 2019 par les lois 21-05, 24-10 et 21-2019.

Toutes ces réformes ont permis essentiellement la mise à jour du cadre juridique marocain

des affaires.

L’une des particularités de la société à responsabilité limitée réside dans caractère

particulièrement hybride qui, en effet, emprunte aux deux grandes catégories de sociétés.

D’abord, c’est une société fermée, souvent à caractère familial ou, à tout le moins,

patrimonial, comme les sociétés de personnes, mais elle emprunte aussi aux sociétés de

capitaux, dont les associés ne répondent des dettes sociales que dans la limite de leurs

apports sans pouvoir toutefois y être assimilée dans la mesure où, selon l’article 55 de la loi

5-96, « les parts qu’elle émet ne sont pas négociables ». Tenant à la fois des sociétés de personnes

et des sociétés de capitaux, la SARL combine aussi les avantages et les inconvénients de ces

deux types de sociétés. Au-delà de ces rapprochements avec ces deux catégories de sociétés,

la SARL présente des caractéristiques qui permettent toutefois de la distinguer des autres

groupements sociaux. Mais d’un point de vue pratique, le choix de tel ou tel type de société

dépend des circonstances de fait propres à chaque entreprise notamment la nature de

l'activité, l'importance des investissements et aussi le nombre de participants.

Dans l’amélioration du climat des affaires au Maroc, la loi 5-96 sur la société à

responsabilité limitée a apporté un certain nombre d’innovations notamment en permettant

la présence dans le système juridique de deux variétés. Ainsi, on trouve, la forme

traditionnelle, classique, d’une part, pouvant être constituée entre plusieurs associés, c’est la

« SARL pluripersonnelle ». Puis, d’autre part, on trouve la forme nouvelle, qui est l’œuvre

d’un seul associé, c’est « la SARL d’associé unique ». Comparativement aux autres types

possibles, le nombre d'entreprises marocaines ayant opté pour la forme juridique de SARL

traduit la faveur que connaît ce mode d'exploitation d'une entreprise. En tant qu’indicateur

pertinent du dynamisme économique marocain, la SARL représente un taux de 98,5% des

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entreprises créées, dont plus de la moitié des SARL à associé unique (SARL AU). Cette

forme de société particulièrement adaptée aux PME n’envisage absolument pas de faire appel

aux marchés financiers. Ce taux très important s’explique essentiellement par les avantages

que présente cette forme sociale, et aussi et surtout par les facilités qu’introduit au fur et à

mesure le législateur marocain pour non seulement encourager l’entreprenariat, mais

également pour stimuler la création d’entreprises. L’unique objectif à tout cela est

d’améliorer la compétitivité de l’environnement marocain des affaires.

Dans le paysage sociétaire marocain, la SARL demeure, comme nous l’avons déjà

souligné, la forme sociale la plus répandue, et économiquement la plus importante

notamment dans les PME. Ce succès s'explique essentiellement par les nombreux avantages

qu'elle présente, et les plus évidents étant évidemment la simplicité et la limitation de

responsabilité. Reposant sur le caractère de l'intuitu personae, la SARL est constituée entre

associés qui se connaissent. Cependant, si l’un des principaux avantage de cette forme sociale

réside dans la limitation de responsabilité, cela signifie tout simplement qu’en tant personne

morale indépendante, elle peut être mise en cause. La responsabilité des associés est, quant à

elle, limitée à leurs apports au capital. C’est d’ailleurs ce qui résulte expressément de

l’analyse de l’article 44 de la loi 5-96, selon lequel la SARL « est constituée par une ou plusieurs

personnes qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ».

Quant à la SARL à associé unique (SARL AU)), la loi 5-96 a particulièrement innové

en introduisant désormais sa constitution dans la paysage sociétaire marocain. D’un point de

vue de l’analyse juridique comparative, son introduction est une parfaite traduction littérale

de la loi française n°85-697 du 11 juillet 1985, dans notre droit de la société unipersonnelle.

Sans aucun doute, la SARL à associé unique présente aussi de nombreux avantages. Ainsi,

elle permet à tous ceux qui exercent une activité indépendante à titre personnel, par exemple

le commerçant ou l’artisan, de continuer à exercer cette même activité tout en limitant, du

moins théoriquement, leur responsabilité en cas de défaillance économique de l’activité. Elle

permet aussi de faciliter les transmissions d’entreprises notamment en contournant le lourd

formalisme de la cession du fonds de commerce et en évitant l’indivision successorale

souvent fatale aux entreprises, et enfin en allégeant le coût de la transmission. Au plan du

droit strict, la SARL à associé unique est une forme de SARL. Aussi, les règles de cette

dernière lui sont applicables sous réserve des spécificités.

L’une et l’autre des SARL connaissent des mesures de simplification de leur

constitution, par exemple, modèle de statuts type, et de leur fonctionnement par exemple,

certaines modifications des statuts. Quel que soit la SARL, quel que soit son objet, celle-ci

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est une société commerciale par la forme. Par son caractère hybride, elle n'est ni tout à fait

une société de personnes, ni tout à fait une société de capitaux. C'est donc un type original de

société dont les règles de constitution et de fonctionnement sont inspirées, tantôt des

premières, tantôt des secondes sociétés.

Afin de permettre donc la modernisation de l’environnement juridique de cette forme

de société, trois séries de réformes législatives ont donc été apportées à la loi 5-96 relative à

société à responsabilité limitée (SARL) par les lois 21-05 (1), 24-10 (2) et 21-2019 (3) dont il

convient de voir les principales modifications.

1. Principales modifications apportées par la loi 21-05 en date du 14 février 2006.

➢ Le capital minimum exigé n’est plus de cent mille (100.000) dirhams mais de (10.000)

dix mille dirhams. Capital devant être divisé en parts sociales d’au moins 10 dhs.

➢ Les parts doivent êtres souscrites et libérées en totalité si elles représentent des

apports en nature.

➢ Les parts représentent les apports en numéraire doivent être libérés d’au moins le

quart, le reste peut être libéré en une ou plusieurs fois dans les 5 ans à compter de

l’immatriculation au registre de commerce. Avant la réforme, le capital devait être

libéré en totalité.

2. Principales modifications apportées par la loi du 24-10 en date du 2 juin 2011.

➢ Le capital social est librement fixé par les associés, le montant des parts sociales n’est

plus limité, il suffit que ces dernières aient la même valeur nominale.

➢ Aujourd’hui, le blocage de fonds n’est obligatoire auprès d’une banque que si à la

constitution ou à l’augmentation le capital dépasse 100.000dhs

➢ Le retrait des fonds bloqués est possible sur présentation d’une attestation justifiant

que la société a été immatriculée au registre de commerce, attestation qui peut être

délivrée par voie électronique. Avant la réforme, il fallait déposer tout le dossier de

constitution à la banque.

➢ En cas de non constitution de la société dans les 6 mois, une attestation de non

immatriculation de la société au registre de commerce suffit pour retirer le montant

bloqué. Avant la réforme, l’autorisation du président du tribunal de commerce était

exigée.

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➢ Pour ce qui est de la publicité légale après immatriculation, l’insertion dans un

journal d’annonces légales et au Bulletin Officiel peut être effectué par voie

électronique dans les conditions fixés par voie réglementaire.

3. Principales modifications apportées par la loi du 21-19 en date du 29 avril

2019.

La nouvelle loi 21-19 a apporté des modifications à la loi 5-96 sur la société à

responsabilité limitée telle que modifiée et complétée par les lois 21-05 et 24-10.

A l’heure actuelle, cette loi laquelle n’existe qu’en langue arabe est entrée en vigueur

à partir de sa publication au Bulletin Officiel n° 6773 du 29 avril 2019.

➢ Cette loi a pour objet de modifier et compléter les articles 71 et 75 relatifs à

l’Assemblée Générale et l’ajout de l’article 83 Bis traitant des modalités de

paiement des dividendes. Demande de réunion d’une Assemblée Générale et

l’introduction des projets de résolutions à l’ordre du jour des Assemblées

Générales : L’article 71 stipulait dans la loi 5-96 que les associés minoritaires

doivent représenter le quart des associés ou des parts sociales pour demander

la réunion de l’Assemblée Générale. Dans l’objectif de la protection des

associés minoritaires la nouvelle loi 21-19 a réduit ce seuil du quart au

dixième des associés ou des parts sociales. De même les associés minoritaires

représentant au moins cinq pour cent (5%) du capital social dispose désormais

du pouvoir de requérir l’inscription d’un ou plusieurs projets de résolutions à

l’ordre du jour d’une Assemblée Générale. Les clauses contraires aux

dispositions sont réputées non écrites.

➢ Demande de cession de plus de 50% des actifs de la société : L’article 75 est

complété par une disposition prévoyant que toute demande de cession d’actifs

de plus de 50% des actifs de la société, sur une période de douze mois, requiert

une autorisation préalable de l’Assemblée Générale Extraordinaire. Un

rapport établi par la gérance devra être jointe à cette demande. S’il s’agit d’un

actif immobilier, ce rapport devra comprendre une évaluation de ce bien

établie par un tiers indépendant et compétent.

➢ Mise en paiement des dividendes : La loi 21-19 a instauré un nouvel article 83

Bis lequel octroie à l'Assemblée Générale et le cas échéant au Gérant, le

pouvoir de fixer les modalités de la mise en paiement des dividendes et ce,

dans un délai n'excédant pas neuf mois après la clôture de l'exercice. Ce délai

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peut être prolongé par ordonnance du Président du tribunal à la demande du

gérant.

Au regard de cette forme statutaire, seront analysés, sa constitution (Section 1), son

organisation et son fonctionnement (Section 2), les droits et obligations des associées

(Section 3) et enfin les droits collectifs des associées dans la SARL (Section 4).

SSeeccttiioonn 11.. LLaa ccoonnssttiittuuttiioonn ddee llaa SSAARRLL

Historiquement, il faut noter qu’à l’origine, les conditions de constitution de la

société à responsabilité limitée étaient particulièrement souples, comparées, notamment, à

celles de la société anonyme. Avec des formalités réduites, le Dahir du 1er septembre 1926,

qui a permis l’introduction de la SARL au Maroc par transposition de la loi française du 7

mars 1925, n'imposait aucun contrôle dans la constitution d'une SARL. Cette souplesse est

l’origine du succès indéniable de cette forme de société commerciale. Cependant, cette

absence de contrôle dans la constitution des SARL engendra des abus et fragilisa ces sociétés

qui n'offraient pas notamment de protection satisfaisante pour les tiers de bonne foi ou

encore les associés eux-mêmes.

Dans l’état actuel du droit positif marocain, les dispositions de loi 5-96 relatives à la

SARL, soumet sa création à des conditions de fond plus contraignantes, telles que par

exemple le contrôle des apports en nature par un commissaire aux apports (article 53), le

dépôt des fonds correspondant à la libération des parts sociales (articles 51 alinéa 4 et 52) ou

le plafonnement du nombre des associés à cinquante (article 47). Cette loi a multiplié, en

outre, les formalités constitutives ou de publicité (articles 93 à 99). Son caractère hybride lui

confère néanmoins à la SARL la capacité de devenir une structure adaptée aux petites et

moyennes entreprises, ainsi qu'aux entreprises familiales mais aussi un instrument de

montages juridiques complexes. Sur le plan juridique, la SARL est essentiellement régie par

les dispositions articles 982 à 1063 du Dahir des Obligations et Contrats applicables et les

dispositions des articles 27 à 68 du code de commerce, applicables à toutes les sociétés, et,

d’autre part et de façon plus spécifique à cette société par les dispositions des articles 44 à 87

et 113 à 117 de la loi 5-96.

Au regard de la création de la SARL, celle-ci obéit aux conditions de forme prescrites

pour toutes les sociétés, aussi bien en ce qui concerne la rédaction du contrat que la publicité

(§2). Quant aux conditions de fond (§1), celles-ci peuvent être examinées traditionnellement

sous les deux éléments qui en fixent les traits principales caractéristiques, les associés, d'une

part et le capital social, d'autre part.

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§§11.. LLeess ccoonnddiittiioonnss ddee ffoonndd

Classiquement, les conditions de fond tiennent au nombre d’associés (A) que peut

compter une SARL et à son capital social (B).

AA.. LLeess ccoonnddiittiioonnss rreellaattiivveess aauuxx aassssoocciiééss..

Les conditions de fond relatives à la constitution d'une SARL peuvent être analysées

essentiellement sous deux éléments qui la caractérisent à savoir le nombre d’associés (1) et le

consentement (2).

11.. LLee nnoommbbrree dd’’aassssoocciiééss..

Sur le nombre d’associés, il faut se référer à la définition même du contrat de société,

telle qu’elle est posée expressément par l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats

selon lequel la SARL est constituée entre un minimum de deux associés, personnes

physiques ou morales. Cette exigence légale marque une différence fondamentale avec la

société anonyme qui doit, selon l’article 1er de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes,

composée d'au moins cinq actionnaires. Cependant, en introduisant la SARL, la loi 5-96 est

venue modifier cette présentation. En effet, aujourd’hui, la SARL peut, lors de sa

constitution, selon l’article 44 alinéa 1er de la loi 5-96, ne compter qu'un seul associé. Dans ce

cas, la société est alors appelée « SARL à associé unique », tout en ne demeurant

juridiquement qu'une simple modalité de la SARL. Désormais, en droit marocain des

sociétés, il est précisé à l’article 44 alinéa 1er de la loi 5-96 que la « est constituée par une ou une

plusieurs personnes », ce qui couvre à la fois la SARL à associé unique et la SARL au sens

classique de société d'au moins deux associés.

A lecture de l'article 47 de la loi 5-96 on constate que le nombre d'associés ne doit pas

dépasser cinquante. Le législateur marocain a, par cette mesure spéciale à la SARL, voulu

réserver ce type de société aux petites et moyennes entreprises dans lesquelles les associés

doivent pouvoir justement se connaître. Cette limitation légale se justifie essentiellement par

une certaine volonté de cantonner la SARL dans des dimensions relativement modestes et

par conséquent, de faire en sorte que les associés se connaissent entre eux. Cela démontre

clairement le caractère de l'intuitu personae de la SARL. Parfois, cette règle peut cependant

apparaître comme un obstacle au développement d'entreprises ayant adopté la forme SARL

et qui se trouveraient conduites à augmenter le nombre d'associés au-delà du plafond légal

de cinquante. Nul doute que le maximum de cinquante prévu par la loi 5-96 témoigne de la

volonté de conserver le caractère de l'intuitu personae propre à la SARL. Ici, il y a donc une

véritable prise en considération de la personne des associés lorsque la société comporte une

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cinquantaine d'associés. De plus, la SARL n'est pas admise à procéder à une offre au public

de titres financiers, et le plafond de cinquante associés s'est imposé pour que le cercle

d'investisseurs, c'est-à-dire les associés, soit considéré comme restreint.

En outre, l'article 47 de la loi 5-96 prévoit qu'en cas de dépassement du nombre

d'associés du maximum de cinquante autorisés, la société “doit, dans le délai de deux ans, être

transformée en société anonyme. À défaut, elle est dissoute, à moins que, pendant ledit délai, le nombre

des associés n’atteigne le nombre autorisé légalement ». Cette règle s'applique quelle que soit la

circonstance qui provoque cette augmentation du nombre d'associés. Le délai de deux ans

court à compter du jour où le nombre des associés devient supérieur à cinquante. Durant

cette période, la société continue de fonctionner normalement. Les associés sont donc tenu

principe toute liberté d'apporter aux statuts les modifications qu'ils jugent utiles, en

particulier la transformation de la société. Il est expressément prévu que la régularisation,

qui doit, selon l’article 87 de la loi 5-96, intervenir avant l'expiration du délai deux ans,

puisse revêtir la forme d'une transformation, en un autre type de sociétés ne connaissant pas

ce plafond, après modification des statuts. À l'expiration du délai de deux ans, la SARL qui

n'a pas régularisé sa situation est, selon l’article 47 de la loi 5-96, dissoute de plein droit. Les

termes de ces articles ont véritablement un caractère obligatoire. Enfin, l’article 87 de la loi

5-96 énonce une solution alternative dont le choix revient aux seuls associés, soit réduire

leur nombre ou soit transformer la société.

A ces conditions relatives au nombre des associés, s’ajoute les conditions relatives au

consentement.

22.. LLee ccoonnsseenntteemmeenntt..

Comme dans tout contrat de société, les dispositions des articles 2 et 987 du Dahir

des Obligations et Contrats exigent expressément comme condition de validité le

consentement de l'associé. Ce consentement doit absolument être libre et éclairé. Dans

l’univers commercial, il peut arriver qu’une phase préparatoire à la constitution d'une société

peut se décomposer soit en un projet, soit en des pourparlers en vue justement d'une création

de société, puis en promesse de société lorsque les éléments essentiels du contrat de société

sont alors fixés.

Lorsqu’il ya un projet de société dans lequel les parties envisagent éventuellement de

s'associer, mais ne sont pas encore d'accord sur les éléments essentiels de la future personne

morale. Dans cette situation, aucune obligation précise ne peut naitre à la charge des futurs

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associés. Ces dernies demeurent donc libres d'y donner suite ou d’abandonner le projet de

société.

En droit marocain des sociétés, le législateur exige impérativement que la volonté

individuelle se manifeste par la signature des statuts. Chaque associé doit, selon l’article 50

de la loi 5-96, intervenir à l'acte constitutif soit en personne, soit par mandataire justifiant

d'un pouvoir spécial à cet effet, conformément cette fois à l’article 891 du Dahir des

Obligations et Contrats. Ce n’est qu’uniquement qu’à partir de cette signature, que la société

existe en tant que contrat. Jusqu’à l’immatriculation au registre du commerce, les rapports

entre les associés vont être régis par les termes de ce contrat ainsi que les principes

généraux du droit applicables aux contrats et obligations. La manifestation de la volonté

d'entrer dans la société ne peut, a contrario, revêtir une autre forme, verbale ou tacite. Ainsi,

par exemple, on ne peut pas considérer que la seule présence d'une personne aux

délibérations lors de la constitution du groupement témoigne d'une volonté de s'associer, pas

plus que sa participation à la constitution.

L'absence de consentement d'un associé ne devrait pas être sanctionnée par la nullité

de la SARL. Par une juxtaposition de règles avec par exemple la société anonyme, l’article

337 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes dispose que « La nullité d’une société ou celle

d’actes ou délibérations modifiant les statuts, ne peut résulter que d’une disposition expresse de la

présente loi, du caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société ou de l’incapacité

de tous les fondateurs ». Dés lors, la nullité d'une SARL ne peut pas résulter d'un vice du

consentement, à moins que celui-ci n'atteigne tous les associés fondateurs. En droit marocain

des sociétés, il convient, nous semble t-il, de retenir que l'absence de consentement d'un

associé n'est pas un vice du consentement. Dés lors, la nullité d'une société à responsabilité

limitée ne peut pas donc résulter d'un vice du consentement ni encore de l'incapacité, sauf

cependant si le vice frappe tous les associés fondateurs.

Il est clair que le consentement des associés ne doit pas être vicié. Mais en droit

marocain des sociétés, il faut rappeler que les vices du consentement, dans la constitution de

la société, sont rarement invoqués et doivent par ailleurs en cas d’action en justice être

prouvés. Les seules décisions qui sanctionnent un vice du consentement dans une SARL sont

le plus souvent relatives à une cession de parts de SARL. Enfin, si la nullité de la société ne

peut résulter d'un vice du consentement, ainsi que d'une incapacité ou d'une clause léonine,

on peut souligner enfin que le défaut d'affectio societatis entraîne naturellement la nullité de la

société.

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BB.. LLeess ccoonnddiittiioonnss rreellaattiivveess àà llaa ssoocciiééttéé..

Les conditions de fond relatives à la constitution d'une SARL peuvent être examinées

sous trois éléments qui la caractérisent à savoir le montant du capital (1), les apports (2) et

les parts sociales (3).

11.. LLee mmoonnttaanntt dduu ccaappiittaall ssoocciiaall..

Au regard des garanties, le capital social constitue par nature, en droit marocain des

sociétés, le gage des créanciers sociaux. Justement, dans un premier temps pour éviter la

constitution de sociétés avec un capital dérisoire, le législateur marocain avait à une époque

donnée imposé aux SARL un capital minimum. A ce sujet, la SARL fut d'ailleurs la première

forme de société soumise à une telle exigence. Mais dans le paysage sociétaire marocain, ce

capital minimum a fait l’objet d’une évolution réglementaire, et a été plusieurs fois été

modifié. Ainsi, aux termes de l’article 46 de la 5-96 dans sa version du Dahir n° 1-97-49

(1997), le capital minimum des SARL est passé à 100 000 dirhams, puis par le Dahir n°1-06-

21 (2006), il est passé à 10 000 dirhams. Au regard des garanties, ce minimum légal du

montant du capital était considéré comme faible voire insuffisant vis-à-vis des créanciers

sociaux.

Dans l’optique visant à faciliter et simplifier la création de la société à responsabilité

limitée, le législateur marocain a tout simplement supprimé en 2011 toute exigence d'un

capital minimum dans les SARL. Cette suppression est réalisée par le dahir n° 1-11-39

(2011). Dans sa formulation actuelle, l’article 46 de la loi 5-96 dispose que « le capital de la

société à responsabilité limitée est librement fixé par les associés dans les statuts...(…) ». Cette

nouvelle version de l’article 46 de la loi 5-96 permet désormais aux associés d'une SARL de

déterminer librement dans les statuts le montant du capital social, faisant ainsi disparaître

l'obligation d'un capital minimal, mais sans cependant supprimer l'obligation résultant de

l’article 50 de la loi 5-96 de fixer ce capital. De plus, l'indication du montant du capital,

comme mention légale, doit figurer obligatoirement dans les statuts de la société. D’ailleurs,

cette indication, ainsi que les indications relatives à la forme et à la dénomination sociale,

doivent être portées sur tous les actes et documents émanant de la société et destinés aux

tiers.

Le capital social lui-même doit, selon l’article 46 alinéa 1er de la loi 5-96, être divisé

en parts sociales égales réparties entre les associés en représentation de leurs apports. A cet

égard, la valeur nominale de ces parts sociales est librement déterminée par les statuts. C’est

pourquoi, la répartition des parts doit être obligatoirement mentionnée dans les statuts.

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Enfin, à la différence des actions dans la société anonyme, les parts sociales dans la SARL ne

sont, selon l’article 55 de la loi 5-96, pas négociables. A défaut, toute création de titres

négociables par les SARL en violation de cet article est sanctionnée tout simplement par la

nullité.

22.. LLeess aappppoorrttss..

En tant qu’élément indispensable de la constitution du contrat de société, un apport

est obligatoirement effectué par chaque associé dans la SARL. En contrepartie de cet apport,

chaque associé reçoit un certain nombre de parts sociales. Cette obligation de réaliser un

apport se traduit par la prohibition des apports fictifs. A ce sujet, la fictivité de l'apport peut

revêtir plusieurs aspects comme par exemple, le défaut de propriété de l'apporteur, l'absence

de valeur pécuniaire du bien apporté ou encore l'existence d'un passif grevant ce bien pour

un montant supérieur à sa valeur. Cependant, pour apprécier le caractère fictif de l'apport, il

convient de se placer au moment de la constitution de la société, et plus précisément au jour

de la signature des statuts. Comme pour la création de titres négociables, la fictivité est

sanctionnée elle aussi par la nullité de l'apport qui ne peut donc être pris en considération

pour la constitution du capital social, mais sans porter cependant atteinte à l'existence même

de la société.

Une fois que l’apport est effectué par chaque associé, il faut procéder à sa libération.

Celle-ci est l'opération matérielle par laquelle l'associé remplit l'engagement qu'il prend par

la souscription. Généralement, la libération des apports dans une SARL intervient, selon

qu'il s'agit d'un apport en numéraire (a), en nature (b) ou en industrie (c), à la souscription ou

en cours de vie sociale. Aux termes de l’article 992 alinéa 1er du Dahir des Obligations et

Contrats, l’ensemble des apports des associés constitue le capital social de la SARL.

aa.. LLeess aappppoorrttss eenn nnuumméérraaiirree..

Pour les apports en numéraire, c'est-à-dire de sommes d'argent, les associés sont,

selon l’article 51 de la loi 5-96, tenus de libérer seulement une fraction correspondant au

moins le quart de leur montant. Pour le surplus, la libération doit intervenir, en une ou

plusieurs fois, sur décision du gérant, et dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter

de l’immatriculation de la société au registre du commerce. En outre, les fonds

correspondant aux apports en numéraire doivent, selon l’article 51 alinéa 4 de la loi 5-96,

être déposés dans les huit jours de leur réception dans un compte bancaire bloqué lorsque le

capital social fixé par les associés dépasse 100 000 dirhams. Toutefois, le retrait des fonds

déposés provenant de la libération des parts sociales peut, selon l’article 52 alinéa 1er de la loi

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5-96, être effectué par le mandataire de la société qu’après que la société est été immatriculée

au registre du commerce et sur présentation d’une attestation.

Si le défaut de libération des apports rend l'associé défaillant débiteur envers la

société de ce qu'il a promis, en revanche, il ne peut avoir pour conséquence que l'apporteur

défaillant n'a pas tout simplement la qualité d'associé. Celle-ci résulte tout naturellement de

son engagement et de son affectio societatis apprécié justement à la date de création de la

société.

bb.. LLeess aappppoorrttss eenn nnaattuurree..

L'apport en nature, c'est-à-dire celui d'un bien autre que de l'argent, peut, selon le

droit commun des apports, porter sur tout bien ayant une valeur patrimoniale c’est a dire un

meuble ou un immeuble, corporel ou incorporel. Cet apport peut être effectué de différente

façon soit en pleine propriété, soit en nue-propriété, soit en usufruit ou soit en jouissance.

Cependant, la libération de l'apport en nature impose le respect des règles juridiques propres

au bien concerné. C’est le cas par exemple lorsqu’il y a un apport d’un immeuble, celui-ci

devra alors rigoureusement respecter l’article 4 du Dahir n° 1-11-178 du 22 novembre 2011

portant promulgation de la loi n° 39-08 portant code des droits réels selon lequel « Tous les

actes relatifs au transfert de propriété ou à la création des autres droits réels ou leur cession,

modification ou suppression doivent, sous peine de nullité, être établis par acte officiel ou par acte à

date certaine ».

Il faut cependant éviter, dans ce type d’apport, tout risque de surestimation

préjudiciable aux intérêts des autres associés et surtout des créanciers, en conférant un

caractère fictif au capital social. C’est pourquoi, les statuts doivent dans ce cas contenir

l’exacte évaluation de chaque type d’apport en nature. En principe, dans la pratique les

associés ne peuvent fixer la valeur de ces apports qu'au vu d'un rapport établi, selon l’article

53 alinéa 1er de la loi 5-96, par un commissaire aux apports, et ce rapport étant lui-même

annexé obligatoirement aux statuts. Cette intervention d'un commissaire aux apports est,

selon l’article 53 alinéa 2 de la loi 5-96, facultative lorsque deux conditions cumulatives sont

alors réunies. D’une part, si aucun apport en nature n'a de valeur supérieure à 100 000

dirhams, et d’autre part, si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature n'excède pas

la moitié du capital social.

Lorsque ces deux conditions cumulatives sont pleinement remplies, dans ce cas les

futurs associés peuvent décider à l'unanimité de ne pas recourir à un commissaire aux

apports. Une semblable évaluation n'offre toutefois que peu de garanties pour les autres

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associés. Mais, cette dispense d'évaluation ne peut s'appliquer qu’à la SARL à associé unique.

Cependant, cette simplification de la constitution de la SARL doit être décidée uniquement à

l'unanimité des futurs associés, sans que, toutefois, la loi n'impose une forme particulière à

cette décision. En revanche, lorsqu'elle est verbale, il est par souci de sécurité juridique,

préférable non seulement de la rappeler mais aussi de la faire confirmer par les associés dans

les statuts.

Enfin, l'intervention du commissaire aux apports, dont la responsabilité civile et pénale

pourrait, d'ailleurs, être engagée dans les conditions du droit commun, constitue une

garantie aussi bien pour les tiers de bonne foi que pour les autres associés. De même, en

l'absence d'intervention du commissaire aux apports aucune autre protection n'est offerte

aux tiers. C’est pourquoi, l’article 53 alinéa 4 de la loi 5-96 prévoit dans ce cas que « les

associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée

aux apports en nature lors de la constitution de la société ». Mais l’application de ce texte est

possible, là encore, que lorsque deux conditions sont réunies. D’une part, lorsque les

associés décident à l'unanimité de ne pas recourir aux services du commissaire aux apports

en raison de la faible valeur de l'apport en nature et, d’autre part, lorsqu'ils retiennent dans

les statuts pour l'apport en nature une valeur supérieure à celle proposée par le commissaire

dans son rapport.

Enfin, l’analyse juridique de l’article 53 alinéa 4 de la loi 5-96 permet d’affirmer que la

responsabilité solidaire des associés ne joue de manière implicite uniquement en cas de

surévaluation ou de sous-évaluation des apports en nature.

cc.. LLeess aappppoorrttss eenn iinndduussttrriiee..

Troisième catégorie d’apport, l'apport en industrie qui, quant à lui, consiste à mettre

à disposition de la société par exemple, son savoir faire, un travail, des services, des

connaissances techniques ou encore des relations professionnelles. A une époque donnée,

l'apport en industrie était impossible dans une SARL et ce essentiellement pour deux

raisons. D’aune part, l'associé devait libérer immédiatement son apport alors qu'une

industrie, sous forme de prestation ou d'un travail, est fournie de manière successive. D’autre

part, le travail d'un associé ne saurait entrer dans la composition du capital social puisque

celui-ci est le seul gage des créanciers sociaux.

En l’état actuel du droit marocain, les apports en industrie sont autorisés dans la

SARL. Cette autorisation a pour objectif par exemple de faciliter la constitution de sociétés

par exemple entre conjoints et d'autoriser les époux à y travailler en qualité d'associés. Mais,

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à défaut de dispositions légales fixant en détail le régime de ces parts représentatives

d'apports en industrie, ce sont donc les statuts de la société qui devaient en préciser les

conditions de souscription ainsi que les droits conférés aux apporteurs. C’est pourquoi, l'acte

constitutif doit, selon l’article 51 alinéa 3 de la loi 5-96, déterminer les modalités de

souscription des parts d'industrie, leur répartition, la durée et l'étendue des prestations dues

par l'apporteur et le nombre de parts attribuées.

Après avoir analysé les conditions de fond relatives à la constitution d'une SARL à

travers le capital et les apports, qu’en est-il des parts sociales.

33.. LLeess ppaarrttss ssoocciiaalleess..

Contrairement à la société anonyme qui émet des actions, la SARL émet des parts

sociales qui représentent, aux termes de l’article 992 alinéa 1er du Dahir des Obligations et

Contrats, le capital social de la société. La part sociale est donc une fraction du capital social

dont l'appropriation donne à l'associé le droit de participer non seulement à la vie de la

société, et selon l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats de participer aussi « au

partage des bénéfices ». Toutefois, la part sociale, représentative d'apport en numéraire ou en

nature, se distingue des parts qui correspondent à des apports en industrie qui sont qualifiés

de parts d'industrie.

Il faut noter que l’une des particularités de la SARL réside dans le régime juridique

des parts sociales qui se rattache à son caractère hybride c’est-à -dire à la fois aux règles des

sociétés de personnes et à celles applicables aux sociétés de capitaux. Contrairement aux

parts sociales émises par une société en nom collectif ou en commandite simple, les parts

sociales d'une SARL ne peuvent pas être émises, selon l’article 54 de la loi 5-96, par « des

valeurs mobilières » et ne peuvent pas non plus prendre, selon l’article 55 de la loi 5-96, la

forme « d'un titre négociable ». Ces deux restrictions légales traduisent ici clairement

l'importance attachée dans la SARL au caractère de l'intuitu personae. En droit marocain des

sociétés, la considération de la personne, tant dans la constitution que dans le

fonctionnement de la SARL, confère un caractère très personnel à la part sociale.

Autre particularité de la SARL réside aussi dans le fait que les associés doivent être

considérés comme des créanciers de la société en raison de l'apport qu'ils lui ont consenti.

Dans ce cas, les parts sociales ont la nature juridique d'un droit personnel, un droit de

créance. Mais, il s'agit d'un droit de créance original, assorti de prérogatives extra-

pécuniaires, notamment le droit de participer au fonctionnement de la société. Dans la

catégorie juridique des biens, la part sociale est un bien meuble ayant valeur patrimoniale

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pouvant faire l'objet de toutes les opérations juridiques admises sur les éléments du

patrimoine. Ainsi, la part sociale d’un associé peut donc parfaitement être cédée, être gagée

où même faire l'objet de saisies.

Enfin, déjà souligné précédemment, la SARL ne peut, selon les articles 54 et 55 de la

loi 5-96, représenter les parts sociales par « des valeurs mobilières » ou « des titres négociables ».

Sont donc proscrits tous les titres transmissibles dans les formes simplifiées du droit

commercial. Cette prohibition vise essentiellement à empêcher toute spéculation sur les

titres de la société à responsabilité limitée mais, aussi, à maintenir le caractère intuitu personae

dans la société elle-même. Dés lors, toute émission « des valeurs mobilières » ou « des titres

négociables » serait sanctionnée par la nullité des titres irréguliers. En conséquence, lorsque

les associés entendent matérialiser leur titre d'associé, ils ne peuvent le représenter que dans

la forme d'un titre cessible selon les règles du droit civil, c'est-à-dire de la cession de créance.

§§11.. LLeess ccoonnddiittiioonnss ddee ffoorrmmee..

Au plan de la forme, pour sa constitution la SARL doit respecter des formalités

légales (1) et de publicité (2).

11.. LLeess ffoorrmmaalliittééss ddee ccoonnssttiittuuttiioonn..

Les statuts doivent être établis par écrit. Cet écrit peut être soit un acte sous seing

privé ou soit un acte authentique. La forme authentique est imposée, par l’article 4 de la loi

39-08, en cas d’apport d’immeubles. En cas de forme sous seing privé, il faudra dresser

autant d’originaux que nécessaire pour en remettre un à chaque associé ainsi que procéder

aux formalités d’enregistrement et de publicité. Aux termes de l’article 50 alinéa 1er de la 5-

96, tous les associés doivent intervenir à l’acte constitutif de la société, soit personnellement,

soit par mandataire justifiant d’un pouvoir spécial. Les statuts doivent comporter des

mentions obligatoires communes à toutes les sociétés et propres aux SARL. Les statuts

doivent à peine de nullité, selon 50 alinéa 2 de la 5-96, être daté et indiquer 12 mentions

obligatoires à savoir :

➢ 1° les prénom, nom, domicile ou, le cas échéant, s'il s'agit de personnes morales les

dénomination, forme et siège de chacun des associés ;

➢ 2° la constitution en forme de SARL ;

➢ 3° l'objet social ;

➢ 4° la dénomination sociale ;

➢ 5° le siège social ;

➢ 6° le montant du capital social ;

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➢ 7° l'apport de chaque associé et, s'il s'agit d'un apport en nature, l'évaluation qui lui a

été donnée ;

➢ 8° la répartition des parts entre les associés ;

➢ 9° la durée pour laquelle la société a été constituée ;

➢ 10° les prénom, nom, domicile des associés ou des tiers pouvant engager la société, le

cas échéant ;

➢ 11° le greffe du tribunal où les statuts seront déposés ;

➢ 12° la signature de tous les associés.

A ces mentions obligatoires, l’article 51 alinéa 3 in fine de la loi 5-96 prévoit que les

statuts doivent figurer les apports en industrie. De plus, les statuts doivent également

contenir des mentions facultatives qui organisent

➢ La gérance : la nomination, la durée des fonctions, la rémunération, la

révocation, les pouvoirs ou encore les obligations ;

➢ Le mode de consultation des associés ;

➢ La prise des décisions collectives (quorum et majorité) ;

➢ Le contrôle de la société par les commissaires aux comptes (nomination,

rémunération et révocation) ;

➢ Les dates d’ouverture et de clôture des exercices sociaux ;

➢ La transmission des parts sociales (clause d’agreement) ;

➢ La répartition des bénéfices ;

➢ Modalités des apports en industrie quand ils sont autorisés ;

➢ Nom du dépositaire chez qui les fonds correspondant aux apports en

numéraire ont été déposés ;

➢ Evaluation des apports en nature en annexe ;

➢ La transformation ou la liquidation de la société.

La société est désignée par une dénomination sociale à laquelle peut s’incorporer le

nom d’un ou plusieurs associés. La dénomination doit être précédée ou suivie immédiatement

de la mention SARL et du montant du capital social.

Enfin, les premiers gérants ainsi que les associés auxquels la nullité de la société est

imputable, sont solidairement responsables, envers les autres associés et les tiers, du

dommage résultant de l’annulation. Les causes de nullité sont cependant peu nombreuses et

font l’objet de nombreuses mesures de régularisation tendant à les couvrir lorsqu’elles

existent. Autrement dit, cette source de nullité expose peu ses auteurs

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Après les formalités de constitution, il sera procédé à sa publication.

22.. LLaa ppuubblliicciittéé ddee llaa ccoonnssttiittuuttiioonn..

Comme pour toutes les autres sociétés, la SARL est soumise aussi aux mêmes

formalités de publicité. Elle est prévue aux articles 93 à 99 de la loi 5-96. Selon l’article 94

alinéa 1er de la loi 5-96, les formalités de publicité de la constitution sont effectuées à la

diligence et sous la responsabilité des représentants légaux de la société. La publicité se

traduit de deux manières. D’une part, par le dépôt au greffe du tribunal du lieu du siège

social de deux copies ou de deux exemplaires des statuts. Ce dépôt doit selon les articles 93

et 95 de la loi 5-6 être fait dans les 30 jours de la constitution de la société. D’autre part, par

l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel. Cette insertion

doit, selon les articles 93 et 96 de la loi 5-96, être faite dans un délai de 30 jours après

l’immatriculation au registre du commerce. L’avis doit, selon l’article 96 alinéa 3 de la loi 5-

96, contenir 9 mentions obligatoires à savoir :

➢ la forme de la société ;

➢ la dénomination sociale ;

➢ l'objet social indiqué sommairement ;

➢ l'adresse du siège social ;

➢ la durée pour laquelle la société est constituée ;

➢ le montant du capital social avec l'indication du montant des apports en numéraire

ainsi que la description sommaire et l'évaluation des apports en nature ;

➢ 7. les prénom, nom, qualité et domicile des associés ;

➢ 8. les prénom, nom, qualité et domicile des associés ou des tiers ayant le pouvoir

d'engager la société envers les tiers ;

➢ 9 - le numéro d'immatriculation au registre du commerce.

Sont soumis aux mêmes conditions de dépôt et de publication, selon l’article 97 de la loi

5-96, tous actes, délibérations, ou décisions ayant pour effet la modification des statuts, à

l'exception des changements des gérants, des membres du conseil de surveillance et du ou

des premiers commissaires aux comptes nommés dans les statuts ; tous actes, délibérations

ou décisions constatant la dissolution de la société avec l'indication des prénom, nom et

domicile des liquidateurs et le siège de la liquidation ; toutes décisions judiciaires prononçant

la dissolution ou la nullité de la société ; tous actes, délibérations ou décisions constatant la

clôture de la liquidation.

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L'inobservation de l’ensemble de ces formalités de dépôt et de publication entraîne la

nullité. Celle-ci est prévue par l’article 98 de la loi 5-96. Il est toutefois prévu en cas

d’inobservation des régulations prévues aux articles 340, 342, 343 et 344 de la loi n°17-95

relative aux sociétés anonymes. Enfin des sanctions autres que la nullité sont prévues aux

articles 108 et 112 de la loi 5-96.

Qu’en est-il de l’organisation et du fonctionnement de fonctionnement de la SARL ?

SSeeccttiioonn 22.. LL’’oorrggaanniissaattiioonn eett llee ffoonnccttiioonnnneemmeenntt ddee llaa SSAARRLL..

Sur le plan organisationnel et fonctionnel, la SARL combine aussi bien la simplicité de la

structure de la société en nom collectif que la hiérarchisation de l'organisation de la société

anonyme. Classiquement, les associés délèguent l'ensemble des pouvoirs de direction à un

organe permanent, la gérance (§1). De leur coté, les associés assurent un contrôle de la

gestion (§2), parfois concurremment avec le ou les commissaires aux comptes (§3) dont la

présence n'est pas en principe obligatoire dans la SARL.

§§11.. LLaa ggéérraannccee ddee llaa SSAARRLL..

L’étude de la gérance de la SARL mérite de s’intéresser à son organisation (A) mais

aussi du choix du gérant (B).

AA.. LL’’oorrggaanniissaattiioonn ddee llaa ggéérraannccee..

En tant qu’organe essentiel, la gérance assure le fonctionnement quotidien de la

SARL. Représentant le pouvoir exécutif de la société, la gérance à une double fonction. Elle

est à la fois organe de gestion et organe de représentation. Dans la SARL, la présence d'un

gérant est obligatoire, et contrairement à d’autres sociétés, comme par exemple la société en

nom collectif, le régime juridique de celle-ci présente une grande souplesse dans le choix du

mode de gestion. Cette structure sociale est selon l’article 62 alinéa 1er de la loi 5-96 « gérée

par une ou plusieurs personnes physiques. ». Ce texte prévoit donc que les associés ont le choix

entre une gérance unique ou une pluralité de gérants. Le choix entre la gérance unique ou la

cogérance relève de l'organisation interne de la société.

Lorsqu’il y a recours à la désignation d'un gérant unique, cela permet d'assurer tout

simplement une direction unitaire à la société par la concentration des pouvoirs de gestion

dans les mains d'une seule personne. Naturellement, cette solution est retenue notamment

lorsqu'un pouvoir majoritaire stable est établi au sein de la société. Dans cette situation, le

gérant est alors soit l'associé majoritaire lui-même, soit une personne investie de la confiance

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de cet associé. En revanche, l'inconvénient de cette formule réside dans la situation créée

lorsqu’il y a un empêchement du gérant unique.

Lorsqu’il y a recours à la désignation de plusieurs gérants, celui-ci permet d'organiser

au sein du pouvoir de direction à la fois une division et à la fois une spécialisation des tâches.

Contrairement à la gérance unique, l’avantage de la pluralité de gérants est justement de

permettre d'assurer la continuité des affaires sociales en cas d'empêchement ou de décès de

l'un des gérants. Cette formule est aussi très intéressante notamment en cas de division de

l'assemblée des associés en plusieurs blocs minoritaires ou en cas de contrôle égalitaire de la

société. Dans ce cas, les détenteurs de participation significative au sein de la société peuvent

alors désigner chacun un représentant qui siégera dans le collège de gérance. En présence de

pluralité de gérants, il est parfois constitué un conseil de gérance dont les modalités de

fonctionnement sont déterminées par les statuts comme par exemple la répartition des

tâches et la majorité requise pour la prise de décisions. Cette organisation collégiale de la

gérance n'est cependant opposable qu'entre les associés. Elle est donc privée d'effet à l'égard

des tiers qui ne peuvent se voir opposer les limitations des pouvoirs des gérants qui, par

ailleurs, engagent la société en toute circonstance.

L’un des inconvénients de la pluralité de gérants est de présenter des risques

notamment en cas de désaccord entre cogérants. Dans ce mode de gestion, chacun des

gérants dispose en effet à titre personnel de tous pouvoirs externes de gestion, sans que les

limitations statutaires éventuellement apportées à ses prérogatives puissent être opposées

aux tiers de bonne foi. Dans une telle situation, il est donc prudent de prévoir dans les

statuts que les décisions devront être prises au sein du conseil de gérance soit à la majorité

ou soit à l'unanimité des cogérants.

Aussi, dans la pluralité de gérants, il peut toutefois arriver une divergence de vue

dans la conduite des affaires sociales. Une telle situation ne peut juridiquement se régler de

deux manières soit la révocation prévue à l’article 69 alinéa 1er de la loi 5-96 ou soit la

démission d'un ou de plusieurs des cogérants. À défaut d'une solution, il faudra se reporter

soit au droit commun et notamment l’article 1051 du Dahir des Obligations et Contrats

relative à la dissolution de la société et de l’exclusion des associés, soit lorsqu’il y a des faits

de nature à compromettre l’intérêt social de recourir au juge en lui demandant trois

possibilités, soit la désignation d'un syndic prévu à l’article 640 du code de commerce

marocain, soit, selon l’article 69 alinéa 2 de la loi 5-96, la révocation d'un ou de plusieurs

gérants pour « cause légitime », soit enfin la dissolution de la société pour cause de

mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. En cas de révocation

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du gérant de la SARL, celle-ci n’entraîne pas la dissolution de la société. Dans ce cas, il

convient simplement de nommer son successeur, sauf si en raison d'une pluralité de gérants,

les associés ne l'estiment pas nécessaire. Enfin, au-delà de ce choix légal prévu l’article 62

alinéa 1er de la loi 5-96, les statuts peuvent très bien imposer la cogérance ou tout

simplement l'interdire.

BB.. LLaa ccoonnddiittiioonn jjuurriiddiiqquuee dduu ggéérraanntt..

Dans la SARL, le choix de la gérance est essentiellement laissé à l’initiative des

associés. Aux termes de l’article 62 alinéa 2 de loi 5-96, « les gérants peuvent être choisis en

dehors des associés. Ils sont nommés et la durée de leur mandat fixée par les associés dans les statuts ou

par un acte postérieur ». Il y a donc là une certaine liberté laissée aux associés. Cette liberté

permet aussi aux associés de valablement prévoir dans les statuts une clause spécifique

réservant uniquement aux seuls associés ou aux personnes remplissant une condition

particulière, la possibilité d'être nommés gérants de la société. Il est ainsi possible d'insérer

dans les statuts une clause édictant l'obligation pour le gérant d'être associé, propriétaire

d'un certain nombre de parts sociales ou imposant une limite d'âge au-delà de laquelle il

cessera ses fonctions. Aussi, les statuts peuvent également interdire au gérant d'accepter

d'autres mandats sociaux, ou subordonner l'acceptation d'une autre gérance à l'autorisation

préalable de la collectivité des associés.

Dans une SARL, aux termes de l’article 62 alinéa 1er de la loi 5-96, seules les

personnes physiques peuvent assumer les fonctions de gérant. Il en résulte alors qu’une

société, même associée majoritaire de la SARL, ne saurait être désignée comme gérante.

Cette exigence légale tient évidement au souci de voir la direction de la société assumée par

une personne physique apte à être pénalement condamnée, en cas de commission

d'infractions, quoiqu'une personne morale puisse aujourd'hui subir une sanction pénale

conformément à l’article 121-2 du code pénale marocain. Les dispositions de l’article 62

alinéa 1er de la loi 5-96 sont impératives, et la nomination d'une personne morale en tant que

gérant sera frappée par la nullité de l'article 337 alinéa 1er de la loi 17-95 relative aux

sociétés anonymes, qui dispose que « la nullité d’une société ou celle d’actes ou délibérations

modifiants les statuts, ne peut résulter que d’une disposition expresse de la présente loi, du caractère

illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société ou de l’incapacité de tous les fondateurs ».

Le gérant étant considéré comme un mandataire social, la capacité commerciale de

l’article 12 du code de commerce marocain, n'est pas exigée, puisqu'il n'a pas la qualité de

commerçant. Par conséquent, les règles de droit commercial applicables aux seuls

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commerçants ne sont pas ici applicables. Il suffit tout simplement que le gérant ait seulement

la capacité requise prévue par l’article 880 du Dahir des Obligations et Contrats pour être

mandataire. En principe, le mineur émancipé peut donc sans restriction être gérant d'une

SARL. En revanche, il n'en est pas de même du mineur non émancipé, ni des majeurs en

tutelle et en curatelle. En pratique, selon les articles 6,9,12, 13 et 164 du code de commerce

marocain, le défaut de capacité commerciale peut constituer un handicap pour le gérant qui

ne pourrait conclure un acte de commerce pour le compte de la société, notamment signer

une lettre de change au nom de celle-ci, en tant que tireur ou tiré, ou se porter avaliste pour

elle.

En outre, les interdictions et incompatibilités qui font obstacle à l'exercice régulier du

commerce par une personne, l'empêchent aussi d'être nommée gérant. En droit marocain des

sociétés, ne peuvent donc accéder à une telle fonction les individus frappés la déchéance

commerciale prévue à l’article 711 du code de commerce marocain. Il en est de même des

personnes qui exercent certaines professions ou occupent un emploi incompatible avec cette

fonction. C'est le cas par exemple des fonctionnaires, des avocats ou encore des notaires.

S’ajoute à tout cela, la possibilité pour le juge d’interdire aux personnes physiques faisant

l'objet de certaines condamnations, notamment pénales, d'exercer des fonctions de direction

au sein d'une société commerciale, et donc de devenir gérant au sein d'une SARL.

Il existe enfin des conditions particulières pour certaines personnes. C’est le cas,

lorsque, l'exercice par la société de certaines activités réglementées entraîne pour le gérant

l'obligation de remplir diverses conditions particulières telles que de diplômes. C’est le cas

exemple dans une officine de pharmacie où le gérant doit obligatoirement justifier de son

aptitude professionnelle.

CC.. LLaa nnoommiinnaattiioonn dduu ggéérraanntt..

Cette nomination est prévue à l’article 62 alinéa 2 de la loi 5-96 qui prévoit que le ou

les gérants sont nommés par les associés « dans les statuts ou dans un acte postérieur », c'est-à-

dire par une décision de l'assemblée générale des associés. Dans cette dernière hypothèse,

leur désignation doit intervenir à bref délai, car la publicité légale à laquelle est subordonnée

l'immatriculation au registre du commerce, et donc l'acquisition de la personnalité morale de

la société, doit mentionner leur identité. La désignation du gérant dans les statuts présente

l'avantage de démarrer au plus vite l'activité sociale de la société. En l'absence de disposition

légale particulière, la cessation des fonctions du ou des gérants, quelle qu'en soit la cause,

entraine par décision des associés la suppression de la mention de son nom.

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Pour la nomination d'un gérant en cours de vie sociale, celle-ci est décidée, aux

termes de l’article 74 alinéa 1er de la loi 5-96, à la majorité de plus de la moitié des parts

sociales, sans pouvoir recourir à une majorité plus faible, mais il est toujours possible de

stipuler une majorité plus importante dans les statuts renforçant ainsi la position du gérant.

L’intérêt de cette exigence légale est de reposer essentiellement sur la volonté de conférer au

gérant la confiance d'une fraction aussi large que possible des associés, sans aller jusqu'à

imposer l'unanimité, car il convient, à la différence de la SNC, qu'un gérant doit

impérativement être nommé. Donc, nous pouvons conclure de cette exigence légale qu’un

associé majoritaire peut donc à lui seul se désigner valablement gérant.

Le gérant peut être en principe nommé pour une durée limitée ou sans limitation. En

l'absence de dispositions statutaires, le gérant est selon l’article 62 alinéa 3 de la loi 5-96

pour une durée de trois ans. Une fois nommé, le gérant doit alors accepter les fonctions qui

lui sont confiées. C'est uniquement à compter de cette acceptation que sa nomination prend

effet dans les rapports avec les associés et les tiers. Une fois arrivé au terme de ses trois ans

de ses fonctions, le gérant nommé ne dispose pas d'un droit au renouvellement de celles-ci.

Le gérant non renouvelé dans ses fonctions n'a donc plus vocation à représenter la société.

DD.. LLaa rréévvooccaattiioonn dduu ggéérraanntt..

Dans la SARL, la révocation du gérant revêt principalement deux formes selon

qu'elle est décidée par les associés (1) ou par voie judiciaire (2).

11.. LLaa rréévvooccaattiioonn ppaarr lleess aassssoocciiééss..

La révocation par les associés est prévue à l'article 69 alinéa 1er de la loi 5-96. Selon

ce texte, le gérant est révocable sur décision des associés représentant au moins trois quarts

des parts sociales. A défaut de cette majorité requise, sur première consultation, une

deuxième peut être organisée cette fois, selon l’article 74 alinéa 2 de la loi 5-96, à la majorité

des votes émis, quel soit le nombre des votants. Mais rien n’empêche aux statuts de pouvoir

exclure cette seconde consultation. En revanche, une stipulation d'une majorité plus élevée

n'autorise pas les statuts à prévoir l'unanimité. Cette unanimité peut en effet aboutir à rendre

le gérant associé irrévocable dans la mesure où il participerait au scrutin. Une telle clause

dans les statuts serait donc frappée de nullité.

D’un point procédural, la révocation doit obéir au principe du contradictoire, afin que

le gérant soit informé du projet de révocation et, ainsi de l’inviter à se justifier sur les fautes

qui lui sont reprochées. Dans le cas, où la révocation du gérant qui n'est pas décidée par

l'organe compétent, à savoir l'assemblée générale des associés, celle-ci est tout simplement

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irrégulière. Quels que soient les motifs allégués par l'assemblée générale des associés, la

société ne peut, pour révoquer son gérant, s'abstenir de respecter les formalités légales,

notamment celles relatives à la convocation des associés. A ce sujet, il convient de distinguer

la révocation irrégulière de la révocation abusive. La première tient, soit à l'incompétence de

l'organe qui a prononcé la révocation, soit au non-respect des règles relatives à la

convocation et à la tenue de l'assemblée. La seconde tient, soit à des circonstances vexatoires

ou injurieuses portant atteinte à la réputation du gérant, soit à l'inobservation du principe de

la contradiction et du respect des droits de la défense.

Pour mettre en œuvre la révocation décidée par les associés, il faut que celle-ci

s'appuie sur la preuve de l'existence d'un juste motif. Naturellement, ce juste motif repose

essentiellement sur la faute du dirigeant. Il est évident que la faute du dirigeant constitue un

juste motif de destitution de ses fonctions, encore faut-il qu'elle obéisse à certains critères

pour être exclusive de toute indemnisation. Tout d'abord, la faute doit avoir été commise

dans le cadre du mandat social. À ce titre, elle doit être intimement liée à la gestion de la

société. La révocation n'est pas valable lorsqu'elle repose sur des fautes personnelles sans

aucun lien avec la qualité de gérant. Enfin, la faute doit être suffisamment grave pour

justifier une révocation sans dédommagement comme violation de la loi ou des statuts. Dans

le cas contraire, l'allocation de dommages-intérêts reste la seule possibilité offerte au gérant

qui estime que son éviction a été décidée sans juste motif, sous réserve qu'il fasse la preuve

du caractère injustifié de la sanction. Cette possibilité est prévue par l’article 69 alinéa 1er de

la loi 5-96.

2. La révocation judicaire.

Dans la SARL, en principe, la révocation des dirigeants relève du pouvoir souverain

des organes sociaux, si bien que les tribunaux n'ont pas à intervenir en la circonstance, sauf à

statuer sur un éventuel abus de droit et, par conséquent, l'allocation de dommages-intérêts.

C'est donc à titre exceptionnel, dans des hypothèses et des conditions limitativement

énumérées par la loi, que les tribunaux vont prononcer cette révocation pour cause légitime.

Ce principe et son exception sont expressément prévus par l’article 69 de la loi 5-96. Afin

d'empêcher l'inamovibilité du gérant associé majoritaire ou égalitaire contre qui une mesure

de destitution ne pourrait être prononcée et faute de rassembler le nombre de voix

nécessaire, tout associé, peu importe le nombre de ses parts, peut demander en justice sa

révocation. Chaque associé dispose donc du droit d'agir individuellement. Son action ne peut

pas être limitée ou interdite par les statuts. Contrairement à d’autres sociétés, ce mode de

révocation constitue une particularité des SARL et des sociétés civiles.

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EE.. LLaa ddéémmiissssiioonn dduu ggéérraanntt..

Comme tout mandataire, le gérant, a le droit de démissionner. Mais, contrairement à

la révocation, la loi 5-96 ne réglemente pas la démission. C’est pourquoi, le pouvoir de libre

révocation des mandataires sociaux est compensé par celui de leur libre démission. C’est en

application du principe selon lequel nul ne peut s'engager à vie, que la mise en œuvre de la

démission est facilitée. Mais parfois, dans la pratique, il arrive parfois que la démission ne

procède pas d'une libre expression de la volonté du gérant mais résulte plutôt d'une

contrainte.

Si les associés délèguent l'ensemble des pouvoirs de direction au gérant, ils assurent

toutefois en contrepartie un certain contrôle de l’exploitation de la société.

§§22.. LLee ccoonnttrrôôllee ddee llaa ggeessttiioonn ppaarr lleess aassssoocciiééss..

Bien que la gestion quotidienne de la SARL soit pour l'essentiel confiée au gérant,

celle-ci n'est pas complètement abandonnée entre ses mains. C’et la raison pou laquelle, le

législateur marocain a en effet instauré des contre-pouvoirs, afin de permettre un contrôle de

l'exploitation de l'entreprise et ceci, dans l'intérêt aussi bien de la société, des associés, que

des tiers. A cet effet, les associés disposent collectivement d'un pouvoir général de contrôle

qui s'exerce principalement au moment de l'examen annuel des comptes.

Classiquement, dans la SARL, le pouvoir général de contrôle des associés s'exprime

essentiellement lors de l'examen annuel des comptes, au cours de l'assemblée générale

appelée à statuer sur les opérations de l'exercice écoulé et qui doit, selon l’article 70 de la loi

5-96, être réunie dans le délai de 6 mois à compter de la clôture de cet exercice. À défaut de

réunion de cette assemblée dans ce délai, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le

président du tribunal compétent statuant en référé afin d’enjoindre, le cas échéant sous

astreinte, aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y

procéder. Grâce à cette assemblée générale, il est également donner l'occasion aux associés

de manifester leur défiance à l'égard de la gestion, soit en refusant le quitus au gérant, soit en

votant tout simplement sa révocation. Lorsqu’il y a de conventions réglementées conclues

entre la société et son gérant ou un associé, ce contrôle collectif s'exerce dans ce cas

pleinement. Il est logique que ce contrôle peut aussi très bien intervenir lorsque les associés

ont par exemple donné au gérant une autorisation d'agir en vue d'une opération excédant ses

pouvoirs de gestion.

D’une façon plus générale, toutes les décisions qui dépasse la compétence légale ou

statutaire des gérants doivent être prises, selon l’article 71alinéa 1er de la loi 5-96 par la

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collectivité des associés, qu'elles le soient en assemblée générale ou par voie de consultation

écrite. Toutes ces décisions doivent être prises en toute connaissance de cause, et c'est la

raison pour laquelle l’article 70 alinéa 2 de la loi 5-96 organise une communication préalable

des documents, particulièrement le rapport de gestion, l’inventaire et les états de synthèse,

qui font l'objet de la discussion. Cette communication doit intervenir au moins 15 jours

avant la date de l’assemblée générale à laquelle les associés devront émettre leur vote. A

compter de cette communication, tout associé pourra, selon l’article 70 alinéa 3 de la loi 5-96,

poser par écrit diverses questions auxquelles le gérant sera obligatoirement tenu d’y

répondre au cours de l'assemblée générale.

Parallèlement à ce contrôle collectif, tout associé peut aussi exercer personnellement

un certain nombre de prérogatives. Il s’agit ici d’un droit de contrôle permanent à la

communication des documents sociaux prévu par l’article 70 alinéa 4 de la loi 5-96. En effet,

les associés disposent de deux types d’information. D’une part, d'une information

occasionnelle qui s'exerce préalablement aux décisions collectives et surtout lors de la

convocation de l'assemblée générale pour l'approbation des comptes. D’autre part, d'une

information permanente, définie à l'article 70 alinéa 4 de la loi 5-96, qui ne porte toutefois

que sur les trois derniers exercices. Il s'agit essentiellement de documents d'ordre comptable

accompagnés des rapports et documents annexes qui doivent en faciliter la compréhension.

La liste des documents dont l'associé peut obtenir communication à toute époque sont les

comptes annuels, les inventaires, les rapports soumis aux assemblées générales et les procès-

verbaux de ces assemblées générales concernant les trois derniers exercices. A ce sujet,

aucune disposition statutaire ne peut supprimer ces prérogatives attachées à la qualité

d'associé, puisque l’article 71 alinéa 4 de la loi 5-96 répute non écrite toute clause contraire.

En cas de violation, la sanction, qui sera purement et uniquement civile, se traduit par la

reconnaissance au profit de l'associé demandeur d'un droit de demander qu'une décision de

justice fasse injonction au gérant de respecter ce droit, et par la même occasion la loi.

Tout associé détenant la moitié des parts sociales peut aussi demander, selon l’article

71 alinéa 4 de la loi 5-96, au gérant la réunion d'une assemblée générale. Sur cette demande,

il peut se grouper avec d'autres associés pour satisfaire l’exigence de cette majorité. En cas

de difficulté, lorsque les associées ne peuvent pas obtenir les documents auxquels ils ont

droit au libre accès, dans ce cas ils peuvent demander, au titre de l’article 82 alinéa 1er de la

loi 5-96, au président du tribunal, statuant en référé, soit d'enjoindre, éventuellement sous

astreinte, aux gérants de les communiquer, soit de désigner un expert chargé de procéder à

cette communication.

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Dans le cas où l'assemblée générale n'approuve pas les comptes de l'exercice écoulé, le

gérant doit alors déposer au greffe une copie de la délibération. En principe, dans une telle

situation, le gérant reste en fonction, mais si le refus d'approbation est motivé par une

mauvaise gestion, alors un des associés pourrait obtenir en justice, au titre de l’article 640 du

code de commerce marocain, la nomination d'un syndic. Dans le cas où une assemblée

générale a été irrégulièrement convoquée peut, aux termes de l’article 71 alinéa 6 de la loi 5-

96, être annulée. Enfin, tout au long de la vie sociale de la SARL, les associés peuvent,

généralement sous condition de détention d'une participation minimale dans la société,

engager diverses actions en justice. Ces actions peuvent être une action en régularisation,

une action en annulation, des actions en responsabilité, une demande de révocation du

gérant, une demande de révocation du commissaire aux comptes et enfin une nomination

d'un administrateur provisoire.

Parfois, les associés assurent le contrôle de la gestion concurremment avec le ou les

commissaires aux comptes dont la présence n'est pas en principe obligatoire dans la SARL.

§§33.. LLee ccoonnttrrôôllee ddee llaa ggeessttiioonn ppaarr lleess ccoommmmiissssaaiirreess aauuxx ccoommpptteess..

Dans la SARL, la présence d'autres organes de contrôle, permanents ou occasionnels

est tout à fait possible mais revêt cependant un caractère purement exceptionnel, qu'il

s'agisse plus particulièrement du commissaire aux comptes ou encore d'un comité

d'entreprise lorsque la société emploie au moins 50 salariés. Par son caractère exceptionnel,

le législateur marocain n'a pas voulu imposer le commissaire aux comptes à toutes les SARL,

et ne l'a en revanche exigé que pour des sociétés importantes qui auraient obligatoirement

des commissaires aux comptes si elles adoptaient, par transformation, selon l’article 87

alinéa 3 de la loi 5-96, la forme sociale d'une SA.

De son côte, l’article 80 de la loi 5-96 permet la nomination d'un commissaire aux

comptes seulement si la volonté des associés l’estime nécessaire. Quelque soit la forme

choisit, la SARL et les SARL à associé unique sont ainsi tenues de désigner au moins un

commissaire aux comptes lorsqu'elles dépassent, selon l’article 80 alinéa 2 de la loi 5-96, à la

clôture d'un exercice social le montant de cinquante millions de dirhams, hors taxes. Si ce

montant n’est pas atteint, la nomination d’un commissaire aux comptes peut, selon l’article

80 alinéa 3 de la loi 5-96, être demandée au président du tribunal, statuant en référé, par un

ou plusieurs associés à condition de représenter au moins le quart du capital.

Si à l'occasion de l'exercice de sa mission le commissaire aux comptes relève des faits

de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, il doit mettre en œuvre la

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procédure d'alerte. Ce dispositif, qui a pour but de mettre le ou les gérants en face de leurs

responsabilités et non pas seulement de les informer, peut être déclenché par le commissaire

aux comptes même s'il a été nommé par les associés alors que cette nomination n'était pas

obligatoire. Enfin, le commissaire aux comptes tient de l'article 71 alinéa 1 et 2 de la loi 5-96,

le pouvoir de convoquer l'assemblée des associés en cas de défaillance du gérant.

Naturellement, lorsqu'il procède à cette convocation, le commissaire fixe l'ordre du jour et

expose les motifs de cette convocation dans un rapport lu à l'assemblée générale des associés.

SSeeccttiioonn 33.. LLeess ddrrooiittss eett oobblliiggaattiioonnss ddeess aassssoocciiééeess..

§§11.. LLeess ddrrooiittss ddeess aassssoocciiééss..

Les droits des associés sont deux sortes, extra-pécuniaires (A) et pécuniaires (B).

AA.. LLeess ddrrooiittss eexxttrraa--ppééccuunniiaaiirreess ddeess aassssoocciiééss..

En leur qualité d’associés, ils jouissent d'un à la fois d’un droit de communication

permanent de certains documents et d'un droit d'information permanente (1), mais

également d’un droit d'information préalable aux assemblées générales (2).

11.. LLeess ddrrooiittss dd''uunnee iinnffoorrmmaattiioonn ppeerrmmaanneennttee..

Aux termes de l’article 70 alinéa 4 de la loi 5-96, chaque associé a le droit à « toute

époque » c'est-à-dire de façon permanente, de prendre connaissance au siège social de la

société, de certains documents relatifs aux trois derniers exercices à savoir les inventaires,

les comptes annuels, les rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces

assemblées générales. En revanche pour l'inventaire, chaque associé a seulement, aux termes

de l’article 70 alinéa 5 de la loi 5-96, le droit de prendre une copie. Cependant, l’exercice de

ce droit de communication permanent ne peut être réalisé que par l'associé en personne, ce

qui exclut alors automatiquement toute possibilité de représentation par un mandataire.

Mais, il peut, aux termes de l’article 70 alinéa 6 de la loi 5-96, se faire assister par un

conseiller, par exemple soit un juriste ou soit un comptable. Chaque associé ne peut

consulter directement les comptes et documents sociaux que de l'exercice en cours. Toute

clause contraire à ces dispositions est, selon l’article 70 alinéa 7 de la loi 5-96, réputée non-

écrite. Les dispositions de ce texte revêtent clairement un caractère impératif. En application

de l’article 337 de la 17-96 relative aux sociétés anonymes, le refus opposé à un associé

désireux d'exercer son droit de communication peut rendre nul l'assemblée générale ou la

consultation écrite. En cas d'inobservation de leur droit de communication, les associés

peuvent donc demander au président du tribunal d'enjoindre sous astreinte au gérant de

respecter ses obligations.

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Enfin, aux termes de l’article 81 de la loi 5-96 « tout associé non gérant a le droit deux

fois par exercice de poser des questions au gérant, s'ils ont connaissance d'un fait susceptible de

compromettre la continuité de l'exploitation ». Ce texte vise in fine non pas tant à obtenir des

informations, mais à inciter le gérant à prendre rapidement des mesures de redressement de

la situation de l'entreprise, dont la teneur est communiquée aux commissaires aux comptes.

22.. LLeess ddrrooiittss dd''iinnffoorrmmaattiioonn pprrééaallaabbllee aauuxx aasssseemmbbllééeess ggéénnéérraalleess..

Au sujet de ces droits d’information préalable, le gérant doit, selon les termes de

l’article 70 alinéa 2 de la loi 5-96, dans les quinze jours au moins avant l'assemblée générale

annuelle communiquer aux associés un certain nombre de documents relatifs à l'exercice

écoulé. Il s'agit essentiellement de son rapport sur la gestion, l’inventaire et les états de

synthèse. Pendant ce délai légal de quinze jours, ces documents sont tenus au siège social à

la disposition des associés qui peuvent alors en prendre connaissance et en faire une copie. Le

défaut du non-respect de cette disposition impérative entraînerait tout simplement la nullité

de l'assemblée générale. Mais à compter de l'envoi de ces documents, tout associé a, selon

l’article 70 alinéa 3 de la loi 5-96, la faculté de poser par écrit des questions auxquelles le

gérant est tenu de répondre au cours de l'assemblée générale. Cette faculté permet aux

associés de débattre sur une question que le gérant n'a pas éventuellement insérée dans

l'ordre du jour, mais dans ce cas aucun vote ne peut intervenir sur le point soulevé.

Cependant, le droit de poser des questions écrites doit s'exercer dans des conditions qui

permettent au gérant de les étudier et de préparer sa réponse. Dans le cas où le gérant est

confronté à des questions complexes, il peut alors dans ce cas se contenter de fournir tout

simplement quelques explications orales. Toutes ces différentes informations sont donc

destinées à permettre à l'associé de prendre sa décision en toute connaissance de cause de la

situation de la société. C’est aussi l’occasion pour l’associé d’apprécier la portée des

résolutions qui lui sont soumises en assemblée générale et de décider alors sereinement et

pleinement du sens de son vote.

Au regard de l’effectivité du droit à l'information des associés, l’article 70 alinéa 2 de la

loi 5-96 sanctionne expressément par l’annulation toute délibération prise par l'assemblée

générale en violation de ce droit. D'une façon générale, les droits des associés sont protégés

par l’article 70 alinéa 7 de la loi 5-96 qui répute non écrite toute clause contraire aux

dispositions de cet article. Il convient d'en déduire là encore du caractère impératif de

l’article 70 de la loi 5-96. Enfin, en cas de défaut de communication des différents documents,

l’associé peut très justement et à bon droit saisir le président du tribunal, statuant en référé,

aux fins soit d'enjoindre sous astreinte au gérant de les communiquer, soit de désigner s'il est

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fait droit à la demande, un mandataire chargé de procéder à leur communication ou à leur

transmission.

BB.. LLeess ddrrooiittss ppééccuunniiaaiirreess ddeess aassssoocciiééss..

Au regard du droit des biens, les parts sociales sont considérées comme des valeurs

patrimoniales, et en conséquence soumises au même régime juridique que tous les biens

figurant dans un patrimoine d’une personne. Vis-à-vis des opérations juridiques, les parts

sociales peuvent donc être soit aliénées, soit faire l'objet d'un usufruit ou encore soit être

données en gage. Dans l'hypothèse d'un usufruit, l'usufruitier a droit aux fruits de la part

sociale, c'est-à-dire aux dividendes. Dans le cas du nu-propriétaire, ce dernier a droit au

remboursement des apports, aux distributions de réserve et au boni de liquidation. En plus

du droit sur les parts sociales, l'associé dispose de droits liés aux résultats de la SARL

incarnés par le droit aux bénéfices. De plus, les parts sociales sont, l’article 56 de la loi 5-96

« librement transmises par voie de succession et librement cessibles entre conjoints, parents et alliés

jusqu’au deuxième degré inclusivement ».

Au regard du droit des suretés, le créancier d'un associé peut très justement saisir les

parts que détient l’associé, débiteur, dans une SARL et procéder à leur vente. Généralement,

la saisie est normalement pratiquée est la sous la forme d'une saisie-attribution. En matière

de garantie, tout associé peut, selon l’article 59 de la loi 5-96, donner ses parts sociales à un

projet de nantissement.

§§22.. LLeess oobblliiggaattiioonnss ddeess aassssoocciiééss..

Classiquement, les associées ont deux types d’obligations, les une à l’égard de la

société (A) et les autres à l’égard des tiers (B).

AA.. LLeess oobblliiggaattiioonnss àà ll''ééggaarrdd ddee llaa ssoocciiééttéé..

En droit civil marocain, les obligations générales des associés à l’égard de la société

sont prévues aux articles 995 à 1041 du Dahir des Obligations et Contrats. En droit

marocain des sociétés, dans les rapports des associés entre eux, les pertes sociales sont

réparties selon les règles fixées dans les statuts. Dans le cas contraire, toute exonération d'un

associé de toute contribution aux pertes constitue donc une clause léonine, qui est frappée,

selon l’article 1035 du Dahir des Obligations et Contrats, de nullité. À défaut de clause

statutaire, cette répartition doit, selon l’article 1033 alinéa 1er du Dahir des Obligations et

Contrats, être faite proportionnellement aux apports de chacun des associés. De même,

l'associé d'une SARL n'est pas, selon l’article 1005 du Dahir des Obligations et Contrats, en

principe, tenu de s'abstenir de tout acte susceptible de faire concurrence à la société. En

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l'absence d'une clause de non-concurrence insérée dans les statuts ou d'une convention

particulière, il a la possibilité de s'investir dans une autre société, même concurrente de celle

dont il est porteur de parts. Toutefois, il n'en serait autrement que si les statuts le

prévoyaient.

Au regard de la responsabilité en générale, et plus particulièrement la responsabilité

pénale, celle-ci peut éventuellement être engagée vis-à-vis des associés par exemple en cas de

fausse déclaration dans les statuts ou l'omission de cette déclaration relative à la répartition

des parts sociales entre associés ou l'attribution frauduleuse à un apport en nature d'une

évaluation supérieure à la valeur réelle.

BB.. LLeess oobblliiggaattiioonnss àà ll''ééggaarrdd ddeess ttiieerrss..

Là aussi, en droit civil marocain, les obligations générales des associés à l’égard des

tiers sont prévues aux articles 1042 à 1050 du Dahir des Obligations et Contrats. En droit

marocain des sociétés, dans la SARL, l’article 44 alinéa 1er de la loi 5-96 dispose que les

associés, vis-à-vis des tiers, ne répondent du passif social que dans la limite du montant de

leurs apports. C'est là un point très important permettant justement de distinguer la société

à responsabilité limitée des autres sociétés et en particulier de la société en nom collectif.

SSeeccttiioonn 44.. LLeess ddrrooiittss ccoolllleeccttiiffss ddeess aassssoocciiééeess..

Bien que le gérant d’une SARL dispose des plus larges pouvoirs pour agir en toutes

circonstances au nom de la société, il n'est pourtant que le mandataire des associés à qui il

doit rendre compte lors des assemblées générales. C’est la raison pour laquelle, chaque

associé dispose d'un droit de participation aux délibérations collectives. Ce droit constitue

une prérogative essentielle, et ne peut en aucun cas être cédée de manière isolée.

Juridiquement, seule la cession des parts sociales emporte transfert du droit de vote. En

principe, selon l’article 71 de la loi 5-96, les décisions collectives sont prises en assemblée

générale. Ce mode de consultation est obligatoire pour l'approbation annuelle des comptes et

lorsque la réunion a été demandée par un ou plusieurs associés.

Selon la nature de la décision à prendre, il existe deux types d'assemblées générales,

les assemblées générales ordinaires et les assemblées générales extraordinaires auxquelles

s'appliquent non seulement des règles spécifiques (§1), mais également des règles communes

(§1).

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§§11.. LLeess rrèègglleess ccoommmmuunneess aauuxx aasssseemmbbllééeess ggéénnéérraalleess..

Les règles communes concernent aussi bien la convocation (A) et la tenue (B) aux

assemblées générales.

AA.. LLaa ccoonnvvooccaattiioonn ddeess aasssseemmbbllééeess ggéénnéérraalleess..

En principe, l’obligation de convoquer les assemblées incombe, selon l’article 71

alinéa 2 de la loi 5-96, au gérant, qui peut y procéder chaque fois qu'il le juge utile. A défaut,

c'est éventuellement au commissaire aux comptes, lorsqu’il y a un, de faire le nécessaire.

L’article 71 alinéa 4 de la loi 5-96 prévoit aussi qu’un ou plusieurs associés détenant la moitié

des parts ou détenant, s'ils représentent au moins le quart des associés, le quart des parts

sociales, peuvent demander la réunion d'une assemblée générale. Ce droit ne leur permet pas

de procéder eux-mêmes à la convocation de l'assemblée générale. Toute clause statutaire

contraire est, selon l’article 71 alinéa 4 de la loi 5-96 in fine, réputée non écrite. En effet, les

associés ne sauraient convoquer eux-mêmes une assemblée générale. Les décisions prises en

pareille circonstance sont nulles, à moins que l'irrégularité soit couverte par la présence ou la

représentation de tous les associés et par la signature, par le demandeur, du procès-verbal de

l'assemblée générale, et tout cela sans protestation ni réserve.

Toutefois, en cas de négligence ou de refus du gérant de répondre vainement à leur

demande, les associés ont alors la possibilité, prévue à l’article 71 alinéa 5 de la loi 5-96, de

demander au président du tribunal de commerce, statuant en la forme de référé, la

désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale et de fixer son ordre

du jour. Cette faculté offerte aux associés par ce texte a pour objectif de vaincre toute

résistance du gérant qui refuse de réunir l'assemblée générale. Cependant, d’un point de vue

procédural, leur demande n'est toutefois recevable qu'après une mise en demeure d’agir

infructueuse du gérant.

En cas de pluralité de gérants, le droit de convocation est ici librement déterminé

dans les statuts et confié soit à chaque gérant, soit à tous les gérants agissant collectivement.

Aux termes de l’article 71 alinéa 2 de la loi 5-96, les convocations aux assemblées générales

doivent être adressées à chacun des associés « par lettre recommandée avec accusé de réception »,

quinze jours au moins avant la date de la réunion. L'exigence d'une telle lettre doit être

interprétée comme dictée par le seul souci de constituer, dans l'intérêt réciproque de

l'expéditeur et du destinataire, la preuve de la réception en temps utile. Le respect de cette

procédure aura pour effet de rendre ainsi toute demande en nullité irrecevable.

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De même, la fixation de l'ordre du jour prévue aux alinéas 1 et 2 de l’article 71 de la

loi 5-95 par le gérant ou le mandataire de justice désigné pour convoquer l'assemblée

générale est impérative. En effet, l'assemblée générale ne peut valablement délibérer que sur

des questions uniquement inscrites à cet ordre du jour. C’est la raison pour la quelle, il est

très important que les questions portées à l'ordre du jour doivent être explicitement libellées,

de sorte qu'il ne soit pas nécessaire de se référer par exemple à d'autres documents. Par ce

caractère impératif de l'ordre du jour, il y a clairement une volonté qui est destinée

essentiellement à protéger aussi bien les associés que les gérants contre le vote de

résolutions non prévues à l’ordre du jour. Sur la question du lieu de réunion des assemblées

générales, il n’y a aucune disposition dans la loi 5-96 relative à la SARL à cet égard. Devant

le silence de la loi, les associés fixent donc librement dans les statuts, le lieu de réunion des

assemblées générales. Aucune disposition également dans la loi 5-96 relative à la SARL

n'impose aux assemblées d'associés de se réunir, sauf stipulation statutaire contraire, au siège

social. Là aussi, dans le silence des statuts, il appartient au gérant ou au mandataire nommé

par le tribunal de déterminer la date et le lieu de la réunion, lesquels doivent être clairement

indiqués dans chaque convocation des associés.

BB.. LLaa tteennuuee ddeess aasssseemmbbllééeess ggéénnéérraalleess..

Aux termes de l’article 72 de la loi 5-96, aucun associé ne peut être exclu de

l'assemblée générale, ni d'ailleurs le gérant même non associé. Tout associé est membre de

droit. Ce droit est également reconnu au commissaire aux comptes, s'il en existe, a accès à

toutes les assemblées générales, mais sans prendre toutefois part au scrutin. Un associé

absent d'une assemblée générale peut très bien se faire représenter. Ainsi, il peut se faire, aux

termes de l’article 72 alinéa 2 de la loi 5-96, représenter par son conjoint, sauf si la société ne

comprend que les deux époux. Il peut aussi se faire représenter par un autre associé, mais

seulement si le nombre des associés est supérieur à deux. Aux termes de l’article 72 alinéa 4

de la loi 5-96, un associé ne peut se faire représenter par une autre personne que si les statuts

le permettent. Un incapable est quant à lui représenté par son représentant légal. Enfin, aux

termes de l’article 72 alinéa 5 de la loi 5-96, un associé ne saurait voter par mandataire pour

une partie de ses parts, et voter en personne pour l'autre partie. Sur dernier point, toute

stipulation statutaire contraire aux alinéas 1er, 2 et 5 de la loi 5-96 est réputée non écrite.

Au regard des déroulements, l'assemblée générale est en principe présidée par le

gérant, en cas de gérance unique, ou l'un des gérants, en cas de cogérance. Toutefois, si

aucun d'eux n'est associé, l'assemblée générale est dans ce cas présidée par l'associé présent.

Par ailleurs, en l'absence de gérant associé, le fait qu'une assemblée générale n'ait pas été

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présidée par l'associé détenteur du nombre de parts le plus élevé n'est pas sanctionné par une

quelconque nullité.

Au regard des prises de décisions de l'assemblée générale, chaque associé dispose, aux

termes de l’article 72 alinéa 1er de la loi 5-96, d'un nombre de voix égal à celui de parts

sociales qu'il possède. A ce sujet, toutes clauses statutaires contraires sont réputées non

écrites, de sorte que les statuts ne pourraient conférer un droit de vote plural à certaines

parts. Dans la SARL, le droit de vote ne peut être exercé que par l'associé ou son mandataire,

et donc il ne peut pas être cessible.

Au regard des délibérations des associés, celles-ci sont, l’article 73 alinéa 1er de la loi

5-96 constatées par un procès-verbal, indiquant la date et le lieu de la réunion, les prénom et

nom des associés présents ou représentés. Il est établi et signé par le président de la séance.

Toutes les décisions régulièrement adoptées par les assemblées générales s'imposent à tous

les associés, même absents ou dissidents.

Enfin, la nullité d'une assemblée générale peut être demandée lorsqu'une décision a

été votée sans que ne soient respectées les règles de quorum ou de majorité. L'exercice de

l'action en nullité relève normalement des prérogatives du gérant. Mais, si celui-ci est

l'auteur de la violation des règles, tout associé agissant individuellement ou se groupant avec

d'autres peut, par l'action sociale, mettre en œuvre sa responsabilité. Enfin, peut être annulée

toute résolution votée sans qu'elle ne figure à l'ordre du jour mentionné sur la convocation.

§§11.. LLeess ddiifffféérreenntteess ssoorrtteess dd’’aasssseemmbbllééeess ggéénnéérraalleess..

On distingue traditionnellement deux sorts d’assemblées, ordinaires (A) et

extraordinaires (B).

AA.. LLeess aasssseemmbbllééeess oorrddiinnaaiirreess..

Dans les SARL, en principe, les assemblées générales ordinaires ont pour objet de

statuer sur les comptes de l'exercice écoulé et de fixer les dividendes, d'autoriser la gérance à

effectuer telle ou telle opération qui est subordonnée, dans les statuts, à l'accord préalable

des associés, de procéder à la nomination ou au remplacement des gérants et le cas échéant,

des commissaires aux comptes, de fixer leur rémunération, d'approuver les conventions

intervenues entre la société et l'un de ses gérants ou associés et plus généralement, de

statuer sur toutes les questions qui n'entraînent pas de modification des statuts.

Aux termes de l’article 74 alinéa 1er de la loi 5-96, les décisions ordinaires sont sur

une première consultation valablement adoptées par un ou plusieurs associés représentant

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plus de la moitié des parts sociales, c'est-à-dire la majorité absolue. Aux termes de l’article 74

alinéa 2 de la loi 5-96, les décisions ordinaires sont sur une seconde consultation valablement

adoptées sur une seconde consultation, par la majorité des voix émises c'est-à-dire la

majorité relative, quel que soit le nombre de votants. Toutefois, les statuts peuvent écarter

cette seconde consultation et par là même, imposer la majorité absolue pour toutes les

décisions ordinaires. Mais l’article 75 alinéa 2 de la loi 5-96, répute non écrite toute clause

statutaire exigeant une majorité plus élevée que la majorité légale.

Enfin, la révocation du gérant exige toujours exige une décision des associés

représentant au moins trois quarts des parts sociales, c'est-à-dire la majorité absolue prévue

l’article 69 alinéa 1er de la loi 5-96

BB.. LLeess aasssseemmbbllééeess eexxttrraaoorrddiinnaaiirreess..

Contrairement aux assemblées générales ordinaires, les assemblées extraordinaires

ont pour objet d'agréer de nouveaux associés ou de se prononcer sur les modifications des

statuts. Les principales décisions extraordinaires vont porter sur par exemple sur le transfert

du siège social ; sur les augmentations et réductions de capital ; sur les fusions, scissions et

apports partiels d'actif ; sur les transformations de SARL en une autre forme sociale ; sur

l'opportunité de prononcer la dissolution de la société, en raison de la perte de plus de la

moitié du capital social. Toutes les modifications apportées aux statuts doivent faire l'objet

de formalités de publicité.

L'assemblée générale extraordinaire ne délibère valablement qu'en respectant des

conditions de quorum et de majorité prévues par l’article 75 de la loi 5-96.