Cathétérisme d’une sialocèle post-traumatique du canal parotidien

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 304–306 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Cas clinique Cathétérisme d’une sialocèle post-traumatique du canal parotidien Q. Lisan , M. Raynal , Y. Pons , M. Kossowski Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France i n f o a r t i c l e Mots clés : Sialocèle Canal parotidien Parotide Cathétérisme r é s u m é Introduction. Une sialocèle du canal parotidien correspond à une cavité salivaire, développée aux dépens du canal excréteur de la parotide. De nombreux cas de sialocèles parotidiennes sont rapportés, mais très peu concernent les sialocèles de son canal excréteur. Cas clinique. Nous rapportons le cas d’une sialocèle post-traumatique du canal parotidien. Le bilan lésionnel a reposé sur la sialo-IRM. Nous avons effectué un cathétérisme du canal parotidien par voie endo-buccale. Le drain a été laissé en place dix jours. Il n’a pas été noté de récidive dans les suites. Discussion. Les cas rapportés de sialocèle du canal parotidien dans la littérature sont rares. Nous en avons recensé sept. Plusieurs thérapeutiques existent face à une sialocèle, intéressant la parotide ou son canal excréteur. On retrouve fréquemment l’utilisation de toxine botulinique en injection sous-cutanée, avec de bons résultats. Le cathétérisme du canal parotidien est une technique également rapportée, essentiel- lement pour les sialocèles parotidiennes. À notre connaissance, en dehors de notre cas clinique, il n’existe qu’une seule description de cette technique pour une sialocèle du canal parotidien. Cette technique est peu invasive, avec une très faible comorbidité, et présente de bons résultats. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. 1. Introduction Une sialocèle correspond au développement d’une cavité rem- plie de salive, le plus souvent dans les suites d’un traumatisme ou iatrogène après chirurgie. De nombreux cas de sialocèles parotidiennes sont rapportés dans la littérature. En revanche, il n’existe que de très rares cas de sialocèles concernant le canal parotidien. Nous rapportons ici un cas de sialocèle du canal parotidien post- traumatique et sa prise en charge. À partir de ce cas clinique et d’une revue de la littérature, nous discutons des diverses thérapeutiques possibles devant une sialo- cèle. 2. Observation Un patient de 27 ans, sans antécédents particuliers, a présenté un polytraumatisme suite à l’explosion d’un engin explosif impro- visé. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.09.002. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸ aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : quentin [email protected] (Q. Lisan). Le bilan clinique initial retrouvait un traumatisme crânien grave associé à plusieurs plaies transfixiantes de la joue gauche. Le bilan radiologique retrouvait une fracture du malaire gauche avec une fracture complexe de la paroi antérieure du sinus maxil- laire gauche ainsi qu’une fracture du plancher de l’orbite gauche. La prise en charge initiale a consisté en un parage et une suture des plaies. Nous avons effectué la réduction de la fracture du plan- cher de l’orbite au troisième jour après l’accident. Au dixième jour après la chirurgie, une collection jugale gauche est progressivement apparue, indolore à la palpation. L’examen de la cavité buccale était normal. Il a été suspecté un hématome postopératoire. L’examen était par ailleurs sans particularités, notamment l’orifice du canal paro- tidien était normal, sans écoulement spontané ou à la pression de la collection jugale. Devant la persistance de cette collection jugale, nous avons réalisé une sialo-IRM. Celle-ci retrouvait une sialocèle du canal parotidien gauche (Fig. 1). Les glandes parotidiennes étaient nor- males. Nous avons alors réalisé, sous anesthésie générale, un cathété- risme du canal parotidien (Fig. 2A), à l’aide d’un drain d’Albertini. L’intervention a permis le drainage de la sialocèle après dilatation du canal parotidien. Le drain a été laissé en place, fixé en bouche par un point de fil non résorbable (Fig. 2B). Des bains de bouche ont été prescrits ainsi qu’une antibiothérapie. Dans les suites immédiates, le drainage spontané était peu per- formant et nécessitait un massage jugal régulier pour obtenir une 1879-7261/$ see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.02.005

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. Lisan ∗, M. Raynal , Y. Pons , M. Kossowskiervice d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France

i n f o a r t i c l e

ots clés :ialocèleanal parotidienarotideathétérisme

r é s u m é

Introduction. – Une sialocèle du canal parotidien correspond à une cavité salivaire, développée aux dépensdu canal excréteur de la parotide. De nombreux cas de sialocèles parotidiennes sont rapportés, mais trèspeu concernent les sialocèles de son canal excréteur.Cas clinique. – Nous rapportons le cas d’une sialocèle post-traumatique du canal parotidien. Le bilanlésionnel a reposé sur la sialo-IRM. Nous avons effectué un cathétérisme du canal parotidien par voieendo-buccale. Le drain a été laissé en place dix jours. Il n’a pas été noté de récidive dans les suites.Discussion. – Les cas rapportés de sialocèle du canal parotidien dans la littérature sont rares. Nous en avons

recensé sept. Plusieurs thérapeutiques existent face à une sialocèle, intéressant la parotide ou son canalexcréteur. On retrouve fréquemment l’utilisation de toxine botulinique en injection sous-cutanée, avecde bons résultats. Le cathétérisme du canal parotidien est une technique également rapportée, essentiel-lement pour les sialocèles parotidiennes. À notre connaissance, en dehors de notre cas clinique, il n’existequ’une seule description de cette technique pour une sialocèle du canal parotidien. Cette technique estpeu invasive, avec une très faible comorbidité, et présente de bons résultats.

© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

. Introduction

Une sialocèle correspond au développement d’une cavité rem-lie de salive, le plus souvent dans les suites d’un traumatisme ou

atrogène après chirurgie.De nombreux cas de sialocèles parotidiennes sont rapportés

ans la littérature. En revanche, il n’existe que de très rares case sialocèles concernant le canal parotidien.

Nous rapportons ici un cas de sialocèle du canal parotidien post-raumatique et sa prise en charge.

À partir de ce cas clinique et d’une revue de la littérature, nousiscutons des diverses thérapeutiques possibles devant une sialo-èle.

. Observation

Un patient de 27 ans, sans antécédents particuliers, a présentén polytraumatisme suite à l’explosion d’un engin explosif impro-isé.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.09.002.� Ne pas utiliser pour citation la référence franc aise de cet article mais celle de’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neckiseases en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : quentin [email protected] (Q. Lisan).

879-7261/$ – see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.02.005

Le bilan clinique initial retrouvait un traumatisme crânien graveassocié à plusieurs plaies transfixiantes de la joue gauche.

Le bilan radiologique retrouvait une fracture du malaire gaucheavec une fracture complexe de la paroi antérieure du sinus maxil-laire gauche ainsi qu’une fracture du plancher de l’orbite gauche.

La prise en charge initiale a consisté en un parage et une suturedes plaies. Nous avons effectué la réduction de la fracture du plan-cher de l’orbite au troisième jour après l’accident.

Au dixième jour après la chirurgie, une collection jugale gaucheest progressivement apparue, indolore à la palpation. L’examen dela cavité buccale était normal.

Il a été suspecté un hématome postopératoire. L’examen étaitpar ailleurs sans particularités, notamment l’orifice du canal paro-tidien était normal, sans écoulement spontané ou à la pression dela collection jugale.

Devant la persistance de cette collection jugale, nous avonsréalisé une sialo-IRM. Celle-ci retrouvait une sialocèle du canalparotidien gauche (Fig. 1). Les glandes parotidiennes étaient nor-males.

Nous avons alors réalisé, sous anesthésie générale, un cathété-risme du canal parotidien (Fig. 2A), à l’aide d’un drain d’Albertini.L’intervention a permis le drainage de la sialocèle après dilatationdu canal parotidien. Le drain a été laissé en place, fixé en bouche

par un point de fil non résorbable (Fig. 2B). Des bains de bouche ontété prescrits ainsi qu’une antibiothérapie.

Dans les suites immédiates, le drainage spontané était peu per-formant et nécessitait un massage jugal régulier pour obtenir une

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ig. 1. Sialo-IRM de la parotide gauche, en coupe axiale. La sialocèle apparaît enypersignal en pondération T2, en regard du malaire gauche.

idange satisfaisante. Progressivement, une bonne évacuation a étébtenue, avec de moins en moins de nécessité de massage.

Le drain a été enlevé au dixième jour.À un mois, il était noté une disparition quasi complète de la

uméfaction jugale.Le suivi à deux mois ne retrouvait pas de récidive clinique de la

ialocèle.Une sialo-IRM de contrôle a été pratiquée et il n’existait pas

’argument pour une récidive.

. Discussion

Dans la littérature, la description de sialocèles parotidiennes est

réquente, essentiellement post-traumatique ou iatrogène, aprèsarotidectomie exo-faciale.

En revanche, il n’existe que très peu de cas décrit de sialocèles duanal parotidien. Nous en avons recensé sept, post-traumatiques,

ig. 2. A. Vue opératoire du cathétérisme. B. Drain d’Albertini en place, fixé en bouche. Ast mis en place de fac on atraumatique. Il est ensuite fixé en bouche.

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 304–306 305

dans la littérature anglaise depuis les années 1950 [1–7]. Après untraumatisme du canal parotidien, confirmé par un test au bleu deméthylène, une étude retrouve une incidence de sialocèles du canalparotidien à 21 % [4].

Devant une tuméfaction sur le trajet du canal parotidien,l’imagerie de référence tend à être la sialo-IRM, plutôt que la sialo-graphie. En plus de ses caractères moins invasifs et moins irradiants,la sialo-IRM est aussi performante et permet par ailleurs l’étude duparenchyme parotidien.

Plusieurs thérapeutiques sont rapportées dans la littérature.L’utilisation de scopolamine a été essayée, mais avec de mauvais

résultats.Récemment a été décrite l’injection d’OK-432 associée à de la

bléomycine et de la colle biologique, chez 9 patients présentant unesialocèle parotidienne après parotidectomie. Les résultats ne rap-portent que des succès, sans complications. Néanmoins, il n’existequ’une seule étude de ce type, et peu de recul sur cette techniqueet l’utilisation d’OK-432.

De plus en plus fréquemment, l’utilisation de toxine botulinique,de type A ou B, est rapportée, avec de bons résultats. Elle se pra-tique en injection sous-cutanée. Il n’y a pas de complication décrite,notamment concernant la fonction motrice faciale. Son utilisationest rapportée en cas de sialocèle parotidienne, mais pas en cas desialocèle intéressant le canal parotidien.

Cette thérapeutique arrive souvent après échec d’autres théra-peutiques (aspirations répétées à l’aiguille, pansement compressif,médicaments anti-sialogogue).

Après l’injection de toxine botulinique, il est fréquent d’avoir àréaliser au moins une aspiration à l’aiguille de la sialocèle.

Certains auteurs décrivent la marsupialisation endo-buccale dela sialocèle [5], en laissant fréquemment en place un drain fixé enbouche.

Une autre thérapeutique consiste à cathétériser le canal excré-teur de la parotide par voie endo-buccale, tel que nous l’avonsrapporté dans notre cas clinique.

Nous retrouvons sa description dans quelques articles [3,8–10],après un traumatisme ou après parotidectomie. Les résultats rap-portés sont bons, permettant une résolution sans récidive de lasialocèle.

Après cathétérisme [9,10] ou après marsupialisation, le drain estlaissé en place entre dix jours et un mois.

À notre connaissance, en dehors de notre cas clinique, il n’existequ’une seule description de cette technique [3] dans le cadre d’unesialocèle du canal parotidien.

La cathéterisation du canal parotidien par voie endo-buccale,avec un drain laissé en place un mois, est une techniquepeu invasive, éventuellement réalisable sous anesthésie locale

[10].

près dilatation de l’orifice du canal parotidien en endo-buccal, le drain d’Albertini

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. Conclusion

Les cas de sialocèle du canal parotidien post-traumatique sontares.

Plusieurs thérapeutiques existent actuellement. Le cathété-isme du canal parotidien par voie endo-buccale représente unraitement ayant de bons résultats, peu invasif et avec une faibleomorbidité. Cette technique peut être facilement adoptée par lehirurgien cervico-facial.

Notre cas étant seulement le deuxième publié dans la littéra-ure, une série de plus grande ampleur serait souhaitable pour enonfirmer la fiabilité.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

[

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 304–306

Références

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