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  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    1/6

    Jack Feuillet

    Catgories et fonctionsIn: L'information grammaticale. N. 31, pp. 3-7.

    Citer ce document / Cite this document :

    Feuillet Jack. Catgories et fonctions. In: L'information grammaticale. N. 31, pp. 3-7.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1986_num_31_1_2108

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_igram_149http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1986_num_31_1_2108http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1986_num_31_1_2108http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_igram_149
  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    2/6

    CATEGORIES

    ET

    FONCTIONS

    Jack

    FEUILLET

    Il

    n'est gure de

    linguistes

    qui ne mettent en

    garde

    contre

    la confusion

    frquente

    entre catgories

    et fonc

    tions.

    Ainsi, on relve sous la plume de

    N.

    Chomsky :

    "

    La notion de "Sujet", par

    opposition la

    notion

    SN ,

    dsigne une fonction grammaticale

    et

    non

    une

    catgorie grammaticale

    [...]. Les notions fonctionnelles

    telles que

    "Sujet",

    "Prdicat",

    doivent tre soigneus

    ementistingues

    des notions

    catgorielles

    telles que

    "Syntagme

    nominal",

    "Verbe"

    distinction qui ne

    doit pas tre brouille par l'usage ventuel

    du

    mme

    mot pour

    des notions

    appartenant

    aux

    deux

    types".(1)

    Cette

    exigence mthodologique

    n'est cependant pas

    respecte par ce mme Chomsky dont la formule de

    base,

    du

    moins celle

    propose dans

    Structures syn-

    taxiques,

    savoir P -+

    SN

    + SV,

    implique,

    entre autres

    choses

    que

    le sujet

    soit

    un syntagme nominal,

    et

    le

    prdicat

    un

    syntagme

    verbal.

    D'autre

    part, "syntagme

    verbal"

    et

    "verbe"

    sont

    considrs tous deux comme

    des catgories, ce qui

    pose

    le problme de

    la nature

    et

    des types

    de catgories.

    On n'a aucun mal

    relever,

    dans

    presque

    tous les ouvra

    ges

    t pratiques linguistiques,

    des

    exemples de

    cette

    confusion. Ainsi, la tradition anglaise parle de adverbial

    phrase

    aussi

    bien pour les adverbes

    "purs"

    (yesterday;

    slowly; here)

    que pour

    les groupes nominaux

    introduits

    par une

    prposition (in the morning;

    on

    the sea-side)

    et

    les groupes verbaux circonstanciels

    introduits

    par une

    conjonction (when

    it is raining; because you

    are

    tired).

    Il est clair cependant qu'une mme fonction peut

    tre

    exerce

    par

    des

    groupes

    diffrents

    qui ne

    perdent

    pas

    pour

    autant

    leur

    nature

    dans

    l'opration.

    Mme

    les

    clbres

    formules

    de Greenberg

    (SVO,

    VSO, SOV) ne

    sont pas

    l'abri de

    telles critiques

    comme

    le

    souligne

    C. Hagge qui crit juste

    titre

    qu'elles "confondent

    catgorie et fonction,

    puisqu'elles

    combinent les sym

    boles de l'une (V)

    et

    de

    l'autre

    (S

    et

    O),

    et dispensent

    de

    justifier le

    recours, pour tout type de

    langue

    et

    d'nonc,

    aux notions

    de

    sujet,

    de verbe et d'

    objet

    (2).

    Il

    semble

    bien que la

    notion

    de translation, dcouverte

    par Tesnire, procde de la mme confusion.

    Ce

    procd

    (1) Noam

    Chomsky.

    Aspects

    de la thorie

    syntaxique,

    Paris,

    Seuil, 1971, p. 100.

    (2)

    Claude

    Hagge,

    La

    structure

    des langues,

    Paris,

    P.U.F.,

    1982, p. 56.

    consiste transfrer un mot

    plein

    d'une catgorie

    grammaticale dans une

    autre

    catgorie

    grammaticale",

    c'est--dire

    transformer une

    espce

    de mot en une

    autre espce

    de mot. "Dans le groupe le livre de Pierre,

    le

    substantif

    Pierre

    devient

    syntaxiquement

    un adjectif

    pithte au mme

    titre

    que rouge dans le livre rouge.

    Bien

    que

    non adjectif morphologiquement,

    il

    acquiert

    ainsi

    les caractristiques

    syntaxiques

    de l'adjectif,

    c'est--dire,

    la valeur adjectivale.

    Le subordonn de

    Pierre joue dans cette union de mots

    un

    rle en tous

    points

    similaires au

    subordonn

    rouge." 3) '

    En

    fait, Tesnire,

    lui aussi, est victime de l'illusion

    selon

    laquelle

    l'identit des fonctions va de pair avec un

    changement

    de catgorie (translation).

    Il

    n'en

    est

    rien :

    d'abord,

    on peut mettre en doute le fait que de Pierre

    serait pithte au mme

    titre

    que

    rouge,

    et

    cela bien

    que les

    adjectifs d'appartenance

    des

    langues slaves,

    qui

    se

    forment rgulirement

    sur

    les

    noms propres,

    soient rputs exercer cette fonction.

    Il

    serait sans

    doute ncessaire de distinguer au

    moins deux fonctions

    remplies par les adjectifs, comme on le fait pour les

    groupes nominaux dterminants

    :

    celle de qualit

    (un homme de belle prestance)

    et celle

    de possession

    (le manteau de mon

    frre). Plus

    important est le fait

    que

    Pierre

    garde sa nature

    nominale

    et

    connat des

    expansions

    impossibles

    pour

    l'adjectif

    : le

    livre de Pierre,

    l'ami dont je t'ai parl hier, le livre du beau Pierre, etc.

    Enfin,

    dans une langue comme le franais, le

    comporte

    ment

    yntaxique

    de

    l'adjectif et

    du nom n'est

    pas

    le

    mme : le complment nominal

    est

    obligatoirement

    postpos

    au

    dtermin alors

    que

    la

    place

    de

    l'adjectif est

    variable; on ne peut

    coordonner

    rouge

    et

    de Pierre dans

    le mme syntagme;

    l'adjectif

    d'appartenance ne connat

    aucune expansion.

    Parler

    "de valeur adjectivale" est

    donc un abus de

    termes.

    Tout

    se passe en

    fait comme si

    Tesnire avait

    fig le nom dans

    un

    rle d'actant ou de

    circonstant et postul une translation (arbitraire) dans

    les

    cas

    o il remplit

    une

    autre fonction : on ne

    peut

    trouver plus bel exemple de mlange de deux notions

    fondamentalement diffrentes.

    Cette persistance,, chez les plus

    grands

    linguistes,

    ne

    pas sparer

    les

    deux

    notions autre part que

    sur

    le

    (3)

    Lucien

    Tesnire, Elments

    de

    syntaxe

    structurale,

    Paris,

    Klincksieck.

    2

    dit. 1969, p.

    364.

  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    3/6

    plan

    des principes ne laisse pas

    d'tre

    tonnante.

    Plu

    sieurs

    explications

    sont

    possibles

    :

    les dfinitions des deux concepts ne sont pas assez

    rigoureuses

    et

    permettent des interprtations diffrentes;

    les notions sont

    en

    fait insparables malgr l'effort

    des

    linguistes pour les distinguer;

    il y a

    seulement des recoupements partiels (par

    exemple, telle

    catgorie

    grammaticale n'a qu'une fonc

    tion), mais

    le

    linguiste n'chappe pas au

    danger

    de gliss

    ement

    d'un domaine dans

    l'autre.

    On

    conviendra

    que le problme est

    d'importance

    quand

    on sait qu'il conditionne la

    validit d'une

    thorie

    nguistique

    1)

    Les

    dictionnaires

    spcialiss ne

    peuvent

    que

    constater

    la polysmie

    des termes

    catgorie et

    fonction.

    Sous le

    premier item, le Dictionnaire de

    linguistique

    de Larousse

    distingue deux

    entres :

    1.1e terme de catgorie dsigne une

    classe dont

    les

    membres

    figurent

    dans les mmes environnements

    syntaxiques et entretiennent

    entre

    eux

    des

    relations

    particulires [...]. Dans cet emploi, le

    terme

    de

    catgorie

    se

    confond avec celui

    d

    classe.

    2.

    On

    distingue aussi deux types de

    catgories.

    Les unes,

    les

    catgories

    syntaxiques,

    dfinissent

    les constituants

    selon

    leur rle

    dans la

    phrase; ainsi,

    le syntagme nominal

    et

    le syntagme verbal, constituants immdiats de la

    phrase, sont des catgories

    syntaxiques

    de premier

    rang ou catgories principales; les

    parties du

    discours

    (ou

    espces de

    mots),

    constituants des syntagmes,

    sont des catgories de deuxime rang. Les autres dfi

    nissent

    les modifications

    que

    peuvent

    subir

    les

    membres

    de ces catgories de deuxime rang en fonction du genre,

    du

    nombre, de la personne, etc. C'est

    souvent

    ce

    dernier emploi que l'on restreint l'usage du mot cat

    gorie.

    Les catgories

    syntaxiques

    que

    sont

    le

    nom,

    l'adjectif, le

    verbe,

    etc.,

    sont des

    catgories lexicales

    [et

    primaires];

    le temps, la personne, le nombre, le genre

    sont des catgories grammaticales [et secondaires]

    [...]

    (4).

    Cette longue

    citation

    montre bien la varit des emplois

    du concept catgorie. On notera que la

    division

    en deux-

    entres adopte par les auteurs apparat

    quelque

    peu

    arbitraire,

    car

    on

    voit mal ce qui

    finalement

    diffrencie

    la

    catgorie

    en tant que classe

    syntaxique

    de la

    catgorie'

    en tant

    qu'espce

    de

    mot (partie

    du

    discours) dans

    la

    mesure o les oprations sont toutes deux

    d'ordre

    syntaxique.

    On

    voit

    mal aussi

    l'intrt

    d'une

    distinction

    entre catgories syntaxiques de premier rang

    et

    de

    second rang

    puisque

    le caractre verbal ou nominal

    du

    syntagme dpend

    uniquement de

    la nature du consti

    tuant

    principal

    (verbe ou nom). La

    seule

    distinction

    vraiment nette concerne, si l'on examine attentivement

    la dfinition,

    les

    catgories lexicales

    et les catgories

    grammaticales.

    C'est ce point sur lequel on

    reviendra.

    Dans

    le mme ouvrage, fonction ne prsente pas moins

    de

    cinq

    entres. Si l'on limine les fonctions

    du

    langage

    (entre 4)

    et

    la

    fonction

    lexicale

    (entre

    5) qui ne

    (4)

    Jean

    Dubois

    et

    al..

    Dictionnaire

    de

    linguistique,

    Paris,

    Larousse, 1973,

    pp. 77-78.

    concernent

    pas

    directement

    notre

    propos,

    et si

    l'on

    excepte le sens

    que

    lui prte

    la

    glossmatique

    (entre

    2)

    et

    qui est voisin

    du

    sens mathmatique, il reste

    deux

    emplois

    principaux :

    1. On

    appelle

    fonction le

    rle

    jou par un terme (pho

    nme, morphme, mot,

    syntagme,

    etc.) dans

    la

    structure

    grammaticale de l'nonc,

    chaque

    membre de la phrase

    tant

    considr comme participant

    en sens gnral

    de la phrase. En

    ce

    cas,

    on distingue

    les

    fonctions

    de

    sujet

    et

    de

    prdicat,

    qui

    dfinissent

    les

    relations

    fonda

    menta les de la phrase,

    et

    les fonctions de

    complment

    tion

    complments), assurs

    par

    des termes qui

    sont

    l pour complter le sens lacunaire de certains autres

    (complments dterminatifs) [...].

    En

    grammaire generative, la fonction

    est

    la relation

    grammaticale que les lments d'une structure (les

    catgories)

    entretiennent entre

    eux

    dans

    cette structure.

    Soit la rgle de rcriture du noyau P, constitu d'un

    syntagme nominal et

    d'un syntagme verbal : P -> SN +

    SV,

    on

    dira

    que la

    catgorie SN a, dans

    cette

    rgle,

    la

    fonction

    de

    sujet,

    et

    que SV

    a

    la

    fonction

    de

    prdicats

    En

    revanche,

    dans

    la

    structure o le syntagme verbal

    est

    constitu d'un

    auxiliaire,

    d'un

    verbe et

    d'un

    syntagme

    nonominal

    (SV -*Aux + V + SN), on dira que SN

    a

    la

    fonction de

    complment

    (ou

    objet)

    dans

    la

    struc

    ture insi dfinie. La

    catgorie

    est distincte de la fonc

    tion"

    (5).

    La dernire

    phrase

    est rvlatrice du dbat

    engag. Si

    tout

    semble si

    clair,

    pourquoi

    assiste-t-on

    ces confu

    sions constantes ?

    Elles

    apparaissent en fait

    ds

    qu'on

    considre

    la rgle de rcriture de P :

    partir du moment

    o l'on postule que la phrase est constitue

    d'un

    SN

    et

    d'un SV

    et

    que ces derniers

    ont ogligatoirement les

    fonctions respectives

    de

    sujet

    et

    de

    prdicat,

    on procde

    une

    superposition

    parfaite des notions de catgories

    et

    de fonctions.

    Toute

    l'ambiguit

    vient

    du processus

    circulaire

    par

    lequel on analyse la phrase. Or, il s'en faut

    beaucoup que

    toutes les phrases soient

    constitues

    sur ce

    modle : d'abord, dans tous les exemples cits,

    il

    ne

    s'agit, que

    de

    phrases verbales; or, il

    existe d'autres

    types :

    phrases nominales "pures" (descriptions, titres

    d'ouvrages,

    exclamations

    comme

    Quel

    sale temps

    ),

    phrases ni verbales ni nominales (interjections,

    phrases-

    rponses comme

    oui

    non

    I)

    qui

    ont

    une

    toute

    autre

    structure

    puisque la

    fonction

    sujet

    n'existe pas.

    D'autre

    part, mme dans les phrases

    verbales,

    on peut relever au

    moins

    trois

    erreurs

    d'apprciation

    ;..

    a) Alors que la

    prsence

    d'un

    "prdicat verbal" est par

    dfinition

    obligatoire, celle

    d'un

    sujet ne

    l'est

    pas

    tou

    jours.

    On

    ne

    pense pas ici

    aux marques

    de personnes

    amalgames au verbe,

    mais

    certaines

    constructions

    comme le passif sans sujet de l'allemand

    (Gestern wurde

    gesungen "Hier, on

    a chant")

    ou les phrases verbales

    de certains

    langues extrme-orientales,

    comme

    le japo

    nais,

    o le sujet n'est

    exprim

    que

    s'il

    y a

    risque

    de

    confusion. >

    b) Lorsque le sujet est exprim, il n'y

    a

    aucune ncess

    itntrinsque

    qu'il

    apparaisse

    sous

    la forme

    d'un

    syn

    tagme

    nominal. Rien

    ne permet

    par

    exemple d'assimiler

    (SI

    ibid.,

    p. 216.

  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    4/6

    purement

    et simplement le

    nom

    et le pronom (en

    particulier

    dans

    le

    cas

    de je

    et

    tu)

    ou

    d'exclure

    arbitra

    irement les

    groupes

    verbaux subordonns

    (Que

    vous

    n'ayez pas rpondu

    mon offre

    ne m'tonne

    pas) ou les

    infinitivales (Me

    lever

    tous les jours cinq

    heures

    ne me

    gne

    pas).

    Ce

    n'est

    pas

    parce

    que

    SN

    est

    le plus

    frquent

    statistiquement

    qu'il faut

    occulter les autres

    syntagmes.

    c) Il ne faut pas se cacher que l'analyse en

    constituants

    immdiats, au niveau suprieur, repose sur une appr

    hension

    logique

    et

    a

    priori

    des

    faits

    linguistiques;

    en

    effet, la disparit des constituants de SV rend l'existence

    de celui-ci bien

    problmatique et, dans

    tous les cas, ne

    prsente aucune valeur opratoire. De plus, on ne sait

    jamais prcisment o se situent les limites du syntagme

    verbal :

    inclut-il les

    "adverbes

    de

    phrase"

    ? Non,

    puis

    qu on ne voit pas en quoi

    ils participeraient

    la fonction

    predicative. Et

    s'ils

    sont en dehors,

    il

    ne faut donc plus

    poser une division

    dichotomique

    de

    la

    phrase.

    Il y a

    dcidment bien

    des difficults ds que

    l'on

    choisit des

    exemples

    autres que le petit

    garon

    lance la balle.

    2)

    Si

    l'on essaie de reprendre le problme des

    catgories,

    on

    se

    rend

    compte qu'on

    peut

    facilement

    liminer

    certaines acceptions

    qui

    font

    double

    emploi. Ainsi,

    puisqu'on

    dispose

    du

    terme classe (classes

    distribution

    nellese la

    linguistique

    amricaine,

    classes

    de monmes

    de la

    linguistique

    fonctionnelle), on ne voit pas

    pourquoi

    on ajouterait

    la

    confusion

    en

    substituant

    ce

    mot

    celui de

    catgorie,

    dj

    polysmique.

    D'autre

    part, on

    est gn, ainsi

    qu'on

    l'a dit

    prcdemment, par

    le fait

    que

    les syntagmes soient

    des catgories au mme

    titre

    que

    les parties

    du

    discours, alors

    que, justement,

    les

    premiers tirent leur catgorisation des seconds (il s'agit

    de

    la

    nature

    du

    constituant principal). Et l, encore,

    puisqu'on

    dispose

    des termes

    syntagme et

    partie

    du

    discours (ou mot ou monme ou

    morphme selon

    les

    thories),

    on

    ne

    voit

    pas

    pourquoi

    on utiliserait

    t

    gorie, mme en le faisant suivre de syntaxique. C'est

    pourquoi

    et

    d'ailleurs

    l'auteur de

    l'article du

    dic

    tionnaire le signale explicitement , il

    convient

    de rete

    nir

    un

    seul type,

    savoir les modifications que "peuvent

    subir les membres de ces catgories de deuxime rang

    en fonction du

    genre,

    du

    nombre, de la personne, etc".

    Si

    beaucoup de

    linguistes

    n'utilisent catgories

    que

    dans

    le sens

    proprement grammatical,

    c'est qu'il est

    difficile de trouver un terme de

    remplacement.

    L'cole

    fonctionnai iste

    prfre

    modalits pour dsigner les

    monmes

    grammaticaux qui ne

    peuvent servir

    marquer

    la

    fonction,

    mais

    on

    se

    heurte

    un autre problme

    de polysmie. En effet,

    la

    modalit dfinit souvent le

    statut de

    la

    phrase (assertion, injonction,

    interrogation,

    exclamation) et, en grammaire generative, elle est

    un

    constituant

    immdiat

    de la

    phrase

    de base. Chez

    Bally,

    elle

    s'oppose

    au

    dictum, mais

    il est vrai qu'on

    peut

    lever l'ambigut en gardant le mot

    latin

    modus. Enfin,

    on ne peut

    ignorer

    les modalits logiques de

    vrit,

    contingence, ncessit, probabilit

    et

    possibilit. Face

    cette

    situation complexe, on pourrait

    songer intro

    duire une distinction entre catgories nonciatives

    (assertion,,

    interrogation, etc.) et catgories

    grammat

    icales nombre, temps, mode, etc.),

    et

    conserver mod

    alits

    pour l'analyse logique.

    De

    toute faon,

    quelle

    que

    soit.

    -la

    solutioa..adopter^on^ne -peut.

    ^'abstenir,

    de prciser

    les

    types de catgories ou de

    modalits

    auxquelles on

    a

    affaire, ce qui

    est rarement

    le cas dans

    la

    pratique.

    En rsumant

    la

    situation,

    on

    peut

    dire que

    les

    langues

    disposent de trois types de

    marquants :

    des

    marquants

    d'nonciation

    ou

    nonciateurs.

    des

    marquants

    de catgories

    grammaticales

    ou catgo-

    risateurs.

    des

    marquants de fonctions ou

    foncteurs

    (ou

    connect

    eurs).

    A

    l'intrieur de

    la phrase, on a donc

    d'une part

    des

    groupes

    syntaxiques

    et

    d'autre part divers

    marquants.

    Une des

    diffrences

    importantes

    est

    que les

    marquants

    renvoient

    plusieurs

    niveaux d'analyse (nonciatif,

    phrastique, intraphrastique) alors

    que

    les groupes

    se

    situent uniquement au niveau

    intraphrastique.

    En

    supposant

    qu'on ait russi

    tablir l consensus sur

    la

    notion

    de catgories

    par

    opposition

    d'autres

    types,

    il

    resterait

    dterminer

    avec prcision leur inventaire.

    D'une manire

    gnrale,

    on retient comme catgories

    verbales

    l'aspect,

    le

    temps,

    le

    mode,

    la

    personne

    et

    la

    voix

    et comme

    catgories

    nominales

    le genre (et la

    classe),

    le nombre, souvent la dtermination,

    et

    le cas.

    Mais

    un tel

    inventaire

    souffre de dfauts

    rdhibitoires :

    ces

    catgories sont rattaches

    des types

    de

    mots

    (parties

    du

    discours)

    alors

    qu'elle

    concernent

    des

    units

    gnralement plus grandes.

    on ignore par consquent

    un

    aspect fort important :

    les bases

    d'incidence;

    on intgre

    des renseignements qui n'ont rien de

    catgoriel.

    On

    a prcdemment

    mis

    en vidence le

    caractre circu

    laire

    de

    la

    dmarche

    generative

    qui

    consiste

    appeler

    un syntagme nominal lorsque le constituant

    principal

    est

    un

    nom

    et

    appeler

    nom

    l'lment principal d'un

    syntagme nominal. Ce sont finalement des donnes a

    priori

    reprises de

    la tradition

    sans

    examen

    critique.

    Or,

    il est

    tout

    fait possible de dfinir

    les

    units

    nguistiques grce aux

    catgories.

    Ainsi, une

    unit

    verbale

    se caractrise

    ou peut

    se caractriser

    par

    2

    des

    marques d'aspect,

    qui sont

    inhrentes

    la base

    de l'unit,

    appele

    traditionnellement

    "verbe".

    des marques de temps qui portent

    sur

    l'ensemble

    de l'unit.

    des marques

    de

    mode

    qui portent elle aussi sur

    l e

    nsemble

    de

    l'unit, mais

    qui, de

    plus, donnent des

    rense

    ignements sur le locuteur

    en

    situation d'nonciation.

    Les bases d'incidence des catgories

    nominales

    sont

    remarquablement

    parallles

    r

    le

    genre

    (ou

    l'espce

    ou

    la classe) est

    un trait inhrent

    la

    base de l'unit

    appele

    traditionnellement

    nom .

    le

    nombre

    porte sur l'ensemble de l'unit. ,

    la dtermination (dfinitude, monstration, etc.) est,

    elle

    aussi, une proprit de l'ensemble avec,

    en

    plus,

    un renvoi au

    locuteur

    qui ancre l'unit

    nominale

    dans

    l'univers du

    discours.

    Ce

    sont

    les

    seules

    catgories spcifiques

    que

    l'on

    retien

    dra

    our

    dfinir.

    les..

    units verbales

    et

    nominales.

    Nga-~

    tivement,

    les autres units syntaxiques seront

    appeles

  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    5/6

    catgorielles;

    M faut comprendre ce terme uniquement

    dans le sens

    de

    "qui ne possdent pas

    de catgories

    spcifiques".

    Une

    des consquences

    de cette

    limitation est

    le refus de

    considrer certains renseignements (lis des variations

    morphologiques)

    comme

    des

    catgories.

    C'est le

    cas,

    dans l'unit verbale, de la

    personne et

    de la voix.

    En

    effet,

    la

    personne

    est

    un lment

    extrieur

    au "verbe",

    mme

    si

    la morphologie de nombreuses

    langues

    la

    marque dans

    le

    lexeme

    verbal

    :

    elle renvoie

    au

    sujet,

    c'est--dire

    un groupe fonctionnel. D'ailleurs, si l'on

    voulait tre consquent,

    il faudrait aussi

    considrer

    la

    personne comme une

    catgorie nominale dans

    les

    langues

    o elle

    est

    intgre morpholigiquement (langues

    finno-ougriennes et smitiques par

    exemple). Quant

    la voix, elle commande

    la

    distribution des actants

    et

    elle est donc une proprit syntaxique de la base

    verbale,

    non une proprit catgorielle. Paralllement,

    il est impossible de

    considrer

    le cas

    comme une cat

    gorie nominale, car

    il est

    un marquant de fonction au

    mme

    titre

    que la

    prposition ou

    la

    position.

    On

    a

    vu

    souvent des linguistes prtendre

    que,

    dans

    certaines langues, l'opposition

    verbo-nominale

    n'exis

    tait as. Effectivement,

    dans

    certaines

    langues polyn

    siennes, on constate qu'une

    mme expression

    se

    traduit

    selon les contextes par

    // marche ou sa

    chaussure.

    Mais

    on ne

    fondera jamais une linguistique srieuse

    partir

    du mot : l'identit des lexemes

    et

    des marques de

    personnes

    n'empche

    pas de voir

    que,

    dans

    le premier

    cas, on

    a

    affaire

    une phrase

    verbale complte alors

    que

    dans le second

    il

    s'agit

    soit

    d'une rponse ( Que

    cherche-

    1- il

    ?, par exemple),

    soit d'un

    groupe

    nominal

    qui,

    seul,

    ne

    peut fonder

    d'nonc.

    En fait, s'il

    y a

    paralllisme

    des

    plans d'incidence s

    entre

    catgories

    verbales

    et

    catgories nominales

    :

    aspect *- lexeme -* genre (espce, classe)

    temps *- unit

    - - nombre

    mode *- unit + marques du

    locuteur - dter

    mination.

    s'il

    y a

    encore

    paralllisme en ce qui concerne la relation

    avec

    la personne et ressemblance sur le plan syntaxique,

    entre la voix

    et

    le cas qui renvoient tous

    deux

    au plan

    des fonctions syntaxiques, la

    nature

    smantique mme

    des catgories est

    profondment diffrente dans les deux

    units.

    3) En

    ayant bien

    dlimit. le

    domaine et

    le

    sens

    des

    catgories,

    il

    ne

    devrait

    plus

    y

    avoir

    de problmes

    pour

    marquer

    la

    limite

    avec les fonctions.

    En ralit, les

    phnomnes

    de superposition

    qu'on

    a mentionns

    ci-dessus

    demandent une attention

    particulire.

    Ainsi,

    le

    verbe

    est

    dfini comme un monme dont

    la

    seule

    fonction est

    d'tre prdicat.

    Mme

    si

    les fonctionnalis-

    tes ajoutent

    qu'il est

    seulement prdicatode lorsqu'il

    s'agit d'une

    proposition et

    que le

    verbe

    n'a

    pas

    de fon-

    tion predicative, mais

    un

    emploi prdicatif (on saisit

    d'ailleurs

    mal la

    diffrence),

    il est

    temps de

    souligner

    l'insuffisance de cette dfinition

    prtendument

    uni

    verselle. Dans Ravi de vous connatre ou Le temps

    d'aimer;

    tout

    h?

    monde

    s'accordera

    identifier connatre

    et

    aimer

    comme

    des verbes sans

    leur

    confrer

    d'emploi

    prdicatif. Il est

    toujours

    facile de parler de "formes

    nominales du

    verbe" (ce qui

    prouve,

    au

    passage,

    qu'une

    analyse

    fonde

    sur la

    notion de mot ou de

    monme

    ne va

    jamais

    jusqu'au

    bout de

    sa propre

    logique),

    mais,

    dans les

    exemples ci-dessus, on

    chercherait en vain

    ce

    qu'il y a

    de nominal dans les

    formes.

    En fait, on

    se heurtera

    toujours

    la mme

    impasse si l'on

    accepte

    pas

    de distinguer phrases verbales t- qui n'ont pas de

    fonction dans une unit plus

    grande

    et groupes

    verbaux

    qui sont fonctionnellement dpendants,

    soit

    d'une

    phrase verbale, soit d'une phrase nominale ou mme

    acatgorielle.

    On

    peut mme

    dire

    que

    le

    problme

    est

    plus

    vaste,

    car l'analyse linguistique implique que l'on

    classe

    d'abord

    les

    types

    de phrases, puis les

    types

    de

    groupes.

    Les notions de prdicat

    et

    de prdicatode sont

    en fait superflues dans l'analyse linguistique (du moins

    dans celle

    qui

    refuse toute

    intrusion

    de

    la logique). Ce

    que l'on peut dire, c'est que

    toute

    phrase ou

    tout gtoupe

    qui possde un

    noyau,

    lment

    irrductible

    qui

    com

    mande

    la

    distribution syntaxique

    des

    constituants, et ce

    noyau

    est

    un "verbe" dans la phrase verbale (ou le

    groupe), ou un "nom" dans

    la

    phrase nominale (ou

    le

    groupe). Par consquent,

    il

    n'y

    a aucune

    raison

    pour que

    le verbe

    soit "prdicat"

    dans une phrase qui ne serait pas

    verbale.

    Convient-il

    de parler de fonction pour le noyau ou

    d'emploi, comme le fait

    l'cole

    fonctionnelle

    ?

    A

    vrai

    dire,

    on

    entrevoit mal ce

    que

    peut recouvrir

    la

    dis

    tinction Le plus important

    est de montrer qu'il y a

    deux

    types

    de fonctions :

    les fonctions

    externes

    qui sont celles des

    groupes

    fonctionnels

    l'intrieur d'une unit

    plus

    grande, la

    limite suprieure tant celle de

    la

    phrase;

    les fonctions

    internes

    l'unit linguistique,

    quelle

    qu'elle

    soit.

    Cependant, la

    nature des fonctions

    dpend

    troitement

    du type de

    phrase

    considr : ainsi, la fonction "sujet"

    est caractristique de l'unit verbale

    l'exclusion de

    toute autre;

    en

    revanche,

    la

    fonction

    "nuclaire" est

    obligatoire et

    commune

    toutes les units.

    Il

    faut

    donc

    distinguer

    :

    les fonctions

    l'intrieur de l'unit verbale;

    les fonctions

    l'intrieur de l'unit nominale;

    les fonctions

    l'intrieur de l'unit acatgorielle.

    A

    propos de

    cette

    dernire,

    il faut

    remarquer

    que la

    distinction entre

    phrase et

    groupe est fondamentale.

    Les

    "interjections"

    traditionnelles

    ne peuvent

    tre

    que noyaux de phrases acatgorielles

    alors

    que les

    pronoms les

    adjectifs et

    les adverbes sont avant

    tout

    noyaux de groupes. Or,

    pour

    oprer une subdivision

    des

    groupes

    acategoriels, il faut recourir uniquement

    des

    critres

    de type

    fonctionnel

    :

    les groupes

    pronominaux sont des

    groupes

    qui oc

    cupent les mmes fonctions

    que

    les groupes nominaux

    sans

    en

    avoir

    les catgories;

    les

    groupes

    adjectivaux sont des

    groupes

    qui servent

    qualifier

    des

    groupes

    nominaux

    et

    pronominaux

    (et

    aussi verbaux dans le cas de

    structures

    attributive);

    les groupes adverbiaux se dfinissent ngativement

    comme

    n'exerant

    pas

    de

    fonctions

    actancielles

    et

    qualificatives

    de groupes

    nominaux

    ou

    pronominaux.

  • 7/26/2019 Catgories Et Fonctions

    6/6

    Il

    n'y

    a

    donc

    que

    les groupes adjectivaux

    n'exercer

    que des fonctions spcifiques (divisibles elles-mmes

    en

    fonctions

    qualitatives, possessives et situatives.)

    Mais

    ce fait interdit

    toute assimilation

    abusive entre le

    groupe

    fonctionnel

    et

    la fonction, comme le fait Tesnire

    avec

    la

    translation.

    Ce

    n'est pas parce

    que

    l'adjectif

    est

    vou

    remplir

    les fonctions

    particulires que ces

    dernires

    doivent tre exprimes uniquement par l ad

    jectif. De

    la mme manire, si une des tches fondament

    ales

    e

    l'adverbe est

    de

    remplir

    des fonctions

    circons

    tancielles, cela n'implique aucunement qu'elles s'expr

    iment

    uniquement par lui.

    Un

    groupe

    nominal

    utilis

    comme circonstant

    garde

    ses

    fonctions internes

    propres

    (sauf s'il est fig au cours du temps)

    et n'acquiert

    a

    ucunement la structure interne d'un groupe adverbial. On

    voit donc

    que

    les confusions

    persistantes entre

    catgories

    et

    fonctions tiennent pour

    une

    grande part l'ide

    que

    certaines fonctions sont inhrentes

    tel ou tel

    type

    de mot et

    que si,

    d'aventure, un

    autre

    mot exerce

    les fonctions en question, il se charge

    par

    l mme de la

    nature

    de l'autre mot spcialis, ce qui est totalement

    erron.

    Au-del de

    la

    clarification

    terminologique ncessaire,

    on

    voit que parler des catgories

    et

    des fonctions

    conduit

    tout droit au coeur de l'analyse linguistique.

    Plusieurs

    lignes

    de

    force

    sont dgages

    lors du prsent

    expos :

    Si l'on

    pratique

    une analyse en classes ou en

    parties

    du discours, on ne voit pas

    pourquoi

    on appellerait

    catgories les constituants d'un

    inventaire

    lexical ou

    grammatical. Le terme doit tre

    absolument rserv

    certains renseignements grammaticaux dont le Dlan

    d'incidence

    n'est

    pas, contrairement

    ce

    que

    pense

    A. Martinet, le

    monme,

    mais

    l'unit

    linguistique.

    Les catgories sont de

    nature

    exclusivement

    smant

    ique

    out comme les

    fonctions sont

    de

    nature

    exclus

    ivement

    relationnelle. Cette

    attitude

    a

    pour consquence

    de faire un tri svre

    parmi

    les dites catgories : seuls

    sont retenus pour l'unit verbale

    l'aspect,

    le

    temps

    et

    le

    mode, et

    pour

    l'unit nominale

    le genre,

    le

    nombre

    et la

    dtermination.

    En dehors de

    la

    fonction

    "nuclaire",

    commune

    toutes

    les

    units d'analyse linguistique,

    les

    fonctions

    varient

    selon

    les

    types

    de phrases

    et

    de groupes.

    Le fait

    qu'un

    groupe donn exerce de

    faon

    privi

    lgie

    une fonction

    donne

    n'implique absolument pas

    qu'un autre groupe

    exerant

    la mme fonction

    perde

    sa nature

    (et ventuellement ses catgories) pour adopter

    celle du premier.

    En aucun cas, il ne faut

    confondre

    units

    linguistiques

    et marquants

    (qu'ils soient

    d'nonciation,

    de

    catgorisa

    tion

    u

    de fonction).

    L'identit

    de

    certains lexemes

    et

    de

    certains

    marquants

    n'est

    jamais

    suffisante pour postuler

    une

    identit : cela condamne

    toute procdure

    atomis-

    tique qui part de l'lment

    minimal pour aboutir la

    phrase.

    Jack FEUILLET

    I.N.A.L.C.O.

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