Carnets de route d’un tueur à gages sentimental

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Carnets de route d’un tueur à gages sentimental Sylvie Ferrando

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Carnets de route d’un tueurà gages sentimental

Sylvie Ferrando

17.12 638580

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 216 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 17.12 ----------------------------------------------------------------------------

Carnets de route d’un tueur à gages sentimental

Sylvie Ferrando

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Du même auteur :

– Le Petit Pan de mur jaune et autres nouvelles, Edilivre, 2011

– Les Deux Frères et autres nouvelles, Edilivre, 2011 – Roma, l’avventura et autres nouvelles, Edilivre, 2011 – Les Mille et Une Nuits d’Abu Dhabi et autres

nouvelles, Edilivre, 2011 – Alger la belle et autres nouvelles, Edilivre, 2011 – Déserts (roman), Edilivre, 2012 – Les vies aléatoires (roman), Edilivre, 2013 – Les clowns nécessaires (théâtre), avec Emmanuel

Cuvillier, Edilivre, 2013 – L’homme en noir (roman), Edilivre, 2014

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Pour Christian P. Pour Benoît H. Pour Carina

Son nom est Jasper Brown. Ses rares amis le surnomment Jasp. Pour ses commanditaires, il est un mercenaire de la mort. Il parcourt le continent africain, au gré des missions qui lui sont confiées, pour modifier le destin des hommes. Il peut dire qu’il est le meilleur. Le plus précis, le plus rapide, le plus fiable. Des hommes de l’ombre le payent pour donner la mort, et il ne manque jamais de travail. Qui sont-ils ? Nul ne le sait – et lui moins que quiconque. Il aime ce métier, qui le mène dans les pays les plus variés de l’Afrique noire, continent dont il est issu, qui lui est encore et toujours étranger et qu’il redécouvre à chaque fois.

Son seul problème dans la vie, c’est qu’il est sentimental.

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Je remercie Marie-Claude Serre et Nathalie Claverie-Green-Armytage pour leur lecture attentive et leurs pertinents conseils.

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Chapitre 1

« Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle. »

Paulo Coelho

Jasper Brown déposa le bagage qui l’accompagnait sur la table basse d’une chambre d’hôtel plutôt miteuse. Les pales du ventilateur tournoyaient lentement au plafond, donnant l’impression de brasser un air lourd et épais. Peu importait la raison pour laquelle il avait échoué dans cet hôtel sordide de Libreville. Il devait y être contacté, voilà tout.

Il sortit son matériel pour le vérifier, méticuleusement. Pour faire son métier, il ne fallait pas seulement avoir de bons nerfs, il fallait être méticuleux, ordonné à l’excès. D’abord, il s’empara de la petite valise rigide, gris métallisé, si petite qu’elle

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pouvait tenir dans la poche arrière d’un jean serré. Il l’ouvrit et s’essuya les mains avec une lingette de produit désinfectant avant de saisir entre le pouce et l’index la seringue. Avec précaution, il dévissa la capsule d’un flacon plein d’un liquide incolore. Il trempa l’aiguille de la seringue dans le liquide et l’aspira. La seringue se remplit peu à peu et il l’agita de façon à voir le liquide circuler par transparence. Il y en avait assez, ce n’était pas la peine d’en ajouter. Il fit gicler quelques gouttes de produit en l’air, en prenant soin de ne pas s’asperger. Puis il replaça la seringue dans la boîte grise. Tout était prêt. Il n’y avait plus qu’à attendre. C’était une question de minutes.

Jasper Brown s’allongea sur le lit, les mains croisées sous la nuque, fixant les pales du ventilateur. Il aimait cette détente qui précédait la tension de la mission. Depuis quelque temps, il avait même réussi à éliminer le trac. Il arrivait dans l’hôtel, ni vu ni connu, on lui donnait une chambre, il accomplissait son travail, repassait chercher ses affaires et partait. La plupart du temps, personne ne se souvenait de lui. Il était l’homme-ombre, l’homme-fantôme. C’était bien comme ça.

Vrrrr. Son téléphone se mit à vibrer et à diffuser sa musique d’appel, un air de vieux jazz. Il s’en saisit et appuya sur la touche pour obtenir la communication. Sa mission à Libreville allait commencer.

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Chapitre 2

« – But I don’t want to go among mad people, Alice remarked. – Oh, you can’t help that, said the Cat, we’re all mad here. I’m mad. You’re mad. – How do you know I’m mad ? said Alice. – You must be, said the Cat, or you wouldn’t have come here. » « – Mais je n’ai nulle envie d’aller chez les fous, protesta Alice. – Oh, vous ne pouvez pas faire autrement, dit le Chat, ici, nous sommes tous fous. Je suis fou. Vous êtes folle. – Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice. – Vous devez l’être, répondit le Chat, sinon vous ne seriez pas venue ici. »

Alice’s Adventures in Wonderland (Les Aventures d’Alice au pays des Merveilles),

Lewis Carroll

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Journal de Samantha Perth 18 juillet 20**

« Je n’ai jamais été tout à fait à ma place dans cette organisation. Et pourtant, j’y suis mieux qu’ailleurs. J’appartiens à cette éthique du peuple, à cette culture du monde en développement, qui m’interdit de prendre part au gouvernement d’un pays, parce qu’il y a de grandes chances que les intérêts des citoyens soient foulés au pied par les officiels, que ceux-ci soient élus ou placés autoritairement au pouvoir. Dans certains pays d’Afrique, la démocratie est parfois l’autre nom de la dictature.

Je suis l’idéaliste des ONG, c’est ce que Steven me dit souvent. Une idéaliste littéraire, qui écrit sous forme fictionnelle ce qui, peut-être, arrive à d’autres tous les jours. »

* * *

« Je suis arrivée à Libreville aujourd’hui. Vol depuis New York, avec escale. Cette fois-ci, c’est un problème autour des gisements de pétrole qui m’amène. La succession d’Omar Bongo est lente à se mettre en place ; du coup, les sociétés d’extraction du pétrole en ont profité pour prendre à nouveau leur commission, une commission qui défie tout ce qu’on peut imaginer et qui, certains mois, avoisine les 70%. Difficile à croire dans ce pays où le troc est encore la

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façon d’échanger la plus courante… Mais les entreprises pétrolières ne peuvent s’empêcher d’adopter un comportement colonialiste, après l’heure et malgré l’indépendance. Elles extraient le pétrole, sans se préoccuper de l’environnement, elles prélèvent leur dû et vont s’installer ailleurs.

Je suis là un peu comme un gardien de la probité, comme un expert-comptable ou comme un inspecteur du contrôle des procédures. Si mon rôle n’est pas rétroactivement curatif, au moins il peut avoir une fonction de prévention. Certains directeurs financiers, des locaux ou des expatriés, sont intimidés par ma présence sur les lieux de production et n’osent plus faire un pas de travers, pendant quelque temps du moins. Je fouine, je fouille, je mets mon nez partout : dans les livres de comptes, bien sûr, mais aussi sur le chantier d’extraction, dans les ateliers et les bureaux. Je me montre, on doit me voir, savoir que je suis là. Je dois tenter d’empêcher le maximum de dysfonctionnements de se produire. J’entends dire dans les couloirs : « C’est la fille de Planet and Human Kind » ; j’entends dire aussi d’autres mots, des noms d’oiseaux, les pires horreurs, mais je m’empresse de les oublier… C’est ça que l’organisation attend de moi, c’est ça que Steven m’a conseillé de faire. Et Steven, je lui fais confiance, même s’il est l’une des têtes pensantes de l’organisation, et que je n’aime pas beaucoup les relations hiérarchiques. J’aimerais qu’il soit extérieur au système et n’avoir pas de compte à lui rendre… »

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Chapitre 3

« Il n’est pas nécessaire de construire un labyrinthe quand l’Univers déjà en est un. »

Borges, L’Aleph

Il avait mis les mains dans le cambouis, depuis qu’il était petit, il savait se salir les mains quand il le fallait. Sa richesse, il l’avait gagnée sou à sou, à la sueur de son front, à force de ruse, de malignité et de persévérance. De ruse et de malignité, parce qu’il savait que les voies qu’il choisissait n’étaient pas les plus droites ni les plus vertueuses. De persévérance, parce qu’il visait un seul but : sortir d’une condition misérable, avoir le train de vie des plus puissants de ce monde. Il avait du talent pour le trafic. Négocier, s’entremettre, c’était ce qu’il savait faire de mieux. Sans compter les soirées occultes.

Mais là, ce qu’il avait découvert dépassait ses pires prévisions, ses craintes les plus précises. C’était

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quelque chose qui pouvait mettre à bas tout l’édifice patiemment bâti. Il était fidèle au président tant que celui-ci protégeait ses intérêts, et c’était le cas pour le moment : il était bien en cour. Donc, pas touche au président.

Il s’essuya le front avec un large pan de tissu bariolé. La chaleur était en train de monter. Il fallait agir vite, mais prudemment, pour ne pas éveiller les soupçons. En aucun cas la presse ne devrait s’en mêler. Même le président ne serait pas mis au courant. Ce complot allait être démantelé dans le plus grand secret. Heureusement, il avait l’homme qu’il fallait.

Certes, il pouvait agir en organisant quelques séances nocturnes lors desquelles des sorts seraient jetés, mais il espérait que ce ne serait pas la peine. Inutile de prendre des risques. On lui avait dit grand bien de cet homme. Il regarda la pendule accrochée au mur lambrissé – il avait conservé de son enfance l’habitude de ne pas porter de montre et, depuis lors, à chaque fois qu’il tentait de serrer un bracelet sur son poignet, celui-ci lui rongeait la peau ; le temps était quelque chose de subjectif. C’était l’heure, l’heure d’appeler celui qui allait faire le travail.

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Chapitre 4

« En même temps il lui semble que tout le sang de ses veines retombe sur son cœur en pluie glacée. »

Georges Bernanos

Jasper entra dans la boîte de nuit sans difficulté, le videur de l’entrée lui souriant de toutes ses dents en s’effaçant pour lui céder le passage. Son teint de métis lui ouvrait beaucoup de portes en Afrique. Son habillement soigné d’occidental aussi. Il faisait toujours attention à son apparence physique quand il était en mission. Le moindre défaut pouvait faire échouer ses plans.

« Le Diamant noir » rutilait de mille feux : spots multicolores, boules kaléidoscopiques et paillettes halogènes dans les couloirs, dans les salles et dans la cour intérieure. Habituellement, l’animateur du cabaret, un Mauritanien filiforme et homosexuel,

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accueillait les clients sous une large tente plantée dans la cour. Il ne s’y trouvait pas : peut-être était-il au trou ou bien encore mort du sida…

Jasper déambula un peu. Les clients étaient encore peu nombreux, à cette heure. Le mur du fond de la principale salle de danse était sombre, et il s’y installa. Il ne restait qu’à attendre.

– Qu’est-ce que tu bois ? Un homme grand et mince, vêtu d’un pantalon

noir de smoking et d’un gilet rayé, lui adressait la parole en se penchant vers lui.

– Un gin fizz. Il fallait donner le change. Commander un

cocktail, y tremper à peine les lèvres. Il n’avait pas besoin d’alcool dans le sang, ce soir, pour faire son métier. Les paradis artificiels, ce n’était pas pour lui. Jamais. Trop besoin de précision, de toutes ses capacités physiques. Il faisait semblant, c’était tout.

Bordel, mais il y avait donc personne dans cette boîte. Encore une bonne heure à tuer le temps. Jasper s’était renseigné, l’homme arrivait toujours un peu avant minuit. Quelques couples enlacés flirtaient sur les banquettes, d’autres swinguaient en se déhanchant exagérément sur la piste. Au « Diamant noir », on venait pour se montrer, pour voir son image se reproduire en miroir dans les prunelles des noctambules ou sur les vitres murales, pour se reconnaître dans les silhouettes irisées par la sueur de la danse, revêtues de paillettes lumineuses. Les

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individus bigarrés, habitants de Libreville, autochtones, touristes et expatriés, étaient confondus dans le même mouvement lascif, la même onde de plaisir du corps.

La salle s’emplissait peu à peu. L’homme entra dans la salle, et Jasper le reconnut

immédiatement. C’était comme si un souffle de sirocco, ce vent âcre du désert, avait pénétré avec lui. Il était vêtu d’un costume écru qui mettait en valeur sa silhouette élancée et sa peau sombre. Il était accompagné de deux femmes : l’une, en tailleur gris perle à franges, devait être son assistante et maîtresse. La deuxième, beaucoup plus jeune, était sans doute sa fille. Toutes deux, élégantes et fardées, attiraient le regard. Jasper s’assura qu’aucun agent ou garde du corps ne se trouvait à proximité. Le boulot allait être suffisamment difficile avec deux témoins proches, qu’il lui faudrait éloigner de Matar M’Boussou, patron craint et admiré du « Diamant noir ». On racontait qu’il était à la tête du dispositif de racket des bars et des établissements de commerce de la ville, que sa fortune reposait en bonne part sur la fraude fiscale. Tout le monde savait plus ou moins que Matar organisait des trafics pas très propres et rackettait les petits patrons de Libreville. Il faisait partie du versant sombre de la capitale, celle de son administration corrompue et de ses passe-droits. Dans ce système pourri, Jasper n’était qu’un exécutant, qui faisait les basses besognes dont personne ne voulait.

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Jasper plissa le nez : la présence des deux femmes n’était pas prévue. Bien sûr, Matar était entouré tous les soirs, mais pas de façon si rapprochée. Il allait falloir trouver une ruse pour éloigner au moins l’une des deux femmes. Le genre d’activité à laquelle Jasper se livrait nécessitait de prendre son temps au moment du repérage. Le bon moment finissait toujours par se présenter. Ne pas être pressé. Saisir l’opportunité.

Jasper croisa les jambes, se renfonça dans la banquette. Ça s’agitait sec sur la piste. Les noctambules de Libreville se donnaient rendez-vous au « Diamant noir » pour discuter et passer du bon temps. C’était le cas aussi pour Matar M’Boussou. Ce soir, il n’était pas en affaires, il était là à titre privé. Il avait l’air très amoureux de sa partenaire, à en juger par les baisers qu’il lui faisait dans le cou. Sa fille, elle, semblait faire la tête. Mais tout cela n’entrait pas en ligne de compte. Rien d’autre que son objectif ne préoccupait Jasper Brown. Dans deux heures tout au plus, l’histoire d’amour de M’Boussou ne serait plus que de l’histoire ancienne, et sa fille n’aurait pas trop de ses deux yeux pour pleurer. Il tâta à travers sa poche le boîtier qui contenait la seringue, la seule chose qui lui importait ce soir-là.

A une heure du matin, aucune occasion ne s’était présentée. Les deux femmes, assises de part et d’autre de Matar, ne le quittaient pas des yeux, ou peu s’en fallait. Pire que des gardes du corps. A une heure dix, la maîtresse de Matar se leva et s’éloigna en direction

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des toilettes. Matar se rapprocha de sa fille. Ils se parlèrent avec animation un moment, puis l’assistante réapparut. Jasper n’avait pas pu faire un geste. Impossible de se glisser par derrière, la banquette était adossée au mur. Allait-il devoir entrer en contact direct avec sa victime ? Cela lui était déjà arrivé, une fois. C’était dangereux, car l’effet de surprise était moindre, la victime pouvait crier, donner l’alerte avant de sombrer dans l’inconscience. Non, vraiment, il ne le ferait qu’en dernier recours. Mieux valait encore attendre. A deux heures moins le quart, Matar et sa partenaire se levèrent pour rejoindre la piste de danse. L’assistante paraissait un peu soûle et Matar la soutenait par la taille. Ils se déhanchèrent au rythme de la musique afro, et Jasper dut s’avouer qu’ils formaient un beau couple. Leurs mouvements s’accordaient parfaitement et, à travers les ouvertures laissées par les autres danseurs, on les regardait avec plaisir. Puis la musique se fit plus langoureuse. Jasper serra le boîtier dans sa poche. Il sentit l’occasion. Le chasseur s’éveilla en lui.

Rien de tel que la foule pour cacher la mise en œuvre d’un assassinat. Un pas, deux pas, trois pas. Jasper se sentit porté par les couples enlacés sur la piste. Il avait la seringue dans sa main, l’aiguille tenue, par précaution, le long de la cuisse, les doigts serrés sur la partie extrême de l’aiguille. Surtout atténuer les chocs, jusqu’à sa cible. Garder le cap jusqu’à ce qu’il ait atteint le centre de la piste. Se placer juste derrière

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Matar et frapper, à l’endroit où l’aiguille pénètre dans le gras de la chair. A peine plus profond qu’une petite piqûre d’insecte, indolore, au-dessus du col de la chemise. Une piqûre qui serait indécelable lorsque le corps serait examiné, après la mort.

Lentement Jasper progressait au milieu de la foule des danseurs. Il approchait. Plus que deux ou trois mètres et il serait derrière sa proie. Déjà il apercevait le petit carré de chair où il allait frapper, avec précision. On le bouscula, il fut projeté contre un couple qui flirtait. Merde ! Attention… Il s’assura qu’on ne l’avait pas repéré, lui, un homme seul qui évoluait au milieu des duos de danseurs. Saisir l’opportunité. C’était maintenant. Il leva le bras droit et planta doucement l’aiguille dans la nuque un peu luisante de l’homme. Pas plus de dix millimètres de profondeur. Une seconde, puis il retira l’aiguille. Personne n’avait rien vu, et l’homme n’avait rien dû sentir, tout à son entreprise de séduction de sa compagne. Lentement, Jasper s’écarta et repartit en direction de la sortie la plus proche. Dans quelques dizaines de secondes, l’homme serait pris d’étourdissements, il commencerait à tituber, la face congestionnée, puis à s’effondrer, perdant connaissance, jusqu’à l’issue fatale. Personne n’en réchappait. Jamais.

Jasper devait à présent se retirer avec discrétion. Il sortit de la boîte de nuit, se retrouva à l’air libre, sur le trottoir. L’air humide l’assaillit d’un coup. Il fit